Aller au contenu
APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 8 - Témoignages du 30 septembre 2014


OTTAWA, le mardi 30 septembre 2014

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été renvoyé le projet de loi C-428, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (publication des règlements administratifs) et prévoyant le remplacement de cette loi, se réunit aujourd'hui, à 9 h 35, pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, chers collègues. J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs ici présents, ainsi qu'aux membres du public qui regardent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit ici même, dans cette pièce, soit par la CPAC, sur le Web. Je m'appelle Dennis Patterson et je viens du Nunavut.

Notre mandat consiste à examiner les projets de loi et les questions liées aux peuples autochtones du Canada en général. Ce matin, nous allons poursuivre notre étude du projet de loi C-428, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (publication des règlements administratifs) et prévoyant le remplacement de cette loi. Nous allons entendre quatre témoins : M. Guy Lonechild, ainsi que les représentants de l'Assemblée des Premières Nations, du Congrès des peuples autochtones et de la Commission de la fiscalité des Premières Nations.

Avant de passer aux témoignages, j'aimerais faire un tour de table et demander aux membres du comité de se présenter.

Le sénateur Moore : Bonjour. Je m'appelle Wilfred Moore et je viens de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Raine : Bonjour. Je suis la sénatrice Nancy Greene Raine et je viens de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Watt : Charlie Watt, Nunavik.

Le sénateur Wallace : John Wallace, Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Dyck : Lillian Dyck, sénatrice de la Saskatchewan.

La sénatrice Beyak : Bonjour. Lynn Beyak, sénatrice de l'Ontario.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, Ontario.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, Alberta.

Le président : Je sais que les membres du comité vont m'aider à accueillir notre premier groupe de l'Assemblée des Premières Nations, qui est représentée par Stuart Wuttke, conseiller juridique, et Valerie Richer, conseillère juridique associée. À leurs côtés se trouve Guy Lonechild, actuellement président de Lonechild Associates et ancien chef de la Federation of Saskatchewan Indian Nations.

Certains de nos témoins d'aujourd'hui ont apporté des notes d'allocution ou des mémoires en anglais seulement. Les membres du comité souhaitent-ils que nous les distribuions?

Des voix : D'accord.

Le président : Merci. Mesdames et messieurs les témoins, nous avons hâte d'entendre vos exposés; ils seront suivis d'une période de questions des sénateurs.

Maître Wuttke, je vous prie de commencer.

Stuart Wuttke, conseiller juridique, Assemblée des Premières Nations : Bonjour. Au nom de l'Assemblée des Premières Nations, j'aimerais remercier le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones de nous avoir invités à venir nous exprimer au sujet du projet de loi C-428 et des modifications qu'il apporte à la Loi sur les Indiens. Je tiens à souligner que nous nous trouvons sur un territoire cédé par les Algonquins.

Je m'appelle Stuart Wuttke et je suis conseiller juridique principal à l'Assemblée des Premières Nations. Je suis accompagné de ma collègue et conseillère juridique associée, Valerie Richer. Le chef de la Federation of Saskatchewan Indian Nations, ainsi que le chef régional de l'APN, Perry Bellegarde, ont demandé que nous présentions nos observations en leur nom également.

Nous savons tous que la Loi sur les Indiens demeure une loi coloniale dépassée. Elle a été promulguée en premier lieu pour perturber et attaquer la souveraineté collective des nations autochtones et est utilisée depuis pour subjuguer et opprimer les peuples autochtones sous contrôle étranger. Elle a érigé en système les obstacles et la discrimination contre les Premières Nations, paralyse leurs économies et perpétue un désavantage depuis sa création. Il n'est pas surprenant que les dirigeants des Premières Nations réclament toujours et encore la révocation pure et simple de la Loi sur les Indiens.

Cependant, cette démarche doit émaner des Premières Nations elles-mêmes et non d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Le processus doit s'accompagner d'un appui financier et politique à part entière du gouvernement fédéral à long terme. L'APN estime que le projet de loi C-428 ne constitue pas la démarche appropriée et que la solution ne consiste pas à rafistoler la Loi sur les Indiens. Il faut chercher à transformer en profondeur notre relation avec la Couronne. Un projet de loi d'initiative parlementaire ne peut pas suffire pour nous débarrasser de la Loi sur les Indiens, il ne fera que prolonger son application sur la vie quotidienne des peuples autochtones du Canada. De plus, ce projet de loi d'initiative parlementaire ne facilitera pas la mise en œuvre des traités pas plus qu'il ne favorisera le respect par le Canada de sa propre Constitution.

Les Premières Nations font partie de la grande nation autochtone et détiennent leurs propres terres, elles ont leurs lois, leurs coutumes, leurs langues et leurs histoires. Les Premières Nations sont des peuples dans le contexte du droit international. Les Premières Nations réclament la reconnaissance de leurs formes de gouvernement et de leur pouvoir d'exercer leur droit inhérent à l'autodétermination sur leurs territoires inhérents. À la fois, les Premières Nations et le Canada devraient aspirer collectivement à l'établissement d'un troisième ordre de gouvernement. C'est le sujet le plus approprié dont nous devrions discuter aujourd'hui, plutôt que débattre d'un projet de loi d'initiative parlementaire.

Le respect entier ainsi que la mise en œuvre totale des droits autochtones issus de traités par le gouvernement du Canada sont essentiels pour changer les expériences de vie quotidiennes des Autochtones qui résident dans les réserves situées dans les centres urbains du Canada. Depuis le dépôt de ce projet de loi d'initiative parlementaire, les Premières Nations s'opposent à la modification proposée et expriment le désir de s'éloigner de l'approche unilatérale du gouvernement fédéral.

L'approche mise de l'avant dans cette modification est contraire à cette compréhension des choses. Le ministre des Affaires autochtones n'a pas été obligé de consulter les Premières Nations. Les demandes des consultations des Premières Nations sont constamment ignorées, et rien n'est mis de l'avant pour exiger la participation des Premières Nations.

Le préambule du projet de loi C-428 met l'accent sur les Premières Nations qui manifestent un intérêt à cet égard. Cela porte à croire que les Premières Nations qui ont des points de vue différents ou qui sont contre seront laissées pour compte ou que les changements leur seront imposés.

Toute démarche visant à modifier la Loi sur les Indiens sans consultation des Premières Nations ne fera qu'envenimer la relation entre les Premières Nations et le gouvernement du Canada. Tout effort mené de concert avec les Premières Nations doit s'appuyer sur un processus qui respecte les droits inhérents et issus de traités.

Je vais maintenant exposer brièvement les inquiétudes de l'Assemblée des Premières Nations à l'égard de ce projet de loi.

À l'article 2, le projet de loi prescrit que le ministre présente au comité de la Chambre des communes chargé d'étudier les questions relatives aux affaires autochtones un rapport sur le travail accompli en vue d'élaborer une nouvelle loi destinée à remplacer la Loi sur les Indiens. Cet article pose plusieurs problèmes.

Premièrement, il faudrait, comme nous le savons tous, faire des progrès visés une véritable priorité plutôt que de mettre l'accent sur l'élaboration d'un rapport.

Deuxièmement, ces rapports annuels présentent le point de vue du ministre, ils ne tiendront pas compte des évaluations des Premières Nations. L'article 2 met tout le pouvoir entre les mains du ministre pour ce qui est de présenter des rapports sur la collaboration avec les Premières Nations et les autres parties intéressées. Comme nous l'avons vu pour le dernier rapport du ministre, à qui on avait demandé de travailler en collaboration avec les Premières Nations pour préparer ses rapports au Parlement au sujet de la révocation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, cette façon de faire comporte beaucoup de lacunes. Le gouvernement n'a prévu ni le temps ni les ressources nécessaires pour l'élaboration d'un rapport conjoint sur l'abrogation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, même si cette collaboration était obligatoire selon la loi.

Troisièmement, cette façon de faire ne reconnaît pas les droits autochtones issus de traités et contrevient au devoir de la Couronne de consulter. Elle ne respecte pas non plus le principe et la pratique du consentement libre, éclairé et préalable renforcé par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, que le gouvernement du Canada a endossée en 2010.

L'article 6 porte sur les réserves spéciales. Les terres mises de côté pour constituer des réserves spéciales mais dont Sa Majesté n'est pas propriétaire ne seront plus considérées comme des réserves après l'entrée en vigueur de cette loi. C'est une question de droit complexe, et la manipulation de cet article pourrait avoir des conséquences involontaires. Il faudrait plus de temps pour bien comprendre les répercussions de cette modification.

L'article 7 dicte que les règlements administratifs n'ont plus besoin d'être acheminés au ministre pour approbation. Ce sera tout un défi si cela ne fait pas partie d'une stratégie intégrale d'édification de la nation. Nous devrions nous concentrer à élaborer les constitutions des Premières Nations, à établir leurs pouvoirs législatifs et tenter de définir de quelles compétences les Premières Nations ont besoin ou lesquelles elles veulent. Les pouvoirs de prendre des règlements administratifs devraient faire partie d'un tout.

Ensuite, si ces propositions sont adoptées, les règlements administratifs visés par le projet de loi C-428 sont ceux qui figurent à la liste des règlements administratifs qu'on retrouve au paragraphe 81(1) de la Loi sur les Indiens. Ces pouvoirs de prendre des règlements administratifs sont factices et limités en portée et contenu, puisqu'ils ne peuvent porter que sur des choses comme la réglementation de la circulation, la destruction des herbes nuisibles et la réglementation de l'apiculture. Il n'est pas surprenant que les règlements administratifs sur la taxation, l'octroi de permis aux entreprises, les levées de fonds et les dépenses aux termes de l'article 83 de la Loi sur les Indiens nécessitent toujours la supervision et l'approbation du ministre.

Par comparaison, la Ville de Toronto et toutes les municipalités qui l'ont précédée ont pris plus de 198 000 règlements administratifs, selon l'information qu'on trouve sur son site web. Ceux-ci portent sur des questions comme les services publics, la culture, le patrimoine, le développement économique et l'octroi de permis aux entreprises. De plus, les municipalités canadiennes ont le pouvoir d'exproprier des gens de leur terre, d'établir des services de police et d'administrer des infractions provinciales, entre autres. On peut donc en déduire que les municipalités ont plus de pouvoirs législatifs que les Premières Nations. Cependant, contrairement aux administrations municipales, les peuples des Premières Nations jouissent d'un pouvoir d'autodétermination et d'autonomie gouvernementale. Ce projet de loi ne s'éloigne pas beaucoup des contraintes paternalistes actuelles de la Loi sur les Indiens. Les Premières Nations ont besoin de pouvoirs législatifs plus complets et plus vastes afin d'atteindre la pleine autonomie et la pleine compétence relativement à leurs affaires internes.

L'article 9 dicte que tout règlement administratif adopté doit être publié sur le site Internet de la Gazette des premières nations ou dans un journal et qu'il doit demeurer accessible sur un tel site jusqu'à ce qu'il cesse d'être en vigueur. Les collectivités des Premières Nations auront besoin de ressources supplémentaires pour cela. Cet article impose des exigences plus strictes aux conseils qui adoptent ces règlements administratifs qu'aux autres ordres de gouvernement.

Les articles 10 et 11 confèrent aux conseils de bande le pouvoir de faire appliquer leurs règlements administratifs et de constater des infractions par application du paragraphe 81(1) puis d'imposer des amendes en conséquence. Encore une fois, les règlements administratifs visés sont ceux qui figurent à la liste du paragraphe 81(1), dont la portée et le contenu sont limités. Il est déconcertant que l'un des rares nouveaux pouvoirs conférés au conseil de bande lui permette d'imposer des amendes à ses membres.

L'article 14 abroge l'article de la loi qui permet au ministre de conclure des accords avec des institutions religieuses ou de charité pour l'instruction des enfants indiens. C'est problématique pour les Premières Nations qui choisissent d'avoir des écoles religieuses; cet article devrait être modifié pour ne pas limiter leurs activités.

Ensuite, toutes les dispositions liées à l'éducation sont conçues pour préserver le pouvoir du ministre des Affaires autochtones en matière d'éducation des Premières Nations. Le pouvoir du gouvernement fédéral en la matière est un échec lamentable et a généré de piètres résultats pour des générations d'enfants et d'adultes autochtones.

