Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 10 - Témoignages du 3 décembre 2014
OTTAWA, le mercredi 3 décembre 2014
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 18 h 50, en public, pour étudier les problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations, puis à huis clos, pour étudier un projet d'ordre du jour pour l'étude de ces problèmes.
Le sénateur Dennis Glenn Patterson (président) occupe le fauteuil.
Le président : Je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et je souhaite la bienvenue à tous mes collègues sénateurs et aux membres du public qui soit nous regardent par la Chaîne d'affaires publiques par câble, sur le Web, soit sont présents ici.
Je m'appelle Dennis Patterson, sénateur du Nunavut et j'ai l'honneur de présider le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.
Notre mandat est d'examiner les projets de loi et les questions touchant en général les peuples autochtones du Canada. Aujourd'hui, nous entendons un témoignage conformément à un ordre de renvoi qui nous autorise à examiner les défis et les solutions éventuelles touchant les infrastructures dans les réserves, notamment le logement, les infrastructures communautaires, des approches novatrices pour leur financement et des stratégies de collaboration plus efficaces ainsi qu'à faire rapport sur ces questions. Nous avons terminé nos audiences sur le logement et nous nous intéressons maintenant aux infrastructures.
Avant d'accueillir notre témoin et de l'entendre, je demande à mes collègues de bien vouloir se présenter eux-mêmes à tour de rôle.
Le sénateur Moore : Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Sibbeston : Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest.
La sénatrice Dyck : Lillian Dyck, de la Saskatchewan, vice-présidente du comité.
Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
La sénatrice Greene Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.
Le président : Chers collègues, accueillons ensemble notre témoin de la nation Swan Lake, M. Desmond Gould. Nous avons hâte d'entendre votre exposé, après quoi nous vous poserons des questions réfléchies. Allez-y, je vous en prie.
Desmond Gould, directeur des opérations, Première Nation Swan Lake : Je vous remercie de m'accueillir. Notre chef Francine Meeches envoie ses excuses. Elle n'a pas pu venir.
Je peux accepter de la remplacer parce que je viens de Swan Lake, pour qui je travaille à divers titres depuis 19 ans. J'ai été agent de la GRC pendant 20 ans, à la fin de ma carrière, quand Swan Lake faisait partie de mes responsabilités. J'ai eu l'occasion de faire partie de son équipe après un malheureux accident et j'ai pris ma retraite quand j'ai cessé de pouvoir m'acquitter de tâches générales. J'ai adhéré à l'équipe de Swan Lake en 2005 et j'agis depuis à titre de directeur des opérations de cette nation. Je suis un Indien inscrit de la nation Pinaymootang. Je parle ojibwa. Pinaymootang se trouve à environ quatre heures au nord de Swan Lake.
Swan Lake est une communauté d'environ 1 500 âmes. La réserve compte environ 650 habitants. Nous leur fournissons quotidiennement divers services. Swan Lake consiste en un parc de logements d'environ 140 unités. Pour l'adduction de l'eau, nous avons des réseaux fermés et ouverts. Nous possédons diverses infrastructures, notamment le bureau de la bande, qui vient d'être construit, en grande partie grâce à nos revenus autonomes. Nous avons un nouveau centre de santé et un ensemble de huit logements qui accueillent au moins 55 personnes. Nous avons depuis construit un hôtel de cinq unités, que nous réserverons aux employés du nouveau casino des Premières Nations. Le casino ne nous appartient pas, mais aux 64 Premières Nations du Manitoba, qui s'en partagent les revenus. Il se trouve sur un terrain de 20 acres de Swan Lake, sur les terres Carberry.
Swan Lake consiste en quatre blocs de terrain : 6 400 acres sur les terres Carberry, plus 40 acres près de Headingley, qu'on considère quelque peu comme une réserve urbaine; le plus gros terrain, la réserve centrale, qui comprend plusieurs sections de terrain et un plus petit terrain, près de Portage. Les adjonctions les plus récentes se sont faites par addition à la réserve, au fil des années.
Quand j'ai commencé là-bas, en 1995, j'étais policier. Je pense que c'est vers cette époque qu'on a acheté le terrain, à Headingley, 26 acres contiguës au terrain de golf Bloomberg près de la ville de Winnipeg. À l'époque, l'administration a aussi acheté 6 400 acres de terres agricoles, à environ 45 minutes au nord-ouest de la communauté. C'est là que nous venons juste de terminer quelques entreprises de développement économique. Nous avons construit des infrastructures pour l'adduction et le traitement des eaux usées, qui ont coûté des millions de dollars, afin de saisir des occasions économiques de logement dans cette région.
Surtout, comme je l'ai mentionné, il y a le casino, le casino Sand Hills, maintenant situé sur ces terrains et qui en utilise les équipements. Les quelque 140 employés du casino ne sont pas tous de la nation Swan Lake. Il y en a quelques-uns, mais les emplois et l'activité que suscite le casino attirent plusieurs personnes de communautés environnantes, ce qui contribue à augmenter le développement économique de non seulement Swan Lake, mais des petites communautés de Carberry, Glenboro et cetera. Il attire des gens de loin.
Swan Lake assume fièrement ses progrès des quelques dernières années. À mon arrivée à Swan Lake, en 2005, elle traversait, comme beaucoup de Premières Nations, une période de tribulations. Sa dette se chiffrait à 2,8 millions de dollars, alors qu'elle n'avait presque pas de revenus autonomes pour se sortir de ce pétrin.
Le plan de gestion financière de la communauté lui a notamment permis de reconnaître les causes de l'endettement. On peut disposer de tous les plans de gestion financière du monde, ils ne valent pas plus que le papier sur lequel ils sont rédigés si on ne les applique pas.
Nous avons été en mesure de l'appliquer; nous avons dû prendre des décisions financières difficiles, pour la dotation des postes et les programmes. Nous avons dû apprendre à vivre selon nos moyens.
Avant tout, cerner les causes de nos déficits. Le respect des accords de contribution, des rôles qui nous étaient attribués par les diverses parties — le gouvernement peut-être, le ministère des Affaires autochtones ou la Première Nation et la direction de la santé — tout en faisant le bilan de nos revenus autonomes, nous a aidés à nous sortir du pétrin.
Nous avons mis les bouchées doubles pour nous désendetter. Je crois que nous avons ainsi gagné un an. Avant tout, nous avons dû nouer des rapports, pas seulement avec les communautés avoisinantes, mais aussi avec divers gouvernements et diverses institutions financières, afin d'avancer grâce à leur collaboration. Swan Lake a fait du chemin.
Au début, on m'a dit qu'aucune institution financière ne travaillerait avec elle en raison de la nature de sa dette. Il s'ensuit qu'elle a dû engager beaucoup de ses revenus autonomes.
Comme je disais, j'ai fait partie, pendant 20 ans, de la GRC. J'ai eu l'occasion de travailler dans diverses communautés de notre province, dont beaucoup étaient autochtones. Cela m'a permis de beaucoup observer les modes de vie, et, en de nombreux endroits, ils sont aujourd'hui inacceptables. Ainsi des gens n'ont pas encore l'eau courante.
Jusqu'à mon 10e anniversaire, c'était le cas chez nous. Je sais bien de quoi il s'agit. Nous en rions encore, mes frères, mes sœurs et moi. Nous étions sept. Nous prenions notre bain à tour de rôle dans une cuve galvanisée, les plus jeunes en premier. J'étais l'enfant du milieu.
Des gens vivent comme ça aujourd'hui. Nous, à Swan Lake, nous sommes chanceux. Nous avons la possibilité de créer diverses entreprises et de les affecter à la production de revenus autonomes. Je ne crois pas que, en Ontario, vous puissiez vous payer le luxe de faire appel au jeu comme nous, au Manitoba. Nous avons deux salles pleines d'appareils de loterie vidéo qui sont une source importante de revenus autonomes destinés à payer les dépenses entraînées par divers programmes, pas seulement la construction de logements, mais d'autres programmes aussi comme l'éducation, et cetera.
En ce qui concerne les terrains affectés aux activités culturelles, nous possédons ce qu'il faut. Nous sommes en mesure de les louer. Un conseil des anciens est membre de la communauté, et nous louons les terrains aussi à des membres de communautés avoisinantes.
Nous élevons aussi des bisons. Nous espérons augmenter le caractère commercial de cet élevage. Le nombre de bisons est d'environ 220. Je ne les ai pas comptés dernièrement. Nous avons eu aussi un élevage commercial de bovins, mais nous venons de vendre les animaux. Nous l'avons fait au mauvais moment, avant que les prix ne s'envolent. Swan Lake saisit toutes les occasions qui se présentent pour diversifier ses sources de revenus.
Il n'a pas été facile pour moi de décrocher mon poste actuel de directeur des opérations, vu mes antécédents de policier. La diversité de mes expériences m'a beaucoup aidé. Avant, j'entendais toujours parler d'histoires d'horreur qui se passaient à huis clos dans les Premières Nations et je voulais le constater par moi-même.
À force de travail et d'ingéniosité, tout est possible. Mais il faut changer les mentalités, non seulement des bureaucrates et du gouvernement; il faut aussi les responsabiliser, sans oublier les personnes de la base, les hauts fonctionnaires qui travaillent pour nous, ceux de notre administration ainsi que les chefs et les conseils.
