Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 7 - Témoignages du 11 juin 2014
OTTAWA, le mercredi 11 juin 2014
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été renvoyé le projet de loi C-25, Loi concernant le décret constituant la bande appelée Première Nation Qalipu Mi'kmaq, se réunit aujourd'hui, à 18 h 61, pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir. J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs et à tous les membres du public qui assistent à la présente séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones ou qui la regardent sur CPAC ou sur le Web. Je m'appelle Dennis Patterson et je viens du Nunavut. Le comité a le mandat d'examiner les dispositions législatives et, de façon générale, les questions relatives aux peuples autochtones du Canada.
Ce soir, nous sommes ici pour entendre des témoignages dans le contexte d'un ordre de renvoi précis nous autorisant à examiner, en vue d'en faire rapport, le projet de loi C-25, Loi concernant le Décret constituant la bande appelée Première Nation Qalipu Mi'kmaq.
Aujourd'hui, nous allons écouter trois témoins : Mme Jaimie Lickers, conseillère de l'Assemblée des Premières Nations micmaques de Terre-Neuve; et, à titre personnel, Mmes Pauline Tessier et Helen Darrigan. Mme Tessier et Mme Darrigan ont présenté une demande d'inscription à la bande Qalipu Mi'kmaq qui n'a pas encore été traitée.
Avant que nous n'entendions les témoignages, j'aimerais faire un tour de table et demander aux membres du comité de bien vouloir se présenter.
Le sénateur Moore : Bonsoir. Je suis Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Dyck : Lillian Dyck, de la Saskatchewan.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Sandra Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Baker : George Baker, Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Watt : Charlie Watt, du Nunavik.
Le sénateur Ngo : Than Hai Ngo, de l'Ontario.
Le sénateur Meredith : Don Meredith, Ontario.
La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, Ontario.
Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.
Le président : Chers collègues, j'ai présenté les témoins. Mme Pauline Tessier a fait le trajet depuis Corner Brook, à Terre-Neuve, où elle réside, et Mme Helen Darrigan nous vient d'Oakville, en Ontario. Comme je l'ai mentionné, Mme Lickers se joint à elles.
Mesdames, nous avons hâte d'entendre vos exposés, qui seront suivis de questions des sénateurs. Je demanderais à Mme Lickers de bien vouloir commencer, puis nous écouterons les deux autres dames. Je suggérerais aux membres du comité d'attendre que les exposés aient été présentés pour poser leurs questions.
Je crois savoir que Mme Lickers a un mémoire, des notes d'allocution et un diaporama. Vu les délais serrés, ces documents n'ont pas pu être traduits en français. Sachant cela, est-ce que les membres du comité consentent à ce que je fasse distribuer les documents?
Des voix : D'accord.
Le président : Merci. Nous pourrions prendre les dispositions nécessaires pour faire distribuer les documents à l'aide de la page, et nous allons faire faire des copies pour tout le monde au besoin. Je vous cède la parole, dans ce cas, madame Lickers.
Jaimie Lickers, conseillère, Assemblée des Premières Nations micmaques de Terre-Neuve : Merci, monsieur le président. Au nom de l'Assemblée des Premières Nations micmaques de Terre-Neuve, je vous remercie de m'avoir invitée à venir ici ce soir. Notre mémoire présente l'organisation en détail, ainsi que l'histoire de ce que j'appelle l'APNMTN. Je n'ai pas l'intention de m'étendre là-dessus, mais je voudrais simplement résumer le mandat de l'organisation. Il s'agit de représenter des membres de la bande micmaque Qalipu ainsi que les personnes qui demandent le statut de membre de la bande, et de faire du lobbying dans le but que toutes les demandes d'inscription comme membre d'une bande et comme Indien soient traitées de façon juste et équitable.
Je n'ai pas l'intention de passer beaucoup de temps à parler de ce qui a mené au projet de loi C-25 ni de l'accord concernant la reconnaissance de la bande. Je pense que la plupart des gens ici présents connaissent l'histoire des Micmacs de Terre-Neuve. Je crois cependant qu'il est important de garder en tête que les Micmacs de Terre-Neuve se sont battus pendant des siècles pour faire reconnaître leur existence avant que cet accord ne soit conclu. Autrefois, ils étaient marginalisés dans la province. On leur refusait l'accès aux programmes et services offerts aux autres Premières Nations du Canada. Ils ont dû intenter une action devant la Cour fédérale pour forcer le gouvernement fédéral à négocier au sujet de l'existence de la bande. C'est avec cela en tête que nous sommes ici ce soir pour parler du projet de loi C-25 et des modifications apportées à l'accord concernant la reconnaissance de la bande.
Je tiens à souligner le fait que, selon le préambule du projet de loi C-25, le projet de loi doit être adopté pour garantir l'application juste et équitable des critères d'admissibilité et pour protéger l'intégrité de la bande Qalipu. J'affirme devant vous que ce n'est pas le véritable objectif du projet de loi C-25 et que l'objectif est en réalité de soustraire le gouvernement fédéral, la bande Qalipu et la Fédération des Indiens de Terre-Neuve à la responsabilité découlant de la mauvaise gestion du processus d'inscription.
Quand je parle d'équité, il s'agit d'équité procédurale. Il s'agit d'équité pour toutes les personnes qui demandent le statut de membre de la bande. Est-il équitable qu'une personne se voie refuser le droit de devenir membre d'une bande et le droit au statut d'Indien parce qu'elle a oublié de cocher une case dans un formulaire de demande ou d'envoyer son certificat de naissance détaillé? Il ne faut pas oublier que les droits en jeu qui ont trait à l'accord sur la reconnaissance de la bande sont de la plus grande importance. Il s'agit de la culture et du groupe auquel les gens concernés croient appartenir. Les exigences relatives à l'équité procédurale envers ces gens ne changent pas parce que le comité chargé de l'inscription a été submergé par les demandes.
Ce qui est équitable, c'est de ne pas appliquer rétroactivement les critères d'admissibilité modifiés. Ce n'est pas de modifier ces critères de sorte que les gens qui ont présenté leur demande après le 22 septembre 2011 doivent assumer un fardeau plus important pour prouver qu'ils appartiennent à la culture micmaque comme ils le croient.
Ce n'est pas d'informer les demandeurs en 2013 du fait qu'ils vont devoir présenter des renseignements exhaustifs et souvent impossibles à obtenir datant de 2008 ou d'avant.
Les critères d'admissibilité pour l'inscription au sein de la bande demeurent peut-être les mêmes, mais l'application différente de ces critères donne lieu à un traitement différent. L'application différente des critères d'inscription pourraient très bien faire en sorte que des frères ou des sœurs aient un statut différent pour ce qui est de l'appartenance à la bande et du statut d'Indien aux termes de la Loi sur les Indiens.
J'affirme devant vous qu'il n'est pas équitable de soustraire les parties concernées à leur responsabilité découlant de la mauvaise gestion du processus d'inscription. Il n'est pas équitable de retirer leurs droits prévus par la loi à des gens qui ont consacré du temps et de l'argent à des recherches historiques et généalogiques et à la préparation de leur demande, ainsi que de les empêcher d'accéder à des recours juridiques véritables pour obtenir une indemnisation.
Il n'est pas équitable de refuser des gens qui ont pris des décisions cruciales dans leur vie en fonction de leur statut et de leur appartenance à la bande. Pour assurer l'équité, il faut aussi permettre aux Indiens inscrits qui sont membres de la bande Qalipu de se prévaloir des dispositions de contestation de la Loi sur les Indiens si leur appartenance à la bande et leur statut sont révoqués. À l'heure actuelle, le projet de loi C-25 n'autorise pas les membres de la bande Qalipu qui ne seront plus visés par le décret à accéder aux dispositions de contestation de la Loi sur les Indiens.
J'aimerais prendre un instant pour aborder les parties du projet de loi qui posent problème. L'article 3 permet au gouvernement en conseil de modifier le décret constituant la bande micmaque Qalipu et de faire en sorte qu'une personne ne soit plus visée par celui-ci, ce qui entraînera la révocation du statut d'Indien et de membre de la bande de cette personne. Pour l'instant, les raisons pour lesquelles le gouverneur en conseil exercerait ce pouvoir ne sont pas claires. Le projet de loi n'exige nullement que le gouvernement en conseil agisse sur les conseils du comité d'inscription ou d'une autre partie.
Par ailleurs, en règle générale, lorsqu'un Indien inscrit au Canada voit son nom rayé du Registre des Indiens, cette personne a accès à la disposition de contestation de la Loi sur les Indiens qui lui permet de lancer un processus de contestation plutôt officieux de la décision du registraire de retirer son nom de la liste de la bande. En permettant au gouverneur en conseil de rayer des noms de la liste au moyen d'un décret, on ferait en sorte que le registraire ne puisse plus intervenir et que la personne dont le nom est rayé du registre n'ait plus véritablement accès à la disposition de contestation de la Loi sur les Indiens. Le registraire est tenu d'appliquer un décret valide.
Cela signifie que les gens dont le nom sera supprimé de la liste de la bande Qalipu par voie de décret devront présenter une demande de contrôle judiciaire, ce qui est coûteux, qu'ils devront retenir les services d'un avocat et qu'ils devront consacrer encore plus de temps et d'argent à la lutte qu'ils mènent pour faire reconnaître leur culture. Encore une fois, on traite les Micmacs de Terre-Neuve différemment.
L'article 4 du projet de loi pose également problème, car il retire aux personnes et aux entités concernées le droit prévu par la loi de réclamer que le gouvernement fédéral, la bande ou son conseil ou une autre entité les indemnisent parce que leur nom a été rayé de la liste de la bande ou omis. Cette disposition soustrait le gouvernement fédéral, la bande, le conseil et la Fédération des Indiens de Terre-Neuve à toute responsabilité découlant de la façon dont le processus d'inscription a été mené.
On enlève ainsi à des gens un droit fondamental prévu par la loi et accordé à tous les citoyens de notre pays. Il appartient aux tribunaux de décider de la responsabilité des parties qui se présentent devant eux ainsi que de l'indemnisation. Enlever ce droit aux personnes qui demandent le statut de membre d'une bande et aux membres de cette bande, c'est leur enlever un droit fondamental prévu par la loi.
L'Assemblée des Premières Nations micmaques de Terre-Neuve est contre le projet de loi C-25. Nous affirmons que le projet de loi ne devrait pas être adopté et que toutes les personnes qui demandent le statut de membre de la bande devraient pouvoir faire examiner leur demande en fonction de l'accord initial concernant la reconnaissance de la bande.
Merci.
Le président : Merci beaucoup. Nous sommes en train de distribuer vos notes d'allocution et votre mémoire. Merci de nous les avoir fournis.
J'aimerais maintenant demander à Mmes Tessier et Darrigan de prendre la parole. Je devrais mentionner qu'elles aussi ont eu peu de temps pour se préparer à venir témoigner et qu'elles se sont engagées à nous présenter leur mémoire ultérieurement. Elles vont donc nous présenter des exposés qui seront fournis au comité par écrit après leur témoignage.
Madame Tessier, c'est vous qui deviez commencer, je crois. Vous avez la parole.
Pauline Tessier, à titre personnel : Bonsoir, honorables sénateurs. Je m'appelle Pauline Scott-Tessier. Pour commencer, j'aimerais vous remercier pour le privilège et l'occasion de comparaître devant vous ce soir pour vous faire part de mes préoccupations au sujet du projet de loi C-25.
Je suis une indienne non inscrite. Mes origines autochtones m'ont officiellement été confirmées en 2011, lorsque je me suis identifiée comme indienne non inscrite.
Le projet de loi C-25 est une grande source de préoccupation pour moi et bien d'autres habitants sur l'île ou ailleurs. Si le projet de loi est adopté sous sa forme actuelle, une grande injustice sera commise, selon moi, à l'endroit du peuple micmac de Terre-Neuve pour la deuxième fois. Quelque 101 000 personnes ont présenté une demande à la bande de la nation Qalipu, mais je suis convaincue que bien d'autres, connaissant leurs origines autochtones, n'ont pas pu produire les documents requis pour devenir membres de la bande.
Ce nombre inquiète beaucoup le gouvernement et la FITN, et je me demande pourquoi ils n'ont pas fait leurs devoirs lorsqu'ils ont établi leurs prévisions, avant de commencer à traiter les demandes. Il suffisait de jeter un regard en arrière, de constater le nombre d'enfants nés et de faire le calcul; on s'aperçoit alors que 101 000 n'est pas un nombre si choquant. Je pense que le gouvernement et la FITN savaient qu'il y avait plus de 8 700 Autochtones sur l'île, mais qu'ils ont fait un mauvais calcul, croyant qu'un grand nombre ne présenteraient pas de demande.
Mon ancêtre autochtone, Mary Joe-Park-Brooks, compte des milliers de descendants, qui habitent un peu partout sur l'île ou sur le continent canadien. Si vous feuilletez l'annuaire de téléphone de Corner Brook, dans la baie des Îles, vous constaterez que Park est un nom très courant dans la région. Tous les Park sont des descendants de mon ancêtre, mais ils n'obtiendront pas tous le statut d'Indien. Le même sang coule dans nos veines, mais ce sont l'adresse et la date de reconnaissance qui détermineront les membres de notre famille qui seront acceptés ou refusés. Ainsi, un frère pourrait être accepté, mais pas sa sœur.
