Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 12 - Témoignages du 10 mars 2015
OTTAWA, le mardi 10 mars 2015
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour étudier les problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations.
Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.
Le président : Bonjour chers collègues. J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les membres du public qui assistent à la présente séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones ou qui la regardent sur CPAC ou sur le Web.
Je suis le sénateur Dennis Patterson, du Nunavut. J'ai le privilège de présider le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Notre mandat est d'examiner les dispositions législatives et les questions touchant les peuples autochtones du Canada de façon générale.
Ce matin, nous recueillons des témoignages dans le cadre d'un ordre de renvoi précis qui nous autorise à examiner, en vue d'en faire rapport, les problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves et d'éventuelles solutions à ces problèmes, notamment en matière de logement, d'infrastructures communautaires, des façons novatrices d'obtenir du financement et de stratégies de collaboration efficaces.
Nous avons terminé nos audiences sur le logement, et nous nous concentrons maintenant sur les infrastructures, même si nous savons que les deux questions se recoupent souvent. Je suis heureux d'entendre aujourd'hui le témoignage de quatre personnes qui représentent trois organisations. Il s'agit des Fiscal Realities Economists, du Corix Group of Companies et de Thunderbird Commercial Insurance.
Avant les témoignages, j'aimerais faire un tour de table et demander aux membres du comité de bien vouloir se présenter.
Le sénateur Moore : Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario.
La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.
Le président : Merci. Je sais que les membres du comité vont se joindre à moi pour souhaiter la bienvenue à nos invités de ce matin : M. André Le Dressay, directeur, Fiscal Realities Economists et Tulo Centre of Indigenous Economics; et M. Owen Matheson, vice-président, Business Development, Corix Infrastructure, au Corix Group of Companies. Il y a aussi M. Malcolm Smith, associé à Thunderbird Commercial Insurance, à qui nous souhaitons la bienvenue et qui est accompagné de M. John Kiedrowski, conseiller indépendant et président, Compliance Strategy Group. Le Compliance Strategy Group et Thunderbird Commercial Insurance travaillent souvent en partenariat sur les questions liées aux Premières Nations, et M. Kiedrowski a gentiment accepté de répondre à nos questions. Nous sommes heureux de vous revoir, monsieur Kiedrowski.
Monsieur Le Dressay, nous allons peut-être commencer par vous, puis écouter M. Matheson et M. Smith. Nous avons hâte d'entendre les exposés que chacun d'entre vous va nous présenter, qui seront suivis de questions des sénateurs. J'aimerais souligner la présence de la sénatrice Lillian Dyck, vice-présidente de notre comité.
Je vous remercie, messieurs, et je vous demanderais de bien vouloir commencer.
André Le Dressay, directeur, Fiscal Realities Economists et Tulo Centre of Indigenous Economics, Fiscal Realities Economists : Honorables sénateurs, bonjour. Je vous remercie de m'avoir invité à venir témoigner devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones pour discuter avec vous des façons d'améliorer les résultats des Premières Nations en matière de logement et leur accès à du capital pour les infrastructures à long terme.
Je m'appelle André Le Dressay, et, en plus d'être directeur des Fiscal Realities Economists, je dirige aussi le Tulo Centre of Indigenous Economics, qui est affilié à l'Université Thompson Rivers de Kamloops, en Colombie- Britannique.
J'ai eu le plaisir de lire votre rapport provisoire sur les sujets que nous abordons aujourd'hui. Vous posez de bonnes questions. Pourquoi ne réalisons-nous pas davantage de progrès au chapitre du logement et des infrastructures chez les Autochtones? Quelles sont les causes de l'échec des politiques? Comment jeter les bases d'un plus grand succès?
Vous avez recueilli des renseignements importants au sujet des écarts en matière de logement et d'infrastructures entre les Autochtones et le reste des Canadiens. Comme vous le faites remarquer, les politiques actuelles ne permettront jamais de combler ces écarts. Vous avez cerné d'importantes causes fondamentales des problèmes. Il manque des lois, des politiques et des procédures propres aux Premières Nations. Il faut accroître leur capacité d'administration pour leur permettre de changer les politiques. Elles ont besoin de plus de ressources budgétaires et de pouvoirs pour être en mesure d'améliorer la qualité des services et des infrastructures afin qu'elle corresponde à la norme nationale.
Le prochain rapport du comité contiendra des recommandations précises et réalistes, ce qui est une bonne chose. Encore une fois, vous posez de bonnes questions. Quels sont les changements à apporter pour obtenir des résultats? Comment le gouvernement du Canada peut-il changer ses politiques visant les Premières Nations?
J'espère que certains aspects des études et des travaux que nous faisons vous aideront à répondre à ces questions. Le Tulo Centre offre deux programmes de certificat de niveau universitaire, dans les domaines de l'administration fiscale des Premières Nations et de l'économie appliquée des Premières Nations. Ce sont les premiers certificats de ce genre au Canada, et même dans le monde, à notre connaissance.
Douze de nos plans de cours sont originaux. Ils sont fondés sur une étude des causes de la pauvreté chez les Premières Nations qui s'est déroulée sur 20 ans. Plus de 100 étudiants ont déjà suivi l'un ou l'autre de nos cours. Il y a quelques semaines, nous avons publié un manuel gratuit et adaptable pour les étudiants qui souhaitent en apprendre davantage sur nos travaux et les universités qui veulent l'utiliser pour l'enseignement. Le manuel est accessible à Tulo.ca.
L'un des chapitres de ce manuel porte sur les éléments qui rendent nécessaire le soutien au marché résidentiel sur les terres des Premières Nations; un autre porte sur l'amélioration des droits de propriété des Premières Nations; et un autre encore sur la construction de meilleures infrastructures. J'espère que cette ressource vous sera utile dans votre travail.
En ce qui a trait au logement, nous avons recueilli de l'information anecdotique selon laquelle la valeur marchande d'une résidence assortie d'un certificat de possession dans une réserve est de loin inférieure à celle d'une résidence située hors de la réserve. Nous avons relevé des exemples où des maisons dans les réserves se sont vendues pour environ 10 p. 100 de la valeur d'une propriété comparable dans un quartier voisin. C'est la valeur nette que votre maison aurait si vous pouviez la vendre seulement à un autre sénateur.
Cette absence d'avoir propre a des conséquences très graves. Elle empêche la création de nouvelles entreprises. Imaginez le nombre d'entrepreneurs autochtones dont les projets ont été contrecarrés par le manque d'accès à un avoir foncier. On estime qu'environ la moitié des nouvelles entreprises sont financées par la mise en garantie d'un bien immobilier.
Cette situation empêche l'épargne. Elle empêche un cycle de génération de richesse que tous les autres Canadiens tiennent pour acquis. Pensez au nombre de jeunes Autochtones qui doivent partir de zéro parce qu'ils n'héritent pas d'une maison, contrairement aux autres Canadiens. Le programme actuel de logement fondé sur le marché ne permet pas de générer du capital immobilier pour les participants autochtones. Les Premières Nations se privent toujours des avantages dont profitent les autres Canadiens qui sont propriétaires d'une maison.
Nous avons constaté que les terres louées dans les réserves sont d'une valeur marchande égale ou supérieure aux terres comparables à l'extérieur des réserves. Pour vous donner nos exemples préférés, une terre d'une acre située sur le territoire de la nation de Westbank s'est vendue environ 10 000 $ en 1989, et le loyer de cette même terre est aujourd'hui de plus de 1 million de dollars. À Sun Rivers, à Kamloops, une terre d'une acre s'est vendue 8 000 $ en 1996, et, aujourd'hui, le loyer est d'environ 700 000 $.
Comment cela a-t-il pu se produire? Pas par magie. Il a simplement fallu constater que les institutions du marché des Premières Nations ont été en grande partie supprimées par la Loi sur les Indiens et que les Premières Nations doivent adopter des dispositions législatives pour retrouver leur place au sein de l'économie.
La preuve en est que le coût des affaires dans certaines des réserves des Premières Nations les mieux situées est de quatre à six fois supérieur à ce qu'il est ailleurs. C'est l'un de nos résultats de recherche que le comité a déjà cités dans une étude antérieure.
Les économies de marché exigent un cadre juridique et administratif appuyant les droits de propriété, facilitant les échanges et offrant de la certitude aux investisseurs. Elles exigent un cadre budgétaire stable qui permet d'assumer le coût de services de qualité et de construire des infrastructures publiques compétitives. Selon nos études, il pourrait être jusqu'à quatre fois plus difficile de financer les infrastructures sur les terres des Premières Nations. L'étude du cadre qui appuie les marchés est appelée « Économie institutionnelle ». Il y a une documentation abondante sur le sujet. C'est cette étude qui est à la base d'un récent ouvrage à succès intitulé Why Nations Fail.
Les nations de Westbank et de Kamloops ont rétabli leurs institutions du marché, et les résultats prévisibles relativement au marché en ont découlé. L'établissement du cadre juridique, administratif et d'infrastructures nécessaires pour appuyer nos marchés et le sujet des cours que nous offrons au Tulo Centre of Indigenous Economics. C'est l'objet du manuel que nous avons rédigé.
Vous vous demandez peut-être pourquoi cela ne s'était pas fait plus souvent, puisque c'est si facile. Apporter des changements est difficile, prend du temps et coûte cher. Il a fallu des années pour que les nations de Westbank et de Kamloops fassent leur travail, et cela leur a coûté des millions de dollars. Que pouvons-nous faire pour réduire les coûts et le temps nécessaire pour apporter les changements?
L'an dernier, nous nous sommes penchés sur 15 modifications des politiques des Premières Nations ayant été proposées au cours des 20 dernières années environ, du projet d'accord de Charlottetown au projet de loi sur l'éducation des Premières Nations. Les changements en question n'ont pas été mis en œuvre avec succès, mais d'autres textes législatifs, par exemple la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations et la Loi sur la gestion financière des Premières Nations, ont permis d'apporter des changements positifs.
D'après nos recherches, les modifications de politique autochtones qui réussissent comportent quatre éléments. Premièrement, elles sont menées par les Premières Nations. Deuxièmement, elles sont facultatives. Troisièmement, les modifications sont mises en œuvre par les administrations et les institutions des Premières Nations. Quatrièmement, les autres gouvernements concernés ont la volonté politique d'appuyer les modifications même s'il y a de l'opposition. J'espère que toute modification que le comité recommandera répondra à ces critères.
Notre rôle, au Tulo Centre, correspond au troisième critère à respecter pour que des changements réels aient lieu. Nous sommes une institution des Premières Nations qui aide les Premières Nations à apporter des changements. Nous nous concentrons sur le développement des capacités. J'entends par là l'acquisition de compétences précises permettant aux administrations des Premières Nations de mettre en œuvre les changements souhaités, par exemple en adoptant des lois à l'aide de cadres législatifs modernes comme la Loi sur la gestion financière des Premières Nations. Nous aidons nos étudiants à communiquer efficacement un programme favorisant l'accroissement de la valeur des propriétés aux chefs, aux conseils, aux membres des Premières Nations. Nous leur montrons comment mettre au point des régimes administratifs et fiscaux permettant d'appuyer le développement résidentiel et commercial, de financer les services et de construire des infrastructures.
Pour conclure, voici quatre recommandations que j'encourage le comité à appuyer et à inclure dans son rapport final. Premièrement, la Loi sur la gestion financière des Premières Nations a été adoptée en 2005. Des modifications ont été proposées dans le but de favoriser la participation, d'accroître la confiance des investisseurs et d'améliorer l'administration. La Loi sur la gestion financière aide les Premières Nations à financer leurs infrastructures. Le comité devrait appuyer les propositions de modification de cette loi.
Deuxièmement, beaucoup de Premières Nations affirment qu'elles devraient bénéficier financièrement de l'exploitation des ressources au Canada. De nombreux rapports publiés récemment préconisent un meilleur partage des revenus avec les Premières Nations. Le comité devrait appuyer les mesures financières permettant aux Premières Nations d'obtenir des revenus stables et de combler ainsi les écarts sur les plans juridique, administratif et des infrastructures.
Troisièmement, la demande et l'offre de logement ne se rejoindront chez les Premières Nations que lorsque celles-ci auront un véritable marché immobilier. Les propriétaires autochtones doivent pouvoir accéder au capital foncier. La seule chose qui puisse permettre cela, ce sont des systèmes de droit de propriété et d'inscription sûrs et permettant les échanges. Le comité devrait préconiser la multiplication des projets locatifs et recommander l'adoption de la solution proposée par certains dirigeants des Premières Nations à l'égard de la propriété des biens immobiliers.
Enfin, le comité devrait faire la promotion de solutions comme les programmes de certificat offerts par le Tulo Centre of Indigenous Economics, qui permettent aux Premières Nations de se doter de la capacité nécessaire à la mise en œuvre de vos recommandations. Merci.
Le président : C'était un excellent exposé, monsieur. Merci.
Owen Matheson, vice-président, Développement des affaires, Corix Infrastructure, Corix Group of Companies : Bonjour. Merci de m'avoir invité à participer à l'étude d'envergure nationale que vous menez. Je m'appelle Owen Matheson, et je suis vice-président du développement des affaires à Corix Infrastructure.
Corix est une entreprise de services publics canadienne complète et intégrée verticalement qui se spécialise dans l'eau, les eaux usées et l'énergie. Nous avons des bureaux un peu partout au Canada et aux États-Unis, et notre intégration verticale nous permet d'offrir à notre clientèle un ensemble de services publics complets, des produits à l'équipement, en passant par l'exploitation et l'entretien.
Notre actionnaire principal est la British Columbia Investment Management Corporation, la bcIMC. Cette société, qui a son siège social à Victoria, est l'un des plus importants investisseurs institutionnels au Canada, et elle gère des actifs bruts de plus de 114 milliards de dollars. Cette assise financière solide dote Corix de la taille, des ressources et des capitaux nécessaires pour nouer des partenariats afin d'exécuter toutes sortes et toutes tailles de projets liés aux services publics dans l'ensemble du Canada.
Cette combinaison unique de l'intégration verticale, de la propriété et de dizaines d'années d'expérience a permis à Corix de s'associer à des collectivités autochtones de partout au pays et de leur offrir des solutions durables.
Chaque nation est unique, et en collaborant et en nous assurant de bien nous comprendre, nous établissons d'éventuels partenariats fondés sur la confiance, le respect et l'amitié. Dans ce processus, nous avons appris auprès des Premières Nations et des peuples autochtones avec lesquels nous avons eu l'occasion de travailler qu'il y a plusieurs questions clés qui doivent être abordées dans le contexte de ces partenariats, en plus de celle des solutions durables en matière de services publics : le renforcement des capacités, la formation, l'éducation et les emplois.
Nous avons élaboré un modèle régional — un partenariat, si vous voulez — qui nous permet d'aborder ces choses, mais qui offre aussi le potentiel de création d'une entreprise générationnelle ne pouvant être touchée par les récessions, qui appartient à la collectivité autochtone et qui est exploitée par elle et qui génère des revenus pour elle.
