Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 9 - Témoignages du 18 novembre 2014
OTTAWA, le mardi 18 novembre 2014
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 35, pour étudier les problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations.
Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Je souhaite à nouveau la bienvenue à tous les sénateurs et aux membres du public présents dans la salle ou qui regardent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur Internet. Je m'appelle Dennis Patterson, du Nunavut. J'ai le privilège de présider le comité des peuples autochtones du Sénat du Canada. Notre mandat consiste à examiner la législation et les questions concernant les peuples autochtones du Canada. Ce matin, nous allons entendre des témoignages liés précisément à l'ordre de renvoi qui nous demande d'examiner, en vue d'en faire rapport, les problèmes et les solutions potentielles liés à l'infrastructure dans les réserves. Cela inclut le logement, l'infrastructure communautaire, les occasions innovantes de financement et les stratégies de collaboration plus efficaces.
Depuis plusieurs mois, nous tenons une série d'audiences qui portaient sur le logement. Nous allons maintenant commencer notre étude approfondie de l'infrastructure.
Aujourd'hui, j'ai le plaisir d'accueillir des représentants de l'Assemblée des Premières Nations pour parler de ce sujet important. Avant de passer aux témoignages, je demanderais aux membres du comité autour de la table de bien vouloir se présenter.
Le sénateur Moore : Merci, monsieur le président. Bonjour, je suis Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Dyck : Bonjour, je suis la sénatrice Lillian Dyck, de la Saskatchewan.
Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
La sénatrice : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.
Le président : Merci, chers collègues.
Je demande aux membres du comité de bien vouloir se joindre à moi pour souhaiter la bienvenue à nos premiers témoins, qui représentent l'Assemblée des Premières Nations : M. Peter Dinsdale, chef de la direction, et M. Irving Leblanc, directeur intérimaire, Logement et Infrastructures.
Messieurs, nous avons hâte d'entendre vos exposés. Les sénateurs vous poseront ensuite des questions. Allez-y.
Peter Dinsdale, chef de la direction, Assemblée des Premières Nations : Je m'appelle Peter Dinsdale. J'appartiens à la Première Nation de Curve Lake, en Ontario. Il s'agit d'une Première Nation Anishnaabe. Je réside actuellement à Ottawa. Je suis chef de la direction de l'Assemblée des Premières Nations, une organisation politique et de défense des droits des gouvernements des Premières Nations.
Je suis accompagné aujourd'hui de M. Irving Leblanc, notre conseiller spécial sur le logement, les infrastructures et la gestion des urgences. Je tiens à remercier le Sénat de nous permettre de prendre la parole devant vous, et je me dois de profiter de l'occasion de souligner que nous nous réunissons sur un territoire algonquin qui n'a pas été cédé.
Le comité a déjà entendu un certain nombre de témoins jusqu'ici, y compris l'ancien chef national Atleo, et d'autres représentants du Comité des chefs sur le logement et les infrastructures de l'APN, notamment la chef Madeleine Paul de la Première Nation d'Eagle Village, et le chef Glenn Hudson, de la Première Nation Peguis.
Nous ne prétendons pas avoir toutes les réponses quant à la façon de régler les très graves problèmes de logement et d'infrastructures dans nos collectivités. Il y a cependant un thème qui revient constamment, celui du besoin d'obtenir plus de financement. Même si on nous a dit haut et fort que « la réponse ne consiste tout simplement pas à donner plus d'argent », il faut rappeler que, sans les investissements nécessaires, nous ne pouvons pas régler la crise actuelle du logement et des infrastructures à laquelle sont confrontées les collectivités des Premières Nations.
L'Assemblée générale des chefs a appuyé la création d'une stratégie nationale pour le logement des Premières Nations, fondée sur des droits inhérents et issus de traités, pour offrir, sans équivoque, des logements adéquats, accessibles et abordables et décrire de quelle façon les parties peuvent travailler en collaboration pour atteindre les résultats escomptés. Les solutions conçues et demandées par les Premières Nations tiennent compte des circonstances et des besoins uniques des Premières Nations. Nous devons avoir l'occasion d'élaborer ces solutions et d'y participer.
Il faut fournir des ressources aux Premières Nations et aux organisations qui les représentent afin qu'elles puissent acquérir les capacités techniques, financières et gestionnelles nécessaires à l'appui des mécanismes. À la lumière de diverses études réalisées par Affaires autochtones et Développement du Nord, nous savons qu'il faudra plus de 131 000 nouveaux foyers au cours des 25 prochaines années... 131 000. Durant la même période, près de 12 000 résidences devront être remplacées en raison de leur détérioration, et 10 000 autres exigeront des réparations et des rénovations majeures. On a estimé que les dépenses en immobilisations nécessaires pour répondre aux besoins futurs en matière de logement dans les réserves s'élèvent à environ 23 milliards de dollars pour la construction de nouveaux logements si l'on veut suivre le rythme de croissance des ménages et des familles, et à plus de 282 millions de dollars en investissements supplémentaires pour des travaux de rénovation et l'entretien des logements existants. N'oubliez pas qu'on ne parle ici que de logement.
Le déficit infrastructurel des Premières Nations est beaucoup plus grand. Dans le domaine critique des aqueducs et des égouts, nous savons qu'il faudra investir 4,7 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années, soit 470 millions de dollars par année. Les investissements actuels de 165 millions de dollars par année se situent bien en deçà de ce montant et créent des problèmes de santé et de sécurité continus dans les collectivités des Premières Nations.
Autre preuve de ce manque de financement, en date du 30 septembre 2014, il y avait 138 avis concernant la qualité de l'eau potable touchant 97 collectivités des Premières Nations du Canada, à l'exception de la Colombie-Britannique. De plus, en date du 3 juin 2014, nous savons que 29 collectivités des Premières Nations de la Colombie-Britannique étaient visées par des avis concernant la qualité de l'eau potable. En tout, 126 collectivités des Premières Nations, soit environ 20 p. 100 d'entre elles au Canada, font l'objet de tels avis.
Nous n'avons pas une évaluation ou une quantification précise des besoins généraux en matière d'infrastructure communautaire. Cependant, dans son Bulletin de rendement des infrastructures canadiennes, la Fédération canadienne des municipalités a estimé les coûts de remplacement à 171,8 milliards de dollars à l'échelle canadienne. Il est évident qu'il faut réaliser une étude semblable pour les collectivités des Premières Nations de façon à bien comprendre l'ampleur des besoins et la façon dont on peut y répondre.
Dans le budget de 2013, le gouvernement a confirmé l'affectation d'environ 7 milliards de dollars sur 10 ans pour l'infrastructure des Premières Nations. Selon nous, 700 millions de dollars par année sont insuffisants pour rattraper tout le retard que nous venons de décrire. À de nombreuses occasions, nous avons mentionné l'impact du plafond de 2 p. 100 imposé aux programmes pour les Indiens en 1996. Si l'on tient compte de l'inflation et de l'augmentation des coûts de construction, le financement, en fait, a plafonné, et obtenir une représentation fidèle de la situation nous aidera à aller de l'avant en ce qui concerne les solutions.
Nous avons récemment obtenu un document interne du gouvernement fédéral intitulé Cost Drivers and Pressures — the Case for New Escalators. Je tiens à souligner que nous avons obtenu ce document parce qu'il a été divulgué dans le cadre d'une plainte relative à la protection de l'enfance portant sur l'inégalité du financement des services d'aide à l'enfance et à la famille dans les réserves. Ce document a révélé que, puisque les pressions touchant les prix et le volume sont supérieures au facteur de progression annuel de 2 p. 100 actuellement permis, Affaires autochtones réaffecte des fonds consacrés aux programmes d'infrastructure pour répondre aux pressions liées à l'aide au revenu, aux services à l'enfance et à la famille, à l'éducation, à la gouvernance et à la gestion d'urgence. Le rapport indique ensuite que le résultat de cette pratique est l'incapacité de fournir de façon durable des services semblables aux services provinciaux dans les réserves. On apprend ensuite que, au cours des six dernières années, Affaires autochtones aurait réaffecté 505 millions de dollars devant être consacrés à l'infrastructure à des programmes sociaux, d'éducation et autres pour essayer de compenser les déficits dans ces domaines. En plus du plafond de 2 p. 100 imposé aux Premières Nations depuis 1996, des fonds devant servir à l'infrastructure essentielle sont en fait réaffectés à ces programmes.
Mesdames et messieurs les sénateurs, je suis certain que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il s'agit d'une situation inacceptable. Il y a eu beaucoup de discussions sur un possible texte législatif fédéral qui permettrait d'élaborer diverses normes pour les Premières Nations. Elles veulent respecter les normes les plus élevées en matière de sécurité et de durabilité environnementales, mais l'imposition de normes par le truchement de la législation n'est pas la réponse et ne l'a jamais été. Nous l'avons constaté avec la Loi sur la salubrité de l'eau potable des Premières Nations. Des normes ont été imposées, mais il n'y a pas de nouveau financement, et nous n'avons pas les capacités nécessaires pour l'appliquer. Franchement, il s'agit d'un exercice dangereux qui, au fond, ne fait que mettre en danger les collectivités des Premières Nations et les citoyens.
Les partenariats public-privé sont une autre des innovations qu'on peut envisager en vue d'obtenir les fonds nécessaires pour répondre aux besoins des Premières Nations en matière d'infrastructure. On peut aussi demander directement aux Premières Nations de contrôler leurs programmes de logement. Il faudrait alors leur confier la gestion des programmes de logement d'Affaires autochtones et de la SCHL. Nous pouvons regarder ce que font nos voisins du Sud et le modèle de développement immobilier et urbain du département américain du Logement et de l'Urbanisme, dans le cadre duquel le gouvernement fédéral américain travaille avec les tribus pour fournir des logements par le truchement de la Native American Housing Assistance and Self Determination Act. Cette loi a permis la création de la Indian Housing Block Grant, dans le cadre de laquelle les tribus bénéficient de la marge de manœuvre nécessaire pour concevoir, élaborer et gérer leurs propres programmes de logement abordable fondés sur les coutumes et les besoins locaux.
Peu importe les innovations mises en œuvre, il faudrait prévoir suffisamment de ressources pour répondre aux besoins de nos collectivités en matière de logement et d'infrastructure. C'est possible. Nous avons simplement besoin d'une impulsion et de la volonté politique pour y arriver.
Mesdames et messieurs les sénateurs, vous avez une tâche très importante qui vous attend, et nous espérons pouvoir travailler en collaboration avec vous afin de mettre en œuvre toutes les recommandations que vous formulerez pour l'avenir de nos enfants et des générations à venir.
Je tiens à souligner que nous avons ici une ressource incroyable. M. Leblanc est l'un des premiers ingénieurs des Premières Nations diplômés au Canada. Il a eu une longue et brillante carrière, et il a beaucoup de choses à dire, alors je suis heureux qu'il soit là avec moi pour m'aider à répondre à toutes vos questions.
Meegwetch.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Dinsdale.
Chers collègues, j'ai ici des notes d'allocution en anglais. Je me suis permis de les distribuer. Quelqu'un peut-il présenter une motion pour que l'on accepte ces notes d'allocution au motif qu'elles seront traduites?
