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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 9 - Témoignages du 19 novembre 2014


OTTAWA, le mercredi 19 novembre 2014

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 50, pour poursuivre l'étude des problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. Bienvenue à tous les honorables sénateurs et aux membres du grand public qui suivent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones ici même, sur la chaîne CPAC ou sur le Web.

Je m'appelle Dennis Patterson, et je viens du Nunavut. J'ai l'honneur de présider le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, dont le mandat consiste à étudier les projets de loi et autres questions qui concernent les peuples autochtones au Canada.

Ce soir, nous entendrons un témoignage dans le contexte de l'ordre de renvoi nous autorisant à examiner pour en faire rapport les problèmes et les solutions possibles liés à l'infrastructure dans les réserves, notamment pour ce qui est du logement, des infrastructures communautaires, des options de financement novatrices et des stratégies de collaboration plus efficaces. Nous avons terminé les audiences consacrées au logement, et nous abordons maintenant l'étude des infrastructures.

Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir la représentante de la nation Nishnawbe Aski, qui nous entretiendra de cette importante question. Cette nation est l'une des quatre organisations autochtones à Toronto. Elle regroupe 49 Premières Nations du Nord de l'Ontario, qui comptent à elles toutes environ 45 000 personnes.

Avant que nous ne passions au témoignage, je voudrais que, à tour de rôle, les membres du comité se présentent.

Le sénateur Moore : Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Sibbeston : Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest.

La sénatrice Dyck : Lillian Dyck, de la Saskatchewan.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario.

Le sénateur Ngo : Thanh Hai Ngo, de l'Ontario.

La sénatrice Greene Raine : Nancy Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

Le président : Mesdames et messieurs les membres du comité, veuillez accueillir notre témoin de ce soir, représentant la nation Nishnawbe Aski, Charmaine McCraw, gestionnaire de l'Unité de développement économique et de mise en valeur des ressources. Vous vous rappellerez que Mme McCraw nous a livré un témoignage fort utile lorsqu'elle a comparu au cours de nos séances publiques de Thunder Bay dans le cadre de notre étude sur le logement dans les réserves. Il est agréable de vous retrouver, madame McCraw. Nous avons hâte d'entendre votre témoignage, qui sera suivi des questions des sénateurs. Je vous en prie.

Charmaine McCraw, gestionnaire, Unité de développement économique et de mise en valeur des ressources, Première Nation Nishnawbe Aski : Merci à tous. C'est un plaisir de retrouver des visages qui me sont familiers. Il est agréable d'être parmi vous.

Je vous remercie de m'offrir l'occasion d'adresser de nouveau la parole au comité et de lui présenter un survol des difficultés en matière d'infrastructures que nous avons relevées dans l'organisation politique territoriale de la nation Nishnawbe Aski. L'exposé que nous avons présenté en septembre vous a déjà appris que les chefs de notre nation ont collectivement déclaré l'état d'urgence dans le domaine du logement. Si nous voulons surmonter ce grave problème, il nous faut des investissements appréciables dans les infrastructures, sans quoi la crise va continuer.

Je tiens à signaler que mon grand chef adjoint, Les Louttit, souhaitait comparaître ce soir, mais que, malheureusement, des problèmes de santé l'empêchent de comparaître avec moi.

De nombreux facteurs expliquent les lacunes des infrastructures dans le territoire de la NNA, sigle qui désigne la nation Nishnawbe Aski, mais j'ai été quelque peu étonnée d'apprendre qu'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada retirait des fonds prévus pour les infrastructures locales afin de les réaffecter aux programmes de services sociaux et d'éducation. Certes, je comprends l'importance de ces programmes pour les membres de notre nation, mais je ne suis pas convaincue que cette réaffectation de fonds soit la vraie solution. Nous ne devons pas oublier que bon nombre des problèmes dans les domaines des services sociaux et de l'éducation se résorberaient si nous pouvions nous attaquer au problème des logements insalubres dans notre nation et le régler. Et j'emploie le terme « insalubre » à bon escient.

Pour un pays qui est censé être doté d'abondantes ressources en eau douce, le Canada présente des statistiques décevantes. En 2008, le Canadian Medical Association Journal faisait état de plus de 1 760 avis d'ébullition de l'eau dans tout le Canada. Jusqu'en juillet, d'après Santé Canada, 97 de ces avis touchaient les Premières Nations au Canada, et 21 de ces 97 avis visaient le territoire de la nation Nishnawbe Aski. Les avis conseillant de faire bouillir l'eau sont souvent lancés à cause de problèmes dans les systèmes de chloration ou de désinfection et il ne doit s'agir que de mesures temporaires. Or, beaucoup de nos Premières Nations sont sous le coup de ces avis depuis longtemps, certaines, comme celle de Neskantaga, depuis plus de 13 ans.

En mars 2006, le gouvernement fédéral a mis en place un programme pour aider à améliorer la qualité de l'eau chez les Autochtones. Un Plan d'action pour la gestion de l'eau potable dans les collectivités des Premières Nations a été élaboré pour donner suite aux préoccupations mises en évidence par la crise de Walkerton, en 2000, et l'évacuation de la Première Nation de Kashechewan, en 2005, à cause de la contamination de son eau par la bactérie E. coli.

Il nous faut chercher un moyen de résoudre les problèmes d'infrastructure dans ma collectivité, celle de la nation Nishnawbe Aski Nation. Je ne suis pas ici pour fournir toutes les réponses, mais pour faire valoir qu'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada doit s'y attaquer avec son partenaire latéral de gouvernement, la nation Nishnawbe Aski, à titre d'organisation politique territoriale. Nous devons être en mesure de nous saisir des problèmes qui surgissent et de trouver des solutions proactives au lieu de réagir après coup.

Actuellement, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada accorde des fonds aux collectivités à titre individuel et il a son propre plan interne d'immobilisations sur 10 ans. La NNA, au niveau de l'organisation politique territoriale, n'a reçu aucune information à ce sujet. Le ministère doit se préoccuper de tout le Canada. Je propose que l'argent soit confié à une administration régionale des infrastructures qui planifierait et administrerait les projets dans notre région et en établirait l'ordre de priorité. Il serait ainsi possible d'avoir une approche plus nettement définie pour aborder les problèmes dans notre territoire.

Huit collectivités de la NNA doivent faire bouillir l'eau depuis plus de 10 ans. Ce sont là des données de Santé Canada, qui a été tout à fait mis au courant de la situation pendant toute cette période. Le grand problème, c'est le manque de fonds pour implanter des infrastructures et ainsi offrir une eau potable conforme aux normes fédérales dans ces collectivités.