Dans ce modèle de partenariat, Corix prend l'initiative pour ce qui est de mettre sur pied le service public régional et de lancer son exploitation. Corix forme et éduque les membres de la Première Nation et renforce leurs capacités, puis transfère graduellement la direction du service à la nation, jusqu'à ce qu'elle en soit pleinement propriétaire. Corix demeure disponible après le transfert pour assurer une surveillance et jouer d'autres rôles, selon ce que désire la collectivité. Corix envisage cela comme étant un partenariat à long terme. À titre d'exemple, nous avons des arrangements, des accords et des partenariats visant la prestation de services publics à des collectivités autochtones dont la durée va jusqu'à 114 ans. Nous envisageons nos partenariats comme des engagements à long terme.
La conclusion de ces partenariats exige d'énormes efforts de la part des deux parties. Nous en tirons une certaine force et un lien d'amitié, mais il y a des défis. Il faut y consacrer du temps et des ressources — le temps de bien comprendre les besoins et la situation particulière, ainsi que les solutions possibles, mais aussi le temps de comprendre la collectivité et ce qu'elle juge important, et le temps d'établir un lien de confiance et de respect afin de nouer un partenariat durable et réussi.
Il y a aussi le défi que posent la succession des chefs et des conseils dans le processus électoral, l'établissement d'une bonne communication, la sécurité touchant la perception des revenus et les risques généraux et les mesures prises pour les atténuer. Mais l'obstacle et le défi les plus importants demeurent le financement. Vous n'imaginez pas le nombre de fois où un partenariat a été conclu, les choses ont commencé à bouger, puis tout s'est arrêté à cause du manque de financement. J'ai personnellement été témoin de cela à de nombreuses reprises.
Je pense que nous vivons dans le plus grand pays du monde et que tous les Canadiens — Autochtones et non- Autochtones — devraient avoir accès à l'eau potable et à des infrastructures publiques durables. Nous croyons que notre modèle de services publics régionaux offre une solution permettant de commencer à régler certains des problèmes et à dissiper certaines des préoccupations relativement à l'infrastructure chez les Premières Nations, et que le secteur privé peut travailler en partenariat avec une nation et en collaboration avec le gouvernement pour faire bouger les choses d'une manière unique. Je dois dire qu'il ne s'agit pas de la formule habituelle du partenariat public privé.
Pour conclure, j'aimerais remercier le comité de prendre le temps de nous inviter à lui faire part de certaines de nos expériences dans le but de trouver des solutions pour les Premières Nations et tous les peuples autochtones, y compris en réglant les problèmes et en dissipant les préoccupations concernant les infrastructures chez les Métis et les Inuits.
Le président : Merci beaucoup. C'était un autre exposé très impressionnant.
Malcolm Smith, associé, Thunderbird Commercial Insurance : Mesdames et messieurs, bonjour. Merci de me permettre de prendre la parole devant vous ce matin.
Je ne veux pas minimiser ce que tous les autres disent et ce que le gouvernement dit, mais il ne se passe rien sans assurance. Il faut que ce soit clair. Il ne se passe rien; on ne peut rien acheter ni faire quoi que ce soit sans assurance. Je voulais simplement le mentionner.
J'ai commencé à travailler dans le domaine des assurances pour les Premières Nations en 2002, auprès de la nation Skeetchestn, dont le territoire est situé près de l'endroit où vit la sénatrice Nancy Greene Raine. Je me suis rendu dans cette collectivité, et j'y ai constaté que ses membres payaient 10 fois ce qu'ils auraient dû payer en assurances sans pour autant obtenir une couverture adéquate ni recevoir quelque service que ce soit. À l'époque, Aon Reed Stenhouse avait un très bon programme, alors j'ai commencé à vendre de l'assurance en 2002, et, à la fin, je m'occupais de 37 Premières Nations de la Colombie-Britannique.
J'ai décidé que je voulais vraiment aider, alors je suis devenu membre d'ICAB, l'Industry Council for Aboriginal Business également, et de l'Association des agents financiers autochtones du Canada. J'ai tenu des séminaires pour le CAADA et pour l'AAFAC. En 2008, j'ai essayé d'obtenir auprès de la NACO un cautionnement pour les entrepreneurs des Premières Nations qui essayaient de décrocher des contrats. Il devait y avoir beaucoup de travail, mais ils ne pouvaient pas soumissionner étant donné qu'ils n'arrivaient pas à obtenir de cautionnement. Nous avons fait une tentative en ce sens, mais le sommet de la NACO a été une autodestruction, ce qui fait que nous n'avons jamais pu établir de mécanismes de cautionnement.
Vous avez mes notes devant vous, et je n'ai pas besoin de les lire, mais je veux vous parler du programme des avoirs communautaires, car c'est vraiment le programme numéro un qui existe dans presque toutes les collectivités du Canada. Nous entendons souvent dire que les collectivités n'ont pas d'assurance, mais elles en ont, et elles couvrent toutes sortes de choses : les propriétés, c'est-à-dire le logement, l'infrastructure, les administrateurs et les agents, les chaudières et la machinerie, les voitures, les services policiers et les services d'incendie. Il existe des programmes d'assurance. Il y a quatre programmes principaux au moyen desquels sont assurés les biens des collectivités, ainsi que tout lieu à vocation économique, par exemple les postes de pompier, les stations d'essence et les dépanneurs qu'il y a dans beaucoup de collectivités et les espèces de casinos ou salons de vidéopoker qui existent dans bon nombre d'entre elles. Tout cela doit être assuré. La SCHL ne fournit pas de financement pour le logement sans assurance. Ainsi, à titre de courtiers des Premières Nations, nous fournissons constamment des certificats et des services d'assurance à la SCHL.
Nous parlons de capacité. Mon associé est micmac. Il a 31 ans. Il a un diplôme de l'Université Cape Breton, et il a suivi tous les cours sur l'assurance. Je dirais qu'il y a seulement cinq nations autochtones au pays qui s'occupent d'assurance, et, comme je l'ai dit au début, il ne se passe rien sans assurance.
Il y a énormément de possibilités de renforcement des capacités dans le domaine de l'assurance, pour que les membres des Premières Nations comprennent l'assurance et souscrivent à une assurance, car typiquement, les Premières Nations de toutes tailles, par exemple celle de Membertou ou celle d'Osoyoos, consacrent probablement 400 000 $ ou 500 000 $ par année à l'assurance. Ce sont des sommes qu'elles ne peuvent consacrer au financement du logement, des programmes sociaux, de l'éducation ou de quoi que ce soit d'autre, puisqu'elles servent à l'assurance.
Un des défis auxquels nous faisons face, comme courtier en assurances, c'est l'obtention de données : obtenir les détails sur la construction; inspecter les maisons et nous assurer d'avoir les bons renseignements concernant la pression d'eau; toute l'infrastructure qui est couverte par l'assurance. Les courtiers sont compétitifs, alors ils n'échangent pas de renseignements.
Une chose que j'ai commencé à faire, et que personne d'autre ne faisait, c'est ce qu'on appelle un rapport du SRCB. Je ne sais pas si quelqu'un ici connaît cela. C'est un rapport du Système de rapports sur la condition des biens qui est produit pour aider la Première Nation concernée à fournir du financement pour les infrastructures. Eh bien, la plupart des Premières Nations ne savent même pas qu'elles ont le rapport, et nous avons de la difficulté à l'obtenir aux fins de l'assurance. Nous pourrions faire un meilleur travail et offrir de meilleures primes d'assurance si nous l'avions, car un assureur qui ignore quelque chose ajoute 30 p. 100 à la prime simplement parce qu'il n'a pas accès à cette information. C'est un risque. C'est ce que les assureurs couvrent.
Je pense que 20 ou 22 millions de dollars sont dépensés pour la production de rapports du SRCB. L'industrie de l'assurance n'y a pas accès, et il n'y a pas de base de données nationale. Tout se fait en vase clos. Toutes les données recueillies sur toutes les réparations à faire, tous les détails concernant la construction, tout cela est seulement communiqué à la personne concernée et n'est jamais versé dans une banque de données centrales, ce qui fait que l'industrie de l'assurance n'a pas accès à cette information. Si nous y avions accès, nous pourrions offrir un bien meilleur service.
Thunderbird est une entreprise autochtone, mais nous collaborons avec un agent chargé de la gestion générale qui est aussi autochtone et qui offre un programme comprenant toutes ces couvertures, comme la propriété et la responsabilité. Nous faisons des évaluations du risque, par exemple en inspectant une maison et en regardant une sécheuse pleine de charpie qui pose un risque d'incendie. Pour ce qui est des systèmes électriques, si seulement nous pouvions inspecter les maisons et obtenir les détails concernant la construction, à titre d'assureur, nous pourrions offrir un bien meilleur service. C'est le manque d'information qui nous nuit vraiment beaucoup. Cela coûte beaucoup d'argent aux compagnies d'assurance et fait augmenter les primes, parce qu'elles n'ont pas accès à l'information.
Il y a ce qu'on appelle le Service d'inspection des assureurs incendie. Ce service existe dans toutes les municipalités, et les gens qui en sont chargés vérifient la pression de l'eau, les camions d'incendie et la formation. Ils regardent tout dans la municipalité et examinent de près le service d'incendie, auquel ils attribuent une note de 1 à 10. Cela ne fonctionne pas pour les Premières Nations. Elles peuvent avoir un bon camion de pompier qui ne sort qu'une ou deux fois par année, ce qui fait qu'il n'a pas beaucoup de kilomètres au compteur, mais le SIAI prescrira le remplacement du camion tous les 10 ans. Même si c'est un beau camion tout neuf, il ne respectera pas les critères du SIAI. Il n'y a donc aucun mécanisme permettant aux compagnies d'assurance d'attribuer une note aux Premières Nations afin de pouvoir établir les primes d'assurance.
L'une des choses dont je voulais parler — évidemment, cela concerne le financement des infrastructures. J'ai un exemple parfait. L'un de nos clients du Nouveau-Brunswick a subi d'énormes pertes dans une inondation l'an dernier parce qu'il cherchait à obtenir des fonds d'infrastructure pour les installations de drainage. Eh bien, la compagnie d'assurance a dû débourser 1,5 million de dollars pour la reconstruction de toutes les maisons qui ont été inondées, et les primes d'assurance ont augmenté de 200 000 $ au moment du renouvellement cette année. Ce sont 200 000 $ qui ne pourront être consacrés à l'éducation ni à tous les autres services sociaux. Ce n'est pas que les compagnies d'assurance ne veulent pas des primes qui leur sont versées, mais mon rôle consiste à aider les Premières Nations à faire diminuer leurs frais d'assurance. Beaucoup de ces incendies qui font des morts et des blessés sont des événements terribles dont vous entendez sûrement parler très souvent dans les actualités.
Il y a l'infrastructure liée à l'eau et aux égouts, dont Owen a parlé, et à laquelle tout le monde pense. Mais quand on y pense, dans l'Est du Canada, presque toutes les maisons sont équipées d'un réservoir de mazout. Il y a eu une fuite à Membertou. Cela a coûté 200 000 $. Il a fallu soulever la maison pour enlever le mazout qui s'était infiltré en dessous parce qu'il y a encore de vieux réservoirs en acier. La collectivité n'a pas les fonds nécessaires pour les remplacer. Il y a des besoins en infrastructure qui ne sont pas aussi clairs que ceux qui concernent l'eau et les égouts, mais qui sont tout aussi importants et qui pourraient entraîner des coûts importants. Si une Première Nation doit débourser 200 000 $ pour réparer un seul réservoir de mazout, eh bien, dans une réserve, il peut y en avoir 400 ou 500. J'en parle dans mes notes d'allocution.
Il y a vraiment une seule façon de faire baisser les frais d'assurance, et c'est d'éliminer les pertes. Plus les pertes sont faibles, moins l'assurance coûte cher. On peut élaborer toutes sortes de modèles différents, et je vais en parler, mais la principale façon de réduire les frais d'assurance, c'est de réduire les pertes, ce qui réduit aussi le nombre de blessures et de décès.
J'ai fait une liste de quelques éléments, et je pense que le plus important, c'est la limitation des pertes. Lorsque nous faisons des évaluations du risque, nous inspectons les réservoirs de mazout et les filtres à charpie, mais il y a un coût. Nous ne faisons plus autant d'évaluations du risque, car c'est nous qui devons payer; c'est le courtier qui paie. Nous essayons d'en faire le plus possible. Mais s'il y avait un mécanisme, si le SRCB était plus accessible, s'il y avait un mécanisme permettant de faire ces évaluations du risque, nous pourrions réduire les frais d'assurance, ainsi que les pertes et les dommages. La famille qui vivait dans la maison dont je vous ai parlé n'a pas pu y habiter pendant un an. Elle vit maintenant avec une autre famille, donc il y a deux familles qui vivent dans une autre maison. Cela crée beaucoup de pressions sur le logement.
L'autre chose dont je voulais parler, c'est une méthode de remplacement. Nous avons parlé de Kamloops. La All Nations Trust Company appartient à 32 Premières Nations, et elle vient tout juste de créer son propre service de courtage, dans la réserve de Kamloops. Elle essaie de jouer le rôle de courtier, de façon à pouvoir contrôler le risque et procéder aux évaluations du risque à moindre coût. Je pense que c'est le modèle qu'essaie d'appliquer Chris Pegg, de Coast Salish Insurance, avec qui j'ai collaboré étroitement lorsque nous nous occupions des tribus Cowichan, et c'est un modèle qui pourrait donner des résultats. Si le nouveau service de courtage a suffisamment de primes, il pourrait inclure celle-là et fonder sa propre compagnie d'assurance ou mutuelle d'assurance.
Pour conclure, je pense que ce dont nous avons surtout besoin, c'est d'une capacité d'éducation des Premières Nations dans le domaine de l'assurance. Je ne fais que le mentionner, car je me suis formé par moi-même. Je pense que c'est quelque chose à envisager. Cela ne relève pas vraiment du comité, mais vous pouvez y réfléchir ou même en parler avec les gens. Personne n'a parlé d'assurance, même si rien de tout cela ne se passe sans assurance. J'ai obtenu mon diplôme de commerce à l'Université Acadia. Je parle d'Acadia aujourd'hui, mais nous n'avons jamais parlé d'assurance. Il faut éduquer les Premières Nations davantage. Dans toutes les réserves, il devrait y avoir une personne qui sait comment souscrire à une assurance et déterminer les besoins d'assurance.
À part cela, je pense avoir dit tout ce que j'avais à dire, et le reste se trouve dans mes notes. Je répondrai à vos questions avec plaisir, et je vous remercie de m'avoir permis de prendre la parole aujourd'hui.
Le président : Merci beaucoup. Je pense que ces trois exposés nous ont beaucoup éclairés. Je remercie chacun d'entre vous du travail de réflexion que vous avez fait pour nous présenter vos exposés et vos conseils.
John Kiedrowski, président, Compliance Strategy Group, Thunderbird Commercial Insurance : Honorables sénateurs, bonjour. André, Owen et Malcolm ont abordé la plupart des choses dont je voulais parler dans leur exposé, surtout en ce qui a trait à l'assurance, mais je vais être bref.
Je veux me concentrer sur un problème sur lequel je suis tombé dans mes recherches sur le logement, soit le fait que les gens paient trois fois plus cher pour leurs assurances dans les réserves qu'ailleurs, et certains affirment même que c'est quatre fois plus cher. Malcolm a mentionné certains des problèmes liés aux facteurs de coût des pertes et le fait que, si la compagnie d'assurance ne peut déterminer la valeur, elle majore le coût. Je voudrais vous donner d'autres détails ou exemples des raisons pour lesquelles nous avons constaté que les frais d'assurance sont considérablement plus élevés dans les réserves qu'ailleurs.
