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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 
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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 8 - Témoignages du 1er octobre 2014


OTTAWA, le mercredi 1er octobre 2014

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été renvoyé le projet de loi C-428, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (publication des règlements administratifs) et prévoyant le remplacement de cette loi, se réunit aujourd'hui, à 18 h 48, pour en étudier la teneur.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs et aux membres du public qui regardent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, que ce soit sur place, sur CPAC ou sur le Web.

Je m'appelle Dennis Patterson et je suis du Nunavut. Le mandat de notre comité est d'examiner les lois et les questions qui touchent les peuples autochtones du Canada en général.

Nous poursuivons ce soir notre étude du projet de loi C-428, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (publication des règlements administratifs) et prévoyant son remplacement. Nous écouterons le témoignage en vidéoconférence du juriste Ian Peach. Pour nous aider dans nos efforts, nous pouvons compter ce soir sur la présence de représentants de deux ministères fédéraux, soient ceux d'Affaires autochtones et Développement du Nord et ceux du ministère de la Justice.

Avant que nous écoutions le témoignage de M. Peach, je vais demander aux membres du comité de se présenter.

Le sénateur Moore : Bonsoir. Je suis Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Dyck : Bonsoir. Je suis la sénatrice Lillian Dyck, de la Saskatchewan.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Beyak : La sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.

Le président : Merci. Monsieur Peach, pouvez-vous nous entendre?

Ian Peach, expert-conseil, à titre personnel : Oui, je vous entends très bien. Et vous?

Le président : Oui, nous vous entendons. Merci beaucoup. Je tiens à souligner que vous êtes juriste et que vous avez été doyen d'une faculté de droit. Nous sommes impatients d'écouter ce que vous avez à nous dire. Votre exposé sera suivi de questions des membres du comité. Veuillez commencer. Merci.

M. Peach : Merci. Honorables sénateurs et sénatrices, bonsoir. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler de cette question. Je dois d'emblée vous avouer que j'appuie à fond l'intention qui sous-tend ce projet de loi tel qu'elle est formulée dans le préambule, c'est-à-dire la modernisation de la Loi sur les Indiens et, au final, son remplacement.

Ce projet de loi particulier m'apparaît comme un pas dans la bonne direction, mais d'un pas, somme toute, plutôt modeste. Le document simplifie certaines dispositions de la Loi sur les Indiens et permettra de supprimer un certain nombre de bureaucrates des processus décisionnels et administratifs des Premières Nations. Selon moi, ces dispositions se traduiront par des relations redditionnelles plus rigoureuses entre les dirigeants des Premières Nations et leurs citoyens plutôt qu'entre les dirigeants des Premières Nations et Ottawa.

Je vois aussi d'un très bon œil la disposition qui exige du ministre d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada qu'il fasse chaque année le point sur le travail et les progrès réalisés pour remplacer la Loi sur les Indiens par une loi plus moderne ou par des accords qui soit plus fidèles à la compréhension que nous avons maintenant de la relation entre la Couronne et les Autochtones et de l'honneur de la Couronne, ainsi qu'au désir de réconcilier les choses entre la Couronne et les peuples autochtones.

J'appuie aussi l'idée que défend ce projet de loi de rendre les règlements des Premières Nations disponibles pour leurs membres par le biais de divers supports, soit par l'Internet, dans la Gazette des premières nations ou dans les journaux grand public des réserves. Ces dispositions appuient selon moi le principe de la primauté du droit voulant que les gouvernés aient le droit de savoir ce que disent les lois qui les gouvernent. C'est en outre un moyen efficace d'appuyer la responsabilité qu'ont les dirigeants des Premières Nations envers leurs citoyens.

Cela dit, j'espère sincèrement que la Loi sur la transparence financière des Premières Nations s'est servie de l'approche proposée dans le projet de loi C-428. Le fait d'exiger que les états financiers soient affichés dans le site web d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada ne m'apparaît pas comme quelque chose de nécessaire ou même d'adéquat pour assurer la responsabilisation des dirigeants des Premières Nations à l'égard de leurs citoyens. L'article du projet de loi C-428 à ce sujet est un effort louable pour renforcer ces rapports redditionnels.

Je crois aussi comprendre que la suppression des dispositions de la Loi sur les Indiens sur les écoles confessionnelles a suscité certaines questions chez vous, honorables sénateurs, ou chez certains qui vous les auront relayées. Je dois dire que cet aspect ne me préoccupe pas outre mesure. Certaines provinces, notamment le Québec et Terre-Neuve-et- Labrador, ont éliminé les écoles confessionnelles, et les Premières Nations sont en général trop petites pour avoir des écoles protestantes ou catholiques séparées. Ces aménagements semblent donc logiques, et ils s'harmonisent aux réformes de gouvernance en éducation qui ont eu cours à certains endroits pour faire abstraction des dispositions de la Loi sur les Indiens sur les écoles confessionnelles — des dispositions très fermes et, à bien des égards, difficilement applicables.

Les articles 120 et 121 en particulier semblent ajouter un degré de complexité indu à l'administration des écoles des Premières Nations.

Cependant, alors que je réfléchissais à cela, j'ai jeté un coup d'œil à l'article 81 de la Loi sur les Indiens, où sont conférés les pouvoirs du conseil d'adopter des règlements. Et ce que j'aimerais vous suggérer, ce serait d'envisager la possibilité d'inscrire à l'article 81 le pouvoir des conseils de bande d'adopter des règlements qui, toujours selon cet article, ne seraient pas conformes à cette loi, la Loi sur les Indiens, ou à quelque règlement du gouverneur en conseil ou du ministre concernant l'éducation dans les réserves. Un tel pouvoir permettrait aux Premières Nations qui en ressentent le besoin de s'attaquer au problème des écoles confessionnelles et d'améliorer l'assiduité à l'école, soit par le recours à des agents de surveillance — que ce projet de loi propose de supprimer de la Loi sur les Indiens, ce qui est une bonne chose — ou par d'autres moyens propres à chacune d'elles. On veillerait ainsi à donner plus de pouvoir à la communauté en lui permettant de prendre des décisions pour elle-même.

De prime abord, c'est à peu près tout ce que j'ai à dire sur ce projet de loi. Merci de m'avoir donné l'occasion de vous faire part de mes réflexions à ce sujet. Je serai heureux de répondre à vos questions dans la mesure de mes capacités.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Peach. Je crois savoir que vos opinions ont été très bien reçues et que quelques sénateurs auront assurément des questions à vous poser.

Pour commencer, je vais laisser la parole à la vice-présidente de notre comité, la sénatrice Dyck.

La sénatrice Dyck : Merci de votre exposé, monsieur Peach. Vous avez parlé un peu des écoles confessionnelles et vous avez affirmé que, de toute façon, vous ne vous préoccupiez pas du fait que cela pouvait constituer une tendance parmi les différentes provinces.

Je ne sais pas si vous avez eu la chance de prendre connaissance des préoccupations formulées par l'école Saint Kateri, qui est dans la région de Lethbridge, en Alberta. Y a-t-il d'autres écoles confessionnelles comme celle-là dans d'autres réserves du pays? C'est peut-être une question que je devrais poser au ministère, mais je me demandais si vous étiez au courant.

M. Peach : Malheureusement, je ne le suis pas. Cependant, je crois que les pouvoirs dévolus aux chefs et aux conseils de faire des règlements concernant l'éducation dans les réserves permettent à la communauté des Premières Nations visée de s'ajuster à des situations locales particulières comme celle-là. Il s'agit selon moi d'une façon raisonnable de répondre à des éventualités de la sorte.

La sénatrice Dyck : Si je vous ai bien compris, vous affirmez que les pouvoirs qu'ont les chefs et les conseils d'adopter des règlements pourraient leur permettre de cautionner l'existence d'une école confessionnelle sur une réserve. Est-ce exact?

M. Peach : À l'heure actuelle, il n'est pas possible d'adopter des règlements pour encadrer l'éducation dans les réserves. Si un tel pouvoir était stipulé à l'article 81, les chefs et les conseils pourraient dès lors intervenir par le biais de la réglementation sur l'éducation dans les réserves.

La sénatrice Dyck : Je ne peux pas affirmer comprendre très clairement de quoi il retourne, mais je crois que les gens de St Kateri s'inquiétaient de la suppression du passage de l'article 114 de la Loi sur les Indiens où l'on permet au gouverneur en conseil d'autoriser un ministre à conclure des accords avec des institutions religieuses ou de charité. Cela signifie que l'alinéa e) de cet article serait supprimé. L'alinéa c) de l'article 115 de la Loi sur les Indiens, où il est question de conclure des accords avec des institutions religieuses, devra également sauter.

Si ces deux éléments étaient supprimés de la Loi sur les Indiens, un règlement dans une réserve pourrait-il toujours permettre de conclure des accords avec le ministre? Si une réserve décidait qu'elle souhaite conclure un accord avec le ministre, serait-elle toujours en mesure de le faire même si ces alinéas ont été supprimés de la Loi sur les Indiens?

M. Peach : J'ai deux observations à formuler à ce sujet. D'abord, le conseil de bande aurait vraisemblablement le pouvoir de conclure un tel accord en vertu de son autorité quant à la réglementation de l'éducation dans la réserve. Je crois au reste que le gouverneur en conseil aurait le pouvoir de permettre au ministre de conclure de tels accords s'ils étaient jugés nécessaires. En droit commun, l'autorité constitutionnelle du gouverneur en conseil est passablement vaste, même si elle n'est pas inscrite dans la loi. Je crois que ce pouvoir ne serait pas touché.

Je veux aussi faire remarquer que les modifications apportées aux articles 114 et 115 supprimeront le pouvoir du ministre de conclure des accords; ces modifications rendront impossible la conclusion de nouveaux accords, mais n'auront aucune incidence sur les accords existants.

La sénatrice Dyck : Alors cela ne changera rien aux accords en vigueur?

M. Peach : Non, cela ne pourra pas invalider des accords existants, pas si je me fie au libellé actuel des articles 114 et 115. Les accords existants resteront juridiquement valides.

La sénatrice Dyck : Voilà qui est intéressant. Merci de cette information.

Je vais passer à un autre article du projet de loi que je ne comprends pas encore tout à fait. Alors, je vous prie de m'excuser si mon explication peut vous sembler un peu confuse. L'article porte sur les réserves spéciales.

Le projet de loi propose d'éliminer les réserves spéciales.

Le président : De quel article parlez-vous? De l'article 6?

La sénatrice Dyck : Il me semble que oui.

Le président : Je veux seulement aiguiller les membres du comité, c'est bien l'article 6?

