Aller au contenu
APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 12 - Témoignages du 24 mars 2015


OTTAWA, le mardi 24 mars 2015

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour étudier les problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je voudrais souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs et aux membres du public qui suivent cette réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones dans la salle, sur le réseau CPAC ou en ligne.

Je suis Dennis Patterson, du Nunavut. J'ai l'honneur de présider le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Nous avons pour mandat d'examiner les mesures législatives et les questions touchant de façon générale les peuples autochtones du Canada. Ce soir, nous entendrons des témoins conformément à un ordre de renvoi précis qui nous autorise à étudier, pour en faire rapport, les problèmes et les solutions possibles concernant l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations, ce qui comprend notamment le logement, les infrastructures communautaires, les options de financement novatrices et des stratégies de collaboration plus efficaces.

Nous avons terminé nos audiences sur la question du logement. Nous concentrons maintenant notre attention sur l'infrastructure. Bien sûr, les deux sujets sont liés.

Aujourd'hui, nous aurons le plaisir d'entendre quatre témoins représentant deux ministères : Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, ainsi que le Secrétariat du Conseil du Trésor.

Avant d'entendre les témoignages, j'aimerais faire un tour de table pour demander aux membres du comité de se présenter. Je signale toutefois que la météo hivernale a empêché certains membres d'être présents aujourd'hui.

La sénatrice Dyck : Lillian Dyck, de la Saskatchewan.

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario. Bienvenue.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

Le président : Merci, chers collègues. Je sais que vous m'aiderez à accueillir nos invités de ce matin. Je vois des visages familiers d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Karl Carisse, directeur principal, Direction des politiques stratégiques, de la planification et de l'innovation, Andrew Beynon, sous-ministre adjoint par intérim, Terres et développement économique, et Rob Harvey, directeur général par intérim, Comptabilité ministérielle et gestion du matériel. Nous vous remercions d'avoir accepté de comparaître à nouveau et d'apporter vos lumières au comité. Notons également la présence, parmi les témoins, de Brian Pagan, secrétaire adjoint, Secteur de la gestion des dépenses, du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.

Si je comprends bien, M. Pagan va commencer, au nom du Secrétariat du Conseil du Trésor. M. Beynon enchaînera, au nom de l'AADNC. Nous avons hâte de vous entendre, avant de passer aux questions des sénateurs. La parole est à vous.

[Français]

Brian Pagan, secrétaire adjoint, Secteur de la gestion des dépenses, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Merci, monsieur le président. Bonjour à tous.

Je commencerai par vous donner un aperçu du système de gestion des dépenses.

[Traduction]

Nous présenterons également un aperçu de la façon dont les programmes pour les Autochtones figurent dans le budget des dépenses du gouvernement du Canada. Si j'ai bien compris, le comité s'intéresse particulièrement à la façon dont les garanties ministérielles sont comptabilisées dans les registres du gouvernement du Canada. Je conclurai mon exposé en présentant un exemple précis du processus. Avant tout, il me semble important de mettre les choses en contexte pour les membres du comité au sujet du Système de gestion des dépenses du gouvernement, et de la façon dont le Parlement examine, approuve et contrôle les dépenses des organismes et ministères gouvernementaux. Je vais prendre quelques minutes pour vous donner un aperçu du processus budgétaire.

Mon exposé s'appuie sur des diapositives auxquelles je vais faire référence à l'occasion en mentionnant le numéro de page. Sauf erreur de ma part, vous avez reçu ces diapositives à l'avance.

Vous avez, à la diapositive 3, une illustration du cycle de présentation de rapports au Parlement et d'affectation des crédits. Comme vous le savez, l'exercice du gouvernement s'achève le 31 mars et commence le 1er avril. Dans le cadre de l'exercice, des règles prescrivent la façon dont l'exécutif présente son budget des dépenses au Parlement et la façon dont le Parlement examine et approuve ces crédits. Il me semblait important de commencer par cet aperçu.