De plus, l'expérience des pensionnats a marqué des générations d'Autochtones et demeure un facteur contribuant à la marginalisation continue des Autochtones partout au Canada.

Enfin, le gouvernement fédéral sous-finance les programmes d'éducation de beaucoup de collectivités des Premières Nations. Nous aurions besoin d'un cadre législatif qui reconnaisse et établisse la compétence des Premières Nations en matière d'éducation et l'assortisse du financement jugé nécessaire par les Premières Nations elles-mêmes. Cette structure doit être conçue avec la participation pleine et entière et le consentement libre, préalable et éclairé des collectivités des Premières Nations, conformément à l'application du droit à l'éducation garanti par les traités.

En conclusion, j'aimerais réitérer que pour susciter un changement véritable, il faudrait une bonne fois pour toutes prévoir une démarche qui mettrait vraiment les Premières Nations à contribution. Le projet de loi à l'étude comme toute autre grande modification de la Loi sur les Indiens devraient mettre l'accent d'abord et avant tout sur la marche à suivre pour consulter les Premières Nations et les faire participer.

La simple création d'un projet de loi d'initiative parlementaire ne s'accompagne pas de ressources suffisantes pour consulter les Premières Nations et répondre à leurs besoins. Si le gouvernement souhaitait sérieusement modifier la Loi sur les Indiens, il ne nous présenterait pas de changements sous la forme d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Il veillerait à ce qu'il y ait suffisamment de ressources pour consulter abondamment les Autochtones vivant dans les réserves ou à l'extérieur.

Un tel changement législatif pourrait clairement paver la voie à un processus collaboratif, faute de quoi nous suivrons toujours le même chemin. En tant que peuples autochtones, nous jouissons d'un droit inhérent à l'autodétermination qui nous permet d'établir des relations de traités avec la Couronne et d'autres peuples autochtones. Notre droit inhérent à l'autodétermination nous permet de créer nos propres lois et qu'elles relèvent de nous. Nous n'avons pas besoin de règlements administratifs pris en vertu de la Loi sur les Indiens; nous avons besoin que nos propres lois soient respectées et reconnues.

S'il y a une véritable volonté d'améliorer la santé et l'autosuffisance des Premières Nations et de moderniser la relation entre les Premières Nations et la Couronne, alors ce moyen n'est pas le bon. Si cette volonté était là, il y aurait eu de véritables consultations totalement financées, ainsi qu'un processus durable, à long terme pour la mise en œuvre du projet de loi, avec l'appui total du Conseil des ministres et du Cabinet du Premier ministre.

Nous devons concentrer nos énergies sur l'élaboration de solutions réelles et durables qui nous sembleront sensées et miseront sur les succès et les apprentissages que nous pouvons tirer depuis 40 ans de l'expérience des Premières Nations qui se gouvernent déjà en dehors du régime de la Loi sur les Indiens. Il faut veiller à ce que la démarche pour y arriver soit dirigée par les Premières Nations afin d'assurer le plein respect des droits inhérents et issus de traités. Merci.

Le président : Merci beaucoup, maître Wuttke. Nous allons maintenant donner la parole à M. Guy Lonechild avant de laisser les sénateurs vous poser des questions.

Guy Lonechild, à titre personnel : Merci infiniment, monsieur le président. Je m'appelle Golden Eagle, ancien grand chef et vice-chef de la Federation of Saskatchewan's Indian Nations de 1999 à 2011. Je tiens à souligner que nous nous trouvons sur le territoire de la nation algonquine.

Honorables sénateurs, madame la greffière, mesdames et messieurs les témoins et les membres du public, je suis ici pour m'exprimer sur le projet de loi C-428, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (publication des règlements administratifs) et prévoyant le remplacement de cette loi.

Je me rappelle des mots d'anciens dirigeants comme Elder Gordon Oaks, le chef Denton George et le chef Richard Poorman, qui ont déclaré que nos traités avec la Couronne demeurent au cœur de toutes nos interactions avec le gouvernement.

Dans le témoignage que j'ai prononcé devant le comité de la Chambre des communes le 18 avril 2013, j'ai demandé au gouvernement fédéral d'examiner des possibilités afin de s'acquitter convenablement de sa responsabilité de consultation exhaustive des Premières Nations, conformément aux exigences prescrites par le droit international et national. Je le mentionne parce qu'il convient de déterminer la cause et l'effet de notre relation actuelle avec le Canada.

Je suis d'accord avec M. Paul Chartrand, par exemple, ancien professeur de droit qui a siégé à la Commission royale sur les peuples autochtones, qui soutenait que la norme de consultation devrait être beaucoup plus élevée et respecter les dispositions de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones concernant le consentement libre, préalable et éclairé. Les petites solutions à la pièce, comme l'abrogation de l'article 92 de la loi, par exemple, ne permettent d'aplanir que quelques-unes des barrières au commerce agricole avec les peuples des Premières Nations en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba.

L'effet dévastateur que cette mesure a laissé sur les économies locales n'a fait que perpétuer le manque de confiance envers la bonne volonté du gouvernement fédéral; le pouvoir législatif des Premières Nations décourage le commerce avec les Autochtones dans un but de profit de nation à nation, comme nous l'avons vu dans l'affaire Frank. Je tiens à souligner qu'en conséquence, le sous-développement des économies dans les réserves est tel que nous avons plusieurs décennies de retard, si bien que notre situation se compare à celle d'autres économies en développement dans le monde.

Si cet article est abrogé, la réponse à ce qui va le remplacer doit se trouver dans cette déclaration du sénateur Ngo : « Ainsi, on doit apporter des modifications à la Loi sur les Indiens, afin d'entamer un processus de consultation et un dialogue constructif, d'abroger la loi et de la remplacer par un ensemble de lois qui reflètent les valeurs actuelles, tout en respectant le passé. »

Je suis prêt à accueillir toute tentative de concilier les difficultés économiques actuelles avec un programme de développement économique moderne. Bien trop souvent, les Premières Nations doivent recourir aux tribunaux canadiens pour obliger le gouvernement fédéral à obtenir un règlement sur les terres et les ressources. D'anciens membres de ce comité sénatorial et d'autres personnes au pays reconnaissent que notre participation à l'économie et à l'emploi n'a pas de quoi nous rendre fiers, mais qu'on oublie parfois de se demander vraiment comment régler ce problème. Je recommanderais au gouvernement du Canada d'envisager d'investir dans de nouveaux programmes de développement économique pour les Premières Nations. On estime que les sociétés d'extraction minière ont contribué à créer plus de 5 milliards de dollars en richesse et en actifs pour les sociétés de développement des Premières Nations au Canada.

En tant que candidat à la maîtrise en administration des affaires dans le programme de développement économique des collectivités de l'Université du Cap-Breton et que conseiller de l'Institut Macdonald-Laurier, je peux vous donner de nombreux exemples où l'amélioration de la gouvernance grâce à des initiatives de création de richesse pour les Premières Nations change la relation qu'entretiennent les collectivités autochtones avec les collectivités avoisinantes. En fait, les initiatives de création de richesse ont pour effet encore plus important de changer la perspective dans les collectivités autochtones elles-mêmes. D'ailleurs, j'aimerais vous encourager à favoriser les nouveaux modèles de partage des revenus tirés des ressources et les cadres législatifs à consentement actif pour établir des partenariats avec d'autres parties qui le souhaitent au Canada. On pourrait ainsi examiner notamment la mise en œuvre des traités et la participation des administrations autochtones, provinciales et municipales aux modèles de partage des revenus.

En tant qu'ancien élève, je comprends parfaitement les torts causés par les pensionnats. Lorsque je suis arrivé au pensionnat à l'âge de sept ans, j'aurais tellement souhaité ne jamais avoir été laissé sur ces marches seulement pour y être victime d'abus physiques et sexuels. Par conséquent, la solution aux faibles taux de diplomation et donc d'instruction et d'emploi, a toujours été de redonner aux Autochtones le pouvoir sur leur propre éducation. Grâce à la persévérance de personnes comme Donald McArthur, notre premier président du conseil d'administration, nous avons réussi à diplômer des centaines de personnes au White Bear Education Complex. L'une des solutions importantes pour rétablir la confiance par des modifications à la Loi sur les Indiens ou aux documents qui l'accompagnent serait d'accroître les niveaux de financement de façon à les rendre au moins équivalents à ceux des écoles provinciales ou francophones.

Enfin, si ce projet de loi confère au ministre des Affaires autochtones le mandat de préparer un rapport annuel sur les progrès réalisés, celui-ci doit se fonder sur les recommandations et la stratégie conçues par les Premières Nations pour les Premières Nations. Il est de notre responsabilité commune de renforcer l'engagement du Canada à respecter les droits et les titres autochtones issus de traités, conformément à l'article 35 de la Loi constitutionnelle du Canada. Nous le devons à tous ceux qui souffrent de l'expérience des pensionnats autochtones, aux femmes et aux enfants victimes de racisme ou pire encore, aux personnes assassinées ou disparues.

Je tiens à vous remercier infiniment de votre temps et de l'attention que vous portez à mon témoignage dans le cadre de ces délibérations.

Le président : Je remercie infiniment nos deux témoins. Je vais maintenant inviter les sénateurs à vous poser des questions.

La sénatrice Dyck : Je suis vice-présidente du comité et porte-parole de l'opposition sur le projet de loi.

Je vais commencer par une question sur la consultation. Vous avez tous deux dit que vous jugiez les consultations insuffisantes à l'heure actuelle. Le député a dit qu'il ne disposait pas des ressources nécessaires pour mener de véritables consultations. J'aimerais vous entendre me dire s'il y a, d'après vous, une bonne raison de ne pas mener de consultations. Comme c'est une exigence de la loi, cette réponse vous suffit-elle?

Valerie Richer, conseillère juridique associée, Assemblée des Premières Nations : J'aimerais répondre à cette question, si vous me le permettez. Cette réponse ne me semble pas suffisante. Compte tenu qu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire, je ne crois pas non plus que les mesures prises par Rob Clarke répondent à l'obligation de consulter les Premières Nations. Je dirais que ce n'est absolument pas suffisant.

M. Lonechild : Bien honnêtement, je dois faire écho aux observations de l'Assemblée des Premières Nations à ce sujet. La norme de consultation est très élevée lorsque vient le temps de modifier la relation entre les peuples des Premières Nations et le Canada.

La sénatrice Dyck : Dans la même optique, on voit souvent dans d'autres projets de loi, habituellement des projets de loi du gouvernement, un article de non-dérogation qui dicte qu'aucune disposition du projet de loi n'abroge ou ne déroge des droits autochtones issus de traités existants. Ce type de disposition ne se trouve pas ici. Devrait-il y en avoir une?

Me Wuttke : C'est une question intéressante. Cela ne ferait pas de tort d'en inclure une ici, mais nous savons aussi que les droits des Premières Nations sont inscrits dans la Constitution. Par conséquent, aucune loi ne devrait pouvoir diminuer ou annuler ces droits autochtones issus de traités.

La sénatrice Dyck : Êtes-vous d'accord, monsieur Lonechild?

M. Lonechild : Oui.

La sénatrice Dyck : Aux représentants de l'APN : dans votre exposé, vous avez parlé de l'élaboration de rapports et de collaboration. Vous avez mentionné l'abrogation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je me rappelle avoir vu ce projet de loi, mais je ne me rappelle pas tellement ce qu'il y est écrit sur les rapports : vous avez dit qu'il y avait des lacunes. Pouvez-vous nous en parler un peu plus et nous dire comment ce processus se compare à ce qu'on trouve dans le projet de loi d'initiative parlementaire à l'étude? Dans le contexte de la Loi canadienne sur les droits de la personne, le projet de loi contenait-il une disposition plus détaillée sur le processus? Était-elle plus complexe que ce qu'on trouve dans ce projet de loi d'initiative parlementaire, qui dicte simplement qu'ils doivent présenter un rapport chaque année?

Me Richer : Je vais commencer, après quoi je vais laisser Me Wuttke poursuivre. Pour vous mettre un peu en contexte, la loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne contenait une obligation, je crois que c'était à l'article 2, selon laquelle le ministre des Affaires autochtones élabore un rapport quinquennal détaillé sur l'abrogation de l'article 67. En comparaison, aucune collaboration du genre n'est réclamée dans ce projet de loi, qui dicte par contre que le ministre dépose un rapport. Je pense que c'est tout ce qu'il dicte. Il n'y a aucune obligation de collaboration, comme on en trouvait dans la loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Si je ne me trompe pas, ce rapport quinquennal détaillé devait être préparé en 2013 et présenté au Parlement en juin 2014.

