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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 7 - Témoignages du 17 juin 2014


OTTAWA, le mardi 17 juin 2014

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été renvoyé le projet de loi C-25, Loi concernant le Décret constituant la bande appelée Première Nation Qalipu Mi'kmaq, se réunit aujourd'hui, à 9 h 33, afin de procéder à l’étude, article par article, du projet de loi et d'étudier les problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous. Je veux souhaiter la bienvenue à tous les sénateurs et à tous les membres du public qui assistent à la séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones ou qui la regardent sur CPAC ou sur le site web.

Je m'appelle Dennis Patterson, du Nunavut. Notre mandat consiste à examiner les projets de loi ainsi que toute autre question au sujet des peuples autochtones du Canada. Nous continuons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-25, Loi concernant le Décret constituant la bande appelée Première Nation Qalipu Mi'kmaq. Par la suite, nous accueillerons des témoins dans le cadre de notre étude sur l'infrastructure dans les réserves.

Avant de commencer, je demanderais à tous les membres du comité de se présenter.

Le sénateur Moore : Bonjour. Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Dyck : Bonjour. Lillian Dyck, sénatrice de la Saskatchewan.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Bonjour. Sénatrice Lovelace, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Baker : George Baker, de Terre-Neuve-et-Labrador. Je remplace le sénateur Sibbeston aujourd'hui.

Le président : Bienvenue.

La sénatrice Ataullahjan : Bonjour. Sénatrice Ataullahjan de l'Ontario.

Le sénateur Wallace : John Wallace, Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.

Le sénateur Ngo : Sénateur Ngo, de l'Ontario.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, Alberta.

La sénatrice Raine : Je m'appelle Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le président : Chers collègues, lors de deux récentes séances, nous avons entendu des témoins qui étaient pour le projet de loi C-25 et d'autres qui l'ont critiqué, et nous avons eu l'occasion de leur poser des questions. Si tous les membres sont prêts, la prochaine étape consiste à en faire l'étude article par article. Je veux dire aux membres du comité que nous avons parmi nous des représentants d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada et du ministère de la Justice Canada qui pourront répondre à vos questions au cours de l'étude article par article.

Je me permets d'inviter les témoins à s'avancer. Avant que nous commencions, j'aimerais leur poser des questions qui aideront peut-être le comité au sujet des points qui ont été soulevés lors de la dernière séance. Si personne n'y voit d'inconvénient, j'inviterais M. Andrew Saranchuk, sous-ministre adjoint du Secteur de la résolution et des affaires individuelles à Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. Il est déjà venu témoigner devant notre comité. Nous accueillons également un représentant du ministère de la Justice Canada, M. Martin Reiher, avocat général et directeur par intérim des opérations et des programmes aux Services juridiques.

Chers collègues, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aimerais poser des questions qui font suite à notre dernière séance.

Dans le préambule, il est question de conditions d'inscription pour tous les demandeurs qui veulent devenir membres de la Première Nation Qalipu Mi'kmaq. Monsieur Saranchuk, le projet de loi change-t-il les critères d'admissibilité pour devenir membre de la Première Nation?

Andrew Saranchuk, sous-ministre adjoint, Secteur de la résolution et des affaires individuelles, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Non. Les critères d'admissibilité pour devenir membre de la Première Nation Qalipu Mi'kmaq ne changent d'aucune façon dans le cadre du projet de loi C-25. Ils ont été énoncés dans l'accord de 2008, l'accord initial, et le projet de loi ne les modifie pas.

Si vous me le permettez, je veux souligner qu'il est important de ne pas confondre le projet de loi avec l'accord de 2008 ou l'accord supplémentaire de 2013. Il faut comprendre que les deux accords ont été signés et mis en vigueur et que le projet de loi ne vise pas à les approuver ou à leur donner force de loi.

En particulier, l'accord supplémentaire a déjà été conclu entre le Canada et la Fédération des Indiens de Terre-Neuve. Sa mise en œuvre est en cours depuis l'été dernier, à l'aide du comité d'inscription qui, comme on l'a expliqué, est composé de représentants du Canada, de la Fédération des Indiens de Terre-Neuve et d'un président indépendant.

Il est vrai que l'accord supplémentaire a précisé et resserré les exigences documentaires liées aux critères et que certains demandeurs les acceptent mal. Toutefois, la Fédération des Indiens de Terre-Neuve pouvait conclure l'accord de la même façon qu'elle l'avait fait dans le cas de l'accord de 2008. Les deux parties ont jugé qu'il était nécessaire d'adopter l'accord afin de préciser les intentions initiales et de les mettre en vigueur.

Pour répondre à votre question, je dirais que le projet de loi ne peut modifier aucun des deux accords, et surtout, qu'il ne peut pas modifier les critères d'admissibilité qui ont été énoncés dans l'accord de 2008.

Le président : Je présume que nous pourrions les appeler des « conditions d'inscription » ou des « critères d'admissibilité ».

M. Saranchuk : C'est exact.

Le président : Pour rafraîchir la mémoire des membres du comité, pourriez-vous expliquer les conditions d'inscription et les critères d'admissibilité qui servent à déterminer qui est membre de la Première Nation Qalipu Mi'kmaq? Quels sont-ils, s'il vous plaît?

Martin Reiher, avocat général et directeur par intérim, Opérations et programmes, Services juridiques, ministère de la Justice Canada : En gros, les demandeurs doivent prouver qu'ils sont d'ascendance indienne du Canada; qu'ils sont les descendants de membres d'une collectivité micmaque de Terre-Neuve établie avant l'entrée de la province dans la Confédération; et qu'ils ont un lien actuel important, et ce dernier critère comprend deux aspects : d'une part, ils se définissent comme membres du groupe d'Indiens micmacs de Terre-Neuve, et d'autre part, ils sont acceptés par le groupe.

Ces deux derniers éléments sont ceux qui définissent le lien important de la personne avec le groupe d'Indiens micmacs de Terre-Neuve, qui devait exister au moment de l'adoption du décret de reconnaissance et ne doit pas être un fait récent. La personne doit établir qu'elle avait un lien actuel important avec le groupe depuis un certain temps avant la date du décret de reconnaissance et le jour même.

Le président : Je crois comprendre qu'il y a quatre critères : être d’ascendance indienne, être descendant de membres d’une collectivité micmaque établie avant la création de la Confédération, et avoir un lien important qui comprend deux éléments : auto-identification à titre de membre du groupe et acceptation par la bande.

M. Reiher : C'est exact, monsieur le président.

Le président : Dans le préambule du projet de loi, il est écrit que l'accord supplémentaire prévoit que le comité chargé de l'inscription formé de représentants de chaque partie et d'un président indépendant choisi conjointement par les parties étudiera les demandes d'inscription conformément aux accords initial et supplémentaire et soumettra aux parties une nouvelle liste, définitive, des membres fondateurs de la bande, sur le fondement de laquelle il sera recommandé au gouverneur en conseil de modifier l'annexe du Décret constituant la bande appelée Première Nation Qalipu Mi'kmaq. Je suis pratiquement en train de citer le préambule. Le projet de loi traite du processus d'évaluation des demandes d'inscription par un comité d'inscription.

Pourriez-vous nous expliquer quelle était l'intention originale de l'accord d'inscription?

M. Saranchuk : En général, l'intention originale de l'accord d'inscription, pour l'accord de 2008, c'était de créer une bande sans assise territoriale pour le groupe d'Indiens micmacs de Terre-Neuve, qui vivait sur l'île de Terre-Neuve. Dans ce contexte, l'accord prévoyait un processus d'inscription et l'a lancé, et les critères étaient ceux que M. Reiher vient de nommer.

Le but des parties concernant l'inscription et le statut de membre, c'était que le statut de membre fondateur de ce groupe soit accordé à des personnes ayant un lien actuel important avec le groupe d'Indiens micmacs de Terre-Neuve et que ce lien précède la création de la bande.

Il ne s'agissait pas seulement de prouver que la personne a un certain degré de sang autochtone ou qu'elle a des ancêtres micmacs de Terre-Neuve. Il y avait quatre critères à respecter, qui reposaient en grande partie sur la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans la cause Powley, que M. Reiher vient de décrire. Les liens ancestraux constituaient seulement l'un des critères. Il fallait également prouver qu'au moment des négociations et à la date du décret de reconnaissance, les demandeurs se définissaient déjà comme membres du groupe et étaient déjà acceptés en tant que membres du groupe.

En ce qui concerne l'acceptation par le groupe, qui est l'un des éléments essentiels pour l'obtention du statut de membre, les parties prévoyaient que les gens vivant à l'intérieur ou à proximité des collectivités micmaques de Terre-Neuve nommées dans l'accord de 2008 et qui répondaient à l'autre critère seraient considérés comme membres du groupe. Les non-résidents pouvaient également devenir membres, mais il leur fallait prouver qu'ils avaient un lien important avec le groupe d'Indiens micmacs actuel. Notamment, ils devaient démontrer qu'ils participaient activement à la collectivité et que leur lien n'était pas un fait récent.

L'intention des parties n'a jamais été de reconnaître des gens qui n'avaient que des liens ancestraux ou qui étaient des descendants de membres de la collectivité micmaque ou qui n'avaient pas de lien culturel avec le groupe. Comme je l'ai dit, il s'agissait plutôt d'inscrire et de reconnaître les personnes qui ont un lien actuel important avec le groupe d'Indiens micmacs de l'île de Terre-Neuve qui précède la création de la bande.

Le président : Voici ma dernière question qui, je l'espère, reflète certaines préoccupations que certains sénateurs ont exprimées lors de la dernière séance : en ce qui concerne le processus et le comité, est-ce que toutes les personnes — dont les premiers fondateurs, les premiers demandeurs, les gens qui ont fait une demande d'inscription — seront réévaluées selon les mêmes critères d'admissibilité ou conditions d'inscription pour l'obtention du statut de membre de la Première Nation Qalipu Mi'kmaq? Seront-elles toutes évaluées et selon les mêmes critères?

M. Saranchuk : Monsieur le président, la réponse et tout simplement oui. Toute personne qui a présenté une demande valide pour devenir membre de la Première Nation Qalipu Mi'kmaq en respectant la date limite aura droit à une évaluation de sa demande conformément aux mêmes quatre critères qui figurent à l'article 4 de l'accord de 2008.

La sénatrice Dyck : Vous dites qu'on utilise les mêmes critères d'admissibilité pour les gens du premier groupe qui faisaient partie des membres fondateurs, et qu'ils seront réévalués en fonction des mêmes critères qui sont énoncés dans l'accord supplémentaire. Les exigences documentaires seront-elles les mêmes?

M. Saranchuk : Je vais laisser M. Reiher répondre à la question, car il en sait davantage à ce sujet.

M. Reiher : Merci. En effet, les mêmes critères s'appliqueront à toutes les demandes. En ce qui concerne les exigences documentaires, chaque situation est unique et la personne doit fournir les meilleures preuves en fonction de sa situation.

Comme vous le savez, l'accord supplémentaire a précisé les exigences documentaires concernant l'auto-identification et l'acceptation par le groupe. Je crois qu'on donne une période de 110 jours à tous les demandeurs pour leur permettre de fournir de la documentation additionnelle s'ils le souhaitent.