Le sénateur Sibbeston : J'en fais la proposition.
Le président : La motion est proposée par le sénateur Sibbeston et appuyée par la sénatrice Greene Raine. Tous ceux qui sont pour?
Des voix : D'accord.
Le président : Merci.
Monsieur Leblanc, avez-vous quelque chose à dire au comité?
Irving Leblanc, directeur intérimaire, Logement et infrastructures, Assemblée des Premières Nations : Pas pour l'instant, sénateur. Je suis ici pour répondre à vos questions ou fournir les renseignements requis.
Le président : Je me permets de poser la première question.
Merci de votre exposé, monsieur Dinsdale, sur les défis majeurs que vous avez décrits. Vous avez mentionné le programme de PPP et laissé entendre que ce genre d'approche est ce qu'il faut faire, et vous avez fait allusion à certains modèles dignes d'un examen aux États-Unis. Je crois savoir que le Fonds PPP Canada a annoncé un premier projet en PPP avec une nation autochtone en septembre 2014. Je crois bien qu'il s'agit du premier projet retenu. Il s'agit de 12,94 millions de dollars affectés pour financer un projet hydroélectrique sur les terres de la nation Namgis, en Colombie- Britannique. Est-ce que M. Leblanc ou vous avez quelque chose à dire sur la façon dont on pourrait mieux faire les choses? J'ai l'impression que ces types de partenariats n'ont pas été très fructueux jusqu'à présent, même si je crois savoir que les Premières Nations y sont admissibles depuis la création du fonds. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet s'il vous plaît?
M. Dinsdale : Il y a environ un an, en février dernier, nous avons tenu une conférence nationale sur l'infrastructure et le logement dans le cadre de laquelle la question des PPP a été abordée. Il y a beaucoup d'inquiétudes et de préoccupations relativement à ce type d'approche, parce qu'un partenariat public-privé compte de nombreux partenaires et de nombreuses composantes. Je crois que les Premières Nations craignent que divers droits issus de traités seront violés par les divers modèles économiques, alors elles y vont avec beaucoup de prudence. Cette crainte explique probablement le manque d'enthousiasme que vous décrivez, monsieur le président.
Nous reconnaissons que c'est quelque chose dont il faudra parler à l'avenir, et nous voulons nous assurer de bien faire les choses. On constate les premiers pas dans la bonne direction, et des conférences sont organisées aussi, et M. Leblanc y participe.
M. Leblanc : Un partenariat public-privé est une méthode utilisée pour construire des infrastructures dans beaucoup de domaines dans le champ municipal. Malheureusement, cette notion de partenariat public-privé est très nouvelle pour les Premières Nations. Il faut aider à les sensibiliser, et c'est ce que nous avons fait durant notre conférence et à l'occasion d'une récente conférence du Conseil canadien pour les partenariats public-privé, à Toronto. Cette conférence comptait une composante des Premières Nations, et, essentiellement, c'est la deuxième année que c'était le cas.
Les intervenants du milieu des PPP au Canada commencent à remarquer le potentiel qu'ont des projets en PPP en collaboration avec les Premières Nations. Cependant, il y a des idées fausses et des malentendus au sujet des PPP, qui découlent en grande partie de certains échecs connus aux États-Unis et en Grande-Bretagne dans le cadre de tels projets. Je crois que, depuis peu, l'idée que les gens se font des PPP est assez négative. En Alberta, ils ont essayé de construire 18 écoles dans le cadre d'un PPP. Il faut sensibiliser et informer les Premières Nations.
Je crois vraiment que les PPP sont une option permettant aux Premières Nations de construire des infrastructures plus rapidement. Par exemple, il y a un projet en PPP en cours d'élaboration au Manitoba dans le cadre duquel on construira quatre écoles dans le cadre d'un tel projet. Selon moi, compte tenu du manque à gagner ou de la pénurie de fonds pour l'infrastructure, c'est l'occasion de construire quatre écoles plus rapidement, comparativement au processus de planification d'immobilisations habituel, qui, je dirais, durerait peut-être 20 ans avant qu'on puisse construire quatre écoles dans des collectivités des Premières Nations. De ce point de vue, j'estime qu'il y a là des avantages.
Il y a certains inconvénients en ce qui a trait au processus des accords de financement. Actuellement, comme vous le savez, les accords de financement pour la plupart des collectivités durent de un à cinq ans, et je crois qu'AADNC commence à envisager de conclure des accords d'une durée de 10 ans. Cependant, les PPP sont fondés sur des périodes de remboursement de 20 à 30 ans, alors il faut vraiment que le gouvernement fédéral envisage de modifier les accords de financement et ses engagements à l'égard de ces projets, ce que, selon moi, il est en train de faire dans le cadre du projet du Manitoba.
L'autre élément dont M. Dinsdale a parlé, c'est la réticence des Premières Nations à transférer le contrôle ou la gestion de leurs installations. Essentiellement, un PPP vient construire, concevoir et gérer le bien. Cependant, par exemple, s'il s'agit d'une autorité scolaire ou d'une école, l'autorité scolaire ou la commission scolaire garde le contrôle de ce qui s'y passe. J'utilise un peu l'analogie de nos bureaux au 55, rue Metcalfe. L'immeuble appartient à quelqu'un d'autre, qui en prend soin et en fait l'entretien. Ce qui s'y produit et qui s'en occupe nous importe peu. Nous travaillons dans nos installations et nous faisons ce que nous avons à faire.
Les gens ont habituellement peur des PPP parce que les personnes qui les mettent en place ne sont pas intéressées par des projets d'une valeur inférieure à 80 millions de dollars; elles s'intéressent aux projets d'une valeur de 80 à 100 millions de dollars. C'est pourquoi, au Manitoba, on construit quatre écoles afin de susciter l'intérêt nécessaire des intervenants du milieu financier qui y participeront.
C'est ainsi que nous comprenons les PPP.
La sénatrice Dyck : Merci de votre exposé très clair ce matin. Mes premières questions vont porter sur le manque de financement. Vous nous avez fourni des chiffres assez surprenants, et j'aimerais les examiner rapidement.
Vous avez dit que, juste pour les services d'aqueduc et d'égout, il faut 4,7 milliards de dollars sur 10 ans, soit environ 470 millions de dollars par année, mais que, actuellement, on y consacre seulement 165 millions de dollars. Dans le budget de 2013, le gouvernement a consacré à ce dossier 7 milliards de dollars sur 10 ans, soit environ 700 millions de dollars par année. Au cours des six dernières années, 505 millions de dollars ont été réaffectés. Je ne sais pas s'il s'agit de 505 millions de dollars sur six ans ou par année, alors j'ai déjà là une question.
Puisqu'il y a d'aussi grands manques à gagner et qu'il y a peut-être des occasions de PPP, ma question est la suivante : que faut-il faire? Et dans un même ordre d'idées, à votre connaissance, quelles devraient être les priorités? Connaissez- vous certaines des méthodes utilisées par le ministère pour déterminer les priorités en matière de financement? Vous parlez de la réaffectation de fonds d'infrastructure pour répondre à d'autres besoins, comme l'éducation et le bien-être social.
Je vous pose pas mal de questions. En fait, je voulais que vous nous en disiez un peu plus au sujet des manques à gagner, de ce qu'on peut faire, de la façon dont vous choisissez les domaines prioritaires et de l'identité des personnes qui devraient prendre ces décisions.
M. Dinsdale : En ce qui concerne la réaffectation des fonds, les 505 millions de dollars dont j'ai parlé sont sur six ans. En fait, le montant augmentait chaque année. Il augmentait. Le montant qu'ils transféraient n'allait pas en diminuant. L'information figure dans les documents divulgués, et je suis sûr que vous y avez accès. Dans la négative, nous pouvons les fournir au greffier du comité, qui pourra vous les fournir après.
Une des questions auxquelles je peux répondre le plus facilement, c'est celle sur le plafond de 2 p. 100. Il est en place depuis 1996. Notre population a augmenté. Ne serait-ce qu'avec l'inflation, les coûts ont augmenté. Le financement n'a simplement pas gardé le rythme. Chaque année, nous prenons de plus en plus de retard, et chaque année, le ministère doit prendre des fonds consacrés à l'infrastructure et les affecter à des domaines comme l'éducation et d'autres programmes sociaux afin de combler le retard.
Je peux peut-être demander à M. Leblanc de fournir des renseignements précis sur les 131 000 logements et les chiffres mentionnés au sujet de l'aqueduc et des égouts, mais je crois que tout cela révèle un sous-financement chronique généralisé.
M. Leblanc : Madame la sénatrice, comme nous l'avons dit, les 505 millions de dollars sont répartis sur six ans. Ces données sont présentées chaque année dans le Plan national d'investissement dans l'infrastructure des Premières Nations d'AADNC et les documents accessibles sur son site web. Dans ces documents, le ministère cerne les réaffectations prévues. Par exemple, en 2013-2014, le plan est accessible sur le site web. La réaffectation prévue est de 221,178 millions de dollars. Si on revient plusieurs années en arrière, on obtient les divers montants réaffectés. Par exemple, en 2012-2013, le montant est de 171 millions de dollars. Comme on peut le voir dans les renseignements, ces fonds sont retirés du capital infrastructurel, qui, par conséquent, ne peut maintenant plus servir à réaliser des travaux d'immobilisations pour les Premières Nations. Rien n'indique si ces montants ont été remboursés ou remplacés; l'argent est simplement affecté à d'autres programmes. Cette situation est une des facettes du problème lié au fait qu'il n'y a tout simplement pas assez d'argent pour répondre à tous les besoins des Premières Nations, qu'il s'agisse de logement, d'infrastructures, d'exploitation et d'entretien ou qu'on parle de petits projets d'immobilisations. C'est un processus qui a cours depuis pas mal de temps.
Vous nous avez aussi demandé qui devait prendre les décisions. L'une des choses que nous remarquons à l'échelle du pays, c'est le manque d'uniformité des activités réalisées dans les diverses régions. Certaines régions comptent un comité chargé d'établir les priorités dans le cadre duquel des organisations des Premières Nations ont l'occasion de formuler des commentaires ou d'avoir un impact sur les décisions relatives aux priorités.
C'est un peu comme lorsque je travaillais pour l'Ontario First Nations Technical Services Corporation, il y a de nombreuses années. Nous avons envisagé de nous occuper du budget régional d'immobilisations, et cela a exigé toute une étude. Au bout du compte, nous avons déterminé que, en tant qu'organisation, nous ne voulions pas le faire. Pourquoi quelqu'un accepterait-il de s'occuper d'un programme sous-financé? Les choses n'ont toujours pas changé.
Si vous demandez à des organisations et des représentants des Premières Nations de classer en ordre de priorité les projets, ils prendront des décisions ayant un impact sur d'autres collectivités, alors c'est un rôle difficile à jouer. Cette tâche de priorisation doit probablement revenir au gouvernement, parce que c'est lui qui gère un budget sous-financé. C'est à lui de prendre ces décisions difficiles.