Dans un article publié par la CBC en septembre, la section de Thunder Bay du Conseil des Canadiens s'est dite préoccupée par ce que le gouvernement appelle la Loi sur la salubrité de l'eau potable des Premières Nations : « Cette loi fédérale est censée être une étape vitale qui permettra aux Premières Nations de jouir des mêmes protections que les autres Canadiens en matière de santé et de sécurité pour ce qui est de l'eau potable. » Toutefois, on craint fort que la nouvelle loi ne contraigne les Premières Nations à se conformer aux normes provinciales sur l'eau sans qu'elles reçoivent les fonds et la formation de renforcement des capacités nécessaires pour effectivement respecter ces normes.

Nous avons cerné des obstacles à surmonter si nous voulons progresser. Les compressions imposées récemment aux conseils tribaux visant à redéfinir les mandats de ces conseils, selon les services de gouvernance d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, ont ramené les conseils à un niveau de capacité si faible qu'ils ne peuvent répondre aux besoins des collectivités : retards dans la réponse aux demandes de services; incapacité d'assurer des services corrects dans le territoire visé; manque de fonds pour l'entretien et la formation; recours à des entreprises de l'extérieur pour exercer la surveillance dans les installations; besoins jusqu'en 2029 estimés, d'après les projections de croissance d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, à un montant catastrophique de 3,3 milliards de dollars, selon une étude réalisée récemment par l'Ontario First Nations Technical Service; absence d'approche cohérente des gouvernements des Premières Nations et des gouvernements au Canada pour remédier aux problèmes.

Je crois que vous avez tous un graphique sous les yeux. Vous y verrez ce qui est nécessaire, cette année seulement, selon une ventilation par conseil tribal, pour répondre aux besoins en infrastructure des collectivités. Il s'agit de relever les services dans les collectivités pour atteindre une norme acceptable dans la société canadienne. Ce graphique porte uniquement sur l'infrastructure, la question du logement étant laissée de côté. On atteint le chiffre de 1,1 milliard de dollars.

Nous commençons à nous poser une question, une question qui nous harcèle au quotidien dans notre travail : comment pouvons-nous arriver à combler ces lacunes dans les infrastructures? Comme je l'ai recommandé en septembre, j'exhorte le gouvernement à chercher de nouvelles modalités d'administration des fonds. Nous entendons souvent dire que la NNA devrait aborder le gouvernement en parlant d'une seule voix, mais le gouvernement continue de traiter sur une base individuelle avec les collectivités. Il divise pour régner, peut-on dire, à l'égard de notre nation, et cela nuit à notre capacité de bâtir notre nation et d'accéder à la souveraineté.

La NNA a travaillé avec le Confederation College et la Lakehead University, dans le cadre de protocoles d'entente, pour faire des recherches sur les énergies renouvelables, le logement et l'approvisionnement en eau. Nous espérons que, grâce aux nouvelles technologies et à l'abondance des énergies renouvelables, nos collectivités parviendront à l'autarcie.

Bien qu'il semble que l'électrification doive se réaliser grâce à des projets classiques d'exploitation de l'hydroélectricité, il nous faut tout de même prendre conscience du fait que les habitants du territoire de la nation Nishnawbe Aski doivent pouvoir payer leur consommation d'électricité, si telle est l'orientation qu'ils adoptent. Nous étudions le recours aux énergies renouvelables, car elles aideront à atténuer les coûts et permettront aussi d'utiliser certaines des ressources disponibles sur place pour chauffer et électrifier les collectivités.

Récemment, le ministre des Affaires autochtones a rendu public un programme de préparation à l'électrification pour aider des collectivités à se préparer au raccordement au réseau électrique. La période prévue pour présenter une demande est d'environ 21 jours. Là encore, en proposant une approche fragmentaire et en ne consultant pas la nation Nishnawbe Aski et l'organisation politique territoriale, on fera en sorte que les collectivités seront harcelées par des consultants qui réclameront un plan. En ne permettant pas à la NNA de coordonner la planification, on aboutira à des plans individuels au lieu d'un plan cohérent et unifié pour notre nation.

Au cours de mon dernier exposé au Sénat, j'ai recommandé le modèle BAILD, soit « Bâtir un avenir pour l'infrastructure et le logement durable », dans lequel le renforcement des capacités, le développement économique et l'investissement sont regroupés en une seule entité. Injecter plus d'argent dans les programmes et services existants n'est pas la solution si nous voulons relever les défis en matière d'infrastructure dans les réserves. Il nous faut une réforme structurelle et de l'innovation pour résoudre les problèmes.

En s'attaquant aux causes profondes et aux problèmes structurels et en mettant en place de solides structures de responsabilisation et de gouvernance, il est possible d'obtenir des améliorations et des résultats concrets. Cela nécessite la coopération d'Affaires autochtones et de Développement du Nord Canada. J'ai abordé le ministère et d'autres protagonistes, et ils sont conscients de l'avantage de la NNA ou d'une entité indépendante de l'organisation politique territoriale si on veut pouvoir gérer et administrer les budgets d'infrastructure plus efficacement, ce qui aboutira à une approche plus régionale, avec un ordre de priorité, afin de pallier les lacunes des infrastructures ou même leur absence.

Ces derniers jours, j'ai eu aussi des entretiens avec PPP Canada et d'autres partenaires d'expérience, qui perçoivent une possibilité très réelle de réaliser des progrès afin d'éliminer les avis d'ébullition de l'eau ou du moins les 21 avis qui touchent ma nation, en recourant à la formule PPP. Pour cela, il nous faut un engagement d'AADNC, c'est-à-dire Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, à consentir d'importantes immobilisations pour aider à réunir les fonds. Il nous faudra aussi travailler avec les collectivités afin de les aider à comprendre pourquoi il est avantageux pour eux et les générations futures de travailler au niveau de la nation tout entière.

L'Atlantic Policy Congress suit un parcours très semblable avec 33 collectivités, qui sont conscientes de la nécessité de trouver un moyen de s'attaquer aux problèmes d'eau dans leurs territoires respectifs, de les gérer et de les régler. La nation Nishnawbe Aski, moi-même et mon équipe de l'Unité de développement économique et de mise en valeur des ressources avons eu des contacts avec John Paul, et nous travaillerons avec l'APC pour faire aboutir les meilleures idées et parvenir à des accords structurés.