Par exemple, pour ce qui est de l'auto-identification ou de l'acceptation par le groupe, les gens qui étaient membres d'une organisation qui défendait les intérêts des Micmacs sur l'île de Terre-Neuve avant la signature de l'accord de 2008 seraient en mesure de le signaler et d'utiliser les documents qu'il faut pour prouver leur auto-identification ou l'acceptation au sein du groupe. D'autres seront en mesure d'utiliser le recensement de 2006 s'ils ont eu l'occasion de le remplir.

Comme vous le savez, au cours des délibérations de votre comité, il a été question de la possibilité d'utiliser les formulaires de demandes pour prouver que le demandeur s'identifie comme membre du groupe, conformément à l'accord de 2008. Il est effectivement possible de l'utiliser comme une preuve. Parce qu'il faut que la personne se disait membre du groupe ou qu'elle était acceptée comme telle par le groupe dans la période précédant la date d'adoption du décret de reconnaissance et au moment de son adoption, le formulaire de demande signé après l'adoption du décret de reconnaissance ne peut pas servir à prouver l'auto-identification préalable. Donc, d'autres preuves documentaires possibles ont été établies dans l'accord supplémentaire.

La sénatrice Dyck : La date de reconnaissance était le 22 septembre 2011, date à laquelle la bande a été créée, n'est-ce pas?

M. Saranchuk : Oui.

La sénatrice Dyck : D'après ce que je comprends, l'accord supplémentaire utilise cette date et prévoit appliquer les critères relatifs à l'acceptation par la collectivité et le groupe, comme pour ce qui est de démontrer que la personne en faisait partie avant l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération et qu'en quelque sorte, elle a un lien avec la collectivité. Il lui faut donc fournir des preuves — comme des photos de journaux locaux, et cetera — qu'elle fait partie de la collectivité et qu'elle pratique sa culture. Si je comprends bien, les critères liés à l'auto-identification dans l'accord supplémentaire ne s'appliquent pas aux personnes qui avaient signé une demande avant septembre 2011. S'il y a des critères différents ou que des documents différents sont exigés pour l'auto-identification, alors les personnes qui avaient une demande signée avant 2011 n'auraient pas à soumettre la même documentation que celles qui n'avaient pas de demande signée avant septembre 2011.

M. Reiher : Je vous remercie de me donner la possibilité de donner des précisions.

Ce que vous dites est exact dans la mesure où les gens qui ont signé leur formulaire de demande avant la date du décret de reconnaissance, soit le 22 septembre 2011, peuvent s'appuyer sur le fait qu'ils ont signé le formulaire en ce qui concerne l'auto-identification, tandis que ceux qui ont signé le formulaire après cette date doivent fournir des documents supplémentaires, parce qu'il a été signé après coup. Il ne peut servir de preuve tangible d'auto-identification le jour du décret de reconnaissance.

La sénatrice Dyck : Vous dites que ceux qui ont signé après septembre 2011 l'ont fait après coup. Après quoi au juste?

M. Reiher : Après l'établissement de la bande, après l'adoption du décret de reconnaissance du 22 septembre 2011.

La sénatrice Dyck : D'après ce que vous venez de dire, il me semble que c'est encore comme si deux normes différentes s'appliquent — l'une pour les gens qui avaient une demande signée avant septembre 2011, et l'autre pour ceux qui n'en avaient pas. Il s'agit du même critère, mais pas des mêmes exigences documentaires, de sorte qu'on n'applique pas la même norme pour tout le groupe. C'est le sénateur Tannas ou le sénateur Wallace qui a dit que l'idéal, ce serait que les mêmes normes, les mêmes critères et les mêmes exigences documentaires s'appliquent à tout le monde indépendamment de la date à laquelle le décret de reconnaissance a été adopté. Ce serait la situation la plus équitable.

M. Reiher : Les gens ne sont pas tous dans la même situation. Pour chaque critère, ils doivent fournir les preuves requises. Pour n'importe lequel des critères, la preuve ou le document présenté peut varier d'une personne à l'autre.

Je ne dirais pas que les exigences documentaires sont différentes. Il n'y a qu'un certain nombre de documents que les gens peuvent utiliser. En ce qui concerne l'auto-identification, un formulaire signé après le 22 septembre 2011 n'est pas considéré par les parties comme un document qui fournit des preuves tangibles aux termes de l'accord supplémentaire et de l'accord de 2008.

Le président : Je pense que cela est très utile.

Les critères sont les mêmes, mais différents documents sont exigés en ce qui concerne le critère d'auto-identification, l'un des quatre, après le décret. Merci, sénatrice Dyck.

Le sénateur Wallace : Monsieur Saranchuk, comme vous le dites, il y a eu l'accord initial de 2008 et l'accord supplémentaire de 2013. Si je comprends bien, l'accord supplémentaire de 2013 a été conclu par la Fédération des Indiens de Terre-Neuve et le gouvernement parce qu'on était d'avis qu'il fallait préciser la façon dont les demandeurs pouvaient prouver qu'ils satisfont aux quatre critères de l'accord de 2008.

Qu'est-ce qui a fait en sorte que la Fédération des Indiens de Terre-Neuve et le gouvernement ont estimé qu'il fallait que les membres présentent d'autres documents pour prouver qu'ils ont un lien actuel important avec le groupe des Indiens micmacs?

M. Saranchuk : Monsieur le sénateur, je pense que les parties avaient un certain nombre de préoccupations communes qui les ont menés à signer l'accord supplémentaire de 2013. La principale préoccupation concernait le très grand nombre de demandes reçues, qui excédaient de loin les prévisions des deux parties. Par exemple, 46 000 demandes ont été reçues dans les trois derniers mois, pour un total de 101 000 demandes environ durant le processus de quatre ans.

En fait, le comité d'inscription était censé terminer ses activités à la fin du premier accord de 2008. En 2012, les parties savaient qu'environ 70 000 demandes n'auraient pas été traitées dans ce cas-là. Je pense que c'est la principale préoccupation commune qui a mené les parties à discuter des mesures qui s'imposaient et de leurs autres préoccupations. Par ailleurs, les délais étaient évidemment insuffisants pour traiter toutes les demandes.

Les parties étaient aussi préoccupées, car bon nombre de demandes provenaient de personnes qui ne résidaient pas dans les 67 communautés énoncées dans le premier accord de 2008. Le niveau de détail des preuves pour soutenir les demandes était insuffisant et constituait aussi une préoccupation commune. Par exemple, un plus grand degré de précision et de meilleures preuves étaient nécessaires concernant le critère d'acceptation par le groupe. Il fallait aussi orienter le comité d'inscription dans l'évaluation des critères, comme l'acceptation par le groupe. Autrement dit, les premières directives pour l'évaluation des demandes ne semblaient pas offrir la clarté et les détails suffisants au comité mixte d'inscription. Les deux parties voulaient s'assurer que leurs intentions de départ étaient respectées en ce qui a trait aux affiliations.

Je pense que toutes ces préoccupations ont remis en doute la crédibilité du processus en général. Au bout du compte, les parties se sont entendues sur les modalités de l'accord supplémentaire.

Le sénateur Wallace : Vous avez dit que bon nombre de demandes venaient de personnes qui ne faisaient pas partie des 67 communautés. Ces 67 communautés micmaques reconnues sont-elles situées sur l'île de Terre-Neuve? Les demandes qui venaient de l'extérieur de la région soulevaient-elles des préoccupations pour ce qui est du lien important avec les Micmacs et leur culture?

M. Saranchuk : Oui, en effet. C'était une grande préoccupation. Je vais permettre à M. Reiher d'apporter des précisions sur les communautés.

M. Reiher : Il ne s'agit pas d'une préoccupation en tant que telle, mais ces communautés sont désignées en tant que communautés micmaques vivant sur l'île, dans le cadre des négociations avec le groupe autochtone. Les parties ont convenu que les gens résidant à l'intérieur ou près des communautés avaient sans doute un lien avec le groupe.

Le lien actuel important des gens n'habitant pas à l'intérieur ou près des communautés devait être établi autrement que par la présence sur place. C'est pourquoi les non-résidents des communautés doivent fournir d'autres preuves de leurs liens culturels forts.

Le sénateur Wallace : Dans les accords de 2008 et de 2013, la Fédération des Indiens de Terre-Neuve, qui représentait les Micmacs de Terre-Neuve durant les négociations, veut créer une bande qui a des liens avec les Micmacs, qui comprend leur mode de vie et qui peut promouvoir leur culture. Il ne suffit pas simplement d'avoir une carte pour être membre. Il faut des connaissances, participer à la vie communautaire et avoir des liens continus et actuels, d'après ce que je comprends. C'est l'objectif de la Fédération des Indiens de Terre-Neuve. Des documents supplémentaires doivent prouver que les personnes respectent cette exigence, n'est-ce pas?

M. Saranchuk : C'est exact, monsieur le sénateur. Comme vous et moi l'avons dit, il n'était pas question de prouver l'ascendance en fonction du degré de sang. Il fallait respecter quatre critères, dont l'ascendance, mais il y avait aussi l'auto-identification et l'acceptation du membre par le groupe durant les négociations et jusqu'à la création de la bande. Les gens devaient trouver un lien culturel actuel, important et de longue date avec le groupe vivant sur l'île.

Le sénateur Moore : Merci aux témoins de leur présence. J'ai deux questions à poser. Je pense que vous y avez répondu en partie, mais je veux revenir là-dessus.

Le 11 juin, Mme Jamie Lickers, avocate de l'Assemblée des Premières Nations micmaques de Terre-Neuve, a soulevé deux questions. Est-il équitable que les membres de la bande Qalipu et les Indiens inscrits dont le statut est révoqué soient privés de leurs droits d'invoquer les dispositions de protestation prévues par la Loi sur les Indiens, contrairement aux Indiens inscrits?

Quel est le droit de protestation des gens qui se considèrent eux-mêmes comme membres de la bande Qalipu ou comme Indiens inscrits, si leur statut est révoqué et que leur demande pour joindre la bande est refusée?

M. Reiher : Le processus d'inscription prévoit le droit d'interjeter appel. Les gens peuvent bien sûr contester leur exclusion de la liste d'inscription devant les tribunaux, en présentant une demande de contrôle judiciaire, par exemple. J'aimerais préciser brièvement que le projet de loi C-25 n'entraîne aucune conséquence pour l'application ou non des dispositions de la Loi sur les Indiens, notamment les dispositions de protestation.

Les gens dont le statut a été établi pour le registre des Indiens en vertu de la Loi sur les Indiens peuvent invoquer les dispositions de protestation. Le processus en question n'établit pas le statut d'Indien. Il s'agit en fait d'un comité indépendant qui évalue les demandes en fonction des critères négociés que nous avons décrits. Après avoir été ajoutés à l'annexe du Décret constituant la bande appelée Première Nation Qalipu Mi'kmaq, les gens sont inscrits au registre et ont accès aux dispositions de protestation ou aux autres dispositions de la Loi sur les Indiens.

Le sénateur Moore : D'accord.

Le président : Avez-vous compris, monsieur le sénateur Moore?

Le sénateur Moore : J'ai compris que le projet de loi n'influe pas sur les dispositions de protestation de la Loi sur les Indiens et que les personnes ont toujours le droit de protester, malgré le processus dont nous parlons.