Me Wuttke : J'ajouterai seulement que ce qui nous dérange de l'obligation de rapport actuelle, c'est que le ministère des Affaires autochtones a tendance à limiter beaucoup la portée de ses rapports. Il est question, dans le préambule de ce projet de loi, des collectivités prêtes à collaborer, et le gouvernement parle toujours de priorités communes, mais les problèmes que présente la loi, l'opposition à la Loi sur les Indiens ou même l'opposition à la politique sur les droits inhérents pourraient très bien ne pas être pleinement présentés au Parlement, du point de vue des Premières Nations. Ce rapport risque de ne présenter que le point de vue étroit et dogmatique du ministère des Affaires autochtones.

La sénatrice Dyck : Pour être certaine de bien comprendre, vous semblez me dire que selon le libellé de l'article 2 et du préambule du projet de loi, le ministre ne serait pas obligé de prendre le temps de collaborer. Il n'y a rien ici qui oblige le ministre à prendre le temps de collaborer avec les Premières Nations. Il est essentiellement question de rapports ici, et vous craignez un peu que ces rapports soient à sens unique. Ainsi, les préoccupations communes des Premières Nations n'y apparaîtraient pas nécessairement. Est-ce bien ce que vous dites?

Me Wuttke : Oui, c'est exact.

M. Lonechild : Je trouve aussi qu'il ne crée pas de certitude que les Premières Nations pourront participer au processus et y collaborer autant que nécessaire, donc je vous incite à faire attention parce que ce rapport pourrait ne se fonder que sur les paramètres sur lesquels se fondent les fonctionnaires des Affaires autochtones.

La sénatrice Dyck : Si je peux poser une dernière question, je vais changer de sujet pour parler des réserves spéciales. Vous avez mentionné dans votre mémoire et les représentants de l'APN ont dit au sujet des réserves spéciales qu'elles pourraient avoir des conséquences involontaires. Pouvez-vous nous en dire plus?

Me Richer : Nous n'avons pas vraiment eu le temps d'étudier la question en profondeur, mais nous sommes inquiets parce que nous n'en sommes pas sûrs, nous croyons qu'il faut creuser davantage la question. Nous savons que certaines Premières Nations ont été créées en vertu de l'article 36 et qu'il s'applique aussi aux fiducies créées pour certaines collectivités des Premières Nations. Ces dispositions ont déjà été utilisées par le passé et pourraient l'être encore. Il faudrait donc examiner la question de plus près avant qu'elle n'ait d'incidence sur les Premières Nations touchées.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie de votre exposé. Maître Wuttke, vous avez dit que la publication de règlements administratifs sur un site web occasionnerait des coûts supplémentaires à beaucoup de conseils de bande, mais Internet n'est qu'un média. Si une bande n'a pas de site web, combien lui en coûterait-il pour publier ses règlements administratifs dans la Gazette des premières nations? Quelle en serait l'incidence sur le budget de la bande?

Me Wuttke : Encore une fois, nous n'avons pas eu assez de temps pour étudier le sujet en profondeur. Nous savons, pour beaucoup de ces dépenses, que le gouvernement fédéral exige habituellement qu'une Première Nation absorbe ces dépenses à même son budget de fonctionnement, à même ses fonds de fonctionnement, qui servent à une multitude de dépenses.

Compte tenu de cette obligation de les publier sur Internet, dans la Gazette ou dans les journaux, nous savons qu'il peut en coûter très cher de publier des annonces dans les journaux, selon la région où l'on se trouve et le journal dans lequel on les publie. De toute évidence, il en coûterait plus cher plus au sud, dans le Sud de l'Ontario ou d'autres provinces, où la plupart des grands journaux se trouvent, que dans les régions isolées.

Pour ce qui est d'Internet, encore une fois, les Premières Nations sont sous-financées. Elles sont à court d'argent, et pour respecter l'obligation d'avoir en tout temps un site web pleinement fonctionnel et à jour qui fait l'objet d'un suivi, il leur faudrait des ressources qu'elles n'ont peut-être pas en ce moment.

Le sénateur Enverga : Monsieur Lonechild, qu'en pensez-vous?

M. Lonechild : Encore une fois, je suis d'accord. Cela varierait énormément en fonction du niveau de détail requis. Certaines Premières Nations le font déjà en Colombie-Britannique, comme la Westbank First Nation et bien d'autres, dont la bande indienne de Kamloops. Elles sont rendues très efficaces pour diffuser leurs règlements administratifs et en faire rapport. Il y a d'autres Premières Nations pour qui ce serait très nouveau, donc je crois qu'il faudrait leur octroyer des ressources supplémentaires pour les aider à rattraper leur retard.

Le sénateur Enverga : Merci.

Le président : Je vous poserais bien quelques questions moi-même, puisqu'il ne reste personne sur ma liste, à moins que j'aie oublié quelqu'un.

J'aimerais adresser cette question aux deux témoins, mais peut-être d'abord aux représentants de l'Assemblée des Premières Nations. Vous avez dit dans votre exposé qu'il fallait mettre en place une démarche par laquelle les Premières Nations seraient appelées à participer de façon significative. Vous avez parlé d'une démarche qui reconnaîtrait les traités et en faciliterait la mise en œuvre, puis vous avez dit au sujet de l'éducation qu'il fallait concevoir un cadre législatif afin de reconnaître la compétence des Premières Nations en matière d'éducation et l'assortir de financement adéquat.

J'aimerais vous demander de réfléchir à ceci. Je suppose que j'ai un esprit très pratique. Nous en sommes à la dernière année du mandat du gouvernement actuel. La loi prévoit une élection dans un peu plus d'un an. Certains avancent qu'elle pourrait aussi survenir plus tôt.

Des efforts ont été déployés pour raviver le processus de traité pendant la Rencontre de la Couronne et des Premières Nations. Des efforts importants ont été déployés — et je sais que certains considèrent qu'il s'agit d'un échec — pour consulter les Premières Nations sur une nouvelle façon d'aborder l'éducation. Un cadre législatif a été conçu. Une nouvelle formule de financement a été élaborée, qui prévoyait l'élimination du plafond de 2 p. 100 et l'injection massive de capitaux, ainsi que de fonds de fonctionnement et d'entretien dans les budgets existants pour au moins les rapprocher des niveaux de financement provinciaux.

Vous dites qu'il faut entamer une nouvelle démarche de mise en œuvre des traités et revoir le système d'éducation. Nous savons que le processus déjà entamé a fait naufrage, malheureusement. Notre comité y a travaillé intensément il y a au moins deux ans et avait recommandé un cadre législatif. Si vous nous recommandez de lancer un nouveau processus pendant la dernière année du mandat du gouvernement actuel, ne vous condamnez-vous pas véritablement à ce que vous avez qualifié dans votre exposé d'application oppressive continue de la Loi sur les Indiens sur la vie quotidienne des Autochtones? Est-ce vraiment réaliste de penser que nous allons tout faire au cours de la prochaine année si nous recommençons une démarche comme celle de la Réunion de la Couronne et des Premières Nations et toutes les consultations qui ont mené à la nouvelle loi sur le contrôle des Premières Nations sur l'éducation? Vous attendez-vous vraiment à des résultats, à tout le moins pendant la durée de vie de ce gouvernement?

Me Wuttke : C'est une question intéressante. Il est clair qu'il faut lancer ces discussions le plus vite possible. N'oubliez pas qu'il y a 67 nations autochtones au Canada, sur le plan linguistique, et qu'elles se sont toutes autogouvernées à un moment dans l'histoire. Elles administraient elles-mêmes pleinement leurs terres, leurs territoires, leurs communautés et leurs affaires externes. Nous vivons aujourd'hui dans un régime très prescrit par la Loi sur les Indiens. Nous voulons nous défaire des contraintes de la Loi sur les Indiens et retrouver la place qui nous revient en tant que nations autochtones, puis jouir de pouvoirs et de compétences reconnus et énumérés. Encore une fois, les peuples autochtones sont privés de la place qui leur revient de droit depuis un siècle entier. Je ne m'attends pas à ce que nous arrivions à résoudre le problème du jour au lendemain, mais il est clair qu'il faut amorcer une discussion sur les ramifications de tout cela à long terme.

Ce n'est peut-être pas le point de vue de l'Assemblée des Premières Nations, mais à mon avis, il faut que toute la famille fédérale prenne part à ces discussions. Le fait que seul le ministère des Affaires autochtones y participe, lui dont le mandat est très étroit, a toujours pour conséquence un résultat que nous n'apprécions pas. Si Justice Canada et tout le reste de la grande famille fédérale participaient à nos discussions, je crois que nous pourrions en tirer un résultat plus pratique et plus adéquat.

Encore une fois, même si le processus commence dès maintenant, pendant la dernière année de mandat du gouvernement — personne ne connaît les résultats de l'élection ni ne sait si les conservateurs vont être réélus, nous n'en avons aucune idée —, les discussions doivent s'amorcer. On ne devrait plus tolérer de nos jours que l'oppression des peuples des Premières Nations se perpétue.

Quand j'étais au premier cycle universitaire, il y a plus de 20 ans, j'ai écrit sur le droit à l'autodétermination. Vingt ans ont passé. À l'époque des discussions constitutionnelles de Charlottetown, je m'attendais à ce qu'il y ait du mouvement, mais 20 ans plus tard, nous ne sommes toujours pas plus avancés. Allons-nous attendre encore 20 ou 40 ans pour amorcer la discussion? Mes petits-enfants seront-ils dans la mi-quarantaine, comme moi aujourd'hui, avant que nous nous y mettions? J'espère que non. Nous vous implorons d'amorcer ces discussions. Merci.

Le président : Monsieur Lonechild, voulez-vous dire quelque chose?

M. Lonechild : Certains croient que l'unique solution serait le concept du fédéralisme de traité et qu'il faudrait que les administrations municipales, autochtones, provinciales et fédérale se rassemblent pour discuter de nouveaux mécanismes pour que les Premières Nations puissent participer vraiment aux décisions. Si je prends l'exemple du Nord canadien, où des accords de revendications territoriales ont été signés, ces groupes ont été mandatés de régler les questions liées à la conservation de la faune et de la flore, au développement économique, au partage des revenus tirés des ressources, et divers modèles et possibilités existent. Cela ne s'applique pas seulement aux revendications territoriales globales mais à bien d'autres groupes qui ont signé des traités à numéros aussi.

Toute discussion susceptible de faire avancer les choses serait la bienvenue, parce que j'en suis au début de la quarantaine moi aussi et que tout cela traîne depuis bien trop longtemps. Il faut amorcer les discussions sur l'autonomie gouvernementale en comité.

Le président : Merci, monsieur Lonechild, de reconnaître qu'il y a peut-être un modèle dans le Nord dont le reste du Canada pourrait s'inspirer. C'est ce que je pense depuis longtemps.

Pour continuer un peu dans la même veine avec Me Wuttke, la grande famille fédérale a participé à la Rencontre de la Couronne et des Premières Nations, il me semble. Le ministre des Affaires autochtones était loin d'y être le seul présent. Il y a eu une tempête au Parlement. J'exagère peut-être un peu, mais il y a eu des manifestations dans les rues jusqu'après la fin de la rencontre. Nous avons perdu le grand chef de l'Assemblée des Premières Nations après le dépôt d'un cadre législatif en matière d'éducation. Notre comité voulait au moins entamer les discussions sur ce projet de loi. Les manifestations contre le dépôt de ce projet de loi et toute la controverse sur la qualité du processus de consultation ont fait en sorte que nous n'avons même pas pu en discuter en comité au Parlement. Vous savez, il y a une école de pensée selon laquelle nous serions tous frustrés par des décennies d'échecs à nous attaquer au cœur du problème. Voici un député autochtone — vous dites que les Autochtones doivent participer au processus. Eh bien, M. Clarke est un député autochtone et il a dit que la Loi sur les Indiens le dérangeait profondément quand il devait essayer, en tant que policier, de faire appliquer ses dispositions archaïques, dépassées, coloniales. Il voulait au moins essayer de faire quelque chose pour s'en éloigner un peu.