La sénatrice Dyck : Oui. Cet article vise à supprimer la référence aux réserves spéciales aux termes de la Loi sur les Indiens.

M. Peach : Oui.

La sénatrice Dyck : Je me demandais si vous savez quel effet cela pourrait avoir. Existe-t-il un grand nombre de réserves spéciales à l'heure actuelle? Je crois que certains pensent que la création de réserves spéciales est une façon pour une première nation d'augmenter la superficie de son territoire, et que la suppression de ces réserves se ferait au détriment de ces Premières Nations. Avez-vous une opinion sur l'impact de cet article?

M. Peach : J'avoue que je ne sais pas à quel point les réserves spéciales sont répandues au Canada, mais j'ai bien l'impression que l'article 36.1 proposé dans le projet de loi serait strictement prospectif. Alors, toutes les réserves spéciales existantes au moment de l'adoption de ce projet de loi continueront d'exister, mais il sera dès lors impossible de convoiter des terres pour la création de nouvelles réserves spéciales.

Je dois du reste ajouter que mes années passées à m'occuper des droits fonciers issus des traités pour le gouvernement de la Saskatchewan m'ont permis de comprendre que les Premières Nations, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux sont suffisamment au fait des accords et processus ayant trait aux ajouts aux réserves — comme ces droits fonciers issus des traités, en Saskatchewan — que je ne crois pas que le processus de créer des réserves représente maintenant un très grand défi, ce qui relativise de beaucoup l'importance de cette disposition sur les réserves spéciales.

La sénatrice Dyck : Merci. Je suis de la Saskatchewan, et je sais que le processus des droits fonciers issus des traités fonctionne très bien là-bas. Je crois que nous avons été les premiers à aller dans cette direction et que cela nous a bien servi. On me dit que d'autres provinces tentent de faire la même chose à travers le pays.

M. Peach : Oui, je crois bien que c'est le cas.

La sénatrice Dyck : Alors, cette connaissance particulière n'est peut-être pas aussi répandue qu'elle l'est en Saskatchewan, mais je vous remercie de votre réponse.

En ce qui concerne vos autres observations, vous avez dit quelque chose au sujet de l'article 2, de cet article où l'on parle de rapports au comité de la Chambre des communes?

M. Peach : Oui.

La sénatrice Dyck : Vous avez dit accueillir favorablement cette disposition parce qu'elle constituait un mécanisme de responsabilisation pour l'avancement de choses. Lorsque nous avons étudié ce projet de loi, l'une des choses que nous avons remarquées c'est qu'on n'y fait nulle part mention du Sénat. Habituellement, lorsqu'il y a des obligations redditionnelles, nous voulons qu'elles s'appliquent aux deux chambres. Comment comprenez-vous ces dispositions sur les obligations redditionnelles?

M. Peach : Je crois que vous avez raison, et je n'ai aucune objection à ce que le ministre soit tenu de se présenter aussi devant votre comité. Je le répète, tout processus qui permettra d'améliorer la transparence des activités d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada me semble tout à fait justifié. Alors, si vous souhaitez que le ministre présente son rapport à la fois au comité de la Chambre et à celui-ci, je vous appuierai sans réserve.

La sénatrice Dyck : Merci. Vous avez souligné la qualité du préambule. Or, le quatrième paragraphe du préambule porte sur l'intention du projet de loi. Et je cite :

[...] que le gouvernement du Canada est résolu à poursuivre l'étude de différentes voies pour l'élaboration de cette nouvelle loi en collaboration avec les Premières Nations qui manifestent un intérêt à cet égard, [...]

Ma question concerne le mot « collaboration ». Y a-t-il une définition juridique de ce concept? En tant qu'avocat, quelle signification accordez-vous à ce mot?

M. Peach : Dans mon esprit, une « collaboration » voudrait dire que des fonctionnaires d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada s'assoient avec les dirigeants des Premières Nations et exposent les principes et les intérêts qui sous-tendent leur désir de moderniser la Loi sur les Indiens ou de la remplacer. Dans le processus, les fonctionnaires d'AADNC s'efforceront en outre de sonder l'opinion de leurs vis-à-vis et tenteront autant que possible de travailler avec eux afin de trouver une solution mutuellement acceptable.

J'aimerais faire deux observations à ce sujet. La première, c'est que ce genre de choses tombe en plein dans mes cordes, car je suis un négociateur de longue date, et que c'est dans ma nature. La seconde, c'est que le fait que cette disposition soit dans le préambule du projet de loi fait en sorte qu'elle n'a aucune valeur juridique. Il s'agit donc d'une affirmation pour inciter les fonctionnaires à se conduire de la façon la plus honorable qui soit pour favoriser une réconciliation. À ce titre, je crois que c'est une excellente façon de rappeler aux fonctionnaires qu'ils ont le devoir d'encourager la réconciliation avec les peuples autochtones.

La sénatrice Dyck : D'accord. Alors, la collaboration dont on parle n'a aucune valeur juridique?

M. Peach : Aucune.

La sénatrice Dyck : Et si le mot « consultation » avait été utilisé, il n'aurait pas eu davantage de poids juridique puisqu'il est dans le préambule.

M. Peach : C'est exact.

La sénatrice Dyck : Dans les projets de loi d'initiative parlementaire, ce qui est le lot de la plupart des projets de loi du gouvernement relatifs aux Premières Nations, il y a habituellement une sorte de disposition de non-dérogation sur l'obligation de consulter. Croyez-vous que ce projet de loi devrait prévoir quelque chose de semblable? Vous dites qu'il devrait y avoir une disposition pour appuyer les principes ou l'honneur de la Couronne, mais croyez-vous que le projet de loi devrait contenir un passage ou une disposition sur l'obligation de consulter?

M. Peach : Je dirais que cela ne ferait pas de mal de rappeler cette obligation. Les références textuelles à cette obligation sont toujours les bienvenues dans nos textes législatifs; plus il y en a, mieux c'est. On ne perd rien à le rappeler. Mais le fait que ce ne soit pas mentionné dans le projet de loi ne change rien parce que notre droit constitutionnel l'emporte sur cette loi, et que ce droit constitutionnel affirme que l'obligation de consulter existe.

La sénatrice Dyck : D'accord. Dans la même veine, à l'article 2 — qui est ni plus ni moins que la suite de ce que dit le préambule au sujet de la collaboration —, il est question d'un rapport qui devra être présenté au comité de la Chambre des communes pour faire état du travail accompli par le ministère des Affaires autochtones en collaboration avec les Premières Nations et les autres parties intéressées.

Je me pose la question : si nous remplacions le mot « collaboration » par le mot « consultation », est-ce que cela serait une amélioration? Car je crois que le mot « consultation » a un sens plus précis que « collaboration ».

M. Peach : Tout à fait. Je ne suis pas convaincu, maintenant que j'y pense, que cela ferait une grande différence. Dans ce contexte précis, je les perçois tous les deux essentiellement comme des synonymes, mais je crois que ce ne serait pas une mauvaise chose de remplacer le terme plus général de « collaboration » par celui de « consultation », mieux défini sur le plan juridique.

La sénatrice Dyck : D'après ce que je comprends, vous les percevez comme des synonymes parce que vous affirmez que le droit constitutionnel a préséance sur tout ce qui est dans cette loi.

M. Peach : Vous avez raison. Je crois que, dans le libellé particulier de l'article 2, « collaboration » et « consultation » seraient effectivement synonymes.

La sénatrice Dyck : Du point de vue de certaines Premières Nations, la présence d'une disposition de non-dérogation ne sert qu'à renforcer cela. Par conséquent, même si le droit constitutionnel a préséance, l'ajout d'une telle disposition a fonction de rappel. C'est bien ce que vous dites?

M. Peach : Oui. C'est exactement ce que je pense. Comme je l'ai dit, plus nos lois touchant aux relations entre la Couronne et les peuples autochtones comporteront de dispositions pour rappeler à ceux qui les lisent et aux bureaucrates qui les appliquent qu'ils ont l'obligation de consulter, mieux ce sera.

La sénatrice Dyck : Comme dernière question dans cette série, la collaboration dont on parle à l'article 2 est celle qui se fait avec les Premières Nations et les autres parties intéressées. Aux termes du droit constitutionnel, lorsqu'il est question de « consultation », est-ce que cela inclut les autres parties?

M. Peach : L'obligation légale de consulter porte sur la consultation des peuples autochtones, un point c'est tout.

La sénatrice Dyck : C'est ce que je pensais.

M. Peach : Mais la consultation peut se faire avec les peuples autochtones pour se conformer à l'obligation de consulter, et avec d'autres parties, selon une acception plus générique du terme « consultation ».

La sénatrice Dyck : Par conséquent, lorsque vous interprétez ce projet de loi, les autres parties n'ont pas le même statut que les peuples autochtones. Est-ce l'interprétation que l'on doit en faire?

M. Peach : Oui. Les autres parties n'ont pas le même droit d'être consultées que les peuples autochtones; la Couronne n'a pas l'obligation de les consulter comme elle doit le faire avec les peuples autochtones.

La sénatrice Dyck : Si elles n'ont pas le droit légal d'être consultées, ne serait-il pas mieux de supprimer ce bout de phrase du projet de loi?

M. Peach : Dans le contexte de l'article 2, le fait d'exiger du ministre d'AADNC de faire rapport sur le travail effectué en consultation avec les Premières Nations ou...

La sénatrice Dyck : Le texte dit « collaboration ».

M. Peach : Oui. Je tenais compte du premier changement que vous avez proposé, soit d'utiliser le mot « consultation ». Donc, que le ministre, le pouvoir exécutif, présente un rapport au Parlement sur le travail effectué en consultation avec les Premières Nations ou en s'acquittant de son obligation de consulter les Premières Nations, et en consultation ou en collaboration, selon le cas, avec les autres parties intéressées. Je crois qu'il est toujours mieux d'en dire plus que moins.

La sénatrice Dyck : C'est tout pour moi dans cette première série.

Le président : Merci. Sachez, sénatrice Dyck, que je vous ai accordé un peu de latitude.

Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé. Je vous ai entendu dire que vous considériez correct de supprimer l'article sur les droits confessionnels de la Loi sur les Indiens et de ne pas l'ajouter ici. C'est bien ce que vous avez dit? Je me demandais... Si un membre d'une bande décide un jour de se prévaloir d'un droit confessionnel, il pourra le faire puisque c'est un droit constitutionnel. Mais est-ce que la bande sera forcée d'en avoir un pour la communauté?

Le président : Est-ce que vous parlez du droit d'avoir des écoles confessionnelles, sénateur Enverga?

Le sénateur Enverga : Oui.