Une fois l'accord de principe ratifié, les gens avaient quatre ans pour demander de devenir membre de la Première Nation Qalipu. Au cours de cette période, 23 877 personnes sont devenues des Indiens inscrits. D'autres ont en main des lettres indiquant que leur nom sera ajouté à la liste des membres fondateurs de la bande à l'issue de l'examen en cours.
Le formulaire de demande ne comportait aucune question visant à déterminer si la personne était déjà membre d'une bande, ou si elle s'était identifiée comme Autochtone et à quel moment, le cas échéant. Pourquoi ces questions ne figuraient-elles pas sur le formulaire et pourquoi a-t-il fallu quatre ans pour les poser? Combien d'argent les gouvernements provinciaux partout au Canada ont-ils recueilli de personnes voulant obtenir une preuve écrite de leur ascendance micmaque, pour apprendre que la FITN et le gouvernement avaient changé les règles à mi-chemin?
En ce qui concerne la prétendue clarification, combien de personnes siégeant au conseil sont membres de la FITN et se sont identifiées comme Micmacs avant 2008? Combien d'entre elles ont participé à des activités culturelles micmaques avant que ne soit soulevée la « question de clarification » et est-ce qu'elles ont toutes fourni les documents historiques prouvant leur ascendance autochtone? Les membres du conseil de la bande Qalipu ont-ils tous approuvé l'accord supplémentaire visant à clarifier les critères d'inscription?
En tant qu'Indienne non inscrite, je m'interroge beaucoup, depuis un certain temps, sur l'intégrité du processus d'inscription qui a été convenu entre les parties et qui est maintenant appliqué par la Fédération des Indiens de Terre-Neuve et le gouvernement du Canada, à un point tel que j'ai écrit au ministre Valcourt le 27 mars pour lui faire part de mes préoccupations.
Je conviens que le gouvernement et la FITN doivent revoir toutes les demandes, mais j'estime que le processus de réévaluation ou de clarification doit tenir compte de l'ascendance.
La preuve de l'ascendance est essentielle à l'obtention du statut d'Indien. Pourquoi n'en tient-on pas compte dans le cadre de la réévaluation des demandes? Au total, 6 000 personnes ont vu leur demande rejetée sans appel parce qu'elles avaient omis une signature ou n'avaient pas remis leur acte de naissance. Pourtant, le gouvernement et la FITN, en l'absence de documents historiques, sont prêts à accepter des affidavits comme preuve d'ascendance. Les affidavits signés conviennent peut-être comme document complémentaire, mais ils ne devraient pas remplacer les documents concernant les ancêtres et les renvois historiques. Si on ne tient pas compte de la preuve d'ascendance, j'estime que cette deuxième évaluation laisse grandement à désirer et manque de crédibilité. Manifestement, les antécédents ancestraux ne sont pas importants pour le gouvernement et pour la FITN.
Les Autochtones de Terre-Neuve ne sont pas tous reliés entre eux, et le document commandé par la FITN, intitulé The Micmac Shore, contient de nombreuses erreurs et lacunes en ce qui concerne les origines ancestrales. Pourtant, je crois comprendre que ce document sert à déterminer si une personne obtiendra ou non le statut d'Indien. Si l'on se sert d'un tel document pour vérifier les origines ancestrales, il va sans dire qu'une grande injustice sera commise à l'endroit de tous.
La FITN, le gouvernement et le peuple micmac ont pour lourde responsabilité de s'assurer de l'exactitude des informations transmises, non seulement à des fins de reconnaissance, mais aussi pour protéger les générations à venir. Nous parlons de l'histoire d'une nation qui a été laissée pour compte par les gouvernements fédéral et provincial pendant 65 ans. Les renseignements erronés se répercutent sur les contribuables canadiens, la nation Qalipu et nos antécédents familiaux personnels. Que peut-on faire si une personne obtient son statut d'Indien et est acceptée en tant que Micmac sur la foi d'informations erronées, si l'on détermine plus tard que des gens ont été acceptés sans documentation adéquate? Comment pourra-t-on redresser la situation?
Si le projet de loi est adopté tel quel, les gens pourront peut-être intenter un recours devant les tribunaux, mais le fardeau financier sera énorme pour eux puisque le gouvernement n'aura pas à assumer les frais des erreurs passées, sans compter qu'ils ne seront pas dédommagés. C'est pourquoi je pense que l'adoption du projet de loi sous sa forme actuelle dissuadera les personnes qui souhaiteraient tenter une action. Lorsque nous faisons affaire avec le gouvernement, il ne faut jamais oublier que celui-ci a le bras long et les poches pleines, qu'il peut causer la faillite non seulement de familles, mais de n'importe quel groupe.
Nous constatons tous ces lacunes, et pourtant, le gouvernement cherche à faire adopter le projet de loi C-25 et à faire en sorte que ni la bande de la nation Qalipu, son conseil et son chef, ni le gouvernement ne pourront être tenus responsables maintenant ou plus tard des erreurs passées. Si le gouvernement était convaincu que le processus était sans faille, pourquoi aurait-il senti le besoin de présenter le projet de loi C-25? De toute évidence, il pense qu'il y a des lacunes et que la seule façon de les corriger et de se protéger, lui-même ainsi que la nation Qalipu, est d'adopter une loi.
Je suis très troublée par les propos du ministre Valcourt, qui a déclaré devant le comité de la Chambre des communes que c'était la ruée vers l'or. Mais de quel or parle-t-il? En devenant membre d'une nation autochtone, une personne a accès à des services de santé non assurés, à des subventions pour les études postsecondaires et à un droit de vote au moment des élections de la bande. Puisqu'il n'y a pas de réserve, les membres de la bande Qalipu paieront des impôts, comme ils l'ont toujours fait et comme le fait le reste du Canada. Bon nombre d'entre nous avons une assurance privée et nous nous faisons vieux; nous n'aurons pas besoin d'aide financière pour des études postsecondaires. Le grand mystère est de savoir pourquoi tant de gens ont présenté une demande.
Je suis convaincue qu'un grand nombre d'entre nous avons décidé qu'il était temps d'être reconnus en tant que peuple, qu'il s'agit de notre identité. Nous sommes restés dans l'ombre trop longtemps, mais nous avons survécu à toutes les tentatives visant à se débarrasser de nous. La communauté autochtone se porte mieux que jamais de nos jours.
La sénatrice Lovelace Nicholas a demandé à M. Saranchuk comment on pouvait recréer une nation qui avait toujours existé et pourquoi la nation était venue à disparaître au départ. La réponse de M. Saranchuk en disait long. Il a affirmé que :
Les Autochtones étaient là, qu'il s'agissait de reconnaître les véritables membres fondateurs et que c'est ce que le gouvernement et la fédération cherchaient à faire.
Il y a un seul moyen d'identifier les véritables concernés, soit en établissant des lignées ancestrales qui sont justes à l'aide de documents historiques valides.
La FITN et le gouvernement ont recensé 67 communautés micmaques sur l'île à ce jour. Certains endroits, comme Placentia et la baie de Fortune sur la côte Sud-Est, ainsi que Port aux Choix, Bartlett's Harbour et bien d'autres de la côte Nord-Ouest, ont été exclus, même si l'histoire nous apprend que les Micmacs s'y étaient installés. La région même où a vécu le Micmac le plus célèbre de la province, Mattie Mitchell, est omise de la liste. Pourquoi?
Des familles conscientes depuis toujours de leurs origines micmaques ont été refusées, parce qu'elles habitent ailleurs que dans des régions précisées. Il est pourtant bien connu que les Micmacs, comme d'autres groupes autochtones, n'étaient pas sédentaires et qu'ils se déplaçaient pour trouver de la nourriture et s'installer là où ils pouvaient assurer leur subsistance.
Comme bien d'autres demandeurs, je suis née et j'ai grandi dans une communauté micmaque reconnue, Corner Brook, où j'habite encore. J'avais 58 ans lorsque j'ai pris connaissance de mes origines micmaques. Je me suis alors renseignée sur la façon de se joindre à une bande dans ma région. Comme bien d'autres, j'ai appris que les bandes n'acceptaient pas de nouveaux membres et que je devais présenter une demande à la nation Qalipu.
Depuis que j'ai appris mes origines, je me suis identifiée publiquement comme autochtone, j'ai renseigné ma famille au sujet de nos ancêtres, et je me suis jointe à plusieurs groupes sur Facebook afin d'en savoir plus sur la culture et les traditions micmaques. J'ai encouragé ma famille à se manifester et à présenter une demande à la nation Qalipu pour prendre la place qui leur revient de droit. J'ai assisté aux célébrations de la Journée nationale des Autochtones. Je me suis rendue en Nouvelle-Écosse pour parler à des Autochtones, pour leur dire que je venais d'apprendre mes origines, et, j'ai écouté tout ce qu'ils avaient à me dire. J'ai embrassé mon identité, et je suis fière de pouvoir dire que je suis d'origine autochtone.
Toutefois, en raison des prétendues mesures de clarification, je ne répondrai pas aux critères me permettant d'être reconnue sur la liste des membres fondateurs, comme des milliers d'autres d'ailleurs. Pourquoi? Parce que l'accord supplémentaire prévoit seulement quelques façons de s'identifier. Les nouvelles règles ont pour effet d'exclure des milliers de demandeurs légitimes qui devraient pourtant être reconnus comme Micmacs, et qui n'auront guère de possibilité d'intenter des recours.
Nous étions nombreux à ne pas connaître nos origines avant la date de reconnaissance, et n'avons donc pas pu nous identifier de manière dictée par la nation Qalipu/FITN et le gouvernement du Canada. Le formulaire que j'ai rempli comportait une décharge à la dernière page de la demande, et, à la page 2, un énoncé de confidentialité où s'identifier en tant que membre de la communauté micmaque de Terre-Neuve.
Si nous avions tous remis notre demande signée avant que soit pris le décret de reconnaissance, nous aurions tous été acceptés au même titre que les membres figurant déjà sur la liste. Or, parce que nous avons tardé, nous sommes assujettis à des critères beaucoup plus stricts, ce qui fait deux poids, deux mesures.
Par exemple, dans ma famille, des conjoints ont été acceptés en tant que membres fondateurs de la nation Qalipu, même s'ils ne se sont jamais identifiés comme Micmacs et n'ont jamais appartenu à une bande. Ils ont toutefois été acceptés parce qu'ils ont remis leur demande signée avant la date de reconnaissance. Leurs conjoints, qui ont exactement le même mode de vie, seront toutefois rejetés parce qu'ils ont attendu. Pensez-vous que c'est juste?
De même, plusieurs membres de notre famille n'habitent pas dans une communauté micmaque. Ils rendent visite, quand ils le peuvent, à leurs proches qui vivent dans ces communautés. Lorsque le processus a été lancé, on pouvait présenter un affidavit signé pour prouver l'existence d'un lien avec une communauté micmaque. Des clarifications ont également été apportées à ce sujet. Les demandeurs sont contraints de présenter des relevés téléphoniques, entre autres choses, pour prouver qu'ils ont visité ces communautés ou qu'ils ont un lien avec elles.
Qu'en est-il des personnes qui ont quitté Terre-Neuve et qui n'ont pas les moyens de revoir leur famille, mais qui continuent d'entretenir un lien avec leur communauté et leur famille? Le fait de ne pas habiter dans une communauté micmaque ou sur l'île de Terre-Neuve dilue-t-il le sang autochtone?
Monsieur Meredith, vous avez demandé à M. Saranchuk s'il lui était venu à l'esprit que certaines personnes gardaient leur identité secrète par crainte de faire l'objet de discrimination. M. Saranchuk n'a pas répondu à la question, mais je peux le faire.
Eh oui, certains craignent que les gens d'origine non autochtone discriminent contre eux. Notre peuple a été victime de discrimination de la part des employeurs. Il a été ostracisé et traité comme étant indésirable. Les familles veulent épargner à leurs descendants ce sort.
Dans le cadre de mes recherches sur mes ancêtres, j'ai appris que mon grand-oncle avait travaillé à l'usine de papier de Corner Brook, mais qu'il avait été congédié parce qu'il était Autochtone. Pour reprendre les propos de sa petite fille, il a été mis dehors parce qu'un blanc avait besoin de son emploi. J'ai ainsi compris pourquoi il était nécessaire de garder le secret sur ses origines, pourquoi mon père ne m'avait jamais rien dit, pourquoi il ouvrait la porte à tout le monde et nous avait appris à témoigner du respect envers tous, peu importe la race, l'origine ethnique ou la religion.
Je pense que M. Reiher a très bien résumé la situation lors de sa comparution devant le comité lorsqu'il a déclaré que :
[...] le projet de loi C-25 avait pour but la certitude et la clarté. Il a dit que les Micmacs de Terre-Neuve cherchent à être reconnus depuis plus de 40 ans et que le gouvernement ne veut pas que les modifications apportées au décret soient contestées avec succès.