Le président : Avez-vous bien dit que le droit d'interjeter appel s'applique toujours, monsieur Reiher?

M. Reiher : En effet, ce droit fait partie du processus d'inscription.

Le sénateur Moore : On nous a dit qu'un responsable prendrait des décisions sur les appels durant une période précise. Avez-vous établi la durée de la période prévue pour entendre les appels?

M. Reiher : Tout d'abord, une période de 30 jours est prévue pour que les gens présentent un avis d'appel lorsqu'ils ont reçu leur décision. Actuellement, nous prévoyons que les appels seront traités en six mois.

Le sénateur Moore : Les 30 jours commencent-ils lorsque le projet de loi entre en vigueur ou lorsqu'il est adopté?

M. Reiher : Lorsque la personne reçoit une décision sur son inscription.

Le sénateur Moore : Qui prend la décision?

M. Reiher : C'est le comité d'inscription.

Le sénateur Moore : Le comité d'inscription.

Un autre problème a suscité mon intérêt. Je ne sais pas comment vous envisagez de le régler. Mme Lickers a souligné qu'il était fort possible que des jumeaux obtiennent des statuts différents, selon la date de présentation et l'exhaustivité de leurs demandes.

Allez-vous tenir compte des liens familiaux ou non pour que les inscriptions soient cohérentes?

M. Reiher : Merci de la question. Comme nous l'avons dit, les critères comprennent les liens ancestral et culturel.

Des jumeaux pourraient très bien avoir des liens différents avec leur communauté micmaque. C'est tout à fait possible que leur admissibilité soit différente.

Cela dit, lorsque la personne est inscrite dans ce processus, la disposition de la Loi sur les Indiens s'applique pour établir si elle est admissible à l'inscription au registre. En outre, l'admissibilité de ses enfants sera la même.

M. Saranchuk : Pour revenir à votre question de départ, les résultats différents de jumeaux sont inhérents à ce genre de processus. Chaque personne décide de présenter une demande ou non. Il se peut que certains jumeaux se soient toujours identifiés à la Première nation et décident de soumettre des demandes, tandis que d'autres n'ont jamais senti d'appartenance et ne présenteront pas de demandes. Les résultats pourraient donc être différents.

Dans ce processus, les gens avaient quatre ans pour décider de soumettre une demande. Si j'ai bien compris ce que M. Reiher disait à la fin, la personne pourra toujours invoquer les dispositions d'inscription de la Loi sur les Indiens, si la demande de son père ou de sa mère a été acceptée.

Le sénateur Moore : Selon l'exposé de Mme Lickers, il faudrait évaluer tous les demandeurs selon le premier accord. Je comprends que l'accord supplémentaire contient des dispositions plus précises sur la documentation exigée, mais vous avez dit au début ce matin que le projet de loi ne modifie pas ce premier accord, n'est-ce pas M. Saranchuk?

M. Saranchuk : C'est exact. Le projet de loi ne modifie pas le premier accord et ses critères d'inscription.

Le sénateur Moore : Qu'en est-il de l'accord supplémentaire?

M. Saranchuk : Il n'est pas modifié non plus. Il importe de comprendre que ces deux accords sont déjà édictés et qu'ils ont force de loi. Ils sont présentement mis en vigueur, et le projet de loi ne les modifie pas.

Le sénateur Moore : Merci.

Le président : Je pense que c'était très utile, monsieur le sénateur Moore.

Avez-vous une autre question, madame la sénatrice Dyck?

La sénatrice Dyck : Oui, je pense que ma question est complémentaire à une des premières questions du sénateur Moore sur la contestation devant les tribunaux. Le projet de loi C-25 permet au ministre de retirer une personne du registre par l'intermédiaire du gouverneur en conseil. Vous avez dit que cette personne peut interjeter appel devant les tribunaux, n'est-ce pas?

M. Saranchuk : Oui, on peut porter l'affaire en appel devant les tribunaux. Il importe d'être précis à ce propos. C'est vrai que le projet de loi ne permet pas d'obtenir un dédommagement du gouvernement ou de la Fédération des Indiens de Terre-Neuve. Toutefois, les gens peuvent toujours intenter des poursuites et ne perdent pas leurs droits à la contestation judiciaire.

Par exemple, les personnes peuvent porter en appel les décisions du comité d'inscription, selon les modalités de l'accord. Les gens peuvent aussi contester les accords devant les tribunaux. Ils sont libres de demander des contrôles judiciaires pour toutes les décisions qui les excluent de la liste. On peut contester la validité du processus devant les tribunaux, selon les principes du droit administratif et du droit contractuel ou les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés.

Selon le projet de loi, la personne ne peut pas être dédommagée par le gouvernement, la Fédération des Indiens de Terre-Neuve ou une autre partie, s'il est établi qu'elle n'est pas membre lorsque le processus d'inscription est terminé.

Si vous permettez, je demanderais à M. Reiher de donner des précisions.

M. Reiher : Je pense que c'est exact en grande partie. Je signale simplement que nous ne donnons pas un avis juridique et que nous ne pouvons pas évaluer la situation des personnes ici. Le projet de loi C-25 n'empêche pas les personnes d'intenter des poursuites devant les tribunaux.

La sénatrice Dyck : Puis-je poser une question complémentaire? Mme Lickers nous a dit qu'il est presque impossible d'infirmer la décision du gouverneur en conseil devant les tribunaux, en raison de la jurisprudence. Les tribunaux n'accepteraient même pas d'entendre la contestation, parce qu'il s'agit d'un décret du gouverneur en conseil.

Le sénateur Moore : Mme Lickers a fait référence à l'affaire Etches.

La sénatrice Dyck : Même si vous dites que c'est possible d'interjeter appel devant les tribunaux, la jurisprudence de l'affaire Etches et d'autres affaires précédentes donne à penser que personne ne peut y arriver. C'est une fausse promesse.

Voulez-vous faire un commentaire?

M. Reiher : Si vous permettez, monsieur le président, personne n'a fait de promesse ici. Nous indiquons que le projet de loi C-25 n'empêche pas les personnes d'aller devant les tribunaux. Je ne pense pas que nous sommes en mesure d'évaluer les chances de succès d'un cas précis.

Le président : D'accord.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Puis-je poser une question complémentaire là-dessus?

Vous avez dit que les gens peuvent porter l'affaire devant les tribunaux et présenter une demande pour obtenir le statut, mais comment pourront-ils se payer un avocat? Ce n'est pas votre problème?

M. Saranchuk : Je répète que nous ne donnons pas un avis juridique, mais je pense que le demandeur devrait d'abord contester les modalités de l'accord.

Le sénateur Wallace : J'ai une autre question.

Le président : Je pense que nous voulons bien cerner ce problème.

Le sénateur Wallace : Monsieur Saranchuk, de quels avantages bénéficieraient les gens acceptés en tant que membres de la bande Qalipu et ajoutés à la liste d'inscription? Leur statut d'Indiens serait bien sûr confirmé, s'ils sont reconnus en tant que membres de la bande. À quels avantages auraient-ils droit s'ils choisissaient de présenter des demandes?

M. Saranchuk : Il importe de souligner que ce processus confère à la fois l'affiliation au groupe et le statut en vertu de la Loi sur les Indiens. Concernant les gens qui ne sont pas inscrits au cours de ce processus, la bande peut les accepter en tant que membres ou établir ses propres critères d'adhésion plus tard. Il est question ici des membres fondateurs du groupe pour lesquels la Loi sur les Indiens va s'appliquer. Je dirais qu'en général, les avantages qui en découlent varient selon la nature de la Première Nation. Comme il s'agit d'une Première Nation sans assise territoriale, certains avantages ne vont pas s'appliquer, comme les certificats de possession et ce genre de questions liées aux réserves.

Toutefois, les services de santé non assurés accordés par Santé Canada vont s'appliquer, comme pour tous les Indiens inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens.

Ces personnes vont aussi profiter des avantages de la bande liée à l'enseignement postsecondaire. Je demanderais à M. Reiher de donner des précisions si nécessaire.

M. Reiher : Je pense que c'est exact. Au fond, il y a donc l'enseignement postsecondaire, les services de santé non assurés et peut-être l'exemption de taxes pour les biens reçus dans la réserve d'une autre Première Nation bien sûr, parce que cette Première Nation-là n'a pas de réserve. Par ailleurs, je ne peux pas me prononcer sur les avantages accordés par la province.

Le sénateur Wallace : Merci beaucoup.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je regarde la liste électorale concernant les votes favorables ou les votes défavorables. Il y a 615 électeurs inscrits, dont 318 ont voté pour et 235 contre.

J'aimerais connaître le pourcentage de femmes qui ont voté pour ou qui ont voté contre. De plus, des femmes non autochtones ont-elles voté?

M. Saranchuk : Je vais laisser M. Reiher apporter des précisions. Je ne connais pas la liste dont vous parlez, madame la sénatrice. Je me demande si vous faites référence au chef et au conseil de bande qui ont été élus.

La sénatrice Lovelace-Nicholas : Je suis désolée, mais je ne vous ai pas entendu.

M. Reiher : Vous parlez peut-être du vote de ratification qui s'est déroulé avant la signature de l'accord de 2008. À ma connaissance, 90 p. 100 des membres de la FIN ont voté en faveur de l'accord.

Nous n'avons pas de chiffres sur le vote des femmes, mais je souligne que les électeurs n'étaient pas des Indiens inscrits. Ce vote précédait la création de la bande et l'inscription des demandeurs admissibles. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Des groupes de femmes autochtones ont-ils participé à l'accord et ont-ils été consultés?

M. Saranchuk : D'après mes souvenirs, madame la sénatrice, l'accord a résulté d'une poursuite en justice intentée par la Fédération des Indiens de Terre-Neuve. Un règlement est intervenu entre le gouvernement et le groupe qui représentait les autres Mi'kmaq de cette région de la province et a débouché sur l'accord de 2008.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je suis un peu préoccupée, parce que selon les témoins de la semaine dernière, les femmes n'étaient pas contentes des résultats.

Le président : J'encourage les sénateurs à poser des questions sur le projet de loi. Je vous ai donné une certaine marge de manœuvre, mais nous sommes sur le point de passer à l'étude article par article.

Le sénateur Tannas : Je serai très bref. Je voudrais résumer deux questions.

Tout d'abord, vous nous avez tous rassurés en précisant qu'une réévaluation aura lieu notamment pour les quelque 20 000 membres de la liste de départ. En outre, quelque 70 000 demandes seront examinées.

Je pense qu'il y a une certaine confusion quant au processus d'appel. Les gens qui faisaient partie de la première liste et qui ont été exclus durant la réévaluation peuvent interjeter appel en vertu de la Loi sur les Indiens, n'est-ce pas?

M. Saranchuk : Ces gens peuvent le faire aux termes de l'accord en lui-même.

Le sénateur Tannas : C'est dans l'accord?

M. Saranchuk : Oui.

M. Reiher : L'accord lui-même leur accorde ce droit. J'ajouterais que si les gens perdent leur admissibilité, le registraire va les retirer du registre des Indiens. À partir de là, ces gens pourront invoquer les dispositions de protestation et d'appel prévues dans la Loi sur les Indiens.