M. Peach : À mon avis, le droit à des écoles confessionnelles dans les réserves est un droit conféré par la loi. Ce n'est pas un droit constitutionnel, comme c'est le cas, si je ne m'abuse, avec l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui a créé un droit aux écoles confessionnelles pour les provinces. Je crois qu'il y a une différence fondamentale entre les deux.

Le sénateur Enverga : Il s'agit d'une tout autre loi. La Constitution est complètement autre chose. Mais le droit confessionnel des communautés des Premières Nations demeure, n'est-ce pas?

M. Peach : Oui, je crois qu'il s'agit de deux choses distinctes. Je pense que l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 établit les droits aux écoles confessionnelles au sein des provinces plutôt qu'au sein des réserves.

Le sénateur Enverga : Merci.

Le président : Merci. J'aimerais à mon tour poser une question. M. Peach est un juriste qui, au cours de sa longue carrière, s'est surtout intéressé au droit constitutionnel, aux lois et politiques relatives aux Autochtones ainsi qu'aux relations fédérales et intergouvernementales. Il a été doyen de la faculté de droit de l'Université du Nouveau- Brunswick, et il a travaillé pour l'autonomie gouvernementale autochtone en Saskatchewan ainsi qu'avec le gouvernement fédéral, au Bureau de l'interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits. Compte tenu de cette feuille de route, nous sommes ravis de l'avoir parmi nous, ici, ce soir.

Je voudrais savoir si vous aviez d'autres observations à faire concernant ce que vous avez dit dans votre exposé au sujet de l'intention du projet de loi de moderniser la Loi sur les Indiens et, en définitive, de la remplacer. Vous avez dit qu'il s'agissait d'un modeste pas dans cette direction.

Le parrain du projet de loi et d'autres ont affirmé qu'à peu près personne ne s'oppose à l'abrogation de la Loi sur les Indiens ou, à tout le moins, à une refonte sérieuse de cette loi. Comme vous le savez pertinemment, des efforts ont été faits au fil des ans pour la transformer radicalement ou même, pour la supprimer. Vous décrivez le projet de loi C-428 comme un petit pas dans cette direction.

Selon vous, serait-il mieux de moderniser la Loi des Indiens petit à petit ou êtes-vous plutôt d'avis, comme l'a fait valoir un témoin lors de notre dernière réunion, que l'approche graduelle ne convient pas et que l'on devrait plutôt engager un dialogue avec les Premières Nations afin qu'elles s'investissent pleinement dans la refonte majeure et le processus de modernisation dont cette loi a besoin? Vous avez appuyé cette première étape. Cela signifie-t-il que vous êtes favorable à une approche plus graduelle, approche qu'exemplifie, dans une modeste mesure, ce projet de loi?

M. Peach : En fait, j'estime que les deux voies que vous avez présentées ne s'excluent pas l'une l'autre. Si je pouvais faire un tour de magie pour que le monde soit conforme à mes vues, je remplacerais la Loi sur les Indiens par une série complète d'accords négociés en autonomie avec les Premières Nations de tout le pays, mais cela ne se produit pas très souvent, et certainement pas du jour au lendemain. Lorsque je travaillais pour le gouvernement de la Saskatchewan, j'ai passé plusieurs années à la table de négociation sur l'autonomie gouvernementale, à discuter la conclusion d'une entente de principe avec la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan. Malheureusement, il n'y a jamais eu d'entente définitive. Ce sont des processus qui prennent beaucoup de temps.

Parallèlement à ces démarches à plus longue haleine — et je crois fermement que ces démarches devraient se faire de façon continue — les mesures graduelles qui visent à faire des modifications sur le plan pratique, comme le projet de loi C-428, sont tout à fait justifiées. Elles ne le seraient pas si le gouvernement affirmait que ces simples modifications sont tout ce qu'il faut, car ce n'est pas vrai. Mais elles ajoutent de la valeur. Cela fait partie du processus de modernisation. Je n'ai donc aucune raison de m'opposer à ce que l'on fasse ces modifications graduelles tout en essayant d'aller plus en profondeur.

Le président : D'accord. Il ne s'agit donc pas de choisir entre l'un et l'autre.

M. Peach : Non.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup de votre présence. En plus de votre expérience exhaustive du domaine juridique, vous avez une connaissance poussée des questions relatives aux Premières Nations et, notamment, des politiques qui les concernent.

Je ne cesse d'apprendre de nouvelles choses sur les processus auxquels il faut s'astreindre pour apporter des changements. J'aimerais beaucoup que vous me donniez un petit cours — ou que vous nous fassiez profiter de votre expérience — au sujet des nuances qu'il faut saisir dans le concept de l'« obligation de consulter » et de la façon dont ce concept évolue. Je crois comprendre que le concept créé des engagements du côté des Nations Unies, ainsi que pour nous et les traités qui ont été conclus. Pouvez-vous nous brosser un tableau de la situation?

Cela m'a beaucoup contrarié, hier, lorsque l'Assemblée des Premières Nations nous a dit que nous n'avions pas mené de consultations. C'est quelque chose que nous avons aussi entendu lorsque nous étudiions le projet de loi C-33. J'ai l'impression que le processus de consultation est comme un objet à la forme mal définie qui serait perçu différemment par tous ceux qui le regardent.

Vous me feriez une joie immense de nous faire profiter de votre point de vue à ce sujet.

M. Peach : Je crois que vous avez vu juste. Nous sommes encore au point où ce concept relativement nouveau est plutôt mal défini, car sa présence aux termes du droit constitutionnel date de peu, soit de 1997, et de 2003 pour la Nation haida. Tant la Couronne que les tribunaux tentent toujours de définir les contours de cette « obligation de consulter ». C'est une obligation qui échoit à la Couronne, et donc, selon moi, au pouvoir exécutif.

Or, ce que vous avez fait en tant que comité sénatorial, c'est-à-dire d'inviter l'Assemblée des Premières Nations à témoigner devant vous, est une forme de consultation avec un « c » minuscule. Je n'ai pas la conviction que l'obligation de consulter vous échoit en tant qu'organe du pouvoir que le gouvernement exerce par le biais du Parlement. L'obligation échoit au pouvoir exécutif. Il s'agit du devoir de consulter ceux qui détiennent les droits, les communautés qui détiennent ces droits et ceux à qui l'on a confié de parler au nom de ces communautés et des peuples autochtones du Canada au sujet d'enjeux qui pourraient avoir une incidence sur la valeur et la capacité des droits ancestraux et des droits issus de traités. Là où une activité gouvernementale représente une menace substantielle pour ces droits ancestraux et issus de traités, l'obligation de consulter signifie qu'il faut tenir compte des intérêts des peuples autochtones et de leurs revendications fondées sur leurs droits — et ce, même s'ils ne sont qu'à l'étape de la revendication —, de manière à ce que ces droits aient toujours de la valeur si les revendications avaient un jour gain de cause.

Cela ne rime à rien de se faire dire qu'on a droit à quelque chose qui n'existe plus. Voilà, selon moi, comment fonctionne l'obligation de consulter. C'est au pouvoir exécutif de voir à ce que les droits des peuples autochtones ne soient pas minés par les décisions qu'il prend relativement à d'autres politiques publiques.

J'espère que cela pourra vous aider.

La sénatrice Raine : Je crois que cela nous amène à une autre question. Je crois comprendre que la Loi sur les Indiens a été adoptée après la signature des traités. Dans cette optique, la modification de la loi relève du Parlement. Bien entendu, nous voulons l'améliorer. Il nous faut donc nous enquérir de ce que les gens veulent et de ce qui fonctionne. Mais nous ne pouvons pas faire cela tout d'un trait, n'est-ce pas? Si nous voulons modifier la Loi sur les Indiens, l'obligation de consulter n'est pas la même chose que les droits conférés par traité.

M. Peach : D'après ce que vous avez décrit et ce que vous faites, vous n'avez, selon moi, pas d'obligation de consulter en tant que tel. Il est cependant absolument normal d'affirmer que vous ne souhaitez pas modifier une loi en ne tenant pas compte de la réalité, « tout d'un trait ». C'est donc l'approche tout à fait appropriée en matière de politique publique que de procéder à des consultations, et ce, même si vous n'y êtes pas obligés.

C'est ce qui différencie l'obligation légale et la valeur d'une politique publique.

La sénatrice Raine : Merci.

Le sénateur Wallace : Merci, monsieur Peach.

Lorsque le parrain du projet de loi, M. Clarke, s'est présenté devant le comité, il était évident qu'il aurait préféré recourir à une approche globale pour transformer la Loi sur les Indiens plutôt que de procéder de façon graduelle. Bien entendu, M. Clarke n'est pas le premier à en venir à cette conclusion. De nombreux autres voient les choses du même œil, et certains ont fait des tentatives en ce sens au fil des ans.

Ayant finalement opté pour cette approche que l'on pourrait qualifier de graduelle, il s'est attaqué à des problèmes particuliers de la Loi sur les Indiens, lesquels sont traités dans le projet de loi C-428. De toute évidence, la Loi sur les Indiens recèle d'une quantité d'autres problèmes que le projet de loi C-428 n'aborde pas.

Selon ce que vous nous avez dit et compte tenu des circonstances, vous reconnaissez le bien-fondé de l'approche graduelle. Êtes-vous préoccupé par la possibilité que cette approche puisse nuire à la capacité de s'attaquer ultérieurement aux autres problèmes de la Loi sur les Indiens, soit globalement ou, peut-être encore, de façon graduelle? Autrement dit, croyez-vous que l'adoption du projet de loi C-428 pourrait limiter ou miner la capacité d'apporter d'autres modifications aux dispositions restantes de la Loi sur les Indiens?

M. Peach : Absolument pas. Le projet de loi C-428 ou le processus en tant que tel n'ont rien qui pourrait nuire à la capacité qu'aurait le gouvernement ou un autre député d'améliorer d'autres parties de la Loi sur les Indiens en présentant un autre projet de loi.

Le sénateur Wallace : Si le projet de loi C-428 est approuvé, j'ai tendance à croire que cela encouragera M. Clarke ou d'autres à poursuivre le processus. C'est un peu comme si l'embâcle avait cédé. L'adoption du projet de loi donnera sans aucun doute lieu à d'autres modifications de bon aloi. N'est-ce pas votre avis?

M. Peach : Oui, tout à fait. Comme je ne suis ni législateur ni député ni l'un de vos collègues, je ne peux pas me prononcer de façon concluante à ce sujet, mais il me semble logique de croire que cela en encouragera certains à pousser l'expérience plus loin.

Le sénateur Wallace : Eh bien, nous essayons autant que possible de faire preuve de bon sens.