J'ai beaucoup parlé des problèmes d'eau dans notre territoire parce que l'eau est tout à fait sacrée pour les Autochtones et qu'elle préoccupe beaucoup les femmes, qui en sont les gardiennes. Bien que ce ne soit pas là le seul problème d'infrastructure, c'est un problème important qui a sur nos membres de nombreuses répercussions sociales et en matière de santé.

Je voudrais maintenant signaler que le développement est actuellement propulsé par l'extraction des ressources naturelles. J'ai une question à poser : pourquoi en est-il ainsi? Le moteur du développement ne devrait-il pas être le fait que des Canadiens vivent dans des conditions déplorables? Comme le Canada est l'un des pays les plus riches du monde, c'est presque une honte que le gouvernement central tolère et laisse durer cette situation.

Il existe beaucoup de comités qui s'occupent de la question de l'eau et des infrastructures, mais nombre d'entre eux ne sont pas axés sur l'action. Une foule de gens se réunissent et énoncent les problèmes, mais sans aboutir à la moindre mesure concrète. J'exhorte les comités, qui sont le plus souvent mis sur pied par le gouvernement, à s'intéresser davantage à l'action concrète au lieu de dépenser de l'argent pour faire des déplacements et pour se renseigner les uns les autres sur les faits nouveaux.

Je vais vous laisser les mêmes recommandations qu'en septembre. Je vous recommande d'exhorter le gouvernement à chercher de nouvelles modalités d'administration des ressources financières et à évaluer les structures actuellement en place et leur efficacité, et à recommander au gouvernement le modèle BAILD. Une note, à ce propos. Il y a tellement de nos problèmes qui sont englués dans la politique que cela devient un gros obstacle au développement. Le recours au modèle BAILD, qui n'a aucun lien avec la politique, aiderait à atténuer certaines de ces difficultés.

Exhortez le gouvernement à attribuer les fonds aux collectivités ou à une entité qui devrait immédiatement mettre leurs réseaux de distribution d'eau à niveau grâce à des engagements financiers à long terme. Si les engagements financiers se limitent à une année, les collectivités ont l'impression de ne pas savoir si les choses se réaliseront jamais un jour.

Exhortez le gouvernement à reconnaître que le renforcement des capacités au niveau local est indispensable à toute évolution durable. Recommandez au gouvernement que le modèle BAILD — dont je rappelle la signification : Bâtir un avenir pour l'infrastructure et le logement durable — devienne un dispositif d'exécution pour le développement, les programmes de logement, la formation et la certification professionnelle, ainsi qu'un élément incontournable pour la coordination de la planification du développement des infrastructures.

Et je le répète, dites au gouvernement qu'il faut des fonds pour assurer une planification locale globale afin d'aider les collectivités à orienter stratégiquement leur développement.

Merci de cette occasion qui m'a été donnée de parler des enjeux de haut niveau que la NNA a cernés, et j'ai hâte d'entendre vos questions. Je ne pourrai peut-être pas donner des réponses complètes, mais il est certain que je pourrai soumettre ces questions à mes dirigeants et vous communiquer leurs réponses si je suis incapable d'y répondre moi- même.

En mon nom personnel et en celui de mon grand chef adjoint, Les Louttit, meegwetch.

Le président : Merci beaucoup de votre exposé mûrement réfléchi. Je voudrais en savoir davantage sur le modèle d'administration régionale de l'infrastructure et sur l'approche BAILD que vous recommandez.

Vous n'avez pas parlé — et vous n'en avez pas réclamé le mérite non plus, ce que vous auriez peut-être dû faire — de l'initiative d'expansion du réseau à large bande, en 2010, grâce à laquelle, sous la direction de la NNA, vous avez réuni des investissements pour offrir un réseau à fibre optique et de meilleurs services à large bande à 26 collectivités éloignées des Premières Nations dans le Nord de l'Ontario.

Je voudrais que vous nous en disiez un mot, si vous le voulez bien. Plus précisément, ce projet, qui a reçu des fonds PPP, est-il un exemple de cette approche que vous recommandez ce soir, fondée sur une administration régionale?

Mme McCraw : Effectivement, cela en est une illustration. Lorsqu'il existe une entité centrale, comme la nation Nishnawbe Aski, lorsqu'il y a une capacité et des ressources auxquelles nous avons accès, cela aide à assurer une coordination entre les collectivités. Bien souvent, elles ne peuvent coopérer entre elles, mais elles peuvent le faire avec la NNA. Elles ne peuvent peut-être pas coopérer entre elles, mais elles appartiennent toutes à la nation Nishnawbe Aski.

Oui, le projet d'expansion du service à large bande est un excellent exemple qui illustre l'utilité d'une administration centrale pour réaliser des projets.

Le président : À Thunder Bay, vous nous avez dit que des fonctionnaires d'Affaires autochtones s'étaient montrés quelque peu réceptifs à cette idée. Pourriez-vous apporter de plus amples précisions? Avec qui avez-vous discuté?

De plus, à propos du récent programme de préparation à l'électrification qui, selon vous, est venu sans beaucoup de préavis et dont vous craignez qu'il ne s'adresse aux diverses collectivités au détriment d'une approche régionale, si je vous ai bien comprise, cette initiative est-elle le fait du service régional d'AADNC ou de l'administration centrale du ministère? Désolé de vous avoir posé plusieurs questions à la fois.

Mme McCraw : Pas de problème. Pour répondre à votre première question, je dirai que j'ai eu des échanges avec Sheila Silva, qui est, sauf erreur, la directrice générale régionale d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, et avec Joan Broussard, qui relève directement de Mme Silva. Elles sont conscientes du fait qu'on a besoin de la NNA pour s'adresser au gouvernement d'une seule voix, et du fait que la situation devient exaspérante parce que le ministère s'adresse directement aux collectivités à titre individuel.

Il y a une quinzaine de jours, j'ai rencontré de nouveau Joan Broussard et Sheila Silva, et elles étaient toutes les deux pleines d'enthousiasme, car elles sont à la recherche de moyens d'atténuer certains de leurs coûts et veulent parvenir à une grande efficacité. La première fois où je leur ai parlé du modèle BAILD, seul le logement était en cause.

Maintenant que nous tenons compte d'autres éléments qui sont liés d'une façon ou d'une autre au développement économique, elles sont disposées à envisager de nouvelles façons de s'y prendre. Il n'y a aucun engagement, bien sûr, et cela ne m'étonne pas vraiment, mais il y a tout de même une ouverture.

L'un des éléments les plus importants, et elles nous appuient à cet égard, c'est qu'il faut faire connaître aux collectivités les avantages que nous pouvons retirer si nous travaillons tous ensemble au lieu de chacun de son côté. Affaires autochtones et Développement du Nord Canada a décidé de nous soutenir financièrement pour concevoir une stratégie de communication afin de diffuser ces idées.