Le sénateur Tannas : Les gens présentement sur la liste ont donc deux façons d'interjeter appel s'ils sont retirés de la liste de départ, n'est-ce pas?

M. Reiher : Oui.

Le sénateur Tannas : Aux termes de l'accord, les 75 000 personnes dont les demandes n'ont pas encore été traitées pourront donc interjeter appel par l'intermédiaire du responsable des appels, n'est-ce pas?

M. Reiher : C'est exact.

Le sénateur Tannas : Les 6 000 personnes exclues, parce que leurs demandes n'étaient pas en règle, ne pourront pas faire appel, n'est-ce pas?

M. Reiher : En effet.

Le sénateur Tannas : Bien. D'accord.

Une disposition du projet de loi ou de ces accords empêcherait-elle le comité d'exiger d'autres documents pour les quelque 20 000 demandes à réévaluer?

M. Reiher : Aucune disposition du projet de loi ou de l'accord n'empêche le comité d'exiger d'autres documents.

Le sénateur Baker : MM. Reiher et Saranchuk ont très bien répondu aux questions du comité. Je pense que vos explications répondaient parfaitement à toutes nos questions.

Cela dit, j'aimerais vous poser une question sur le projet de loi, qui contient quatre articles et un préambule. Ce dernier indique ce que contient le projet de loi, mais il n'a pas force de loi.

Bien des gens se posent des questions sur le contenu du projet de loi. Des témoins nous ont dit ici que le projet ne prévoit aucun processus d'appel, si une personne est retirée de la liste par le ministre.

Je peux comprendre cette position. On nous a déjà fait cette observation. Le sénateur Moore a mentionné que, selon la Cour d'appel de l'Ontario, un décret qui établit si une personne est inscrite ou non ne peut pas faire l'objet d'un contrôle judiciaire ou d'un appel.

Cette question renvoie au libellé exact du projet de loi. Vous avez indiqué clairement quel est le contenu de ce que vous appelez l'accord de 2008, qui a toujours été pour moi l'accord de 2007, et de l'accord supplémentaire. Il s'agit de textes adoptés de gré à gré et sur le point d'être édicté.

Selon ce que je comprends, le projet de loi permet au ministre d'édicter les dispositions de l'accord et de l'accord supplémentaire, un processus qui est déjà en cours.

L'accord supplémentaire stipule que le gouverneur en conseil va remplacer la première liste des personnes considérées comme membres fondateurs par la nouvelle liste, qui sera dressée à une certaine date avant 2016. Personne ne connaîtra son statut avant cette date-là. La nouvelle liste va remplacer la liste des membres fondateurs prévue par le premier accord.

On pourrait s'attendre à ce que le projet de loi reprenne les termes exacts de l'accord supplémentaire et précise que la nouvelle liste va remplacer l'ancienne, mais ce n'est pas le cas. Pour certaines personnes qui comprennent très bien la Loi sur les Indiens, il s'agit d'une disposition plutôt offensante qui va permettre au gouverneur en conseil de retirer et d'ajouter des noms, au lieu de l'amener à remplacer la liste de départ par la nouvelle liste.

C'est pourquoi certains témoins nous ont dit qu'il n'y aura pas de processus d'appel, si le ministre retire des noms. Il n'y a qu'à penser à la Cour d'appel de l'Ontario et à tous les tribunaux, selon lesquels l'article 6 de la Loi sur les Indiens permet seulement au registraire et à ce processus d'appel d'ajouter et de retirer des noms du registre.

Je ne sais pas si vous pourrez répondre à la question. Il aurait fallu s'informer auprès des rédacteurs, mais j'imagine que vous pourrez m'éclairer. Vous semblez tous deux très compétents sur le plan juridique.

Pourquoi a-t-on choisi cette formulation, selon laquelle le gouverneur en conseil peut retirer et ajouter des noms? C'est un affront pour bien des gens concernés par la Loi sur les Indiens. Pourquoi n'est-il pas précisé que le ministre va remplacer l'ancienne liste par la nouvelle liste, comme dans l'accord supplémentaire? Je ne sais pas si vous pouvez répondre à la question, qui porte sur la rédaction.

M. Reiher : Je crois être en mesure de répondre.

Je présume que, par souci de clarté, l'accord supplémentaire fait état d'un remplacement. Lorsque les parties recevront la nouvelle liste des membres fondateurs remise par le comité d'inscription, le ministre va recommander au gouverneur en conseil d'ajouter tous ces noms à l'annexe du décret et de retirer les noms qui étaient déjà là. C'est tout à fait juste; il s'agit d'un remplacement.

Mais pour le dire clairement et simplement, le résultat net pour les personnes sera que des noms seront ajoutés ou retirés. À l'aide de leurs techniques et de leurs conventions, les rédacteurs doivent être très précis et décrire ce qui va se produire. Le gouverneur en conseil a le pouvoir d'ajouter et de retirer des noms, que ce soit de manière groupée ou non. Je crois que c'est pourquoi le projet de loi est rédigé ainsi.

Mais au bout du compte, je vous dirais que cela revient au même. En fait, c'est sans doute plus clair, parce que les gens sauront très précisément que certains noms seront sans doute retirés de l'annexe du décret dans deux ou trois ans, avec les conséquences que l'on connaît.

Le sénateur Baker : Je comprends qu'il est question de clarté. Le président est un avocat assez réputé, et le sénateur Wallace est porte-parole en ce qui a trait au projet de loi. On peut comprendre qu'un rédacteur doit rédiger les textes d'une certaine façon, mais n'êtes-vous pas d'accord que ce seul projet de loi permet au ministre de faire ce que la Loi sur les Indiens lui interdit, d'après la jurisprudence?

Il me semble que c'est un affront. Une avocate nous a dit que c'était offensant. Il est impossible d'interjeter appel. On accorde au ministre le pouvoir de retirer en tout temps des noms de la liste de la bande, mais pas du registre.

Je pense que vous avez très bien clarifié la question. Je dirais que nous sommes en désaccord sur le libellé et l'effet du projet de loi. C'est la principale raison pourquoi je vais voter contre, parce que cette disposition déclaratoire permet au ministre de faire ce que la loi lui interdit au pays. Je comprends l'effet du projet et votre réponse.

Je ne sais pas si vous pourrez répondre à cette autre question. Une disposition libère le gouvernement de toute responsabilité. Il s'agit d'un précédent. Je sais que vous allez citer deux articles de la Loi sur les Indiens qui indiquent que cela a déjà été fait auparavant pour des personnes qui n'étaient pas inscrites avant le 4 septembre 1951.

Les deux dispositions de la Loi sur les Indiens que vous pouvez citer, celle de 1984 et l'autre adoptée peu après, sont de nature historique. Aucune loi du Parlement que je connais ne contient ce genre de précédent. C'est ce qu'on a essayé de faire lorsque toutes les sections d'appel de Citoyenneté et Immigration ont été fermées et que tout le monde a été mis à pied et remplacé par d'autres gens. Vous vous souviendrez que le projet de loi a été abandonné. Le Sénat l'a amendé, mais entre-temps, le ministre avait conclu des ententes distinctes avec les gens réaffectés.

La portée de la disposition constitue selon moi un précédent en droit canadien. Vous voulez peut-être commenter la question. Cette disposition ne ressemble pas aux deux exemples précédents qu'on trouve dans la Loi sur les Indiens.

M. Reiher : J'aimerais faire quelques commentaires. Une telle disposition n'est pas inhabituelle, lorsque des changements législatifs sont apportés aux avantages ou aux droits. Comme vous le savez, le projet de loi C-31 de 1985 contenait une disposition semblable. En particulier, il rétablissait le droit d'inscription au registre des Indiens pour les femmes qui l'avaient perdu en raison d'un mariage, par exemple.

Le projet de loi rétablissait le droit à l'inscription, mais en même temps, il empêchait les poursuites contre le gouvernement pour les avantages perdus pendant la période d'inadmissibilité.

En 2010, le Parlement a aussi adopté la Loi sur l'équité entre les sexes relativement à l'inscription au registre des Indiens, qui accordait un nouveau droit à l'inscription aux petits-enfants de ces femmes.

L'article 9 de la loi empêche les gens de réclamer des dommages-intérêts, parce qu'ils n'étaient pas admissibles auparavant. Concernant la Première Nation Qalipu Mi'kmaq, les gens ont en quelque sorte été ajoutés à l'annexe de la bande par erreur, parce que le processus n'a pas été mené conformément à l'intention des parties au départ. L'accord supplémentaire a apporté des clarifications. Lorsque toutes les demandes seront examinées selon l'intention de départ, certaines personnes seront sans doute déclarées inadmissibles.

L'article 4 empêche les personnes qui ne peuvent pas revendiquer légitimement leur affiliation à la Première Nation Qalipu Mi'kmaq d'être dédommagées pour avoir été retirées du registre des Indiens.

Le sénateur Baker : J'ai examiné minutieusement ces deux dispositions. J'étais député lorsque la première a été présentée et sénateur lorsque la deuxième a été soumise à notre attention. Concernant leur application, les deux dispositions font référence au 4 septembre 1951. Si l'inscription n'était pas effectuée à cette date-là, les gens concernés par la disposition que vous venez de citer ne pouvaient pas poursuivre le gouvernement.

Ce serait intéressant pour vous et tous ceux qui nous écoutent d'examiner ces deux dispositions qui ont modifié la Loi sur les Indiens et de prendre connaissance de leurs conséquences. Je les ai examinées avec soin. Il me semble que ces deux dispositions remontent au 4 septembre. Je m'en souviens, parce que c'est le jour de mon anniversaire. En fait, la Loi sur les Indiens a été reconnue à Terre-Neuve-et-Labrador en 1951, pas en 1949.

À mon avis, ces deux dispositions ne ressemblent pas du tout à la disposition de portée générale qui va s'appliquer à l'avenir. La disposition que nous étudions ne fait pas référence aux gens ou à leurs ancêtres qui ne se sont pas inscrits avant le 4 septembre 1951. C'est mon opinion, mais je respecte votre position officielle.

Le président : Monsieur le sénateur Baker, vous avez beaucoup aidé à clarifier ces questions.

Le sénateur Wallace : Le sénateur Baker a beaucoup aidé, comme dans tous les comités auxquels il siège. Nous sommes heureux que vous soyez ici ce matin.

Si j'ai bien compris, le sénateur Baker a laissé entendre que l'article 4 du projet de loi qui empêche de réclamer un dédommagement est sans précédent. Vous avez donné deux exemples dans le contexte de la Loi sur les Indiens. Je crois que ce type de disposition qui décharge de toute responsabilité existe dans un certain nombre de lois fédérales. Pouvez-vous commenter la question et nous dire quelles seraient ces lois?