Qu'en est-il de la justice et de l'égalité dans tout ça? Il me semble que le gouvernement cherche à faire obstacle à la justice. Qui, de ceux à la table de négociations, assumera la responsabilité de refuser de reconnaître un peuple autochtone? La FINT ou le gouvernement? N'avons-nous pas souffert assez longtemps pendant ces 65 années?
Il y a quelques années, le gouvernement a présenté des excuses publiques aux peuples des Premières Nations à l'échelle du Canada pour les terribles injustices commises dans les pensionnats. Nous avons appris que des expériences avaient été menées sur des enfants autochtones. A-t-on déjà oublié les leçons du passé? Le gouvernement s'apprête maintenant à commettre une autre terrible injustice à l'endroit des personnes d'origine micmaque qui ne répondent pas aux critères établis par la FITN et les bureaucrates du gouvernement.
Le gouvernement reconnaît les personnes qui arrivent au Canada en provenance de toutes les régions du monde et leur vient en aide. Ne serait-il pas juste qu'il reconnaisse enfin les descendants des peuples des Premières Nations qui habitaient sur l'île de Terre-Neuve avant l'arrivée des Européens?
Je vous remercie à nouveau de m'avoir accordé la parole aujourd'hui. Il s'agit de notre dernier espoir que soit réparée une injustice que l'on s'apprête à commettre. Je vous prie d'utiliser les moyens à votre disposition pour apporter les amendements nécessaires au projet de loi avant de créer une nouvelle injustice qu'il faudra rectifier. Nous nous inquiétons tous de l'intégrité du processus d'inscription, et il faut faire preuve de diligence raisonnable. On est sur le point de commettre une injustice. Il faut remédier à la situation maintenant, et non dans 50 ans, lorsqu'un grand nombre d'entre nous ne seront plus là. Merci.
Le président : Merci beaucoup, madame Tessier. Madame Darrigan.
Helen Darrigan, à titre personnel : Monsieur le président, honorables membres du comité sénatorial, membres du personnel, bonsoir. Merci de m'accorder le privilège de venir témoigner ce soir et de vous faire part de mes préoccupations au sujet du projet de loi C-25, présenté à la Chambre des communes le 25 février dernier.
Le communiqué publié par le gouvernement du Canada ce jour-là disait que la loi sur la Première Nation Mi'kmaq Qalipu allait garantir que tous les demandeurs seraient traités de façon équitable et juste.
Je suis ici ce soir pour dire au comité que, selon moi, l'adoption du projet de loi ne garantira aucunement aux demandeurs qu'ils seront tous traités de façon équitable et juste, et j'espère en fait démontrer qu'il aura l'effet contraire.
Je suis née à Lark Harbour, dans la Baie des Îles, sur la côte Ouest de Terre-Neuve; c'est là que j'ai grandi. Lark Harbour est l'un des endroits habités par le groupe d'Indiens micmacs de l'île de Terre-Neuve, et la Baie des Îles a été reconnue comme étant une communauté micmaque datant d'avant la confédération.
Beaucoup de mes ancêtres ont vécu dans cette région, la lignée remontant à plus de six générations. J'ai quitté la maison en 1970, dès l'âge de 17 ans et demi, pour chercher un emploi en Ontario. Même si j'ai vécu dans la région du Grand Toronto pendant quelque 44 années, j'entretiens des liens culturels forts avec la collectivité de Lark Harbour, où mon cœur demeure, comme c'est toujours le cas chez les Terre-Neuviens.
Reste à voir si le gouvernement et la bande Qalipu m'acceptent comme membre de la bande. Peu importe ce qui se passera, je suis fière de reconnaître mes racines micmaques, et je les chérirai toujours. Sur le plan des racines autochtones, je descends de John Matthews Brake, fils de Ralph Brake et Jane Matthews, et de sa femme Elizabeth Blanchard, fille de William Blanchard père et d'Elizabeth Joe. J'ai présenté une demande à la bande de la Première Nation Mi'kmaq Qalipu en mars 2012.
Pauline et moi nous sommes rencontrées au début de 2012 du fait de notre intérêt commun pour la généalogie. Entre autres choses, nous nous intéressons de près à ce qui se passe au sein de la bande Qalipu. Lorsqu'il a enfin été annoncé en juillet 2013 qu'un accord supplémentaire avait été conclu et qu'un examen allait être mené sous peu, certaines personnes n'ont pas été étonnées. Mais la plupart des gens ne savaient pas du tout ce qui se passait avant de recevoir une lettre d'Affaires autochtones quelques mois plus tard, en novembre 2013. En réalité, il y a encore des demandeurs qui n'ont pas reçu de lettre.
En avril 2013, Pauline et moi avons décidé de fonder notre propre groupe dans les médias sociaux, qui s'appelle Friends of Qalipu Applicants. Nous avons créé ce groupe pour tenir les gens au courant des événements. Grâce au bouche-à-oreille, nous comptons maintenant 2 000 membres d'origine terre-neuvienne vivant un peu partout au Canada et même à l'étranger. Notre mission est de présenter tous les faits recensés par des sources fiables et de condenser la grande quantité d'information diffusée et de la retransmettre en termes simples.
Nous avons entre autres comparé l'accord supplémentaire de 2013 à l'accord de principe de 2008 pour en faire ressortir les différences. Ce document de comparaison faisait partie du mémoire que nous avons présenté au comité permanent de la Chambre des communes, et il fait aussi partie du mémoire que nous présentons au comité sénatorial. Nous avons aidé des milliers de gens à éplucher et à comprendre la demande de documents supplémentaires de novembre 2013. On aurait pu penser qu'une aide de ce genre serait venue du gouvernement et de la bande.
Aux yeux d'une personne qui ne comprendrait pas le contexte ou le climat dans lequel le projet de loi a été conçu et présenté, ni les inégalités sous-jacentes, il semblerait assez simple et serait vu comme un simple accord entre les parties concernées. Toutefois, nous comprenons les enjeux et ce qui se cache derrière le projet de loi, et qui fait que nous sommes tout à fait contre celui-ci dans sa forme actuelle — en raison non seulement des répercussions qu'il aura sur la Première Nation Mi'kmaq Qalipu et sur les Micmacs de Terre-Neuve, mais aussi du précédent qu'il crée pour les négociations à venir entre le gouvernement et d'autres Premières Nations du Canada.
Chaque nation doit savoir que, par le truchement du projet de loi, le gouvernement fait passer l'audacieux message suivant : si nous commettons une grave erreur, nous ne pourrons pas en être tenus responsables et nous adopterons tout simplement une loi — un point c'est tout. Le hic, c'est que, ce dont il est question, c'est de l'histoire, de l'ascendance et de la vie de nos gens, et non pas de choses sans grande importance.
Chers membres du comité, j'aimerais m'en tenir à des observations concernant exclusivement le projet de loi, mais il m'est impossible d'expliquer pourquoi je m'oppose à son adoption sans vous fournir quelques renseignements contextuels et certaines précisions touchant les accords existants.
Tout d'abord, un système à deux vitesses a été créé. Le fait de déclarer publiquement que l'Accord supplémentaire n'a aucune incidence sur l'entente de principe ne change rien à la réalité des choses — des modifications ont été apportées, peut-être pas aux critères de base, mais assurément en ce qui concerne des points de détails, et nous savons tous que ce sont les détails qui posent les plus grandes difficultés.
Des changements ont été apportés au chapitre des documents pouvant être présentés aux fins de l'auto-identification et de l'acceptation au sein du groupe. Les nouvelles règles seraient beaucoup plus acceptables si elles s'appliquaient de façon égale à tous les demandeurs, mais ce n'est pas le cas — elles ne s'appliqueront qu'à ceux qui ont présenté leur demande après le 22 septembre 2011. Ce changement donne lieu à la création d'un système à deux vitesses applicable aux demandeurs de façon rétrospective. Notre communauté est déjà divisée en raison de la conception même de ce système.
Comment en est-on arrivés là? En instaurant rétroactivement un système de cotation qui a pour but de priver de leurs droits certaines catégories de demandeurs. Il sera tout simplement impossible pour ces demandeurs d'obtenir le nombre de points requis aux fins de leur admissibilité. Par exemple, 18 des 27 points qu'il est possible d'accumuler ont trait à l'appartenance à une nation et aux activités, mais une kyrielle de communautés micmaques reconnues n'ont jamais offert un certain nombre de ces activités. Par conséquent, les demandeurs visés ne peuvent plus accumuler que neuf points, nombre bien éloigné des 13 requis. En fait, le total possible est de 6, vu que trois points sont liés au fait d'habiter sur l'île de Terre-Neuve. Inutile de vous en dire davantage à propos de ce système de cotation. Je crois que vous avez compris de quoi il retourne.
J'aimerais maintenant aborder la question des demandes présentées par les résidents et les non-résidents. On a subitement scindé en deux la procédure parfaitement acceptable instaurée au titre de l'accord initial afin de créer d'abominables obstacles que devront surmonter les demandeurs et que je n'aurai pas le temps de vous énumérer aujourd'hui, vu le temps dont nous disposons. Ces obstacles sont contestables à tout le moins en vertu de la Constitution et des droits de la personne, sans même mentionner la Loi sur les Indiens. Voici un exemple du genre de formules qui ont été employées : « Le lien évoqué ne saurait se limiter aux contacts étroits avec les membres de la famille. Il doit tenir notamment à la participation à la vie socioculturelle des collectivités formant le groupe des Indiens micmacs de Terre-Neuve. »
Nous n'avons pas pu participer à quelque chose qui n'existait pas ou n'était pas accessible dans nos collectivités micmaques reconnues, et la famille constitue le fondement de la vie des gens de Terre-Neuve et des Micmacs. Comment est-il possible d'établir une distinction entre les deux?
Cependant, on nous a fait sentir comme des fraudeurs, et on a sciemment tenté de nous dépeindre comme tels.
Au bénéfice des membres du comité, je mentionnerai qu'environ la moitié des membres de la nation Qalipu ont la qualité de non-résident, ce qui soulève la question suivante : depuis quand le fait d'être un non-résident pose-t-il problème?
Chers sénateurs, il est important que vous compreniez que cette nouvelle interprétation des critères d'inscription s'applique uniquement aux personnes qui ont présenté leur demande après septembre 2011. Par conséquent, l'accord instaurant un processus initialement conçu pour réparer les injustices du passé se révélera plus conflictuel que tout ce que l'on a connu par le passé en raison des diverses catégories de demandeur qu'il crée. Voici quelques exemples : certains parents possèdent le statut d'Indien, tandis que leurs enfants ne le possèdent pas, ou vice versa; certaines personnes ont ce statut, alors que leurs frères et sœurs ou leurs cousins ne l'ont pas. Certaines personnes verront leur demande rejetée sans appel parce qu'elles ont omis de signer un document — rien d'autre n'est différent; des voisins de la même collectivité et ayant tous deux attesté leur ascendance seront assujettis à deux processus d'examen distincts du simple fait que l'un a déposé sa demande avant la date fixée, et l'autre, après cette date — rien d'autre n'est différent; enfin, des demandeurs seront doublement pénalisés du fait qu'ils ont quitté Terre-Neuve pour aller gagner leur vie ailleurs.
En outre, l'ascendance de tous les membres sera vérifiée. Lorsque nous avons appris cela, nous nous sommes dit qu'il ne s'agissait pas tout à fait d'une mauvaise chose. Après tout, cela visait à régler le problème lié aux plus de 70 000 demandes non traitées. Nous avons tenu pour acquis que cette vérification consisterait en un examen complet de l'ascendance de tous les membres. Cependant, en mars, nous avons appris que ce n'était pas le cas. En fait, un membre influent de notre collectivité a déclaré publiquement qu'on nous avait promis que l'ascendance ne ferait pas l'objet d'un examen. Cela soulève naturellement la question de savoir quelles autres promesses ont été faites.
Comme ma collègue Pauline l'a expliqué de façon détaillée, l'ascendance est la pièce maîtresse de l'obtention du statut d'Indien. Si une personne ne parvient pas à attester son ascendance, tous les autres éléments qu'elle présentera à l'appui de sa demande seront sans effet. Pourquoi donc le fait de ne pas vérifier l'ascendance depuis les origines nous pose-t-il un problème? Bien honnêtement, cela tient au fait que, si d'autres critères ont donné lieu à des erreurs et à des répercussions inattendues, il est plus que probable que le critère de l'ascendance a donné lieu lui aussi à des erreurs. Au nom de notre histoire et de l'intégrité de notre patrimoine familial, nous devons procéder à un examen le plus complet possible afin de dissiper toute incertitude, et ce, pour un certain nombre de raisons. Tout d'abord, les préposés à l'inscription de la nation Qalipu n'étaient pas tenus de posséder la moindre connaissance en matière de généalogie, ce qui a donné lieu à des débats houleux à l'époque, car cela signifiait que personne ne pouvait aider les gens à s'assurer qu'ils disposaient de tous les éléments de preuve requis pour faire attester leur ascendance. Bon nombre de personnes ont dû compenser l'absence de certains documents par des affidavits, et il s'agit d'une chose acceptable. D'aucuns ont dû présenter une multitude d'affidavits aux fins de l'établissement de leur lignée. Cependant, nous avons entendu dire que des gens ont acheté des affidavits dans le but de faire attester tant leur ascendance que leur acceptation au sein du groupe. Il s'agit d'une raison plus que suffisante pour justifier un examen approfondi de l'ascendance depuis les origines. Qui sait, peut-être que 100 000 personnes ne répondent pas aux critères d'admissibilité.