Souvent, les communications s'embrouillent. Chacun comprend à sa façon. Les définitions sont interprétées différemment par chacun. La NNA essaiera de définir une stratégie de communication qui portera sur le logement, les infrastructures, les progrès que nous pouvons réaliser et le fait que travailler ensemble nous aidera à bâtir notre nation.

À propos de la préparation à l'électrification et de l'approche individuelle, je dois dire que le programme a été annoncé par le ministère des Affaires autochtones, qui est un ministère provincial. Le programme a été annoncé le 27 octobre, et vendredi dernier était la date limite pour la présentation des demandes. La NNA n'a pas été consultée au stade de l'élaboration du programme. J'ai rencontré des représentants de ce ministère ce matin et j'ai soulevé avec eux les problèmes que je vous signale aujourd'hui. Si on veut agir efficacement, il faut assurer la coordination à un niveau supérieur.

Le Programme de préparation à l'électrification est destiné uniquement aux collectivités de la nation Nishnawbe Aski. Aucune autre entité n'est concernée. Aucune autre organisation de traité ni OPT ne sont en cause. Nous nous sommes demandé pourquoi on ne ferait pas intervenir l'organisation politique territoriale qui s'occupe de toutes ces collectivités, de façon à avoir un plan unifié de préparation à l'électrification.

Les responsables ont été étonnés du travail que nous avions accompli avec le Confederation College. Là encore, il y a un lien avec notre stratégie de communication avec le gouvernement et avec nos collectivités. Nous allons nous mettre à l'œuvre. Ma première réunion a lieu demain matin.

Il faut renoncer à cette approche individualiste. Si le gouvernement veut accroître l'efficacité et exploiter des économies d'échelle, il doit cesser de s'adresser aux diverses collectivités pour leur faire miroiter des avantages. Nos collectivités sont pauvres. Si on leur propose de leur donner 50 000 $ ou 100 000 $, elles tiennent à obtenir cet argent, mais est-ce pour les bonnes raisons? En arrivera-t-on au plan nécessaire si on veut progresser? Je l'ignore. Sans doute pas.

La situation dans laquelle nous nous trouvons a ses causes. Le gouvernement doit comprendre. Ce n'est que logique, surtout à l'échelon fédéral. Vous devriez collaborer, et cela veut dire travailler de concert avec cet autre gouvernement qu'est la NNA. Je sais que nous ne sommes pas en régime d'autonomie gouvernementale, mais la simple logique veut que, au moins, on demande notre point de vue ou notre aide pour coordonner les programmes appliqués dans nos collectivités.

La sénatrice Dyck : Merci de votre exposé de ce soir. J'essayais de me faire une image de l'organisation, et vous essayez de simplifier les choses en parlant de constituer une entité avec laquelle le ministère travaillerait. Quel serait le rapport entre cette entité et la NNA, par opposition au conseil tribal? Vous parlez des conseils tribaux de chacune des Premières Nations à titre individuel et de la NNA. Les conseils tribaux s'insèrent entre les deux?

Mme McCraw : Il y a trois ordres de gouvernement qui ont été proposés par le gouvernement fédéral. Il y a nos Premières Nations, c'est-à-dire les diverses bandes. Nous avons ensuite les conseils tribaux. Je traite avec sept conseils tribaux, qui se situent au niveau provincial. Puis nous avons la NNA qui, à mon sens, correspond à l'élément fédéral.

La sénatrice Dyck : Vous avez dit que des modifications dans le financement des conseils tribaux avaient perturbé le fonctionnement de ces entités.

Mme McCraw : Exact. Par exemple, le Conseil tribal de Mushkegowuk a perdu 900 000 $ sur 1,2 million de dollars. Il doit maintenant fonctionner avec 300 000 $.

La sénatrice Dyck : Comment les conseils tribaux s'y prennent-ils pour présenter des plans relatifs aux eaux usées et à la distribution d'eau potable, par rapport à la NNA. Relèvent-ils de la NNA?

Mme McCraw : Non, pas à l'heure actuelle. Dans la situation présente, je ne crois pas que tout le monde comprenne les rôles et responsabilités des divers ordres de gouvernement, et c'est un problème que j'ai signalé aux Affaires autochtones, aux conseils tribaux et à mon propre conseil exécutif.

Le sénateur Moore : Vous avez dit que le financement était passé de 1,2 million de dollars à 300 000 $. Que s'est-il passé? Pourquoi cela est-il arrivé?

Mme McCraw : J'ai posé la question au cours d'une réunion, il y a quelques mois, avec des représentants d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, de la SCHL et de divers services d'Affaires autochtones, notamment celui de la gouvernance. J'ai demandé à Ron Mavin, du service de la gouvernance, le motif de ces compressions, je lui ai demandé pourquoi le ministère avait fait cela. Il a répondu que c'était une modification du programme, qu'on voulait réorienter les programmes. Je lui ai demandé si cela avait été expliqué aux conseils tribaux, puisqu'ils n'avaient reçu qu'une lettre leur disant que leurs fonds étaient coupés. Aucune justification. Pourquoi cette mesure? Je ne sais pas trop. On n'a jamais vraiment donné de raison.

Tout ce qu'on a dit, c'est qu'il fallait revoir l'orientation, qu'il fallait revoir le rôle des conseils tribaux et leur mandat. Voilà la réponse que j'ai reçue d'Affaires autochtones et de Développement du Nord Canada.

Le sénateur Moore : Qu'a-t-on fait de l'argent ainsi retiré aux conseils? Vous dites qu'il y a eu une réorientation. Où est allé cet argent que les Premières Nations étaient censées obtenir?

Mme McCraw : Il n'y a aucune réponse, ou bien on ne nous l'a pas donnée.

Le sénateur Moore : Cet argent a-t-il jamais été déboursé? Les fonds ont-ils été versés quelque part? Vous a-t-on dit qu'ils ont été réaffectés à une autre fin?

Mme McCraw : On ne m'a pas dit où ils avaient été réaffectés.

Le sénateur Enverga : Je suis étonné, en un sens. Lorsque nous sommes en déplacement, nous disons sans cesse qu'un seul programme ne peut pas convenir à tous. Or, vous souhaitez que la NNA soit le seul interlocuteur, que nous ne discutions qu'avec ses dirigeants, n'est-ce pas, ce qui est très bien. Cela aidera à tout centraliser.

Je suis désolé mais je n'ai jamais rendu visite à votre nation. Quelle est la population représentée par la NNA?