M. Reiher : Merci de la question. En effet, il existe plusieurs dispositions de ce genre dans les lois fédérales. En 2013, le Parlement a notamment adopté le Plan d'action économique de 2013, qui réorganisait Ridley Terminals. Avec l'approbation du gouverneur en conseil, le ministre pouvait liquider un certain nombre de titres ou même dissoudre l'entreprise. L'article 208 de la loi se lit comme suit :

Aucune action ni autre procédure, notamment en restitution ou dommages-intérêts de toute nature, fondée sur un accord relatif à Ridley Terminals Inc. qui existait à la date d'entrée en vigueur du présent article ou s'y rapportant, ne peut être intentée contre Sa Majesté du chef du Canada, ni contre un ministre ou un employé ou mandataire de Sa Majesté du chef du Canada ou contre toute autre personne engagée pour fournir des conseils ou services à Sa Majesté du chef du Canada à l'égard d'un tel accord, pour les actes ou omissions accomplis dans l'exercice, réel ou prétendu tel, de leurs attributions en vertu de la présente section.

Je pourrais donner de nombreux exemples. En 2011, la Loi sur la protection de l'assurance hypothécaire résidentielle a été adoptée et comprenait une telle disposition. Elle permettait de mettre fin à certains accords. Voici l'article 44 :

Les accords sont résiliés. Sont éteints toutes les obligations et responsabilités qui découlent de ces accords ainsi que tous les droits acquis en vertu de ceux-ci.

Voici ce qui figure à l'article 45 :

Aucune action ni autre procédure, notamment en restitution ou dommages-intérêts, fondée sur un accord ou y étant liée, ne peut être intentée contre Sa Majesté, ni contre un ministre ou un employé ou mandataire de Sa Majesté ou contre toute autre personne engagée pour fournir des conseils ou services à Sa Majesté à l'égard des accords, pour les actes ou omissions accomplis dans l'exercice, réel ou prétendu tel, de leurs attributions.

Voici l'article 46 :

Nul ne peut obtenir d'indemnités contre Sa Majesté en raison de l'entrée en vigueur de l'article 44.

C'étaient deux exemples. Je pourrais vous dresser une liste d'exemples, si vous voulez.

La sénatrice Dyck : Merci de toutes vos réponses ce matin. Je ferai un suivi concernant les modifications à la Loi sur les Indiens et les projets de loi C-31 de 1985 et C-3 de 2010.

L'objet et l'effet de ces projets de loi étaient très différents. On voulait corriger un aspect discriminatoire de la Loi sur les Indiens. Ces projets de loi rétablissaient le statut des descendants de femmes qui avaient perdu leur statut d'Indiennes, parce qu'elles s'étaient mariées à des non-Autochtones. Pour le gouvernement, c'était très différent d'ajouter une disposition qui empêchait les poursuites et les dédommagements, par rapport aux cas actuels.

Je dirais qu'il n'est pas vraiment juste de dire que nous avions cela dans les deux autres projets de loi. Vous venez de donner d'autres exemples qui n'ont rien à voir avec la perte du statut de citoyen de Premières Nations. Je dirais que ce genre de dispositions est aussi de nature très différente. Je ne sais pas vraiment si elles s'appliquent, car la citoyenneté est un droit fondamental, alors que les arrangements que vous avez signés sont très différents.

Je ne crois pas que vous puissiez soutenir qu'il s'agit de la même chose. Vous voulez peut-être nous dire quelque chose à ce sujet.

M. Reiher : Ce sont des situations différentes. En effet, c'est une situation unique. Cette initiative a pour but de reconnaître les Mi'kmaq Terre-Neuve, une entité qui existait avant la reconnaissance de 2011. Le but de l'accord de 2008 et de l'accord supplémentaire est de préciser les particuliers qui appartiennent à ce groupe existant d'Indiens. C'est le groupe existant.

Je pense que cet objectif est nouveau, aussi. Puisque le nouveau processus conforme à l'intention initiale des partis mène à la conclusion que certains particuliers n'appartiennent pas au groupe des Indiens micmacs de Terre-Neuve, l'article 4 est là pour empêcher ces personnes d'avoir une compensation pour des avantages qui ne leur sont pas destinés.

La sénatrice Dyck : Qu'en est-il de toute compensation qui devrait être payée par une province? Je ne sais pas si c'est une possibilité, mais je vais vous raconter quelque chose qui va vous mettre de meilleure humeur.

Le président : Nous avons besoin de cela.

La sénatrice Dyck : Pour le projet de loi C-31, en 1985, bien entendu, nos champions étaient la sénatrice Sandra Lovelace Nicholas et le sénateur Noël Kinsella, notre Président. Ils ont porté l'affaire jusqu'à Genève pour démontrer qu'il y avait de la discrimination fondée sur le sexe, dans la Loi sur les Indiens. Grâce à cela, en 1985, j'ai pu obtenir mon statut d'Indienne.

Étant donné qu'une poursuite n'allait rien me donner, j'ai adressé une lettre au ministre provincial de l'Éducation, ou quelqu'un comme ça. J'avais acheté une voiture en 1985, une belle petite Toyota Corona, je pense. À cette époque, un Indien inscrit en Saskatchewan n'avait pas à payer la taxe provinciale. J'ai acheté ma voiture en mars, et j'ai obtenu mon statut en juillet. Si j'avais acheté ma voiture en juillet, je n'aurais pas eu à payer la TVP, alors j'ai écrit une lettre au ministre provincial et j'ai dit : « Je viens d'obtenir mon statut d'Indienne. J'ai acheté ma voiture en mars. Je n'aurais pas dû payer la taxe de vente provinciale. Ce n'est pas juste. » Ils m'ont envoyé un chèque. N'est-ce pas formidable?

La morale de cette histoire est ceci : il n'y a pas que l'intention du projet de loi, mais il y a aussi l'action de corriger une situation. Le ministre provincial n'était pas obligé de me rembourser pour cela, mais il a compris que c'était la bonne chose à faire et m'a remboursé l'argent. C'est en gros à cela que je veux en venir : quelle est la bonne chose à faire? C'est à nous de décider.

Le sénateur Meredith : Merci d'avoir comparu devant nous.

Des réponses ont été données à la plupart de mes questions, mais je ne peux pas dire qu'elles étaient très satisfaisantes. J'allais me mettre à chanter, en fait, pour alléger l'atmosphère, madame la sénatrice Dyck, mais tout le monde se serait sauvé de la pièce.

J'ai une observation positive à faire concernant ce qu'on a soulevé — les personnes qui estimaient qu'elles risquaient de subir de la discrimination si elles se manifestaient. Elles n'ont plus à se cacher derrière leurs droits ancestraux pour pouvoir parler leur langue et comprendre qu'elles sont acceptées en tant que peuple. Je tenais à souligner cet effet positif.

Certaines questions n'ont pas donné lieu à des réponses aussi explicites que je l'aurais souhaité, mais je pense qu'il y a du positif à tirer de cela, entre autres, que les gens seront reconnus. Il y aura des personnes — et c'est très malheureux — dont les contestations judiciaires échoueront. Cependant, je pense qu'il faut que nous progressions en tant que nation. À l'avenir, nous devrons aussi examiner les textes législatifs que nous déposerons, monsieur le sénateur Baker, pour veiller à ce qu'ils ne soient d'aucune façon offensants envers les citoyens du pays.

Je crois que nous pouvons tous, y compris les rédacteurs, tirer cette leçon de cela de sorte qu'aucune situation ne devienne contentieuse s'il n'y a pas lieu qu'elle le devienne. Il est important que nous nous mettions à améliorer les choses au Canada, et à veiller à être transparents et responsables, comme nous le disons haut et fort en tant que membres du gouvernement, mais aussi en tant que parlementaires. Je pense que notre peuple à l'échelle du pays le mérite. C'est tout ce que je vais dire. Je vous remercie du temps que vous avez consacré à cela.

Le président : Merci beaucoup, chers collègues. Je pense que nous avons exploré en profondeur tous les aspects possibles. Je remercie les membres du comité de leurs questions pertinentes, ainsi que les témoins, de leurs réponses utiles.

Je crois que nous allons maintenant pouvoir faire l'étude article par article du projet de loi avec les yeux bien ouverts. Les témoins peuvent disposer. Je vais maintenant demander aux membres du comité s'ils sont d'accord pour que nous fassions l'étude article par article du projet de loi C-25, Loi concernant le Décret constituant la bande appelée Première Nation Qalipu Mi'Kmaq.

Des voix : D'accord.

Le président : Le titre est-il réservé?

Des voix : Oui.

Le président : D'accord.

Le préambule est-il réservé?

Des voix : Oui.

Le président : C'est d'accord.

L'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il réservé?

Des voix : Oui.

Le président : C'est d'accord.

L'article 2 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : L'article 3 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Il est adopté avec dissidence. Merci.

L'article 4 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Il est adopté avec dissidence.

L'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

Le préambule est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

Le titre est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : Oui.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Il est adopté avec dissidence.

Le comité souhaite-t-il envisager d'annexer des observations au rapport?

Des voix : Non.

Le président : Puis-je faire rapport du projet de loi au Sénat?

Des voix : Oui.

Le président : Merci à vous tous. Nous avons terminé la discussion sur le projet de loi.

Ceux qui suivent les travaux du comité savent que nous travaillons depuis un moment à une étude spéciale sur le logement dans les réserves. Au cours de la partie suivante de notre séance, nous allons entendre des témoignages en application d'un ordre de renvoi particulier qui nous autorise à examiner les problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves ainsi que les solutions possibles et à en faire rapport. Il est notamment question du logement, de l'infrastructure communautaire, des modes novateurs de financement et d'autres stratégies de collaboration. Avec l'accord du comité, nous allons accueillir des témoins auxquels nous avons demandé d'aborder certains problèmes ayant été soulevés précédemment lors de nos audiences. Je m'attends à de courtes présentations que les membres du comité voudront avoir au compte rendu, dans le cadre de notre étude. Je pense que nous avons le temps nécessaire pour les exposés, mais que nous n'en aurons peut-être pas assez pour de nombreuses questions.

Chers collègues, je vous prie d'accueillir Mme Sheilagh Murphy, directrice générale de la politique sociale et des programmes à Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, ainsi que les représentants de la Société canadienne d'hypothèques et de logement : Charles MacArthur, premier vice-président, Activités régionales et aide au logement, et Carla Staresina, directrice exécutive, Aide au logement.

Chers témoins, nous sommes impatients d'entendre vos exposés, lesquels pourraient être suivis de questions de la part des sénateurs, s'il reste du temps. Nous devrons lever la séance à 11 h 30 précise, parce qu'il y a un autre événement après.

Qui commence? Merci, madame Murphy.

Sheilagh Murphy, directrice générale, Direction générale de la politique sociale et des programmes, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Monsieur le président, honorables sénateurs, je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui de la politique nationale sur l'allocation-logement dans les réserves. Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (AADNC) octroie des fonds aux Premières Nations, dans le cadre d'accords de paiement de transfert, pour administrer le Programme d'aide au revenu dans les réserves. L'allocation-logement est une composante de ce programme.

Je vais vous donner les faits en bref concernant l'allocation-logement. Elle est comprise dans le montant de base versé à tous les bénéficiaires de l'aide au revenu. Parmi les autres composantes des prestations de base figurent la nourriture et les vêtements.

L'allocation-logement peut être versée aux personnes directement ou indirectement. Elle est donc versée directement au bénéficiaire ou en son nom à un tiers, comme un propriétaire ou une société de service public.