Nous nous prodiguons mutuellement ce conseil : vivre selon nos moyens. Dans nos budgets, nous mettons en évidence les divers accords de contribution que nous avons conclus. Nous avons nos rencontres budgétaires, comme tout le monde, avec le chef et le conseil. Swan Lake tient une réunion hebdomadaire, contrairement à ce que j'ai vu dans beaucoup d'autres Premières Nations où j'ai été agent de police, mais l'idée sous-jacente est celle de communiquer. En effet, nous ne serons pas toujours heureux des diverses ententes de financement avec lesquelles nous devons vivre et, effectivement, il y a des moments où je fais l'éloge de mes divers interlocuteurs aux Affaires autochtones. Chapeau aux divers agents des services financiers qui, en collaborant avec nous, avec moi, notamment, en ma qualité de directeur des opérations de Swan Lake, m'ont enseigné plusieurs trucs pratiques qu'il faut connaître dans cette sphère d'activité.
Après souper — merci mesdames pour le repas —, j'ai eu l'occasion de parler avec ce jeune homme qui m'a dit que même dans notre situation, on ne peut pas s'imaginer tout savoir d'avance. Impossible! On apprend un peu tous les jours. On n'est pas parfait; beaucoup de choses sont encore perfectibles. Nous avons beaucoup à faire, et la principale mission dont Swan Lake s'est chargée, quand j'ai débuté dans cette communauté, ç'a été de déterminer nos priorités par rapport à nos gens, et ç'a été le logement des nôtres.
Notre milieu de vie reflète ce que nous sommes. C'est un autre de nos sujets de prédication. Propreté des cours, maisons bien rangées, pas de graffitis. Réparations ou remplacements immédiats des choses brisées ou disparues par les responsables.
Voilà notre régime. Conformément à notre politique de logement, nous faisons payer un loyer pour tout logement de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, de la SCHL, ce que beaucoup de Premières Nations du Manitoba ne font pas, à moins que les occupants ne soient des bénéficiaires de l'aide sociale. Quel message est-ce que cela envoie?
Bien administrés, les logements de la SCHL sont abordables. Tant que les comptes de banque, la réserve de placement, celle d'entretien et de maintenance, et cetera, respectent les ententes signées avec la SCHL, la subvention qu'on reçoit contribue beaucoup à maintenir le logement abordable.
Comme je l'ai dit, notre classe active de Swan Lake, les travailleurs, paie un loyer pour les différentes unités d'après les critères de la SCHL et aussi d'après les critères de l'aide sociale. Nous devons donc injecter l'argent que nous recevons à la faveur de ces diverses ententes de location dans divers comptes, pour maintenir ce type de logements.
Nous avons profité de divers programmes gouvernementaux, comme par exemple le programme Logements adaptés : aînés autonomes, les divers programmes d'aide à la remise en état des logements, de tous ces programmes pour reconnaître les infrastructures et les rénovations à faire dans la Première Nation.
Je peux me vanter du fait que nous avons ainsi rénové 98 p. 100 de notre parc immobilier. Certaines de ces unités nous coûtent dans les environs de 60 000 $. L'une d'elles a été réduite à son ossature en bois. Au début, il s'agissait de remplacer le placoplâtre à l'intérieur, mais c'était moisi de part en part, ce qui nous a obligés à tout remplacer. En allant au travail un jour, ne voilà-t-il pas que je vois la maison de Tony, réduite à son ossature. Qu'était-il arrivé? C'est une réalité. Je suis allé dans ma Première Nation natale et j'ai pu y voir une maison habitée remplie de moisissure. C'est inacceptable.
Mais beaucoup de Premières Nations du Nord n'ont pas notre chance. Nous sommes à une heure et demie de Winnipeg, à 1 heure 20 minutes de Brandon et à 20 minutes de la frontière américaine. Une autre communauté importante, Winkler, se trouve à 40 minutes de distance. Nous avons donc la possibilité de provoquer une sorte de développement économique pour maintenir le type d'infrastructures dont nous avons besoin.
Effectivement, nous pouvons acheminer des demandes auprès de divers gouvernements pour obtenir des dollars destinés aux infrastructures et, encore une fois, je ferai l'éloge du ministère des Affaires autochtones pour son aide dans la détermination des fonds qui nous permettent de concrétiser certaines de nos entreprises, c'est-à-dire les stations d'épuration de l'eau et de traitement des eaux usées. Actuellement, nous envisageons de construire un complexe de bureaux d'une superficie de 55 000 pieds carrés, contigu au terrain de golf près de Winnipeg. Régulièrement, nous recevons des appels de chercheurs de bureaux : quand les travaux seront-ils terminés? Nous avons besoin d'échéanciers.
Le problème, c'est de trouver l'argent pour l'étape suivante. Effectivement, nous en obtenons d'Affaires autochtones, et cetera. C'est fondamentalement de l'argent de démarrage. Nous devons avoir nos fonds propres. Nous avons songé à épargner dans des certificats de placement garantis pour ce genre de fonds destinés aux périodes difficiles, pour prouver aux diverses institutions financières que nous sommes capables de veiller à nos ressources, à nos revenus autonomes. Cela les rassure sur les remboursements.
Ce complexe de 55 000 pieds carrés est une entreprise autonome. Quand elle aura démarré, on n'aura plus besoin de s'en occuper.
Mon problème, qui reviendra encore cette année, est que nous venons seulement de trouver divers fonds pour les infrastructures de ce projet. Mais nous avons obtenu lundi le feu vert de l'administration centrale du ministère des Affaires autochtones. D'après les documents, nous devons dépenser d'ici le 31 mars le montant que nous recevrons. Ce genre de délai est celui qui me fait m'arracher les cheveux, particulièrement au moment où nous recevons le financement. On n'est pas réaliste dans la prise en considération de certains facteurs comme la météo pour certains éléments infrastructurels.
On ne peut pas enfoncer de pieux en ce moment. Je ne sais pas combien de gens ont eu l'occasion de s'aventurer au Manitoba ces dernières années, mais il faisait moins 29 l'autre jour et le sol est gelé. J'ai eu l'occasion de parler à la jeune femme responsable du projet au ministère des Affaires autochtones, et elle va voir ce qu'elle peut faire pour nous aider en ce qui concerne les délais ou les résultats attendus dans l'accord, afin que nous puissions trouver une solution de rechange. Je ne veux pas redonner cet argent à la région, car il sera redonné à l'administration centrale, et les administrateurs ne veulent pas cela non plus. Il faut que quelque chose change lorsqu'il s'agit des délais.
La collectivité de Swan Lake a un autre avantage comparativement à de nombreuses autres Premières Nations de la province; en effet, la collectivité a son propre code foncier. Nous sommes l'une de seulement trois Premières Nations du Manitoba qui ont leur propre code foncier, ce qui aide à accélérer les processus liés au développement économique et à la construction de nouvelles structures, et cetera. Nous n'avons pas à nous soucier de la paperasse et de la bureaucratie liées aux garanties ministérielles. Nous produisons nos propres garanties maintenant par l'entremise de notre code foncier, de nos diverses servitudes, et cetera.
Auparavant, lorsqu'on procédait avec la manière archaïque qui exigeait la présentation de diverses demandes, il fallait des mois, sinon des années, pour obtenir une approbation pour bâtir une petite entreprise. Pour les gens qui ne le savent pas, de nombreuses élections menant à des changements dans l'administration, les chefs et les conseils se déroulent tous les deux ans au Manitoba. Lorsque le moment est enfin venu de lancer un nouveau projet, les membres de l'administration changent. Dans un grand nombre de cas, les priorités changent également, mais pas dans tous les cas.
Les Premières Nations sans code foncier doivent composer avec ce type de difficultés.
Certaines des politiques du ministère des Affaires autochtones doivent également faire l'objet d'un examen approfondi lorsqu'il s'agit de l'infrastructure. Par exemple, il y a des années, avant que je travaille pour la collectivité de Swan Lake, ses dirigeants ont décidé d'obtenir un prêt. Ils ont déterminé qu'ils avaient besoin d'un prêt d'environ 400 000 $ pour installer des conduites pour transporter l'eau aux résidences de la Première Nation. Ils se sont donc adressés au ministère des Affaires autochtones en espérant être libérés de certains fonds après les faits. Toutefois, ils n'ont pas satisfait aux critères de la politique du ministère, car cette dernière exigeait l'installation d'un tuyau de 10 pouces au lieu du tuyau de 6 pouces qu'ils utilisaient. De nombreuses municipalités de la région utilisent des tuyaux de 3 pouces pour l'eau, car ils permettent d'économiser de l'argent.
Lorsque nous avons obtenu des fonds du ministère des Affaires autochtones pour installer des tuyaux supplémentaires, l'un des problèmes auxquels nous avons été confrontés, c'est que nous devions utiliser des tuyaux de plusieurs tailles différentes. De plus, les bornes-fontaines devaient être séparées les unes des autres par un certain nombre de mètres précis. On s'est donc retrouvé avec une borne-fontaine au milieu de nulle part. Je riais justement l'autre jour lorsque je suis passé près de l'une d'elles. Qui utilisera cette borne-fontaine? Pourtant, les gens de la communauté vivent près des écoles, et cetera. Les bornes-fontaines ne sont pas à proximité, mais elles doivent respecter les précisions énoncées dans les mandats et les politiques.