Encore une fois, Malcom a parlé du manque de données concrètes. Il n'y a vraiment pas de données que puissent utiliser l'industrie de l'assurance et même les gens qui voudraient faire des évaluations des maisons. Le rapport du SRCB est très limité. L'information relative à ce rapport est difficile d'accès. La plupart des compagnies d'assurance doivent procéder à leur propre collecte de données. Les données recueillies par les inspecteurs ne sont pas vraiment communiquées aux compagnies d'assurance, ce qui fait qu'il y a vraiment un vide lorsqu'il s'agit de comprendre ce qui se passe par rapport aux structures des logements et à l'âge des maisons.
L'autre défi, comme nous l'avons dit, c'est l'absence complète de codes du bâtiment et de codes de prévention des incendies. Si ces maisons ne sont pas construites en fonction de ces codes, vous pouvez être sûrs que l'industrie de l'assurance n'établira pas des primes basses, et c'est la préoccupation la plus importante. Les maisons ne sont pas construites en fonction des codes ni inspectées. Les conseils de bande jouent le rôle de propriétaires. Les maisons leur appartiennent, et ils doivent donc réduire leur risque au minimum en faisant des inspections et s'assurant que tout fonctionne bien, mais cela ne se fait pas vraiment. Nous préconisons beaucoup l'adoption de programmes d'entretien des maisons, et seulement quelques collectivités en ont adopté un sans hésiter, et elles évaluent les maisons, ce qui, encore une fois, vient réduire leurs frais d'assurance.
Le dernier élément, c'est toute la question du chauffage et de l'isolation des sources de chaleur. Il y a eu plusieurs décès causés par des incendies récemment, et beaucoup des appareils de chauffage qui ont été installés après la construction des maisons n'ont pas fait l'objet d'inspections, et c'est là une des causes majeures de beaucoup des incendies dont nous avons été témoins récemment. Cela a ensuite une incidence sur les frais d'assurance.
Voilà mes observations. Je pense que nous avons probablement avantage à vous laisser poser vos questions pour pouvoir vous donner des réponses adéquates. Je vous remercie.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Kiedrowski.
Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé. Ma question concerne l'assurance. J'en ai tellement entendu parler. Qui souscrit à l'assurance dans les collectivités? Est-ce le gestionnaire ou le chef de la bande, ou l'ensemble du conseil?
M. Smith : C'est l'un des principaux problèmes. Il n'y a habituellement personne dans la réserve qui ait une quelconque expérience de l'achat d'assurance. C'est parfois le gestionnaire de la bande, du logement ou des immobilisations, ou encore le directeur général des finances. Selon la taille de la collectivité, la tâche revient vraiment à quelqu'un qui ne connaît rien à l'assurance. Cela fait tout simplement partie des dossiers qui atterrissent sur son bureau.
Le problème est le suivant : plutôt que de demander des soumissions, si elles ne connaissent pas bien les assurances, ce que ces personnes font, c'est qu'elles s'en tiennent à ce qu'elles ont déjà, parce que c'est ce qu'elles connaissent. Que se passera-t-il si elles s'aventurent à s'adresser à un autre courtier pour obtenir un meilleur prix et une meilleure couverture et qu'elles se trompent? Vu la situation politique, cela pourrait leur coûter leur emploi.
Bien souvent, la personne qui souscrit à l'assurance n'a pas d'expérience, et il n'y a pas de méthodes bien établies. Il faut consulter l'administration de la bande pour déterminer qui souscrit aux assurances, et, parfois, personne ne le sait. J'ai constaté que c'est souvent un tiers qui s'occupe de l'assurance. Il n'y a pas d'avantage pour les membres de la bande. Ils ne veulent tout simplement pas s'en occuper, alors ils s'en tiennent à ce qu'ils ont déjà. Ce serait plus de travail, et ils ne veulent pas faire ce travail supplémentaire.
Comme un service de courtage à la recherche de nouveaux clients, la seule chose qui nous permet de prendre de l'expansion, c'est que mon associé est micmac. Il est entraîneur pour six équipes de hockey, et, dans chacune des réserves où nous nous rendons, il recrute des joueurs de hockey, ce qui nous permet de discuter avec le chef et les membres du conseil. Le chef et le conseil obtiennent un joueur de hockey, et nous, nous pouvons leur présenter ce que nous offrons et leur demander de nous laisser au moins faire une soumission. C'est tout ce que nous voulons, pour qu'ils puissent comparer ce que nous offrons avec ce qu'ils ont déjà.
Le plus difficile, pour le courtier c'est d'arriver à pouvoir présenter une soumission concurrentielle. Personne ne communique l'information qu'il détient, alors nous n'avons aucune information. On ne nous dit rien sur les pertes. C'est cela, le problème. Il n'y a pas de personne désignée, alors il faut se rendre dans chacune des collectivités et faire des recherches. C'est vraiment difficile.
Le sénateur Enverga : D'après André, il y a un système d'éducation sur lequel nous pourrions probablement nous pencher. Avez-vous un moyen d'établir des liens entre vous?
M. Le Dressay : Ce qui se passe, ce dont Malcolm parle, c'est tellement une question de confiance, je crois. Beaucoup de membres du personnel administratif des Premières Nations n'ont pas la confiance nécessaire pour gérer une situation de marché comme une demande de soumission concurrentielle en ce qui a trait à l'assurance. Ce que nous observons chez certains de nos étudiants, c'est qu'ils gagnent en confiance et que cela donne au chef et au conseil la confiance nécessaire pour demander à quelqu'un de leur expliquer de quoi il s'agit. Peut-on faire preuve de diligence raisonnable et mener un processus de soumission concurrentiel? Ce sont là des compétences de base que certaines administrations n'ont pas acquises. Je pense que c'est Owen ou peut-être Malcolm qui a dit que ces compétences ne sont pas enseignées dans les écoles et que c'est un problème que nous essayons de régler dans le cadre de certains de nos programmes.
Le sénateur Enverga : Quelle est l'ampleur de votre succès dans le domaine de l'assurance? Vous devez avoir eu certaines réussites. Selon vous, qu'est-ce qui vous a permis de connaître du succès, d'un côté?
M. Smith : C'est comme le reste. Au début, je voulais vraiment changer les choses, et c'est ce qui m'a poussé à créer le service de courtage de Membertou, et ensuite, il y a trois ans, nous avons créé Thunderbird avec un associé micmac, pour accroître la capacité. Nous abordons les gens ensemble, et nous sommes là pour les aider. C'est entièrement une question d'attitude et de confiance. C'est vraiment le cas. C'est un lien de confiance, et c'est cette confiance qui nous a permis de donner de l'expansion à notre entreprise. Le fondement du succès, lorsqu'on a affaire aux Premières Nations, c'est l'établissement d'une relation de confiance, et, ce qui compte, ce n'est pas seulement moi, c'est le fait que nous avancions et qu'il y ait une amélioration des deux côtés. Le succès que nous avons connu est attribuable à notre relation et au fait que nous abordons les gens avec la bonne attitude.
Le sénateur Enverga : Avez-vous quelque chose à dire là-dessus?
M. Kiedrowski : Encore une fois, nous avons cerné un besoin de capacité de comprendre comment souscrire à une assurance, comment procéder à l'approvisionnement et comment demander des soumissions. Dans le contexte du logement, nous avons essayé d'amener deux ou trois collectivités à demander des soumissions, et, comme André l'a dit, c'est vraiment une question de confiance. Les gens ne savent pas comment demander des soumissions, et ils sont à l'aise avec le statu quo. Même s'ils déboursent des sommes d'argent énormes, il est vraiment difficile de faire bouger les choses, car les gens sont à l'aise avec le statu quo.
Je répète que, à ma connaissance et d'après ce qu'André a dit, je crois, personne ne donne de cours, pas même l'AAFAC, les administrateurs et les agents financiers; je crois qu'il n'existe pas de cours sur la façon de souscrire à une assurance.
M. Smith : Lorsque j'étais en Colombie-Britannique, j'ai travaillé avec Mike Mearns, le directeur général de la section de la Colombie-Britannique de l'AAFAC, en collaboration assez étroite, et j'ai tenu un séminaire chaque semaine sur l'assurance. J'appelais cela Assurance 101. Je parlais aux participants de tous les types de couvertures différents, je leur disais quoi rechercher et à quel coût s'attendre à peu près. Lorsque j'étais en Colombie-Britannique, je tenais un séminaire annuel sur l'achat d'assurance, mais depuis que je me suis installé à Halifax, l'AAFAC n'a pas vraiment pu organiser quelque chose qui ressemblerait à un séminaire. C'est peut-être quelque chose que je devrais envisager de recommencer à faire.
Le sénateur Enverga : Lorsque vous fournissez de l'assurance aux collectivités, croyez-vous que la présence de maisons inoccupées soit un facteur qui vous complique la tâche?
M. Smith : Le problème des maisons inoccupées touche l'ensemble du Canada. Bien souvent, nous avons une liste, et, si nous n'allons pas voir chacune des maisons, prendre des photos de chacune des maisons, il y en a qui deviennent essentiellement inhabitables, ce qui fait que personne n'y vit. J'imagine qu'il y a encore un loyer de perçu, ou je ne sais trop, et les gens abandonnent simplement la maison. Beaucoup de ces maisons demeurent sur la liste et sont rasées par un incendie. Cela ne fait qu'augmenter le coût de l'assurance.
Dans le cas des maisons inoccupées, les compagnies d'assurance nous obligent à aller prendre des photos de chacune d'entre elles, de l'avant et de l'arrière, pour que nous sachions si quelqu'un y vit et dans quel état elles se trouvent.
Peut-être que personne ne l'a mentionné ou que personne ne souhaite le mentionner, mais l'un des problèmes les plus importants sur le plan de l'entretien des maisons, mis à part les problèmes liés au code du bâtiment que John a abordés, ce sont les pensionnats. Il y a des jeunes qui ont fréquenté l'école, qui sont revenus à l'âge de 19 ans et qui ne savaient pas peinturer, réparer un toit ou s'occuper de la plomberie. Ils ne connaissaient rien aux maisons et n'ont pas pu enseigner quoi que ce soit à leurs enfants au sujet des maisons. Les choses que j'ai apprises lorsque j'étais petit, par exemple peinturer et poser un nouveau revêtement de sol, ces gens-là ne les ont pas apprises, ils ne les apprennent pas et ils ne les connaissent pas.
Il y a encore énormément de travail d'éducation à faire pour enseigner aux membres des collectivités autochtones à entretenir leur maison. Il y a des rebuts et des réservoirs de propane devant les maisons, et, comme je le disais, les sorties de sécheuse ne sont pas nettoyées. Il y a toutes sortes de petites choses que j'ai apprises quand j'étais petit, mais que ces gens-là n'ont pas apprises parce que leurs parents ne les ont eux-mêmes jamais apprises car ils étaient dans un pensionnat. Ils n'avaient pas les compétences nécessaires pour les enseigner à leurs enfants. Il faut que nous en parlions, car cela fait partie du problème.
Le sénateur Moore : J'aimerais donner suite à la question du sénateur Enverga concernant les personnes qui peuvent souscrire à une assurance. Si je vis dans une réserve autochtone et que je détiens un certificat de possession de ma maison, est-ce que je peux assurer ma maison, ou dois-je passer par le conseil de bande?
M. Smith : En fait, c'est une partie de la question que je n'ai même pas abordée. Un certain nombre de logements sociaux sont visés par la politique de la bande et détenus par la bande, puis il y a un assez grand nombre de maisons qui appartiennent à des gens détenant un certificat de possession pour ces maisons. Je crois qu'il s'agit là, plus que toute autre chose, du principal obstacle à la souscription à une assurance, parce que si la collectivité paie des primes s'élevant à 500 000 $, beaucoup de compagnies d'assurance voudront venir au moins discuter avec ses représentants. Lorsqu'il s'agit d'une seule maison, il est difficile d'obtenir de l'assurance pour des particuliers, cela étant en partie attribuable à la note du SIAI. La municipalité est notée sur une échelle de 1 à 10, et la compagnie d'assurance sait quelle cote lui est attribuée. Dans les réserves, les compagnies n'ont aucune idée de la protection contre les incendies existante, et elles ne savent pas s'il y a une borne-fontaine dans la réserve.
Il s'agit des particuliers, des détenteurs de certificat de possession. Il faut leur permettre d'accroître leur avoir propre dans la maison. Il y a passablement de collectivités en Colombie-Britannique où les locataires paient une hypothèque en plus de leur loyer, ce qui fait qu'après un certain nombre d'années, ils sont propriétaires, mais alors ils doivent trouver le moyen d'assurer leur maison.
J'ai essayé de créer un programme dans le cadre duquel la bande émet le certificat d'assurance et chaque propriétaire assure sa maison, mais le principal défi tient au fait d'assurer les maisons appartenant à des particuliers dans les réserves.
Le sénateur Moore : Ne faut-il pas que les gens soient assurés pour pouvoir avoir une hypothèque?
M. Smith : Si cela passe par la collectivité, bien souvent, c'est elle qui accorde l'hypothèque, mais aucune banque ou autre institution financière n'offre d'hypothèque sans assurance. C'est une très bonne question, et c'est vraiment un défi.
La sénatrice Raine : Vu le problème de l'entretien des maisons, croyez-vous que les choses changeraient s'il y avait plus de maisons et plus de propriétés privées dans les réserves, c'est-à-dire que les particuliers seraient véritablement propriétaires de leur maison?
M. Smith : Personnellement, je pense que c'est la seule solution, parce qu'on se soucie moins de l'état d'une maison lorsqu'on ne la possède pas.
J'essaie de me rappeler le nom de la collectivité de Barriere qui a une politique stricte. L'occupant paie une hypothèque, et, une fois qu'il a fini de la payer, il est propriétaire, mais s'il omet de faire trois paiements de suite, il perd son privilège. Très peu de collectivités sont aussi strictes. Il y en a pas mal qui ne perçoivent pas de loyer parce qu'elles ne peuvent pas le faire et qu'elles ne veulent pas prendre de mesures, ce qui fait qu'il y a beaucoup de loyers impayés. Par conséquent, le bureau d'administration de la bande n'a pas d'argent pour les réparations, puisqu'il ne perçoit pas de loyer, tout cela parce qu'il n'y a pas de propriété. Je pense que la propriété des maisons est l'élément clé, mais je crois qu'il est aussi important que les gens apprennent à entretenir leur maison.
M. Kiedrowski : Il y a aussi certaines collectivités auprès desquelles nous avons travaillé, à l'Association nationale des agents du bâtiment des Premières Nations, où les gens qui se voient accorder une maison à louer doivent suivre un programme d'entretien des maisons. Il y a très peu de collectivités qui le font, et celles qui exigent que les locataires suivent ce programme ont des maisons très bien entretenues, et elles font aussi une inspection complète environ un ou un an et demi après, pour s'assurer que les réparations et l'entretien adéquats sont effectués. C'est vraiment plus l'exception que la règle.