Mme McCraw : Le territoire de la NNA compte 45 000 personnes réparties entre 49 collectivités.

Le sénateur Enverga : C'est un territoire important?

Mme McCraw : Environ les deux tiers de l'Ontario.

Le sénateur Enverga : C'est grand. Si je pose la question, c'est parce que le montant accordé au conseil tribal est d'environ 1,1 milliard de dollars, et j'essaie de voir ce que cela représente. Parmi ces 45 000 personnes, combien habitent sur le territoire de la nation? Y habitent-elles toutes?

Mme McCraw : Elles vivent toutes dans des collectivités de la nation.

Le sénateur Enverga : Sauf qu'elles sont dispersées partout.

Mme McCraw : Oui.

Le sénateur Enverga : Pourquoi le gouvernement voudrait-il traiter avec une seule entité dans cette région? Toutes les collectivités vivent-elles dans le même cadre topographique et ont-elles les mêmes besoins de base?

Mme McCraw : Je ne dirais pas qu'elles ont des besoins identiques. Je dirais que, à la base, nous avons tous besoin d'eau potable, d'électricité et de routes, comme les autres Canadiens. Chaque collectivité a ses points forts et ses faiblesses. La NNA est en mesure de les cerner. Nous connaissons nos collectivités et nous nous rendons chez elles. Affaires autochtones et Développement du Nord Canada doit s'occuper d'un grand nombre de nations. Impossible pour le ministère de comprendre les complexités ou les caractéristiques de leurs situations particulières, comme celles des collectivités éloignées au Manitoba, dans le Nord du Québec et de l'Ontario.

Le sénateur Enverga : D'après vos statistiques, c'est ce dont vous avez besoin. Pour améliorer la situation, combien vous faudrait-il? Seriez-vous satisfaits du même montant, soit 1,1 milliard de dollars?

Mme McCraw : Ce montant de 1,1 milliard de dollars nous permettrait de mettre les infrastructures actuelles aux normes. Et puis, dans ce chiffre est prévue une croissance sur environ cinq ans, d'après les projections des Affaires autochtones.

Le sénateur Enverga : Pour l'instant, combien pensez-vous recevoir? Je veux dire tout le groupe de la NNA?

Mme McCraw : Bonne question. La NNA ne possède pas cette information.

Le sénateur Enverga : Merci.

Le sénateur Tannas : Merci. Il est agréable de vous accueillir de nouveau.

Si vous n'avez pas d'objection, je voudrais poursuivre dans le même ordre d'idées pour essayer de comprendre la NNA, car il s'agit d'une organisation qui sort de l'ordinaire, par rapport aux autres régions. Je voudrais faire le point pour avoir l'assurance de bien comprendre.

Qui finance la NNA? Ses fonds viennent-ils directement d'AADNC ou la NNA et les activités qu'elle propose sont- elles financées par les Premières Nations qui en sont membres?

Mme McCraw : Non, les sources de financement sont multiples : Affaires autochtones et Développement du Nord Canada; ministère des Affaires autochtones; FedNor, qui assure une grande partie de notre programme, par exemple lorsqu'il s'agit d'en assurer la prestation; Société de gestion du Fonds du patrimoine du Nord de l'Ontario, ministère du Développement du Nord et des Mines. Nos fonds ont été coupés. D'où l'intérêt du modèle BAILD qui permet d'utiliser nos propres forces économiques pour ensuite essayer de devenir moins dépendants du gouvernement.

J'ai quelque chose à ajouter. Alors que le gouvernement permet aux sociétés minières d'aborder les diverses collectivités au lieu de s'adresser aux dirigeants de la nation Nishnawbe Aski, nous serions bien placés pour négocier un partage des revenus provenant de l'exploitation des ressources. Cela serait bénéfique pour l'ensemble du territoire et nous pourrions commencer à nous financer. Mais telle n'est pas la situation. Actuellement, le gouvernement permet aux minières de s'adresser aux divers conseils tribaux, aux diverses collectivités. Il y a donc des problèmes de cet ordre.

Le sénateur Tannas : Votre organisation assure-t-elle des transferts de fonds vers les collectivités membres?

Mme McCraw : Non, elle ne le fait pas.

Le sénateur Tannas : Dans l'état actuel des choses, vos fonds ne proviennent pas de vos membres, et vous ne versez pas d'argent à vos membres non plus. Cela explique probablement un peu le problème que vous éprouvez, soit que certains membres ne tiennent pas compte de votre organisation ou que d'autres parties l'écartent, puisque vous n'avez pas avec les Premières Nations un lien fondé sur la nécessité. Je vous dirai que vous devriez un jour essayer de régler ce problème. Ce que vous dites, je crois, c'est qu'il faut financer toutes les Premières Nations ou des parties importantes de leurs programmes par l'intermédiaire de la NNA, que les Premières Nations participeront et s'intéresseront vivement à ce qu'elle fait.

Mme McCraw : Il est certain que cela favoriserait une approche unifiée, au lieu de l'approche individualiste que nous observons maintenant.

Le sénateur Tannas : Il n'y a rien comme l'argent pour attirer l'attention, n'est-ce pas? Merci de votre point de vue.

Je me suis rendu là-bas, et j'ai fait une visite. Nous sommes allés à des endroits comme Sandy Lake. Cette collectivité fait-elle partie de votre organisation?

Mme McCraw : Oui.

Le sénateur Tannas : Nous sommes également allés à Pic River.

Mme McCraw : Non. Pic River est en fait ma nation d'origine, mais elle se rattache au groupe du traité Robinson du lac Supérieur. Ce n'est pas la nation Nishnawbe Aski.

Le sénateur Tannas : La nation Nishnawbe partage-t-elle une expérience passablement commune lorsqu'il s'agit de certains des principaux moteurs de l'économie comme l'emploi, le paiement de loyers, les revenus propres provenant de sources extérieures? Selon vous, la plupart de vos collectivités sont-elles dans le même bateau? La même solution peut- elle convenir à toutes? Si j'ai posé une question à propos de Pic River, c'est que nous sommes allés là-bas et que nous avons constaté que cette collectivité était très avancée grâce au fait qu'elle est située sur la route transcanadienne, à la mine située à proximité, à une foule d'autres raisons. Toutes les collectivités que vous représentez sont-elles à peu près dans la même situation économique, selon vous?

Mme McCraw : Oui, à l'exception de quelques-unes qui ont un accès routier et sont situées près d'exploitations minières.

Le sénateur Tannas : Merci. Voilà qui est utile.