Certaines de ces choses doivent changer pour correspondre à la réalité de l'infrastructure des Premières Nations.
Nous avons également construit, encore une fois avec l'aide du ministère des Affaires autochtones, un centre de recyclage qui semble bien fonctionner. Il s'agit de sensibiliser les gens de la communauté. C'est nouveau pour eux. Notre site d'enfouissement des déchets, même s'il n'offre pas la meilleure vue, est l'un des plus propres que j'ai vus chez les Premières Nations. Nos employés s'en occupent très bien.
Il ne s'agit pas seulement de l'infrastructure, mais en utilisant nos propres revenus autonomes, en cernant les priorités de la collectivité à l'aide d'un chef et des membres d'un conseil, en cernant les besoins de la population, nous sommes également en mesure d'améliorer notre équipement de construction. Nous venons d'acheter de nouvelles niveleuses, une autre chargeuse qui s'ajoute aux trois que nous possédons déjà, des chargeurs à direction à glissement et des autobus scolaires. Si nous utilisions les budgets ou les fonds d'immobilisations que nous recevons, il nous faudrait 20 ans pour acheter un nouvel autobus scolaire en mettant de côté 5 000 $ par année. Cela ne fonctionne pas, et nous trouvons donc nos propres revenus autonomes pour fournir des marchés de services sécuritaires.
Je n'ai pas d'autres points qui me viennent à l'esprit. Je vais maintenant répondre aux questions et si je pense à autre chose, j'en parlerai.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Gould. C'était très intéressant, y compris votre histoire personnelle.
La sénatrice Dyck : Je crois que je vais poser une brève question pour commencer.
Il semble qu'au départ, vous étiez dans une situation peu enviable et que vous étiez endettés et maintenant, vous vous en tirez extrêmement bien. Dans les informations qu'on nous a fournies, je remarque que vous avez signé un accord sur les droits fonciers issus de traités et j'aimerais savoir quand il a été signé et si cet accord sur les droits fonciers et les fonds ou les terres qui y étaient liés représentait l'une des étapes essentielles qui vous ont permis d'agrandir votre assise territoriale et de générer des revenus autonomes.
M. Gould : L'accord sur les droits fonciers issus de traités a été signé avant que je commence à travailler pour la collectivité de Swan Lake. Je travaille pour la collectivité depuis neuf ans et demi, et l'accord a été signé bien avant cela, car il a fallu environ huit ans, je crois, pour effectuer le transfert des terres.
L'accord sur les droits fonciers issus de traités a en effet amélioré les occasions liées aux revenus autonomes, surtout avec les propriétés d'Headingley, où nous avons bâti une autre installation de jeu qui contient 30 appareils de loterie vidéo. Nous avons construit un poste d'essence qui a généré des revenus. Nous avions une ancienne structure d'hôtel/ motel là-bas que nous avons rénovée et transformée en immeuble de bureaux, et il est plein maintenant. Nous avons une liste de gens qui veulent s'installer là-bas pour travailler près de Winnipeg et travailler sur les terres visées par les traités.
Nous avons ensuite saisi l'occasion offerte par l'ajout des 6 400 acres à Carberry, où nous avons commencé à constituer un troupeau de bisons. Nous n'avons pas beaucoup de résidences là-bas. À l'époque, ce n'était pas la vision de l'administration d'en faire une région plus communautaire. Il s'agissait de terrains de chasse, et cetera, mais maintenant, on leur donne une orientation plus commerciale.
Il y a quelques années, nous avons construit une structure pour les services aux enfants et à la famille dans la région, c'est-à-dire le Dakota Ojibway Child and Family Services, et nous louons cette structure à l'organisme. L'argent du loyer sert à payer les activités de fonctionnement de l'édifice, l'amortissement, et cetera, et cette initiative ne coûte donc rien à la Première Nation. Nous avons construit cinq maisons en bois que nous ouvrirons cette semaine. Nous avons quelques photos si vous souhaitez les voir. Je vais en faire la promotion ici.
Nous venons de terminer un parc pour véhicules récréatifs avec 40 emplacements sur ces nouvelles terres avec 50 raccordements aux services et à l'eau. Ces terrains sont adjacents au parc Spruce Woods, et nous avons donc profité de cette occasion. Nous avons également un camp de jeunes là-bas qui contient des dortoirs pour les enfants de chaque sexe, et cetera, et nos chaperons y travaillent. Le site est alimenté par l'énergie naturelle, l'énergie éolienne, l'énergie solaire et le propane. Les enfants l'adorent. Cela nous a aidés à cerner des occasions de création de revenus autonomes et d'ajouts pour la réserve.
La sénatrice Dyck : Merci.
Le sénateur Tannas : Je vous remercie beaucoup d'être ici et de nous communiquer vos connaissances et votre expérience.
Pourriez-vous nous fournir certaines statistiques pour comparer la situation de 2005 à la période actuelle? Plus précisément, j'aimerais connaître le pourcentage que représentaient les revenus autonomes en 2005. Je crois que vous avez parlé de zéro, mais pourriez-vous le confirmer, et nous fournir également la comparaison en pourcentage en ce qui concerne les emplois des membres de la bande à l'époque et aujourd'hui, ainsi que le pourcentage représenté par les revenus autonomes dans vos revenus totaux et les données et les statistiques liées à l'emploi?
M. Gould : Lorsque je parle d'ententes de contribution, je parle des ententes du ministère des Affaires autochtones et des ententes en matière de santé. À l'époque, Swan Lake avait un poste d'essence qui a essentiellement fait faillite. La seule autre source de revenus était la location de terres et il y avait une petite allocation pour les appareils de loterie vidéo pour la Première Nation. En raison des ajouts à la réserve et au code foncier, nous avons été en mesure de profiter de ces autres occasions économiques et de ces occasions de créer des revenus autonomes, et ces revenus autonomes sont nécessaires pour lancer des entreprises dans des nouveaux domaines de développement économique. Je ne vois pas comment d'autres Premières Nations peuvent y arriver sans revenus autonomes, à moins qu'elles les tirent de divers partenariats.
En ce qui concerne l'emploi dans certains domaines, nous avons dû effectuer diverses compressions et réductions, afin de percevoir des revenus des diverses entités pour réaliser les amortissements, afin de respecter notre plan de gestion financière.
Nous avons mis de côté des dizaines de milliers de dollars par mois pour effectuer ces paiements pour éliminer le déficit. Par conséquent, nous avons dû prendre des décisions difficiles et nous avons dû expliquer aux gens de la communauté pourquoi ces décisions étaient nécessaires. À l'époque, je dirais que nos revenus autonomes représentaient 10 p. 100 de nos contributions totales selon notre vérification consolidée. Elles dépassaient grandement la contribution de nos divers fonds gouvernementaux.
Le sénateur Tannas : Qu'en est-il du taux d'emploi réel, non seulement les emplois que les bandes peuvent offrir aux travailleurs, mais parmi les membres de la collectivité, combien ont un emploi aujourd'hui comparativement à ceux qui avaient un emploi en 2005?
M. Gould : Nous avons probablement augmenté l'emploi de 100 p. 100, du moins en ce qui concerne les divers projets que nous avons entrepris. Nous avons élargi nos divers programmes en matière de santé, et cetera. Nous nous éloignons de ce qui fait partie de l'infrastructure, mais ce qui fait les bons gouvernements et les bonnes entreprises, ce sont les ressources humaines, et la personne ou les personnes qui les gèrent. Les ressources humaines représentent une grande partie de ce qui manque aux diverses Premières Nations. C'est un luxe que nous ne pouvons pas nous permettre.
Le chef et les membres du conseil de Swan Lake ont trouvé de l'argent, encore une fois, dans les revenus autonomes, alors que le financement du soutien de la bande que nous obtenons du ministère des ffaires autochtones n'est pas suffisant pour faire fonctionner aisément un gouvernement. Nous devons donc, encore une fois, utiliser nos revenus autonomes pour cerner des postes qui font partie intégrante de la prestation de services à la collectivité.
Les ressources humaines représentent l'un de ces postes, tout comme les projets spéciaux et l'aide aux projets spéciaux. Mon poste en représente un autre. Ce sont des postes qui ne sont pas directement financés par des dollars fédéraux.
Le sénateur Enverga : Je vous remercie de votre exposé. Je suis heureux de savoir que votre bande est celle qui s'est sortie des dettes et qui est devenue une collectivité prospère.
Maintenant que votre bande est en croissance et qu'elle devient vraiment plus progressive, les autres membres de la bande qui ne vivent pas avec vous ont-ils signalé leur intention de revenir? Vous ont-ils dit cela? Êtes-vous prêts à les recevoir s'ils reviennent?
M. Gould : Étant donné que les terrains que j'ai identifiés plus tôt sont distincts, une grande partie des occasions liées au développement économique ne se trouvent pas dans la réserve principale. Une grande partie d'entre eux vivent déjà à Winnipeg et cherchent des emplois et des occasions là-bas.
En ce qui concerne les installations de Carberry, elles sont situées à 30 ou 45 minutes de Brandon, et de nombreux membres de la bande qui vivent déjà à Brandon postulent des emplois là-bas.