La sénatrice Dyck : Merci de vos exposés de ce matin, messieurs. Mes premières questions s'adresseront à M. Le Dressay.
Vous avez parlé de la valeur du certificat de possession, et vous dites que, dans certains cas, une maison située dans une réserve peut se vendre pour environ 10 p. 100 du prix d'une maison comparable dans une collectivité voisine. Pouvez-vous nous donner une idée de la proportion de collectivités où c'est le cas par rapport à celles où la valeur des maisons est équivalente?
M. Le Dressay : La valeur marchande est déterminée par des facteurs assez simples, dont la demande. Ce qui caractérise les maisons assorties d'un certificat de possession, c'est qu'elles peuvent être vendues seulement à d'autres membres de la bande, ce qui fait que la demande est beaucoup plus faible, et donc la valeur aussi. La valeur augmente en fonction de la taille du marché.
Il y a des collectivités autochtones qui comptent des milliers de membres, ce qui fait que, dans celles-ci, la valeur des maisons assorties d'un certificat de possession peut être plus élevée, mais il y a des collectivités qui ne comptent que très peu de membres et où la valeur marchande de ces maisons est très basse.
Les chiffres cités viennent d'une comparaison entre la ville de Kamloops et la nation Tk'emlúps, qui se trouve juste à côté. Il y a une rivière entre les deux. Une maison assortie d'un certificat de possession et située sur un terrain d'une acre s'est vendue 40 000 $. Une maison comparable située à Kamloops, mais pas sur un terrain comparable, s'est vendue 380 000 $. Voilà un exemple où la valeur est de 10 p. 100, et il ne s'agit pas d'une petite nation autochtone. Elle compte environ 1 000 membres.
Voilà d'où viennent les chiffres. Le facteur important à prendre en considération, ce sont les autres choses qui contribuent à la valeur marchande. Il ne s'agit pas seulement de la taille du marché. Comme ces autres messieurs ici présents l'ont dit, c'est aussi une question d'information; c'est aussi le cadre juridique; ce sont les codes du bâtiment; c'est la certitude pour les investisseurs; c'est la capacité administrative de souscrire à une assurance. Tous ces services du secteur public accroissent la valeur marchande, alors il y a l'aspect privé de la chose, c'est-à-dire l'offre et la demande et aussi l'aspect public. Il y a deux problèmes importants à régler pour que la valeur marchande augmente.
J'ai fourni de l'information sur les Premières Nations qui l'ont fait. Lorsqu'il s'agit de propriétés locatives, qui sont accessibles à un marché beaucoup plus grand, la valeur marchande augmente. Il se trouve que je vis dans une réserve. Je vis à Sun Rivers; je sais que mon fournisseur de services publics est Corix. La valeur marchande est là-bas aussi élevée ou même plus élevée qu'à Kamloops. Qu'est-ce qui est différent? De bonnes infrastructures, de bons services locaux, une capacité juridique; tout se fait dans le contexte d'un très bon accord de développement. Il est donc possible de régler ces problèmes, et je pense que c'est quelque chose que le comité doit envisager.
La sénatrice Dyck : Nous nous sommes rendus en Colombie-Britannique l'automne dernier, et nous avons visité les nations de Tk'emlúps et Westbank. Nous avons pu voir les résultats du programme de baux entre membres de la nation de Westbank et les progrès que cela a permis.
Quelles sont les principales modifications des politiques qui ont permis à des collectivités comme la nation de Westbank d'arriver à accroître leur parc de logements et la valeur de leurs propriétés? S'agit-il de choses comme la Loi sur la gestion financière des Premières Nations et la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations? Quels sont les éléments clés qui permettent à ces collectivités de s'enrichir en favorisant l'expansion du marché immobilier?
M. Le Dressay : Je pourrais énumérer cinq choses qui sont absolument cruciales. La première, c'est la certitude touchant le droit de propriété. Ce qui caractérise Westbank, c'est un degré beaucoup plus élevé de certitude relativement au droit de propriété et à l'occupation qu'au sein d'autres Premières Nations. La durée du bail est de 99 ans, et les baux sont assortis de clauses de renouvellement. Cela crée beaucoup de certitude relativement à l'occupation.
L'autre chose qu'il y a, c'est la connaissance du marché. Lorsque les gens vont faire des affaires avec la nation de Westbank, ils peuvent acquérir quelque chose qu'ils ne peuvent trouver auprès de beaucoup d'autres Premières Nations, et je parle de l'assurance. La nation de Westbank peut souscrire à un type d'assurance — l'assurance de titre — qui n'est peut-être pas accessible ailleurs, je ne sais pas, parce que le marché offre de la certitude. Tout à coup, les gens commencent à avoir confiance à l'égard du marché.
De plus, il y a un cadre juridique très complet. La nation de Westbank a adopté 35 lois, d'abord dans le contexte de la gestion des terres, puis dans celui de son entente d'autonomie gouvernementale, ce qui a créé de la certitude par rapport aux services locaux, aux infrastructures et à la protection contre les incendies. Cette nation a comblé toutes les lacunes dont il est question ici. C'est ce que j'essaie de dire. Ce n'est pas par magie que la valeur passe de 10 000 $ l'acre à 1 million de dollars. Il s'agit d'établir le cadre juridique, de construire de bonnes infrastructures et de se doter de la capacité administrative. Il y a des solutions à ce chapitre, et c'est là-dessus qu'est vraiment axé notre programme d'éducation.
Une chose que je sais que nos étudiants aiment vraiment faire, c'est d'analyser l'exemple de Westbank étape par étape. Quelles sont les lois à élaborer? Comment procéder? Les étudiants trouvent cela très utile. Idéalement, ils pourront faire profiter leur collectivité de la leçon, et c'est à ce moment-là que le processus est enclenché.
La sénatrice Dyck : Si je peux poser une dernière question, dans vos recommandations, vous dites que le comité devrait appuyer les propositions de modification de la Loi sur la gestion financière des Premières Nations. Avez-vous des suggestions précises de modification à nous soumettre?
M. Le Dressay : En 2011 ou en 2012, un rapport a été rédigé pour le Parlement, et le Sénat a proposé certaines modifications, de nature administrative, je crois, simplement pour faciliter l'application de ce texte législatif. Certaines modifications visent à accroître la confiance des investisseurs, en accélérant le processus lorsque le financement se fait par l'intermédiaire de l'Administration financière des Premières Nations ou que des certificats sont délivrés par le Conseil de gestion financière des Premières Nations. Certaines visent à accroître le potentiel de revenu afin de financer les infrastructures. À titre d'exemple, en ce moment, les administrations locales détiennent des pouvoirs en ce qui concerne les frais et les droits, ainsi que les subventions remplaçant les impôts. Ces pouvoirs ne sont pas prévus par la Loi sur la gestion financière. Ils offriraient d'autres possibilités de financement des infrastructures aux Premières Nations. Je ne pense pas qu'il s'agisse de modifications importantes, mais ce sont des mesures qui simplifieraient les choses et faciliteraient la participation.
M. Kiedrowski : Si vous me permettez simplement de compléter ce qu'a dit M. Le Dressay tout à l'heure, il a mentionné les quatre choses concernant les progrès au chapitre des infrastructures. Je crois qu'un très grand défi à relever, lorsqu'il s'agit de l'infrastructure résidentielle, c'est que les responsables de la gouvernance séparent la politique des besoins en infrastructures et en logements. Si on prend l'exemple de Westbank, de Kamloops, de Whitecap — toutes les collectivités qui font vraiment des progrès —, on a libéré la question du logement de l'influence politique. L'approche n'est pas fondée sur les votes. Elle n'est pas fondée sur la prochaine chose à faire politiquement. Les nations peuvent mettre cela de côté, dépasser cela et réussir.
Les collectivités qui n'arrivent pas à faire de progrès sont, je crois, enlisées dans la politique. C'est ce qui les empêche d'avancer, et je le constate souvent lorsque des collectivités essaient de faire des progrès par rapport aux permis de construction et aux logements en général. C'est l'aspect politique lié aux moyens qu'ils doivent prendre pour gagner le prochain vote.
Le sénateur Tannas : Vous avez déjà répondu à plusieurs de mes questions, mais je vais peut-être simplement ajouter une question aux points soulevés par M. Smith. À vous écouter tous les trois, il ne semble pas qu'il y ait une sorte de manuel des pratiques exemplaires en matière de gestion du risque pour les gouvernements des Premières Nations ni, ce qui serait mieux encore, un processus de certification dont pourrait s'assortir un programme d'assurance et qui permettrait d'obtenir un meilleur tarif si les gouvernements des Premières Nations faisaient ce qui y serait prescrit lorsqu'ils cherchent à souscrire à une assurance.
Dans la suite de notre démarche, de notre recherche de solutions, l'une des choses qui devront accompagner l'argent fourni, ce sera l'assurance que certains des éléments cruciaux en question sont mis en place, tout ce qui va de la gouvernance à des choses comme la gestion du risque, en passant par les codes du bâtiment et d'autres éléments.
Monsieur Le Dressay, je me pose la question suivante : est-ce que le Tulo Centre serait un endroit désigné pour l'élaboration de quelque chose de ce genre — un programme de certification ou un ensemble de pratiques exemplaires qui pourrait être publié et sur lequel les gens pourraient se concentrer? Est-ce que c'est une chose que vous seriez en mesure de faire pour que nous n'ayons pas à laisser à nos amis d'AADNC le soin de l'élaborer?
M. Le Dressay : L'un des cours que nous offrons porte entièrement sur le financement par débenture, donc nous avons tout un processus d'établissement des codes de crédit et de ce qu'il faut faire pour gérer les risques associés aux diverses cotes de crédit. Je crois cependant qu'il y a une autre façon d'aborder la préoccupation précise que vous soulevez.
La sénatrice Dyck a posé la question concernant la Loi sur la gestion financière. L'une des organisations créées par la Loi sur la gestion financière des Premières Nations, c'est le Conseil de gestion financière des Premières Nations, et l'un des services cruciaux qu'offre ce conseil, ce sont les services de certification. Parmi les problèmes que M. Smith a mentionnés, il y a la difficulté à faire faire des évaluations par une tierce partie. Je crois qu'il y aurait vraiment des possibilités à envisager relativement à cette organisation pour ce qui est de la gestion du risque, qu'il s'agisse de la gestion du risque lié à la protection des incendies ou au remboursement de débenture. Tous ces problèmes de gestion du risque se posent, et je pense qu'il y a une organisation en place à laquelle le Sénat pourrait envisager de recourir pour les régler.
M. Kiedrowski : Vous avez frappé en plein dans le mille, et c'est en réalité ce qui est à l'origine de la relation entre M. Smith et moi. C'est ce qui nous a amenés à commencer à parler à toute la question de la gestion du risque. Le véritable problème que M. Smith et moi avons cerné, c'est que non seulement il faut essayer de comprendre la gestion, le contrôle et l'atténuation du risque au sein des Premières Nations, mais que même les gens d'AADNC et de la SCHL ne comprennent pas ces concepts. Nous essayons de parler de quelques étapes pour expliquer aux fonctionnaires ce que constitue un risque, comment procéder, comment les choses doivent être faites, puis nous passons lentement aux conseils de bande, à qui nous parlons de l'approvisionnement et de toutes les questions liées au risque. Nous avons eu énormément de difficultés à faire adopter le mot « risque ». Ils ne veulent pas prendre de risque par rapport au risque, essentiellement. C'est vraiment frustrant, parce que tout se résume au contrôle ou à l'atténuation du risque. Il est vraiment difficile d'amener les fonctionnaires à parler de risque, et c'est encore plus vrai des Premières Nations. À l'extérieur des réserves, tout le monde comprend entièrement ces questions du point de vue des affaires, mais la façon de les envisager du gouvernement et des Premières Nations est assez archaïque pour l'instant.
Le président : À ce sujet, monsieur Kiedrowski, je me demande simplement — et vous avez une certaine expérience des projets d'infrastructure, comme les deux autres témoins, peut-être —, avez-vous des commentaires à faire sur la capacité d'AADNC de superviser adéquatement les infrastructures dans les réserves?
M. Kiedrowski : Je vais répondre en premier; je suis sûr que j'aurai un commentaire à faire. Je pense que le défi à relever, c'est qu'AADNC supervise le processus, peut-être à titre d'observateur, idéalement, pour le faire avancer. Je pense qu'il y a vraiment un vide sur le plan de la compréhension et de l'expertise du ministère sur le sujet.
Je sais pour avoir passé un certain nombre d'années à travailler sur la question du logement avec l'Association nationale des agents de bâtiment des Premières Nations (ANABPN) qu'il y a un vide à l'heure actuelle. Mis à part cette association, il n'y a aucun groupe national qui s'est vraiment donné le mandat d'améliorer l'infrastructure et le logement. Il y a l'APN, qui est davantage une organisation politique et qui éprouve certaines difficultés à apporter des changements institutionnels. Je pense que c'est ce que nous essayons de faire. Nous essayons d'apporter des changements institutionnels, alors il y a vraiment un vide. Pour que le gouvernement essaie de piloter cela, davantage comme observateur, je crois... il y a là un grand vide.
Je sais que l'ANABPN a pris l'initiative de faire avancer la question du logement à l'échelle nationale, et nous sommes en train d'essayer de réaliser une analyse de rentabilisation à cette fin. Cela va du travail sur la capacité au fait d'essayer de collaborer avec les collectivités à des examens planifiés. Dans mon exposé antérieur, nous avons parlé du rôle des téléinspections et de l'utilisation de caméras pour faire des inspections à distance afin de contribuer à l'établissement de cette capacité. Nous travaillons sur ce processus à l'heure actuelle. Pour ce qui est du logement, je crois qu'une tierce partie d'Affaires indiennes et du Nord et même, dans une certaine mesure, de la SCHL, peut contribuer à créer cette capacité.
M. Smith : Lorsqu'une nation autochtone construit des logements, il y en a quelques grandes qui ont leur propre service de construction capable de construire les maisons pour elles, mais, bien souvent, elles font venir des entrepreneurs, et ils construisent des maisons qui ne respectent pas les normes, mais les Premières Nations n'ont pas vraiment de recours contre ces entrepreneurs. Il arrive donc souvent qu'elles doivent laisser tomber et embaucher un autre entrepreneur.
Il y a même de grandes collectivités — je sais que la nation d'Akwesasne a fait construire plein de maisons. L'entrepreneur a vraiment mal travaillé, puis il a disparu, et la nation s'est retrouvée avec plusieurs maisons qui restaient à construire et aucun recours contre les entrepreneurs.
Il y a un processus qui doit être amélioré, en même temps que le programme de certification. Peut-être devons-nous nous doter d'une liste d'entrepreneurs approuvés à l'échelle du pays qui ont obtenu une certification, comme John le disait, de sorte que la nation autochtone sait que, si elle fait affaire avec cet entrepreneur, les travaux seront faits au complet, conformément au code. Il y a des entrepreneurs qui installent la ventilation des salles de bain et des sécheuses dans le sous-sol. On pense aux moisissures, n'est-ce pas? C'est un processus à réviser pour les Premières Nations.
Il y a beaucoup de choses qui sont tout simplement mal faites par des entrepreneurs non autochtones qui construisent des maisons dans les réserves. Personne n'en a vraiment parlé, alors j'ai pensé le mentionner. Ce n'est pas une question d'assurance, mais c'est triste à voir quand cela se produit.