Cela ne signifie pas qu'il faut exclure les Premières Nations. Bon nombre d'entre elles se présentent directement au bureau du ministre pour essayer de faire la promotion de leurs projets, mais c'est une tâche difficile compte tenu des manques à gagner et du fait qu'il faut décider où sera réalisé le prochain projet.
La sénatrice Dyck : J'aimerais revenir sur cette question du manque à gagner. Quelqu'un a-t-il calculé quelle serait la différence si, tout simplement, le plafond de 2 p. 100 n'avait pas été imposé, aux fins, disons, de comparaison avec ce qui s'est produit en matière de financement des infrastructures octroyé aux provinces et aux municipalités? Le cap de 2 p. 100 est là depuis 1996. S'il n'avait pas été mis en place, que serait le financement aujourd'hui? Si j'ai bien compris, non seulement un plafond de 2 p. 100 a été imposé, mais lorsque le plafond a été éliminé pour les provinces, on a prévu un supplément.
M. Dinsdale : Oui. L'autre parallèle que l'on peut faire concerne le logement et les divers transferts connexes, qui, comme convenu, correspond à 6 p. 100 plus le facteur de progression, selon l'année. Je n'ai pas le montant final ici, mais je peux le fournir par écrit au greffier. Il y a certaines hypothèses : s'agit-il de 6 p. 100 ou de 8 p. 100 ou y a-t-il un supplément? Nous pouvons vous fournir une évaluation de ce dont il pourrait s'agir.
La sénatrice Dyck : Pourriez-vous nous fournir ces chiffres?
M. Dinsdale : Certainement, j'en serais ravi.
La sénatrice Dyck : Vous avez aussi mentionné une loi aux États-Unis. Vous semblez croire qu'il s'agit d'un bon texte législatif. Si c'est le cas, nous recommanderiez-vous de faire quelque chose de semblable ici?
M. Dinsdale : Je crois que tout ce qui facilite l'autodétermination des Premières Nations vaut le coup d'œil. Au bout du compte, on parle de composantes d'infrastructure précises dans nos collectivités. Nous sommes en mode de construction de nation, ce qui exige des infrastructures essentielles. Les besoins en infrastructure peuvent être évalués de différentes façons, et les projets réalisés, sous différentes formes, et il s'agit d'une possibilité qui semble sensée et qui exige un examen sérieux.
Le président : J'aimerais revenir sur une question de la sénatrice Dyck. Le plafond de 2 p. 100 est resté en place sous des gouvernements libéraux et conservateurs jusqu'à présent. Nous ne sommes pas ici pour parler d'éducation, mais le gouvernement actuel a reconnu, dans le cadre d'une proposition concernant une loi sur l'éducation des Premières Nations, le besoin d'éliminer le plafond de 2 p. 100 en ce qui concerne l'éducation. Je sais très bien que des élections sont en cours et que cette question a mené à la démission de l'ancien grand chef.
En tant que chef de la direction de l'Assemblée des Premières Nations, estimez-vous qu'il est encore possible que le sujet d'une réforme de l'éducation des Premières Nations et d'un financement renouvelé continuera d'être un sujet de discussion? Selon moi, il s'agirait d'un précédent dans le domaine de l'infrastructure si nous trouvons une façon d'y arriver. Est-il possible que cette question soit encore ouverte et qu'on puisse en parler au cours de l'année à venir?
M. Dinsdale : C'est une question épineuse, et je suis sûr qu'on peut l'étudier de divers points de vue. Selon moi, c'est controversé sur le plan politique, puisque nous élisons un nouveau chef national, comme vous l'avez dit, et que les candidats auront des points de vue différents à ce sujet.
Je peux vous dire que nous avons un comité des chefs sur l'éducation qui continue de se réunir et un comité national de techniciens qui se réunit lui aussi. Ils ont prodigué des conseils ou formulé des recommandations sur la marche à suivre, et ils ont inclus un certain nombre d'éléments en vue d'une réforme, comme le ministre Valcourt l'a demandé.
Franchement, c'est une question que vous devez aussi vous poser : le premier ministre est-il prêt à reconnaître qu'il y a un sous-financement chronique de l'éducation? Est-il prêt à admettre qu'il faut construire des écoles partout au pays? Est-il prêt à financer des domaines critiques liés aux services de deuxième niveau et à créer des structures partout au pays? Il y a eu une discussion politique entre l'ancien chef national Atleo et le premier ministre. De notre côté, nous avons essuyé certaines conséquences, et maintenant nous sommes dans le néant.
Nous avons de la difficulté à savoir l'idée que s'en font nos leaders politiques, et il y a des défis de votre côté. Veut-il vraiment qu'on fasse disparaître 1,9 milliard de dollars d'infrastructures d'éducation, ou y a-t-il une volonté de se réunir, de se rencontrer et de déterminer ce qu'il faut faire? Je ne peux pas répondre à cette question. Je peux seulement décrire la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Le président : Merci. Je suis sûr que ça ne vous dérange pas que j'en parle. Comme vous l'avez dit, je ne peux pas répondre au nom du gouvernement. Selon moi, c'est en partie lié à notre discussion puisque certains des fonds dont nous discutons sont liés à l'infrastructure et plus précisément aux écoles.
Nous n'en dirons pas plus. Merci pour l'information.
La sénatrice Dyck : Puisque vous parlez d'éducation, ces documents internes disent, selon la presse, que le plafond de 2 p. 100 était inadéquat. Une note de service interne affirme qu'il aurait dû être de 4,5 p. 100. Tout cela a fait les manchettes au cours de la dernière semaine, alors je le dis pour le compte rendu aussi.
Le président : Merci.
Le sénateur Enverga : J'ai été frappé par quelque chose. Durant notre voyage, nous avons constaté qu'il n'y a pas de solution universelle en matière de logement et d'infrastructures. Vous avez aussi mentionné la collaboration du gouvernement fédéral américain avec les tribus américaines pour fournir des logements dans le cadre de la Native American Housing Assistance and Self Determination Act. Pouvez-vous nous en dire davantage afin que nous puissions mieux comprendre de quelle façon nous pourrions faire la même chose au Canada?
M. Leblanc : Je peux vous fournir des renseignements à ce sujet.
En 2011, une organisation des Premières Nations de la Colombie-Britannique a accueilli la World Indigenous Housing Conference, durant laquelle nous avons eu, pour la première fois, l'occasion d'écouter le président du groupe décrire de quelle façon ils avaient travaillé avec les tribus aux États-Unis dans le cadre de leur processus d'autodétermination en matière de logement. Par la suite, nous les avons invités à participer à une téléconférence. Nous aurions dû vous fournir la présentation PowerPoint qu'ils nous ont donnée, puisqu'elle contient un peu plus de renseignements. Essentiellement, il s'agit de la relation fédérale-tribale dans le cadre de laquelle les fonds sont transférés directement aux organisations tribales qui, ensuite, gèrent les fonds pour répondre aux besoins de leurs membres en matière de logement. Ils gèrent et exploitent les programmes de logement. Il n'y a pas d'intermédiaire.
Ça vaut la peine de s'y attarder, à une mise en garde près : il doit y avoir un financement adéquat. Je crois que vous avez déjà reçu les témoins d'AADNC et de la SCHL. À eux deux, ils gèrent environ 250 millions de dollars — 125 millions de dollars dans le cas d'AADNC, et 125 millions de dollars pour la SCHL. Et on parle d'un programme sous- financé. Si on se penche sur ce modèle, il faudrait s'assurer qu'il bénéficie d'un financement adéquat et durable.
Très certainement, comme M. Dinsdale l'a mentionné, l'autodétermination, qui figure directement dans le titre de la Native American Housing Assistance and Self Determination Act, est une option qu'il faut envisager.
Le sénateur Enverga : Dites-vous que le gouvernement fédéral américain fournit suffisamment de financement et que nous devrions faire comme lui?
M. Leblanc : Je ne sais pas si le financement est suffisant dans le cadre du modèle américain, mais je crois qu'il faudrait probablement y réfléchir et déterminer le niveau de financement. À coup sûr, dans notre situation, le financement pour le logement n'est tout simplement pas suffisant. Pour ce qui est de savoir d'où viendrait le financement, on a discuté, déjà, des fonds que gèrent actuellement AADNC et la SCHL. Pour que le modèle soit viable, il faudrait plus de financement.
Le président : Monsieur Leblanc, puis-je vous demander, s'il vous plaît, de nous fournir la présentation PowerPoint de la World Indigenous Housing Conference, en passant par notre greffier?
M. Leblanc : Je le ferai. C'est une téléconférence qui a été tenue par la suite avec le directeur là-bas. Je vais vous la communiquer.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur Tannas : Je sais que nous sommes tous reconnaissants de la possibilité de nous tourner vers le modèle américain parmi les solutions potentielles auxquelles nous devons réfléchir.
À ce sujet, avez-vous une idée du nombre de logements manquants aux États-Unis? Est-ce que les choses vont aussi mal pour eux que pour nous, ou s'en sortent-ils mieux ou moins bien? Avez-vous une idée de la situation du logement aux États-Unis?
M. Leblanc : Je ne peux pas vraiment formuler des hypothèses à cet égard, mais je crois qu'ils sont sensiblement dans la même situation que nous.
Le sénateur Tannas : Monsieur Dinsdale, je comprends qu'il s'agit d'une question délicate, mais je veux essayer de comprendre, si c'est possible. Nous nous sommes déplacés, et nous avons entendu à divers endroits la notion des droits issus de traités liés au logement. Nous n'en entendions pas parler à d'autres endroits. Cela ne semblait pas être un problème. Avez-vous une idée du pourcentage des 600 Premières Nations et plus qui adoptent le point de vue officiel selon lequel le logement est un droit issu d'un traité comparativement à ceux qui ne le croient pas? Nous devons le savoir tandis que nous trouvons des solutions, parce que si nous proposons des solutions et que nous sommes ensuite limités par cette notion qu'il s'agit d'un droit issu d'un traité, alors nos solutions de financement novatrices et les autres solutions vont soudainement nous glisser entre les mains ou risqueront de ne plus être appropriées. J'aimerais savoir tout ce que vous pouvez nous dire à propos de cette question précise.
M. Dinsdale : Franchement, les traités sont le fondement sur lequel nous envisageons la relation entre nos nations et l'État comme l'ont maintenant exprimé les gouvernements fédéral et provinciaux. Si vous posez ce type de question à n'importe laquelle nation autochtone du pays, on vous dira : « Oui, nous considérons que le logement est l'un de nos droits issus de traités. »
Bien sûr, les traités sont compliqués. Nous avons des traités de paix et d'amitié, une série de traités qui datent de la période avant la Confédération, après laquelle une autre série de traités numérotés ont été conclus dans l'Ouest, et nous avons maintenant aussi une série de traités modernes, qui comptent tous divers éléments. Tous présentent des problèmes du point de vue de leur application, mais c'est un sujet qu'il faudra aborder plus tard devant un autre comité.
Si vous leur demandez, je crois qu'ils vous diront que le logement est un droit issu d'un traité et un droit de la personne. Si on mentionne le logement en tant que droit de la personne, je suis sûr qu'on le définira de cette façon, ce que diverses conventions des Nations Unies ont confirmé.