Le problème qui se pose pour la Première Nation, c'est le logement en cas d'afflux de la population, et nous devons garder cela à l'esprit. La Première Nation a entrepris de construire huit maisons en bois. Nous avons notre propre scierie. Nous avons abattu nos propres arbres. Nous avons notre propre moulin. Nous avons notre propre niveleur. Nous avons saisi l'occasion de construire huit maisons en bois, mais manifestement, elles étaient limitées à cet égard. Elles coûtent également de l'argent.
Nous tentons de trouver des approches innovatrices. Nous avons construit un complexe de huit logements pour nos personnes âgées. Nous n'avons pas d'établissement de soins pour personnes âgées, ce qui serait souhaitable, mais nous avons quelque chose de similaire. Il s'agit d'un complexe de huit logements pour personnes qui peuvent vivre de façon autonome dans un appartement à une chambre. Nous tentons de les convaincre de laisser leur maison pour déménager dans ces appartements, afin de libérer des maisons pour les familles qui ont un ou deux enfants.
Par exemple, cette année, nous avons affecté beaucoup d'argent à deux unités de logement de la SCHL. Nous avons combiné ces deux logements pour en faire un logement à six chambres pour une famille qui a neuf enfants. Il faut donc penser de façon créative pour répondre aux besoins de la communauté.
En ce qui concerne les gens qui reviennent, nous ne devons pas oublier que nous devons leur trouver des logements si nous voulons les — je n'utiliserai pas nécessairement le verbe « accepter », car ce sont déjà des membres de la communauté, et ils peuvent revenir s'ils le souhaitent, mais il sera difficile de leur fournir un logement.
Le sénateur Enverga : C'est un peu progressif, mais pouvez-vous me dire combien d'argent la bande reçoit du gouvernement pour l'infrastructure ou les logements? Je cherche à connaître le coût. Combien d'argent le gouvernement donne-t-il à votre bande en ce moment?
M. Gould : Je n'ai pas la vérification consolidée devant moi. Je ne connais pas vraiment la réponse aux questions liées aux sommes données à la Première Nation. Les divers financements qui sont fournis à la Première Nation représentent des ententes de contribution par l'entremise d'un arrangement, c'est-à-dire une entente de financement Canada-Premières Nations, avec le gouvernement fédéral, mais les diverses entités de cette entente peuvent varier.
Je présume que je ne suis pas à l'aise avec le verbe « donner ». Ces sommes servent à exécuter des programmes dans la Première Nation.
On nous fournit de l'argent pour les diverses entités liées, par exemple, à l'éducation, à l'aide sociale, à l'infrastructure, aux soutiens à la bande, aux assurances, et cetera. Il s'agit de fonds fournis à la Première Nation pour fournir des services aux gens de la communauté.
Le sénateur Enverga : N'avez-vous pas une idée approximative de ces fonds?
M. Gould : Je vais vous donner un exemple lié à l'infrastructure. Nous avons une infrastructure fondée sur la bande. On nous fournit 364 000 $ pour entretenir notre infrastructure dans la collectivité. Par exemple, il coûte environ 170 000 $ pour assurer nos édifices. Notre usine de traitement des eaux usées a fait augmenter le prix de nos assurances de 28 000 $, mais nos fonds n'augmentent pas pour correspondre à l'entretien des diverses infrastructures que nous construisons.
C'est facile de construire un édifice. Mais il faut également l'entretenir, l'assurer et embaucher des gens pour le faire fonctionner. Notre entente de financement Canada-Premières Nations n'augmente pas à la suite de ces nouveaux projets, et c'est également un problème. C'est seulement un exemple.
Nous parlons de nos enjeux liés à l'éducation depuis assez longtemps. Nous avons l'impression qu'en raison de l'entente, les services que nous offrons en matière d'éducation ne sont pas compatibles ou parallèles à ceux offerts par les entités provinciales. Nous recevons du financement pour l'éducation, c'est-à-dire environ 7 500 $ par élève chaque année. Comme nous devons payer pour les études de nos élèves de la 9e à la 12e année à l'extérieur de la réserve, c'est-à- dire 11 000 $, ce n'est pas compatible et cela nous force à utiliser l'argent de nos revenus autonomes pour améliorer nos divers programmes qui présentent des lacunes.
Je ne sais pas comment les autres Premières Nations qui n'ont pas le luxe d'avoir ces revenus autonomes sont en mesure d'aller de l'avant avec certaines de ces entités.
Le président : Si je peux ajouter à la question du sénateur Enverga, vous parliez des gens qui reviennent dans la réserve. Je crois que vous avez dit que les gens souhaitaient vivre dans le parc de maisons mobiles que vous avez construit, si j'ai bien entendu. N'avez-vous pas dit qu'ils voulaient vivre sur les terres visées par les traités?
M. Gould : Nous n'avons pas construit de parc de maisons mobiles. Il s'agissait de travaux sur un immeuble de bureaux.
Le président : Je suis désolé.
M. Gould : Il n'est pas encore ouvert. Nous venons de l'acheter. On termine les rénovations après l'avoir déplacé. Il s'agissait d'une RTM. C'est une structure de cinq unités pour faciliter la vie des couples ou des personnes seules qui travaillent à Carberry, car il faut 50 minutes pour s'y rendre à partir de la réserve, et en raison de leur salaire, ils trouvent difficile de justifier un déplacement de 100 milles chaque jour. Afin de réduire certaines pressions financières, nous avons décidé de leur fournir cette unité pour qu'ils puissent y vivre, et ils paieront un loyer minimal et cela leur épargnera du temps de déplacement, et cetera.
Le sénateur Sibbeston : En vous écoutant, monsieur Gould, cela me fait penser à une émission de télévision. Vous avez probablement déjà vu America's Got talent, ou l'équivalent en Grande-Bretagne ou dans un autre pays, l'émission dans laquelle des chanteurs se produisent sur scène devant des juges. Il arrive de temps en temps qu'un d'entre eux les subjugue totalement. C'est un peu ce à quoi vous me faites penser. Vous êtes l'un de ces talents. Je m'attendais à voir une femme, parce qu'on devait rencontrer la chef ce soir. Mais vous êtes arrivé, et d'une voix toute douce, vous nous avez raconté votre vie personnelle et toutes ces choses extraordinaires que la bande et vous êtes en train de mettre en place.
Cela étant dit, on peut difficilement parler uniquement de logement. Je tiens pour acquis que vous avez tous fait un excellent travail dans le dossier du logement. Vous avez dit avoir 140 maisons. Je présume qu'elles sont toutes en bon état. Tout le monde semble payer un loyer. Au sein de la bande, il semble que les gens s'efforcent de vivre selon leurs moyens. Je vois tellement d'initiatives qui me semblent louables et sont un gage de succès pour la Première Nation. Selon mon expérience, c'est une des choses les plus difficiles pour les Premières Nations, notamment parce qu'elles avaient un mode de vie différent. Il y a 50 ans, dans le Nord, où j'ai grandi, les gens vivaient dans la nature, ils vivaient dans la forêt. Au pays des Inuits, où Dennis a vécu de nombreuses années, les gens habitaient dans des igloos. Ces gens qui avaient un mode de vie de subsistance doivent donc apprendre aujourd'hui à vivre dans des collectivités et à fonctionner comme les Blancs.
Ce qu'il faut que les Autochtones comprennent, c'est qu'ils n'ont vraiment pas le choix. Il faut se lancer en affaires. Il faut faire comme les Blancs, c'est-à-dire prendre conscience que notre ancien mode de subsistance est chose du passé. Il faut maintenant apprendre à utiliser un ordinateur, se faire instruire, et cetera, suivre le courant comme les Premières Nations le font actuellement.
J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet, car je trouve cela tellement fantastique que vous et votre Première Nation ayez fait ce saut, ou ce changement, ou cette transition vers un nouveau mode de vie moderne, et que vous soyez conscients de devoir compter sur vous-mêmes, sur vos propres moyens. Vous avez même félicité les fonctionnaires du ministère des Affaires autochtones, et nous n'avons jamais entendu une nation autochtone le faire. Il y a donc beaucoup d'éléments positifs ici.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus? C'est tout à fait inhabituel, et je vous en félicite.
M. Gould : De nos jours, la technologie et le monde qui évolue rapidement sous nos yeux font en sorte qu'on voit la nécessité de se lancer en affaires. Il faut parfois voir les Premières Nations — et ma grand-mère va sans doute se retourner dans sa tombe — comme une entreprise. Quand on est dans les affaires, il faut parfois prendre des décisions difficiles. Cela fait partie du jeu. Si on prenait toujours nos décisions avec ceci, on aurait des problèmes. On aimerait cela, mais on ne peut pas. Il faut parfois dire non.
Cela étant dit, il faut aussi parfois dire oui. Il faut parfois sortir des sentiers battus, penser à des projets qui vont fournir de nouvelles possibilités aux gens de la place — pas seulement aux gens de la communauté, mais aussi à ceux des alentours, parce qu'ils apportent de l'argent au sein de la communauté.
Les gens de Swan Lake qui vivent à proximité — il y a une collectivité qui s'appelle aussi « Swan Lake » tout près de nous — viennent aussi nous rendre visite. Ils viennent faire le plein, jouent à nos TLV, achètent des produits, et cetera. C'est comme une petite entreprise. Il faut vendre nos produits aux collectivités qui nous entourent.