M. Matheson : En ce qui a trait aux infrastructures de services publics, il y a assurément un rôle à jouer pour AADNC, pour Affaires autochtones, et je vois davantage ce rôle comme un rôle de surveillance, comme la capacité de voir où l'argent consacré aux infrastructures va être dépensé à l'échelle du pays. Mais il faut qu'il y ait une collaboration avec les groupes près des nations concernées, avec les groupes qui travaillent auprès d'elles et trouvent des solutions.
Lorsque ces partenariats sont conclus et que le lien menant à ce que nous essayons d'accomplir est créé, cela s'arrête souvent avec le financement, avec le processus. Pour certains des grands projets menés à l'extérieur des collectivités autochtones, ce processus se déroule sur des années. Certaines de ces collectivités ne peuvent pas attendre pendant des années, et, pour déterminer quelle serait la surveillance globale de ces collectivités, il faut les envisager comme étant vivantes et toujours les tenir au courant, mais voir les choses en perspective et mettre l'expérience à contribution, qu'il s'agisse de celle du secteur privé ou d'une autre expérience, pour les orienter et les aider à affecter les fonds, puisqu'ils sont limités. Cela permet aussi l'acheminent de fonds provenant d'ailleurs que du gouvernement fédéral.
Le sénateur Moore : Monsieur Smith, vous avez cité des exemples où la Première Nation n'a pas de recours contre un entrepreneur non autochtone qui travaille mal, par exemple. Souvent, l'argent vient du ministère ou de la SCHL, alors comment se fait-il que le contrat ne comporte pas de clause selon laquelle les entrepreneurs doivent respecter une certaine norme, un certain code, sans quoi ils seront pénalisés ou des recours seront pris contre eux? Comment cela se fait-il? Pourquoi n'y a-t-il pas de recours? N'y a-t-il pas conclusion d'une sorte d'entente contractuelle lorsque les travaux commencent?
M. Smith : John pourrait répondre à cette question mieux que moi. J'aborde la question strictement sous l'angle des assurances.
Dans certains cas, il n'y a pas de contrat. Les responsables disent simplement qu'ils connaissent tel ou tel entrepreneur; le nombre d'entrepreneurs à qui s'adresser est limité; et, essentiellement, ils obtiennent l'argent et ils...
Le sénateur Moore : Je sais, mais ils obtiennent l'argent, et l'obtiennent du ministère ou de la SCHL dans bien des cas. Donc la personne qui fournit l'argent... quelqu'un ne devrait-il pas mettre cela en place et dire à la bande qu'il s'agit d'une exigence?
M. Kiedrowski : La bande a élaboré un plan de logement, et elle demande du financement en vertu de l'article 95 ou de l'article 10. Lorsque les fonds sont transférés à la bande, il y a une entente avec le conseil de bande, car c'est de sa compétence que cela relève. Il appartient à la Première Nation de veiller à ce que les maisons soient construites conformément au Code national du bâtiment et à toutes les autres normes. Cela est précisé dans l'entente de transfert de fonds.
Ce qui se passe, en gros, c'est que très peu de contrats font l'objet de soumissions. Les responsables embauchent leurs parents; ils embauchent des entrepreneurs qui ne sont pas vraiment qualifiés, et il n'y a pas de contrat. Bien souvent, le contrat est rédigé par l'entrepreneur, et il précise qu'il ne peut pas y avoir de poursuites contre lui. Ce sont de très bonnes ententes. Il y a donc vraiment très peu de recours.
Cela revient encore une fois à toute la question de la capacité et du risque, de l'atténuation et du contrôle du risque. Les Premières Nations devraient se doter d'un processus d'approvisionnement pour la construction des maisons; elles devraient demander des soumissions; elles devraient avoir des contrats en bonne et due forme. Elles devraient avoir des recours contre les entrepreneurs, et beaucoup de ces mécanismes de protection n'existent pas.
La sénatrice Raine : Je voulais simplement revenir sur les commentaires concernant le manque d'information qui rend la tâche difficile aux assureurs et sur le SRCB... Que veut dire ce sigle?
M. Smith : Système de rapports sur la condition des biens.
La sénatrice Raine : Cela fait donc partie d'Affaires autochtones, et ce système existe bel et bien, mais vous dites qu'il pourrait peut-être être étendu afin d'être utilisé par les Premières Nations du pays pour effectuer le suivi des biens qu'elles possèdent pour leur permettre de demander des soumissions d'assurance. Voulez-vous préciser? Si vous pouviez le refaire, que feriez-vous?
M. Smith : C'est quelque chose dont nous avons beaucoup parlé, John et moi, et nous avons présenté des exposés à AADNC sur la modification du rapport du SRCB pour éviter que l'industrie de l'assurance procède à une évaluation complète et que le ministère fasse une évaluation aussi. Le ministère n'examine que les immobilisations. Il ne regarde pas tout. Il examine l'administration de la bande, l'hôpital, la clinique, certains éléments d'infrastructure, les pompes, et c'est tout.
Ensuite, ils présentent un rapport exposant les réparations qui doivent être effectuées, ce qui doit être remplacé, et ce rapport contient une liste d'une centaine de réparations qui n'auront jamais lieu. Le rapport est habituellement établi par un ingénieur à un tarif de 1 000 $ par jour, et il se concentre sur cette très petite pointe de la tarte; pourtant, une personne a pris l'avion ou sa voiture pour aller produire ce rapport. Selon mon expérience, la plupart des gens à qui j'ai parlé n'ont jamais regardé le rapport, et certains ne savent même pas où il se trouve.
Nous assurons une collectivité depuis cinq ans. Elle est très grande; elle n'a pas de rapport du SRCB et n'arrive pas à en trouver un, et ces informations sont conservées exclusivement pour cette collectivité. Elles ne sont pas entrées dans une base de données centrale; par conséquent, personne ne peut y accéder.
Ce que je me dis — et c'est quelque chose dont John et moi avons discuté —, c'est pourquoi ne pas envoyer quelqu'un pour tout faire — regarder pas seulement les immobilisations, mais l'ensemble de la collectivité —, puis effectuer une évaluation du risque total. Tant qu'à y aller, faisons tout. Vous n'avez pas vraiment besoin d'un ingénieur. Vous pourriez en avoir besoin de temps à autre, mais vous n'en avez certainement pas besoin tout le temps. Quelqu'un pourrait recevoir une formation. Un programme de formation pourrait être offert par l'intermédiaire de l'ANABPN ou de quelqu'un d'autre afin qu'une personne puisse aller attribuer les accréditations et les évaluations du risque.
En fait, nous avons effectué certaines évaluations du risque, seulement à titre de courtier, et nous avons fait appel à l'un des représentants de l'ANABPN pour le Canada atlantique afin qu'il effectue ces évaluations; il a donc regardé la carte des inondations d'une plaine inondable sur 100 ans. Il a examiné l'empiétement forestier et s'est assuré qu'il y avait une zone tampon au milieu. Il a examiné les réservoirs de pétrole, tous les facteurs relatifs à la gestion des risques et mesuré tous les immeubles parce que nous ne pouvions pas obtenir de rapports SRCB.
De l'argent est dépensé à cet égard. Peut-être que nous pourrions examiner ce programme, le changer et le faire évoluer pour le transformer en un rapport d'évaluation des risques relatifs aux biens. Je dis que je pense que, dans de nombreux cas, le SRCB ne donne pas au gouvernement la valeur qu'il devrait lui donner et, il est certain que cette information est perdue. Il semble tout simplement ridicule que tout cet argent soit dépensé sur un rapport du SRCB, mais qu'il n'y ait aucune base de données centrale, à notre époque.
La sénatrice Raine : Pour quelle raison ou dans quel but le rapport du SRCB est-il produit?
M. Smith : Pour appuyer le financement, pour donner les moyens de dire ce dont nous avons besoin et de montrer la liste de tous les éléments dont nous avons besoin pour que les réparations soient effectuées et demander l'argent dont nous avons besoin. Si je comprends bien, il sert à obtenir du financement pour effectuer des réparations et apporter des améliorations aux immobilisations.
La sénatrice Raine : Il s'agit donc d'un rapport conçu par le ministère ou par AADNC afin d'aider leurs responsables à décider où vont leurs fonds d'immobilisations limités? Qui en a le plus besoin?
M. Kiedrowski : C'est exact. Il serait intéressant de demander à AADNC exactement comment le SRCB est utilisé, mais, selon ce que je comprends, son utilisation est limitée parce que, une fois que l'information y est entrée, c'est presque comme un contrôle d'inventaire. Il coûte — encore une fois, d'après ce que je comprends — de 18 à 20 millions de dollars par année dans le cadre du programme.
Il s'agit d'un excellent exemple de quelque chose qui devrait absolument être privatisé, faire l'objet d'un appel de propositions afin de permettre une meilleure collecte des données, probablement pour beaucoup moins que les 20 millions de dollars. Ces données pourraient servir à des fins d'assurance ou pour les services publics. Elles pourraient être utilisées pour combler nombre des lacunes que nous avons évoquées et permettre de comprendre l'infrastructure. Nous avons établi une proposition afin d'en discuter.
Selon moi, le défi à relever consiste à tenter de retirer à AANDC un projet qui lui appartient ainsi qu'aux régions et auquel le ministère ne souhaite pas toucher. C'est un beau programme pour les gens qui travaillent dessus.
La sénatrice Raine : Avez-vous dit que vous leur aviez présenté une proposition?
M. Kiedrowski : Nous sommes allés leur parler au sujet de la possibilité de tenter de le retirer et de passer à une version où l'assurance l'assumerait ou bien où nous travaillerions en partenariat.
M. Smith : C'était il y a environ trois ans.
M. Kiedrowski : Oui. Le défi à relever consistait à faire en sorte que l'appareil bureaucratique libère ou abandonne un programme qui était incrusté dans ses systèmes.
La sénatrice Raine : Ainsi, vous vous attaqueriez au problème d'une façon légèrement différente. Les intervenants du secteur privé procéderaient à une évaluation et à un suivi, et devraient fournir cette information pour diverses raisons : assurance, remplacement d'immobilisations, réparations.
M. Smith : Un programme plus complet.
La sénatrice Raine : Un programme plus complet. Si vous procédiez ainsi, pensez-vous que le budget de 20 millions de dollars qui est dépensé actuellement dans le cadre de ce programme vous permettrait d'établir une base de données nationale et utile contenant l'information?
M. Smith : Nous avons en fait travaillé avec ClearRisk, une entreprise de Terre-Neuve. Personnellement, j'ai consacré — et je n'ai jamais été rémunéré pour cela — probablement un mois à temps plein seulement pour l'examiner, pour travailler avec les responsables de la gestion des risques, afin que vous puissiez vous rendre dans la réserve munis d'un iPad, prendre une photo au moyen de l'iPad et entrer l'information, et elle serait automatiquement saisie dans une base de données. Cette base de données était dynamique au point que vous pouviez ajouter divers facteurs, selon la région. Actuellement, les SRCB sont régionaux. Il y a le SRCB de l'Ontario. Manifestement, le Québec ne semble pas en avoir, mais cela pourrait se faire facilement. Une fois que le logiciel serait créé, grâce à la technologie, je pourrais le faire à l'aide de mon iPhone.
M. Kiedrowski : De plus, madame la sénatrice Raine, il y a également la collecte de données sur les conditions de logement. Si vous regardez tous les moyens de collecte de données sur les Premières Nations, vous avez le SRCB, ainsi que le rapport sur les conditions de logement. Il y en a un qui est produit par une personne dont la SCHL a retenu les services. En outre, des rapports sur les conditions de logement sont soumis à Affaires indiennes et du Nord. Il y a toutes ces sommes qui sont affectées à la collecte des données. Si vous pouvez simplifier toute cette collecte de données, la déplacer dans un endroit central, et la rendre accessible et transparente, tout le monde y aura accès.
En ce moment, les rapports de la SCHL viennent tout juste de commencer à être communiqués à AADNC et vice versa, en ce qui concerne les conditions de logement. Je sais que les responsables de l'ANABPN le font constamment. Ils soumettent des rapports. Une foule d'informations sont recueillies, et il faut que le processus soit davantage simplifié, centralisé et rendu accessible afin que les gens des assurances, ou bien les gens qui tentent d'effectuer des estimations relatives au logement puissent l'utiliser.
Il y a une base de données sur les assurances. Si vous avez un accident d'automobile et que vous tentez de passer à une autre société d'assurance, les employés de cette société savent exactement ce qui s'est passé. Ils connaissent toutes les réclamations à l'égard de vos maisons. Par contre, il n'existe pas vraiment de systèmes semblables au sein des Premières Nations. Il n'y a aucune collecte de données; il est donc vraiment difficile de faire des estimations.
La sénatrice Raine : Je suis en train de me dire que le budget est probablement suffisant, mais qu'il pourrait être dépensé d'une manière qui le rendrait beaucoup plus utile, de sorte que, lorsque vous retournez auprès de la nation et des membres d'une nation qui tentent d'obtenir une assurance, le coût de leur assurance serait réduit.
M. Smith : Oui. Bien des fois, les ingénieurs qui produisent les rapports du SRCB se rendent dans la collectivité, et ils ne parlent même pas à qui que ce soit. Ils ne posent aucune question à personne. Ils ne font que s'y rendre, faire leur truc et repartir. Il n'y a absolument aucune interaction. Les membres de la collectivité ne savent même pas que la personne du SRCB est venue et a rédigé le rapport, c'est-à-dire...
M. Kiedrowski : En outre, concernant le rapport du SRCB, ils pourraient formuler des recommandations sur les modifications qui doivent être apportées au chapitre des réparations, du point de vue des immobilisations, dans le cas des écoles et des maisons de bande, mais les membres des collectivités n'ont pas nécessairement à intervenir en ce qui a trait à ces réparations.
La sénatrice Raine : Vous avez mentionné qu'on pourrait demander à des entreprises du secteur privé de fournir ces services et ainsi délester le budget du Canada de ces frais, ce qui aiderait les Premières Nations à progresser au chapitre de leur infrastructure et de leur logement. Serait-ce une meilleure façon de le faire, plutôt que d'en charger Affaires autochtones et Développement du Nord Canada?
M. Kiedrowski : Ce serait un excellent exemple de privatisation de la collecte des données, absolument. Ce serait presque une vitrine d'exposition. Le processus à suivre pour le faire serait vraiment simple, parce qu'actuellement l'industrie de l'assurance essaie d'élaborer ses propres systèmes pour l'avenir. Malcolm et moi étions en train d'étudier les méthodes de collecte de données. Des gens sortent pour recueillir les données. Puis les responsables du logement recueillent des données, et il y a les données du SRCB. Si vous prenez les 18 millions de dollars, les 20 millions de dollars, voire même 15 millions de dollars — et, selon moi, il s'agit d'une fourchette salariale prudente —, je suis certain que vous pouvez faire recueillir ce type de données par des personnes qui se rendraient physiquement sur place à un coût beaucoup moins élevé et que vous obtiendriez de meilleures données.