Je sais que c'est une solution imparfaite, peut-être, mais n'y a-t-il pas des modifications dans ce projet de loi, comme celles qui visent à nous débarrasser de toute référence aux pensionnats, un chapitre de notre histoire que nous voulons certainement tous clore, et celles sur la publication des règlements administratifs, que nous devrions envisager d'approuver même si nous cherchons une solution plus globale.

Me Wuttke : Comme je l'ai déjà dit, nous voyons cela comme du rafistolage de la Loi sur les Indiens. Depuis des années, de nombreux chefs répètent que le rafistolage de la Loi sur les Indiens n'est pas une option.

J'ai déjà mentionné nos droits et ce que les nations autochtones ont déjà été au Canada. L'objectif de beaucoup de collectivités des Premières Nations est de retrouver leur statut de nation, leur lignée, leur culture et leur langue. Ces modifications ne permettent rien de tel. En tout respect, je crois, à l'instar des représentants de l'Assemblée des Premières Nations, qu'il faut discuter de la situation dans son ensemble. Il faut régler les problèmes de fond.

Ces petites modifications ne nous apportent rien au bout du compte. Nous avons tant perdu : nos droits sont bafoués, nous avons perdu notre propre gouvernance. Nous devons retrouver le pouvoir d'exercer nos droits inhérents.

Le sénateur Moore : Je remercie les témoins d'être ici.

Les questions du président m'ont rappelé un projet de loi déposé au Sénat le 30 avril 2008 par notre ancien collègue le sénateur Aurélien Gill, un Autochtone anciennement chef d'une Première Nation : le projet de loi S-234, Loi constituant une assemblée des peuples autochtones du Canada et un conseil exécutif. Celui-ci proposait d'éliminer le ministère et tout le reste. Je trouvais ce projet de loi et ce modèle fantastiques. Je ne sais pas si l'un de vous trois a eu la chance de l'examiner. Il me semble qu'il représentait une excellente occasion pour les Premières Nations d'essayer de mettre en place un cadre d'autonomie gouvernementale qui leur permettrait de retrouver le statut de nation qui leur a été enlevé. Connaissez-vous ce projet de loi?

J'ai écrit à divers chefs, dont le grand chef d'alors Shawn Atleo, j'en ai envoyé des exemplaires ici et là, mais je n'ai pas senti beaucoup d'amour. Je n'ai pas senti l'envie de prendre la balle au bond et d'agir. Cela me semblait pourtant une occasion fabuleuse de nous débarrasser de beaucoup de choses. Nous ne serions même pas ici pour en parler si ce projet de loi avait été adopté.

Me Wuttke : Le seul projet de loi dont je me rappelle est celui que le sénateur St. Germain avait rédigé il y a quelques années.

La sénatrice Dyck : Le projet de loi S-212.

Me Wuttke : Au sujet des projets de loi émanant du Sénat, sans vouloir vous insulter, d'après nos informations, la Chambre des communes n'aurait jamais donné son appui à ce projet de loi.

À l'époque, il était donc difficile pour nous d'appuyer pleinement une mesure qui ne pourrait pas passer l'épreuve de la Chambre des communes.

Le sénateur Moore : Comme vous le savez, nous pouvons déposer des projets de loi au Sénat, et c'est après des recherches très approfondies que le sénateur Gill l'a déposé. Peu importe qu'il soit adopté à la Chambre des communes, c'était une occasion à saisir. Quand on appuie quelque chose et que d'autres appuis se manifestent, cela joue beaucoup sur la force de persuasion ou l'aptitude de changer la volonté politique.

Aimeriez-vous avoir un exemplaire de ce projet de loi?

Me Wuttke : Oui, s'il vous plaît.

Le sénateur Moore : Il pourrait vous être utile plus tard. Je pense que c'est un cadre fantastique élaboré par l'un de vos confrères autochtones, qui n'était pas un poids léger. C'était le fruit d'années de réflexions. Il avait consulté des Autochtones de partout dans le monde; il est membre de l'Ordre du Canada. Je pense que vous devriez y jeter un coup d'œil et qu'il pourrait s'avérer instructif.

Le président : Merci de ces bons conseils, monsieur Moore.

La sénatrice Beyak : Toujours dans le même contexte, je me demande si vous croyez que cela peut au moins ouvrir une porte. On parle ici d'un député autochtone qui n'aime pas la Loi sur les Indiens et veut établir un dialogue. J'ai lu le projet de loi du début à la fin et je pense moi aussi qu'il est imparfait, mais je crois au plus profond de mon cœur qu'il ouvre la porte aux consultations et aux discussions qu'on attend depuis si longtemps. La tâche de modifier la Loi sur les Indiens est tellement énorme, comme vous l'avez très bien mentionné dans vos exposés. Je vous remercie.

Mme Richer : J'aimerais répondre à cela. Je dois dire que je le félicite de ses efforts et de vouloir faire avancer les choses. Je comprends cela et j'y suis sensible. Toutefois, je pense sincèrement que ce n'est pas la bonne chose à faire. La question ici n'est pas de savoir si la Loi sur les Indiens doit rester ou disparaître. Nous sommes tous d'accord avec l'idée que c'est une loi coloniale dont il faut se débarrasser, alors pourquoi ce rafistolage? On devrait discuter de la façon de procéder. Je pense sincèrement que c'est la discussion que nous devrions avoir.

La sénatrice Beyak : Merci.

M. Lonechild : Je suis tout à fait d'accord. J'ai mentionné par le passé que j'approuvais toute mesure qui faisait avancer le dossier. C'est encore vrai aujourd'hui. Toutefois, je suis déçu que le rafistolage de la Loi sur les Indiens nous ait empêchés d'avoir la discussion beaucoup plus large qui s'imposait.

Le sénateur Wallace : Mes questions portent sur le même sujet. Monsieur Wuttke, lorsque le président vous a demandé si certains éléments du projet de loi serviraient les intérêts des Premières Nations, si j'ai bien compris votre réponse, vous avez parlé d'autres problèmes qui étaient plus préoccupants pour vous. Je suis bien conscient, et je suis certain que M. Clarke le reconnaît aussi, que ce projet de loi ne vise pas à modifier la Loi sur les Indiens de fond en comble.

N'est-il pas logique de procéder ainsi pour avancer, pour montrer qu'il est possible d'améliorer les choses, pour faire un autre pas en avant, comme ce projet de loi vise à faire? Ce pas pour faire avancer la cause, en quelque sorte, n'encouragera-t-il pas les Premières Nations à passer à la prochaine étape pour compléter le processus? N'est-ce pas logique? L'analogie n'est peut-être pas bonne, mais on pourrait comparer cela aux projets de loi omnibus. On les critique vertement en disant qu'ils ratissent trop large, parce qu'ils embrassent tout d'un seul coup. Si on dit maintenant « procédons étape par étape, faisons un pas en avant », n'est-ce pas sensé? N'y a-t-il pas des éléments dans ce projet de loi qui vont servir les intérêts des Premières Nations? Je pense par exemple aux dispositions sur les pensionnats. Qu'en pensez-vous?

M. Wuttke : Eh bien, je pense que ce projet de loi n'apporte pas vraiment de changement. Les pouvoirs accordés aux Premières Nations en matière de règlements administratifs à l'article 81 n'ont pas changé. Rien n'a changé. La seule différence est que le ministre n'a plus à les approuver, mais le ministère des Affaires indiennes les approuve habituellement de toute façon. Il donne son aval. Très honnêtement, dans la pratique, rien n'a changé.

En ce qui a trait aux pensionnats, j'ai participé à un moment donné aux négociations sur l'autonomie gouvernementale, et l'un des négociateurs fédéraux m'a dit : « Vous savez, vous pouvez dire tout ce que vous voudrez, mais c'est une compétence qui nous appartient au bout du compte. Nous avons déjà adopté des lois pour restreindre l'utilisation de votre langue et de vos coutumes. Nous l'avons déjà fait et nous pouvons le faire encore, si nous le souhaitons ». Ce commentaire était très offensant. Le fait est que le gouvernement fédéral utilise l'article 91.24 pour contrôler les Premières Nations. Nous pouvons ajouter toutes les mesures protectrices que nous souhaitons, mais à la fin, le gouvernement a toujours l'autorité en vertu des lois canadiennes pour prendre des mesures qui vont nuire et peut-être même causer du tort aux Premières Nations. Ce projet de loi n'y change rien, et cela ne changera pas.

Est-ce une bonne chose de procéder par étape? Pensons aux arrangements pratiques que le gouvernement fédéral a proposés au fil des années, la politique sur les droits inhérents par exemple. Certaines communautés des Premières Nations y ont adhéré et cela a été avantageux pour elles. C'est leur choix, leur volonté, c'est un choix libre et éclairé. Toutefois, lorsqu'il s'agit de modifier la Loi sur les Indiens dans son ensemble, de modifier certaines relations, je pense que des consultations plus en profondeur s'imposent. Il doit y avoir une meilleure façon de procéder.

Le sénateur Wallace : Merci.

La sénatrice Raine : Je vous remercie beaucoup. C'est bon de vous avoir parmi nous, et nous souhaitons tous améliorer les choses.

J'aimerais savoir, et ma question s'adresse principalement aux représentants de l'APN, quel genre de consultation valable et pratique permettrait d'obtenir un consentement libre et éclairé de votre part? Nous savons qu'il y a beaucoup, beaucoup de Premières Nations, qu'elles sont réparties sur tout le territoire, qu'elles ne sont pas toutes aussi développées les unes que les autres, et qu'elles ont des coutumes et un passé différents. Il est donc très difficile d'amener les gens à s'entendre sur quoi que ce soit. Bien sûr, il faut au départ que les parties s'entendent sur le processus de consultations si on veut que ces consultations débouchent sur une entente. Avez-vous examiné quel système de consultations serait acceptable pour vous ou avez-vous un document qui le résumerait?

Je suis membre de ce comité depuis cinq ans et on nous répète sans cesse qu'il n'y a pas eu suffisamment de consultations, même si les gens qui ont mené les consultations disent avoir fait de leur mieux pour consulter tout le monde. Si pour que les consultations soient acceptables il faut que tout le monde soit d'accord, je suis certaine que nous n'arriverons jamais à rien. J'aimerais savoir ce qui constituerait pour vous une méthode de consultations acceptable pour régler toutes ces questions.

Je ne pense pas que nous aurons suffisamment de temps. Il faudrait sans doute mener une nouvelle étude sur la question, car on ne cesse de répéter qu'il n'y a pas eu assez de consultations. Si vous pouviez nous dire comment procéder, ce serait excellent.

Mme Richer : Je pense comme vous que nous n'avons pas suffisamment de temps, et je suis tout à fait d'accord avec vous que le comité devrait examiner le problème. Les consultations sont un enjeu important. Nous avons des exemples qui pourraient être examinés, par exemple, les consultations qui ont été menées en vue de conclure les ententes sur l'autonomie gouvernementale.

Quand on se contente de cueillir les fruits qui sont à portée de main, de procéder à de petites modifications à la Loi sur les Indiens comme c'est le cas actuellement, on ne fait que détourner l'attention de la vraie discussion qu'il faut avoir. Comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, on ne devrait pas être en train de décider si oui ou non il faut le faire. On devrait le faire. On devrait discuter de la façon de le faire et on devrait parler des consultations. J'aimerais sincèrement que le comité se penche sur la façon de procéder. Il y a beaucoup d'information de disponible sur la façon d'appuyer une démarche comme celle-ci.

Le sénateur Ngo : La question que j'avais en tête a déjà été posée par d'autres sénateurs, mais je vais en poser une autre.

Chef, vous avez mentionné que toutes les Premières Nations voudraient se débarrasser de la Loi sur les Indiens, et cetera. Personnellement, je vois le projet de loi C-428 comme une façon de s'en défaire tranquillement. On fait des petits pas. On ne peut pas tout modifier d'un seul coup pour s'en débarrasser. À l'article 2 du projet de loi, par exemple, on exige qu'il y ait un travail de collaboration, donc des consultations, et il faut le mentionner, entre le ministre et les Premières Nations. Aux articles 15 et 19, on supprime le terme « pensionnat », dont on veut aussi se débarrasser. À l'article 5, on supprime également l'interdiction de faire du commerce. Comme ce sont de bons points, pouvons-nous convenir que ce projet de loi nous aide à supprimer des parties de la Loi sur les Indiens dont les Premières Nations veulent se débarrasser?