Pour ce qui est de la marche à suivre, si vous voulez envisager d'autres modèles, il doit y avoir un dialogue politique important avec les collectivités pour leur dire : « Nous respectons votre affirmation relativement au droit issu d'un traité, nous respectons totalement cette affirmation, et nous ne vous demandons pas de l'abandonner d'aucune façon, mais pouvons-nous aller de l'avant avec cette initiative? L'objectif n'est pas de vous retirer un droit issu d'un traité. Avez-vous la volonté politique d'aller de l'avant avec ces autres arrangements? » C'est peut-être ce qu'il faut faire. Ce genre d'attitude a fonctionné dans d'autres domaines.
Franchement, je crois que le sujet de conversation le plus important concerne l'application des traités, afin qu'on puisse éliminer ce problème et régler tous ces problèmes dans un contexte moderne. Voilà le défi. On parle de réconciliation relativement aux pensionnats. Le processus de réconciliation est une notion beaucoup plus large que cela. Je parle de restitution. Comment pouvons-nous nous réconcilier et rétablir nos nations initiales? Je crois que c'est sur cela que nous travaillons aujourd'hui, et c'est pourquoi nous nous butons sur toutes ces questions de politiques.
De quelle façon pouvons-nous régler ces relations et protocoles tout en allant de l'avant de différentes façons? Je crois que c'est un des chemins qui s'offrent à nous. Aller de l'avant, tenir compte de l'enjeu et le régler rapidement est essentiel en ce qui a trait à la façon dont ces relations évolueront et avanceront.
Pour ce qui est des opinions, je crois que chaque collectivité reconnaîtrait un droit de cette nature si vous lui demandez de cette façon. Certaines sont davantage préparées à accepter d'autres arrangements créatifs qui respectent l'existence des droits issus de traités, et d'autres veulent régler la question de ces droits avant de poursuivre. C'est plus une question de liens politiques que quoi que ce soit d'autre.
Le sénateur Tannas : Comme vous l'avez dit, les enjeux liés au financement et la façon d'en venir à une entente, tout cela peut se faire de façon respectueuse et peut être mis de côté. Ce dont je parle, c'est en fait des personnes qui refusaient de payer leur loyer en disant : « Non, j'ai droit à un logement gratuit en vertu d'un traité alors je ne donnerai rien. » Dans bon nombre d'autres cas, ce problème n'existait pas du tout. Ils s'en occupaient auprès de leurs membres, et ceux-ci payaient un loyer ou il y avait d'autres formes de propriété. Je me demandais simplement dans quelle mesure cette situation était prévalente. Ce n'est pas un problème que nous avons vu à beaucoup d'endroits, mais pour ce qui est de cette personne qui dit : « Je ne paie pas de loyer parce que c'est un droit issu d'un traité », avez-vous une idée du pourcentage de personnes dans cette situation ou est-ce que je vous en demande trop?
M. Dinsdale : Je n'ai absolument aucun pourcentage à vous fournir, mais c'est en hausse. C'est lié au nouveau mouvement qu'on avait vu naître en 2012 avec Idle No More, et on le retrouve dans les genres de dialogue politique qui ont lieu à l'échelle du pays. C'est principalement une réaction politique, et on doit le respecter.
Dans ces collectivités, bon nombre de nations signataires veulent tenir un dialogue entre nations avec le Canada sur des questions comme le logement. Les Premières Nations du territoire visé par le Traité no 4 seraient prêtes à discuter, j'en suis sûr, de la question liée au logement. Elles accepteraient de travailler avec le gouvernement fédéral à ce sujet. Je ne sais pas si on leur a déjà demandé de cette façon. On demande aux particuliers de défendre les droits issus de traités pour toute la nation. C'est ainsi qu'ils voient leur rôle, en tant que défenseurs des droits issus de traités de toute la nation. Encore une fois, je crois que cela fait partie de la renaissance politique qui a cours actuellement. Et c'est un processus avec lequel nous devons tous composer.
Franchement, le conseil que je vous donnerais serait de créer ces relations et protocoles politiques directs avec les Premières Nations de ces zones assujetties à des traités.
Le président : J'étais tenté de vous demander de nous en dire plus à ce sujet. Vous nous avez demandé de participer à une stratégie nationale sur le logement des Premières Nations. Est-ce justement ce que vous suggéreriez au sujet du dialogue entre nations sur le logement? Je consulte la page 2 de votre exposé.
M. Dinsdale : L'Assemblée générale des chefs a créé une stratégie nationale pour le logement sur laquelle doit travailler l'Assemblée des Premières Nations. C'est ce à quoi je faisais référence, et peut-être qu'Irving peut en parler.
M. Leblanc : La Stratégie nationale pour le logement des Premières Nations a été soutenue par l'Assemblée générale des chefs. On leur a présentée, et ils l'ont approuvée. La stratégie est fondée sur beaucoup de discussions qui ont eu lieu au sujet des droits issus de traités et du besoin de respecter les désirs des Premières Nations d'aller de l'avant en matière de logement, mais elle compte de nombreuses composantes. Cela inclut la création de relations avec d'autres organisations. Par exemple, nous avons un accord de partenariat avec Habitat pour l'humanité. Nous avons créé une relation avec la Holmes Foundation. De façon limitée, ces secteurs sont favorables à la construction de logements sur le territoire des Premières Nations. L'autre joueur important est la Fondation Frontière. C'est l'une des composantes de la stratégie.
Un autre aspect de la stratégie consiste à continuer à réclamer de meilleurs logements et plus de ressources pour les Premières Nations.
Un autre encore consiste à élaborer des documents à l'appui. L'une des plus récentes initiatives auxquelles l'APN a participé est le projet réunissant la Première Nation Atikameksheng, la Holmes Foundation et l'APN qui a été élaboré, soit les normes des Premières Nations en matière de développement durable. Il s'agit d'un document en quatre volumes financé en partie par le Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières Nations, qui a fourni un financement pour qu'on prépare ces documents afin que les Premières Nations aient accès à diverses parties du document. La stratégie consiste en partie à travailler avec d'autres organisations pour fournir des documents de soutien afin que les Autochtones puissent créer des régimes de réglementation dans leur collectivité, des organismes d'exploitation. Cela en fait partie.
Certaines de ces choses aident, mais l'enjeu principal consiste à trouver des façons de fournir des logements supplémentaires pour répondre aux besoins en matière de logement au sein des Premières Nations. C'est le principal message que nous communiquons et le principal sujet que nous tentons de faciliter.
La facilitation, comme je l'ai mentionné, inclut l'examen de ce que font d'autres pays comme les États-Unis grâce au modèle de développement résidentiel et urbain. On pourrait possiblement aussi regarder ce que font d'autres pays. De quelle façon l'Australie gère-t-elle ses populations indigènes? Cela fait partie de notre stratégie, qui est encore en cours. On peut la trouver aussi sur notre site web, en passant.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur Moore : Merci, messieurs, d'être là.
Je regarde les chiffres aux pages 3 et 4, et ils sont gigantesques. Différentes données nous ont été fournies, par divers témoins, quant au nombre actuel de nouveaux logements requis, ceux qui sont prévus et les coûts.
Monsieur Dinsdale, à la page 3, je crois que vos renseignements sont tirés d'études menées par Affaires autochtones et Développement du Nord. De quelle façon ces études ont-elles été réalisées? Quelle était la participation des 633 Premières Nations du Canada? Ont-elles participé à la collecte de données? Dans quelle mesure ces données sont-elles à jour? Quand l'étude a-t-elle été réalisée?
M. Leblanc : Le rapport nous a été fourni par Affaires autochtones. C'est quelque chose que réalise régulièrement un de ses consultants, Stewart Clatworthy. AADNC a demandé l'étude et nous l'a fournie en 2012-2013. Il s'agit de la situation vers 2013. L'année de base de l'étude est 2010. Durant la période de 2010 à 2034 — 25 ans — il a été déterminé que 131 000 logements seraient nécessaires et que d'autres logements devraient être remplacés en raison de la détérioration ou exigeraient des rénovations majeures.
L'étude a été réalisée au moyen de renseignements facilement accessibles. Les Premières Nations n'ont pas été consultées dans le cadre de cette étude. Il s'agissait davantage d'un exercice de réflexion dans le cadre duquel M. Clatworthy a eu accès aux renseignements d'AADNC sur le nombre de logements, la population et le surpeuplement. Une des principales choses sur lesquelles il s'est penché, c'est le nombre de logements, comme vous l'avez probablement vu au Manitoba, qui comptent plusieurs générations d'une même famille, par exemple 12, 13, 14 ou 15 personnes qui vivent dans un logement prévu pour quatre.
Il s'est aussi penché sur ce qu'il faudrait faire pour éliminer le problème de surpeuplement en se demandant combien de nouveaux logements seraient nécessaires si on transférait ces familles à d'autres endroits. L'étude a porté sur la croissance de la population, l'élimination du surpeuplement et les conditions des logements. Cela incluait les logements devant être remplacés, et ceux devant faire l'objet de rénovations majeures, lesquelles peuvent être très importantes.
L'étude était fondée sur des renseignements d'Affaires autochtones. Il a procédé de deux façons. Il a aussi consulté les renseignements de Statistique Canada. Si vous voulez, nous pouvons vous fournir l'étude.
Le sénateur Moore : Ce serait bien si vous pouviez la remettre au greffier du comité.
Cette étude a été réalisée en 2010, et les Premières Nations en ont reçu une copie. Qui l'a reçue? Est-ce l'APN? Où l'étude a-t-elle été livrée? À votre bureau?
M. Leblanc : Oui.
Le sénateur Moore : Et c'est en 2012-2013?
M. Leblanc : C'est exact.
Le sénateur Moore : Les Premières Nations n'ont pas été consultées?
M. Leblanc : Non, d'après ce que je comprends, le consultant a travaillé à son bureau en consultant les renseignements accessibles d'Affaires autochtones.
Le sénateur Moore : Est-ce aussi de cette façon qu'a été produit le document qui portait sur les aqueducs et les égouts?
M. Leblanc : Non, l'évaluation nationale d'ingénierie a en fait été réalisée grâce à des visites sur place et par des consultants. En fait, ils ont visité un grand pourcentage de collectivités des Premières Nations. Ils ont examiné les installations d'aqueduc et d'égout et ont procédé à une évaluation.
Le sénateur Moore : Quand cela a-t-il été fait, monsieur Leblanc?
M. Leblanc : Le rapport a été publié en juillet 2011.
Le sénateur Moore : La sénatrice Dyck m'a devancé au sujet du plafond de 2 p. 100. Vous allez nous fournir des renseignements sur la situation aux États-Unis, où les tribus bénéficient d'une marge de manœuvre pour concevoir et élaborer leurs projets de logement.
Monsieur Dinsdale, à la page 7 de votre mémoire, vous avez dit qu'imposer des normes grâce à une loi n'est pas la bonne solution?
C'est un exercice dangereux qui ne fait qu'exposer les collectivités et les citoyens des Premières Nations à des risques.