Affaires autochtones et Développement du Nord Canada a pour politique d'harmoniser les taux des prestations avec les taux de référence de la province ou du territoire. La définition exacte de l'allocation-logement peut donc varier d'un territoire de compétence à l'autre selon les lois et les règlements visant les programmes de la province. Peu importe le territoire de compétence, les montants de l'allocation-logement visent généralement à couvrir les coûts de logement de la résidence principale du bénéficiaire et peuvent comprendre le loyer, l'intérêt sur le principal d'un prêt hypothécaire ou autre, les coûts d'occupation payés en vertu d'une convention d'achat, les impôts fonciers, les services publics comme le chauffage et l'hydroélectricité, et les primes d'assurance.

Les dépenses actuelles liées à l'allocation-logement s'élèvent à environ 126 millions de dollars par année, soit à 18 p. 100 du budget total du Programme d'aide au revenu.

AADNC a reçu l'autorisation de financer l'aide au revenu dans les réserves pour la première fois en 1964, conformément aux normes et aux procédures provinciales. Le respect de cette exigence de conformité aux dispositions des provinces est essentiel à la réalisation de l'objectif du gouvernement de veiller à ce que des mesures de soutien social de base soient accessibles à tous les Canadiens.

Cependant, la mise en œuvre des normes et des procédures provinciales peut être difficile, car le contexte et les circonstances environnementales diffèrent dans les réserves. Cela est particulièrement vrai dans le cas de l'allocation-logement. En 2003, le vérificateur général a examiné le soutien offert par le gouvernement fédéral aux Premières Nations en matière de logement dans les réserves, y compris l'allocation-logement. Dans ce rapport, le vérificateur général a incorporé un tableau qui fait la comparaison entre les principaux éléments du contexte lié au logement dans les réserves et hors réserve. Je ne reprendrai pas le tableau ligne par ligne, mais celui-ci met en évidence certaines différences clés qui sont pertinentes à notre discussion d'aujourd'hui.

En ce qui concerne la propriété, les terres et les maisons hors réserve sont des propriétés privées. Dans les réserves, la propriété collective est la pratique courante.

Sur le plan du financement, le recours au financement privé constitue la norme à l'extérieur des réserves. Dans les réserves, l'accès au financement privé est limité.

Pour ce qui est des lois et règlements, à l'extérieur des réserves, ce sont les lois et règlements de la province qui s'appliquent, et leur application est assurée par les organismes désignés et par le système judiciaire. Dans les réserves, les pouvoirs juridiques des conseils de bande en matière de détermination et d'application des règles sont imprécis, et les mesures d'application sont limitées.

En ce qui concerne les logements disponibles, à l'extérieur des réserves, le propriétaire ou l'occupant du logement est responsable de l'entretien, des réparations ou des rénovations nécessaires. Dans les réserves, peu de personnes sont propriétaires de leur logement, et l'occupant d'un logement exécute très peu de travaux d'entretien, de réparation et de rénovation.

Quant à l'attribution des logements, les personnes qui vivent hors réserve peuvent acheter, vendre et louer des logements sur le marché privé, alors que dans les réserves, les chefs et les conseils décident souvent du nombre de logements construits ou rénovés chaque année.

Pour ce qui est de la géographie, selon le rapport de 2003 du vérificateur général, 80 p. 100 de la population hors réserve vit dans des régions urbaines, et 65 p. 100 de la population des réserves se trouve dans des régions rurales, éloignées ou d'accès difficile.

Ces différences clés propres à l'environnement et au contexte rendent difficile la mise en œuvre des taux d'allocation-logement des provinces et des critères d'admissibilité connexes dans les réserves. Il ne s'agit pas simplement de vérifier le barème des taux d'allocation-logement provinciaux et de les appliquer aux taux de prestation dans les réserves. Il faut des mesures d'adaptation tenant compte des circonstances différentes qui existent dans les réserves. Sur le plan de l'évolution de notre politique, les critères d'admissibilité et les taux d'allocation-logement des provinces sont liés à la capacité de démontrer les coûts réels associés à la résidence principale du bénéficiaire. Compte tenu de la tendance à la propriété collective dans les réserves, la capacité de démontrer les coûts individuels réels de logement constitue l'une des principales entraves à l'harmonisation avec les provinces. Pour résoudre cette difficulté et s'assurer de ne pas doubler le financement offert aux Premières Nations par le Programme d'aide au revenu dans le cadre de programmes de logement complémentaires, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada a établi en 1990 une politique intérimaire qui définit les conditions à remplir pour le financement de l'allocation-logement dans les réserves.

Cette politique avait essentiellement pour but d'adapter les exigences relatives à la démonstration des coûts réels de logement dans les réserves. Cette politique a été mise à jour en 1997, mais n'a jamais été formellement approuvée et mise en œuvre en raison de considérations d'ordre plus général associées à l'enveloppe d'aide au revenu du ministère et à l'état de préparation des Premières Nations. De nombreuses Premières Nations n'adoptent pas la même approche de gestion du parc de logements fondée sur le marché dans le cadre de laquelle les logements sont gérés comme des actifs individuels et collectifs. Le degré d'harmonisation aux taux d'allocation-logement provinciaux et la mise en œuvre de la politique de 1997 varient dans l'ensemble du pays. En Ontario et au Québec, l'harmonisation aux pratiques provinciales est presque complète. En Colombie-Britannique, l'harmonisation a été accrue grâce à certains projets pilotes et à l'utilisation d'ententes de financement provisoire conclues entre les Premières Nations et AADNC. Sept des 30 ententes proposées sont déjà en place.

Les Premières Nations des provinces des Prairies et des Maritimes font plus fréquemment face à des problèmes continus d'harmonisation en raison de l'insuffisance du financement, principalement dans les provinces des Prairies, et du niveau de préparation des Premières Nations.

À la suite du rapport de 2003 du vérificateur général, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada a pris plusieurs mesures pour améliorer sa politique sur l'allocation-logement et accroître l'harmonisation avec les provinces.

En 2010, une évaluation du programme fondée sur les conclusions du rapport de 2003 du vérificateur général a été réalisée. Le ministère a mis en œuvre presque toutes les recommandations de cette évaluation, et ce, à la satisfaction du comité de vérification et d'évaluation.

Afin de suivre le rythme de l'évolution des approches provinciales et, plus particulièrement, de pair avec l'accent accru mis sur les mesures de soutien préalables à l'emploi et l'approche de gestion de cas, AADNC réforme actuellement son Programme d'aide au revenu. Les efforts du ministère sont centrés sur le passage d'une approche passive de réduction budgétaire à une approche plus active d'abord axée sur la transition des jeunes de 18 à 24 ans vers l'emploi.

Le ministère a investi des ressources pour améliorer ses efforts de conformité concernant la surveillance du Programme d'aide au revenu. Dans le cadre de ses efforts, il pourra peut-être réduire les dépenses actuelles dans certains secteurs, ce qui aiderait à contrebalancer les pressions relatives au financement prévu pour l'allocation-logement mentionnées plus tôt.

En 2012, nous avons aussi créé un groupe de travail comprenant des représentants de la Société canadienne d'hypothèques et de logement et de Santé Canada dans le but d'examiner la politique sur l'allocation-logement. Il a alors été convenu de collaborer progressivement avec les Premières Nations pour améliorer la préparation à l'harmonisation aux réformes provinciales. Une série de projets pilotes ont été entrepris en 2013-2014 en vue de collaborer avec les Premières Nations pour établir des modèles de régime de location communautaire. En Colombie-Britannique, on a aussi opté pour une approche fondée sur des accords de financement pour encourager l'adoption de régimes de location communautaires. Comme je l'ai dit, 7 des 30 accords ont été signés à ce jour.

Affaires autochtones et Développement du Nord Canada s'engage à améliorer l'harmonisation de son Programme d'aide au revenu avec les pratiques provinciales pour veiller à ce que des mesures de soutien social de base soient accessibles à tous les Canadiens, y compris l'allocation-logement. Cet engagement requiert du temps, de l'argent et un changement culturel fondamental de l'approche de gestion des logements dans les réserves. Il ne s'agira pas d'une tâche facile, mais Affaires autochtones et Développement du Nord Canada est convaincu d'adopter l'approche progressive appropriée qui est nécessaire pour améliorer l'utilisation et la compréhension de l'allocation-logement dans les réserves, et il est déterminé à poursuivre ses efforts actuels.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de rapidement brosser pour vous un tableau de l'allocation-logement. Je suis impatiente de répondre à toutes vos questions.

Le président : Merci, madame Murphy. Vous comprenez pourquoi nous vous avons demandé de revenir sur ce sujet.

Chers collègues, je suggère que nous écoutions l'exposé de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, puis nous pourrons poser des questions.

Charles MacArthur, vice-président principal, Activités régionales et Aide au logement, Société canadienne d'hypothèques et de logement : Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je suis heureux d'être ici pour représenter la Société canadienne d'hypothèques et de logement et, ainsi, contribuer à éclairer les travaux du comité sur le logement des Autochtones.

[Français]

Ma collègue, Debra Darke, s'est présentée devant le comité l'automne dernier afin de décrire le rôle que joue la SCHL au Canada pour répondre aux besoins des Autochtones en matière de logement. Comme elle l'a indiqué, la SCHL offre aux Autochtones une aide au logement, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des réserves.

Dans le cas des Autochtones qui habitent dans les réserves, la SCHL collabore étroitement avec Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, les dirigeants et les organismes des Premières Nations dans le but de répondre aux besoins des Premières Nations en matière de logement. Par l'entremise d'AADNC et de la SCHL, le gouvernement fédéral investit actuellement environ 303 millions de dollars en faveur des logements sur les réserves.

[Traduction]

La participation de la SCHL à cet investissement fédéral annuel est de 157 millions de dollars. Ces fonds sont versés dans le cadre de deux programmes principaux : le Programme de logement sans but lucratif dans les réserves, qui aide les Premières Nations à construire, à acheter, à remettre en état et à administrer des logements locatifs abordables, de taille et de qualité convenables, dans les communautés des Premières Nations, et le Programme d'aide à la remise en état des logements dans les réserves, qui offre une aide financière pour réparer des logements délabrés et les rendre conformes aux normes minimales de salubrité et de sécurité et pour accroître l'accessibilité des logements pour les personnes handicapées.

Aujourd'hui, je vais me concentrer sur le Programme de logement sans but lucratif dans les réserves, aussi connu sous le nom de programme relevant de l'article 95. Une nouvelle exigence du programme touchant la documentation à fournir a entraîné, au sein de quelques Premières Nations, des malentendus que je souhaite dissiper aujourd'hui devant le Comité. Pour nous mettre en contexte, précisons que la SCHL verse des subventions qui aident les Premières Nations à financer et à exploiter des ensembles de logements locatifs, et ce, sur une période de 15 à 25 ans. En 2013, 28 800 ménages vivant dans les réserves ont été subventionnés. En outre, plus de 500 engagements visant la construction de logements ont été pris. Une fois achevés et occupés, ces logements feront l'objet de subventions continues.

Il importe de noter que ces logements appartiennent aux Premières Nations, qui en assurent aussi l'exploitation, la gestion et l'entretien. De plus, les Premières Nations sont responsables de la gouvernance du logement dans les réserves, y compris de la conformité au code du bâtiment. Les Premières Nations constituent l'« autorité compétente » et sont reconnues à ce titre par l'Assemblée des Premières Nations.