M. Lonechild : Oui, je peux dire que certains changements ont donné lieu à des progrès, si on peut dire, notamment l'élimination des restrictions touchant le commerce, les testaments et les successions, de même que la prise en charge par la parenté, je crois, et l'adoption coutumière dans certaines provinces. Ce sont de petits progrès, mais des progrès tout de même.

Le sénateur Ngo : Peut-on s'entendre sur ces trois avancées, donc, puis passer à l'article 2, soit la collaboration liée au processus de consultations avec le ministre, pour continuer sur cette voie? Pourrait-on, essentiellement, procéder ainsi? Ce sont de petits pas en avant, mais aussi, je pense, une bonne façon d'avancer.

M. Wuttke : Le seul point que j'aimerais soulever au sujet des petits pas en avant est le suivant : les gens disent qu'il est préférable d'opter pour une approche pragmatique, progressive, mais nous avons des Premières Nations qui ont conclu des ententes sur l'autonomie gouvernementale et qui, du jour au lendemain, ont commencé à exercer leurs compétences législatives.

Nous avons une foule de bons exemples de processus qui ont bien fonctionné et qui nous permettraient d'y arriver. Les changements ne sont pas faits par petit pas dans ce cas, mais du jour au lendemain. C'est assurément possible, car cela s'est fait par le passé.

Et au sujet des petits éléments de la loi qui sont supprimés, encore une fois, cela n'a pas vraiment changé grand- chose. Il n'y a plus de pensionnat à l'heure actuelle. Supprimer les dispositions ne change donc rien. Il n'y a déjà plus de pensionnat et je ne pense pas qu'on les ressuscite dans un proche avenir.

On peut y voir des éléments positifs, mais au fond, je ne pense pas qu'il y ait grand-chose de changé. Les Premières Nations auront les mêmes compétences législatives qu'à l'heure actuelle, à la seule différence près que les règlements n'auront plus à être approuvés par l'appareil bureaucratique fédéral. À mon point de vue, il ne s'agit pas là d'un changement important. Tout ce qu'on fait, c'est de retarder encore l'autonomie gouvernementale des Premières Nations. Le gouvernement fédéral ou les Affaires autochtones auront une excuse pour nous dire : « Vous avez des pouvoirs de gouvernance; vous pouvez adopter vos propres règlements administratifs ». On pourra ainsi remettre à plus tard les vraies discussions qui doivent avoir lieu sur la mise en œuvre de l'autonomie gouvernementale. Ce n'est pas acceptable, à mon avis.

Le président : Nous avons déjà dépassé le temps prévu, mais je vais accorder un peu de temps à la sénatrice Dyck et au sénateur Moore en leur demandant d'être brefs et en demandant aussi que les réponses soient brèves. Nous avons d'autres témoins qui attendent.

La sénatrice Dyck : Je vais être brève et sans doute garder une de mes questions pour les témoins suivants.

J'aimerais mentionner qu'il y a eu un peu de confusion. Sénateur Ngo, vous avez parlé des pensionnats et de l'article 19, mais il n'y a pas d'article 19 dans la dernière version du projet de loi. Vous avez pris cet extrait dans une version antérieure. M. Clarke, lorsqu'il était ici, n'avait pas lui non plus la bonne version du projet de loi.

Les gens qui liront la transcription ne pourront pas s'y retrouver, car on parle de deux versions différentes. Le sénateur Ngo et M. Clarke n'utilisaient pas la bonne version.

On voit ce qui arrive lorsqu'il y a différentes versions d'un projet de loi qui émane d'un député. La bonne version nous a été remise au Sénat, mais de toute évidence, nous ne l'avons pas tous devant nous, et je tenais à le souligner.

Le président : Merci.

La sénatrice Dyck : Parlons maintenant de l'article 18 du nouveau projet de loi qui vise à supprimer le mot « pensionnat ». On ne supprime pas toutefois le mot « externat ». Les élèves des externats ont aussi été victimes de mauvais traitements au même titre que ceux des pensionnats. Du point de vue de la réconciliation, cela ne remédie pas au problème des mauvais traitements qu'on subit les élèves des externats, qui étaient en grande partie des Métis et des Indiens non inscrits. Croyez-vous que les affirmations voulant qu'on pose ainsi un geste en faveur de la réconciliation sont vraies, ou vraies seulement en partie?

M. Wuttke : Merci. Nous avons aussi constaté que le fait de parler d'externat n'est pas cohérent avec les termes que l'on utilise aujourd'hui, soit écoles primaires et postsecondaires.

La sénatrice Dyck : C'est exact.

M. Wuttke : On utilise aussi ces termes désuets dans d'autres programmes d'études, et cela devrait être changé.

La sénatrice Dyck : Si on n'utilise pas les nouveaux termes école primaire et école secondaire dans votre cas, est-ce que cela a une incidence sur le financement?

Le président : Est-ce que la question concerne l'Assemblée des Premières Nations?

La sénatrice Dyck : Oui.

Le président : Ou le gouvernement?

La sénatrice Dyck : Je demande comment ils l'interprètent.

M. Wuttke : Nous sommes d'avis que les écoles des Premières Nations sont sous-financées. C'est la situation à l'heure actuelle. Nous ne pouvons pas atteindre les mêmes normes que les collectivités avoisinantes.

Dans les écoles secondaires, par exemple, on peut offrir une formation régulière ou spécialisée, mais pas les deux, car les fonds sont insuffisants. Elles ne peuvent le faire comme les autres écoles. Il y a très certainement un problème du côté du financement.

Le sénateur Moore : Ma question s'inscrit dans la foulée de celle de la sénatrice Raine. Je ne suis pas certain d'avoir compris votre réponse.

Est-ce que les 67 peuples autochtones ou leurs représentants se sont assis ensemble pour discuter d'un possible processus de consultations?

M. Wuttke : Je ne le crois pas. Il se peut qu'il y en ait déjà eu un. Les nations autochtones avaient des relations entre elles avant l'arrivée des Européens, bien sûr. Il y avait très certainement des protocoles et des traités en place.

Il ne faut pas oublier que chaque nation autochtone est unique. Elle a sa propre histoire, ses propres coutumes, et sa propre façon de se gouverner. Ce qui fonctionne pour la nation mi'kmaq, par exemple, ne fonctionnera pas nécessairement pour la nation ojibwa, crie ou dénée. Je pense qu'il faudra un processus pour chaque nation autochtone.

Le sénateur Moore : Comment pouvons-nous procéder? Si tout le monde ici veut se débarrasser de la Loi sur les Indiens et réinstaurer l'autodétermination, faudra-t-il discuter avec chacune des 67 Premières Nations? Y a-t-il des éléments communs? J'ai un peu l'impression que nous faisons le travail à votre place. Le comité ne peut décider de cela, mais c'est un élément fondamental pour savoir comment nous allons procéder et comment examiner les prochains projets de loi qui nous seront soumis. Nous devons savoir quelle est la position des Premières Nations dans l'ensemble.

Dans le cadre de ce projet de loi, par exemple, nous voyez-vous poser la même question 67 fois? Vous êtes avocat, vous savez que ce n'est pas une bonne façon d'optimiser notre emploi du temps. Avez-vous réfléchi à une façon de mettre en place un processus de consultations qui éviterait d'avoir à se répéter et qui témoigne d'une véritable intention d'avancer?

Mme Richer : J'aimerais tenter de répondre à la question. Cela me rappelle une citation qui provient du rapport Penner, je pense, et qui disait que l'époque où on voulait régler les problèmes des Indiens sans qu'ils soient assis à la table est révolue depuis longtemps. Je pense qu'il faut qu'il y ait...

Le sénateur Moore : Je suis tout à fait d'accord.

Mme Richer : ... des consultations et des Autochtones à la table. Je pense que les discussions comme celles-ci sont une diversion pour nous éloigner du vrai débat.

Si on continue à faire du rafistolage au lieu de s'attaquer au vrai problème, examiner le processus de consultations, on n'en sortira plus, car on ne s'assoit pas pour discuter concrètement d'une approche sensée et procéder aux consultations qui doivent être menées.

Le président : C'est un sujet important, mais je vais devoir vous arrêter.

Monsieur Lonechild, vous avez participé à des initiatives de développement économique. Le député Clarke nous a dit que le processus d'approbation des règlements administratifs par le ministre était long; ce n'est pas un processus rapide et automatique. Il a mentionné que cela retardait le développement économique. Avez-vous des commentaires à ce sujet, soit le fait de supprimer l'étape de l'approbation du ministre?

M. Lonechild : Je pense oui. Pour faire court, je dirais que nous avons des Premières Nations qui adhérent à la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations, par exemple, qui tente de rétablir le processus décisionnel à l'échelon communautaire pour accélérer le développement. Je pense que cela fonctionne, mais encore une fois, pour en revenir à la question des consultations, quand on veut modifier la Loi sur les Indiens, il faut un processus de consultations très approfondi. Nous avons des exemples où des Premières Nations de partout au pays ont accepté de participer, et en procédant de certaines façons comme on l'a déjà fait, on peut avancer.

Le président : Merci beaucoup à nos premiers témoins.

Nos prochains témoins sont M. Manny Jules, président, Commission de la fiscalité des Premières Nations, et Betty Ann Lavallée, chef national, Congrès des peuples autochtones. Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux.

Madame Lavallée, vous pouvez commencer.

Betty Ann Lavallée, chef national, Congrès des peuples autochtones : Bonjour monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui en territoire traditionnel algonquin pour vous parler du projet de loi C-428. Je suis le chef national du Congrès des peuples autochtones, autrefois appelé le Conseil national des Autochtones du Canada, qui représente depuis 1971 les intérêts des Indiens inscrits et non inscrits, des Métis et des Inuits du Sud vivant à l'extérieur des réserves partout au Canada. Le congrès est aussi le porte-parole national de ses organisations affiliées qui défendent les droits des Autochtones qui habitent à l'extérieur des réserves.

Le congrès milite depuis longtemps pour qu'on modifie la Loi sur les Indiens ou qu'on l'abolisse simplement. Les dispositions de la loi reposent sur une ordonnance coloniale qui visait à imposer des règles et des restrictions pour favoriser l'assimilation. C'est ce qui a mené à l'origine à l'expulsion des Métis et des Indiens non inscrits des lieux historiques qu'ils occupaient. Nous appuyons l'abolition des dispositions désuètes que contient la Loi sur les Indiens ou, comme je l'ai déjà mentionné, l'abolition pure et simple de la loi. Il faut notamment abolir les pouvoirs du ministre en matière de testament et de succession. Au Canada, les gouvernements n'exercent pas de contrôle sur le testament et la succession des citoyens ordinaires, et les Autochtones devraient eux aussi pouvoir s'occuper de leurs affaires sans être assujettis à un tel examen.

La suppression du terme « pensionnat » des dispositions qui portent sur l'éducation est un grand pas en avant. En juin 2008, le premier ministre a présenté des excuses au sujet des pensionnats. Il ne faut jamais oublier les tragédies et les injustices qu'ont subies de nombreux Autochtones. Toutefois, il faut maintenant regarder vers l'avenir et s'employer à améliorer les conditions sociales horribles dans lesquelles vivent encore aujourd'hui de nombreux Autochtones à l'intérieur et à l'extérieur des réserves.

Nos membres ont été touchés par le système des pensionnats. En fait, un grand nombre d'entre eux ont abandonné leur statut pour ne pas voir leurs enfants être forcés de quitter leur foyer pour aller dans ces pensionnats. La Commission de vérité et de réconciliation du Canada joue actuellement un rôle très important dans la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens. Cette modification pourrait être une mesure de guérison pour tous ceux qui ont été personnellement touchés par le système des pensionnats.