Voulez-vous vous expliquer davantage à ce sujet?
M. Dinsdale : Il est assez évident que la Loi de 2002 sur la salubrité de l'eau potable contient diverses normes que les collectivités et les exploitants de Premières Nations doivent respecter. Il s'agit de nouvelles normes qui sont plus élevées que celles actuellement en place et qu'on applique au sein des Premières Nations.
Sans financement, de quelle façon devons-nous payer pour la formation, afin d'embaucher des personnes qui ont les qualifications nécessaires pour entretenir ces systèmes et les maintenir? Il n'y avait tout simplement pas de financement.
C'est un peu comme si je vous disais que vous devez venir au travail chaque jour au volant d'une Mercedes Benz flambant neuve sans vous fournir plus d'argent pour le faire. Puis, on vous tient responsable du fait que vous ne venez pas travailler au volant d'une Mercedes Benz flambant neuve. Je ne sais pas vraiment ce que les collectivités doivent faire.
Le sénateur Moore : Je suis heureux que le sénateur Tannas ait posé des questions sur le logement qui serait un droit issu d'un traité et le fait que certaines personnes veulent que ce soit ainsi, tandis qu'un certain nombre ont dit qu'ils veulent s'occuper eux-mêmes de leurs logements. Si les Premières Nations jouissaient d'une autonomie gouvernementale complète et interagissaient de nation à nation avec le Canada, de quelle façon géreriez-vous la situation?
M. Dinsdale : De la même façon que d'autres administrations au pays gèrent ces choses. Je crois qu'il y a un déséquilibre fiscal dans notre pays, où des choses comme les ressources naturelles... c'est une tout autre question, mais j'aimerais bien m'y attacher brièvement. Si l'on prend le cadre budgétaire actuel fourni aux Premières Nations, leur financement provient d'accords de contribution. L'accord de contribution qui est utilisé pour financer un festival dans votre circonscription est exactement le même outil de contribution utilisé pour financer l'éducation, le logement et les égouts dans les collectivités des Premières Nations. Ce n'est pas différent.
Irving a parlé du besoin d'utiliser des partenariats public-privé, mais réaliser des activités de planification à long terme est aussi une composante importante et critique. Au moyen d'accords de financement annuels, on ne peut pas avoir accès au marché des obligations pour construire des écoles. C'est tout simplement impossible. Au moyen des accords de financement annuels, on ne peut pas établir des plans à long terme pour les aqueducs et les égouts, pour la construction et le renouvellement, et l'éventuel remplacement, ni pour construire des routes ou d'autres installations essentielles. C'est une possibilité qui n'existe tout simplement pas. Il faut créer une nouvelle relation pour pouvoir réaliser certaines de ces choses.
Ce sont certains des dialogues et certaines des conversations de nature plus générale que nous tenons actuellement.
La sénatrice Raine : Merci beaucoup, nous apprécions votre présence.
Il y a une multitude de situations différentes au pays et dans diverses collectivités; certaines sont en région éloignée, et d'autres en partie en milieu urbain. Certaines collectivités ont leurs propres sources de revenus, d'autres non. Compte tenu de la croissance de la population dans les réserves, tout le monde essaie de déterminer de quelle façon on peut construire plus de logements de bonne qualité avec les fonds accessibles.
Monsieur Leblanc, dans le cadre de vos déplacements et compte tenu de vos expériences, avez-vous vu des exemples de solutions de logement novatrices, comme des maisons préfabriquées ou modulaires? En ce qui a trait au logement, y a-t-il des choses sur lesquelles nous devrions nous pencher?
Il y a deux choses différentes. Nous avons besoin d'infrastructures pour accompagner ces logements. C'est là une composante majeure. On ne peut pas construire des logements si on n'a pas une infrastructure nécessaire pour le faire. Cependant, nous pouvons construire de façon très efficiente les logements, et nous pouvons peut-être construire plus rapidement.
M. Leblanc : Merci pour cette question. C'est quelque chose que nous essayons de surveiller et d'examiner. La collectivité qui me vient à l'esprit, c'est la tribu des Blood, en Alberta, où ils ont créé une usine de fabrication directement sur le territoire de la nation. L'étape initiale consiste à fournir des maisons préfabriquées aux membres. On me corrigera peut-être, mais je crois que leur objectif à long terme ne se limite pas à ça, et qu'ils voudraient bien vendre ces maisons dans d'autres collectivités. C'est là un exemple qui exige de l'innovation et de l'ingéniosité sur le plan financier afin de pouvoir construire et créer une usine de fabrication dans la collectivité.
Il y en a eu d'autres. La Première Nation de la rivière Grand a mis en place un cadre fiduciaire pour les logements. Essentiellement, elle essaie de faire deux choses. Premièrement, obtenir et utiliser le droit de récolter du bois. Par exemple, une collectivité que nous avons visitée la semaine dernière, la Première Nation de Pikangikum, a obtenu ce qui est probablement l'un des premiers permis de gestion forestière au Canada. Elle veut avoir accès au bois pour construire des maisons et le marché.
Il y a des collectivités partout au pays qui font preuve d'innovation au moment de fournir des logements dans leurs collectivités. Je ne peux pas toutes les nommer, mais je crois que la tribu des Blood est un très bon exemple.
La sénatrice Raine : Vous parlez de la tribu des Blood en Alberta?
M. Leblanc : C'est exact.
La sénatrice Raine : Où est-elle située?
M. Leblanc : Je crois que c'est probablement près de Calgary.
La sénatrice Raine : Savez-vous de quelle façon elle a obtenu le financement nécessaire pour construire son usine de fabrication?
M. Leblanc : Non, je ne le sais pas. Je suis désolé.
La sénatrice Raine : Merci beaucoup.
La sénatrice Beyak : Messieurs, je me demande si vous pouvez m'aider à propos de quelque chose que différents témoins nous ont dit au fil des nombreuses semaines et mois que nous avons consacrés à notre étude. En Ontario, il y a 303 000 membres des Premières Nations, dont 258 000 vivent à l'extérieur des réserves. Avons-nous besoin d'une stratégie conjointe de logement et d'infrastructures pour les Premières Nations qui soit associée aux services sociaux afin que l'argent n'ait pas à faire le va-et-vient? On dirait que le problème est autant à l'extérieur des réserves que dans les réserves. Avez-vous réalisé des enquêtes avec vos gens sur le terrain pour savoir si ces données sont exactes et si c'est parce qu'il n'y a pas de logement dans les réserves ou si c'est tout simplement par choix? Nous avons entendu des points de vue différents de tellement d'intervenants différents.
M. Dinsdale : Il faut dire que la question de l'urbanisation est en général très compliquée. Je crois qu'il y a à la fois des facteurs d'incitation au départ et d'attraction. Les gens sont attirés dans les collectivités pour y obtenir des soins médicaux, et poursuivre leurs études ou saisir des occasions d'emploi. Les gens sortent des réserves en raison des problèmes de logement, du manque d'accès aux infrastructures essentielles et le genre de choses dont nous parlons aujourd'hui. Franchement, c'est les deux. Ce que vous avez entendu, c'est le reflet des expériences particulières des gens. Il y a eu beaucoup d'études sur l'urbanisation des Autochtones et des raisons de cette tendance.
En ce qui a trait aux différentes situations liées au logement, le logement est un long continuum, qui va de l'itinérance au logement sur le marché privé. Il y a des refuges, des refuges à long terme, des logements sociaux et de plus gros types de formes d'habitations à plus forte densité. Dans ce continuum, la question est de savoir ce qui est accessible en zone urbaine et ce qui l'est dans les réserves... je crois que c'est une autre façon d'envisager les choses.
Certaines initiatives précédentes, comme l'Initiative de partenariats en action communautaire qui réalisait des programmes pour lutter contre l'itinérance partout au pays, bénéficiaient d'une composante distincte destinée aux Autochtones dans certaines régions pour aider à faciliter l'achat de refuges et des choses du genre. La situation a évolué, et la dynamique en place est maintenant différente.
Avant, on collaborait avec la SCHL et d'autres intervenants qui fournissaient des solutions de logement sans but lucratif, des fournisseurs de logements pour les Premières Nations en zone urbaine. Ils ont besoin de plus de ressources, c'est évident. Je ne suis pas ici pour les représenter. C'est un programme d'une importance critique. J'ai travaillé dans ce domaine il y a longtemps dans le cadre de ma carrière, et je me rappelle avoir suggéré que de simples modifications des politiques pourraient permettre que le parc de logements soit transféré à une société qui pourrait le refinancer et en construire plus, mais cet obstacle sur le plan des politiques a perduré lorsque je travaillais sur ce dossier. Vous pourriez peut-être y jeter un coup d'œil. C'est davantage lié à la dynamique urbaine.
En général, il y a plus de ressources en jeu. Je ne remets pas en question le fait qu'il y a très certainement un problème, qu'il persiste et que ce genre de soutien et d'engagement s'impose. Il s'agit d'une population qui bouge beaucoup. Elle va et elle vient, alors ce n'est pas simplement un ou l'autre, c'est parfois les deux dans ces situations.
En ce qui concerne l'offre dans les réserves, nous essayons d'examiner un point de vue fondamental, l'offre et le parc de logements, ce qui est disponible, le régime en place et comment l'améliorer. Lorsque les gens se tournent vers d'autres régimes et d'autres territoires, il y a diverses ressources accessibles.
Le président : J'aimerais maintenant aborder les questions liées à l'eau et approfondir un peu ce sujet. Je m'adresse à M. Leblanc.
Le Plan d'action pour l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées des Premières Nations a été adopté en 2008 à titre d'initiative d'AADNC et de Santé Canada, et il visait à soutenir la construction d'installations, le fonctionnement et l'entretien de ces installations et la formation d'opérateurs, ainsi que la surveillance de la qualité de l'eau potable. Je me demande si vous pourriez parler des résultats que le Plan d'action pour l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées des Premières Nations a permis d'obtenir depuis 2008.
M. Leblanc : Nous avons dit à de nombreuses reprises que nous sommes reconnaissants du financement et des budgets réguliers qui sont mis à notre disposition pour appuyer le Plan d'action pour l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées des Premières Nations. Je crois que le Plan d'action a été prolongé de deux ans en 2013 grâce à un financement d'environ 328 millions de dollars, et, avant cela, de 330 millions de dollars sur deux ans. Nous sommes reconnaissants des sommes consacrées à l'eau dans le cadre des budgets antérieurs et du fait qu'on prête attention à l'eau, et c'est l'aspect positif de la chose. On prête attention à l'eau parce que c'est la priorité d'AADNC et du gouvernement sur le plan du financement des immobilisations.
Vous remarquerez qu'il y a ce qu'on appelle une matrice des priorités qu'Affaires autochtones a mise au point il y a de nombreuses années. Celle-ci détermine ce qui constitue une priorité. L'eau est une priorité A1. Le logement est une priorité 4B, ou quelque chose de ce genre, donc il figure très loin dans la liste. Ce financement ou ce programme ont servi à construire de nouvelles installations et à mettre des installations à niveau, donc, en un sens, ils contribuent à l'amélioration de la situation des Premières Nations pour ce qui est de l'eau. De temps à autre, on voit une annonce dans les communiqués du gouvernement selon laquelle il finance un nouveau réseau, donc c'est quelque chose qui a été utile en ce sens.