Le sénateur Tannas : Monsieur Peach, je veux m'assurer de bien comprendre. En ce qui concerne les écoles confessionnelles, nous parlions des effets que ce projet de loi pourrait ou ne pourrait pas avoir sur les écoles confessionnelles existantes et futures. Pouvez-vous me dire si j'ai bien compris le sens de vos propos à ce sujet?

Premièrement, en présumant que nous acceptions ce projet de loi et que nous n'ayons rien d'autre à faire en la matière, le chef et le conseil qui le voudraient auraient toujours la possibilité d'établir une école confessionnelle.

Deuxièmement, il n'y a rien dans ce projet de loi qui menace les écoles confessionnelles existantes, sauf les pensionnats. Or, nous savons tous qu'il n'y en a pas.

M. Peach : Pour ce qui est de votre premier point, laissez-moi un petit instant pour trouver l'article 121. À savoir si le chef et le conseil seraient en mesure d'établir des écoles confessionnelles en vertu de leur propre pouvoir de réglementation, la réponse est non, du moins, pour l'instant. La raison en est que l'article 81 de la Loi sur les Indiens ne confère aucun pouvoir de réglementer en matière d'éducation. Le dernier commentaire que j'ai fait portait sur le bien- fondé d'ajouter un tel pouvoir à l'article 81.

D'après ce que je comprends, il n'y a rien qui mettrait fin aux écoles confessionnelles. Je reviens en arrière pour m'assurer que je ne me suis pas mal exprimé, mais je crois que c'est exact. Oui, je crois que les changements proposés ne toucheraient pas les écoles confessionnelles dans les réserves, si elles existent. Et je ne sais pas combien il y en a.

Le sénateur Tannas : Effectivement, nous avons pour le moment éliminé toute possibilité de créer des écoles confessionnelles dans les réserves et nous avons fait bénéficier de droits acquis, si c'est là l'expression exacte, les écoles actuelles.

M. Peach : Oui, je crois que c'est exact.

La sénatrice Dyck : Je suppose qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps; je serai donc brève. Je commencerai par une question simple, je l'espère.

S'agissant des pensionnats, M. Clarke a affirmé que ce projet de loi empêchera le ministre ou le ministère d'en créer de nouveaux. Êtes-vous d'accord? Voyez-vous dans ce projet de loi une quelconque disposition selon laquelle cela ne peut pas être fait? Y a-t-il des articles de la Loi sur les Indiens qui ont été retirés et qui portaient sur la construction de nouveaux pensionnats?

M. Peach : Je pense que c'est exact.

La sénatrice Dyck : Pouvez-vous m'expliquer comment cela fonctionne?

M. Peach : Je cherche l'article dans l'actuelle Loi sur les Indiens.

La sénatrice Dyck : On mentionne l'article 115, qui a trait au paiement de l'éducation d'un enfant.

M. Peach : C'est cela.

La sénatrice Dyck : Le suivant serait l'article 122 où le terme « pensionnat » est retiré.

M. Peach : Oui, c'est exact. Le projet de loi C-428 supprimerait toute référence aux « pensionnats » de l'actuelle loi sur les Indiens, éliminant ainsi tout pouvoir d'en créer.

La sénatrice Dyck : D'accord, n'y a-t-il pas d'autres références aux pensionnats dans la Loi sur les Indiens?

M. Peach : Je ne crois pas; en me préparant à mon intervention de ce soir, je n'ai rien trouvé de tel.

La sénatrice Dyck : En supprimant cette phrase, on ne pourrait plus construire une telle école — même si cela ne nous viendrait pas à l'idée aujourd'hui. Je voulais juste préciser ce détail technique.

M. Peach : Je crois que c'est exact.

La sénatrice Dyck : Ma question plus générale se rapporte à l'article 2 du préambule. M. Clarke a l'impression que cet article force le ministre à faire rapport au comité de la Chambre des communes des progrès réalisés pour refondre la Loi sur les Indiens. D'après lui, cet article obligera le ministre à se présenter à la Chambre des communes pour faire rapport des progrès réalisés.

Le sénateur Moore : Où se trouve le mot « progrès »?

La sénatrice Dyck : Est-ce comme cela que vous interprétez les conséquences du préambule à l'article 2?

M. Peach : Oui.

La sénatrice Dyck : Où voyez-vous le mot « progrès » dans le projet de loi?

M. Peach : La phrase « ... portant sur le travail accompli par son ministère » afin d'élaborer une nouvelle loi remplaçant la Loi sur les Indiens suppose, à mon avis, que le ministre parle des efforts déployés et des progrès accomplis.

La sénatrice Dyck : Je suppose que c'est une interprétation.

M. Peach : En effet.

La sénatrice Dyck : Il se peut qu'il n'y ait eu aucun progrès réalisé, ni travail accompli.

M. Peach : En effet, puisque le ministre doit comparaître chaque année, s'il n'y a pas eu de travail effectué au cours d'une année donnée, il sera obligé de l'admettre au comité.

La sénatrice Dyck : Oui.

La sénatrice Dyck : J'ai beaucoup de petites questions d'ordre technique à poser. Et je me demande si elles ne devraient pas être adressées au ministère, plutôt qu'à M. Peach.

Le président : On a mis des personnes ressources à notre disposition.

La sénatrice Dyck : S'agissant des testaments et des successions, nombre des dispositions du projet de loi originel ont été retirées de la version dont nous disposons; or, nous avons toujours un article 4, qui se rapporte aux testaments et aux successions. À l'origine, M. Clarke avait dit qu'il pensait que les dispositions sur les testaments et les successions se rapportaient aux articles 48 à 52 de la Loi sur les Indiens; mais d'après notre version du projet de loi, il s'agit des articles 42 à 52 de la Loi sur les Indiens.

Savez-vous à quels articles de la Loi sur les Indiens renvoie la disposition qui porte sur les testaments et successions? Autrement dit, quels articles de la Loi sur les Indiens se rapportent aux testaments et aux successions?

M. Peach : Je dois vous avouer que c'est un détail que je ne peux malheureusement pas vous fournir. Il faudrait que j'étudie la question. J'en suis désolé.

La sénatrice Dyck : Pas de problème, on peut demander aux fonctionnaires, qui ont en main toutes les versions que l'on a mises à notre disposition.

Le sénateur Ngo : Merci, monsieur Peach. Lorsque vous examinez le projet de loi C-428, que pensez-vous, de façon générale, des efforts que M. Clarke a déployés, ou de l'intention qu'il avait, en l'élaborant?

M. Peach : Je ne peux rien dire sur son intention, mais je constate qu'il a voulu régler certains éléments qui présentaient des difficultés dans la Loi sur les Indiens. Je pense en particulier à des domaines où le ministre conserve un pouvoir qui est probablement excessif et inapproprié dans le cadre d'un régime de gouvernance moderne.

Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, certains des amendements apportés au projet de loi enlèveraient dans une certaine mesure la surveillance ministérielle. Une responsabilité par rapport à ce qui est, à mes yeux, en tant qu'agent chargé des politiques publiques, une structure arriérée. C'est la responsabilité de la part des leaders des Premières Nations envers le ministre et envers Ottawa, plutôt qu'envers leurs citoyens. Le fait de clarifier cette relation de responsabilité comme découlant des leaders à l'égard de ceux qui les élisent est pour moi une étape positive de la construction de Premières Nations plus démocratiques.

Le président : Voilà qui finit bien cette partie de la séance. Merci beaucoup, monsieur, de vous être mis à notre disposition, nous vous en sommes très reconnaissants.

Vous pouvez disposer, monsieur Peach.

Comme convenu, chers collègues, nous avons maintenant des fonctionnaires d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, et de Justice Canada. Puisqu'il ne s'agit pas d'un projet de loi ministériel, nous avons demandé aux témoins du deuxième groupe de répondre aux questions des sénateurs. Ils ne présenteront pas d'exposé, mais sont à notre disposition à titre de personnes-ressources. J'invite les témoins à se présenter.

D'après ma liste, certains ont déjà comparu devant notre comité. Nous avons avec nous Joe Wild, sous-ministre adjoint principal, Traités et gouvernement autochtone; Nathalie Nepton, directrice, Direction des politiques et de la mise en œuvre de la gouvernance, Traités et gouvernement autochtone; Line Paré, directrice générale, Opérations de la convention de règlement, Secteur de résolution et des affaires individuelles; Kris Johnson, directeur principal, Modernisation des terres; et Chris Rainer, directeur, Direction de la planification et de la politique stratégique, Direction générale de l'éducation, Secteur des programmes et des partenariats en matière d'éducation et de développement social.

Ils sont accompagnés de Martin Reiher, avocat général et directeur par intérim au ministère de la Justice du Canada.

Bienvenue à vous tous. Je ne crois pas avoir oublié qui que ce soit.

Je donne d'abord la parole à la vice-présidente, Mme Dyck.

La sénatrice Dyck : Je vais probablement me répéter et je vous prie de m'en excuser, mais il est important d'avoir votre point de vue.

J'ai compilé toutes les questions que j'avais à propos du témoignage de M. Clarke devant le comité et je vais donc vous les poser.

Il a dit notamment qu'il n'y avait plus, dans ce projet de loi, aucune référence aux pensionnats que mentionnait la Loi sur les Indiens. Je vous pose donc la question — que j'ai posée aussi à M. Peach — est-ce que c'est vrai? Est-ce que toutes les références ont été enlevées?

Line Paré, directrice générale, Opérations de la convention de règlement, Secteur de résolution et des affaires individuelles, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : La réponse est oui.

La sénatrice Dyck : Il a aussi déclaré que si le projet de loi est adopté, les articles 16 et 19 empêcheront le ministre de mettre sur pied des pensionnats. Est-ce exact?

Mme Paré : Il est important de dire que le projet de loi C-428 retirerait évidemment toute référence aux pensionnats dont il est question aux articles 114 à 122 de la Loi sur les Indiens. En effet, ce sont ces articles qui ont permis la création et l'exploitation des pensionnats et le retrait des enfants de leur foyer.

La sénatrice Dyck : Les dispositions relatives à l'absentéisme scolaire.

Mme Paré : Il appuie également la présentation d'excuses qu'a faite le premier ministre en 2008, ainsi que le processus de guérison et de réconciliation des anciens élèves et de leur famille.

La sénatrice Dyck : Mes questions sont beaucoup plus précises. Il s'agirait des articles 16 et 19, n'est-ce pas?

Est-ce que l'article 16 et l'article 19 retirent au ministre le droit de mettre sur pied des pensionnats et empêchent les gouvernements, actuels ou futurs, de mettre en place des pensionnats, comme M. Clarke l'a déclaré dans son témoignage devant le comité?