Dans la diapositive que vous avez sous les yeux, vous constatez que le cycle est divisé en périodes de crédits. En vertu du Règlement de la Chambre des communes, le Parlement a ainsi créé trois périodes de crédits, s'achevant le 23 juin, le 10 décembre et le 26 mars. C'est en fonction de ces périodes de crédits que l'exécutif élabore les documents ayant trait au budget des dépenses, les dépose et les soumet à l'examen des comités. Les comités font comparaître des représentants des ministères afin de comprendre le plan de dépenses et les besoins des ministères, puis, après avoir effectué cette étude du budget des dépenses, ils approuvent l'affectation des fonds et les crédits parlementaires.

Ces périodes de crédits comportent quatre documents clés à livrer, du point de vue du Secrétariat du Conseil du Trésor : les documents du budget des dépenses que mon équipe prépare et remet au président du Conseil du Trésor pour dépôt à la Chambre.

Au début de l'exercice, on présente le Budget principal des dépenses, qui vient d'être déposé au Parlement à la fin de février. D'ailleurs, la Chambre vote aujourd'hui les crédits pour le Budget principal des dépenses. En vertu du Règlement de la Chambre des communes, le Budget principal des dépenses doit être déposé au plus tard le 1er mars. J'en ai apporté un exemplaire avec moi. C'est sur ce document que l'on s'appuie pour les dépenses de programmes ministériels au cours de l'exercice. Il est régulièrement mis à jour et étoffé, au fur et à mesure que de nouveaux plans de dépenses sont élaborés et que de nouveaux engagements du gouvernement se concrétisent, qu'il s'agisse d'annonces dans le cadre du budget ou d'autres annonces de politiques.

Le processus commence donc le 1er mars par un document du Budget principal des dépenses. Au cours de l'année, diverses périodes sont prévues pour présenter des budgets supplémentaires des dépenses au Parlement. Généralement, ils sont présentés chronologiquement : le Budget supplémentaire des dépenses (A), au printemps, le Budget supplémentaire des dépenses (B), à l'automne, et le Budget supplémentaire des dépenses (C), à la conclusion de l'exercice. Il est essentiel de comprendre le processus, ainsi que les documents d'accompagnement qui expliquent les programmes ministériels, c'est-à-dire les rapports sur les plans et les priorités des ministères, qui fournissent de nombreux détails sur les programmes et objectifs précis d'un ministère, et les rapports ministériels sur le rendement, à la conclusion de l'exercice, qui résument les progrès réalisés en vue d'atteindre les objectifs.

Passons à la diapositive 4, qui explique les différents types d'approbation du Parlement. Comme vous le savez, la Loi sur la gestion des finances publiques stipule que le gouvernement doit obtenir l'autorisation du Parlement pour effectuer des paiements.

L'autorisation est accordée de deux façons : au moyen d'une loi particulière, que nous appelons « autorisation législative », comme pour la Sécurité de la vieillesse, les prestations pour enfants ou certains programmes d'Affaires autochtones, ou au moyen d'une loi de crédits, qui accorde une autorisation votée précise.

[Français]

Près de deux tiers des dépenses sont autorisées au moyen de lois de crédits appelées communément des « dépenses votées ». Les dépenses votées sont autorisées pour un exercice donné. Dans le Budget principal des dépenses de 2015- 2016, 119 ministères, organismes et sociétés d'État ont demandé des autorisations de dépenses votées.

[Traduction]

Pour bien comprendre de quoi il s'agit, voici ce que nous considérons être des dépenses discrétionnaires. Elles sont présentées annuellement au Parlement pour faire l'objet d'une approbation de crédits. La diapositive 5 explique la façon dont le Parlement accorde cette approbation au moyen d'une loi de crédits. Nous nous servons du nom légal de l'organisation, celle donnée dans la loi habilitante pour accorder des crédits dans une loi de crédits. Le document déposé au Parlement est aussi structuré de la même façon.

[Français]

Voilà pourquoi le Budget principal des dépenses fait encore référence au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien plutôt qu'au ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord du Canada.