De plus, de récentes recherches généalogiques mettent en question ou contredisent le contenu de recherche antérieure commandé par la FITN sur la question de l'ascendance familiale. L'une de ces études s'intitule The Micmac Shore, et à mi-chemin de la deuxième étape, on a discrètement empêché la bande Qalipu de l'utiliser.
En outre, dans certains cas, des Autochtones se sont sciemment ou involontairement créé des ancêtres complètement fictifs afin de répondre aux critères, et ce, en « empruntant » des ancêtres ou en en fusionnant certains. Par conséquent, une multitude de personnes innocentes ont présenté des demandes malgré le fait que leur lignée familiale était fausse ou non attestée. Ce qui est le plus grave, c'est qu'elles ne savaient peut-être même pas que leur lignée était fausse.
Ainsi, une vérification de l'ascendance doit absolument être effectuée, car autrement, nous risquons d'assister à une déplorable réaction en chaîne.
Enfin, j'aimerais aborder la question de savoir pourquoi j'estime que la plupart des demandeurs ne seront pas traités de façon juste et équitable. Le ministre des Affaires autochtones a déjà qualifié le chef de la nation Qalipu et d'autres de personnes avides et inauthentiques. Comment pouvons-nous espérer faire l'objet d'un traitement juste et équitable dans des circonstances où les deux parties intéressées s'engagent dans le processus d'examen en affichant une telle attitude?
Tous les membres du comité d'inscription, à l'exception du responsable des appels, relèvent soit du gouvernement, soit de la FITN et de la nation Qalipu.
Si nous nous trouvons dans une telle situation, c'est pour un certain nombre de raisons, notamment les suivantes : nous avons décidé de faire fi du nombre potentiel de demandeurs après que ce nombre est devenu évident, à la fin de la première étape, en 2009; nous n'avons pris aucune mesure, et nous avons permis à des gens de présenter une demande sous de faux prétextes, et ce, jusqu'au 30 novembre 2012 inclusivement; nous avons tenu des réunions privées avec M. Fred Caron en vue d'élaborer un plan nous permettant de nous extirper de cette situation fâcheuse; on a conclu l'Accord supplémentaire, lequel a été conçu pour exclure des gens; nous avons présenté des demandes périmables en vue d'obtenir de nouveaux documents permettant de contester les constatations d'une équipe de juristes composée de diplômés de Harvard; enfin, on a déposé le projet de loi C-25, lequel a pour but — nous en sommes convaincus — de jeter les fondements d'un processus qui permettra d'exclure des gens sans heurts et sans difficulté.
Le 3 juin, devant le comité, M. Reiher a tenu les propos suivants :
[...] le gouvernement ne souhaite pas courir le risque que des personnes contestent avec succès les modifications du décret.
Pourquoi M. Reiher, le gouvernement, la FITN et la nation Qalipu croient-ils qu'ils peuvent être contestés avec succès? Il y a là matière à réflexion.
Toujours le 3 juin, en réponse à une question de la sénatrice Lovelace Nicholas concernant la raison pour laquelle la nation avait d'abord disparu, M. Saranchuk a déclaré ce qui suit :
Cette nation existait. Il s'agissait de reconnaître ses membres fondateurs. C'est ce que le gouvernement et la Fédération des Indiens de Terre-Neuve cherchaient à faire dans le cadre de ce processus.
Qui sont les véritables membres fondateurs de cette nation?
En résumé, si l'accord en question ne s'appliquait qu'aux membres de la FITN ou aux résidents de Terre-Neuve, les gens auraient probablement rouspété pendant un certain temps, mais ils auraient vraisemblablement fini par l'accepter. Toutefois, cet accord n'a pas été conçu de cette façon — il s'assortissait de ce que nous considérions tous comme des critères clairs, dont nous avons découvert après coup qu'ils étaient appliqués sans beaucoup de rigueur de manière à ce qu'un nombre suffisant de membres puissent officiellement constituer une bande. En fait, on avait besoin d'un certain nombre de personnes pour faire cela. Ce faisant, on a réveillé un géant endormi ou, en l'occurrence, une foule de géants ancestraux endormis.
Que devons-nous faire? Nous savons tous que, une fois que la boîte de Pandore a été ouverte, le mal est fait, et il est inutile de la refermer. Comment s'y prendront-ils pour concilier ce qui s'est produit avec la Loi sur les Indiens, laquelle s'applique à l'échelle du pays, sans égard aux frontières provinciales? Comment s'y prendront-ils pour faire accepter le fait qu'on a nié l'existence de trois générations de personnes couvrant 65 années? Comment s'y prendront-ils pour concilier le processus qu'on nous impose avec les droits garantis par la Constitution et les droits de la personne? Comment s'y prendront-ils pour mettre fin aux erreurs commises relativement à l'histoire ancestrale? Combien d'argent gaspilleront-ils pour tenter de se faire bien paraître au lieu d'admettre qu'ils ont manqué à leurs obligations à notre égard et de prendre les mesures qui s'imposent? S'agit-il là de la meilleure solution qu'ils avaient à proposer?
Nous aimerions être en mesure d'affirmer qu'on a répondu à nos questions, mais ce n'est pas le cas. Nous aimerions pouvoir abandonner et dire que nous nous en lavons les mains, mais nous ne le pouvons pas, car il s'agit d'un problème qui nous touche, et nous devons agir comme il convient en tant que peuple et pour notre peuple, et espérer que nous parviendrons ainsi à régler les choses.
Vous êtes tous en mesure d'influer sur le cours des choses. Honorables sénateurs, je vous demande instamment de faire preuve de sagesse et de recommander que le projet de loi C-25 ne soit pas adopté sous sa forme actuelle, voire sous n'importe quelle autre forme, en attendant qu'une étude plus poussée soit menée sur la question.
Wela'lin, merci de m'avoir donné l'occasion de vous parler ce soir d'une question que je juge extrêmement préoccupante.
Le président : Merci beaucoup, mesdames. Je sais que, compte tenu du court préavis qui vous a été donné, vous avez travaillé très fort pour mettre au point votre exposé, et nous vous sommes reconnaissants de la réflexion que vous avez menée à cette fin.
Je dois mentionner à toutes les personnes ici présentes qu'on a accordé au comité une permission spéciale pour lui permettre de tenir sa réunion même si le Sénat est en train de siéger. Malheureusement, comme vous l'avez peut-être entendu, les cloches sonnent, de sorte que nous devons voter sur un projet de loi dont le Sénat a été saisi. J'ai consulté des membres du comité directeur, et nous avons convenu de suspendre la séance de manière à ce que les membres puissent s'acquitter de leur devoir. Le vote a lieu à 20 heures.
Comme je veux que nous disposions d'un temps suffisant pour rendre justice aux questions des membres, avec leur accord, je vais maintenant suspendre la séance. Je vous prie d'attendre notre retour. Nous avons très hâte de vous poser des questions et de discuter avec vous des exposés que vous nous avez présentés. Nous allons nous rendre en chambre pour faire notre devoir et voter sur un projet de loi. Je vous remercie de votre compréhension.
(La séance est suspendue.)
ÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐÐ
(Le comité reprend ses travaux.)
Je vous remercie tous de votre patience et de nous avoir permis de nous acquitter de notre devoir parlementaire.
Nous avons entendu les témoins, et nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. J'aimerais poser une question à Mme Darrigan et à Mme Tessier. Si j'ai bien compris, madame Dyck, vous allez céder votre temps au sénateur Baker, critique du projet de loi. Monsieur Baker, je vous souhaite la bienvenue à la réunion du comité, et je vous remercie d'être ici.
J'aimerais ouvrir le bal par une brève question à Mmes Darrigan et Tessier. Le comité a reçu une lettre de vous en mars. Vous y exprimiez des préoccupations liées au processus d'inscription. Je sais que, dans le cadre de vos exposés exhaustifs de ce soir, vous avez soulevé une foule d'autres préoccupations. Nous avons distribué aux membres votre lettre et un article que vous avez rédigé.
Je crois que, dans cette lettre, vous avez reconnu que les critiques que vous avez formulées concernaient non pas le projet de loi qui nous occupe, mais plutôt l'Accord supplémentaire de 2013 et l'ensemble du processus d'inscription. Est-il toujours juste de dire que c'est cet accord et ce processus qui vous préoccupent?
Mme Darrigan : Je ne me rappelle plus le contenu du document et de la lettre de présentation qui ont été transmis au comité — il faudrait que j'y jette un coup d'œil. Je ne me souviens pas d'avoir dit que le projet de loi C-25 — je suppose que c'est à lui que vous faites allusion — ne me posait aucun problème. Pour l'essentiel, il ne me poserait pas de problème s'il était nécessaire ou justifié et si je n'étais pas au courant des faits qui le sous-tendent.
Ainsi, pour tirer les choses au clair, je vous dirai que, oui, il me pose un problème. Si ma lettre vous a fait croire le contraire, il s'agit d'une erreur.
Mme Tessier : J'ai moi aussi du mal avec le projet de loi. Il est possible que votre impression soit attribuable à la manière dont notre lettre était formulée, car nous l'avons rédigée de façon très précipitée.
Oui, le projet de loi me pose problème, surtout lorsque je songe au fait que, si des erreurs sont commises, personne n'en sera tenu responsable. J'estime que quelqu'un doit assumer la responsabilité des erreurs. Ce dont il s'agit ici, c'est de la vie des gens, de gens dont on a nié l'existence pendant 65 ans. Tout cela remonte à 1949. Oui, il me pose problème.
Le président : Par souci de justice et au bénéfice des membres du comité, je tiens à mentionner que j'ai peut-être mal résumé l'avant-dernier paragraphe de votre lettre, que je vais citer :
Nous comprenons que l'étude entreprise par le Comité permanent porte sur le projet de loi C-25, et non sur l'accord lui-même, mais nous manquerions à notre devoir si nous n'invitions pas le Comité permanent à prendre en compte le contexte général et si nous ne le sensibilisions pas aux aspects de la question pouvant influer sur la décision de modifier le projet de loi ou de le faire adopter.
Je crois que vous avez tiré cela au clair. Merci.
Le sénateur Baker : Je remercie les membres du comité de me donner l'occasion de poser des questions aux témoins, que je remercie de leur présence ici aujourd'hui et de leurs excellents exposés.
J'aimerais poser quelques questions à Jaimie Lickers, conseillère juridique et experte de la Loi sur les Indiens. Tout d'abord, j'aimerais préciser la teneur des exigences en matière d'admissibilité qui s'appliqueront durant le processus de réévaluation. Si j'ai bien compris, seule une section des critères d'admissibilité est modifiée.
Je vais vous lire un extrait de la section 4.1 de l'accord de 2007, où sont énoncés les critères d'admissibilité, dont une partie s'applique toujours :
[...] est admissible à une inscription en tant que membre fondateur si le Comité d'inscription estime qu'il :
a) est d'ascendance indienne du Canada, de naissance ou par adoption;
b) (i) était membre, le 31 mars 1949 ou avant, de la communauté micmaque de Terre-Neuve avant la création de la Confédération, ou
(ii) est un descendant, de naissance ou par adoption, d'une personne qui faisait partie de cette communauté et qui est visée au sous-alinéa 4.1b)(i);
c) ne fait pas partie du Registre des Indiens à la date du décret de reconnaissance [...]
Voilà la section qui a été modifiée.
Je vais maintenant vous lire l'unique section qui a été modifiée. En d'autres termes, les gens doivent prouver leur ascendance, mais ce qui a changé, c'est le passage suivant : « s'auto-identifie à titre de membre ». Est-il juste de dire qu'il s'agit là de la modification qui a été apportée aux critères d'admissibilité?
Mme Lickers : Oui, il s'agit là du principal changement, dans la mesure où le texte de l'accord avait toujours exigé qu'un demandeur s'auto-identifie en tant que membre d'une collectivité micmaque à la date du décret de reconnaissance.
Le sénateur Baker : Aux fins de l'admissibilité, une personne devait être membre, le 31 mars 1949 ou avant, de la communauté micmaque de Terre-Neuve avant la création de la Confédération ou être un descendant. Ces critères sont toujours présents. Il est faux d'avancer que ces gens n'avaient qu'à s'auto-identifier, n'est-ce pas?
Mme Lickers : En effet, il est faux de dire cela. La principale modification apportée au sous-alinéa auquel vous faites allusion, monsieur le sénateur, tient à ce que les changements apportés à l'accord de 2013 ont eu pour effet de modifier l'application du sous-alinéa d)(i); auparavant, un formulaire de demande signé constituait une preuve d'auto-identification — une personne n'avait qu'à remplir et à signer ce formulaire pour prouver qu'elle s'identifiait comme membre de la collectivité.