Le Congrès des peuples autochtones, de concert avec d'autres organisations nationales et d'autres participants, a collaboré avec le Comité consultatif ministériel conjoint du gouvernement fédéral pour examiner les modifications à apporter à la Loi sur les Indiens. Le comité a déposé son rapport final le8 mars 2002. Le rapport contenait des recommandations et des options législatives concernant la loi sur la gouvernance des Premières Nations qui était proposée. À l'époque, nous appuyions l'initiative. Certaines dispositions du projet de loi C-428 sont semblables à celles du rapport du Comité consultatif ministériel conjoint et de la loi sur la gouvernance des Premières Nations. Par exemple, le projet de loi C-428 abroge l'article 85.1 touchant les règlements administratifs sur les boissons alcoolisées. La loi sur la gouvernance abrogeait aussi l'article 85.1, car les bandes et les organisations qui les représentent critiquent depuis longtemps le fait que cela ne respecte pas les pratiques habituelles en matière d'élaboration de règlements.

Dans le projet de loi, on exige aussi que les conseils de bande des Premières Nations publient leurs règlements administratifs. Cette mesure favorise l'inclusion de tous les membres de la communauté, peu importe où ils habitent. Les Autochtones doivent être tenus au courant de ce qui se passe au sein de leur communauté. Depuis l'arrêt Corbiere, les Autochtones qui habitent à l'extérieur des réserves ont le droit de voter aux élections. Ils devraient aussi avoir le droit de participer au débat et de voter sur les questions touchant les revendications territoriales particulières ou globales et les ressources. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas.

L'un des éléments les plus importants du projet de loi C-428 est qu'on y exige du ministre qu'il présente chaque année un rapport portant sur le travail accompli par son ministère, en collaboration avec les organisations des Premières Nations et les autres parties intéressées, en vue de l'élaboration d'une nouvelle loi destinée à remplacer la Loi sur les Indiens. Le Congrès des peuples autochtones considère qu'il s'agit là d'une initiative utile et positive pour tenir toutes les parties informées des progrès réalisés par Affaires autochtones et Développement du Nord canadien.

La Loi sur les Indiens a été une des premières lois fédérales à définir et à créer des catégories arbitraires d'Autochtones, comme les Indiens inscrits et non inscrits et les Métis. Auparavant, il était clair que les Indiens non inscrits et les Métis bénéficiaient de la protection spéciale prévue à l'article 91.24 de la Loi constitutionnelle de 1867. En vertu de cet article, le gouvernement fédéral détient les pouvoirs exclusifs de légiférer sur les questions qui touchent les Indiens et les terres réservées pour les Indiens. Au cours des 150 dernières années, les Indiens non inscrits et les Métis ont été progressivement exclus des droits et privilèges et de la protection accordés aux Indiens inscrits en vertu de l'article 91.24. Toutefois, dans un récent jugement rendu dans l'affaire Daniels, la Cour fédérale a statué que les Métis et les Indiens non inscrits sont des Indiens au sens de l'article 91.24 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Cette décision marque le début d'une nouvelle relation avec le gouvernement du Canada. À titre d'organisation nationale autochtone, nous nous attendons à ce que le gouvernement respecte pleinement son devoir de consultations. C'est ce que M. Clarke a fait. Il a consulté le Congrès des peuples autochtones sur son projet de loi C-428 et, à plusieurs reprises, les communautés intéressées qui l'ont invité à venir leur en parler. Dans l'ensemble, les mesures législatives proposées vont permettre de supprimer des sections désuètes de la Loi sur les Indiens et favoriser la participation des Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves.

À titre de Mi'kmaq, je suis une Indienne inscrite au sens de la Loi sur les Indiens avec un statut lié à une bande assujettie à cette loi. Même si j'habite à l'extérieur de la réserve, je suis reconnue comme étant une femme mi'kmaq ayant des droits ancestraux et issus de traités en vertu des traités de paix et d'amitié.

Très souvent, les relations entre la Couronne et les peuples autochtones sont fondées sur les traités et non sur la Loi sur les Indiens. Nous avons des membres qui sont des Indiens non inscrits qui ont des droits issus de traités, mais qui ne sont pas protégés par la Loi sur les Indiens. Les traités ont été établis avant la Loi sur les Indiens. Les traités ne faisaient pas de discrimination entre les Indiens inscrits, les Indiens non inscrits et les Métis. Ils étaient tous inclus.

Le Congrès des peuples autochtones demande donc respectueusement qu'on ajoute un élément utile au projet de loi. Nous croyons que le rapport annuel du ministre devrait aussi porter sur la mise en œuvre des traités et que la disposition devrait être amendée en ce sens. La plupart des personnes non autochtones, et même des journalistes, semblent penser que les relations entre la Couronne et les peuples autochtones reposent sur la Loi sur les Indiens. Ce n'est pas le cas. Ces relations reposent sur les traités. Elles ne reposent pas uniquement sur la loi. Si on ne part pas de ce principe, on se limite aux éléments qui relèvent actuellement de la Loi sur les Indiens et on fait abstraction de tout le reste.

Il s'agit d'un projet de loi clé et il est important de se pencher sur les distinctions faites entre les Autochtones qui vivent dans les réserves et hors réserve, de même que sur les principaux généraux.

Merci.

Le président : Merci beaucoup. Nous avons maintenant hâte d'entendre M. Jules qui, tout comme Mme Lavallée, est un visage connu au comité. Je vous souhaite la bienvenue.

C.T. (Manny) Jules, président, Commission de la fiscalité des Premières Nations : Honorables sénateurs, bonjour. Je m'appelle Manny Jules, je suis le président de la Commission de la fiscalité des Premières Nations et je participe à la vie politique des Premières Nations depuis plus de 40 ans.

Je tiens à vous remercier de comparaître à titre de témoin devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Je suis ici aujourd'hui pour donner mon appui au projet de loi C-428, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (publication des règlements administratifs) et prévoyant le remplacement de cette loi.

Tout d'abord, j'aimerais remercier M. Rob Clarke qui a travaillé très fort et avec diligence pour présenter ce projet de loi. Comme j'ai déjà proposé une modification à la Loi sur les Indiens, la modification Kamloops en 1988, je sais toute la détermination et la persévérance qu'il faut pour modifier cette loi. Même s'il est clair que tous les membres des Premières Nations n'aiment pas la Loi sur les Indiens, on ne s'entend pas sur la façon de la modifier ou même sur le fait qu'il faille ou non la modifier. Certains disent qu'il faut simplement la mettre au rancart et repartir à zéro.

J'ai été assujetti à la Loi sur les Indiens toute ma vie. Souvent qualifiée de paternaliste, de raciste et de coloniale, cette loi régit toutes les facettes de la vie des Premières Nations depuis le XIXe siècle.

Le projet de loi C-428 propose des changements progressifs et non pas une réécriture complète de la Loi sur les Indiens. Sans aller jusqu'à mettre au rancart la Loi sur les Indiens, les changements proposés ici sont positifs et attendus depuis longtemps dans le Canada du XXIe siècle. Qui serait contre l'idée que les Premières Nations puissent vendre leurs produits à l'extérieur des réserves sans avoir à demander la permission au ministre des Affaires autochtones? Qui serait contre l'idée que les Premières Nations gardent le montant des amendes qu'elles perçoivent au lieu de le remettre à la reine Elizabeth? Qui pourrait s'opposer à ce que l'on supprime toute mention des pensionnats indiens dans la Loi sur les Indiens? Je milite depuis longtemps pour que le ministre n'ait plus le pouvoir d'arracher des enfants à leur foyer.

À mon sens, en tant que personne qui a été obligée d'aller dans un pensionnat, on ne peut qu'applaudir à l'élimination de ces sections pénibles et honteuses de la Loi sur les Indiens. Les changements proposés aux dispositions sur les règlements administratifs sont aussi un élément important et c'est ce dont je veux vous parler.

Le mandat de la Commission de la fiscalité des Premières Nations consiste notamment à approuver les lois sur l'impôt foncier adoptées par les Premières Nations en vertu de la Loi sur la gestion financière des Premières Nations. Il consiste aussi à conseiller le ministre des Affaires autochtones lorsqu'il doit approuver des règlements sur l'impôt foncier adoptés par les Premières Nations en vertu de l'article 83 de la Loi sur les Indiens. La procédure est établie dans un protocole d'entente conclu entre la commission et le ministre.

En clair, le projet de loi C-428 ne change pas le fait que le ministre doit approuver les règlements administratifs adoptés en vertu de l'article 83 de la Loi sur les Indiens. Nos responsabilités mutuelles, qui sont établies dans le protocole d'entente, demeurent donc inchangées.

Le projet de loi C-428 propose, par contre, que les règlements adoptés par les Premières Nations en vertu des articles 81 ou 85 entrent en vigueur à la date de leur publication initiale. Concrètement, cela fait en sorte que le ministre ne peut plus les rejeter. Le projet de loi modifie de plus l'article 86 de la Loi sur les Indiens en ajoutant de nouvelles dispositions sur la publication des règlements administratifs. Les Premières Nations peuvent maintenant publier les règlements administratifs qu'ils adoptent dans la Gazette des premières nations, entre autres. C'est un élément positif.

Pour ceux qui ne connaissent pas la Gazette des premières nations, permettez-moi ici de vous donner quelques renseignements sur sa création. Dans les années 1980, le Canada a exempté les Premières Nations de l'obligation de publier leurs avis et règlements administratifs dans la Gazette du Canada. La Loi sur les textes réglementaires prévoyant l'exemption de publication impose aux Premières Nations la charge de fournir des avis et de publier les règlements administratifs.

Les lois et règlements des Premières Nations pouvaient néanmoins être invalidés pour des questions d'irrégularités dans les processus de notification, d'application ou de publication.

Pour donner suite à cette exemption, à titre de président de la Commission consultative de la fiscalité indienne, qui est devenue la Commission de la fiscalité des Premières Nations, j'ai dirigé la mise en place de la Gazette des premières nations avec l'aide du Centre du droit autochtone de l'Université de la Saskatchewan. La Gazette des premières nations a été officiellement lancée lors de la Journée nationale des Autochtones en 1997. Pour aider les Premières Nations à fournir les avis de leurs lois, elle est publiée par la Commission de la fiscalité des Premières Nations et par le Centre du droit autochtone.

Aujourd'hui, nous avons plus de 180 Premières Nations de partout au Canada qui utilisent la Gazette des premières nations, et plus de 3 000 règlements, lois, codes de gouvernance et codes fonciers y sont publiés.

Tout comme la Gazette du Canada, la Gazette des premières nations se fait un devoir de maintenir les normes professionnelles les plus élevées pour la publication de textes juridiques. Seule source de référence qui fasse autorité en matière de règlements et d'avis, la Gazette des premières nations protège les pouvoirs législatifs des Premières Nations et favorise la transparence et la responsabilité.

Dotée d'un inventaire consultable, la gazette procure un accès direct aux lois qui peuvent intéresser les citoyens des Premières Nations, les tenants à bail et autres habitants des réserves, les électeurs, les juristes et tous ceux qui ont un intérêt à l'égard d'une terre de réserve. Tout comme la Gazette du Canada, la Gazette des premières nations est maintenant publiée uniquement en version électronique. Vous pouvez la consulter sur le site www.fng.ca.

Il n'en coûte rien pour la consulter ou pour utiliser son service de notifications. Je suis convaincu qu'un jour toutes les lois des Premières Nations y seront publiées. J'encourage les parlementaires, et en particulier les sénateurs, à nous aider à cet égard.

Enfin, ce projet de loi exige que le ministre des Affaires autochtones fasse rapport chaque année des progrès réalisés dans l'élaboration d'une nouvelle loi destinée à remplacer la Loi sur les Indiens. C'est un élément clé du projet de loi et un élément que la commission appuie fermement.

En terminant, j'aimerais mentionner que je suis satisfait des modifications proposées dans le projet de loi C-428. Même si je fais partie de ceux qui souhaitent l'abolition de la Loi sur les Indiens, je suis conscient qu'il est impossible d'avaler un éléphant tout rond. Cela prendra du temps et une solution de rechange est nécessaire.

Pour reprendre les paroles du premier ministre, la Loi sur les Indiens est un arbre aux racines profondément ancrées et en le déracinant, nous ne laisserons qu'un gros trou.

Selon moi, nous ne pouvons nous permettre d'attendre. Procéder par étapes ou contourner la Loi sur les Indiens comme nous l'avons fait en 2005 pour l'adoption de la Loi sur la gestion financière des Premières nations sont les seules avenues qui s'offrent à nous à l'heure actuelle. Dans ce contexte, le projet de loi C-428 constitue un solide pas en avant. Merci.