Le sénateur Sibbeston : Je remarque que votre organisation s'intéresse surtout à la promotion de l'éducation et de la gouvernance, par exemple. Diriez-vous que le gros de votre travail de représentation des Premières Nations vise les gouvernement fédéral et provinciaux? Quelle est votre influence, quelle est votre action dans le domaine du développement économique, des relations avec les entreprises extractives, et ainsi de suite?

Mme McCraw : Oui, notre organisation assure la défense des intérêts politiques. C'est notre premier mandat et le plus important. Nous travaillons beaucoup auprès du gouvernement ontarien et du gouvernement du Canada.

Pour répondre à la deuxième partie de la question, il s'agit du développement économique. À l'heure actuelle, étant donné les règles en place, les compagnies minières n'ont pas à nous consulter. Elles peuvent s'adresser directement aux collectivités. Le gouvernement a estimé que le conseil tribal de Matawa, l'un des sept de mon territoire, était le seul qui serait touché par le projet de développement minier du Cercle de feu, alors que, en fait, c'est tout le territoire qui sera touché. Toute la province sera touchée.

Lorsque les représentants gouvernementaux n'agissent pas au niveau de la NNA, nous pouvons dire, là encore, qu'ils divisent pour régner. Ainsi, le conseil tribal de Matawa est le seul qui profitera des milliards de dollars tirés de l'exploitation des ressources de nos terres? Ce n'est pas juste, mais c'est le choix que le gouvernement a fait.

Le sénateur Sibbeston : L'une des impressions que j'ai retirées des déplacements du comité sénatorial dans le Nord de l'Ontario, cet automne, c'est que, à des endroits comme Sandy Lake, qui est une localité éloignée où il ne semble pas y avoir beaucoup de développement économique, le gouvernement ne semble pas beaucoup s'intéresser à la collectivité. On dirait que ces gens sont isolés là-bas et livrés à eux-mêmes, sans que quiconque semble se soucier d'eux. On a l'impression que personne n'en a rien à faire.

Y a-t-il quoi que ce soit que votre organisation puisse faire pour améliorer la situation, pour améliorer la situation du logement, par exemple? On a l'impression que la collectivité fait son possible avec les ressources qu'elle possède. Mais les problèmes semblent si nombreux, et il ne semble y avoir aucun rapport, aucune relation avec le gouvernement fédéral.

Cela me semble tout à fait hors norme, car je viens des Territoires du Nord-Ouest, et la situation là-bas est fort différente. Toutes les collectivités ont leur député à l'assemblée territoriale. Le député fédéral va là-bas fréquemment. Le gouvernement a des services tout près. Il y a beaucoup plus de communications et il y a des relations beaucoup plus étroites entre les collectivités et le gouvernement, mais j'ai constaté que les collectivités où nous nous sommes rendus semblent très éloignées et privées de toute aide cohérente et bien réfléchie.

Qu'en pensez-vous?

Mme McCraw : Oui, nous tendons la main à nos collectivités. Lundi dernier, je me suis rendue à Pikangikum, par exemple. Des investisseurs, des sociétés minières ont abordé la collectivité. Il y a des ressources minérales dans le territoire de la réserve. La collectivité avait besoin de conseils juridiques avant de s'engager. Je me suis fait accompagner par l'avocat de la NNA pour qu'il m'aide à répondre à certaines questions sur les droits miniers.

Vous faites erreur en disant qu'il n'y a pas beaucoup de développement économique à Pikangikum. Il s'agit en fait de la seule collectivité au Canada qui ait pu obtenir un permis d'aménagement forestier durable. Aucune des Premières Nations au Canada n'y est jamais parvenue. Il lui a fallu 19 ans pour obtenir ce permis.

La collectivité a maintenant un plan d'entreprise qui lui permettra d'aller de l'avant. Elle peut prélever 600 000 pieds cubes de bois chaque année, mais il n'y a aucune coopération de la part du gouvernement pour donner suite à la proposition. J'ai été mise au courant de ce problème, et je vais rencontrer les représentants du ministère du Développement du Nord et des Mines pour discuter du projet proposé et en faire la promotion. Voilà comment nous agissons dans l'intérêt de Sandy Lake.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup. Enchantée de vous rencontrer de nouveau. J'ai une question à vous poser, et j'espère que vous pourrez m'éclairer. Vous comptez 49 collectivités des Premières Nations, mais vous avez bien 7 conseils tribaux?

Mme McCraw : Sept conseils tribaux, c'est exact. Certaines des nations les plus importantes sont indépendantes et n'ont pas de conseil tribal.

La sénatrice Raine : Vous avez 10 niveaux supérieurs différents, si on peut dire.

Mme McCraw : Effectivement.

La sénatrice Raine : Et puis il y a la NNA. Si le gouvernement accordait à la NNA le budget des infrastructures ou du logement, comment établirait-elle les priorités?

Je sais que vous êtes beaucoup plus près des gens que les responsables d'Ottawa ne peuvent l'être, mais il n'y aura probablement pas assez d'argent pour tout le monde ni pour satisfaire tout le monde. Comment la NNA établirait-elle les priorités de façon que cela puisse marcher?

Mme McCraw : Il y aurait des consultations constantes avec nos collectivités ou nos conseils tribaux. Nous agirions par leur intermédiaire. Les conseils tribaux ont des relations encore plus étroites avec leurs collectivités. Nous ferions donc des efforts coordonnés. Pour l'instant, les collectivités ne sont pas au courant de beaucoup de plans internes d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. On peut leur dire : « Oui, votre tour va venir dans cinq ans. » S'il y a beaucoup plus de transparence et d'ouverture et si les collectivités sont conscientes des avantages, de l'argent que nous pouvons mobiliser grâce à ces montants pour tirer le maximum de chaque dollar, elles seraient beaucoup plus réceptives. Mais il va sans dire qu'il faudrait des consultations.

La sénatrice Raine : La consultation, c'est excellent, si vous leur donnez l'argent, mais si vous leur dites qu'elles doivent attendre 10 ans, que 9 autres personnes passent en premier, tout risque de s'effondrer.

Mme McCraw : Tout à fait juste.

La sénatrice Raine : C'est encore la difficulté de faire une planification pour une région qui fait plus de la moitié de l'Ontario. C'est une tâche redoutable. Il peut être intéressant de recourir aux partenariats public-privé et de négocier un peu plus énergiquement avec les entreprises qui exploitent les ressources, peut-être. Estimez-vous que c'est là une solution réaliste?