C'est très excitant, en fait, d'aller de l'avant. On sait qu'on fera des faux pas, et on sait qu'il y aura des dépassements de coûts. On sait aussi qu'il faudra trouver une solution pour continuer d'avancer. Chaque jour apporte son lot de difficultés. Ce n'est pas facile. À la fin de la journée, toutefois, lorsqu'on a accompli quelque chose, cela en vaut la peine.
Le sénateur Sibbeston : Il y a quelques années, nous avons eu un nouvel évêque dans les Territoires du Nord-Ouest. Jusqu'alors, la plupart des églises tenaient des bingos pour amasser de l'argent pour financer leurs programmes. Cet évêque a toutefois interdit les bingos. Plus de bingos. L'Église catholique ne voulait pas avoir de bingos. Pour ce qui est du jeu, des TLV, et je sais que l'idée circule au sein des bandes autochtones, à savoir qu'elles ne devraient pas encourager leurs propres gens à jouer, et qu'on devrait même interdire ces appareils, car c'est franchement une mauvaise habitude. C'est mauvais et cela peut nous ruiner. C'est comme l'alcoolisme, c'est mauvais.
Comment gérez-vous cela? Comment justifiez-vous l'idée d'avoir des TLV dans les réserves qui peuvent entraîner des problèmes pour les Autochtones qui les utilisent?
M. Gould : Nous avons divers programmes pour tenter de déceler ces problèmes. Les TLV font partie des difficultés avec lesquelles il faut régulièrement composer, et je l'admets volontiers. Certaines personnes doivent, en soi, apprendre à contrôler leurs envies.
Nous offrons des séances d'information. Nous diffusons de l'information au sein des établissements, un peu comme le Programme national de lutte contre l'abus de l'alcool et des drogues chez les Autochtones, ou PNLAADA. Comme dans le cas de la drogue et de l'alcool, il faut informer les gens. À la longue, ils finissent par apprendre. C'est tout ce que je peux vous dire.
Il y a quelques semaines, je suis allé au casino, qui se trouve sur les terres de la Première Nation de Swan Lake. J'y ai peut-être vu 10 Autochtones à l'intérieur. Tous les autres, plus d'une soixantaine, étaient des personnes d'origine non autochtone qui jouaient sur les appareils. J'appelle cela « de l'argent frais ». Ce n'est pas de l'argent ayant circulé; c'est de l'argent frais. J'aime bien ces entrées d'argent frais, et vous êtes tous invités à venir faire un tour.
Sérieusement, nous savons ce que cela implique et nous en sommes conscients. J'informe beaucoup mon personnel et les gens de la communauté qui viennent dans mon bureau. Nous avons différentes situations, et si c'est nécessaire, je dis : « Je ne veux pas te voir à côté, d'accord? Ne t'inquiète pas, je n'y vais pas ».
Mais nous ne balayons pas ensuite le problème sous le tapis. Nous sommes en mesure de repérer les gens vulnérables et nous essayons de les aider.
Le président : Pour poursuivre dans la même veine, je pense que nous avons tous été surpris par le fait que vous avez félicité les fonctionnaires avec lesquels vous travaillez, et par le fait que vous avez parlé des bonnes relations que vous entretenez avec les agents des services de financement, les ASF. Comment y êtes-vous arrivés? Est-ce vous qui avez communiqué avec eux, ou eux qui ont communiqué avec vous?
M. Gould : Cela va dans les deux sens. J'ai toujours entendu parler des histoires d'horreur, des astuces utilisées par le ministère des Affaires autochtones : « Nous n'avons jamais reçu votre télécopie », « Les fonds sont bloqués », « Nous n'avons jamais reçu vos rapports », et cetera. Il faut donc renverser la situation. Ils devaient nous rendre des comptes.
Nous avons donc réussi à établir de bonnes relations — une bonne relation de travail — et j'ai dit très clairement à nos ASF : « Vous allez me rendre des comptes, et non pas le contraire. Cela va dans les deux sens ».
Un des meilleurs instruments à avoir été mis en place pour les Premières Nations, c'est le système de Paiements de transfert aux Premières nations et aux Inuits, ou système PTPNI. Il y a un nouvel acronyme maintenant. Je pense qu'on parle du SGISC. Grâce à cet instrument, on peut savoir instantanément quels sont les échéanciers pour les rapports. On sait instantanément quels sont nos budgets, les montants qu'on reçoit du gouvernement. On a toute cette information au bout des doigts.
Si je prépare un rapport et que je l'envoie et qu'on me dit : « Oh, nous n'avons pas reçu votre rapport », je vais dans le système et je peux leur dire « Oui, vous l'avez reçu, c'est indiqué ici ».
Le président : Est-ce un système qui fonctionne sur le nuage? Pourriez-vous nous donner plus de détails, s'il vous plaît?
M. Gould : C'est un programme qui provient du siège social du ministère des Affaires autochtones, ici. On y trouve toutes les composantes, tous les formulaires. On y trouve tous les échéanciers pour les rapports. On y trouve tous les montants qui sont versés pour les programmes, ce qui est attendu, de part et d'autre, et cetera. C'est un bon instrument pour se surveiller l'un l'autre, pour ainsi dire. On sait toujours où en sont nos rentrées de fonds, les sommes qui sont à venir pendant le reste de l'année financière, ce qui nous aide beaucoup quand on s'occupe de divers programmes. On peut vérifier nos budgets, voir ce qui fluctue. On peut voir où on en est rendu dans un programme. Mes responsables des travaux publics peuvent me dire : « Nous avons besoin de cela », et je peux leur répondre par exemple : « Non, vous allez devoir attendre. Vous avez déjà dépassé votre budget. Vous allez devoir attendre quelques mois, l'an prochain, et vous débrouiller en attendant. » Il faut parfois leur rappeler qu'ils doivent respecter leur budget, ce qu'ils ont sur papier. Ce qu'on a sur papier et ce qu'on a à la banque sont deux choses différentes. Vous le savez tous. Nos employés doivent aussi en être conscients.
Le président : Merci. Le SGISC, le Système de gestion de l'information - subventions et contributions, c'est un système web de gestion des paiements de transfert qui automatise le processus de transferts des paiements du ministère, gère l'information des ententes de financement et offre un accès en ligne aux Premières Nations et aux autres bénéficiaires du financement.
M. Gould : C'est un des outils que nous utilisons depuis 2007 et qui est le fruit de notre collaboration avec les ASF à l'époque. Je leur ai dit qu'il devait y avoir une meilleure façon de faire, et ils m'ont répondu qu'il y avait cet instrument. Vous savez quoi? Il n'y a que quelques Premières Nations qui l'utilisent.
Le président : D'accord, c'est très intéressant. C'était l'ancien PTPNI. Merci.
La sénatrice Raine : Merci beaucoup. Je suis très heureuse d'avoir votre point de vue. Croyez-vous qu'encore aujourd'hui, il y a très peu de Premières Nations qui utilisent le SGISC?
M. Gould : Au Manitoba — je ne sais pas ce qu'il en est ailleurs au pays —, je crois que nous ne sommes qu'une poignée à le faire.
La sénatrice Raine : Et pourtant, c'est un outil qui est à la disposition de toutes les Premières Nations, n'est-ce pas?
M. Gould : C'est un outil qui est offert à tous. En raison des compressions budgétaires et de tout le reste, il n'y a plus personne pour aller donner la formation.
La sénatrice Raine : Aimeriez-vous prendre le contrat?
Je trouve cela intéressant, parce que, de toute évidence, si vous voulez contrôler les finances de la réserve, vous avez besoin d'un outil comme celui-là qui vous facilite vraiment la vie parce que vous pouvez savoir en un clin d'œil où en sont vos budgets.
M. Gould : On peut savoir quelles sommes ont été versées et travailler en respectant les limites. C'est un outil que mon équipe de gestion et moi trouvons très utile pour contrôler nos budgets.
La sénatrice Raine : À Swan Lake, vous êtes régis par la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Vous avez donc un plan de gestion des terres, n'est-ce pas?
M. Gould : Oui, en effet. C'est beaucoup de travail. Il a fallu travailler très fort pour le faire adopter par la communauté, la partie élection. Ce qui est difficile pour les communautés, c'est de recenser la majorité pour le vote. Nous avons discuté de cela avec une autre forme de gouvernement l'autre jour, et il faut que cela change.
Je n'irai pas par quatre chemins. Quand j'ai quitté la maison, j'avais 17 ans. Je voyais alors la maison comme un endroit où je reviendrais de temps en temps. Je ne me souciais pas des décisions prises par ma nation après mon départ. Je laissais aux responsables le soin de s'en occuper, de prendre les décisions politiques. Cela ne me regardait pas.
Maintenant que je suis passé de l'autre côté, je sais à quel point il est important de continuer à s'intéresser aux décisions qui sont prises. Cela étant dit, si tout le monde avait la même mentalité que moi, que personne ne voulait continuer à voter, et cetera, alors il est naturellement difficile d'avoir les pourcentages requis pour que cela fonctionne.
Il faudrait qu'on se penche sur la question, parce qu'il y a eu un vote récemment, et je pense que c'est au Manitoba, la semaine dernière, et 90 p 100 des gens étaient en faveur. Mais ils n'avaient pas le pourcentage requis pour l'adopter, et la Loi sur la gestion des terres est un gros élément pour toutes les Premières Nations qui veulent avancer.