Par suite des changements apportés à l'accord de 2013, un formulaire de demande signé après la date du décret de reconnaissance ne constitue plus une preuve suffisante d'auto-identification. Les personnes qui signent leur formulaire après cette date doivent dorénavant fournir d'autres documents justificatifs afin d'établir qu'elles s'identifiaient comme membres avant la date en question.
Le sénateur Baker : Dans le passé, oui.
Mme Lickers : Jamais les demandeurs n'avaient été informés du fait qu'ils allaient devoir faire cela. Peu de gens conservent leurs vieux documents. On leur demande de fournir, par exemple, des relevés de téléphone et des itinéraires de vol. La plupart des compagnies de téléphone ne sont même pas en mesure de fournir des relevés remontant aussi loin et qui permettraient aux demandeurs d'établir qu'ils demeuraient en contact avec des membres de leur collectivité micmaque.
Le sénateur Baker : On demande aussi aux gens de fournir des photos publiées dans un journal.
Mme Lickers : Ou alors des photos d'eux-mêmes prises durant une cérémonie, en dépit du fait que, dans de telles circonstances, on ne prend généralement pas de photos puisqu'il serait inapproprié de le faire.
Le sénateur Baker : Y a-t-il un journal à Lark Harbour, à Terre-Neuve? J'ai une série de courtes questions d'ordre juridique à vous poser. À mon avis, les articles les plus désobligeants à votre égard sont les articles 3 et 4. Vous y avez fait allusion. Il y est question du fait que le gouverneur en conseil peut, par décret, ajouter ou supprimer à l'annexe du décret la mention des nom, prénom et date de naissance de toute personne. J'ai bien dit que le gouverneur en conseil peut faire cela par décret.
Si vous le permettez, j'aimerais maintenant vous poser une question directe. Tout d'abord, en ce qui concerne la suppression et l'ajout de noms, l'Accord supplémentaire mentionne ce qui suit :
[...] le comité d'inscription fournira aux parties une seule liste des membres fondateurs aux fins de l'Accord. Le ministre recommandera au gouverneur en conseil que cette liste remplace l'annexe actuelle du décret de reconnaissance.
Ainsi, toute la liste peut être intégrée au décret de reconnaissance. Dans ce cas, pourquoi le ministre cherche-t-il à obtenir le pouvoir d'ajouter et de supprimer des noms plutôt que de celui d'ajouter la liste?
Mme Lickers : Nous nous posons la même question, monsieur le sénateur. Ce n'est pas clair. C'est à ceux qui ont rédigé le texte législatif qu'il faudrait poser la question de savoir pourquoi ils ont jugé nécessaire de prévoir ce pouvoir supplémentaire.
Le sénateur Baker : J'aimerais vous lire un bref extrait d'une décision rendue en 2009 par la Cour d'appel de l'Ontario. Il s'agit de la décision Etches c. Canada, 2009, Carswell Ontario, 1004, paragraphe 36. J'insiste sur le fait qu'il s'agit d'une décision de la Cour d'appel de l'Ontario, soit l'un des plus hauts tribunaux du pays, après la Cour suprême du Canada :
Avant les modifications de 1985 de la Loi sur les Indiens, le gouverneur en conseil pouvait soustraire tout Indien ou toute bande à l'application d'une disposition quelconque de la Loi sur les Indiens, y compris celles relatives à l'inscription. Cependant, les modifications apportées en 1985 ont retiré au gouverneur en conseil le pouvoir de soustraire des Indiens à l'application des dispositions relatives à l'inscription de la Loi sur les Indiens, et cela [...]
Ainsi, dans les faits, ces dispositions divergent de celles de la Loi sur les Indiens.
Mme Lickers : C'est exact.
Le sénateur Baker : Et pourtant, ces dispositions mêmes de la Loi sur les Indiens s'appliquent à l'accord en question.
Mme Lickers : Tout à fait.
Le sénateur Baker : D'accord, j'ai une dernière question à vous poser.
Passons à l'article 4, lequel a pour effet d'empêcher une personne d'intenter une poursuite contre le ministre, contre le conseil de bande ou contre qui que ce soit si son nom est supprimé. Aucune action ne peut être intentée contre le gouverneur en conseil.
Le ministre et les gens du ministère ont fourni deux exemples à l'appui de leur affirmation selon laquelle cela ne constituait pas une nouveauté puisque la Loi sur les Indiens avait déjà prévu quelque chose de tel. J'étais député lorsque ces deux exemples ont vu le jour — ils s'appliquaient aux personnes qui avaient oublié de faire inscrire leur nom sur la liste avant le 4 septembre 1951, ce qui n'a rien à voir avec ce dont nous parlons.
Savez-vous si une quelconque disposition législative de la Loi sur les Indiens vous a déjà retiré le pouvoir d'intenter une poursuite en vertu de la loi ou de faire appel aux tribunaux afin d'obtenir réparation dans de pareilles circonstances?
Mme Lickers : Je n'ai aucun exemple à vous donner, et je mets quiconque au défi de nous fournir un exemple montrant que cela s'est produit depuis l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés.
Le sénateur Baker : Est-ce qu'une poursuite que vous intenteriez en vue de faire abroger un décret en vertu duquel votre nom aurait été supprimé du Registre des Indiens pourrait être fructueuse? Quelles seraient vos chances d'obtenir gain de cause dans le cadre d'une telle procédure?
Mme Lickers : Mes chances seraient nulles, car selon la jurisprudence de la Cour d'appel de l'Ontario, si un décret est promulgué, il prévaut sur le Registre des Indiens. Si un décret ayant pour effet de supprimer le nom d'une personne de la liste des membres d'une bande et du Registre des Indiens a été prononcé, cette personne sera déboutée par les tribunaux.
Le sénateur Baker : Merci.
Mme Lickers : C'est problématique, mais il s'agit d'un résumé.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Je vous souhaite la bienvenue ici ce soir.
À coup sûr, je peux comprendre le sentiment de détresse que vous éprouvez. Est-ce que d'autres Premières Nations ont été consultées au moment de l'entrée en vigueur de cet accord? Est-ce que votre groupe a été consulté?
Mme Tessier : Non, nous ne l'avons pas été.
Mme Lickers : À ma connaissance, aucun des demandeurs n'a été consulté.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Qui a participé à l'élaboration du projet de loi? Le gouvernement a-t-il agi seul?
Mme Lickers : Je crois qu'il a consulté la Fédération des Indiens de Terre-Neuve.
Mme Darrigan : C'est ce que j'ai cru comprendre.
Mme Tessier : C'est également ce que j'ai cru comprendre.
Mme Lickers : Pour autant que je sache, la Fédération des Indiens de Terre-Neuve n'est composée que des membres du conseil de bande de la Première Nation Qalipu Mi'kmaq. Voilà la composition de la FITN.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Croyez-vous que l'accord en question a été modifié en raison de l'afflux de demandes présentées par des gens des Premières Nations en vue d'obtenir le statut de membre? Croyez-vous que le gouvernement refuse d'assumer les frais liés à cet afflux plus important que prévu?
Mme Darrigan : Oui, c'est ce que je crois.
Mme Tessier : Moi aussi. Je pense qu'il s'agit là de la raison pour laquelle il a apporté ces modifications.
Mme Darrigan : C'est le nombre qui posait problème.
Mme Lickers : Je suis d'accord avec cela. À mon avis, nous devons garder présent à l'esprit que ce ne sont pas les demandeurs qui avaient créé les critères d'admissibilité. On ne doit pas les priver des droits que leur confère la loi pour la simple raison que les critères d'admissibilité ont été conçus pour permettre à 101 000 personnes de présenter une demande crédible.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Merci.
Mme Darrigan : Madame la sénatrice, j'aimerais ajouter que, pour chaque personne que je connais qui a présenté une demande, j'en connais une autre qui n'en a pas déposé.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Ainsi, les gens n'ont pas tous été informés?
Mme Darrigan : Ils ne voulaient tout simplement pas être...
Mme Tessier : Pour diverses raisons, les gens n'étaient pas tous désireux d'obtenir la reconnaissance — d'aucuns en raison de leur âge, d'autres ont simplement pris du recul et ont dit...
Mme Darrigan : Trop compliqué.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Discrimination. D'accord. Merci.
La sénatrice Raine : Merci beaucoup. Il est vraiment intéressant de vous entendre parler de votre situation. Je mentionnerai tout d'abord que je trouve admirable que 100 000 personnes se manifestent et célèbrent leur ascendance autochtone. Nous sommes en présence d'une nouvelle génération dont les membres sont fiers de leurs racines, et cela ne peut qu'être une bonne chose.
J'aimerais savoir si, au cours des dernières années, vous avez eu l'occasion de vous pencher sur le cas des Sami de Norvège, et si vous avez des commentaires à formuler concernant la structure de leur organisation.
Mme Darrigan : Je n'ai pas examiné leur structure organisationnelle, mais mes études généalogiques m'ont permis d'apprendre un certain nombre de choses sur ce peuple.
Mme Tessier : Comme ma collègue, je n'ai pas étudié le cas de ce peuple. J'en ai entendu parler, c'est tout.
Mme Lickers : Moi aussi. Je ne suis pas en mesure de vous fournir de détails concernant leur structure organisationnelle.
La sénatrice Raine : Il y a quelques années, un certain nombre d'entre nous avons eu la chance de participer à un dîner organisé avec des membres du parlement des Sami. Il s'agit d'un peuple autochtone de Norvège qui possède des droits très spécifiques en ce qui a trait à la pêche et à la garde des troupeaux de rennes dans le Grand Nord. De nombreuses personnes vivant un peu partout en Norvège déclarent une ascendance Sami, et une fois qu'elles sont inscrites à titre de membre de ce peuple, elles acquièrent le droit de voter dans le cadre des élections de leur parlement.
J'ai demandé à des représentants de ce peuple de m'indiquer pourquoi des gens vivant à Oslo décideraient de faire cela. Quels avantages et quels droits procure en Norvège l'appartenance au peuple Sami? Ces questions les avaient quelque peu décontenancés. Ils ne comprenaient pas ce que j'entendais par « droits ». Après que je leur ai donné des précisions, ils m'ont répondu que l'appartenance au peuple Sami leur donnait la possibilité de voter pour quelqu'un qui les représentait au parlement. Ils ont ajouté qu'ils étaient très fiers de leur patrimoine — leurs arts, leur culture et leur histoire —, et qu'ils aimaient le célébrer. En réponse à la question de savoir si leur identité leur octroyait des droits spéciaux dont ne bénéficiaient pas les autres Norvégiens, ils m'ont dit que ce n'était évidemment pas le cas, qu'ils jouissaient des mêmes avantages que les autres habitants de leur pays, mais qu'ils étaient très fiers d'être des Sami, et que, plus leur peuple comptera de membres en Norvège, mieux ce sera.
Je ne peux pas m'empêcher de trouver cela admirable. Nous avons peut-être l'occasion de faire quelque chose de différent ici. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
Mme Tessier : Eh bien, Terre-Neuve s'est jointe à la Confédération il y a 65 ans, et depuis 65 ans, nous avons eu l'occasion d'observer ce que le Canada a fait pour Terre-Neuve-et-Labrador et pour les Autochtones de Terre-Neuve-et-Labrador. À mon avis, avant de nous pencher sur d'autres peuples et d'autres structures, nous devons nous occuper de nos gens — nous devons nous occuper des problèmes auxquels nous sommes confrontés ici même, au Canada. À l'heure actuelle, j'estime qu'il s'agit d'un problème. On nous refuse toute reconnaissance depuis 65 ans, et pendant ce temps, le Canada, au fond, en a profité pour tout nous prendre sans rien nous donner en contrepartie — il nous a pris nos ressources, il nous a tout pris. À ce moment-ci, je dis simplement que je suis fière d'être Autochtone. Que cela me procure quelque chose ou non m'importe peu — je suis fière de mon identité.
J'estime que, avant toute chose, nous devons régler la question de notre reconnaissance. Ensuite, peut-être dans quelques années, nous pourrons nous pencher sur le cas des Sami, mais pour l'instant, nous n'avons pas le temps de le faire, car les enjeux sont beaucoup trop élevés.
Mme Darrigan : Je ne suis pas certaine que les Micmacs de Terre-Neuve constituent le meilleur peuple pour tenter une expérience du genre de celle que vous avez évoquée. Je suis sûre qu'il serait très difficile de mettre en œuvre une telle initiative, advenant qu'on fasse une telle suggestion à l'échelon national. Il y a une multitude de problèmes. Nous ne sommes pas en mesure de nous entendre sur cette question, mais il s'agit d'une idée admirable.
Mme Lickers : Madame la sénatrice, je trouve que l'exemple que vous nous avez donné comporte quelques similitudes avec ce que m'ont dit une foule de demandeurs de la bande Qalipu en ce qui a trait à ce qu'ils éprouvaient et à leur façon d'aborder les choses. Pour la plupart d'entre eux, cette démarche n'a rien à voir avec les droits — il s'agit d'une bande sans assise territoriale. Ils n'ont pas de droits fonciers, de sorte que leurs droits en matière d'exonération fiscale sont très restreints.