Comme je l'ai indiqué plus tôt, la SCHL verse des subventions continues à l'égard des logements ayant fait l'objet d'un engagement dans le cadre du programme relevant de l'article 95, et ce, aux termes d'accords d'exploitation à long terme, dont la durée peut atteindre 25 ans. En outre, la SCHL offre du financement de construction pour les logements visés par son Programme de prêt direct.

La SCHL et la Première Nation concluent, pour l'ensemble d'habitation, un accord d'exploitation qui énonce les modalités que la Première Nation doit respecter pour continuer à bénéficier de la subvention. L'accord prend effet à la date d'achèvement de l'ensemble et se termine à l'échéance du prêt. Par ailleurs, lorsque la SCHL est le prêteur dans le cadre du Programme de prêt direct, une convention de prêt portant sur le financement de la construction est aussi conclue.

Avant que les fonds soient versés aux termes du programme relevant de l'article 95, la SCHL demande que soit produite une déclaration confirmant que tous les logements en cours de construction ou de rénovation respectent ou dépassent les exigences du Code national du bâtiment du Canada. Il s'agit d'une obligation stipulée depuis longtemps aux termes du Programme de logement sans but lucratif dans les réserves. À titre d'autorité compétente, il incombe à la Première Nation de veiller à ce que l'ensemble d'habitation respecte les exigences du code du bâtiment et que les travaux soient conformes aux plans et devis approuvés.

Comme je l'ai mentionné au début de ma déclaration, la SCHL a récemment haussé ses exigences touchant la documentation à fournir afin de mieux veiller à ce que les logements qu'elle finance dans les réserves sont construits conformément au code du bâtiment.

En ce qui concerne les accords signés après le 1er avril aux termes du programme relevant de l'article 95, la Première Nation doit maintenant transmettre deux documents. Le premier est la déclaration signée habituelle, par laquelle la Première Nation confirme que les fonds ont été utilisés pour la construction, que les travaux sont en cours et que l'ensemble est conforme aux codes du bâtiment. Le deuxième est un Certificat de conformité au code du bâtiment, qui doit être rempli et signé par le professionnel qualifié ayant réalisé l'inspection au nom de la Première Nation, et qui doit être fourni à trois étapes de la construction : avant le remblayage, c'est-à-dire une fois les fondations terminées; avant la pose des plaques de plâtre, c'est-à-dire une fois que l'ossature, les canalisations, l'isolant et le pare-vapeur ont été mis en place; et après l'inspection finale. Cette nouvelle exigence découle directement de la crise du logement qui a secoué la communauté d'Attawapiskat. Comme les membres du Comité le savent, cette crise a mené à un audit indépendant du cadre de contrôle de gestion d'AADNC et de la Première Nation d'Attawapiskat. Publié en janvier 2013, le rapport qui a suivi l'audit a notamment recommandé que la SCHL resserre sa surveillance des logements qu'elle finance dans les réserves afin de veiller à ce qu'ils soient effectivement conformes au code du bâtiment. La Société a donné suite à cette recommandation en obligeant les Premières Nations à produire le Certificat de conformité au code du bâtiment.

Comme je l'ai dit, les inspections doivent être réalisées par un professionnel qualifié ou par une personne possédant une certification qui l'habilite à réaliser des inspections de conformité au code du bâtiment, acquise auprès d'un organisme professionnel reconnu par l'industrie. Une fois l'inspection terminée, l'inspecteur doit signer le Certificat de conformité au code du bâtiment et le remettre à la Première Nation, laquelle doit le transmettre à la SCHL. Pour les accords signés après le 1er avril 2014 en application du programme relevant de l'article 95, les fonds engagés pour une habitation ne sont pas versés tant que la SCHL n'a pas reçu le Certificat de conformité au code du bâtiment.

Je précise que l'obligation pour les Premières Nations de s'assurer que les logements construits sont conformes au Code national du bâtiment du Canada n'est pas nouvelle. Les Premières Nations devraient déjà le faire. Le Certificat de conformité au code du bâtiment sert simplement de document à l'appui de la déclaration déjà fournie à la SCHL par les Premières Nations. En d'autres mots, c'est une garantie de plus du respect des exigences du programme relevant de 1' article 95.

Les Premières Nations ont été avisées de cette nouvelle exigence au début de l'année. La semaine dernière, après avoir reçu des questions de quelques Premières Nations, la SCHL a tenu un webinaire afin d'expliquer davantage le Certificat de conformité au code du bâtiment et d'en discuter. Plus de 60 représentants des Premières Nations de partout au pays ont participé à ce webinaire. L'une des préoccupations formulées porte sur le coût supplémentaire anticipé pour mener ces inspections. Pourtant, comme je viens de le dire, les inspections de conformité au code du bâtiment exigées des Premières Nations n'ont rien de nouveau puisqu'elles devraient déjà faire partie de tout processus de construction des logements issu du programme relevant de l'article 95. La nouvelle exigence visant la production du certificat ne devrait donc pas s'accompagner de coûts supplémentaires. De plus, les inspections de conformité au code du bâtiment sont une dépense admissible du programme relevant de l'article 95.

J'aimerais clarifier autre chose pour les membres du Comité, au sujet du rôle des fournisseurs de services techniques engagés par la SCHL en application de l'Initiative des services d'inspection autochtones, ou ISIA. Cette initiative permanente n'est aucunement touchée par la nouvelle exigence de production du Certificat de conformité au code du bâtiment.

L'ISIA a été créée en 1995 pour appuyer la SCHL dans sa gestion des prêts aux Premières Nations, toujours dans le cadre du programme relevant de l'article 95. Les fournisseurs de services techniques de l'ISIA sont embauchés expressément pour suivre la progression des travaux dans le but d'autoriser les avances de fonds en fonction du pourcentage de la construction qui est achevée. Ils procèdent aussi à des examens de l'état des habitations construites grâce au programme relevant de l'article 95.

Ces examens sont très différents des inspections de conformité au code du bâtiment. Cela dit, il est possible que des fournisseurs de services techniques soient aussi des inspecteurs en bâtiment qualifiés et qu'ils puissent donc être engagés directement à cette fin par un conseil de bande. Cette relation est propre à ces deux parties et ne concerne pas la SCHL. La SCHL va continuer d'exiger des examens pour pouvoir accorder ses avances échelonnées.

[Français]

J'espère que ma déclaration d'ouverture aura clarifié les enjeux présentés au comité ces dernières semaines. Je vous remercie encore de m'avoir invité à vous adresser la parole, et je serai maintenant heureux de répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup à nos témoins. Je vais me prévaloir de ma prérogative en tant que président et vous poser quelques questions d'abord, étant donné que nous avons peu de temps.

Monsieur MacArthur, nous sommes récemment allés visiter des Premières Nations de la Nouvelle-Écosse, et on nous a dit là-bas qu'en raison des retards dans l'attribution des fonds, il leur est très difficile de respecter les échéances fixées pour la construction des maisons. En fait, certaines collectivités devaient retenir les services de gardiens de sécurité pour protéger les maisons en construction des vandales et des voleurs de matériaux.

Les exigences supplémentaires concernant l'obtention de certificats de conformité et la production d'une preuve de ces certificats à la SCHL avant que les fonds soient versés sont compréhensibles. Cependant, je me demande si cela ne retarde pas encore plus le processus de construction. Si c'est le cas, avez-vous envisagé des mesures qui atténueraient cela?

Carla Staresina, directrice exécutive, Aide au logement, Société canadienne d'hypothèques et de logement : Je vais répondre.

Il ne s'agit pas d'une exigence supplémentaire. C'est une exigence qui est prévue à l'article 95. Les inspections que les Premières Nations doivent obtenir aux trois étapes étaient des déclarations signées. Tout ce que nous demandons maintenant, c'est de la documentation additionnelle.

Nous demandons la documentation à l'appui des inspections que les Premières Nations obtiennent déjà en tant qu'autorité compétente, soit le Certificat de conformité au code du bâtiment. Cela ne devrait pas prolonger le processus.

Le président : D'accord. C'est du moins ce que nous espérons. Merci.

Je vais poser une question à la SCHL, et elle comporte pas mal de détails, alors je vais vous prier de transmettre la réponse au comité ultérieurement. Si le comité me le permet, je veux simplement que ma question soit au compte rendu.

Ma question porte sur l'Initiative des services d'inspection autochtones, l'ISIA. On l'a instaurée en 1995 « en vue d'accroître la participation des Premières Nations aux inspections menées aux fins des programmes de la SCHL et d'aider à renforcer leur capacité ». C'est ce que disent les documents de la SCHL. Elle a été conçue pour transférer la fonction d'inspection des logements situés dans les réserves de la SCHL aux inspecteurs des Premières Nations.

J'ai une liste de questions auxquelles j'aimerais que vous répondiez ultérieurement par écrit.

Premièrement, veuillez décrire l'histoire et le statut actuel de l'ISIA. Deuxièmement, d'après vous, le transfert des fonctions d'inspection des logements situés dans les réserves de la SCHL aux inspecteurs des Premières Nations a-t-il été réalisé avec succès? Veuillez nous expliquer cela.

Troisièmement, à combien s'élève en ce moment le financement annuel de l'ISIA? Quatrièmement, le niveau de financement actuel est-il appelé à changer dans un proche avenir et, si c'est le cas, pour quelle raison? Cinquièmement, s'il y a lieu, quels services l'ISIA fournit-elle en ce moment aux Premières Nations? Enfin, est-ce qu'on envisage d'étendre le programme, de le modifier ou d'y mettre fin? Veuillez fournir des explications dans votre réponse.

Je vous prie de transmettre les réponses à ces questions à la greffière du comité.

Le sénateur Baker : Je remercie nos témoins de leurs excellents exposés.

J'aimerais adresser ma question à Mme Murphy. Vous avez très bien décrit un problème très sérieux qui existe au Canada, et c'est l'exigence — on dirait que c'est une exigence, et je ne sais pas d'où ça vient — selon laquelle, dans le financement global d'une Première Nation, il y a le montant pour l'éducation en premier, puis pour les besoins sociaux, et ensuite pour l'infrastructure. En gros, ce sont les trois catégories.

Vous êtes responsables d'une partie de la deuxième catégorie, concernant les besoins sociaux. Les normes doivent correspondre aux normes provinciales, comme vous l'avez dit. Les normes du Conseil du Trésor ne correspondent pas précisément aux normes provinciales, mais en sont assez proches. Votre politique nationale a toujours été proche. J'ai oublié ce que dit exactement votre politique nationale — que cela a toujours été, peut-être, conforme au rapport du vérificateur général.

Mais j'ai l'impression que nous avons maintenant une politique qui cherche à refléter les normes provinciales, ce qui, vous venez de nous le dire, est extrêmement difficile. Ce sont des pommes et des oranges. Pour une personne qui vit dans la réserve et dont le logement a des trous dans les murs, la facture de chauffage sera différente de celle d'une personne qui vit dans un logement provincial, à la ville. Ces montants sont soustraits de l'aide sociale versée à la personne.