La sénatrice Raine : Ce que vous dites, c'est que la Loi sur la gestion des terres devrait être modifiée de façon à vous permettre, si à la première tentative, vous n'arrivez pas à joindre tous les membres de la bande, à atteindre le pourcentage requis, vous pourriez procéder à un nouveau vote, et avoir un pourcentage un peu plus élevé parmi ceux qui ont voté.
M. Gould : C'est exact.
La sénatrice Raine : Oui, je comprends que cela peut causer beaucoup de problèmes. Participez-vous à diverses activités de gouvernance, notamment avec Harold Calla, qui était ici la semaine dernière?
Le président : Le Conseil de gestion financière des Premières Nations ou le Fonds d'aide au logement du marché pour les Premières nations?
M. Gould : Je fais partie de l'Association des agents financiers autochtones du Canada, le représentant du Manitoba. Je n'ai pas de titre. Je ne sais pas pourquoi on m'a élu. J'ai refusé à deux reprises, mais la troisième fois, on ne m'a pas donné le choix. Je siège donc à ce conseil depuis quelques années maintenant.
La sénatrice Raine : Je sais que la Loi sur la gestion financière des premières nations et les pouvoirs qui en découlent visent concrètement à mettre en place des systèmes de gouvernance qui vous permettraient d'emprunter aussi sur les marchés.
M. Gould : Oui, je sais. Encore une fois, cela demande énormément de travail également.
La sénatrice Raine : Bien sûr.
M. Gould : Ce n'est pas aussi simple qu'il en paraît. Quand vient le temps de déterminer les Premières Nations qui sont prêtes à en prendre beaucoup plus, elles doivent aussi abandonner le contrôle sur diverses sources de revenus. Beaucoup de Premières Nations trouvent difficile de le faire, quand il faut obtenir ses propres sources de revenus, comme Swan Lake.
C'est presque comme si on utilise les contrats qu'on fait signer aux joueurs de hockey. « Nous allons vous donner ceci, mais voici ce qu'on veut au cours des années ». Il faut donc bien réfléchir à ce qu'on obtient au bout de la ligne.
La sénatrice Raine : La question que je voulais vraiment vous poser concerne le projet de parc éolien sur lequel vous travaillez. Pourriez-vous nous dire où vous en êtes? Je crois savoir que vous examinez la possibilité d'un partenariat public-privé pour le financer. Est-ce possible de le faire pour un parc éolien?
M. Gould : Non. Le coût était d'environ un demi-million de dollars pour nous. Nous espérons que cela demeurera un projet réalisable plus tard. Nous avons travaillé avec Hydro-Manitoba et le gouvernement fédéral sur ce projet. Pour diverses raisons budgétaires et l'aspect financier par rapport au prix du kilowattheure, ils nous ont laissé le tout sur les bras, pour ainsi dire. C'est un dossier qui reste ouvert. Nous ne le fermons pas, parce que nous espérons que les choses changent. Je pense qu'il y avait aussi un partenaire privé.
Il est très chevronné. Il ne travaille pas à l'heure actuelle en raison de divers congés. Je ne sais pas quand il sera de retour, mais c'est lui qui travaillait sur le projet. Je n'en sais pas plus. Je m'excuse, mais je ne voudrais pas vous induire en erreur.
La sénatrice Raine : Si je ne me trompe pas, les parcs éoliens peuvent être rentables s'ils sont reliés d'une manière ou d'une autre à un projet hydroélectrique. On entrepose l'eau et quand le vent souffle, les systèmes interagissent.
M. Gould : Il y a un parc de 68 éoliennes qui est adjacent à la réserve, mais pas sur les terres de la réserve. La bande de Swan Lake devait recevoir l'information puisque des tours devaient être érigées sur ses terres. Nous avions suffisamment de puissance éolienne pour cette structure. Le projet devait s'élever à quelque 24 millions de dollars. Ce devait être un parc éolien communal et le courant produit devait être vendu au réseau. On a conclu que ce n'était pas possible en raison du prix au kilowattheure au Manitoba par rapport au prix en Ontario.
La sénatrice Raine : Peut-être que l'Ontario subventionne ses parcs éoliens, mais je n'en suis pas certaine. C'est ce qui arrive quand on examine diverses possibilités; elles ne seront pas toutes avantageuses. Certaines sont plus rentables à long terme, d'autres à court terme.
M. Gould : Nous n'avons pas clos le dossier. Nous espérons toujours qu'une occasion va se présenter.
La sénatrice Raine : Notre étude porte sur l'infrastructure. Quels sont les besoins de votre collectivité à cet égard en ce moment? Comment entrevoyez-vous la suite de ces projets?
M. Gould : Pour les besoins en infrastructure de ma collectivité, l'eau est primordiale. Nous avons un système ouvert et un système fermé pour les résidences et les entreprises. Dans un système ouvert, l'eau est transportée par camion- citerne de l'usine de traitement aux réservoirs. C'est ce qu'on entend par « système ouvert ».
Dans un système fermé, l'eau est acheminée par des conduits jusqu'aux résidences. Nous sommes à 50 p. 100 de la capacité de ce système, mais nous aimerions que tout le réseau fonctionne ainsi.
C'est un autre type de système qui a été installé à l'usine de traitement des eaux usées que nous avons construite cette année. C'est un système de tambour revêtu d'une membrane filtrante, alimenté par les boues. Quand nous sommes allés voir le système à Denver, j'ai dit à ce monsieur qui nous en faisait la démonstration « Si vous buvez cette eau, nous allons l'acheter. » Le traitement des eaux est une priorité pour nous du côté de l'infrastructure.
Le projet de Headingley offrira de très belles possibilités de développement économique. Nous visons d'abord un immeuble à bureaux. À elle seule, cette proposition a une valeur de 11 millions de dollars. Nous voulons construire un centre commercial ainsi qu'un hôtel et centre de congrès. Nous aurons une nouvelle station-service. Nous voulons une pharmacie, des cabinets de médecins, et cetera. Nous espérons que ces possibilités seront offertes et que tout sera autosuffisant en temps opportun. Nous allons de l'avant. Comme je le disais, des fonds ont été réservés pour les fondations. Nous avons entrepris les travaux de génie civil pour l'immeuble à bureaux.
Nous allons devoir conclure diverses ententes de service avec les municipalités rurales avoisinantes; peut-être des ententes sur les services de sécurité-incendie et/ou de traitement des eaux usées, entre autres. Il faut aussi penser aux ententes sur les services de police. C'est une entente de ce genre qui m'a amené à travailler à Swan Lake — une entente communautaire tripartite au sujet des services de police communautaires des Premières Nations. C'était en 1995, et j'y ai été policier pendant neuf ans. On m'a appelé au travail un jour. À ma retraite, j'ai acheté un restaurant-salle de quilles. On m'a téléphoné pendant que j'étais là-bas et j'ai annoncé à ma femme que je retournais au travail. J'étais encore en congé pour raisons médicales. Le restaurant était un bon investissement.
Dans toute collectivité, une chose est primordiale, c'est-à-dire d'offrir aux jeunes des cours de préparation à l'emploi et de la formation professionnelle. Chez nous, on a ri de certains adolescents, parce qu'ils ne savaient même pas comment laver la vaisselle. Partout, il faut enseigner l'autonomie à nos jeunes. Nous avons fait beaucoup de chemin en ce sens à Swan Lake. Nous avons un centre de formation au bureau du conseil de bande. Nous avons construit un nouveau bureau pour le conseil de bande. Cela nous a coûté près de 1,5 million de dollars. Encore une fois, c'est un projet qui a été financé par nos propres revenus. Nous y avons donc aménagé un centre de formation qui contient environ 20 ordinateurs et où on offre le programme d'éducation aux adultes de 12e année. Une enseignante d'une collectivité voisine, située à 45 minutes, vient au centre trois fois par semaine. Elle enseigne dans un collège à d'anciens décrocheurs, qui n'avaient pas pu finir leurs études à l'époque. Ils retournent à l'école pour avoir leur diplôme de 12e année.
Nous sommes en mesure de savoir combien de jeunes nous arrivons à rejoindre lors des pow-wows locaux annuels. Avant, nous avions entre 5 et 10 diplômés, et aujourd'hui, nous en avons 30. Nous soulignons leurs réalisations lors des pow-wows annuels, à l'intérieur et à l'extérieur des réserves.
Le sénateur Moore : La présidente a posé une question sur le parc de véhicules récréatifs. Je crois que vous avez parlé d'un parc de 40 unités.
M. Gould : Je croyais avoir entendu « parc pour maisons mobiles ». Ce n'est pas cela. C'est un parc de véhicules récréatifs pour le camping.
Le sénateur Moore : D'accord. Les gens apportent leur remorque pour le week-end ou pour l'été. Il y a 40 stations dotées d'une borne d'électricité.
M. Gould : Oui. Il n'est pas ouvert exclusivement aux membres de la collectivité, mais à tout le monde. C'est à côté du parc de Spruce Woods et du Sand Hills Casino. Il y a une faune incroyable dans les environs, divers sentiers de randonnée, des dunes de sable et une rivière pour faire du canot.
Le sénateur Moore : L'avez-vous aménagé ou est-ce que c'était déjà là et vous l'avez restauré?
M. Gould : Nous l'avons aménagé à côté du parc national. Nous avons saisi l'occasion. C'est une administration précédente qui avait eu l'idée d'acheter les terres adjacentes en vue de les développer. Il ne nous restait qu'à terminer l'aménagement du parc pour véhicules récréatifs.