Quant au nombre de personnes qui auront accès à du financement aux fins d'études postsecondaires, je vous dirai que la plupart de ces gens sont passablement âgés, et qu'ils ne prévoient donc probablement pas retourner aux études. Ce qu'ils veulent, c'est qu'on reconnaisse leur patrimoine et leur identité, ce qu'on refuse de faire depuis des décennies. Voilà ce qui importe pour les demandeurs. Voilà pourquoi le processus d'inscription doit être juste et équitable et qu'il doit être appliqué d'une manière qui ne créera pas d'autres dissensions au sein de leur peuple, comme cela se produit lorsqu'on octroie un statut à une personne parce qu'elle a présenté sa demande avant le 22 septembre 2011 et qu'on refuse d'octroyer le même statut à son frère ou à sa sœur parce que sa demande a été déposée un jour plus tard.
Le président : En tant que président, j'ai accordé aux membres du comité une certaine latitude, mais je pense qu'il serait peut-être important que je leur rappelle que notre débat porte sur notre projet de loi C-25, et non pas sur l'accord ou l'accord supplémentaire. En fait, nous n'avons pas le pouvoir de nous pencher sur ces sujets.
Ainsi, mesdames et messieurs, je vous serais reconnaissant de vous concentrer sur le projet de loi dont nous avons été saisis, comme le sénateur Baker l'a fait, et ce, même si je suis conscient du fait que le texte législatif renvoie à l'accord et à l'accord supplémentaire. Ces accords ont été conclus et ratifiés, et ils ne s'inscrivent pas dans le cadre de notre examen. Je tenais simplement à faire cette observation et à demander aux membres de la garder présente à leur esprit.
Le sénateur Wallace : Je remercie les deux témoins de leurs exposés très réfléchis.
En vous écoutant — et, dans une certaine mesure, à la lumière des éclaircissements que vous avez fournis au président —, j'ai eu l'impression que vos préoccupations découlaient d'une divergence d'opinions concernant plus particulièrement l'Accord supplémentaire de 2013, lequel visait à préciser davantage les exigences énoncées dans l'accord de reconnaissance de 2008 pour ce qui est des éléments de preuve à fournir aux fins de l'auto-identification.
Si j'ai bien compris, vous avez l'impression que le gouvernement se sert de l'accord de 2008, de l'Accord supplémentaire et du projet de loi C-25 pour imposer une solution à la nation Qalipu. À mon avis, ce n'est pas le cas. Je crois comprendre que des discussions et des pourparlers ont eu lieu pendant une longue période. Avant 2008, il y a même eu une poursuite judiciaire mettant en cause la Fédération des Indiens de Terre-Neuve.
À l'issue de cette poursuite, le gouvernement et la Fédération des Indiens de Terre-Neuve en sont arrivés à s'entendre sur un certain nombre de mesures à prendre relativement à la création de la bande sans assise territoriale des Micmacs Qalipu de Terre-Neuve.
Madame Tessier, je pourrais peut-être vous adresser ma question. N'êtes-vous pas d'accord pour dire que la Fédération des Indiens de Terre-Neuve a directement contribué à la mise en place des accords qui sont à l'origine de notre réunion d'aujourd'hui — comme le président l'a indiqué, nous sommes ici pour examiner le projet de loi C-25, mais ce document découle bien évidemment des accords conclus en 2008 et 2013 —, de même que des normes, des critères, des documents et des précisions dont s'assortissent l'établissement de l'ascendance et l'acceptation par la collectivité des Micmacs? Le gouvernement n'a pas tout simplement imposé un processus — la Fédération des Indiens de Terre-Neuve a participé pendant une longue période à la création du processus. Êtes-vous d'accord avec cette vision des choses?
Mme Tessier : On peut probablement dire que des pourparlers ont eu lieu pendant une longue période. Cependant, je crois qu'une partie de ces pourparlers était viciée. En 2012, nous avons déjà constaté le nombre de personnes qui présentaient des demandes aux fins de l'obtention d'un statut. À l'époque, je ne possédais pas suffisamment de connaissances pour affirmer que j'étais d'ascendance micmaque. Je ne sais pas grand-chose à propos des pourparlers qui ont eu lieu, mais en tant que Micmaque, j'ai l'impression qu'aucun membre de mon peuple ne sera jamais partie prenante d'une partie des accords qui ont été conclus. Quant à la question de savoir s'ils ont été imposés par le gouvernement, nous ne serons jamais en mesure d'y répondre, car ces pourparlers se déroulent à huis clos.
Le sénateur Wallace : D'accord, mais êtes-vous d'accord pour dire que, par l'entremise de la Fédération des Indiens de Terre-Neuve, des représentants des peuples autochtones de Terre-Neuve ont pris part à ces pourparlers? Est-il juste de dire cela?
Mme Tessier : La Fédération des Indiens de Terre-Neuve ne représente pas tous les Micmacs de Terre-Neuve.
Le sénateur Wallace : N'êtes-vous pas d'accord pour dire que le projet de loi C-25, qui prévoit la création d'une liste de membres fondateurs susceptibles de remplacer ce qu'il y a ici aujourd'hui, ne modifie d'aucune façon l'accord initial de 2008 et l'accord supplémentaire? Vos préoccupations ne se rattachent pas toutes à ce point, d'après ce que je comprends; j'ai entendu vos commentaires particuliers sur le projet de loi C-25. Mais n'êtes-vous pas d'accord pour dire que le projet de loi C-25 est une autre question? Il ne tient pas compte de nombre des préoccupations que vous avez exprimées?
Mme Tessier : Je crois que, en adoptant le projet de loi C-25, nous allons faire fi de certaines questions soulevées ici ce soir. Si le gouvernement adopte le projet de loi C-25 dans sa forme actuelle, quel recours avons-nous auprès du gouvernement en cas de préjudice? Quel recours avons-nous? Nous n'en avons aucun. Nous ne pouvons pas le contester devant les tribunaux. La loi l'emportera.
Le sénateur Wallace : Il y a une disposition qui ouvrirait la voie aux appels pour les personnes dont le nom ne figure pas sur la liste, par l'intermédiaire du responsable des appels, notamment, mais je ne vais pas entrer dans les détails. Je ne suis pas ici pour justifier le projet de loi; je veux comprendre quelles sont vos préoccupations.
Encore une fois, pardonnez-moi, monsieur le président, car je renvoie un peu à l'époque précédant le projet de loi C-25 avec ce propos, car il est question de l'accord de reconnaissance de 2008 et de l'accord supplémentaire. Ne serions-nous pas tous d'accord pour dire que l'intégrité et la crédibilité de la lignée, du patrimoine et de la culture de la nation micmaque Qalipu sont importants et devraient être préservés? Pour ce faire — et j'ai l'impression que c'est à la source de tout ce dont on parlait ici —, il faut mettre en place un processus raisonnable pour déterminer qui possède ce fort lien culturel avec la communauté micmaque. Encore une fois, selon mon interprétation, cette tentative, ce désir et ce besoin de protéger l'intégrité culturelle des Qalipu sont au cœur de la question. C'est véritablement ce sur quoi repose le projet de loi C-25 et, si je comprends bien, ce principe est intégré à l'accord supplémentaire. Vous ne vous entendrez peut-être pas sur la mesure dans laquelle ils protègent la crédibilité et l'intégrité, mais, chose certaine, les représentants de la Fédération des Indiens de Terre-Neuve ne l'ont pas fait. Je crois comprendre que le conseil de bande Qalipu a ratifié l'accord de 2013. Il l'a ratifié, il était d'accord et il a dit que ces conditions étaient adéquates pour établir le lien à l'égard du passé des Micmacs.
Quel serait votre commentaire à ce sujet?
Mme Tessier : En ce qui concerne l'intégrité des...
Le sénateur Wallace : Oui. À la source de tout cela, n'est-ce pas la priorité et ce qu'on essaie d'accomplir en dernier lieu par le projet de loi C-25?
Mme Tessier : Je crois que la raison pour laquelle Helen et moi-même sommes ici ce soir, c'est que nous sommes aussi très préoccupées en ce qui a trait à l'intégrité. Le problème, si vous prenez un document intitulé The Micmac Shore commandé par le FITN — et nous savons qu'il comporte de graves lacunes —, alors il y a un problème sur le plan de l'intégrité du système. Ainsi, il faut faire quelque chose.
Mme Lickers : J'aurais aussi un commentaire, si vous le permettez : si l'objectif des modifications de l'accord initial visant la reconnaissance de la bande — si l'objectif de l'accord supplémentaire, donc, était d'assurer l'intégrité de la liste de la bande Qalipu, l'accord supplémentaire a raté la cible.
L'établissement d'une date butoir arbitraire fondée sur le moment où une personne a signé une demande et l'application de différents critères selon la date à laquelle elle a signé le formulaire de demande, ce qui n'a aucun lien avec la relation ancestrale, sa relation avec une communauté micmaque et son auto-identification, ce n'est pas la façon de protéger l'intégrité des membres de la bande Qalipu.
Le sénateur Wallace : Je crois que nous nous entendrions tous pour dire... En fait, peut-être pas; je vais m'abstenir de parler pour les autres. Il semble raisonnable d'avoir des exigences justes et raisonnables — des exigences documentaires — qu'il faudrait produire pour établir sa relation avec la lignée micmaque. Si je lis l'accord supplémentaire de 2013, je constate que c'est ce que l'on tente de faire. Vous n'êtes peut-être pas d'accord.
Mme Lickers : Seulement si vous avez déposé votre demande après une certaine date. Si vous avez déposé votre demande avant une certaine date, il suffisait de signer un formulaire. Les personnes ayant signé le formulaire de demande avant le 22 septembre 2011 n'ont pas à produire ces documents.
Les personnes qui ont présenté une demande plus tard dans le processus font l'objet de critiques, mais, en réalité, les personnes qui ont présenté leur demande avant le 22 septembre 2011 étaient assujetties à un fardeau de preuve moins lourd, alors qu'elles sont peut-être moins susceptibles d'appartenir à la nation Qalipu que celles qui ont présenté leur demande plus tard.
L'accord supplémentaire ne protège en rien l'intégrité de la bande. D'aucune façon.
Le sénateur Wallace : Nous ne nous entendons peut-être pas sur cette conclusion. Merci beaucoup.
Le président : Avant de donner la parole à la sénatrice Dyck, j'aimerais poser une question à Mme Lickers au sujet de l'accord de 2008 et de l'accord de 2013 dont nous avons parlé. Êtes-vous d'accord pour dire que le projet de loi C-25 ne modifie en rien ces accords?
Mme Lickers : Je ne serais pas d'accord pour dire cela précisément, car l'article 3 modifie le recours qui s'offre aux membres existants de la bande pour contester le retrait de leur nom de la liste de membres et du registre. Ils réservent aux membres de la bande Qalipu qui ont déjà obtenu le statut de membre un traitement différent par rapport à tous les autres Indiens inscrits au Canada.
La sénatrice Dyck : Merci de vos réponses au cours des deux dernières séances. Elles ont permis d'éclaircir les choses pour moi. Je commençais à être assez confuse, alors je comprends très clairement que différentes normes sont appliquées selon les accords, et elles sont fondées sur la date de l'accord plutôt que tout autre facteur lié à la relation ancestrale d'une personne à la lignée des Micmacs, et, si vous avez présenté une demande avant l'accord supplémentaire, vous pourriez être accepté alors que, en réalité, vous ne devriez pas l'être, et, si vous présentez une demande après...
Mme Lickers : Pardon, avant la date du décret de reconnaissance.
La sénatrice Dyck : Le décret de reconnaissance succède à l'accord supplémentaire?
Mme Lickers : Non, il a été émis avant l'accord supplémentaire.
La sénatrice Dyck : De toute évidence, il y a des problèmes ici, et le président essaie de diriger notre attention sur le projet de loi. Vous avez formulé des recommandations dans votre mémoire, madame Lickers, en ce qui concerne le projet de loi, et c'est ce que je me demandais : comment allons-nous de l'avant?
L'une des choses qui ont été recommandées, c'est de carrément rejeter le projet de loi. Est-il possible de modifier le projet de loi? Que peut-on faire? Par exemple, je crois que vous avez dit que nous devrions supprimer l'article 4, qui ne prévoit pas d'appel. Peut-on modifier l'article 3 en conséquence? Cela semble contredire la Loi sur les Indiens, alors je me demandais quelles étaient vos recommandations concernant le projet de loi.
Pourrions-nous demander à tous les témoins — s'ils le désirent — de dire quel est le chemin à suivre en ce qui concerne les quatre articles du projet de loi? Que devons-nous faire? Que recommandez-vous?
Mme Lickers : Je conteste surtout les articles 3 et 4 du projet de loi; l'article 3 correspond à la disposition permettant le retrait de noms de la liste de la bande Qalipu par décret.
Nous proposons en premier lieu de supprimer entièrement cette disposition. Autrement, il faut au moins préciser pour quelles raisons le gouverneur en conseil peut retirer le nom de la liste. Selon le libellé actuel, rien dans le projet de loi n'exige du gouverneur en conseil qu'il suive les recommandations du comité chargé de l'inscription. Rien n'exige du gouverneur en conseil qu'il examine le fondement de la décision du comité chargé de l'inscription pour voir si sa décision était raisonnable.