[Traduction]

Les projets de loi présentent les montants par crédit pour chaque organisation. Le libellé du crédit dans le projet de loi établit des critères généraux sur la façon dont ces crédits peuvent être dépensés. Ce sont des crédits typiques destinés au fonctionnement, aux dépenses de programmes, aux dépenses en immobilisations ainsi qu'aux subventions et aux contributions. Les organisations ne peuvent pas dépenser plus que la limite approuvée, mais elles ne sont pas obligées de dépenser la totalité des fonds.

Passons à la diapositive 6, qui fournit des renseignements utiles pour l'étude d'un projet de loi de crédits. Les budgets des dépenses sont produits pour aider les parlementaires à examiner les projets de loi de crédits. Les Budgets principaux des dépenses, comme je l'ai dit, sont déposés au plus tard le 1er mars, et ils permettent d'examiner deux projets de loi de crédits, soit les crédits provisoires qui permettent aux ministères d'entamer l'exercice financier, et les crédits totaux, qui sont les montants restants contenus dans les Budgets principaux des dépenses. Les rapports sur les plans et les priorités fournissent davantage de détails sur ce que les organisations comptent réaliser avec le financement prévu dans les Budgets principaux des dépenses.

[Français]

Soulignons que l'autorisation de dépenser est approuvée par un vote du Parlement. Les autres plans qui figurent au budget des dépenses, telles les prévisions de dépenses par programme ou par article courant, ne sont que des estimations qui ne restreignent pas la façon d'utiliser les fonds. On peut trouver des renseignements sur les dépenses réelles dans les rapports trimestriels et les comptes publics, alors que les données sur le rendement figurent aux rapports ministériels sur le rendement.

[Traduction]

À la page 7 maintenant, qui porte sur l'examen des budgets des dépenses par les comités, les budgets des dépenses pour 2015-2016 ont été déposés le 24 février. Sur réception, les budgets des dépenses sont renvoyés aux comités de la Chambre des communes et au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Les comités font rapport des études sur les budgets des dépenses. Pour ce qui est des comités de la Chambre des communes, ils peuvent être réputés avoir fait rapport même s'ils ne l'ont pas fait avant la date limite.

[Français]

Dans le cas présent, les représentants du Conseil du Trésor ont comparu devant le Comité permanent des opérations gouvernementales de la Chambre des communes et devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales pour donner un aperçu du Budget principal des dépenses et répondre aux questions. Les comités convoquent d'autres organisations au besoin pour obtenir de plus amples renseignements.

[Traduction]

La diapositive 8 présente les dépenses liées aux Autochtones telles qu'elles figurent dans le Budget principal des dépenses de 2015-2016. Dans le budget des dépenses, on retrouve le ministère des Affaires autochtones et la Commission de vérité et de réconciliation relative aux pensionnats indiens aux pages II-140 et II-146. Ces deux organismes se consacrent essentiellement à des programmes visant les Autochtones. Vous ne verrez pas les chiffres pour l'exercice 2015-2016 du Greffe du Tribunal des revendications particulières puisque les chiffres ont été regroupés avec ceux du Service canadien d'appui aux tribunaux administratifs en novembre 2014.

Après le ministère des Affaires autochtones, les fonds les plus importants pour les programmes liés aux Autochtones sont versés à trois programmes de Santé Canada, à la page II-134. Le ministère des Pêches et des Océans a aussi des programmes réservés pour la rubrique Stratégies et gouvernance autochtones.

[Français]

Des organisations peuvent aussi prévoir des subventions et des contributions qui sont expressément conçues à l'intention des groupes autochtones. Par exemple, parmi les paiements de transfert, soulignons les subventions et contributions à l'appui du Programme des Autochtones du ministère du Patrimoine canadien, ainsi que la contribution à l'Initiative de foresterie autochtone de Ressources naturelles Canada. On peut trouver d'autres programmes de subventions et de contributions à l'intention des groupes autochtones au sein de l'Agence canadienne de développement économique du Nord, du ministère de la Justice, de l'Administration du pipe-line du Nord et de l'Agence de la santé publique du Canada.