Le sénateur Moore : Les 6 400 acres de terres sont situées, si j'ai bien compris, à 50 minutes de la réserve. Pourquoi votre choix s'est-il arrêté sur ces terres plutôt que sur celles bordant la réserve? Comment la décision a-t-elle été prise?
M. Gould : Comme je le disais, cela a été fait avant que j'arrive.
Le sénateur Moore : Savez-vous comment cela s'est passé?
M. Gould : L'occasion s'est présentée. Les terres appartenaient à un agriculteur. Il avait une énorme exploitation bovine. En raison des droits fonciers issus des traités, l'administration a eu la possibilité d'acheter des terres. Elle a acheté ce qu'il y avait de disponible dans les environs de la réserve, mais toutes les terres ne sont pas à vendre, et quand elles le sont, le prix demandé peut être astronomique. Le chef de l'époque, aujourd'hui décédé, avait une vision pour ces terres. C'est une campagne magnifique, agrémentée de dunes de sable et d'une rivière. C'était le territoire de chasse de la bande. Ça l'est toujours, mais il y a maintenant aussi un développement commercial.
Le sénateur Moore : Il y a maintenant un élevage de buffles.
M. Gould : Il y a en effet un élevage de buffles. Il y en a 120 là-bas et encore 120 à la réserve. Les aînés ne voulaient pas que toutes les bêtes soient déplacées, comme nous l'avions prévu.
Le sénateur Moore : Puis-je vous demander quels sont les plans pour l'immeuble à bureaux? Si j'ai bien compris, vous les avez soumis à l'administration centrale, comme vous dites, et vous avez eu des nouvelles aujourd'hui. Est-ce que c'était par rapport à ce projet?
M. Gould : Nous avons eu des nouvelles lundi.
Le sénateur Moore : Et c'était concernant ce projet, la proposition d'immeuble à bureaux.
On nous a déjà dit que ces travaux ne pouvaient pas être effectués en hiver. Quand avez-vous soumis la demande initialement, monsieur Gould? À quand remonte la demande?
M. Gould : Cela fait un bon moment.
Le sénateur Moore : Cela fait des mois ou des années?
M. Gould : Il y a un an. Des fonds avaient été réservés pour les travaux de génie civil. Environ le quart de ce qu'on nous offre maintenant pour les fondations avait été mis de côté. Le financement a été augmenté lundi. Les fonds étaient limités au départ, mais on nous a avisés lundi que les trois quarts manquants du financement avaient été débloqués, soit une hausse de 300 p. 100. Les créances seront réglées d'ici le 31 mars ou à peu près.
Comme je le disais, je travaille avec les représentants du ministère des Affaires autochtones de notre région, et j'espère que nous arrivons à un compromis acceptable concernant les livrables.
Le sénateur Moore : Quel est le processus à suivre quand vous avez une idée à présenter au ministère? Vous avez probablement dressé un plan d'affaires lors de votre rencontre. Qu'est-il arrivé pendant les 12 mois qui ont suivi?
M. Gould : Le plan est en branle depuis des années.
Le sénateur Moore : Je croyais que vous aviez dit un an seulement. Vous avez présenté la demande il y a un an.
M. Gould : Non, le plan lui-même date de un an, la demande de début des travaux en tant que telle. Mais pour ce qui est de la planification, le ministère des Affaires autochtones voulait voir les plans, non seulement de l'immeuble, mais aussi de toute l'infrastructure prévue pour cette parcelle de terrain. S'agira-t-il d'un développement commercial ou résidentiel? C'est un projet entièrement commercial. La planification des travaux techniques s'est échelonnée sur plusieurs années. Les plans ont changé plusieurs fois, selon les administrations en place. À un moment donné, il y a des années et des années, il devait y avoir un parc de maisons mobiles au milieu du développement commercial, mais cela n'a pas fonctionné et les plans ont été changés. Les plans de l'immeuble à bureaux lui-même ont aussi été modifiés à maintes reprises, différents dessins techniques ont été soumis, et cetera.
Nous avons présenté notre proposition au ministère des Affaires autochtones, qui nous a aidés à trouver du financement. Il ne s'agit pas que de faire une demande. Le ministère connaît bien les différents secteurs et il nous aide tout au long du processus. Nous ne sommes pas laissés à nous-mêmes.
Il arrive que des projets régionaux pour lesquels des fonds avaient été réservés, par différents ordres de gouvernement, ne voient pas le jour. Au lieu de renvoyer l'argent, on veut qu'il soit mis à profit dans la région, alors il est affecté à d'autres projets.
Le sénateur Moore : Alors c'est la bande ou l'administration qui a apporté ces modifications. Le conseil a décidé de changer les priorités et cela a eu des répercussions sur ce que vous tentiez de faire.
M. Gould : Oui, les priorités changent. Un bon exemple de cela est que Headingley a été une priorité pendant des années, mais quand l'occasion du casino s'est présentée, parce que cela n'a pas fonctionné pour une autre Première Nation, les priorités ont changé et celle-ci a été mise sur la glace.
Le sénateur Moore : Il faut savoir s'adapter.
La sénatrice Beyak : Les réserves de ma région sont florissantes, plusieurs dans mon voisinage même, mais plus au Nord, bon nombre d'entre elles vivent toujours dans des conditions assez sordides.
Vous avez dit avoir été témoin de certains de ces problèmes quand vous étiez dans la GRC. Votre réserve est de toute évidence prospère. Je peux comprendre pourquoi on vous a demandé de faire partie du conseil. J'imagine que c'était bienvenu de vous entendre dire qu'il fallait vivre en fonction de ses moyens, tenir sa maison et son jardin propres, sans graffiti.
Quelle est la solution selon vous? Je sais qu'il n'y a pas de solution unique, mais pourquoi y a-t-il encore un si grand écart, à votre avis? Je n'arrive pas à trouver la réponse.
M. Gould : Je ne peux parler qu'en mon nom, mais d'après ce que j'ai pu voir au fil des ans, le profil démographique d'une région influe considérablement sur l'établissement des priorités communales. Même si seulement 100 miles séparent deux collectivités, leurs priorités peuvent être complètement différentes, leurs façons de faire aussi, leur développement économique ainsi que leurs moyens de subsistance. Dépendent-elles de la pêche, du bois d'œuvre? D'un côté, on peut avoir une collectivité qui doit s'en remettre à la chasse et à la trappe, et de l'autre, on a des collectivités comme celle de Swan Lake, qui peut profiter de possibilités commerciales et agricoles modernes.
Comme je le disais plus tôt, ce qui complique le plus le développement, c'est le fardeau bureaucratique. Un des grands atouts de Swan Lake, et je reviens encore là-dessus, est le code foncier. Cela nous permet d'éliminer beaucoup de lourdeurs administratives et d'assurer une transition plus fluide.
Pour ce qui est des jeunes, l'établissement des priorités pose de graves problèmes, et ce n'est pas vrai seulement pour les collectivités des Premières Nations. On le voit dans toutes les collectivités où les choses sont en train de changer, et nous devons suivre cette évolution ou nous y adapter. Il n'y a pas de solution facile. Ce sont les jeunes qui vont faire les frais de certaines lois qui ont été adoptées. C'est à cause du changement. Les jeunes doivent être au centre de nos préoccupations et nous devons les aider à avancer. Autrement, bien des Premières Nations vont faire du sur-place, parce que l'avenir passe par un engagement à l'égard des jeunes.
L'éducation est un pilier important. Le volet alphabétisation, je l'ai moi-même vécu. Quand je suis entré à l'université, j'avais 18 ans et tout ce que je connaissais du monde se résumait à ma Première Nation. Oui, j'allais à Winnipeg de temps en temps, et j'avais l'air tout droit sorti de l'émission « Breaking Amish ». Il y avait tellement de choses à voir, c'était étourdissant. Il faut se mettre dans la peau des jeunes qui arrivent des collectivités nordiques et qui sont plongés dans un environnement qui ne ressemble en rien à ce qu'ils ont connu dans la vraie vie. Ils le voient à la télévision, c'est tout. Après, on se demande pourquoi les Autochtones sont nombreux à finir dans la rue. Ils ont du mal à assimiler ce milieu. Nous devons consacrer beaucoup plus d'efforts aux jeunes, à l'éducation et à la formation. Ce qui est triste, c'est que les collectivités du Nord sont souvent écrasées par les contraintes. J'ai travaillé dans plusieurs de ces collectivités.
La sénatrice Beyak : J'ai aussi remarqué cela avec les jeunes. Comme vous le disiez, ils voient une vie différente à la télévision. Ceux que je croise dans l'avion ou l'autobus me disent qu'ils veulent voir ce monde où il y a des salons de manucure et de coiffure, mais qu'en même temps, ils sont bien à la maison. Il n'y a cependant pas de logement adéquat dans les réserves du Nord, alors ils ne veulent pas y rester. Ils veulent explorer les villes modernes, et c'est une partie du problème, mais vous avez offert des solutions.
M. Gould : Exactement. On veut toujours avoir ce que le reste du monde a, ou à tout le moins avoir la même chance d'y accéder. C'est un rêve. Beaucoup de jeunes le font, par contre. Ils vont saisir l'occasion si elle se présente.