Au fil des années, j'ai pris connaissance d'affaires qui ont fait jurisprudence à ce sujet. L'une des plus récentes est Simon c. Canada (Procureur général). Je vois que vous vous souvenez de cette affaire. La Cour fédérale a déterminé que les peuples vivant dans les réserves subiraient des préjudices extrêmes ou indus si les normes provinciales étaient appliquées dans la province du Nouveau-Brunswick. Vous vous souvenez de cette affaire?

Quelle est la politique du ministère, aujourd'hui? Vous semblez avoir comme perspective qu'on ne peut refléter quelque chose — qu'on ne peut utiliser cela comme base de comparaison pour des personnes qui vivent dans les réserves. Quelle est votre politique actuelle, alors? Vous conformez-vous au principe selon lequel il faut que ce soit ce que le vérificateur a dit — qu'il faut que les normes correspondent aux normes provinciales — ou non?

Mme Murphy : Nous n'utilisons pas le terme « refléter » dans notre politique.

Le sénateur Baker : Non. C'est de mon cru. Désolé.

Mme Murphy : Dans le cadre du Programme d'aide au revenu, qui englobe l'allocation-logement — et cela remonte à 1964 —, la politique vise l'harmonisation aux normes provinciales et leur respect. Cela comprend les taux et l'admissibilité. Le ministère ne peut refléter tous les programmes provinciaux, parce qu'il n'a pas tous les outils et tous les programmes que les provinces offrent. Une partie de ce qui servirait à soutenir un bénéficiaire de l'aide au revenu, ou un bénéficiaire d'un programme offert par le Nouveau-Brunswick, par exemple, viendrait d'autres ministères.

Nous avons donc un ensemble précis de prestations que nous pouvons verser au moyen du portefeuille d'aide au revenu.

Je pense que l'expression que vous cherchez, c'est le principe du degré de « comparabilité raisonnable ».

Le sénateur Baker : C'est exactement cela.

Mme Murphy : Cette expression est apparue dans notre lexique des politiques vers la fin des années 1990 ou le début des années 2000. Nous l'utilisons parce que nous ne pouvions pas exiger des Premières Nations qu'elles appliquent l'aide au revenu en reflétant fidèlement tous les éléments d'un programme d'aide au revenu relevant des lois et règlements de leur province. Nous n'avons pas tous les outils et tous les programmes.

C'est de là que vient le principe de la « comparabilité raisonnable ». J'ai l'exemple idéal. Au cours des 15 à 20 dernières années, les provinces sont passées d'un rôle passif à une démarche active d'aide selon laquelle une personne admissible et capable de travailler sera soumise à un plan d'action obligatoire et recevra une aide à la transition vers l'emploi.

Nous ne pouvions pas demander aux Premières Nations de faire la même chose que les provinces, à l'époque où celles-ci apportaient ces changements pour diverses raisons, notamment, le financement et la capacité, et l'absence d'autres formes d'aide à cette nouvelle démarche des provinces. Nous avons dit : « Vous devez offrir quelque chose de raisonnablement comparable. »

Il n'y a cependant jamais eu de décision de principe voulant qu'il n'y ait pas d'harmonisation aux taux et aux critères d'admissibilité. Quand vous parlez de l'affaire Simon, au Nouveau-Brunswick, il était question d'assortir les taux et les critères d'admissibilité, et pas nécessairement l'ensemble des programmes pouvant être offerts.

En ce qui concerne la façon dont nous en sommes venus aux discussions sur la gestion du programme dans l'affaire Simon, nous cherchions à veiller à ce que les prestations d'aide au revenu soient versées aux bénéficiaires admissibles, et que les bénéficiaires obtiennent des prestations correspondant aux taux provinciaux.

Au fil des années, on s'est éloigné de cela, dans les provinces maritimes, mais pas tant dans le reste du pays, où les Premières Nations sont davantage harmonisées aux taux et aux critères d'admissibilité provinciaux. Une décision a été rendue dans l'affaire en question, et elle fait l'objet d'un appel. Nous continuons de travailler avec les Premières Nations des provinces maritimes pour déterminer comment nous pouvons faire la transition avec elles et y améliorer les programmes d'aide au revenu.

Le sénateur Baker : Ils en ont appelé, au ministère de la Justice.

Mme Murphy : En effet. La décision a été portée en appel.

Le sénateur Baker : Mais vous venez de nous offrir un excellent plaidoyer. Félicitations. C'était une excellente présentation.

La sénatrice Raine : C'est un problème très complexe, le logement dans les réserves, la façon dont il est financé et la façon dont les choses ont évolué avec les années.

Nous avons écouté les témoignages de diverses parties prenantes, au cours du processus. Dans leurs témoignages devant le comité, l'Atlantic Policy Congress et l'Association nationale des agents de bâtiment des Premières Nations ont soulevé des questions sur la nécessité de souscrire une assurance responsabilité pour les inspections de conformité.

Estimez-vous aussi qu'il faut de l'assurance responsabilité pour les inspections de conformité et, dans l'affirmative, pourquoi? Qui aurait besoin d'une telle assurance? Serait-ce la bande et le conseil, les inspecteurs, ou les deux? Qui assume en ce moment la responsabilité relative aux problèmes des logements qui ne sont pas conformes aux normes minimales du code du bâtiment?

M. MacArthur : La Première Nation est l'autorité responsable du logement dans les réserves. Puisqu'elle est l'autorité compétente, elle en est responsable. La Première Nation est responsable de retenir les services d'inspecteurs qualifiés, et elle doit veiller à ce que les services qu'elle reçoit s'accompagnent des assurances requises. Il s'agit d'une bonne pratique de gestion. Nous nous attendons à ce que la Première Nation veille à ce que les assurances requises aient été souscrites.

La sénatrice Raine : Avez-vous un modèle pour ce genre de procédure? Je pense que certaines Premières Nations pourraient ne pas avoir la capacité de gérer le processus d'inspection. Est-ce que la SCHL fournit des modèles et des conseils?

Mme Staresina : Un modèle pour le processus d'inspection et ce qu'il faut sur le plan de la responsabilité; nous avons toujours travaillé avec les Premières Nations au développement des capacités des Autochtones. Comme je l'ai dit, nous allons vous envoyer par écrit les réponses à toutes les questions sur l'ISIA et son histoire. Il ne fait pas de doute que nous pouvons expliquer les inspections requises, à quelles étapes de la construction — ce genre de choses — et que nous l'avons fait. L'assurance responsabilité et ce qu'il faut aux professionnels, c'est l'industrie qui détermine cela. Comme M. MacArthur l'a dit, la Première Nation a la compétence et doit veiller, concernant la conformité au code, à ce que l'assurance responsabilité requise ait été souscrite.

Le président : Je vais rapidement me permettre de poser une question complémentaire à AADNC, au sujet de votre énoncé de juin 2013, dans le sillage de l'évaluation du Programme d'allocation pour le logement qui faisait ressortir d'importantes incohérences dans les pratiques, d'une région à l'autre, ainsi que des problèmes fondamentaux de comparabilité entre les régimes s'appliquant dans les réserves et à l'extérieur des réserves.

Vous avez abordé cela dans une certaine mesure, aujourd'hui, mais pourriez-vous nous faire un suivi, par l'intermédiaire de notre greffière, et nous décrire les différences régionales d'application du Programme d'allocation pour le logement et les raisons de ces différentes, s'il vous plaît?

Chers collègues, il ne nous reste que quelques minutes. J'ai les sénateurs Meredith et Moore, sur ma liste. Vous pourriez énoncer vos questions, pour le compte rendu. Nous n'aurons peut-être pas le temps d'obtenir des réponses maintenant.

Le sénateur Meredith : Merci beaucoup, monsieur MacArthur et madame Murphy.

Madame Murphy, ma question vous est adressée. À la page 10 de votre mémoire, vous faites référence à la transition des jeunes de 18 à 24 ans vers l'emploi. Pouvez-vous nous parler des programmes qui permettent de faire travailler ces jeunes afin qu'ils puissent contribuer aux besoins en matière de logement dans les réserves? Combien de jeunes participent ou participeront à ce programme?

Monsieur MacArthur, j'aimerais que vous nous parliez des taux exigés en vertu de l'article 95 pour les prêts de la SCHL.

Vous avez ensuite parlé d'AADNC, et notre président a posé pratiquement toutes les autres questions. Mais en ce qui concerne la conformité, que fait la SCHL en l'absence de code? Vous avez mentionné l'ISIA, le groupe chargé de s'assurer de la conformité totale, en conformité directe avec le code. Nous avons entendu des histoires d'horreur concernant des portes et des bardeaux mal installés et des refoulements d'égout, entre autres. Si vous financez ces logements, que faites-vous précisément pour vous assurer de la conformité? Vous rendez-vous directement sur place pour vérifier?

Le président : Merci, sénateur Meredith.

En raison du temps dont nous disposons, je demande au témoin de bien vouloir nous faire parvenir ces renseignements par écrit. Je vous remercie de votre patience à cet égard. J'ai posé des questions précises sur le programme relatif à l'ISIA.

Je veux donner la parole au sénateur Moore.

Le sénateur Moore : Monsieur MacArthur, dans votre exposé, vous avez dit clairement que l'obligation des Premières Nations de s'assurer de la conformité avec le Code national du bâtiment existe depuis longtemps. Les Premières Nations devraient déjà le faire. Quand la conformité au Code national du bâtiment du Canada est-elle devenue obligatoire pour les Premières Nations?

En ce qui concerne l'ISIA, nous avons entendu John Paul, secrétaire du Congrès des chefs des Premières Nations de l'Atlantique, qui a indiqué qu'aucun financement n'est offert pour former des membres des Premières Nations afin qu'ils deviennent inspecteurs de l'ISIA. J'aimerais savoir pourquoi, car cela permettrait évidemment de créer des emplois et de donner une certaine autonomie à la Première Nation.

Madame Murphy, vous avez parlé de l'état actuel du logement et vous avez utilisé à quelques reprises le terme « état de préparation des Premières Nations »; j'aimerais savoir ce qu'il signifie et comment il s'applique dans l'ensemble du pays.

Il y a une autre chose. En 2013, des subventions ont été accordées à quelque 28 800 ménages dans les réserves. La même année, des engagements ont aussi été pris relativement à plus de 500 nouvelles unités.

J'aimerais en connaître la répartition, savoir comment ces décisions ont été prises et à quelles provinces les subventions ont été accordées.

Le président : Je vous remercie de bien vouloir attendre une réponse à ces questions, sénateur Moore.

J'ai une dernière question, en terminant. Elle s'adresse au représentant de la SCHL. Encore une fois, vous pourrez nous envoyer la réponse.

Dans votre mémoire, vous dites que les inspections de conformité au code du bâtiment sont une dépense admissible du programme relevant de l'article 95. Cela comprend-il les frais de déplacement potentiels d'un inspecteur agréé pour se rendre dans les collectivités rurales et éloignées? L'inspecteur devra-t-il se rendre dans la collectivité à trois reprises durant la construction? Si c'est le cas, est-ce une attente réaliste en ce qui concerne les collectivités éloignées?

Je remercie les témoins à l'avance de nous transmettre ces renseignements.

Je vous remercie d'avoir fait preuve de concision, chers collègues. Je crois que nous avons fait beaucoup de chemin, ou que nous en ferons beaucoup quand nous y reviendrons. Je tiens à vous remercier tous. Nous avons fait des progrès ce matin. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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