Deuxièmement, l'article 3 contredit les dispositions de la Loi sur les Indiens, qui permettent à une personne de protester contre le retrait de son nom de la liste d'une bande et du registre des Indiens.
Si ce n'est pas l'intention qui sous-tend l'article 3, il faudrait apporter des précisions à cette disposition, car elle entraîne un traitement différent des membres de la bande Qalipu par rapport aux membres d'autres Premières Nations canadiennes.
La sénatrice Dyck : Si vous me permettez de vous interrompre, voulez-vous dire par là qu'il faut ajouter un article ou modifier l'article existant... j'ignore s'il s'agit de l'article 40 de la Loi sur les Indiens qui vous permet de protester ou d'interjeter appel.
Mme Lickers : Il serait difficile d'éliminer la contradiction amenée par le principe de l'article 3 du projet de loi, même si on intégrait au projet de loi un article selon lequel rien ne compromet le droit d'une personne de se prévaloir des dispositions de la partie « Protestations » de la Loi sur les Indiens. L'ajout de cet article pose problème, car les tribunaux ont clairement maintenu que, lorsqu'un registraire supprime un nom d'une liste de bande, puisque c'est le décret qui l'oblige à le faire, le registraire n'a pas le pouvoir de faire fi du décret. Même si vous ajoutez une disposition au projet de loi, les tribunaux vont probablement maintenir la décision du registraire, car le registraire est lié par le décret dans la mesure où le décret est valide.
Outre la suppression de l'article 3 du projet de loi, je ne vois pas comment on peut y remédier en garantissant aux gens les mêmes droits de protestation que ceux d'autres Indiens inscrits au Canada aux termes de la Loi sur les Indiens.
Pour conclure ma réponse à votre question, madame la sénatrice, selon nous, l'article 4 du projet de loi constitue une telle atteinte à un droit juridique fondamental dans notre pays que nous n'avons rien d'autre à proposer que de le supprimer entièrement du projet de loi.
S'il n'y a aucune responsabilité découlant des modalités du processus d'inscription, l'article 4 est inutile. Dans le cas contraire, la décision revient aux tribunaux.
Le sénateur Meredith : Merci beaucoup d'avoir présenté vos exposés. J'ai écouté attentivement vos exposés empreints de passion ainsi que vos préoccupations valables.
Lorsque nous regardons certains projets de loi et que nous repérons des dangers potentiels, je crois que nous avons le devoir de prendre les mesures qui s'imposent pour nous assurer de ne pas infliger d'autres préjudices à un citoyen du pays.
Cela dit, madame Lickers, vous avez parlé de recommandations potentielles relativement au projet de loi. Madame Tessier, dans votre exposé, vous avez dit qu'un accord lié à un processus qui a été conçu au départ pour corriger les injustices du passé est plus diviseur que jamais.
En notre qualité de sénateurs, nous avons le devoir d'agir du fond du cœur et de nous assurer que nous faisons la bonne chose et que nous concevons le bon projet de loi pour notre pays... ayant été la dernière province à se joindre à la cause des populations. Dans votre exposé, vous avez dit que certains groupes étaient toujours exclus. Madame Lickers, vous avez parlé des éventuelles répercussions des articles 3 et 4 et du fait que le projet de loi n'est pas nécessaire.
Pour répéter, comment allons-nous de l'avant? Quels sont les projets de loi qui nous permettront d'aller de l'avant? Vous avez fait des travaux de recherche, madame Darrigan, sur l'ascendance ancestrale — les droits des personnes —, et vous parlez de l'intégrité. Mon collègue d'en face est aussi... Je ne suis pas avocat; il plaide mieux que moi. Toutefois, en ce qui concerne les lacunes du projet de loi, nous devons faire la bonne chose, et je crois que chacun d'entre nous doit faire la bonne chose.
Vous êtes ici pour présenter le cas du groupe Micmac et dire « Écoutez, il y a des choses qui ne se sont pas bien déroulées dans le processus. Que faire pour rétablir la situation? » Je vous le demande : que faisons-nous ici pour apporter les corrections qui s'imposent, compte tenu du fait que le bateau a essentiellement déjà quitté le port dans le cadre de ce processus?
C'est notre devoir, chers collègues et monsieur le président, que je respecte énormément, à la lumière des témoignages qui nous ont été présentés, de prendre du recul et de rétablir les choses qui, selon nos conclusions, risquent de causer d'autres préjudices potentiels. Je suis simplement franc et direct. Je ferai peut-être l'objet de critiques plus tard, mais nous devons dire les bonnes choses et nous devons faire les bonnes choses pour l'avenir.
Selon votre expertise et votre recherche... Pour que cela ne se reproduise pas dans le cas d'autres groupes qui aimeraient entreprendre un processus d'identification et seraient réticents à le faire par crainte de discrimination ou de représailles, notamment. Nous avons observé un tel phénomène. Le processus dont il est question ici — le projet de loi — vise à corriger un certain tort; toutefois, il semble entraîner d'autres répercussions qui n'étaient pas prévues. Il faudra adopter une démarche fondée sur les faits et faire preuve d'honnêteté, de transparence et de responsabilité à l'avenir, lorsque nous présenterons un autre projet de loi, quel qu'il soit. Aux yeux de tous les Canadiens, il faut faire ce qui est bien. Martin Luther King a dit : « une injustice commise quelque part est une menace pour la justice dans le monde entier. » Nous devons nous assurer de faire la bonne chose.
À votre avis, d'un point de vue juridique, pouvez-vous encore me dire quels sont les aspects factuels que nous devons considérer dans notre démarche?
Ensuite, je vais aussi parler de la recherche et de la façon de nous assurer que — des outils qu'on pourrait mettre en place pour que les gens soient entièrement identifiés et reconnus, ainsi que leur culture et leur patrimoine, lesquels sont si importants pour eux. Nous parlons du fait que vous n'avez pas de territoire. Il n'y a aucun droit ou avantage inhérent que vous déroberiez à ces membres fondateurs.
Parlez-moi un peu plus de cela et expliquez-nous quelle est la marche à suivre.
Mme Lickers : La réponse courte, monsieur le sénateur, c'est que l'adoption du projet de loi n'est pas la solution.
Quant aux prochaines étapes et de la voie à venir si le projet de loi n'est pas adopté, je vais demander à mes collègues. Comme elles sont de Terre-Neuve et qu'elles appartiennent aux Micmacs, elles peuvent parler davantage de ce qui assurerait l'intégrité de la bande. Encore une fois, je vais répéter ce que j'ai dit plus tôt, à savoir que l'établissement d'une date butoir aléatoire qui fait en sorte qu'on applique différents critères en fonction de la date à laquelle la personne a déposé sa demande n'est pas la solution.
La solution consiste-t-elle à modifier entièrement les critères d'admissibilité? Faut-il appliquer les exigences additionnelles relatives à la documentation, prévues dans l'accord supplémentaire, à toutes les personnes qui ont déposé une demande, peu importe la date? Je ne saurais répondre à cette question.
Mais la solution n'est pas d'imposer une date butoir aléatoire et d'appliquer deux ensembles de critères différents.
Mme Tessier : En ma qualité de Terre-Neuvienne et de Micmaque, j'ai beaucoup de problèmes à l'égard de l'intégrité ancestrale de la bande. Je crois qu'il faut mener un examen intégral, et j'espère que quelqu'un quelque part écoutera. Nous savons qu'il y a des erreurs. Nous le savons. Nous savons qu'il y a des gens qui appartiennent probablement à la bande Qalipu à l'heure actuelle, mais qui ne sont même pas admissibles au statut de Micmac.
Pourtant, si nous restons passifs devant cette situation, elle se reproduira. Cela pourrait commencer par la bande micmaque, mais qui pourrait dire qu'une autre bande canadienne ne sera pas touchée par l'issue de la séance ce soir? Qui peut le dire?
L'intégrité est d'une grande importance pour nous tous. Nous devons savoir et nous devons être en mesure de savoir que nos frères et nos sœurs sont réellement ceux qu'ils prétendent être. C'est ce que je recherche.
Mme Darrigan : Monsieur Meredith, j'ai beaucoup été touché par vos propos sur l'honnêteté, le pays et l'importance de construire des choses pour l'avenir.
Pour répondre à votre question sur la voie à suivre, je crois que l'exercice de ce soir constitue un pas dans la bonne direction. Le fait que les honorables membres du comité sénatorial écoutent notre témoignage... Nous avons écouté toutes les séances qui se sont déroulées, et j'ai constaté qu'il n'y avait pas consensus; les gens ne comprenaient pas vraiment pourquoi nous nous démenions. J'espère que nous avons aidé ce soir à ce chapitre.
Où aller à partir d'ici? Comment aller de l'avant? Cela dépendra en grande partie de la volonté du gouvernement et des dirigeants de la bande Qalipu/de la FITN de nous entendre ce soir. Partagent-ils notre objectif? Nous avons beaucoup entendu parler d'intégrité. Nous sommes complètement en faveur de l'intégrité, mais l'intégrité, ça commence chez soi. C'est une généralité qui vient à l'esprit.
En faisant un remue-méninges, on pourrait trouver une idée — un compromis — pour résoudre la situation. L'examen de l'ascendance doit faire partie du processus, et pas seulement pour les gens qui ont présenté une demande après la date de reconnaissance; pour tout le monde. Il faut mettre de l'ordre là-dedans. On ne peut pas continuer ainsi; c'est insensé.
L'autre chose, c'est qu'il faut traiter tout le monde de la même façon dès le début. On ne peut pas avoir un système à deux échelons. Voyons donc; nous sommes au Canada.
C'est là que je commencerais, mais j'ai l'esprit nuancé et je suis prête à discuter de ces choses. Pauline et moi sommes des bénévoles. Ensemble, nous avons fait don de plus de 3 000 heures de notre temps au cours des dernières années sur ce dossier. Nous ne percevons de frais auprès de personne; nous n'avons rien à gagner, mais nous nous soucions de l'intégrité du processus et du résultat.
Le président : Compte tenu du temps que nous avions initialement alloué à la séance et de la patience dont tout le monde a fait preuve en nous permettant de suspendre les travaux pour voter, je vais tenter de mettre fin à la séance dans environ 10 minutes. Cela permettra de rattraper le temps perdu.
Le sénateur Watt : Si seulement j'avais plus de temps. Ce n'est pas une question à balayer du revers de la main; elle est très importante. Nos actes ont des conséquences sur la vie des gens. Je parle du gouvernement, pas de vous.
Je ne suis pas tout à fait certain, comme je connais les procédures que j'ai dû suivre personnellement en ce qui concerne les listes d'admissibilité à l'inscription et ce genre de choses... Il y a un protocole qu'il faut suivre.
Premièrement, vous devez être consultés, et vous n'avez pas été consultés. Deuxièmement, peu importe qui sont ces dirigeants et comment ils en sont venus à vous représenter, ils n'ont pas le pouvoir de prendre des décisions en votre nom. Il faut passer par une procédure de ratification. Je ne crois pas qu'on l'a fait. C'est très important.
J'aimerais aussi dire que, selon moi, quoi que nous fassions, nous avons peu de membres au Sénat qui seraient prêts à prendre votre parti. Il y a plus de sénateurs du côté du gouvernement qui permettraient l'adoption de ce projet de loi, que cela nous plaise ou non.
Permettez-moi de passer à la question qui vous préoccupe, à savoir que certaines dispositions de la loi proprement dite pourraient vous empêcher de procéder à un réexamen ou de présenter un argument. Aucun tribunal proprement dit ne sera à votre disposition. Sachant cela, considérez-vous que le projet de loi est infaillible? Je ne pense pas. En vertu de l'article 35 de la Constitution, de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, vous avez les mêmes droits que n'importe quel Autochtone. Vous êtes Autochtone; vous êtes visé par ces dispositions.
La consultation est très importante. Rien ne doit s'accomplir avant que vous n'ayez été consulté de façon adéquate. Encore une fois, comme j'ai mentionné, vous devez passer par la procédure de ratification. Les gens qui négocient en votre nom n'ont pas un effectif suffisant pour prendre des décisions en votre nom. Ce n'est jamais le cas, surtout lorsqu'il est question d'un enjeu aussi complexe que celui-ci. Bien qu'il y ait une procédure de revendication territoriale exhaustive, nous devons avoir une ratification en place.
Alors, que fait notre gouvernement aujourd'hui, en négligeant les dispositions qui doivent être respectées? Ça me dépasse.
Le président : Vous allez poser une question, j'en suis certain, Monsieur Watt.
Le sénateur Watt : Vous ne m'avez même pas donné cinq minutes du temps qui me revient. Il s'agit d'une question absolument cruciale.
Pour revenir à la ratification, avez-vous déjà vu une telle ratification avoir lieu? Avez-vous déjà été témoin d'une consultation de votre peuple? Voilà mes deux questions. Désolé d'avoir passé autant de temps à en parler. Il m'arrive d'être verbeux.