M. Smith : Par ailleurs, un des éléments qui brille vraiment par son absence, c'est qu'il n'y a aucune donnée sur les incendies. Personne ne recueille de données relatives aux incendies dans les réserves depuis 2003, je pense. J'ai tenté de trouver des chiffres. Les gens des réserves font des réclamations, mais il n'y a aucune base de données nationale concernant les réclamations dans les réserves. Si un incendie éclate ici, les compagnies d'assurance ne le savent pas.
Le plus important défi que je dois relever en tant que courtier d'assurances est d'obtenir un historique de pertes, car le courtier précédent ne vous le donne pas, et les compagnies d'assurance ne veulent pas vous faire de soumission sans ce rapport. C'est le défi le plus important que nous devons relever, parce qu'il n'y a aucune base de données.
La sénatrice Raine : Pourriez-vous m'expliquer ceci, simplement pour que ce soit clair? Comment ce processus fonctionne-t-il pour les collectivités non autochtones en dehors des réserves, pour les municipalités régulières, les maisons régulières? Où se trouvent les données?
M. Smith : Si une maison passe au feu, un expert en sinistre se rend sur place et consigne l'incendie, l'information va dans une base de données sur les assurances.
La sénatrice Raine : Et toutes les compagnies d'assurance ont accès à cette base de données?
M. Smith : Oui.
La sénatrice Raine : Y a-t-il des problèmes relatifs à la protection des renseignements personnels, à cet égard?
M. Smith : Il ne s'agit pas de domiciles personnels. Ce sont des données sur les incendies. Si vous avez un accident d'automobile, les gens sont au courant au sujet de votre automobile, comme l'a expliqué John. L'industrie de l'assurance est comme un avocat. Elle doit maintenir la confidentialité et respecter la PIPA — je pense que c'est cette loi — comme tout le monde. Mais si vous êtes victime d'un incendie, les assureurs le savent. Ils peuvent le vérifier et savoir qu'il y a eu un incendie à telle adresse.
La sénatrice Raine : Lorsqu'on en revient aux questions de protection des renseignements personnels, si un grand nombre d'incendies ont éclaté dans vos maisons, vous allez avoir de la difficulté à obtenir une assurance.
M. Smith : Oui, et c'est normal.
La sénatrice Raine : Vous devenez davantage responsable, dans ce cas.
M. Smith : Bien sûr. Vous êtes tenu responsable de ce que vous faites. Tout comme si vous avez une réclamation à l'égard de votre automobile. Si vous avez un accident avec votre automobile, vous allez devoir payer plus cher pour votre assurance.
La sénatrice Raine : Je suppose que l'élément le plus important que vous avez mentionné, c'est que le coût des assurances est très élevé vu que ces données sont inconnues, qu'elles ne sont pas disponibles. De quel pourcentage avez- vous dit qu'il s'agirait?
M. Smith : Il pourrait s'agir d'une majoration allant jusqu'à 30 p. 100. Les souscripteurs utilisent un tampon. L'affaire, c'est que, si vos données sont bonnes, les compagnies d'assurance sont plus à l'aise de vous accorder un bon taux. Si elles ne savent pas, elles ne feront même pas de soumission, si vous n'avez pas d'historique de pertes, et si cet historique est incertain, elles vont ajouter jusqu'à 30 p. 100 ou plus — elles doublent parfois les taux — simplement parce qu'elles ne savent pas. Il n'y a aucune façon de trouver cette information. C'est le problème le plus important.
La sénatrice Raine : Vous avez mentionné que, dans les nations comme celles de Membertou et d'Osoyoos, cela représente un demi-million de dollars de dépenses par année en assurances?
M. Smith : Seulement en assurance sur les biens, en assurance de risque divers et en assurance pour les programmes communautaires. Il ne s'agit pas de domiciles personnels ni de leur assurance santé. Ce n'est que l'assurance sur les biens et risques divers. Le prix pourrait être un peu moins élevé pour les membres d'Osoyoos parce qu'ils n'ont pas d'auto. Les automobiles sont assurées par ICBC; par conséquent, cela ne ferait pas partie du programme. Par contre, dans le cas de Membertou, si vous regardez sur le Web, qui contient de l'information publique, je ne serais pas surpris que les membres de cette nation dépensent au moins 450 000 $ d'assurance, parce qu'ils assurent également une flotte de pêche.
La sénatrice Raine : Mais ces deux nations ont mis en place de bons systèmes pour l'achat d'assurances.
M. Smith : Oui.
La sénatrice Raine : Si vous preniez une nation comparable qui n'a pas de systèmes en place?
M. Smith : Le prix de l'assurance sur les biens augmenterait. Au lieu de payer un taux de 28 ¢ par tranche de 100 000 $, ils paieraient un taux de 62 ¢, voire même de 80 ¢. C'est également fondé sur les pertes.
La sénatrice Raine : Merci beaucoup. Vous nous avez fourni de bonnes informations.
La sénatrice Dyck : Je pense que vous avez répondu à ma question, de toute façon. J'ai été surprise lorsque des représentants d'AADNC se sont présentés devant nous et qu'ils ont parlé des évaluations dans le SRCB et du fait qu'ils n'incluaient pas les maisons dans leur évaluation. Il me semblait que, lorsque vous examinez les immobilisations d'une collectivité, bien sûr, les maisons comptent pour une grande part, en plus des espaces publics, comme les écoles et le reste.
Ma question serait la suivante : si vous deviez améliorer le programme et le privatiser, pensez-vous que les maisons devraient être incluses? J'ai l'impression que vous dites qu'elles devraient l'être parce que c'est la SCHL qui s'en charge actuellement.
M. Smith : Si je le pouvais. Si vous vous rendez dans une réserve typique, comme Akwesasne — et je me lance simplement parce que je ne l'ai pas fait depuis un moment —, il y avait 80 millions de dollars en immobilisations, comme des immeubles, des écoles et je pense que c'était 130 millions de dollars en maisons... simplement pour vous donner des éléments de référence.
M. Kiedrowski : Je pense...
M. Smith : C'est 65-35. Je pense que c'est dans ces eaux-là.
M. Kiedrowski : C'est exact. Selon moi, le problème — le but initial du SRCB, si je connais un peu l'historique —, c'est qu'il s'agissait en réalité d'un inventaire des dépenses en immobilisations d'AADNC. Il n'a pas du tout évolué et n'a pas vraiment changé. Je crois que les responsables du ministère ont essayé de le changer seulement au moment où nous avons présenté un exposé et que nous avons profité de l'occasion pour exposer les choix possibles : examiner le SRCB, le privatiser, le démanteler, inclure les données sur le logement, inclure d'autres ensembles de données. Nous pouvons le faire pour beaucoup moins que le coût actuel. C'est tombé dans l'oreille d'un sourd. Cela ne les intéressait pas du tout.
La sénatrice Dyck : Dans le même ordre d'idées, vous avez abordé la prévention des incendies, et je me demande comment cela se ferait. Les entreprises privées le font-elles? Incluent-elles habituellement cet élément dans leur évaluation? Recueillent-elles des données sur la prévention des incendies?
M. Smith : Bien sûr. Dans le cas des services d'incendie, lorsque nous évaluons une demande, nous examinons le service d'incendie, le nombre de volontaires dont il dispose, l'accès à l'eau. Je pense que je l'ai mentionné dans mes notes d'allocution. Sans borne d'incendie, vous devez mettre l'eau dans les réservoirs; ainsi, les compagnies d'assurance évaluent la collectivité dans son ensemble. Si sa protection contre l'incendie n'est pas bonne, les taux augmentent. Ce sont les taux des biens qui sont vraiment touchés par cette évaluation.
L'autre aspect — et je n'ai fait que l'effleurer brièvement —, c'est que certaines possibilités de lutte contre les incendies ne sont même pas prises en considération. S'il n'y a pas de volontaires sur place, une fois que vous arrivez sur les lieux de l'incendie, il est trop tard. Il existe un boyau d'arrosage de poudre sèche en aérosol appelé Dry Sprinkler Powder Aerosol — DSPA — qui pourrait éteindre un incendie. Les services d'incendie l'ajoutent à leur équipement. J'ai travaillé pendant deux ans pour le commissaire aux incendies de l'Île-du-Prince-Édouard, et il a été prouvé que ces produits fonctionnent. Ils éteignent l'incendie. Cela laisse du temps au service d'incendie et réduit ainsi toutes les pertes d'eau.
Notre maison de courtage distribuait gratuitement de petits dispositifs à coller à l'intérieur de la hotte au-dessus de votre cuisinière. Si vous avez un incendie sur la cuisinière, il éclate, et le produit se déverse. Nous donnions ces dispositifs; nous tentions de trouver des façons de réduire les pertes.
Il y a des moyens novateurs d'éteindre les incendies, d'autres moyens que d'y aller muni d'un tuyau. Certains des dommages les plus importants sont causés par l'eau, et les services d'incendie sont réticents à utiliser quelque chose comme le DSPA parce qu'ils ne peuvent pas débarquer, tuyau en main, et faire leur travail.
C'est la sainte vérité. Nous en avons donné deux à tous les services d'incendie de l'Île-du-Prince-Édouard. Je pensais que c'était une excellente initiative, mais ils n'ont même pas voulu les utiliser. Tout ce que vous avez à faire, c'est de tirer sur le ressort. Je leur ai fait une démonstration, et le produit a éteint le feu, mais les pompiers n'ont pas voulu les utiliser parce que ce n'est pas ce qu'ils font. Tous les agents de la GRC qui se présentent sur les lieux d'un incendie — et ils doivent le faire à des fins de protection médico-légale — ont un DSPA dans le coffre de leur voiture; ils pourraient donc l'utiliser. Le risque est nul ou très limité. Le programme de formation dure deux minutes, et vous pourriez vraiment atténuer les dommages causés par l'incendie, non seulement pour les Premières Nations, mais pour tout le monde. Au sein d'une Première Nation où deux ou trois membres de la collectivité possèdent chacun un de ces DSPA, au moins personne ne va mourir, et cela atténuerait certainement les dommages. Tout ce que je dis, c'est qu'il y a des solutions de rechange qui ne sont même pas étudiées. Ce produit a été approuvé par la National Fire Prevention Association, et le gouvernement a effectué des essais de DSPA à bord de navires.
La sénatrice Dyck : Eh bien, en plus de recueillir les données sur la sécurité et la prévention incendie dans les réserves des Premières Nations, je pense qu'il serait très utile de savoir où les ressources sont nécessaires. Les taux d'assurance pourraient augmenter, mais, en plus, nous disposerions d'un inventaire des endroits où les besoins sont les plus importants parce que, bien entendu, à cette époque de l'année, dans les réserves des Premières Nations et ailleurs, des incendies éclatent, et des enfants meurent. Nous ne savons pas quelles mesures sont en place dans l'ensemble du pays. Cette situation ne pourrait-elle pas être utilisée comme argument en faveur de l'établissement de cette base de données centralisée, coordonnée et plus complète?
M. Smith : Assurément. L'information sur le service d'incendie serait un élément clé de cette gestion du risque et du contrôle des risques.
M. Kiedrowski : Je sais que, il y a deux ou trois semaines, un des chefs des Premières Nations a parlé de l'échec de la collecte de données et des normes. Je sais que, au chapitre de la collecte des données, actuellement, très peu de données sont recueillies au sujet des incendies, et je ne veux pas défendre l'appareil bureaucratique, mais qui va assumer cette responsabilité? Si vous passez à un tiers, encore une fois, c'est une autre possibilité. Le tiers peut recueillir des données sur le logement, des données du SRCB, des données sur les incendies et des renseignements sur les incendies en même temps, parce qu'il y a un vide incroyable. Le temps est venu de le combler, car non seulement les Premières Nations ont besoin d'assurance, mais il n'y a aucun repère. Vous ne savez pas jusqu'où vous allez avancer.
M. Smith : Lorsque je suis en train d'évaluer une collectivité qui n'a pas son propre service d'incendie et où les pompiers travaillent pour une municipalité, je passe deux ou trois heures sur Internet à tenter de trouver des renseignements au sujet du service d'incendie local afin que je puisse les joindre à la demande que j'envoie. Je dois connaître le type de camion dont il dispose, son âge, le nombre d'appels qu'il reçoit par année, la région desservie et la rapidité avec laquelle le service se rend sur les lieux. Ces renseignements ne se trouvent nulle part; je vais donc sur Internet, et j'essaie d'utiliser Google et Facebook pour tenter de trouver de l'information aux fins d'une demande d'assurance pour une Première Nation.
M. Le Dressay : J'aimerais ajouter une chose. Les sénateurs posent de très bonnes questions, et je pense que vous devez vraiment vous rendre au cœur du système d'information dont il est question. À l'extérieur des terres des Premières Nations, le cœur, c'est le régime d'enregistrement des titres fonciers, et c'est le fondement auquel vous intégrez toutes vos bases de données. Et c'est là qu'on trouve le financement, les assurances et les services publics. C'est le cœur de la base de données dans lequel vous intégrez toutes les autres bases de données.
Donc, la principale infrastructure que vous devez examiner, si vous pensez à des changements importants, c'est le Registre des terres indiennes. C'est celui-là que vous devriez examiner pour voir comment il pourrait être modernisé afin de ressembler davantage à un régime d'enregistrement des titres fonciers, afin que vous puissiez intégrer tous les titres de base de données qui ont été mentionnés.
Le président : Merci. Je ne sais pas si quelqu'un a répondu à cette question, et je ne sais pas si vous pouvez y répondre, monsieur Smith, mais certaines nations autochtones n'ont pas accès à la protection d'une assurance en raison du titre foncier... le problème de propriété que vous avez décrit. Avez-vous une idée du pourcentage global de Premières Nations qui n'ont pas accès à la protection d'une assurance?
M. Smith : Vous voyez, ce n'est pas ce que j'ai connu. Je sais qu'il y a des endroits — les régions vraiment éloignées —, et je ne fais pas affaire avec beaucoup de collectivités situées loin dans le Nord. Celle qui est la plus au nord avec laquelle j'ai fait affaire, c'est la nation Tagish ou Tlingit, pour son assurance. Lundi matin, j'ai rencontré les Innus de Sheshatshiu. Je suis allé leur faire une soumission d'assurance. Ils avaient une assurance pour certains de leurs grands immeubles commerciaux, mais pas pour leur école. Ils ne l'avaient pas assurée. J'imagine qu'ils se sont dit que, si elle brûlait, ils en obtiendraient une autre. Je ne sais pas. Je ne pourrais pas le dire.
La franchise de leur assurance-habitation était de 250 000 $; ainsi, ils pouvaient obtenir une assurance, mais la couverture était limitée. Si une maison passe au feu, avec une franchise de 250 000 $, vous n'avez pas d'assurance. C'est extrême. La plupart des collectivités sont assurées. Le problème, c'est que l'assurance leur coûte vraiment cher.
Je ne peux pas vraiment parler d'Attawapiskat et de deux ou trois collectivités situées dans le Nord. Je suis allé en Colombie-Britannique, ainsi que dans beaucoup de collectivités d'autres régions, mais je ne suis pas allé dans celles qui sont vraiment nordiques, sauf dans celles des Tlingit de la rivière Taku et à Sheshatshiu.
La sénatrice Beyak : Merci, messieurs. Cela a été vraiment instructif. Nous avons de la chance de bénéficier de votre expertise aujourd'hui.