[Traduction]

Si l'on additionne tous les chiffres du Budget principal des dépenses de 2015-2016, le total est d'environ 10,9 milliards de dollars en dépenses prévues pour les programmes liés aux Autochtones en 2015-2016. En comparaison, ce montant s'élevait à 10,8 milliards de dollars dans le Budget principal des dépenses de 2014-2015. Toutefois, ce chiffre est ultérieurement passé à 11,4 milliards de dollars à la suite des dépôts des budgets supplémentaires des dépenses de 2014-2015.

Nous passons maintenant à la diapositive 9. Je crois savoir que le comité s'intéressait, dans le cadre du processus d'affectation de crédits, au concept de report de fonds.

[Français]

Lorsque les organisations proposent des programmes au Cabinet et au Conseil du Trésor, le financement requis, ventilé par crédits et exercices financiers, est inclus à la proposition. En réalité, afin de mettre en œuvre un programme, il faut faire des prévisions régulièrement.

[Traduction]

Un report de fonds est un processus qui permet de rajuster les autorisations de dépenses afin de refléter les réalités d'un programme ou d'un service offert par un ministère. Lorsque le ministère des Finances établit son budget, il estime selon les meilleures prévisions possibles à quel moment les dépenses seront effectuées. Tandis que nous, au Conseil du Trésor, nous examinons les programmes et les services proposés par les ministères selon le profil des dépenses, et nous en approuvons les conditions générales de manière à ce que le tout soit reflété dans les documents des budgets des dépenses.

Toutefois, si pendant la réalisation du programme ou la prestation du service des rajustements sont nécessaires et que les négociations s'éternisent avec les parties prenantes, s'il y a des retards au niveau de la dotation ou des interruptions dans un processus d'attribution de contrats qui changeront le profil du programme, alors il existe deux mécanismes pour indiquer ces changements. L'un d'eux est un report de fonds dont je vais parler dans un instant. L'autre est une réaffectation. Le report de fonds vous limite à chaque année. La réaffectation peut s'échelonner dans le temps et se prolonger pendant de nombreuses années, si nécessaire.

Essentiellement, une réaffectation de fonds est un transfert de fonds qui n'ont pas été dépensés ou qui ne seront pas utilisés d'un exercice à un autre. Dans les cas les plus courants, des retards dans l'exécution de programmes font en sorte que le ministère souhaite reporter des fonds à des exercices ultérieurs. L'inverse est aussi possible, lorsque des fonds qui pourraient être affectés à une date ultérieure pourraient être utilisés dès maintenant pour permettre au ministère d'avoir accès à du financement plus rapidement ou plus tôt si les conditions du programme le justifient.

Étant donné que ce transfert de fonds qui est reporté ou devancé peut influer sur le plan financier général du gouvernement, les réaffectations de fonds doivent être approuvées par le Secrétariat du Conseil du Trésor et le ministère des Finances. C'est seulement lorsque le profil de financement proposé a été approuvé par le ministère des Finances qu'il sera inclus dans les budgets des dépenses et subséquemment présenté au Parlement dans un projet de loi de crédits.

Dans la mesure du possible, on a recours à des reports de fonds plutôt qu'à des réaffectations dans les budgets de fonctionnement et d'immobilisations. À l'heure actuelle, on ne procède pas à des reports de fonds pour le financement lié aux subventions et aux contributions. Par conséquent, la réaffectation de fonds est la seule façon que le ministère des Affaires autochtones peut transférer son financement lié aux S et C entre les exercices.

Une voix : Les S et C?

M. Pagan : Subventions et contributions.

Nous passons maintenant à la diapositive 10, qui porte sur les fonds reportés en 2014-2015.

[Français]

Comme il a été mentionné, avec l'approbation du ministère des Finances, les fonds non utilisés peuvent être reportés à l'exercice suivant. Les décisions de report du ministère s'élèvent à près de 171 millions de dollars dans les budgets des dépenses de 2014-2015.