Mme Paré : L'abrogation, dans la loi sur les Indiens, de la disposition qui se rapporte aux pensionnats consistait à retirer le mot « pensionnats » de la Loi sur les Indiens.

La sénatrice Dyck : Oui. Je demandais si l'article 16 et l'article 19 étaient exacts, comme il l'a affirmé.

Mme Paré : Ils le sont.

La sénatrice Dyck : Le sont-ils?

Mme Paré : À propos des pensionnats, des pensionnats indiens.

La sénatrice Dyck : Voyons le projet de loi. L'avez-vous sous la main?

Mme Paré : Oui.

La sénatrice Dyck : L'article 16 fait référence à l'article 116 de la Loi sur les Indiens en enlevant le mot « et », et ainsi de suite. On y parle de fréquentation scolaire. Quelle version du projet de loi avez-vous? Quelle en est la date?

Mme Paré : La version du projet de loi adoptée.

La sénatrice Dyck : Pardon?

Le président : Je pense que nous devrions tous travailler à partir du projet de loi adopté par la Chambre des communes le 20 novembre 2013. Vous dites, monsieur Tannas?

Le sénateur Tannas : Simple précision, vous avez sous les yeux une transcription du témoignage de M. Clarke, qui citait les mauvais articles. Est-ce que c'est cela dont vous voulez parler?

La sénatrice Dyck : Exactement, merci de le signaler. C'est une des raisons pour lesquelles je posais la question. Il disait que c'est exact quand, en fait, ça ne l'est pas, parce qu'il ne citait pas la bonne version du texte.

Je demandais sur quelle version il fondait sa réponse. Ce devrait être la version du 20 novembre 2013, alors qu'il citait une version différente.

Autre question, lorsqu'on a passé en revue le témoignage, au cours de la deuxième lecture, on a constaté que le Sénat n'était pas mentionné dans l'article concernant le rapport à présenter. On y indiquait — laissez-moi trouver la page...

Le président : Vous parlez de l'article 2, madame, l'article 2 du projet de loi, n'est-ce pas?

La sénatrice Dyck : Oui, le sénateur McIntyre a fait remarquer cela dans sa réponse. Il a posé la question et déclaré :

Je suppose que la raison pour laquelle il n'était pas mentionné, c'est parce que tout ce qui est présenté à la Chambre est renvoyé au Sénat. Ai-je raison?

C'est ce que le sénateur McIntyre a demandé et M. Clarke a répondu :

Vous avez raison.

Est-ce exact? Pouvons-nous consulter — je ne sais pas, est-ce que cela concerne le ministère de la Justice?

Joe Wild, sous-ministre adjoint principal, Traités et gouvernement autochtone, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Je ne peux pas répondre à la question parce que je ne suis pas expert en procédure parlementaire. Je pense que vos recherchistes devraient avoir la réponse.

La sénatrice Dyck : J'aimerais que cela figure au compte rendu.

M. Wild : Je dirais que tout ce qui est présenté à la Chambre des communes devient un document public et, à partir de là, n'importe quelle chambre du Parlement peut en prendre acte, le renvoyer et s'en servir pour appeler des témoins, si elle le souhaite.

La sénatrice Dyck : Je ne pense pas que ce soit le cas. Si nous ne sommes pas mentionnés, pouvons-nous le faire légalement? Je ne crois pas. S'il y a une plainte, on ne pourra pas aller plus loin. Vous dites que vous n'êtes pas expert en la matière, vous n'en êtes donc pas sûr?

M. Wild : Ce que je veux dire, c'est qu'il incombe au comité de déterminer les domaines qu'il désire étudier, dans le cadre du mandat qui lui a été confié. S'il souhaite prendre acte d'un document public pour mener une étude, il peut le faire.

La sénatrice Dyck : Pour mener une étude oui, mais pas pour intervenir dans les affaires courantes.

M. Wild : Je ne vois pas pourquoi cela ne découlerait pas de la présentation d'un rapport à la Chambre.

La sénatrice Dyck : D'accord, je vais passer à autre chose.

Le sénateur Moore : À ce sujet...

La sénatrice Dyck : Allez-y.

Le sénateur Moore : Je remercie les témoins d'être venus. Monsieur Wild, avez-vous objection à ce qu'on indique dans cet article que le rapport soit aussi présenté au comité du Sénat responsable des affaires autochtones?

Le président : Vous demandez s'il serait possible d'insérer une référence, sénateur Moore?

Le sénateur Moore : Oui, je veux savoir s'il a une objection à cela, et en l'occurrence, laquelle.

M. Wild : D'un point de vue ministériel, on n'aurait pas d'objection. Mais comme je l'ai dit, nous ne sommes pas les auteurs de ce projet de loi et les motifs de cette disposition ne viennent pas de nous.

Le sénateur Moore : Merci.

La sénatrice Dyck : Je viens juste de recevoir d'autres renseignements sur le sujet.

L'article stipule que le ministre doit faire rapport, mais aucun rapport n'est présenté. Vous disiez que si un rapport est présenté, il devient public, mais le texte ne dit pas « présenter ». On a aussi fait remarquer que ce pourrait être un rapport verbal. Ce pourrait être un rapport écrit. Cela ne veut pas dire que quelque chose est rendu public, il se peut donc que nous ne soyons même pas au courant de la situation.

M. Wild : On ne sait pas exactement quelle forme prendrait le rapport présenté à la Chambre des communes. Il y en a une multitude. Tout ce que je veux dire, c'est qu'il serait tout à fait inhabituel, quelle que soit la forme du rapport — qu'il s'agisse de la comparution d'un ministre devant un comité ou d'un document présenté au comité — que cela se déroule à huis clos. L'article ne l'indique pas mais, je le répète, le déroulement de l'audience serait normalement public. En l'occurrence, il y aurait une transcription des délibérations. Et s'il s'agissait d'un rapport verbal, sa transcription serait mise à disposition.

Je le redis, l'article ne précise rien de tout cela. Nous ne savons pas de quelle façon le ministre assumerait cette obligation et il y aurait finalement, je suppose, une conversation entre le comité et le ministre sur la façon de le faire.

La sénatrice Dyck : Il s'agit d'une conversation entre le ministre et le comité, conversation qui pourrait varier en fonction du ministre. Il y a donc pas mal de flexibilité.

M. Wild : Encore une fois, comme l'article est vague, on ne sait pas quelles conditions il faudrait remplir pour assumer cette obligation. Le comité concerné aurait à déterminer si la forme que choisit le ministre pour présenter le rapport est acceptable ou non.

La sénatrice Dyck : Comment appliquer l'article, s'il est vague? M. Clarke nous a dit :

Mon projet de loi donnera au gouvernement le mandat d'amorcer un processus de consultations officielles.

Ou cela est-il stipulé dans le projet de loi? Y a-t-il une quelconque disposition qui forcera le gouvernement à amorcer un processus de consultations officielles?

M. Wild : Je ne vois rien dans ce projet de loi qui exige un processus de consultations officielles. L'obligation, pour le gouvernement, de consulter découle de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

La sénatrice Dyck : Il n'y a donc pas de mandat dans ce projet de loi, même s'il a dit à plusieurs reprises qu'un mandat forcerait le gouvernement à agir ainsi? Ce que je vous entends dire, c'est que ce projet de loi ne le permettrait pas.

M. Wild : Je pense que c'est la constitution qui l'exige. Ce dont parle ce projet de loi, c'est de l'obligation, de la part du ministre, de faire rapport de la collaboration avec les Premières Nations et d'autres parties en vue d'élaborer un projet de loi qui remplacerait la Loi sur les Indiens.

La sénatrice Dyck : Pourtant en ce qui concerne l'article 2, sur le rapport à faire au Sénat, M. Clarke a dit que les avocats seraient en mesure de l'expliquer parce que le processus de rapport au Sénat existe déjà. Vous dites que si l'on vérifie que c'est bien un document public, comme nous l'espérons, nous serons en mesure d'intervenir. Mais comme vous n'êtes pas, semble-t-il, un expert en la matière, vous ne seriez peut-être pas en mesure de l'expliquer.

M. Wild : Je n'ai pas de rôle d'expert en procédure parlementaire. Ce que je veux dire, c'est que rien n'empêcherait un comité parlementaire, que ce soit un comité de la Chambre ou du Sénat, de se pencher sur une question, et, à cette fin d'inviter un ministre ou des fonctionnaires à comparaître afin d'en parler. Tout cela relève du pouvoir d'un comité, qu'un rapport ait été déposé ou non. Le comité peut procéder ainsi n'importe quand, dans la mesure où c'est conforme au mandat que lui a confié la législature.

La sénatrice Dyck : Cela dépend donc de nous plutôt que d'un article du projet de loi. Dans d'autres projets de loi, il est stipulé qu'il faut faire rapport aux deux chambres du Parlement plutôt qu'à une seule.

M. Wild : Ce que je veux dire, c'est que, qu'il s'agisse ou non d'une procédure automatique, il s'agit de savoir si, un rapport ou un autre document, sous quelque forme que ce soit, est déposé à la Chambre des communes, est automatiquement déposé au Sénat. Il s'agit d'une question de procédure parlementaire qu'il faut poser aux experts du Bureau des légistes du Sénat et de la Chambre.

Ce que je veux dire enfin c'est que, quelle que soit la réponse à cette question, le libellé de cet article n'empêche pas le Sénat de faire enquête. Il peut toujours le faire, s'il le souhaite.

La sénatrice Dyck : Ce n'est pas qu'on nous en empêche qui m'inquiète, mais de devoir systématiquement nous adresser au bureau du légiste du Sénat.

M. Wild : Tout ce que je veux dire, c'est qu'il y a au Sénat des experts qui répondront à la question de procédure et qui vous diront exactement ce qui arrive lorsqu'un document est déposé à la Chambre et plus particulièrement, s'il doit être automatiquement déposé au Sénat. C'est tout ce que je veux dire, madame la sénatrice.

La sénatrice Dyck : Je vais sauter la question suivante parce qu'il s'agit de la même chose. Selon ce projet de loi, le gouvernement serait amené à amorcer un processus dans le cadre d'une collaboration significative. Voyez-vous dans le projet de loi des articles qui stipulent l'amorce d'un processus dans le cadre d'une collaboration significative?

M. Wild : Cet article exige que le ministre fasse rapport. C'est ce qu'exige cet article.

La sénatrice Dyck : Rien ne dit qu'il s'agit d'amorcer un processus.

M. Wild : Je ne l'interprète pas comme le commencement d'un processus, non.

La sénatrice Dyck : Merci.