J'ai été courtière dans le secteur de l'assurance et en immobilier pendant 35 ans dans une région éloignée entourée de collectivités des Premières Nations. Feu mon époux Tony et moi-même avions également un centre touristique, qui était toujours difficile à assurer; je comprends donc ce que vous dites au sujet du besoin d'une base de données. C'est essentiel pour tout genre d'immobilisations ou d'assurance.
Je vous ai écouté attentivement, monsieur Matheson, parce qu'un si grand nombre de témoins affirment que des consultations, des collaborations, des projets se déroulent — qu'il s'agisse d'habitations ou de services publics — puis le financement s'arrête. Soit qu'une personne est offensée parce qu'elle n'a pas été incluse dans le processus de consultation, soit un groupe prend l'argent d'un autre groupe pour financer quelque chose d'autre. Je ne comprends pas comment nous pouvons régler ce problème, mais nous en entendons parler trop souvent, et je suis désolée que vous en ayez fait l'expérience, vous aussi.
Enfin, monsieur Le Dressay, j'ai été vraiment touchée par vos commentaires au sujet de la confiance. Un jeune chef s'est présenté ici il y a quelques semaines, un tout nouveau chef. Il faisait preuve d'énormément d'enthousiasme au sujet de sa réserve, mais il a également reconnu les problèmes, et il n'avait aucune idée où aller ou à qui s'adresser au sujet de quoi que ce soit : l'assurance, la gouvernance ou la direction du conseil.
Ma question s'adresse à vous tous. Compte tenu de vos vastes connaissances, pouvez-vous voir la nécessité d'un genre de commission nationale de premier ordre? Notre comité étudie le logement et l'infrastructure. D'autres comités étudient l'éducation et la gouvernance. Pouvez-vous voir une meilleure façon de progresser? Ce que nous faisons depuis des décennies ne fonctionne aucunement, et je serais ravie d'entendre vos commentaires sur le fait qu'il existe ou non quelque chose que nous pourrions faire différemment, que vous avez observé dans le cadre de votre travail dans vos domaines respectifs.
M. Smith : Il y a deux ou trois bonnes organisations. Je pense que l'AAFA a habituellement un bon groupe de séminaires. Vous pourriez peut-être établir un partenariat avec une organisation semblable à l'AAFA afin de travailler sur le plan de l'éducation. Bien entendu, je n'aborde qu'une infime partie de la situation, et les aspects à englober sont nombreux, mais nous appelons cela la « théorie générale ». Si vous avez vraiment confiance en quelque chose, cette confiance a tendance à se propager vers d'autres activités que vous menez. Je pense que l'AAFA serait une bonne organisation avec laquelle établir un programme national relatif à l'assurance ainsi qu'aux achats et aux approvisionnements en matière d'assurance. À part cela, John a des commentaires à formuler, et je suis certain que d'autres intervenants en ont aussi.
M. Kiedrowski : J'ai présenté un exposé sur les codes du bâtiment et les codes de prévention des incendies, et je tentais d'encourager du mieux que je le pouvais les gens à se présenter. Le conseiller, qui était un homme incroyablement intéressant, possédait une entreprise de construction. Il était vraiment intelligent, tout simplement une personne formidable, et il m'a pris à part pour me demander : « Et moi? » Je lui ai répondu : « Et vous? » Il a répliqué : « Moi? Qui me forme, moi? Qui me permet d'acquérir la compréhension nécessaire? Qui va me donner la capacité de comprendre comment mieux progresser à l'égard de mes enjeux? »
J'ai été un peu décontenancé parce que je n'avais jamais pensé à cet aspect avant qu'il soit soulevé. Le conseiller me disait que personne ne lui avait dit, au moment où il avait été élu afin de faire avancer les choses, qu'il n'en avait pas la capacité. Certes, il avait peut-être certains employés, mais il ne savait pas ce qu'il devait faire en tant que représentant élu pour faire avancer les choses.
J'ai soulevé ce problème à maintes reprises. En ce qui concerne la commission de premier ordre, je pense qu'il y a suffisamment de matière dans laquelle les responsables pourraient facilement puiser, et il s'agit de former des partenariats et de tenter de coordonner bien des enjeux. Un grand nombre de bonnes organisations peuvent offrir ces programmes.
J'ai même proposé que, au moment de leur élection, les représentants élus soient invités à venir parler de leurs rôles et de leurs responsabilités, à assister à des séminaires sur la définition des règlements administratifs, sur la façon de progresser et sur le défi qu'Owen a évoqué au sujet des conséquences de ce problème sur la progression.
Encore une fois, vous soulevez ces questions, mais il est difficile de mettre les projets en branle. Il est difficile d'obtenir l'appui des gens. Selon moi, le problème, c'est que, lorsque vous mentionnez le mot « capacité », c'est un terme vague. Si vous mentionnez la capacité du point de vue de la gouvernance, les gens voient de l'argent. Eh bien, il faut bel et bien de l'argent; il faut des connaissances, et il faut du temps, mais il semble que nous n'avons pas eu suffisamment de ces éléments — je pense — au cours des dernières années où nous avons tenté de progresser à cet égard. Je pense que tout le monde est embourbé et fait du surplace.
M. Smith : Pour donner suite aux propos de John, je siégeais au conseil d'administration de l'Industry Council for Aboriginal Business. Nous avons mis sur pied un programme dans le cadre duquel un membre de la direction passait une semaine dans la réserve et assistait aux réunions du chef et du conseil, et, à son tour, le chef passait une semaine dans la salle de conférence. C'était une des façons que nous avions d'y réfléchir. Le programme était surtout axé sur le développement économique; par conséquent, les membres de la direction pouvaient voir pourquoi une société prend ces décisions, et ils pouvaient voir pourquoi le chef et le conseil prennent les décisions qu'ils prennent. La collaboration était ainsi améliorée, et toutes les questions d'éducation. Je pensais que c'était un excellent programme.
Je sais que des programmes de mentorat sont offerts aux jeunes entrepreneurs. Ils sont jumelés à un mentor plus âgé.
L'industrie des assurances est une énorme industrie, et elle ne vend pas que des assurances sur les biens et des assurances risques divers. Toutes les collectivités ont des avantages collectifs. Il y a de l'adaptation et beaucoup de choses. Peut-être qu'il y a une certaine façon d'établir un programme de mentorat dans le cadre duquel les instituts d'assurance se rassembleraient pour aider à éduquer les Premières Nations au sujet des assurances. Beaucoup de formation est offerte, mais aucun membre des Premières Nations n'y participe. Ils ont des avocats et des services sociaux, mais personne ne sait quoi que ce soit au sujet des assurances.
M. Matheson : Le travail auprès des Premières Nations est unique, et ce n'est pas comme travailler auprès de collectivités non autochtones. Les entreprises semblent avoir trouvé une façon de le faire, mais il n'est plus possible de le faire de cette manière. C'est une approche de la vieille école. Il faut que nous travaillions en collaboration, et nous devons travailler avec chaque nation et gagner la confiance et le respect de chaque nation avec laquelle nous voulons travailler. Il n'est pas question d'arriver, de mettre quelque chose en place et de repartir.
Je veux vous donner un exemple. La nation de Neskantaga, dans le nord de l'Ontario, possède un système de traitement des eaux construit il y a 22 ans. C'est un cercle vicieux, quand on pense à la façon dont cela fonctionne. Les membres avaient un besoin. Ils devaient obtenir de l'argent. Ils ont fait construire une usine, et ça s'est arrêté là. Ainsi, deux ans après la construction de l'usine, elle ne fonctionnait plus. Les membres de cette nation ont recommencé à faire bouillir l'eau, et leur investissement reste là à pourrir. Vingt-deux ans plus tard, ils essaient maintenant de déterminer ce qu'il faut faire. Ils ont suivi le processus comme ils étaient censés le faire; ils ont sélectionné des groupes; et ces groupes ont maintenant présenté des propositions. Ils vont utiliser ces propositions pour tenter d'obtenir un financement. Rien n'est garanti. Il s'agit d'une collectivité à laquelle il n'est possible d'accéder que par des routes de glace ou par avion. Elle n'a pas l'eau courante.
Nous ne pouvons plus faire les choses comme nous les faisions. Il doit y avoir un mécanisme en place qui nous permette de travailler de façon uniforme, de créer des liens et de nouer des amitiés, parce que c'est de cela qu'il est question. C'est à long terme. Il ne s'agit pas d'une affectation de deux ans. De la façon dont nous l'envisageons, ce sont des décennies de partenariat, et je ne sais pas de quelle autre façon il est possible de le faire. Si vous voulez renforcer les capacités, vous ne pouvez pas le faire en deux ou trois ans. Les opérateurs accrédités qui travaillent dans ces usines doivent faire un nombre d'heures précis, recevoir une formation et réserver leur place aux cours et subir des examens.
Nous devons changer la façon dont nous envisageons cela. Il est question d'AADNC; le ministère doit être réorganisé. Il faut l'envisager différemment. L'ancien processus qui fonctionnait ne fonctionne plus sur le terrain.
Une dernière expérience : nous entretenons des relations avec diverses personnes dans l'organisme, et nous leur parlons régulièrement. Je leur ai parlé au sujet de ce modèle que nous avions élaboré. C'est un modèle vivant; il est plein de trous, et nous n'arrêtons pas de nous adresser aux chefs et aux conseils de partout au pays pour leur demander d'y contribuer. Ils nous offrent un apport constant; ils veulent travailler avec nous et nous travaillons ensemble. Je me suis fait dire très clairement, officieusement : « Ne nous présentez pas ce modèle. Nous voulons que les chefs s'adressent directement à nous. Si vous pouvez les convaincre de le faire, nous allons leur parler. »
Cela fait partie de l'ancien processus, et, comme je l'ai dit, ce processus fonctionnait, mais il faut le changer. Il existe des entreprises qui ont le savoir-faire, qui ont le temps nécessaire et qui veulent faire fonctionner ce processus. Certaines entreprises ont passé des années à renforcer ces relations, et elles veulent obtenir des résultats pour ces collectivités — des collectivités de 60, de 600 ou de 6 000 personnes. Il faut seulement changer le processus.
M. Le Dressay : Je vais seulement ajouter quelques éléments à tout ce qui a déjà été dit, qui pourraient être utiles pour répondre à votre question. C'est manifestement la question. Tout le monde est frustré. Pourquoi les politiques ne fonctionnent-elles pas? Que pouvons-nous faire qui fonctionnera? C'est pourquoi je veux seulement répéter le critère en quatre parties dont j'ai discuté plus tôt. Lorsque vous étudierez toutes les options qui se présentent à vous — et vous aurez beaucoup de bonnes recommandations à prendre en considération, tenez compte du critère suivant : tout d'abord, est-elle proposée par une nation autochtone? Est-elle menée par une nation autochtone? Ce leadership est extrêmement important pour que l'initiative progresse réellement. C'est de cette façon qu'elle va être mise en œuvre, parce qu'elle sera dirigée par une nation autochtone.
Le deuxième critère qui est tout aussi important : est-elle facultative? Laissez-vous entendre que tout le monde doit le faire, ou laissez-vous entendre que chacun a le choix de le faire? Vous devez respecter le droit des Premières Nations et de tous à l'autodétermination. C'est une autre caractéristique importante.
Le troisième critère dont vous devriez tenir compte est le suivant : comment ce changement sera-t-il mis en œuvre? Y a-t-il un cadre institutionnel qui renforce les capacités? Est-il possible de prendre cette capacité administrative qui doit être changée et de réellement mettre en œuvre ce changement? La nation autochtone compte-t-elle une institution qui peut vraiment aider à mettre en œuvre ce changement? Vous avez beaucoup de bonnes institutions à prendre en considération en ce qui a trait à la mise en œuvre de ce changement.
Le dernier élément du critère qui, selon moi, est très important, c'est ce que fait le comité. Il donne à d'autres parties la volonté politique d'aller de l'avant, afin que votre bonne recherche devienne la justification d'un changement stratégique particulier qui est en cours, et il donne confiance au public. Si le public a confiance, il est possible que des fonds et des ressources circulent. Je pense que le comité offre un important élément de changement.
Je sais que nous étudions parfois diverses politiques et affirmons qu'elles n'ont pas un aussi bon rendement que nous le voudrions, et nous demandons comment nous pouvons les changer. Nous avons tous quelque chose que nous pouvons mieux faire ou améliorer.
La sénatrice Beyak : Merci beaucoup.
Le président : Merci beaucoup. Je suis heureux que nous ayons eu encore une fois de vos nouvelles, monsieur Matheson.
Nous avons eu des nouvelles de la bande indienne de Lac La Ronge et de la nation de Birch Narrows, et ils ont affirmé que, à la suite des cycles de paiement annuels pour le financement gouvernemental, il était difficile de planifier le développement à long terme des infrastructures. Vous entretenez depuis longtemps les relations que vous avez décrites relativement aux infrastructures des eaux et des eaux usées. Cette affaire de financement annuel a-t-elle posé un problème que vous avez pu surmonter?
M. Matheson : D'une année à l'autre, les sommes disponibles pour certaines des nations sont troublantes de nombreuses manières. Les partenariats que nous avons établis et l'orientation que nous avons prise, où toute somme sur laquelle les Premières Nations peuvent mettre la main — les subventions ou quoi que ce soit — est placée dans le modèle... et je parle précisément d'un modèle de service public. Dans de nombreux cas, le reste du financement provient soit d'un promoteur immobilier, s'il s'agit d'une région comme celle de Sun Rivers, et d'un groupe comme Corix, qui exploite et entretient l'infrastructure et le service public.
Nous ne voulons pas l'arrêter. Nous voulons utiliser ce financement lorsqu'il est disponible, mais nous ne pouvons pas compter dessus. Nous ne pouvons tenir pour acquis qu'il sera là d'une année à l'autre. Nous avons donc adopté une approche qui permet de l'intégrer quand nous le recevons, et, s'il n'y en a pas, nous pouvons tout de même aller de l'avant.
Les ententes que nous avons conclues datent de très nombreuses années. Celle dont j'ai parlé date de 114 ans, à Kamloops, à Sun Rivers, que nous avons conclue avec la bande Tk'emlúps... et il s'agit d'une entente de 99 ans prévoyant une construction sur 15 ans. Ainsi, un promoteur immobilier participe à ce projet pendant 15 ans, puis il y a Corix. Cette entreprise travaillera avec la nation pour le reste de ces 99 ans, une fois la construction terminée.
Donc, oui, le financement pose problème, mais au lieu de le laisser être un problème qui entrave le progrès et empêche ces nations d'avancer, nous l'utilisons lorsqu'il est disponible, puis nous le complétons avec l'argent du secteur privé que nous plaçons dans le modèle de service public, qui est très transparent et que nous expliquons complètement à nos partenaires. Chaque année, nous établissons le budget de maintenance et de l'entretien de ces installations, que nous avons été en mesure d'exploiter tout comme le ferait toute municipalité au sein des Premières Nations.
M. Le Dressay : Pourrais-je seulement ajouter un élément à cela? Habituellement, les infrastructures à long terme situées à l'extérieur des terres des Premières Nations sont financées par six sources. Celle à laquelle nous prêtons beaucoup attention, c'est les autres gouvernements. Par exemple, les gouvernements provinciaux contribuent assez souvent aux infrastructures municipales, mais les autres sources qui sont souvent utilisées sont les taxes locales, comme les taxes foncières, les contributions au développement, les droits d'aménagement et des choses de ce genre. Il y aura des réserves. Il y aura des économies qu'ils pourront injecter, et il y aura également des débentures qui seront fournies.