Le président : Merci beaucoup à vous deux.

La sénatrice Dyck : Ma première question portera sur les consultations.

Le parrain du projet de loi nous a dit qu'il avait envoyé un peu plus de 600 lettres à toutes les Premières Nations au Canada à six reprises. Il a reçu des réponses, et cetera, mais il n'a pas, d'après ce que j'ai cru comprendre, analysé ou compilé les réponses. Chef Lavallée, je sais que vous avez dit qu'il s'était acquitté de son devoir de consultation parce qu'il vous avait consulté, mais qu'en est-il des autres Premières Nations et organisations?

D'après ce que j'ai cru comprendre, il a envoyé les lettres et il les a informées, mais il n'a pas été en mesure de nous dire comment il avait pris en considération leurs points de vue dans le projet de loi.

Mme Lavallée : Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous avons reçu ces lettres et qu'elles ont été envoyées à nos organisations provinciales. À ce moment, bien sûr, il revient à chacune d'elles de communiquer avec M. Clarke pour l'inviter à venir dans leur communauté. Certaines en ont profité. Je sais qu'il est venu nous rencontrer au bureau national pour nous parler du projet de loi et de son contenu. Il a aussi pris part à une de nos AGA et a discuté avec les membres qui étaient présents.

J'ignore si les autres organisations autochtones nationales ont profité de l'occasion pour communiquer avec lui et l'inviter. Je sais seulement ce que mon organisation a fait.

M. Jules : Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Les députés n'ont pas accès aux mêmes ressources que le gouvernement. C'est donc très difficile. Mais, je comprends les inquiétudes des Premières Nations qui disent qu'elles n'ont pas été consultées.

Comme je me suis assuré de le dire au début de mon intervention, je participe à ce genre d'activité depuis plus de 40 ans. J'ai commencé à participer aux réunions communautaires à l'âge de 15 ans, alors que mon père était chef. En 1975 — à l'époque, j'étais membre du conseil à Kamloops —, notre souhait à la chef Mary Leonard et moi était de faire abroger la Loi sur les Indiens au cours des cinq années suivantes. Ce sont les cinq années les plus longues de ma vie.

La sénatrice Dyck : D'accord. J'aimerais maintenant parler des articles sur les pensionnats. Le projet de loi propose de retirer le mot « pensionnat ». Comme je l'ai dit plus tôt, il ne propose pas de retirer le mot « externat » et n'utilise pas la terminologie moderne. Selon vous, devrait-on modifier le projet de loi en tenant compte du fait que le mot « externat » fait toujours partie du libellé?

Mme Lavallée : Je suis d'accord avec vous. À mon avis, le mot « pensionnat » inclut les deux types d'établissement. C'est un terme dépassé. Il ne devrait plus être utilisé et si la présence de ce mot rassure ceux qui craignent de perdre les avantages éducatifs, alors je ne vois aucun problème à ajouter quelque chose comme « élémentaire ».

M. Jules : Il est essentiel de revenir sur l'histoire des pensionnats. Les pensionnats ont d'abord été créés non pas comme des établissements scolaires, mais bien comme des écoles industrielles pour enseigner aux jeunes comment faire le ménage et cultiver, notamment.

Si j'ai bien compris, la raison pour laquelle la mesure législative ne propose pas de retirer le mot « externat », c'est que souvent... Dans ma propre collectivité, à Kamloops, nous avons l'École d'excellence Sk'elep. Celle-ci est financée en partie par les recettes fiscales de la bande, mais aussi par le ministère des Affaires autochtones. Si cet article est retiré et qu'aucune autre mesure de protection n'est ajoutée, nous risquons de perdre cette source de revenus.

Je suis conscient que le niveau de financement n'est pas suffisant pour les écoles et que nous avons besoin de plus de capitaux. Malheureusement, l'Assemblée des Premières Nations, entre autres, a jugé que cette disposition législative était inacceptable.

La sénatrice Dyck : Je suis un peu confuse. Selon le député, le fait de rayer le mot « pensionnat » de deux articles de la Loi sur les Indiens empêchera le gouvernement d'ouvrir un jour un autre pensionnat. À votre avis, ce geste à lui seul empêchera-t-il l'ouverture d'une autre école du genre? Pouvons-nous légiférer les décisions d'un gouvernement simplement en retirant ce mot?

Mme Lavallée : Sincèrement, je crois que, de nos jours, aucun citoyen canadien, qu'il soit autochtone ou non, ne permettrait qu'une telle situation se reproduise au pays. Nous sommes maintenant protégés par la Loi canadienne sur les droits de la personne et soutenus par des chartes internationales. Donc, selon moi, si l'on raye le mot, on raye l'option.

M. Jules : Je crois qu'il s'agit principalement d'un geste symbolique. Il envoie un message au Parlement, aux Premières Nations et, surtout, au ministre responsable de la Loi sur les Indiens que nous ne devrions jamais plus choisir cette voie. Cela ne signifie pas qu'un pensionnat indien ne verra jamais le jour — je n'appuierais jamais une telle proposition —, mais je crois qu'il s'agit d'un geste symbolique qu'il faudrait soutenir. Personnellement, j'appuie cette proposition. Je suis un survivant d'un pensionnat. Mon père, mon grand-père et ma grand-mère ont tous fréquenté un pensionnat. Nous ne devrions jamais envisager de choisir cette voie de nouveau.

La sénatrice Dyck : J'aimerais poursuivre sur le sujet des pensionnats. Ce sera ma dernière question pour cette première série. Il a beaucoup été question des pensionnats au cours des cinq ou six dernières années. D'ailleurs, ce n'est qu'aujourd'hui que j'ai remarqué qu'une copie de la lettre d'excuses du premier ministre est suspendue au mur à la gauche de la porte d'entrée de cette pièce.

Lors de la toute première rencontre tenue dans le cadre de la Commission de vérité et de réconciliation à Winnipeg, en 2010, si je ne m'abuse, le ministre de l'époque, M. Strahl, a dit qu'il allait retirer ces dispositions. Pourtant, elles sont incluses dans ce projet de loi d'initiative parlementaire.

Est-ce que ça vous inquiète? Le gouvernement a proposé de retirer ces dispositions il y a quatre ans, mais elles ont été reprises dans la Loi sur l'éducation des Premières Nations auxquelles le président a fait référence dans son intervention avec un autre témoin. Quel message cela envoie-t-il au public? Selon vous, est-ce une bonne idée de procéder par l'entremise d'un projet de loi d'initiative parlementaire ou devrait-il s'agir d'une initiative du gouvernement en raison de l'importance et de la nature délicate de la question? Le gouvernement n'aurait-il pas dû s'excuser et dire qu'il allait les retirer? C'est maintenant un député qui propose de le faire. Qu'en pensez-vous?

Mme Lavallée : Il est toujours agréable de voir le gouvernement proposer des projets de loi pour améliorer les conditions des gens en général. Je ne parle pas uniquement des Autochtones, mais bien de tous les Canadiens. J'ai été élue il y a six ans. Depuis, nous avons eu cinq ministres des Affaires autochtones différents. Malheureusement, lorsque le ministre est remplacé, le personnel ministériel l'est également. Ce qui était une priorité pour le ministre ne l'est pas nécessairement pour son successeur.

Je crois simplement que ce dossier s'est perdu dans le tumulte du changement. Je suis prête à leur donner le bénéfice du doute. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un geste délibéré, car j'ai peine à croire que quelqu'un agirait de la sorte.

M. Jules : Si j'ai bien compris, les dispositions que le ministre Strahl s'était engagé à retirer étaient incluses dans le projet de loi sur l'éducation. Malheureusement, le gouvernement a retiré ce projet de loi. Nous aimerions tous que la Loi sur les Indiens soit abrogée, notamment ces articles-ci. Comme je l'ai dit dans mon exposé, c'est odieux. Je préfère vivre à l'extérieur du cadre de la Loi sur les Indiens. À cet égard, je suis un hors-la-loi.

La sénatrice Dyck : Merci. À titre informatif, sur le site web du ministère des Affaires autochtones, on trouve un document d'information sur les changements à la Loi sur les Indiens relativement aux pensionnats indiens. On y retrouve tous les points abordés dans ce projet de loi. Il s'agit du site web officiel du ministère. Donc, s'ils ont oublié de quoi il s'agit, ils peuvent toujours aller voir sur leur site web.

Le président : Merci.

Le sénateur Tannas : Chef Lavallée, monsieur Jules, merci d'avoir accepté notre invitation. Monsieur Jules, j'ai beaucoup aimé votre expression selon laquelle il est difficile de manger un éléphant en une seule bouchée. J'ai entendu une autre expression que j'aime beaucoup et qui parle de la tyrannie du « ou » par rapport au génie du « et ». À mon avis, il est beaucoup plus avantageux d'apporter des changements graduels que de tout changer d'un seul coup. Aux fins du compte rendu, j'aimerais avoir votre opinion sur la question. Vous avez travaillé à des initiatives majeures : la modification Kamloops, en 1988, et la Loi sur la gestion financière des Premières Nations, en 2005. Pourriez-vous nous dire où nous en serions aujourd'hui si tous les intervenants avaient accepté d'attendre qu'une solution globale soit trouvée plutôt que d'apporter des changements graduels?

M. Jules : Ce ne sont pas les seules initiatives auxquelles j'ai participé. J'ai participé à l'élaboration d'une quantité innombrable de dispositions législatives, tant à l'échelle fédérale et provinciale qu'à l'échelle locale.

Mon père, Clarence Jules senior, était mon mentor. Il disait qu'on ne peut pas réparer une crevaison en criant après. C'est ma philosophie. Il disait également qu'il faut être en mesure de suivre le rythme des affaires. C'est ce qui a défini toute ma carrière. Je voulais m'assurer que les Premières Nations font partie intégrante de l'économie.

J'ai également siégé au Forum des fédérations. Dans le cadre de ce processus, j'ai très bien compris que nous devions constituer un élément fondamental de la politique sur la famille canadienne sur le plan constitutionnel, mais aussi un élément important de l'économie.

Lorsqu'on parle de ce qui aurait pu ne pas se produire... Jusqu'à maintenant, la commission de la fiscalité a recueilli environ 1 milliard de dollars pour les collectivités des Premières Nations à l'échelle du pays et, grâce à cette compétence, elle a généré un autre 1,5 milliard de dollars pour permettre aux collectivités de bâtir leurs propres écoles, routes et systèmes d'alimentation en eau et de mettre sur pied une fonction publique professionnelle, toutes des choses que les autres Canadiens tiennent pour acquis.

Ce qu'il nous faut, c'est la capacité d'adopter nos propres lois et de mettre sur pied nos propres institutions à l'intérieur du cadre constitutionnel canadien. Actuellement, 157 collectivités perçoivent des impôts fonciers. Je suis celui qui vend des réfrigérateurs à ceux qui n'en ont pas besoin. Je me rends dans les collectivités et tout de suite, les gens disent : « Qui est ce type? Il n'a pas d'affaire ici. »

Les impôts sont un élément fondamental de tout gouvernement autonome. Sans impôts et sans autonomie, il n'y a pas d'économie. Sans économie, on ne peut avoir toutes les choses dont les autres ont parlé et dont on parle depuis de nombreuses années, voire de nombreuses générations.

Mes connaissances, je les ai acquises sur le terrain. Puisqu'il n'y a pas de consensus, la seule façon d'aller de l'avant, c'est d'apporter des changements graduels.

Le sénateur Tannas : Pour revenir au projet de loi, M. Clarke, un député et membre d'une Première Nation, a décidé de ne pas crier après une crevaison. Mais, à sa façon et bien modestement, il a décidé de proposer des changements graduels et d'ajouter une disposition qui oblige la tenue de discussions. Est-ce suffisant?

M. Jules : Il n'y a aucune limite. Les possibilités sont innombrables. La seule chose qui nous empêche d'aller de l'avant, c'est notre imagination. Lorsque mon fils avait environ six ans, il avait peur de dormir. Je lui ai dit : « Je suis ici. Tu peux dormir. Il n'y a rien à craindre. De quoi as-tu peur? » Il m'a répondu : « De mon imagination. » C'est ce qui nous empêche d'aller de l'avant. Les gens ne peuvent s'imaginer un monde sans la Loi sur les Indiens.