Étant un membre des Premières Nations, j'ai trouvé cela très difficile quand j'étais policier. J'avais 20 ans quand j'ai joint les forces policières et c'était irrespectueux pour moi de regarder quelqu'un dans les yeux. C'est un seul exemple des différences entre les deux mondes. C'était tout le contraire dans la police. Quand votre sergent vous sermonne, vous avez intérêt à le regarder. Nous devons tous être conscients de ces différences culturelles, et cela doit aller dans les deux sens. C'est quelque chose à surveiller.
La sénatrice Beyak : Merci.
Le président : Hier, le comité a entendu les représentants d'établissements créés en vertu de la Loi sur la gestion financière des Premières Nations, ou LGFPN. Ils nous ont dit qu'ils avaient récemment émis une obligation financée par des marchés financiers privés, qui contribuera au financement de l'infrastructure des Premières Nations qui ont participé au pool d'emprunts.
Je me demandais si votre collectivité pourrait être intéressée à participer aux structures créées en vertu de la LGFPN?
M. Gould : Nous avons bon espoir de pouvoir profiter de telles occasions si c'est dans l'intérêt de la Première Nation et si c'est une priorité non seulement pour les hauts fonctionnaires, le chef et le conseil, mais aussi pour la population.
Notre processus décisionnel, et celui du chef et du conseil, repose sur les priorités de la population. Il est primordial de comprendre les fondements des diverses ententes.
L'une des priorités des peuples autochtones est leur territoire et, par conséquent, ils ne veulent pas en perdre une partie. Ils détiennent divers droits qu'ils considèrent comme des droits issus de traités. Lorsqu'on propose de nouvelles initiatives, il faut aussi tenir compte du niveau d'alphabétisation et les présenter aux diverses Premières Nations de façon à ce qu'elles les comprennent bien.
J'ignore où s'assoient vos visiteurs, mais ils sont probablement dans le champ lorsque vous abordez certains sujets, et c'est la même chose pour n'importe quelle collectivité lorsqu'il est question de budgets, et cetera. Il faut savoir présenter les choses aux personnes qui seront touchées.
S'il existe des possibilités que nous pourrions exploiter et qui pourraient devenir un atout pour la communauté, nous nous pencherons certainement là-dessus.
Le président : Merci.
Si je peux me permettre, vous avez beaucoup parlé des revenus autonomes et de la façon dont ils ont contribué à tout ce que vous avez été capables d'accomplir, et vous avez indiqué que ce ne sont pas toutes les collectivités qui sont aussi privilégiées que vous. Cela illustre bien l'existence de « deux solitudes » au sein des Premières Nations, comme l'ont soulevé certains de nos membres. On retrouve de ces collectivités dans le Nord-Ouest de l'Ontario, de ces collectivités pauvres dont vous parliez lorsque vous travailliez dans la police au Manitoba. Toutefois, le gouvernement fédéral a indiqué qu'il réexaminait sa politique à l'égard des revenus autonomes et la façon de les traiter afin de déterminer les transferts fédéraux qui seront versés aux groupes autochtones autonomes.
Pour être honnête avec vous, certains de nos membres sont étonnés de voir à quel point une bande peut être prospère et continuer de recevoir du financement du gouvernement fédéral. De toute évidence, je ne parle pas de Swan Lake, mais nous observons certaines communautés qui génèrent énormément de revenus.
Pourriez-vous nous dire comment le gouvernement fédéral devrait concilier le besoin de garantir un financement de base à toutes les Premières Nations et la nécessité de concentrer les ressources là où le besoin est le plus pressant? Quel est votre avis là-dessus?
M. Gould : Je ne peux pas parler au nom des autres Premières Nations, mais lorsque je regarde les divers accords de financement conclus avec le gouvernement, je constate qu'ils visent strictement à offrir des services aux membres des collectivités. C'est comme toute autre forme de gouvernement qui fournit des services aux gens qui habitent dans des réserves ou des municipalités. Je lève mon chapeau à ces Premières Nations qui ont très bien réussi, grâce à une abondance de revenus autonomes. Je ne crois pas qu'il soit juste de les pénaliser pour avoir bien fait leur travail. Cet argent sert à améliorer les divers programmes qui offrent des services à la collectivité. C'est mon opinion sur cette question.
La sénatrice Raine : Vous avez dit un peu plus tôt que les gens à Swan Lake paient un loyer — qu'en fait, tout le monde paie un loyer. J'aimerais savoir comment vous en êtes arrivés là. Était-ce une décision de la communauté? Est-ce que cela a été imposé par le conseil ou s'il en a toujours été ainsi? Il y a de nombreux endroits où ce n'est pas le cas. Comment avez-vous réussi à amener tout le monde à payer un loyer?
M. Gould : Je vais prendre un peu de recul. Ce n'est pas tout le monde qui paie un loyer de sa poche. Il y a différents types de logements offerts aux Premières Nations. Quand je dis que tout le monde paie un loyer, je parle de tous ceux qui travaillent et qui vivent dans une maison de la SCHL et qui doivent rembourser une hypothèque amortie sur de nombreuses années. Les bénéficiaires de l'aide sociale ont leur loyer payé par l'entremise des programmes d'aide sociale. À Swan Lake, il a fallu faire accepter un processus plutôt difficile à la population. Si les gens veulent habiter dans une nouvelle maison, que les coûts de réparation et d'entretien sont établis, que la maison est bien entretenue, qu'ils ne font aucun dommage, si la chaudière est défectueuse, par exemple, nous la remplacerons, mais pour ce faire, ils doivent payer un loyer. Ils ont donc le choix. Soit ils paient un loyer et vivent dans une belle maison de la SCHL, soit ils ne paient rien et doivent se trouver un endroit qui pourrait être négligé.
Les montants qui sont réclamés aux termes des diverses ententes avec la SCHL sont très abordables. Les gens paient leur loyer, leur électricité et tous les autres coûts, mais il s'agit d'une structure abordable. Par conséquent, beaucoup de gens y consentent.
Nous imposons également un loyer à nos personnes âgées, aux personnes retraitées, parce que nous avons une obligation de rembourser ces hypothèques mentionnées dans les ententes avec la SCHL. En principe, nous voulons alléger leurs obligations dans le cadre des divers accords, mais ce n'est pas toujours possible. Nous donnons toujours le choix à nos aînés. Souvent, lorsqu'on leur donne le choix entre une maison de la SCHL pour laquelle ils doivent payer un loyer et une maison fournie par la bande, qui peut être plus vieille, mais où ils n'ont rien à débourser, certains d'entre eux choisiront la deuxième option.
L'un des plus grands défis à relever pour le gouvernement et les Premières Nations est de changer la mentalité des gens et de leur faire comprendre qu'ils ne sont pas propriétaires de cette maison. Cette maison leur est confiée en fiducie. Nous vivons dans ces maisons depuis des années et on ne nous a jamais renseignés à ce sujet. On nous a donné une maison il y a 30 ans et on nous a dit que c'était notre maison. Les gens se la sont appropriée et ils veulent que personne n'y touche. En théorie, nous savons tous qu'ils ne sont pas propriétaires. Cette maison est détenue en fiducie par le gouvernement. Elle ne nous appartient pas. C'est pourquoi il est difficile de convaincre une institution financière de nous accorder du financement pour maximiser les débouchés économiques; nous ne sommes pas propriétaires.
On n'a pas encore défini clairement ce qui faisait partie des terres, mais est-ce que la définition des terres englobe également toutes les structures?
La sénatrice Raine : Depuis quand ce régime de location existe-t-il?
M. Gould : Je dirais 9 ou 10 ans.
La sénatrice Raine : Est-il bien accepté aujourd'hui?
M. Gould : En grande partie, oui.
La sénatrice Raine : Cela nous donne donc une bonne idée du temps qu'il faut pour changer les mentalités.
M. Gould : Effectivement. Nous sommes tout de même aux prises avec de nombreuses difficultés. On doit remettre un avis d'expulsion aux locataires qui ne paient pas leur loyer. Les gens qui ne respectent pas leur bail, par exemple, ceux qui n'entretiennent pas leur terrain ou leur maison adéquatement, peuvent également recevoir un avis d'expulsion. Si on peut prouver qu'une porte a été défoncée, si un rapport de police est rédigé, nous la remplacerons. Si cela se produit une deuxième fois, nous allons la remplacer, mais nous devrons prendre des décisions difficiles, autrement, on n'arrivera jamais à régler les problèmes.
La sénatrice Raine : Je vous félicite pour votre travail. Vous êtes un très bon exemple pour nos Premières Nations.
M. Gould : Vous ne devriez pas me féliciter; tout le mérite revient à mon personnel.
La sénatrice Raine : Je félicite également toute la collectivité d'avoir réussi à changer les choses.
M. Gould : Je dois admettre que nous avons de très bons employés. Nous ne sommes pas parfaits; nous avons nos divergences d'opinions. Toutefois, la communication fait partie intégrante de notre milieu de travail.
Le président : Comme il n'y a plus d'autres questions, je vous remercie beaucoup, monsieur Gould, pour votre exposé très détaillé et inspirant. Vous avez reconnu les efforts de votre personnel, mais je suis certain que tout cela a été possible grâce à un bon leadership. Merci beaucoup.
Cela dit, nous allons suspendre nos travaux.
(La séance se poursuit à huis clos.)