Comme en témoigne le nombre d'avis concernant la qualité de l'eau potable qui demeurent en vigueur, cela ne suffit tout simplement pas à régler le problème auquel font face les Premières Nations. Nous sommes très préoccupés par le fait que le gouvernement a publicisé son choix d'éléments qu'il souhaite voir dans le cadre réglementaire. Il a dit que le cadre serait adopté de façon graduelle et que les Premières Nations auront le temps de mettre leurs systèmes à niveau. Nous craignons qu'il faille beaucoup de temps pour que les Premières Nations aient une bonne gestion de l'eau, de bons systèmes d'exploitation et la formation et le soutien nécessaires.
Bref, monsieur le président, nous apprécions l'aide fournie, mais elle ne suffit tout simplement pas à régler le problème des avertissements concernant la qualité de l'eau potable, qui ne sont qu'un indicateur des problèmes qui existent, car les systèmes sont déficients même si de bons opérateurs peuvent les gérer, mais en faisant preuve d'une diligence constante afin de s'assurer que rien ne passe à travers le système. Ils sont toujours sur leurs gardes et veillent à ne pas permettre que des contaminants atteignent la collectivité.
Le président : Merci.
Si je puis ajouter quelque chose à ce sujet, nous avons de l'information au sujet des observations prébudgétaires formulées par l'APN en 2014 en ce qui concerne le logement et les infrastructures dans les réserves. Il en est question dans l'examen de l'évaluation technique nationale de 2011, qui, comme vous l'avez signalé, a montré que 73 p. 100 des réseaux d'acheminement de l'eau des Premières Nations posaient un risque élevé ou modéré. Je suis sûr que vous avez participé à la formulation de ces recommandations, monsieur Leblanc. D'après ce que je comprends, il était recommandé que le gouvernement fédéral discute avec les Premières Nations d'un plan de mise en œuvre des recommandations de l'évaluation technique nationale assorti d'un plan d'investissement clair.
Pouvez-vous dire quelque chose là-dessus? Y a-t-il dans l'évaluation technique nationale de 2011 des recommandations prioritaires sur lesquelles vous souhaiteriez attirer notre attention?
M. Leblanc : Tout d'abord, nous avons seulement participé en formulant des commentaires au sujet du mandat. Nous n'avons pas pris part à l'élaboration des recommandations. Les recommandations ont été formulées par le consultant au cas par cas. Il y avait un certain nombre de recommandations dans chaque rapport. La recommandation de base concernant le fait d'aborder les situations à risque élevé, ce qui, d'après ce que je comprends, est la priorité du gouvernement, est le fruit de sa décision. Nous n'avons pris part à l'élaboration d'aucune recommandation figurant dans le rapport en question, qu'il s'agisse de recommandations précises ou de nature générale.
Le président : Désolé; je n'ai pas voulu décrire ce qui s'est passé de façon erronée.
Où en sommes-nous, selon vous, en ce qui concerne l'obtention par les Premières Nations des ressources humaines nécessaires pour s'acquitter des responsabilités relatives à l'acheminement de l'eau potable — la partie formation de la chose, qui, nous en conviendrons tous, je crois, est cruciale. Comment cela avance-t-il, selon vous?
M. Leblanc : Selon le rapport global, une certaine proportion seulement des opérateurs possède un permis d'exploitation complet pour leurs systèmes. L'une des conditions préalables de l'adoption d'un régime réglementaire, s'il y a une forte pression en faveur de l'intégration de la réglementation provinciale par renvoi, c'est l'accréditation et la présence d'un opérateur chargé de la surveillance. Il faut qu'un opérateur soit présent 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Dans notre cas, il arrive que ce soit toujours le même opérateur qui soit responsable, parce qu'il n'y a pas de remplaçant.
Il nous reste beaucoup de chemin à faire pour être en mesure d'assurer la relève nécessaire pour que le système fasse l'objet d'une surveillance constante. Pour ce qui est de la formation, je pense que nous allons y arriver bientôt. Il y a de très bons systèmes en place. Le Programme de formation itinérante, par exemple, a été remis sur pied par l'APN en 1996, et il a ensuite été confié à un organisme régional. C'est un pilier de l'aide fournie aux Premières Nations. Elles ont encore besoin de beaucoup d'aide pour arriver à une situation où elles pourront gérer leurs systèmes en toute sécurité et de façon compétente.
La sénatrice Raine : Je comprends le Programme de formation itinérante, car je siégeais au comité lorsque nous avons fait l'étude sur l'eau il y a quelques années. Pouvez-vous nous décrire ce programme, car nous comptons parmi nous de nouveaux membres du comité qui ne le connaissent peut-être pas bien, ne connaissent peut-être pas son histoire ni la façon dont il fonctionne?
M. Leblanc : Le Programme de formation itinérante est un système de soutien qui a été mis au point il y a de nombreuses années. Il a été remis sur pied par les Premières Nations en 1995-1996. Il comprend une formation pratique dirigée par des opérateurs et des formateurs chevronnés, qui sont habituellement des employés municipaux à la retraite. Ils se rendent dans une collectivité, mènent des entrevues et rencontrent l'opérateur, qui est parfois nouveau. Ils établissent un programme de formation qui peut durer de un an à 18 mois et qui vise à faire en sorte que l'opérateur atteigne un certain niveau de compétence par rapport au système dont il est responsable.
On l'appelle « Programme de formation itinérante » parce que les formateurs font une boucle qui dure de six à huit semaines. Ils offrent une formation graduelle à l'opérateur, jusqu'à ce que celui-ci soit à l'aise en ce qui a trait à l'entretien et à l'exploitation du système.
Le programme a changé récemment, et les formateurs ont commencé à donner une formation de préparation aux examens d'accréditation. Le programme de formation pratique est devenu un programme de formation préalable à l'accréditation. Les opérateurs des Premières Nations l'apprécient beaucoup.
Les formateurs sont disponibles 24 heures sur 24, sept jours sur sept, donc, si un opérateur a des difficultés, il peut téléphoner au formateur pour obtenir de l'aide. Un soutien constant est fourni aux opérateurs.
La sénatrice Raine : C'est une collaboration positive pour tout le monde, comme vous le dites, entre les opérateurs à la retraite des installations de traitement de l'eau des municipalités et les collectivités des Premières Nations.
M. Leblanc : Oui. Le programme existe depuis suffisamment longtemps maintenant pour que des opérateurs des Premières Nations jouent le rôle de formateurs. On n'a plus besoin de chercher des opérateurs à la retraite, donc le programme commence à s'alimenter de lui-même.
La sénatrice Raine : Monsieur Leblanc, est-ce que le Programme de formation itinérante existe partout au Canada, ou seulement dans certaines régions?
M. Leblanc : Il existe partout au Canada, à titre de programme financé par AADNC; mais il n'est pas accessible à toutes les Premières Nations. Il est réservé aux collectivités qui en ont besoin, par exemple lorsqu'un opérateur quitte soudainement son poste pour en occuper un autre et qu'un nouvel opérateur le remplace. On fait alors appel au Programme de formation itinérante pour former le nouvel opérateur.
La sénatrice Raine : Très bien.
M. Leblanc : Si je puis ajouter quelque chose, les premiers opérateurs ne peuvent quitter leur collectivité ou leur usine pour suivre la formation ailleurs, par exemple au centre de formation Walkerton. Cela comble en partie le besoin de suivre la formation dans la collectivité et de ne pas avoir à la quitter.
La sénatrice Raine : Je me rappelle que, lorsque nous en avions entendu parler auparavant, on était préoccupé parce que ces opérateurs d'installations de traitement de l'eau recevaient une formation et étaient recrutés par des municipalités avoisinantes, ce qui fait qu'ils quittaient la réserve. L'un des problèmes qui se posaient, c'est qu'il fallait avoir fait sa 12e année pour commencer le programme de formation. Est-ce que ce problème a été réglé?
M. Leblanc : Eh bien, c'est une exigence. Comme nous l'avons mentionné, si nous intégrons la réglementation provinciale, les opérateurs devront avoir leur 12e année. Comme vous le savez, l'éducation est l'un des principaux problèmes des collectivités autochtones. L'accès aux étudiants qui ont suivi des cours de mathématiques et de sciences constitue un problème de plus. Il faut des étudiants qui comprennent bien les mathématiques, les sciences et la chimie pour pouvoir faire ce travail.
Le maraudage constitue un problème important, avec lequel les municipalités aussi sont aux prises. En Ontario, par exemple, vu la réglementation, la formation des opérateurs coûte cher. C'est la même chose pour les Premières Nations. Elles forment un opérateur pour le voir recruté par l'industrie des ressources, dont c'est une pratique courante. Le processus de recrutement et de recyclage est constant. Nous nous sommes penchés sur la question il y a plusieurs années et avons effectué une étude sur le recrutement, la formation et le maintien en poste des opérateurs des Premières Nations.
Le sénateur Enverga : D'après votre déclaration, il y a 130 avis concernant la qualité de l'eau potable en vigueur sur le territoire de 97 Premières Nations, à l'exclusion de la Colombie-Britannique. Qu'a fait cette province? Y a-t-il quelque chose que nous devrions savoir?
M. Leblanc : Il y a quelques années, les Premières Nations de la Colombie-Britannique ont repris la direction du programme de santé que menait Santé Canada, et l'autorité sanitaire des Premières Nations de la Colombie- Britannique gère maintenant tous les programmes environnementaux, y compris le programme de surveillance de l'eau dans la province. C'est pour cette raison que les rapports sur ce qui se passe en Colombie-Britannique et ce qui se passe ailleurs au Canada sont distincts.
M. Dinsdale : Ce n'est pas qu'il n'y ait aucun avertissement concernant la qualité de l'eau potable en Colombie- Britannique. C'est plutôt qu'elles sont abordées dans une autre étude qui était citée juste après.
La plus récente date de septembre 2013. Il y avait des avis en vigueur dans 97 Premières Nations d'après une étude, et, quelques phrases plus loin, il est question de l'étude réalisée en Colombie-Britannique en juin, et c'est dans celle-ci qu'il est question des 29 autres Premières Nations. C'est ainsi que nous arrivons au chiffre total. C'est simplement que la Colombie-Britannique est envisagée à part pour ce qui est des chiffres, mais il y a encore des problèmes là-bas, sans aucun doute.
Le sénateur Enverga : Nous étions quelque part à Maniwaki, où il y a des problèmes d'eau, et ce qui me préoccupait, dans l'immédiat, c'était la nécessité de l'avis concernant la qualité de l'eau potable. Pourquoi les gens là-bas n'ont-ils pas accès à une quelconque réserve d'eau pour les cas d'urgence? J'envisageais plutôt la chose comme étant une catastrophe. En cas de catastrophe, on fournit toujours de l'eau potable à tout le monde.