Nous allons maintenant passer aux testaments et aux successions. Il s'agit de la question d'ordre technique que j'avais posée à M. Peach. Dans le projet de loi originel, les testaments et les successions étaient traitées dans l'article 4. Il affirmait que les articles 48 à 52 existaient, mais dans notre version, il s'agit des articles 42 à 52. Est-ce que ces dispositions traitent des testaments et les successions et s'agirait-il des articles 42 à 52?

Martin Reiher, avocat général et directeur par intérim, ministère de la Justice Canada : Merci, si vous me le permettez, je vais répondre à cette question d'ordre technique.

L'article 4 du projet de loi, dans sa version du 20 novembre 2013, est exact en mentionnant les articles 42 à 52. Il mentionnait auparavant les articles 48 à 52 parce que le projet de loi abrogeait alors les articles 42 à 47, si ma mémoire est bonne, et l'article 7, qui avait cet effet, avait été rejeté par un comité de la Chambre. Il fallait donc amender l'article 4 pour tenir compte du fait que les articles 42 à 52 seraient maintenus dans la loi. Ainsi, le seul effet de l'article 4 dans la version actuelle est de modifier le paragraphe 4(3) de la Loi sur les Indiens à la suite de l'abrogation de certains articles concernant l'éducation.

La sénatrice Dyck : Merci. La version que nous avons est donc correcte, avec les articles 42 à 52. C'est tout pour moi, pour l'instant.

Le sénateur Tannas : Monsieur Reiher, Dean Peach nous a donné une analyse et des réponses très claires. Y a-t-il eu, dans son intervention, des affirmations qui ne correspondaient pas à votre interprétation du projet de loi? Nous avons posé beaucoup de questions et traité de nombreux thèmes. Y a-t-il eu un moment où vous vous êtes dit : « Ce n'est pas ce que j'ai compris du projet de loi »?

M. Reiher : C'est une vaste question.

Le sénateur Tannas : Voilà pourquoi vous avez un gros salaire.

M. Reiher : Il y a un point sur lequel je n'étais pas d'accord, à propos de la capacité d'un conseil d'une Première Nation d'administrer des écoles confessionnelles dans une réserve. En fait, aucun article de la Loi actuelle sur les Indiens n'autorise ou n'empêche explicitement une Première Nation ou un conseil de bande d'exploiter des écoles, qu'elles soient confessionnelles ou non. En fait, ils le font déjà, habituellement grâce à un financement du gouvernement du Canada. En conséquence, l'abrogation des articles 120 et 121 de la Loi sur les Indiens n'aurait aucune conséquence.

Le sénateur Tannas : Je tiens à ce que ce soit clair. Je pense que la distinction — et peut-être que j'ai tort — est que le ministre ne serait plus en mesure de passer un contrat avec une Église pour administrer une école. Mais rien n'empêcherait le chef et le conseil d'avoir une école qui enseigne le bouddhisme, par exemple, s'ils souhaitent que cet enseignement fasse partie du programme. Est-ce juste?

M. Reiher : C'est juste, le conseil de bande pourrait le faire.

Le président : Sur ce point et à titre d'information du comité, est-ce que quelqu'un connaîtrait le nombre approximatif d'écoles confessionnelles dans les réserves?

Chris Rainer, directeur, Direction de la planification et de la politique stratégique — Direction générale de l'éducation, Secteur des programmes et des partenariats en matière d'éducation et de développement social, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Il y a en Alberta l'école Saddle Lake Full Gospel, mais nous ne gardons pas de registres de ces écoles parce que le mode d'administration de l'enseignement dans la communauté ne regarde que la bande.

La sénatrice Dyck : Question complémentaire : il pourrait y avoir d'autres écoles. Existe-t-il une disposition qui oblige le ministère, M. Clarke ou même nous de chercher à savoir s'il y a d'autres écoles? Même si cela ne touche pas les écoles existantes, selon M. Peach, cela pourrait toucher de futures écoles. Êtes-vous d'accord pour dire que cela ne touche pas les écoles existantes, mais que nous devrions tout de même savoir si d'autres écoles sont touchées? Je ne le sais pas.

M. Rainer : Nous sommes d'avis que même si les articles de la Loi sur les Indiens sont révoqués, les bandes auront tout de même la capacité d'engager des enseignants de la confession de leur choix et de conserver les écoles séparées ou d'en ouvrir de nouvelles si c'est ce que souhaite la collectivité.

Le président : Merci.

Si vous le permettez, il y a eu des questions concernant les réserves spéciales, dont traite l'article 6 du projet de loi, qui vise à remplacer l'article 36 de la loi actuelle. Afin de nous aider, pourrait-on avoir des explications sur le fonctionnement actuel de l'article 36 de la Loi sur les Indiens?

Kris Johnson, directeur principal, Modernisation des terres, Secteur des terres et développement économique, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : L'article 36 de la Loi sur les Indiens n'a en réalité qu'une importance historique. Très peu de réserves spéciales ont été créées. Il y a un certain temps, la Couronne a fait des efforts pour acquérir les titres et leur accorder le plein statut de réserve. À notre connaissance, il n'y a pas de réserves spéciales actuellement, même s'il pourrait toujours y en avoir étant donné que la tenue des dossiers historiques comporte des lacunes.

Le gouvernement du Canada a depuis longtemps comme politique de ne pas créer de nouvelles réserves spéciales. Donc, le libellé proposé dans le projet de loi C-428 n'aurait pas vraiment d'effet concret.

Le président : C'est très utile.

La sénatrice Dyck : Puis-je poursuivre dans la même veine? Je crois vous avoir entendu dire que cela ne permettrait pas la création de nouvelles réserves spéciales et qu'il n'en existe aucune actuellement de toute façon.

M. Johnson : C'est exact.

La sénatrice Dyck : Les représentants de la FNIS se sont dits préoccupés à ce sujet, mais vous dites que cette préoccupation n'est pas fondée parce qu'il n'en reste aucune de toute façon.

M. Johnson : À ma connaissance, il n'y en a pas. Même s'il y en avait, le libellé proposé dans le projet de loi C-428 remplacerait l'article 36 plutôt que de l'abroger. Le témoin précédent a indiqué, à juste titre, que s'il y avait des réserves spéciales, leur statut juridique demeurerait inchangé selon le libellé du projet de loi C-428.

Le président : Il y a un autre sujet dont nous n'avons pas parlé ce soir, mais dont il a été question lors d'une réunion antérieure : l'annulation d'un règlement administratif par le ministre. L'article 7 du projet de loi abroge le pouvoir du ministre d'annuler un règlement administratif, dont il est question à l'article 82 de la Loi sur les Indiens, article qui est abrogé.

Pour aider le comité, pourrait-on nous expliquer le processus actuel qui permet au ministre d'annuler des règlements administratifs?

Nathalie Nepton, directrice, Direction des politiques et de la mise en oeuvre de la gouvernance, Traités et gouvernement autochtone, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Les règlements administratifs pris en vertu de l'article 81 entrent automatiquement en vigueur 40 jours après qu'un exemplaire en a été envoyé au ministre aux fins d'examen. Le ministère procède alors à un examen et vérifie deux ou trois éléments. Par exemple, on cherche à savoir s'ils satisfont ou non aux exigences de l'article 81. Respectent-ils la portée? Dépassent-ils la portée du paragraphe 81(1)? Nous cherchons aussi à savoir s'ils comportent des infractions à la Charte ou s'ils devraient être annulés pour d'autres raisons, comme des raisons liées aux politiques sociales.

Lorsque les Premières Nations adoptent des règlements administratifs, elles le font conformément à la portée de l'article 81. Elles peuvent choisir de les rédiger et de les envoyer au ministère pour avoir son avis avant de les adopter officiellement, ou de les envoyer après leur adoption par leur conseil de bande.

Le président : Pourriez-vous aller plus loin et décrire comment le ministre peut annuler un règlement administratif?

Mme Nepton : Vous parlez du processus?

Le président : Quel est le processus actuel pour l'annulation d'un règlement administratif?

Mme Nepton : Comme je l'ai expliqué, le ministère examine le règlement administratif lorsqu'on le lui transmet. S'il n'y a aucun problème, il entre en vigueur automatiquement 40 jours après qu'il a été adopté et transmis au ministre. S'il doit être annulé, un arrêté ministériel visant son annulation officielle est promulgué. L'arrêté est transmis au conseil de bande et les raisons pour lesquelles le règlement a été annulé sont fournies.

Le président : Pouvez-vous nous dire à quelle fréquence cela se produit actuellement? Autrement dit, à quelle fréquence le ministre exerce-t-il ce pouvoir, en général?

Mme Nepton : Au total, 721 règlements administratifs ont été reçus entre janvier 2006 et février 2014. De ce nombre, 294 règlements sont entrés en vigueur et 43 ont été annulés, soit 6 p. 100 du total.

Le président : Très bien. Pouvez-vous nous indiquer la durée du processus?

Mme Nepton : Quarante jours. Si le ministre n'a pas rendu de décision au 40e jour, le règlement administratif entre en vigueur. L'annulation doit se faire avant le 40e jour.

La sénatrice Dyck : Je suis curieuse. Lorsque vous parlez du ministre, il s'agit probablement, en réalité, d'un comité ou d'un certain nombre de fonctionnaires qui examinent ces règlements administratifs et fournissent des recommandations au ministre.

Mme Nepton : C'est exact, sénatrice Dyck. C'est mon service qui les reçoit, les examine et fait des recommandations.

Le sénateur Enverga : Corrigez-moi si je me trompe, mais en ce qui concerne l'arrêté ministériel, j'ai entendu dire que l'application de l'article 32 de la Loi sur les Indiens n'a pas été faite par arrêté ministériel. Est-ce exact?

M. Johnson : En 2010, un arrêté ministériel concernant l'article 32 a été promulgué; il visait l'annulation de son application à toutes les collectivités qui, autrement, y auraient été assujetties.

Le sénateur Enverga : Pensez-vous que le projet de loi C-428 rendra les choses plus claires?

M. Johnson : Le libellé de l'article qui autorise le ministre à annuler l'application de l'article 32 ou à soustraire les bandes à son application est plutôt vague. Après que le ministre a promulgué cet arrêté, le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation a avisé notre ministère qu'il s'agissait d'un recours inhabituel à un arrêté ministériel en vertu de cet article. Le comité a indiqué que si telle était l'intention, l'abrogation de l'article serait une solution plus adéquate que celle qui consiste à suspendre ou annuler l'application de cet article à l'aide d'un arrêté ministériel.

Pour répondre à votre question, l'abrogation proposée dans le projet de loi correspondrait en effet au point de vue exprimé par le comité mixte permanent.