Mme Lickers : Monsieur le sénateur, si vous permettez, pour répondre à votre question, l'accord initial prévoit un processus de modification. Il y a deux façons de modifier l'accord. Il y a des défauts administratifs, qu'il est possible de corriger sans ratification, puis il y a les changements substantiels de l'accord qui doivent être ratifiés.
Le sénateur Watt : L'ont-ils été?
Mme Lickers : Non, ils ne l'ont pas été, car, lorsque l'accord supplémentaire a été diffusé, on prétendait qu'il servait à corriger un défaut dans l'accord initial. Cette description est pour le moins douteuse, mais elle a permis aux partis d'accéder aux dispositions de l'accord initial, grâce auxquelles elles ont pu modifier l'accord sans ratification en invoquant le défaut.
Le président : Le comité va étudier le projet de loi plus en profondeur.
La sénatrice Raine : La question que j'allais poser est simplement le fruit de ma curiosité; pour m'aider à comprendre. Nous nous attachons vraiment au projet de loi proprement dit, alors, l'étude de tout le contexte du projet de loi est un important apprentissage.
Je me demandais... Vous avez parlé de nouveaux travaux de recherche généalogique en renvoyant à un document intitulé The Micmac Shore. Je me demandais si vous pouviez donner plus de détails à ce sujet, car je ne comprends pas.
Mme Tessier : J'imagine que je peux répondre. Je ne me souviens pas en quelle année c'était, mais la FITN a commandé — j'ignore si c'était auprès d'un généalogiste —, mais un rapport a été commandé par la FITN pour déterminer qui était d'ascendance micmaque à Terre-Neuve. Le document a été publié, puis, tout d'un coup, il est disparu. Personne ne pouvait le trouver. Lorsque nous avons téléphoné aux bureaux pour demander de le consulter, personne ne l'avait. Nous avons dû aller jusqu'à Glenwood pour obtenir une copie du document.
Lorsque nous avons jeté un coup d'œil sur le document, nous avons constaté qu'il y avait de graves lacunes liées à ma famille et à celle d'Helen. Nous nous en sommes aperçues immédiatement. Nous n'avons pas parcouru tout le document pour examiner la lignée de chaque famille. Nous en connaissons certaines, mais nous connaissons aussi la nôtre. Lorsque nous avons constaté ce qu'il était advenu de la nôtre, nous avions un gros problème. Selon moi, The Micmac Shore a prétendument disparu parce qu'on savait qu'il y avait des erreurs et un trop grand nombre de gens qui se manifestaient connaissaient ces erreurs.
Le sénateur Meredith : Il a tout simplement disparu dans l'Atlantique?
Mme Tessier : Oui, mais certains d'entre nous l'avons toujours.
La sénatrice Raine : En guise de question complémentaire, a-t-on utilisé ce document pour déterminer qui était Micmac au premier tour?
Mme Tessier : Oui, on l'a fait.
Mme Darrigan : Je crois que c'était en 2002, si je me souviens bien. Ce document a été constitué en 2002, et il sert de fondement à beaucoup de familles jusqu'à l'accord de 2008, et, chose certaine, il a été utilisé pour les demandeurs de la première étape. J'ignore si c'est le cas pour tout le monde, mais, certes, pour une grande proportion des demandeurs de la première étape, on a déterminé l'ascendance à la lumière de ce document. Il a disparu; personne ne voulait en parler, mais l'un de nos amis spécialiste de généalogie l'avait dans ses archives — il est très bien renseigné — et il l'a affiché sur le groupe de médias sociaux, alors tout le monde pouvait le voir. Il s'agit d'un document volumineux aussi; un document très volumineux.
Le sénateur Tannas : Merci d'avoir présenté des exposés ce soir. J'ai une question pour Mme Lickers; en fait, c'est plus une clarification.
Dans votre exposé, vous avez mentionné à un certain nombre de reprises que l'accord supplémentaire prévoyait une date butoir avant laquelle les gens n'avaient pas besoin de fournir de document, puis une date à laquelle ils étaient tenus de le faire. Cette exigence est-elle explicite dans l'accord supplémentaire ou s'agissait-il d'une pratique du comité d'évaluation? Où trouve-t-on cela? Pourriez-vous m'aider?
Mme Lickers : Donnez-moi un instant pour que je retrouve le passage en question.
Voici le préambule de l'entente supplémentaire; je vais vous en lire un paragraphe :
QUE l'application de l'article 24 des Lignes directrices du Comité d'inscription [...] aux demandes signées après le 22 septembre 2011 ferait en sorte qu'on accueillerait une preuve insuffisante pour répondre au critère selon lequel le demandeur doit s'être identifié comme membre du groupe des Indiens mi'kmaq de Terre-Neuve avant et à la date du décret de reconnaissance, comme prévu au sous-alinéa 4.1d)(i) de l'Accord.
Alors, ce préambule explique que l'accord exigeait l'auto-identification à la date du décret de reconnaissance. L'auto-identification se limitait à la signature du formulaire de demande. Les parties ont intégré à l'accord supplémentaire la question de savoir comment un formulaire de demande signé après la date du décret de reconnaissance pouvait constituer une preuve d'auto-identification avant la date du décret de reconnaissance. Ainsi, la signature du formulaire de demande après une date particulière ne signifie pas nécessairement que vous avez déclaré appartenir au groupe indien des Micmacs à un moment antérieur. Ainsi, si vous avez signé la demande après cette date, il faut fournir une documentation imposante pour prouver votre appartenance.
Bien sûr, cette information n'a pas été transmise aux personnes qui préparaient leur demande, alors j'avance que, si les gens avaient su que les critères changeraient selon la date à laquelle ils signent leur formulaire de demande, un beaucoup plus grand nombre de demandes aurait été reçu avant le 22 septembre 2011.
Le sénateur Tannas : Voyez-vous dans l'accord supplémentaire et le projet de loi, qui prévoient, selon mon interprétation, la possibilité de remonter au premier membre fondateur si on veut et d'appliquer les mêmes critères à chaque personne à partir du premier membre fondateur... Pourquoi est-ce injuste?
Mme Lickers : Ce n'est pas injuste, mais ce n'est pas ce qui arrive ici.
Le sénateur Tannas : Et vous le savez en raison de ce qui s'est produit par le passé?
Mme Lickers : Non, nous le savons en raison de la manière dont est rédigé l'accord et dont il est appliqué aux demandeurs. Les personnes qui ont déposé leur demande après cette date reçoivent des lettres sollicitant des documents supplémentaires pour prouver leur appartenance durant les années passées. Les personnes ayant signé leur formulaire de demande avant cette date ne sont pas appelées à produire cette documentation.
Le sénateur Tannas : D'accord, mais nous habilitons un nouveau comité pour recommencer du début. Voyez-vous quelque chose qui empêcherait le nouveau comité de commencer à demander ces documents aux gens qui n'ont pas encore été appelés à les fournir?
Mme Lickers : Sans parler de mon avis sur le caractère équitable des critères prévus.
Le sénateur Tannas : Exactement.
Mme Lickers : Non, il serait idéal d'appliquer les mêmes critères à tous les demandeurs. Sans égard à la nature de ces critères, le fait d'appliquer les mêmes exigences relatives à la documentation et les mêmes critères serait idéal.
Le sénateur Tannas : Ainsi, le projet de loi n'empêcherait pas un nouveau comité — un nouveau groupe constitué dans cet objectif — d'entreprendre ce processus particulier. Nous ne nous entendons peut-être pas sur les critères dont il est assorti ou n'en sommes pas satisfaits, mais, par l'intermédiaire du projet de loi, nous pourrions bel et bien appliquer... Ou les personnes chargées de l'application du projet de loi pourraient véritablement faire quelque chose qui garantirait à tous un traitement équitable, égalitaire?
Mme Lickers : Je ne crois pas que le projet de loi ouvre la voie à une telle chose. Selon moi, aucune disposition du projet de loi ne prévoit ce que vous venez de décrire. Il s'agirait d'un processus entièrement différent.
Mme Darrigan : J'ai aussi un commentaire à faire ici. Il s'agit d'une idée admirable. Puisque toute mesure prise sous le régime actuel devra attendre jusqu'en mars 2016, pourquoi sommes-nous pressés d'adopter le projet de loi C-25? J'aimerais voir le gouvernement et la FITN commencer par jouer cette carte, puis voir où cela nous mènera. Mais pourquoi adopter le projet de loi? Parce que, une fois adopté, il a force exécutoire.
Le sénateur Tannas : Je ne crois pas que nous ayons ce mandat, n'est-ce pas?
Mme Darrigan : C'est exact, mais vous avez demandé si le projet de loi pouvait permettre d'aller de l'avant dans un tel cas. Eh bien, peut-être dans certaines circonstances.
Le sénateur Tannas : Oui.
Le sénateur Wallace : Madame Darrigan, Mme Tessier et vous-même avez soulevé — et nous l'avons entendu lorsque le comité étudiait d'autres dossiers — le besoin de consultation et d'obtention des commentaires des Premières Nations sur ces questions. Je me demande si, selon vous — et c'est certainement mon interprétation —, le gouvernement a participé à l'accord supplémentaire en 2013 et à la préparation du projet de loi C-25, et le conseil de bande micmaque Qalipu a donné son accord. Il a participé à ce processus. Selon vous, en parlant de l'accord de 2013, est-ce que le conseil de bande micmaque Qalipu a ratifié l'accord? Cette entité n'est-elle pas la représentante la plus évidente du peuple micmac Qalipu?
Mme Darrigan : On aurait tendance à le croire. Mais, question d'apporter une précision ici, le conseil de bande est un groupe de personnes très limité. Comme l'a mentionné ma collègue Pauline dans son exposé, quelle est la proportion de ce conseil de bande qui a voté en faveur? A-t-on consulté un seul des quelque 23 000 membres dans ce dossier? La réponse est non, on ne l'a pas fait.
Mme Lickers : Le conseil de bande ne représente pas les demandeurs. Il représente seulement les personnes qui ont obtenu le statut d'appartenance. Il ne parle pas au nom des 78 000 personnes qui ne sont pas encore membres et des demandeurs qui n'ont pas été consultés.
Le sénateur Wallace : J'aurai cru que l'intention du conseil de bande serait de défendre l'intérêt supérieur, l'intégrité et la crédibilité du peuple micmac Qalipu.
Mme Darrigan : On aurait tendance à le croire.
Mme Tessier : On aurait tendance à le croire, mais, si on regarde ce qui s'est passé — je suis à cheval sur les détails lorsqu'il s'agit de généalogie — et lorsque je vois ce qui est arrivé avec ce seul document, j'ai un problème, et je crois que la plupart des gens auraient un problème avec le conseil de bande.
Je dois aussi me demander ce qu'il advient si, des 23 000 personnes, certaines perdent leur statut. Nous avons déjà eu une élection. Quelle est réellement la position du conseil? S'agit-il réellement de membres du peuple élus? L'élection était-elle réellement valide? Si l'une ou l'autre de ces personnes perd son statut, c'est très douteux.
Mme Darrigan : La dernière élection est une toute autre question. Nous pourrions passer la semaine ici, mesdames et messieurs.
Le sénateur Wallace : Ma conclusion à ce sujet est que le conseil de bande micmac Qalipu ainsi que la Fédération des Indiens de Terre-Neuve — les deux organisations — représentent le peuple autochtone Qalipu avec qui le gouvernement, après avoir transigé et négocié, a conclu des accords, et je crois que c'est indéniable.
Mme Lickers : Les membres de la Fédération des Indiens de Terre-Neuve aujourd'hui sont la bande et le conseil. Ce ne sont pas les mêmes personnes qui étaient membres au moment de la négociation de l'accord initial.
Le sénateur Wallace : J'imagine que les membres changent. Très bien. Merci beaucoup.
Le président : Pour conclure et juste pour aider le comité — et j'ignore si on l'a demandé — en parlant de représentants, madame Lickers, vous parlez aujourd'hui au nom de l'Assemblée de la Première Nation micmaque de Terre-Neuve, n'est-ce pas?
Mme Lickers : C'est exact.
Le président : Pourriez-vous brièvement nous dire qui représente cette organisation?
Mme Lickers : Je l'appelle l'APNMTN. L'Assemblée de la Première Nation micmaque de Terre-Neuve est un organisme sans but lucratif qui représente des demandeurs et des membres de la bande en faveur d'un processus d'évaluation juste et équitable pour déterminer l'appartenance à la bande. L'appartenance est déterminée à la lumière d'un processus d'inscription volontaire et à la suite du paiement d'une petite cotisation pour financer la lutte contre l'accord supplémentaire et, maintenant, le projet de loi C-25.
Le président : Savez-vous que la Fédération des Indiens de Terre-Neuve est aussi une personne morale en vertu de la Newfoundland and Labrador Corporations Act?
Mme Lickers : C'est ce que je crois comprendre, oui.
Le président : Merci beaucoup du temps que vous avez passé ici ce soir, ainsi que de votre indulgence par rapport au retard et de vos questions. Je crois que nous avons bien fait le tour des questions touchant le projet de loi ce soir.
Sur ce, je vais mettre fin à la séance. Merci beaucoup, chers témoins. La séance est levée.
(La séance est levée.)