Par conséquent, si vous regardez les infrastructures à long terme situées sur les terres des Premières Nations, il manque presque toutes ces sources de revenus, sauf les autres gouvernements. Ainsi, si vous voulez avoir un modèle comparable — et c'était le but de la loi sur la gestion financière : offrir ces autres sources de revenus aux Premières Nations —, vous avez encore un problème lié à l'infrastructure. On appelle cela le piège de l'infrastructure, et il s'agit d'un piège lié au développement auquel pas seulement l'ensemble des Premières Nations, mais l'ensemble des nations en développement, font face. Pour construire l'infrastructure, il vous faut des revenus et, pour obtenir des revenus, il vous faut des infrastructures. Il y a donc ce piège dans lequel toutes les nations en développement et les Premières Nations sont prises.
Comment pouvons-nous briser ce piège? La seule façon de le faire, c'est par une injection initiale d'argent affectée aux infrastructures, mais à un certain type d'infrastructure, le type qui mène à la croissance économique, parce que la croissance économique génère des revenus et que les revenus permettent, dans ce cycle, à la fin du cycle en cours, à la collectivité ou au gouvernement de payer l'infrastructure.
C'est vraiment important, et je sais que, plus tôt, la question a été posée au sujet de la contribution d'Affaires autochtones à la planification des infrastructures et s'il y a un rôle à jouer pour un tiers. Je pense que c'est pourquoi ce pourrait être le cas : parce que les mesures incitatives d'Affaires autochtones ne visent pas nécessairement la croissance économique. Très souvent, elles visent la protection de Sa Majesté contre des problèmes de responsabilité. Il pourrait donc y avoir un tiers qui pourrait souhaiter examiner les projets d'infrastructure qui encouragent réellement la croissance économique, parce que c'est de cette façon qu'il est possible de créer le cycle de prospérité qui permet aux collectivités de croître. Selon moi, il y aurait peut-être quelque chose que vous pourriez envisager à cet égard également.
M. Matheson : Je souscris à cette opinion, et j'y ajouterai une chose.
De nombreuses Premières Nations ne paient pas les services d'eaux ou d'eaux usées, si par hasard elles disposent de ce type d'infrastructure ou d'une infrastructure convenable. Si nous étudions un modèle régional, les Premières Nations limitrophes de collectivités non autochtones peuvent travailler très bien avec ces collectivités. Il s'agit d'un modèle que nous étudions et que nous avons établi : nous croyons que, si nous travaillons avec les Premières Nations, nous pouvons créer une assiette tarifaire avec les collectivités non autochtones, qui paient déjà pour les eaux et les eaux usées, qui n'ont pas d'opérateurs accrédités, dont l'infrastructure est défaillante. Cette entreprise exploitée par la Première Nation pourrait les approvisionner et les servir.
Donc, vous avez raison de dire que les capitaux doivent être investis. Pour que ce soit le cas, il doit y avoir un mécanisme qui lui permet de donner un rendement, et c'est l'assiette tarifaire.
L'autre commentaire que je formulerai est le suivant : si, au sein de la nation autochtone, dans la collectivité, nous créons des emplois, nous créons des carrières liées à l'exploitation de ces usines, la nation en soi serait-elle disposée à payer pour un service d'approvisionnement en eau ou un service de traitement des eaux usées? Il n'est pas nécessaire qu'il soit identique à celui de la collectivité non autochtone, mais, là où je veux en venir, c'est que nous pouvons fournir une entreprise qui est à l'épreuve de la récession. Elle génère des revenus grâce auxquels la nation pourra faire autre chose, qui pourront être investis dans le logement et servir à régler d'autres problèmes.
Il y a donc une façon de le faire, et il s'agit simplement d'élargir légèrement nos perspectives, de regarder à l'extérieur d'une seule nation autochtone. Nous pourrions peut-être mettre deux ou trois nations ensemble, et deux ou trois collectivités non autochtones ensemble. C'est faisable, et il y a un grand nombre d'endroits et de situations partout au Canada, surtout dans le nord du Canada, où cela peut être fait. Nous travaillons actuellement avec certaines de ces collectivités à la mise en place de ce système.
Là où le bât blesse, c'est au chapitre du financement. Le capital ne peut pas tout être investi par le secteur privé. Nous voulons faire cela en partenariat.
Nous avons abordé plus tôt la responsabilité et la responsabilisation à l'égard de la construction de cette installation, du point de vue des assurances, de la responsabilisation à l'égard de la façon de vivre des Autochtones et pour veiller à ce qu'ils puissent être assurés ou obtenir une assurance. Cela fonctionne de la même façon dans le cas d'un service public. Nous voulons créer une entreprise, une solution durable pour ces collectivités. Nous pouvons travailler avec les collectivités non autochtones en tant que voisins en règle et vraiment fournir ces services.
Le président : Qu'en est-il des collectivités éloignées qui ne sont pas situées à proximité d'une municipalité?
M. Matheson : Il y a deux exemples différents. Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous venons tout juste de terminer l'ajout de 10 installations de traitement des eaux situées dans les localités. Les températures sont différentes, les installations sont exploitées à distance, et je pense qu'une personne se rend sur place toutes les six semaines. L'eau est livrée par camion à ces collectivités. Maintenant, elles ont vraiment de l'eau potable propre et saine, et nous offrons la formation nécessaire pour que ces collectivités puissent renforcer les capacités. C'est un exemple de 10 installations aussi loin que Tuktoyaktuk. Nous sommes dans le Grand Nord.
Lorsque nous observons une situation un peu plus près, peut-être dans le nord de l'Ontario, et qu'il y a une nation qui souhaite obtenir une installation de traitement des eaux, que j'ai mentionnée, elle est située dans le Cercle de feu. Les sociétés minières ne sont pas des entreprises de services publics. Elles ne veulent pas du tout s'occuper de leurs services publics. Elles veulent seulement que ces entreprises soient exploitées et bien exploitées.
Qu'arriverait-il si une entreprise dirigée par des Premières Nations pouvait s'en occuper? Dans ce cas, nous créons des perspectives dans ces endroits éloignés en lien avec l'industrie qui s'y trouve. Cela ne fonctionne pas partout, mais à bien des endroits, ça fonctionne.
M. Le Dressay : J'aimerais ajouter une chose aux commentaires d'Owen : certaines de ces collectivités se trouvent près du lieu de projets de mise en valeur des ressources. Elles ont conclu des ententes avec les entreprises qui exploitent ces ressources, mais ces ententes ont deux volets, et c'est le deuxième qui est important par rapport à ce qu'Owen vient de dire.
Le premier volet de ces ententes est généralement économique. Il concerne l'emploi; il concerne les occasions d'affaires; il concerne parfois l'équité en ce qui a trait à la ressource particulière, mais ces ententes ont un autre volet qui devrait être pris en compte et qui fait partie de ce dont tous les autres Canadiens profitent. Lorsque des ressources sont mises en valeur au Canada, nous obtenons des retombées économiques, mais nous obtenons également des retombées fiscales. Par ailleurs, nous obtenons des ressources fiscales importantes qui sont générées par cette mise en valeur des ressources sous la forme de redevances et de toutes les autres taxes, et ces recettes fiscales servent à fournir à bien des Canadiens des infrastructures, leurs programmes sociaux, et cetera. Les Premières Nations renoncent souvent à ces avantages fiscaux.
Il importe de tenir compte des possibilités. Je sais que certaines personnes ont abordé le partage des recettes et que d'autres ont parlé de fiscalité. Comment les Premières Nations peuvent-elles améliorer leur participation à la mise en valeur des ressources dans ces régions? Ces recettes fournissent les mécanismes nécessaires à l'amélioration de choses comme les infrastructures, les services locaux et tous les autres éléments dont nous avons discuté aujourd'hui. Ce n'est qu'un élément en réponse aux commentaires au sujet du Nord.
Le président : Merci beaucoup.
Monsieur Matheson, le site web de votre entreprise nous donnera-t-il des exemples de collectivités au sein desquelles vous avez établi ces partenariats ou pourrions-nous vous demander de donner ces exemples au comité?
M. Matheson : Je serais heureux de vous les donner, et notre site web contient également de l'information. Je vais présenter le travail que nous avons fait auprès de nombreuses Premières Nations de partout au pays, le type de travail que nous avons effectué et les endroits, bien entendu. S'il y a d'autres renseignements que je peux fournir, vous n'avez qu'à me le dire.
Le président : Merci. À votre avis, d'autres entreprises privées devraient-elles élaborer des modèles propres aux Premières Nations dans le cadre d'un effort — comme l'a fait Corix — visant à relever les défis uniques auxquels les Premières Nations font face?
M. Matheson : Je pense que le plus grand nombre d'entreprises possible devraient le faire. Nous avons une responsabilité. Nous devons être en mesure de fournir ce type d'infrastructure où que ce soit. Il ne peut pas toujours être question de profits. Il doit être question de s'occuper des gens également, et, si nous pouvons trouver une solution qui fonctionne pour tout le monde, c'est ce que nous voulons faire.
Je crois que la raison pour laquelle Corix peut le faire, c'est en raison de l'intégration verticale de notre entreprise. Je crois bien que nous sommes la seule entreprise de services publics au Canada qui offre tous les éléments. Je ne veux pas dire qu'il doit s'agir d'un guichet unique. Ce n'est pas là où je veux en venir. Toutefois, comme nous avons tous les éléments différents, de l'équipement aux systèmes, en passant par les produits qui sont requis, les ingénieurs et la capacité d'exploitation, d'entretien et même d'injection de capitaux, nous pouvons examiner cette situation d'une façon unique.
Nous pourrions — et d'autres entreprises le peuvent — établir des partenariats avec d'autres groupes. Cela en revient à l'engagement à l'égard du temps. Comme l'ont fait un grand nombre des divers groupes qui travaillent auprès des Premières Nations, Corix a investi un grand nombre d'heures. Comme je l'ai dit, il n'est pas question de profits, il est question de tenter d'achever des tâches qui doivent être accomplies.
Les grands PPP... ils fonctionnent; ils ont fait leurs preuves. Nous en avons des dizaines et des dizaines partout au pays, mais il est question de plus d'une centaine de millions de tâches. Il est question de tâches beaucoup moins importantes à accomplir dans des régions éloignées.
J'espère que d'autres entreprises — pas seulement celles qui œuvrent dans le domaine des services publics — se réuniront pour tenter de trouver des solutions. Je sais que, en ce qui concerne le modèle sur lequel nous travaillons, nous travaillons dessus depuis des années. En fait, il a commencé en tant que projet gribouillé sur une serviette en papier lors d'une conversation avec le chef et le conseil, et nous avons créé un concept. Ce concept a évolué au fil des ans, à mesure que nous tentions d'obtenir les commentaires de toutes les personnes à qui nous pouvions nous adresser. Donc, oui, j'espère qu'elles le feront.
Je crois non seulement qu'elles devraient le faire, mais que ce serait dans leur intérêt, parce qu'il y a tellement de travail à faire qu'une seule entreprise ou un seul groupe d'entreprises ne peut pas tout faire.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice Dyck : Monsieur Matheson, le modèle que vous décrivez semble trop beau pour être vrai. Je ne dis pas cela pour critiquer. Il semble merveilleux, mais je suis toujours sceptique. Je pense que certaines Premières Nations sont probablement sceptiques en raison des relations qu'elles ont eues avec d'autres entreprises ou le gouvernement. Vous devez avoir gagné beaucoup de confiance.
À vous entendre, on croirait que les Premières Nations vont profiter de cette initiative. Qu'est-ce que Corix en retirera? Il est clair que vous devez en tirer un profit. Il est impossible que vous le fassiez simplement par bonté de cœur ou par un genre d'obligation morale au sujet de ce qui devrait être fait, selon vous, pour aider les Premières Nations à prendre le relais de leur propre infrastructure et d'en tirer de l'argent.
M. Matheson : C'est une question qui m'a été posée par un grand nombre de chefs et de conseils de partout au pays.
La sénatrice Dyck : Sans aucun doute.
M. Matheson : Si vous me le permettez, j'aimerais que vous imaginiez un rectangle et une ligne qui s'étend du coin supérieur gauche au coin inférieur droit de ce rectangle. L'axe du bas, c'est le temps. Du côté gauche, il y a Corix; du côté droit, il y a la nation autochtone. Au départ, Corix fournit la ressource, le capital, le savoir-faire et l'expérience. Pour cet exemple, nous allons dire que Corix fournit tout et que la nation ne fournit rien. Au fil du temps, nous renforçons les capacités, nous offrons une formation, nous éduquons les gens et nous transférons les activités et la propriété de cette entreprise. Au moment où nous atteignons le bas, la participation de Corix est de 0 p. 100, et celle de la nation est de 100 p. 100. Durant une période, cette entreprise transfère les activités de l'entreprise qui appartiendra à la nation autochtone, qui sera exploitée par elle et qui génère des recettes pour la nation ou la région en question, selon la façon dont le modèle et le partenariat sont établis.
Au départ, l'argent qu'investit Corix initialement a des retombées, et les retombées se présentent sous la forme des tarifs et de divers mécanismes. Le modèle est très transparent, et tout est expliqué.
Vous avez raison; nous sommes le secteur privé, et nous devons faire de l'argent lorsque nous menons nos activités, mais il ne s'agit pas de faire de l'argent pour toujours. Il est question d'une transition, et c'est ce qui rend ce modèle unique. Personne d'autre n'envisage la situation de cette manière, et nombre d'autres entreprises ne peuvent pas le faire parce qu'elles ne savent pas comment ou qu'elles ne sont pas disposées à le faire.
Corix peut faire un peu d'argent sur une période donnée, et la nation peut générer des recettes dès le premier jour, selon la façon dont nous établissons le partenariat. À mesure que nous renforçons les capacités de la nation autochtone, ces recettes augmentent, et les autres diminuent, jusqu'à ce que nous ayons déterminé ce que nous avions à déterminer. Selon l'investissement en capital, la période pourrait être de 10 ans; elle pourrait être de 20 ans; elle pourrait être de 114 ans. Elle pourrait avoir n'importe quelle durée qui est jugée importante par la collectivité, par la nation en soi, et ce qui fonctionne relativement au modèle et aux chiffres qu'on y inscrit. Il y a également la capacité d'expansion, c'est-à-dire la possibilité d'ajouter le traitement des eaux usées au traitement des eaux, de même que d'autres solutions en matière d'énergie pour la collectivité.
J'espère que cela répond à votre question.
Le président : Le groupe de témoins a été extrêmement instructif et stimulant. Je me sens confiant de pouvoir dire, au nom du comité, que nous vous remercions tous sincèrement de nous aider dans le cadre du travail important que nous faisons.
Chers collègues, d'autres personnes auront besoin de la salle dans environ une demi-heure, et il faut qu'elle soit préparée. Je suis certain que vous voulez parler aux témoins, mais puis-je vous proposer de vous rendre dans l'antichambre afin que la salle puisse être installée pour le prochain groupe.
Merci.
(La séance est levée.)