Bien entendu, M. Clarke pourrait proposer bien plus de choses. Mais, en tant que membre d'une Première Nation, il a bien réfléchi à la question et s'est dit : « Voici la contribution que j'aimerais apporter de mon vivant. » Cela signifie... Lorsque Michel-Ange a sculpté la Pietà, il ne l'a pas fait d'un seul coup. Il a procédé morceau par morceau et, grâce à son imagination, il a transformé une pierre en une en œuvre d'art incroyable.

Le sénateur Tannas : Merci.

Le sénateur Enverga : Merci à tous les témoins. Un des témoins précédents a dit qu'il y avait des coûts associés à l'application de services. Vous dites qu'il n'y en a pas. Pourriez-vous m'expliquer quels sont les coûts, s'il y a lieu?

M. Jules : La Commission de la fiscalité des Premières Nations et l'Université de la Saskatchewan offrent ce service gratuitement aux Premières Nations. Il coûte environ 190 000 $. Nous négocions ce service chaque année avec le ministère, mais le coût n'est pas refilé aux collectivités des Premières Nations. Ce sont le gouvernement du Canada et la Commission de la fiscalité des Premières Nations qui assument ce coût.

Le sénateur Enverga : Ce projet de loi propose des amendes. Cela pourrait-il vous aider?

M. Jules : Bien entendu, mais les amendes stipulées dans la Loi sur les Indiens sont de 500 $ ou de 1 000 $. Lorsque j'étais chef à Kamloops, un individu a fait brûler des piles pour en retirer le plomb et a tenté de recycler un transformateur contaminé de BC Hydro. Il s'est vu imposer une amende de 1 000 $. Les déclarations que nous avons entendues plus tôt sont véridiques. Les amendements proposés par M. Clarke nous permettent d'aller de l'avant, mais ils ne s'attaquent pas aux questions difficiles, comme les normes environnementales dans les réserves. Nous sommes exemptés des normes environnementales en vigueur. Nous devons élaborer nos propres normes. On parle d'un droit inhérent. Un des dossiers fondamentaux auquel s'attaque le Canada est la protection de l'environnement pour les prochaines générations. Une amende de 1 000 $, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant.

Le sénateur Enverga : Selon vous, les amendes en question vont-elles créer des conflits au sein de la collectivité, vous qui tentez d'être autonomes? Cela risque-t-il de créer des conflits ou de la confusion?

M. Jules : Non. Selon mon expérience, le fait d'avoir cette compétence, de pouvoir imposer des amendes, constitue un pouvoir très important. Mais, cela signifie également qu'il faut être juste. Il faut adopter des processus équitables. Je le répète, le montant des amendes n'est pas suffisant.

Le sénateur Enverga : Puis-je poser une autre question, monsieur le président? Madame Lavallée, j'aimerais parler de la consultation que vous avez eue avec le député Clarke. Était-ce suffisant comme consultation pour vous permettre d'exprimer vos besoins? Était-ce suffisant ou auriez-vous besoin d'autres informations au sujet de la consultation afin que nous puissions conclure avec ce projet de loi?

Mme Lavallée : Comme je l'ai dit, les changements proposés dans ce projet de loi sont semblables à ceux proposés en 2008 dans le cadre du projet de loi sur la gouvernance. Si je ne m'abuse, à l'époque, le projet de loi avait été présenté après un processus de consultation détaillé de deux ans. Cette fois-ci, le processus a été très facile. À l'époque, j'ai participé aux séances communautaires à l'échelle du pays. Ce que propose M. Clarke dans ce projet de loi n'est rien comparativement à ce qui avait été proposé dans le cadre du projet de loi sur la gouvernance.

Le sénateur Enverga : Si j'ai bien compris, ce ne sont pas tous ceux à qui M. Clarke a envoyé une lettre qui y ont répondu. Savez-vous pourquoi?

Mme Lavallée : Notre collectivité n'est pas différente du reste de la société. Combien d'entre nous refusent de répondre à un sondage téléphonique ou jettent aux ordures des dépliants, questionnaire ou sondages reçus par la poste? C'est ce que je fais à l'occasion, notamment à l'heure du souper. C'est ce qu'on fait également avec ce qu'on reçoit par la poste. On y jette un coup d'œil, puis on le jette aux ordures. Malheureusement, il y a des gens comme ça.

S'ils ne comprennent pas tout de suite de quoi il est question, les gens ont tendance à mettre l'envoi postal dans une armoire ou un tiroir en se disant : « J'y reviendrai plus tard. » C'est la raison pour laquelle j'ai pris l'initiative, en tant que leader, de communiquer avec mes chefs et présidents à l'échelle du pays afin de leur expliquer quel était le document, qui est M. Clarke et ce qu'il tentait de faire. Je les ai encouragés à communiquer avec M. Clarke et plusieurs de nos OPT l'ont fait. J'ai également profité de l'occasion pour inviter M. Clarke à participer à notre assemblée générale annuelle afin qu'il puisse rencontrer les gens de notre collectivité. J'ai pris cette initiative.

Le sénateur Enverga : Merci.

Le sénateur Wallace : Chef national Lavallée, vous avez dit, dans votre exposé, que le Congrès des peuples autochtones représente les intérêts des Autochtones hors réserve, inscrits et non inscrits, des Inuits du Sud et des Métis et qu'il était également la voie nationale de ses organisations affiliées qui défendent les intérêts des peuples autochtones hors réserve.

Selon vos propos, le Congrès des peuples autochtones appuie le projet de loi C-428. Si j'ai bien compris, environ 600 000 Autochtones vivent hors réserve au pays et c'est votre organisation qui les représente. Est-ce exact?

Mme Lavallée : Selon les dernières statistiques du gouvernement, il y a maintenant prêt de 700 000 Autochtones qui vivent hors réserve au pays.

Le sénateur Wallace : D'accord.

Mme Lavallée : Il n'est pas nécessaire d'être membre du Congrès des peuples autochtones pour se faire entendre. Des gens qui ne sont pas membres du congrès m'envoient des courriels et m'appellent pour me poser des questions. Nous avons également un site web accessible en tout temps. Je suis présente sur Twitter et Facebook et on peut me joindre à tout moment.

Le sénateur Wallace : On pourrait dire qu'environ 75 p. 100 des Autochtones au Canada vivent hors réserve, n'est-ce pas? Est-ce exact?

Mme Lavallée : Oui, environ.

Le sénateur Wallace : Vous dites qu'en tant que chef national du congrès, vous appuyez ce projet de loi. Selon vous, est-ce que la majorité de vos membres hors réserve appuie également ce projet de loi?

Mme Lavallée : Avant d'appuyer un projet de loi comme celui-ci au nom du Congrès des peuples autochtones, je dois d'abord obtenir l'autorisation des conseils d'administration élus dans chaque province.

Le sénateur Wallace : D'accord, merci.

Le sénateur Ngo : Ma question s'adresse au chef Jules. L'article 2 du projet de loi propose d'éliminer l'obligation de redonner à la Couronne les sommes recueillies par l'entremise des amendes. Quel sera l'impact de l'article 9 du projet de loi C-428 sur le rôle important que joue la Commission de la fiscalité des Premières Nations par rapport à l'article 83, les règlements?

M. Jules : En fait, l'article 9 ne nous concerne pas, puisque l'article 83 demeure une partie intégrale de la Loi sur les Indiens.

Le sénateur Ngo : Que voulez-vous dire?

M. Jules : Le projet de loi propose de remplacer l'article 86 de la Loi sur les Indiens, mais pas l'article 83. Donc, l'article 83 demeure inchangé et oblige le ministre à tabler sur un règlement en matière de taxation, en consultation avec la Commission de la fiscalité des Premières Nations, puis à l'adopter.

Le sénateur Ngo : Merci.

La sénatrice Raine : Monsieur Jules, j'aimerais avoir une précision. Actuellement, la publication des règlements est une responsabilité ministérielle. Existe-t-il une obligation de publier les règlements ou est-ce une nouveauté que propose ce projet de loi?

M. Jules : En vertu de la loi, la publication des lois n'est pas obligatoire. Puisque cette obligation a été abrogée avec l'adoption de la Loi sur les textes réglementaires, cette responsabilité revenait à chaque Première Nation.

Par la suite, lorsque je travaillais au projet de loi 64, la législation provinciale nous a autorisés à faire la perception des impôts. Il fallait à l'époque utiliser la gazette provinciale pour informer les municipalités et les citoyens qu'ils allaient être touchés par une loi des Premières Nations. Je me suis alors demandé pourquoi nous ne pourrions pas avoir notre propre gazette. Pourquoi ne pourrions-nous pas avoir notre Gazette des premières nations? C'est ce qui a mené à la création de cette institution visant à aider les Premières Nations à promulguer leurs propres lois.

Grâce à ce texte législatif, pour la première fois, les Premières Nations auront l'option d'utiliser la Gazette des premières nations.

La sénatrice Raine : L'article 86 proposé dit : « [...] sur un site Internet, dans la Gazette des premières nations dans un journal largement diffusé [...]. » Puisque la Gazette des premières nations est offerte gratuitement, elle deviendra l'option préférée des Premières Nations. Est-ce que c'est ce que vous envisagez?

M. Jules : Je l'espère.

La sénatrice Raine : C'est bien, car cela leur donne d'autres options. Il semblerait qu'elles vont se tourner vers la gazette.

M. Jules : Oui.

La sénatrice Raine : Merci.

La sénatrice Dyck : Le sénateur Wallace a été assez gentil pour nous fournir les statistiques sur les Autochtones hors réserve et dans les réserves. Bien entendu, nous savons tous que la plupart des Autochtones vivent hors réserve. Toutefois, presque tout le projet de loi, sinon tout le projet de loi, concerne les Autochtones hors réserve, n'est-ce pas?

Mme Lavallée : C'est exact.

La sénatrice Dyck : Donc, l'élément hors réserve n'est pas vraiment pertinent en ce qui a trait à ce projet de loi.

Mme Lavallée : Enfin, si, notamment pour les Autochtones inscrits qui vivent hors réserve, car ils ont un intérêt direct dans la collectivité et peuvent se prononcer, s'ils le désirent.

M. Jules : Si les lois ne sont pas promulguées par l'entremise de la Gazette des premières nations, les Autochtones hors réserve ne pourront pas savoir ce qui se passe dans les réserves.

La sénatrice Dyck : D'accord.

M. Jules : Comme l'a souligné le chef national, ces Autochtones ont le droit d'être informés et de donner leur consentement aux activités qui se déroulent dans les réserves.

La sénatrice Dyck : Oui, à titre indicatif. D'accord, c'est tout ce que je voulais dire.

Le président : Chef Jules, vous dites que l'exigence selon laquelle le ministre des Affaires indiennes doit présenter un rapport sur le travail accompli en vue de l'élaboration d'une nouvelle loi destinée à remplacer la Loi sur les Indiens constitue un élément clé du projet de loi. Je crois que vous étiez présent ce matin lorsque les représentants de l'Assemblée des Premières Nations ont dit qu'il est simplement question d'élaborer un rapport et non de faire rapport sur les progrès réalisés. Selon eux, les Premières Nations seront exclues; la collaboration n'a pas été fructueuse lors des consultations sur l'article 67 de la Loi sur les droits de la personne. Ils avancent que les Autochtones et les droits issus de traités ne seront pas respectés, que cet article ne respecte pas l'obligation de consulter de la Couronne et qu'il n'est pas conforme avec la déclaration des Nations unies.

Cela voudrait dire que cet article est inutile. Pourtant, vous dites qu'il constitue un élément clé du projet de loi.

Que pensez-vous de ces propos très négatifs?

M. Jules : Il faut regarder le travail du ministre dans le bon contexte. Il siège au cabinet. Le Parlement doit rendre des comptes aux citoyens canadiens, y compris les membres des Premières Nations, les Inuits et les autres peuples autochtones. Je crois qu'il est très important que le ministre fédéral soit tenu de publier annuellement un rapport sur les progrès réalisés dans une multitude de dossiers.

Le président : Merci.

Encore une fois, je tiens à remercier nos témoins. Chers collègues, je crois que nous avons fait beaucoup de travail aujourd'hui.

Cela dit, la séance est levée.

(La séance est levée.)


Haut de page