[Traduction]

Avec l'approbation du ministère des Finances, on peut réaffecter les fonds non utilisés à des exercices ultérieurs. En 2014-2015, on a traité pour le ministère environ 171 millions de dollars de demandes de réaffectation.

Le report de fonds du budget de fonctionnement est le mécanisme principal qui permet aux ministères et aux organismes d'obtenir une autorisation pour reporter jusqu'à 5 p. 100 du budget de fonctionnement à des exercices ultérieurs. Sous réserve de l'approbation du Conseil du Trésor, les fonds de fonctionnement non utilisés peuvent être reportés à l'exercice suivant. Donc, la période ne doit pas dépasser un an et le montant peut s'élever jusqu'à 5 p. 100 du budget de fonctionnement établi dans le Budget principal des dépenses.

En 2014-2015, le ministère des Affaires autochtones a reporté pour environ 42,8 millions de dollars de l'exercice 2013-2014. On procède grâce à des affectations provenant d'un crédit central qui est géré par le Secrétariat du Conseil du Trésor. Ce crédit central est connu sous le nom de crédit 25 du CT. Il s'agit d'un montant de 1,2 milliard de dollars, et c'est en quelque sorte la petite caisse où l'on pige pour permettre aux ministères d'affecter les montants auxquels ils ont droit lorsqu'ils les reportent d'un exercice à un autre. Encore une fois, le montant maximal est de 5 p. 100 du crédit de fonctionnement du Budget principal des dépenses.

C'est au début des années 1990 qu'on a introduit les notions de report de fonds et de budget de fonctionnement. Je pense que c'était en 1993-1994. C'était dans le but de donner plus de souplesse aux divers ministères afin de mieux gérer leurs programmes d'un exercice financier à l'autre.

Compte tenu du cycle de gestion des dépenses que j'ai mentionné tout à l'heure, du Budget supplémentaire des dépenses (C) qui est présenté au Parlement au printemps et approuvé seulement à la fin du mois de mars, et du fait que l'exercice financier se termine le 31 mars, il peut être très difficile pour un ministère d'obtenir l'approbation des dépenses prévues dans le budget supplémentaire au cours de la dernière semaine de l'exercice financier et d'être en mesure d'effectuer ces dépenses au cours de cette même semaine. Certains des processus et des restrictions en matière de dotation, d'attribution de contrats et d'interventions de tierces parties perturbent véritablement la dynamique des programmes dans un ministère, ce qui peut limiter la souplesse et nuire aux meilleurs plans dans le cadre d'un exercice.

À une époque lointaine, on parlait de la folie de mars, car il fallait épuiser un budget ministériel au risque de le perdre. L'exercice financier se terminant le 31 mars, l'argent non dépensé n'était plus disponible. Ainsi, les ministères s'empressaient de le dépenser. Les médias ont vertement critiqué cette pratique, de même que le vérificateur général et les comités parlementaires. Quand nous avons examiné les rouages de ce processus, nous avons constaté que c'étaient nos propres règles qui étaient en cause. L'introduction des budgets de fonctionnement et du report de fonds s'est révélée être une mesure sensée pour supprimer ces incitatifs négatifs et créer des conditions et une souplesse optimales afin que le ministère puisse gérer ses programmes adéquatement.

Cela a été introduit en 1993-1994. Au départ, cela visait 2 p. 100 des budgets. L'outil s'est révélé très utile et avantageux tant pour les programmes que pour les clients des programmes. En 1995, ce pourcentage est passé à 5 p. 100 et il est toujours à ce niveau à l'heure actuelle.

Il s'agit là du processus permettant à Affaires autochtones et à d'autres ministères de reporter des fonds à l'exercice suivant jusqu'à concurrence de 5 p. 100 de leur budget de fonctionnement.

Pour vous donner un autre exemple de report, je vous parlerai des budgets d'immobilisations, et dans le cas des programmes d'immobilisations, il s'agit généralement de projets de bien plus grande envergure, souvent de dizaines ou de centaines de milliers de dollars, voire de milliards de dollars. Encore une fois, les retards dans la dotation et les négociations avec les tierces parties à un contrat peuvent avoir des effets négatifs, y compris sur les meilleurs plans et prévisions d'un ministère.