Le sénateur Enverga : Est-ce chose courante? Pourriez-vous nous fournir une liste quelconque de ce qui a été fait par rapport à la Loi sur les Indiens?

M. Johnson : On retrouve des dispositions sur les arrêtés ministériels dans diverses parties de la Loi sur les Indiens. Je ne sais pas combien d'arrêtés ministériels ont été promulgués en vertu de l'article 32. Je peux vous dire que cet article précis n'a pas été appliqué depuis très longtemps. C'est une disposition très archaïque. Par conséquent, en 2010, le ministre a jugé qu'il serait inapproprié d'utiliser son pouvoir discrétionnaire pour soustraire toutes les collectivités à son application. Encore une fois, le comité mixte permanent privilégie l'abrogation.

Le sénateur Enverga : Lorsque vous parlez d'abrogation, est-ce fait, ou est-ce dans le nouveau projet de loi?

M. Johnson : Oui; ce qui est proposé dans le projet de loi d'initiative parlementaire entraînerait l'abrogation pure et simple de ces articles plutôt que leur annulation par la promulgation d'une exemption en vertu d'un arrêté ministériel.

Le président : Monsieur Johnson, à quelle date le Comité permanent mixte d'examen de la réglementation-t-il fait cette recommandation?

M. Johnson : Je pourrais vous fournir une date précise plus tard. C'était peu de temps après la promulgation de l'arrêté ministériel, dans l'année qui a suivi, je crois.

Le président : Donc, à quelle date, environ?

M. Johnson : En 2010 ou en 2011. Je peux vérifier.

Le président : C'est bien. Donc, la recommandation remonte à un certain temps.

M. Johnson : Oui.

Le sénateur Enverga : Dans cette veine, nous venons de l'abroger. Pour le ministre ou pour les fonctionnaires de votre ministère, la question est-elle liée au pouvoir d'annuler certaines parties d'une loi du Parlement?

M. Johnson : Si une loi prévoit un tel pouvoir, oui. En général, on ne peut suspendre l'application d'une mesure législative par voie d'arrêté ministériel. Dans ce cas précis, lorsque cet article a été adopté, on a inclus — pour une raison ou une autre — une disposition de retrait ou un pouvoir de dispense du ministre. Je ne sais pas si l'on voit souvent ce genre de pouvoir de dispense dans la loi. Dans le cas de la Loi sur les Indiens, ce n'est pas quelque chose de fréquent.

Le sénateur Enverga : Je n'ai pas lu le projet de loi C-428 dans son ensemble.

Comporte-t-il un article qui vous autorise à abroger une disposition?

M. Johnson : Il aurait pour effet d'abroger l'article qui permet au ministre d'accorder une exemption, mais cela ne serait pas nécessaire étant donné que la partie de la loi pour laquelle on voudrait suspendre l'application à l'égard des bandes n'existerait plus.

Le sénateur Moore : Monsieur Wild, j'aimerais poursuivre dans la même veine que les questions de la sénatrice Dyck en ce qui concerne l'article 2 du projet de loi. Je crois que vous avez dit que l'article reste vague quant à la forme que devrait prendre le rapport et à la question de savoir s'il devrait être présenté en public ou à huis clos.

Je suis ici pour essayer de faire ce qui est bien pour le Canada. Je veux voir une bonne mesure législative afin que les gens n'aient pas à se préoccuper de sa signification. Au milieu, ce projet de loi est bâclé. Je ne veux pas que vous me répondiez d'aller consulter notre juriste pour obtenir son interprétation. Ce n'est pas suffisant. Nous pouvons apporter des correctifs ici, aujourd'hui. Ne pensez-vous pas que c'est nécessaire?

M. Wild : Je ne sais pas quels correctifs vous voulez apporter, sénateur.

Le sénateur Moore : Je veux régler la question de savoir s'il s'agira d'un rapport écrit ou verbal, ainsi que la question de savoir s'il sera présenté en public ou au Sénat.

M. Wild : Ce sont toutes des choses que le comité devrait faire si c'est ce qu'il souhaite.

Le sénateur Moore : Pensez-vous qu'il faudrait le faire?

M. Wild : Je n'ai pas d'opinion personnelle sur les modifications qui devraient être apportées à l'article 2.

Le sénateur Moore : Avez-vous suivi des cours sur les lois lorsque vous étiez à la faculté de droit de l'Université du Nouveau-Brunswick?

M. Wild : Oui.

Le sénateur Moore : Pensez-vous qu'il s'agit d'un bon projet de loi?

M. Wild : Je dois répondre à titre de fonctionnaire. Il ne s'agit pas d'un projet de loi émanant du gouvernement, mais d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Je n'ai aucune opinion personnelle quant à la qualité du projet de loi.

Le sénateur Moore : Oh, je vois. Vous êtes sous-ministre adjoint des Traités et du gouvernement autochtone et vous n'avez aucune opinion sur la formulation. C'est déplorable. Vous laissez tomber les gens. Vous laissez tomber les Maritimes lorsque vous répondez de cette façon.

J'aimerais savoir si le ministère a comme politique de se débarrasser de la Loi sur les Indiens.

M. Wild : Je pense que la politique du ministère consiste à travailler avec les collectivités des Premières Nations afin de trouver des façons d'améliorer les résultats socio-économiques, de conclure des traités et des ententes sur l'autonomie gouvernementale et d'obtenir une certitude à cet égard. Certains cas, il pourrait être possible de le faire par une refonte de la Loi sur les Indiens, tandis que pour d'autres, cela pourrait signifier qu'il faudra un jour abroger la Loi sur les Indiens. Le gouvernement discute d'une série de politiques précises avec les collectivités des Premières Nations.

Le sénateur Moore : L'objectif est-il d'éliminer la loi ou de maintenir le message et de continuer à travailler avec les Premières Nations afin qu'il soit acceptable sur le plan économique? Beaucoup de Premières Nations ont indiqué qu'elles veulent se débarrasser de cette loi. C'est ce qu'ont dit nos témoins, et c'est aussi ce que nous avons entendu lorsque nous avons visité les collectivités. Allez-vous poursuivre dans la même voie ou avez-vous un plan pour éliminer la loi?

M. Wild : Je ne peux dire si le gouvernement a l'intention de présenter une mesure législative visant l'abrogation de la Loi sur les Indiens.

Le président : Sénateur, nous devons garder à l'esprit que ce n'est pas un projet de loi émanant du gouvernement. Il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Nous avons demandé à ces fonctionnaires de venir ici pour nous renseigner. Par conséquent, je ne suis pas certain qu'il convient de leur demander ce qu'ils pensent de l'intention du projet de loi.

Le sénateur Moore : Je ne parle pas de l'intention du projet de loi. Diverses personnes — qu'il s'agisse de représentants des Premières Nations ou d'autres personnes venues témoigner — nous ont dit que nous devrions abroger la loi. Je veux savoir si le témoin pense que c'est une bonne idée.

M. Wild : Monsieur le président, en tant que fonctionnaire du ministère, je ne peux me prononcer sur les objectifs futurs du gouvernement en matière de politiques. Il reviendrait au ministre de l'annoncer en temps et lieu. Actuellement, le ministère doit composer avec le cadre législatif fourni par le Parlement, et ce cadre législatif inclut la Loi sur les Indiens.

Le sénateur Moore : Merci.

Le sénateur Ngo : J'aimerais revenir à ce que vous avez dit. Je ne suis pas d'accord avec vous là-dessus, parce que l'article 2 se lit comme suit :

Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien présente au comité de la Chambre des communes chargé d'étudier les questions relatives aux affaires autochtones [...] un rapport portant sur le travail accompli par son ministère en collaboration avec les Premières Nations et les autres parties intéressées en vue de l'élaboration d'une nouvelle loi destinée à remplacer la Loi sur les Indiens.

Il semble assez clair que l'intention est que le ministre travaille, en collaboration avec les Premières Nations, à l'élaboration d'une nouvelle loi destinée à remplacer la Loi sur les Indiens.

Êtes-vous d'accord avec l'intention prévue à l'article 2?

M. Wild : L'article exige que le ministre présente un rapport sur le travail accompli. Il exige un rapport sur le travail accompli.

Le sénateur Ngo : C'est exact. Voilà pourquoi je suis d'accord avec vous sur ce point. On indique « en collaboration avec les Premières Nations », ce qui signifie que le ministère et les Premières Nations doivent tenir des consultations quelconques en vue de l'élaboration d'une nouvelle loi destinée à remplacer la Loi sur les Indiens.

M. Wild : Sénateur, je ne peux en dire plus que ce qui est écrit. C'est ce qui est indiqué dans l'article. Il exigerait que le ministre fasse rapport du travail accompli par le ministère en collaboration avec les Premières Nations et les autres parties intéressées en vue de l'élaboration d'une nouvelle loi destinée à remplacer la Loi sur les Indiens. Il exige que le ministre fasse rapport du travail accompli à cet égard.

Le sénateur Ngo : C'est ce que j'ai dit. C'est assez clair. Il n'y a rien de vague là-dedans.

M. Wild : Le commentaire que j'ai fait précédemment sur le manque de précision portait sur la forme que prendrait le rapport. S'agirait-il d'un document écrit présenté au comité? Le ministre ou les fonctionnaires du ministère s'exprimant en son nom seraient-ils tenus de témoigner devant le comité? Le terme « vague » ne faisait référence qu'à la forme. Il n'y a aucune ambiguïté sur le contenu du rapport : il doit porter sur le travail accompli.

Le sénateur Ngo : Lorsque vous avez laissé entendre que c'est vague, je n'étais pas d'accord là-dessus parce que l'article 2 est très clair : on parle de l'élaboration d'une nouvelle loi destinée à remplacer la Loi sur les Indiens. Lorsque vous avez utilisé le mot « vague », cela m'a laissé perplexe.

M. Wild : Veuillez accepter mes excuses à cet égard.

La sénatrice Dyck : Nous parlions de la question de savoir si c'était « vague » et si cela remplaçait la Loi sur les Indiens. Lorsque j'ai lu cet article, je pensais qu'il s'agissait d'un processus graduel. Nous parlons toujours de cela lorsque nous sommes sur le point d'entreprendre un processus graduel à l'aide de diverses petites modifications. Divers groupes pourraient alors soulever divers enjeux pour lesquels ils souhaiteraient voir des modifications à la Loi sur les Indiens. C'est un processus très différent de celui du remplacement de la Loi sur les Indiens. Est-ce un processus différent? Selon votre point de vue, lorsque vous examinez la question, croyez-vous qu'il pourrait s'agir d'une série de modifications proposées par divers groupes des Premières Nations qui diraient, par exemple, qu'ils n'aiment pas l'article 99 de la Loi sur les Indiens? Je ne sais pas s'il y figure toujours, mais il y avait un article de la Loi sur les Indiens qui prévoyait que seuls les membres d'une Première Nation peuvent être inhumés dans une réserve. Une personne pourrait dire qu'elle n'aime pas cette disposition et qu'elle souhaite qu'elle soit modifiée. Parle-t-on alors du remplacement de la Loi sur les Indiens? Sénateur Ngo, je pense que votre interprétation est très différente de la mienne.