Serait-il possible pour les Premières Nations d'avoir accès aux installations de traitement de l'eau fournies en cas de catastrophe plutôt que de distribuer de l'eau en bouteille ou de publier un avis d'ébullition de l'eau? Préféreriez-vous une aide de ce genre, au lieu de publier un avis d'ébullition de l'eau ou quelque chose comme cela?
M. Leblanc : Dans le domaine du génie, on dit souvent que tout est possible grâce à la technologie si l'argent est là. L'uranium est un contaminant difficile à traiter. Il y a de l'uranium partout dans cette collectivité. Tous les puits sont affectés. Lorsqu'on creuse un puits, il y a de l'uranium dans le réseau.
Il y a des systèmes de points d'entrée qui traitent l'uranium et l'enlèvent. De nombreuses entreprises nous ont présenté la toute dernière solution miracle en matière de traitement de l'eau, mais il s'agit de trouver la bonne technologie pour enlever l'uranium.
Comme vous le savez pour avoir voyagé, il y a des zones centrales dans la collectivité où il est plus facile d'offrir l'accès à un système centralisé, et ensuite il y a des maisons qui se trouvent dans les régions rurales qui ont besoin d'un traitement individuel, ou encore d'eau embouteillée ou de citernes d'eau, l'eau étant livrée par camion.
Le sénateur Tannas : Monsieur Leblanc, je voulais vous demander si, selon vous, il y a eu un programme, une initiative ou des efforts véritables, lorsque c'est possible, pour raccorder le réseau des collectivités à l'infrastructure municipale avoisinante. Selon vous, y a-t-il encore beaucoup de possibilités à cet égard, ou est-ce que toutes les possibilités sont épuisées?
M. Leblanc : C'est une question à laquelle il est difficile de répondre, car, dans certaines collectivités où nous nous sommes penchés sur la question, le problème tient aux besoins de la Première Nation. Lorsqu'une municipalité fournit de l'eau à une collectivité autochtone, on estime que les besoins de la Première Nation passent en dernier. Ainsi, lorsque la municipalité a de la difficulté à fournir de l'eau, par exemple, c'est la Première Nation qui en souffre. Les ententes aussi posent un problème, qu'AADNC examine, je crois, puisque la Première Nation est tenue en otage par la municipalité, étant donné qu'elle ne peut aucunement décider quels vont être les tarifs. Les Premières Nations situées près d'une municipalité préféreraient donc avoir leur propre système, le gérer elles-mêmes et savoir qu'elles sont en mesure de s'occuper de leurs propres réseaux d'acheminement de l'eau.
Mais, oui, il demeure encore possible, j'imagine, pour certaines Premières Nations dont le territoire est adjacent à celui d'une municipalité de procéder ainsi.
Le sénateur Tannas : Donc, mis à part les problèmes bien réels dont vous venez de parler... ceux-ci pourraient peut- être être atténués au moyen d'ententes de financement et de contrats à long terme assortis de pénalités et de choses de ce genre. Évidemment, pour que la municipalité puisse conclure une entente de ce genre, il faut qu'il y ait un incitatif au départ qui lui soit utile par ailleurs.
Je viens d'un endroit qui s'appelle High River, et nous avons conclu un contrat de 100 ans, je crois avec Cargill, pour son usine de transformation de la viande. Ce contrat comportait les avantages liés à l'emploi, entre autres, mais il a vraiment créé une pression sur l'infrastructure de la municipalité. Il a simplement fallu que nous prenions les choses en main et que nous réglions le problème, puisque nous avions conclu un contrat et qu'il y avait d'autres choses à régler aussi. Nous n'avions pas le choix, alors nous l'avons fait, et ça va.
Si nous pouvions nous en occuper d'une façon ou d'une autre, ou encore créer le bon contexte pour que ces préoccupations soient atténuées, diriez-vous que beaucoup de travail pourrait être fait en raccordant les réseaux, dans un monde idéal?
M. Leblanc : Je pense que c'est l'un des éléments qui permettraient cela. Encore une fois, c'est une solution.
L'un des problèmes, c'est que la municipalité et la Première Nation doivent être capables de bien travailler ensemble, même en ce qui a trait à la participation au plan communautaire global, car il y a eu des cas où les initiatives de développement économique et les projets de croissance de la Première Nation ont été compromis parce que la municipalité a dit qu'elle n'avait pas envisagé la demande en eau supplémentaire découlant de l'activité de la Première Nation, ce qui fait qu'elle ne pouvait pas lui fournir cette eau.
Il y a d'autres problèmes sur lesquels il faut se pencher pour garantir que cela fonctionne bien.
Le sénateur Tannas : Oui, je vois. Merci.
Le président : J'aimerais poser une question au sujet du Fonds d'infrastructure des Premières Nations. Celui-ci s'ajoute au Programme d'immobilisations et d'entretien dans les réserves, et il est bien entendu géré par AADNC et vise à offrir un guichet unique pour l'accès au financement relatif aux infrastructures dans les réserves. Les responsables du fonds ont établi des priorités en matière d'énergie, d'accès aux réseaux à large bande, de gestion des déchets, de routes et de ponts et de capacité communautaire de planification des infrastructures.
Avez-vous quelque chose à dire au sujet du succès ou de l'échec du Fonds d'infrastructure des Premières Nations pour ce qui est de simplifier l'accès des gouvernements des Premières Nations aux programmes d'infrastructure fédéraux? Je sais que vous avez dit clairement qu'il faut plus d'argent, mais je me demande si vous pensez que le programme actuel fonctionne bien ou s'il a besoin d'amélioration.
M. Leblanc : Eh bien, il est clair qu'il y a place à beaucoup d'amélioration, mais le Fonds d'infrastructure des Premières Nations, qui a été créé il y a passablement longtemps, était géré par Affaires autochtones, et il ne suffisait pas à la demande. Cela vous montre que les Premières Nations utilisent tout programme qui leur est proposé pour essayer de régler leurs problèmes de biens et d'infrastructures communautaires.
Le programme dont vous parlez est comme vous dites axé sur cinq domaines, qui ne sont habituellement pas des domaines prioritaires pour Affaires autochtones. J'ai mentionné tout à l'heure que la priorité d'Affaires autochtones est l'eau, et peut-être en second lieu le traitement des eaux usées. Ces cinq catégories sont subordonnées à ces deux priorités et ne font pas partie de la matrice des priorités, qu'on trouve sur le site web d'Affaires autochtones. Pourtant, elles ne suffisent pas.
Le recours au Fonds de la taxe sur l'essence et au Fonds Chantiers Canada... il semble effectivement s'agir de beaucoup d'argent, sénateurs, 155 millions de dollars sur 10 ans, d'après ce qu'on a annoncé. En réalité, il s'agit de 15 millions de dollars par année pour 600 collectivités, et, si on ajoute la taxe sur l'essence, qui est d'environ 26 millions de dollars par année pour les Premières Nations... Donc, si on additionne ces deux chiffres, 15 et 26, il s'agit d'environ 42 millions de dollars par année pour environ 600 collectivités. À prime abord, lorsqu'on évoque ces gros chiffres, cela semble être beaucoup d'argent, mais ce n'est pas le cas. Ça aide; je ne dis pas que ça n'aide pas.
L'autre programme digne de mention, c'est le programme Infrastructure des loisirs Canada créé il y a quelques années, le programme ILC. Les municipalités et les Premières Nations y étaient admissibles. Il y a de drôles de programmes, comme le financement du club de canotage pour permettre d'améliorer le club de la municipalité, mais c'était un programme visant des projets de loisirs et d'infrastructures. Encore là, les Premières Nations ont sauté sur l'occasion.
Malheureusement, elles ont pris part au processus un peu tardivement et n'ont pas été en mesure de faire approuver autant de projets qu'elles l'auraient souhaité. Tous les programmes qui permettent d'obtenir du soutien en matière d'infrastructure sont appréciés, mais encore là, c'est insuffisant et il n'y a pas assez d'argent pour faire le tour.
Je pense que le message qu'il faut retenir, c'est que les grandes infrastructures essentielles bénéficient de beaucoup de financement, mais que les ressources manquent pour entretenir et mettre à niveau les routes, les ponts et les immeubles des collectivités.
La sénatrice Raine : Vous avez dit que, selon vous, les Premières Nations doivent prendre part au processus de planification lorsque leur territoire est adjacent à celui d'une municipalité et qu'elles souhaitent intégrer leurs projets d'infrastructure aux projets municipaux. Pouvez-vous nous donner des exemples de scénario idéal où la municipalité et la Première Nation travaillent bien ensemble, pour que nous puissions jeter un coup d'œil là-dessus?
Je sais qu'il y a des Premières Nations dont le territoire est adjacent à celui d'une municipalité. D'un côté de la route, les maisons sont belles, et de l'autre, les gens ont vraiment de la difficulté à établir l'infrastructure de base. Donnez- nous un petit coup de main à ce chapitre, si vous pouvez.
M. Leblanc : C'est un peu plus difficile, parce que la plupart des programmes ou des ententes qu'AADNC appuie concernent l'eau et les eaux usées, étant donné que ce sont les priorités de son programme. Je ne peux vous dire si ces programmes fonctionnent bien, mais ils permettent aux Premières Nations d'avoir accès à l'eau.
Pour ce qui est des autres choses qui pourraient être envisagées, il y a d'autres ententes, comme des ententes de partage des ressources communautaires, par exemple lorsqu'une Première Nation a un centre sportif qu'elle partage avec la municipalité. Il arrive parfois qu'une municipalité partage sa bibliothèque avec une collectivité autochtone, donc il y a d'autres ententes qui sont conclues avec les municipalités. Dans certains cas, il s'agit simplement d'une entente entre la collectivité et la municipalité.
Dans le cas des ententes assorties d'un financement, Affaires autochtones s'en mêle, parce que c'est le ministère qui paie pour l'eau et les choses de ce genre. Il y a toutes sortes d'autres projets qui sont menés en collaboration.
Les services d'incendie sont un bon exemple. Les ententes d'entraide entre les collectivités sont un bon exemple de partage des ressources de lutte contre les incendies d'une Première Nation et d'une municipalité. Cela fonctionne dans les deux sens : lorsque la municipalité a besoin d'elles, les Premières Nations interviennent. C'est dans les deux sens.
Dans certains cas, cela ne fonctionne pas, et il est arrivé qu'une maison de la collectivité autochtone brûle complètement avant que le camion de la municipalité vienne. La chose comporte aussi des dangers.
La sénatrice Raine : Je me disais que, lorsque vous faites la planification, si vous ne travaillez pas ensemble, vous pouvez planifier des raccordements ou des systèmes incompatibles. Il serait sensé de travailler ensemble à la mise en place des infrastructures, même dans le cas de choses simples comme les réseaux routiers. Y a-t-il des exemples de Premières Nations qui ont très bien travaillé avec leurs voisins, avec la municipalité qui peut se trouver juste de l'autre côté de la rue? Il va falloir que nous essayions d'en trouver.