Mme McCraw : Je le crois. Les partenariats public-privé sont une possibilité indéniable. Je ne dirais pas que c'est une panacée, mais je m'inquiète de mes collectivités où on ne peut boire l'eau ni s'en servir pour se laver ou se brosser les dents. Le reste du pays, le reste des Premières Nations de tout le Canada sont d'accord, n'est-ce pas? Généralement, la plupart des Canadiens accepteront ce point de vue.

Mais il y aura toujours quelqu'un de malheureux. Si le processus est plus transparent, s'il n'y a pas autant de secret et d'individualisme, les collectivités seront beaucoup plus réceptives et sauront comprendre : « Très bien, Neskantaga a besoin de telle chose cette année, elle en a absolument besoin. Les gens doivent faire bouillir leur eau depuis 13 ans. » Enfin, il y a eu une cérémonie d'inauguration des travaux pour la construction de l'école à Pikangikum. La collectivité est privée d'école depuis des années. Avant que tout cela se passe, nous réussissions à unir nos efforts, n'est-ce pas, avant que nous ne devenions le Canada.

Il y aura toujours des différends entre les clans. Il y aura toujours ce genre de problème, mais ce sont des gens qui savent comprendre. Si nous expliquons clairement nos idées de façon à les faire comprendre, de façon que tous comprennent les définitions des différents termes, tout marchera bien mieux.

La sénatrice Raine : Je suis désolée de prendre un peu trop de temps, mais je me demande ceci : si la NNA était aux commandes, aurait-elle dépensé 81 millions de dollars pour un réseau de fibre optique ou aurait-elle aménagé des réseaux de distribution d'eau? Est-ce de cette façon qu'elle aborderait les choses?

Mme McCraw : Nous établirions certainement des priorités. La haute vitesse, c'est bien, mais je préférerais probablement avoir de l'eau potable ou avoir des maisons où il y a une seule famille au lieu de quatre.

Il faut assurément définir des priorités, et tous les chefs se réunissent pour le faire. Les 49 chefs se rassemblent au moins deux fois par année. Il y a des moyens de planifier les priorités et les projets, d'élaborer une planification régionale. C'est comme une grande famille. Nous avons tous nos divergences, comme dans nos familles, mais il y a aussi une certaine unité. Toutefois, lorsque le gouvernement intervient pour dire qu'il ne peut donner qu'un certain montant, il y a des luttes. On divise pour régner au lieu de bâtir la nation.

La sénatrice Raine : Merci. Je comprends.

Le sénateur Moore : Merci de venir nous voir encore une fois.

Dans votre réponse au sénateur Sibbeston, vous avez parlé de Sandy Lake. La NNA est-elle partie aux négociations sur la mise en valeur du Cercle de feu?

Mme McCraw : Non. Le gouvernement de l'Ontario a invité Mushkegowuk parce que les opinions exprimées par les collectivités de Matawa étaient partagées. Nous n'avons pas notre mot à dire sur le partage des revenus provenant de l'exploitation des ressources. Nous ne signons pas ces accords. On a jugé qu'un seul conseil tribal allait profiter de cette exploitation.

Le sénateur Moore : Dans la zone du Cercle de feu, y a-t-il un des sept conseils tribaux qui font partie de la NNA?

Mme McCraw : Oui, le Conseil tribal de Matawa. C'est là que se concentrent les minéraux. Et les effets de l'activité tendent à gagner le territoire de Mushkegowuk. Il ne s'agit pas tant de l'extraction proprement dite des ressources, mais plutôt des effets de l'activité extractive, car Mushkegowuk se trouve sur la côte de la baie James et de la baie d'Hudson et les eaux s'écoulent de ce côté. Il y a donc contamination.

Le sénateur Moore : Il y a des problèmes environnementaux.

Mme McCraw : Effectivement.

Le sénateur Moore : Puis-je vous demander de jeter un coup d'œil au tableau qui se trouve au bas de la page 3 de votre mémoire?

Mme McCraw : D'accord.

Le sénateur Moore : Quels sont les deux premiers éléments, madame McCraw, « Independent » et « Independent First Nations »?

Mme McCraw : L'Independent First Nations Alliance est un conseil tribal. Les indépendantes sont les grandes Premières Nations qui ne sont rattachées à aucun conseil tribal.

Le sénateur Moore : Combien y a-t-il de Premières Nations dans la première catégorie?

Mme McCraw : Je crois qu'il y a six nations indépendantes.

Le sénateur Moore : Six. Et dans la deuxième catégorie, il y en a une seule?

Mme McCraw : Non.

Le sénateur Moore : Combien y en a-t-il?

Mme McCraw : Je ne suis pas sûre des chiffres exacts.

Le sénateur Moore : Dans les deux premières colonnes, « Water & Wastewater Future Servicing » et « Water and Wastewater Total and Future Servicing », y a-t-il chevauchement ou double emploi entre les parties « Future Servicing » de ces chiffres?

Mme McCraw : Non. Dans la première colonne, il s'agit des projections relatives à la croissance pour ce qu'il faudra de neuf. À la deuxième, il s'agit de la modernisation des installations.

Le sénateur Moore : Des installations existantes?

Mme McCraw : Des installations existantes, avec le même genre de projections fondées sur les prévisions de croissance d'AADNC.

Le sénateur Moore : C'est la NNA qui a dressé ce tableau?

Mme McCraw : En quelque sorte, oui. Nous avons mené une étude qui a été réalisée par Neegan Burnside. Il s'agit du rapport Neegan Burnside.

Le sénateur Moore : À quand remonte l'étude? Les chiffres sont-ils récents?

Mme McCraw : Assez récents. Ils remontent à 2011.

Le sénateur Moore : Les chiffres sont impressionnants, comme quelqu'un d'autre l'a dit.

Le président : Pourriez-vous nous donner une idée du degré d'éloignement des 49 collectivités? Nous avons eu la chance de visiter, grâce à des routes d'hiver, des localités desservies par avion. Pourriez-vous nous donner une idée du nombre de ces 49 nations qui ne sont pas desservies par le réseau routier?

Mme McCraw : Il y en a 37.

Le président : Trente-sept sont desservies par des routes d'hiver?

Mme McCraw : Trente-sept sont éloignées.

Le président : Les défis soulevés par l'éloignement dans le cas du logement se posent-ils aussi pour les infrastructures.

Mme McCraw : Oui, assurément.

Le président : Vous recommandez notamment d'exhorter le gouvernement à examiner une nouvelle façon d'administrer les ressources financières et d'évaluer les structures actuelles. Vous avez dit clairement qu'il faut recommander une approche plus unifiée. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous parler de quelques idées au sujet de cette nouvelle manière d'administrer les ressources financières?