Le président : Voulez-vous tenter une réponse, monsieur Wild?

M. Wild : Je peux sans doute essayer, monsieur le président. Je crains de ne pouvoir donner une réponse satisfaisante, mais je vais essayer.

C'est une question très théorique; il est donc très difficile de donner une réponse quant à l'approche que le gouvernement pourrait adopter. Sans savoir ce que le gouvernement fera concrètement à l'avenir — et nous ne savons pas ce qu'il fera —, il est très difficile de déterminer si une éventuelle proposition du gouvernement serait considérée comme un remplacement ou une modification.

Encore une fois, l'article 2 exige la présentation d'un rapport portant sur le travail accompli en vue de l'élaboration d'une nouvelle loi destinée à remplacer la Loi sur les Indiens. Je pense qu'il faut y voir un certain esprit et une certaine intention. Il est très difficile de savoir comment cela se traduira lorsqu'il s'agit d'émettre des hypothèses sur un éventuel projet de loi émanant du gouvernement concernant les dispositions de la Loi sur les Indiens.

La sénatrice Dyck : J'ai remarqué que vous êtes sous-ministre adjoint principal du secteur des traités et du gouvernement autochtone. Ma prochaine question porte sur le préambule du projet de loi, où l'on indique, au troisième paragraphe : « Attendu que le gouvernement du Canada entend élaborer une nouvelle loi destinée à remplacer... » — et non à modifier — « la Loi sur les Indiens qui reflétera davantage sa relation moderne avec les peuples des Premières Nations du Canada. »

Qu'entend-on par « moderne »? Existe-t-il une définition du terme « moderne »?

M. Wild : À ma connaissance, il n'existe pas de définition juridique du terme « moderne ». Donc, outre la définition de « moderne » que l'on trouve dans un dictionnaire ordinaire, il n'y a pas grand-chose à ajouter.

La sénatrice Dyck : Dans ce cas, le terme « traité » ne serait-il pas un meilleur terme que « moderne »? Parce qu'il s'agit d'une relation établie par traité entre les Premières Nations et le gouvernement du Canada.

M. Wild : Le problème que cela pose, évidemment, c'est que ce ne sont pas toutes les collectivités des Premières Nations qui ont un traité. Donc, cela ne concernerait qu'un certain nombre de collectivités.

La sénatrice Dyck : On pourrait alors avoir les termes « moderne » et « traité ». Merci. C'est une bonne idée.

Le président : Si vous le permettez, sénatrice Dyck, j'aurais une question complémentaire à ce sujet.

La sénatrice Dyck : Certainement.

Le président : Monsieur Wild, je pense que la sénatrice Dyck a laissé entendre que le préambule et ce qui est prévu à l'article 2 — qui porte sur le remplacement de la Loi sur les Indiens, sur l'élaboration d'une nouvelle loi destinée à remplacer la Loi sur les Indiens — ne correspondent pas au caractère du projet de loi, dans lequel certaines dispositions de la Loi sur les Indiens sont soit modifiées, soit abrogées, et que, de toute évidence, la modification de la Loi sur les Indiens et l'abrogation de certains articles de la Loi sur les Indiens ne correspond pas vraiment au remplacement de la Loi sur les Indiens par une nouvelle loi.

Je suppose que j'aimerais vous poser la question sous un angle légèrement différent. Si nous choisissons de remplacer la Loi sur les Indiens, l'une des façons de le faire ne serait-elle pas d'abroger les articles inutiles et archaïques qui n'ont pas leur place dans le monde moderne, comme l'interdiction de vendre des produits agricoles, l'embauche d'agents de surveillance pour contraindre les enfants qui ne vont pas à l'école à fréquenter les pensionnats indiens? Ou encore d'éliminer de la Loi sur les Indiens les termes toxiques que sont « pensionnats indiens »? Si l'on choisit de remplacer la loi, éliminer le bois mort ne ferait-il pas partie de ce processus? Ne serait-ce pas là un point de vue et une interprétation logiques concernant le préambule?

M. Wild : De toute évidence, d'un point de vue purement juridique, le simple fait d'éliminer une disposition et de la remplacer par quelque chose d'autre peut équivaloir à l'élaboration d'une nouvelle loi visant à remplacer l'ancienne loi. Savoir s'il faut ou non abroger quelque chose dans sa totalité d'un seul coup est, à mon avis, une question de sémantique. Je pense que la question est de savoir si l'on obtient, en fin de compte, une mesure législative très différente de celle d'origine, peu importe le titre qu'on veut lui donner.

Il existe sans doute diverses façons d'obtenir un régime législatif différent de celui de la mesure législative d'origine. Je ne vous dirai pas si je pense qu'il est préférable de procéder graduellement ou d'un seul coup. Ce sont toutes des approches qui s'offrent à un Parlement.

La sénatrice Dyck : Ce sera probablement la dernière question. Il existe manifestement différentes façons d'interpréter la signification des divers articles. Comme il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire, son parrain a indiqué qu'il a travaillé avec les juristes ou les avocats de la Chambre des communes, quelles que soient les ressources offertes aux députés. A-t-il consulté des gens de votre ministère ou du ministère de la Justice ou leur a-t-il demandé de l'aide? Est-ce possible?

M. Wild : À certains égards, c'est une question à laquelle il est difficile de répondre. Je sais qu'après la rédaction du projet de loi, il y a eu une séance d'information technique au cours de laquelle le député a rencontré des fonctionnaires du ministère pour avoir une idée de l'incidence des dispositions, mais le ministère n'a pas participé à la rédaction du projet de loi ou à l'élaboration de la politique sous-jacente au projet de loi.

Quant à savoir si le ministère de la Justice ou un autre ministère peut aider un député dans la rédaction d'un projet de loi d'initiative parlementaire, cela dépend beaucoup de l'approche d'un ministre à l'égard de la collaboration avec un député.

La réponse, c'est qu'habituellement le ministère ou le ministère de la Justice ne participe pas à la rédaction d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Toutefois, la situation s'est déjà présentée; j'y ai participé dans certains cas. Par exemple, il pourrait s'agir d'une situation où des modifications devaient être rédigées par un comité, et les ministres ont demandé aux fonctionnaires d'aider le comité dans cette tâche afin que tout soit fait correctement du point de vue technique. Cependant, la plupart des projets de loi d'initiative parlementaire sont rédigés par les avocats de la Chambre des communes ou du Sénat, selon qu'il s'agit d'un sénateur ou d'un député.

La sénatrice Dyck : Donc, habituellement le ministère des Affaires autochtones ne fournit pas d'experts juridiques pour aider à la rédaction?

M. Wild : Non.

La sénatrice Dyck : Est-ce la même chose pour le ministère de la Justice?

M. Wild : Habituellement, non. Pas dans le cas des projets de loi d'initiative parlementaire.

La sénatrice Dyck : En ce qui concerne ce projet de loi, le ministère a indiqué qu'il était favorable.

Le président : Permettez-moi de vous corriger; je pense que c'était le gouvernement.

La sénatrice Dyck : C'est ce que le ministre a dit.

Le président : En effet. Vous pourriez dire que c'est le ministère, mais je pense qu'il parlait d'un appui sur le plan politique.

La sénatrice Dyck : Exactement. Le ministre a annoncé qu'il appuyait le projet de loi.

Si le ministre affirme qu'il appuie le projet de loi, savons-nous si M. Clarke a obtenu une aide quelconque du ministère, puisque le ministre est favorable au projet de loi? Vous dites que c'est une situation particulière, en quelque sorte. Dans ce cas, savons-nous s'il a eu de l'aide?

M. Wild : Comme je l'ai indiqué, il y a eu une séance d'information technique avec les fonctionnaires après la rédaction du projet de loi, réunion au cours de laquelle les fonctionnaires ont examiné l'incidence du projet de loi pour le ministère. À ma connaissance, ce fut la seule séance d'information.

La sénatrice Dyck : Y a-t-il eu des modifications au projet de loi après cette réunion?

M. Wild : Je ne sais pas. Je ne crois pas.

La sénatrice Dyck : Beaucoup de modifications ont été apportées. Cela aura donc été fait pendant l'étude du projet de loi par le comité de la Chambre des communes?

M. Wild : Je crois que la réunion avec les fonctionnaires a lieu en 2012, lors de la séance d'information technique.

Le président : Je pense que M. Clarke a indiqué qu'il a été aidé dans la rédaction par le juriste de la Chambre des communes.

La sénatrice Dyck : Oui, en effet. Il a dit qu'il n'avait pu les consulter. Je veux simplement m'en assurer.

Le président : Notre réunion tire à sa fin, mais le sénateur Moore a une question complémentaire.

Le sénateur Moore : Monsieur le président, cela porte simplement sur vos questions au sujet des dispositions archaïques décelées par M. Clarke et qui sont visées par ce projet de loi.

Pendant que les gens de votre ministère travaillaient avec lui sur ce projet de loi, a-t-on découvert d'autres dispositions archaïques qui devraient être retirées? Si elles ne figurent pas ici, avez-vous un plan et un délai pour déterminer à quel moment cela pourrait se faire et pour savoir de quelles dispositions il s'agit?

M. Wild : Là n'était pas la nature de la séance d'information technique qui a été tenue avec le député. D'après ce que je comprends, il s'agissait simplement d'un examen des dispositions du projet de loi proposé et de leur incidence sur le plan technique. À ma connaissance, ni la séance d'information ni ce projet de loi n'entraînent le déclenchement de travaux visant à déterminer si d'autres dispositions devraient être abrogées.

Le sénateur Moore : Donc, cela n'a porté aucun de vos fonctionnaires à chercher à savoir s'il conviendrait d'éliminer d'autres dispositions?

M. Wild : Pas à ma connaissance, encore une fois.

Le sénateur Moore : Merci.

Le président : Chers collègues, je pense que cela pourrait bien être la première fois que des fonctionnaires de deux ministères viennent nous aider pour discuter d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Je pense que certaines questions étaient difficiles, mais nous vous sommes reconnaissants d'être venus et d'avoir été aussi francs que possible.

Je déclare donc que la séance est levée.

(La séance est levée.)


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