M. Leblanc : Je suis désolé, je n'en ai pas.
Le sénateur Enverga : Ce qui m'a frappé, c'est que vous demandez environ 470 millions de dollars par année et que l'investissement actuel est de 165 millions de dollars par année pour ce qui est du traitement de l'eau et des eaux usées. Si je fais le calcul, 165 millions de dollars par année, ce sera plus de un milliard de dollars par résident. Est-ce que je me trompe? Si on établit le coût par habitant, c'est plus de un million de dollars par personne.
M. Leblanc : Non.
M. Dinsdale : Il y a un million de citoyens des Premières Nations, ce qui fait 1,70 $ par citoyen, si on fait le calcul ainsi, j'imagine.
Le sénateur Enverga : Par année.
M. Dinsdale : Oui, 1,70 $ par année.
Le sénateur Enverga : Comment faire pour quantifier ces coûts? Seraient-ils les mêmes pour toutes les collectivités ou y aurait-il des différences?
M. Dinsdale : Je pense que, d'après les rapports, 20 p. 100 des collectivités autochtones du Canada ne disposent pas d'un réseau de traitement de l'eau adéquat. Ce serait les 20 p. 100 qui seraient ciblés. Les 80 p. 100 qui en ont un ne seraient pas ciblés dans le cadre de ce régime.
Il vaut la peine de mentionner que les sommes dépensées dans les municipalités canadiennes en général pour le traitement de l'eau et des eaux usées et les infrastructures sont supérieures aux sommes dépensées dans les collectivités autochtones. Voilà un autre angle sous lequel envisager la question.
Vous prenez un calcul isolément, mais les fonds consacrés à la construction d'écoles, à la construction de routes jusqu'aux écoles, à l'électricité, à l'eau et à toutes ces choses ne sont pas répartis de cette manière. En réalité, les sommes dépensées dans ces milieux sont largement supérieures à celles qui sont dépensées dans les collectivités des Premières Nations.
Le sénateur Enverga : Pour ce qui est du nombre d'Autochtones que vous citez, s'agit-il des Autochtones qui vivent dans les réserves?
M. Dinsdale : Non, il s'agissait du nombre total.
Le sénateur Enverga : Le nombre total de gens vivant à l'extérieur et à l'intérieur de la Première Nation?
M. Dinsdale : Le nombre total d'Indiens inscrits, d'après le Registre des Indiens.
Le sénateur Enverga : D'Indiens cris?
M. Dinsdale : Non, d'Indiens inscrits. Affaires autochtones ne fournit pas les chiffres en fonction du lieu de résidence. Le ministère fournit le nombre d'Indiens inscrits, aux termes de la Loi sur les Indiens, selon ses listes.
Le sénateur Enverga : Diriez-vous qu'il y a un million d'Indiens? Combien vivent dans les collectivités des Premières Nations?
M. Dinsdale : Cela dépend des collectivités. Cela varie entre 48 p. 100 de gens vivant en région urbaine à des pourcentages plus élevés, selon l'endroit dont il s'agit, à une très faible proportion dans le Nord. Quant à savoir où se trouvent les 20 p. 100 en question, je ne suis pas en mesure de vous parler de la répartition de la population à brûle- pourpoint.
Le sénateur Enverga : Lorsque nous nous sommes rendus dans les collectivités éloignées, j'ai pu constater que la population d'une Première Nation dépasse le millier ou deux ou trois milliers. J'ai été étonné qu'il y ait plus de gens. J'ai visité des Premières Nations de la Colombie-Britannique et du Québec seulement, et je regardais justement les chiffres en m'en venant ici. J'espère avoir la bonne information.
Le président : Monsieur Dinsdale, lorsque vous vous êtes penché sur les importants besoins en infrastructure, vous avez estimé que les besoins en logement étaient de l'ordre de plus de 20 milliards de dollars. Je vous ai entendu dire que l'un des problèmes, c'est qu'il n'y a pas de financement à long terme et que vous ne pouvez donc pas trouver de garantie ni d'autres sources de financement à l'extérieur du gouvernement. Je pense qu'il s'agit là de l'une des choses que le comité souhaite le plus examiner ultérieurement, non pas pour libérer le gouvernement de ses obligations, évidemment, mais bien pour reconnaître le fait que, si nous arrivons à trouver des façons de tirer parti du financement offert par le gouvernement et peut-être de l'accroître, nous arriverons peut-être à commencer à combler ces lacunes.
Pouvez-vous préciser ce que vous avez dit concernant la nécessité pour le gouvernement d'envisager de nouvelles démarches de financement? Avez-vous réfléchi à la question de la propriété foncière? On nous a dit qu'elle constituait un obstacle à l'obtention de financement auprès de tierces parties également.
M. Dinsdale : Je pense que tant que la propriété foncière — permettez-moi de commencer par là — ne sera pas mieux définie et formulée, cela peut tourner à la catastrophe. Les collectivités des Premières Nations situées près de Vancouver ou de toute autre grande région pourraient se retrouver sans abri sur leur propre territoire alors qu'elles possèdent le titre de propriété. Le fait que les membres de la nation puissent vendre leur titre pour un million de dollars et que quelqu'un puisse construire un condo ou une maison sur le terrain parce que celui-ci se trouve près de Vancouver constitue une menace réelle. Tant que nous n'aurons pas trouvé une façon de régler ce problème, la situation peut tourner à la catastrophe complète.
Je pense qu'il y a assurément toute une gamme d'interventions possibles en matière de logement. Le Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières Nations est ce qui se rapproche le plus d'une démarche axée sur le marché en matière de logement pour les collectivités. Je vous encourage à discuter avec les responsables du fonds, car ce qu'ils font est très intéressant. J'ai observé leur travail bien intentionné, qui est de construire le plus de maisons possible. Ce qui est intéressant, lorsqu'ils se rendent dans les collectivités et commencent à appliquer les codes du bâtiment et les processus d'accès aux prêts, pour que les gens puissent emprunter de l'argent pour acheter une maison, c'est la quantité de travail à faire. Il y a beaucoup de travail d'organisation de base, une fois qu'ils ont préparé les collectivités pour que leurs citoyens demandent un prêt, et ensuite pour faire construire les maisons... Franchement, ils ont un dur combat à livrer.
Je ne suis pas sûr que le fait d'apporter des modifications au titre sous-jacent et à la propriété foncière va améliorer cette situation. Nous sommes encore aux prises avec la même situation de pauvreté dans des collectivités qui ont besoin de fonds pour assurer la gouvernance de base et de soutien pour avancer. Je pense donc qu'il y a toute une gamme de problèmes.
Cela dit, ils font très lentement des progrès. Ils commencent à trouver des façons d'avancer grâce aux logements du marché, à ce chapitre. Il y a diverses choses qui doivent se faire : revenir vers autre chose que les logements du marché; déterminer la proportion de logements sociaux; envisager les marchés des obligations et d'autres instruments, qui sont des indicateurs différents de la proportion d'intervention privée; et la manière dont la collectivité pourrait fournir directement des logements à ses citoyens. Il y a diverses manières de procéder. Franchement, aucune de ces choses n'existe en ce moment en raison de la nature de la relation de financement.
Le président : Vous avez mentionné un rapport concernant le Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières Nations.
M. Dinsdale : Les responsables du fonds rendent compte au Parlement chaque année par l'intermédiaire du ministre, de la SCHL. Ils produisent un rapport annuel.
Le président : Ils sont eux aussi venus témoigner devant le comité. Le fonds a du potentiel, selon nous, même si l'adhésion n'a pas été très grande jusqu'à maintenant.
M. Dinsdale : Cela révèle les difficultés. Ils avancent de bonne foi. Le potentiel à long terme du fonds n'a pas encore été démontré, mais ils mettent à l'essai une démarche axée sur les logements du marché. Ils font de l'excellent travail pour accroître la capacité, en tout cas, pour l'instant.
M. Leblanc : Le fonds des logements du marché visait un accès d'environ 30 p. 100. Les responsables ont envisagé la proportion d'Autochtones ayant les moyens de se payer une maison au prix du marché, et ils envisagent d'y faire accéder 30 p. 100 des membres des Premières Nations
Le président : J'aimerais vous poser des questions au sujet de tout le processus de planification des immobilisations. Le ministère des Affaires autochtones a un Plan d'investissement dans l'infrastructure des Premières Nations. D'après ce que je comprends, les bureaux régionaux établissent des plans d'immobilisations de cinq ans avec les Premières Nations. D'après le cadre national de classement des priorités du ministère, les projets portant sur les risques les plus urgents pour la santé et la sécurité sont prioritaires. Avez-vous quelque chose à dire sur le fonctionnement de ce processus, s'il fonctionne? Avez-vous des recommandations d'amélioration?
M. Leblanc : J'ai eu la chance de travailler pour un autre organisme à Toronto, l'Ontario First Nations Technical Services Organization. J'ai travaillé pour cet organisme pendant 15 ans. Nous avons eu l'occasion de prendre part au processus de planification des immobilisations d'Affaires autochtones. Nous avons pu observer le fonctionnement et le processus décisionnel suivi. Nous y participions à chaque trimestre, donc nous avions une bonne connaissance directe du fonctionnement du processus.
Il a toujours été frustrant que tout cela comporte un processus de demande compliqué, selon lequel il faut d'abord faire une étude de faisabilité, puis obtenir une approbation préliminaire de projet. Cela prend un an. Ensuite, il faut procéder à l'étude en tant que telle. Il faut obtenir du financement pour faire une étude. Cela prend encore une année. Enfin, il faut obtenir l'approbation réelle du projet. Au moment où on commence la planification, il faut attendre trois ou quatre ans avant d'obtenir les fonds et de conclure l'entente de contribution avec la nation et Affaires autochtones afin de pouvoir commencer le projet. À cet égard, la critique a toujours été que le processus est trop long et qu'il doit être simplifié.
Le Plan d'investissement dans l'infrastructure des Premières Nations que vous avez mentionné... le rapport national d'Affaires autochtones est accessible. Mais il est beaucoup plus détaillé à l'échelon régional. Par hasard, j'ai reçu hier un appel de l'un des techniciens du conseil tribal. Il m'a fait part de ses frustrations, même en ce qui concerne le Programme d'investissement dans l'infrastructure des Premières Nations, en disant que, à l'échelon régional, il faut présenter ses plans de cinq ans sans garantie de pouvoir réaliser son projet. C'est un processus continu dans lequel il faut faire des pieds et des mains sans avoir la certitude de pouvoir faire approuver son projet. C'est encore une source de frustration pour les Premières Nations, pour ce qui est du fonctionnement du processus de planification des immobilisations.
Je pense qu'on sera pris avec ce processus jusqu'à ce qu'il y ait une initiative concertée visant à le simplifier et à le rendre plus facile d'accès ou plus convivial.
Le président : Merci beaucoup.
Chers collègues, je sais que vous vous joindrez à moi pour remercier M. Dinsdale et M. Leblanc d'avoir fait avec nous un survol très complet de la question, au moment où nous commençons à examiner les besoins en matière d'infrastructure. Nous sommes très reconnaissants des suggestions concrètes que vous avez faites, de l'information que vous nous avez fournie et de ce que vous avez promis de nous fournir ultérieurement.
Merci beaucoup.
(La séance est levée.)