Mme McCraw : Je veux dire que, au lieu de donner de l'argent aux diverses collectivités, on pourrait le faire passer par un organisme central, qu'il s'agisse du modèle BAILD ou d'un autre dispositif indépendant du politique. Comme je l'ai dit, la façon de faire actuelle entrave beaucoup le développement. Il pourrait donc y avoir une sorte d'entité, et je parle du modèle BAILD.

Le président : À notre dernière séance, nous avons entendu des représentants de l'APN nous dire que le financement à court terme constitue un autre problème. Selon eux, un engagement à plus long terme faciliterait le financement ou des formes plus innovatrices de financement. Qu'en pensez-vous?

Mme McCraw : Je suis tout à fait d'accord pour dire que nous avons besoin d'engagements à long terme. Je comprends que le gouvernement a certaines restrictions, mais si Affaires autochtones et Développement du Nord Canada veut être dans la même situation que maintenant dans 10 ans, il lui suffit de continuer à agir comme il le fait maintenant. Mais si le ministère souhaite que la situation évolue, il doit s'engager. Le dossier des affaires autochtones ne va jamais disparaître. Peu importe le gouvernement en place, le dossier sera toujours là, et des engagements à plus long terme nous permettront d'accomplir beaucoup plus de choses. Même à mon propre niveau, je travaille au renforcement des capacités dans les collectivités, comme la formation d'agents de développement économique, mais, année après année, je dois demander des fonds pour assurer cette formation. Si je pouvais compter sur cinq ans de financement, je pourrais former 49 de ces agents, et nous aurions dans chaque collectivité des agents qui jouent leur rôle à fond, mais je ne peux en former que sept ou huit à la fois. Cela devient pénible.

La sénatrice Raine : Redoutable.

Le président : J'ai été frappé par le fait que vous décriviez une initiative provinciale en disant que cela ne s'était pas très bien fait. Il s'agissait du projet d'électrification du ministère provincial des Affaires autochtones.

Vous parlez de collaboration avec le gouvernement au niveau régional, et vous avez eu des entretiens avec AADNC. C'est ce qui s'est passé avec l'expansion du réseau à large bande; la province, les services fédéraux et même un partenaire du secteur privé ont collaboré. Souhaiteriez-vous obtenir du ministère provincial des Affaires autochtones de l'argent pour les infrastructures? Avez-vous discuté de cette idée avec le ministère provincial?

Mme McCraw : Oui, je sais que la nation Nishnawbe Aski a abordé le ministère des Affaires autochtones et le gouvernement provincial bien des fois et a demandé : « Où êtes-vous? Quelle est votre place à la table des discussions? » Pour être tout à fait honnête, depuis que je travaille à la NNA, il est très difficile de parler avec un sous-ministre adjoint ou un sous-ministre du ministère des Affaires autochtones. Les responsables des programmes changent sans cesse. Jusqu'à maintenant, j'ai dû présenter des rapports financiers trois fois en sept mois — et il s'agit du même rapport — parce que les responsables de projet ont changé. Il est peut-être difficile de traiter avec le gouvernement d'une nation autochtone, mais ce peut être difficile aussi à d'autres niveaux.

Le président : Vous parlez de la province?

Mme McCraw : Oui.

Le président : Merci. Le sénateur Moore est la dernière personne inscrite sur ma liste.

Le sénateur Moore : Je reviens sur la question du président. Vous devez présenter à répétition la même demande. Pourquoi? Le bureau a le dossier. Pourquoi présenter de nouveau les documents. Je ne comprends pas.

Mme McCraw : Vous voulez parler des rapports financiers soumis au ministère des Affaires autochtones?

Le sénateur Moore : Vous avez dit que vous aviez dû présenter le rapport bien des fois parce que les fonctionnaires changent. Le dossier reste pourtant là, peu importe qui occupe le bureau. Pourquoi avez-vous à présenter de nouveau le rapport?

Mme McCraw : Parce qu'on me le demande. Je ne sais pas trop pourquoi on m'a demandé de le présenter de nouveau.

Le sénateur Moore : C'est une pure perte d'énergie et de temps.

Mme McCraw : Je suis tout à fait d'accord.

Le sénateur Moore : La NNA existe depuis 1973, et ce sont les Premières Nations du Nord de l'Ontario. Avez-vous songé à donner plus d'ampleur à l'organisation pour l'étendre à une plus grande partie ou à la totalité de la province? Je suppose que les nations membres de la NNA ont jugé que c'était une réussite. Si c'est un modèle fructueux, avez- vous songé à élargir l'organisation pour lui donner plus d'influence, pour qu'elle devienne un porte-parole unique auprès du gouvernement, votre partenaire latéral?

Mme McCraw : Je ne sais pas si ce serait possible. Il y a des divisions profondes. Nous avons des Algonquins dans ce territoire, des Ojibways et le groupe du traité Robinson du lac Supérieur, des Cris et des Oji-cris. Je ne suis pas sûre qu'on souhaite cette expansion. Je sais que des groupes assujettis au Traité 3 font partie de la nation Nishnawbe Aski. L'organisation a été constituée au départ comme le Grand Conseil du Traité 9. C'est pourquoi elle s'est étendue au territoire actuel.

Le sénateur Moore : Je croyais que ce serait peut-être avantageux. C'est tout.

Mme McCraw : C'est possible. Il faudrait étudier la question.

Le sénateur Moore : Il doit y avoir une communauté d'intérêt, sans égard aux tribus et aux cultures. Il doit y avoir des éléments pour lesquels il serait préférable d'être uni pour aborder telle ou telle instance. De toute façon, c'était une simple idée.

Mme McCraw : Je suis d'accord. J'insiste sur le fait que les collectivités qui ne sont pas éloignées, dans le Nord de l'Ontario, sont dans une situation fort différente de celle des collectivités éloignées.

Le sénateur Moore : Je comprends. Merci.

Le président : Comme je ne vois personne d'autre qui veut poser des questions, je vais vous remercier chaleureusement, madame McCraw, d'avoir aidé le comité pour un autre volet de son étude. Vous êtes le premier témoin d'une organisation régionale que nous ayons entendu. J'ai été très intéressé par ce que vous avez dit de votre collaboration avec l'Atlantic Policy Congress, car nous entendrons de nouveau les représentants de cette organisation. Il est intéressant de constater que, dans une autre région de notre pays, se dessine une évolution semblable vers une approche régionale du financement et de la construction des infrastructures. Nos échanges ont été très stimulants. Merci encore.

Là-dessus, chers collègues, je lève la séance.

(La séance est levée.)


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