C'est ainsi qu'est née l'idée de reporter le budget d'immobilisations dans le cadre du budget des dépenses, en 2008. Là encore, sous réserve de l'approbation du Conseil du Trésor, les fonds non dépensés peuvent être reportés d'un exercice au suivant et leur montant ne doit pas dépasser 20 p. 100 de l'autorisation totale pour le crédit de dépenses d'immobilisations. Pour 2014-2015, Affaires autochtones a reporté 2,6 millions de dollars de ces fonds de son budget d'immobilisations.

Pour terminer, je sais que votre comité s'intéresse à la comptabilisation des garanties d'emprunt. J'ai donc un exemple très précis pour Affaires autochtones. Monsieur le président, permettez-moi de terminer en vous expliquant comment le programme de garanties d'emprunt ministérielles est comptabilisé dans les livres comptables du gouvernement du Canada.

Les garanties d'emprunt ministérielles fournissent des garanties pour obtenir des prêts pour des projets de construction de logements. Le fait que la Couronne soit propriétaire des terres des Premières Nations peut compliquer les choses lorsque les communautés veulent emprunter de l'argent auprès d'institutions de crédit afin de financer la construction d'habitations ou des hypothèques. Le Parlement a commencé à permettre à Affaires autochtones de fournir des garanties d'emprunt ministérielles en 1966 afin de régler le problème des prêts associé à la saisie des terres dans les réserves.

Le programme dispose d'une autorisation législative de 2,2 milliards de dollars et est considéré comme étant un poste non budgétaire puisqu'il s'agit d'une garantie ayant une incidence sur la composition des actifs financiers du gouvernement du Canada. Cette garantie de 2,2 milliards de dollars représente le passif éventuel du programme et est indiquée dans le volume I des Comptes publics du Canada. Pour ceux que cela intéresserait, c'est plus précisément à la page 11.34 du volume I.

Comme l'a indiqué, je crois, votre comité dans son rapport et tel qu'indiqué dans une évaluation du programme de juin 2010, les garanties d'emprunt ministérielles ont un taux de défaut très bas, avec un coût prévu de moins 2 millions de dollars. Le coût prévu du défaut est inclus dans le budget des dépenses à titre de poste budgétaire avec les autorisations législatives du ministère pour 2014-2015, que vous pouvez trouver à la page II-140.

Le Budget principal des dépenses fournit au Parlement les prévisions concernant les crédits votés ou les postes législatifs ainsi que les besoins non budgétaires de trésorerie, comme je l'ai mentionné dans l'introduction, et donc l'utilisation de ces autorisations est indiquée dans les Comptes publics à la fin de l'exercice.

Pour les garanties d'emprunt ministérielles, le ministère a déclaré avoir utilisé cette autorisation de la manière suivante : 1,5 million de dollars en 2012-2013 et rien en 2013-2014. La déclaration concernant l'utilisation de cette autorisation se trouve dans le volume II des Comptes publics, à la page 16.8.

Monsieur le président, je vous ai donné un bref aperçu du processus et du système de gestion des dépenses ainsi que du processus de budgétisation du gouvernement, en m'attardant plus particulièrement sur la façon dont on comptabilise les garanties d'emprunt ministérielles dans les livres comptables du gouvernement. Voilà qui met fin à mon exposé. Je serais ravi de répondre aux questions des membres du comité.

Le président : Je crois que nous attendrons à la fin de l'exposé de M. Beynon avant de vous poser nos questions.

[Français]

Andrew Beynon, sous-ministre adjoint par intérim, Terres et développement économique, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Monsieur le président, honorables sénateurs, je suis heureux d'être de retour devant ce comité pour discuter d'un sujet important, soit les infrastructures des Premières Nations.

À titre de cadre supérieur de la fonction publique responsable d'améliorer le développement économique des collectivités autochtones partout au pays, je reconnais que les infrastructures jouent un rôle crucial dans le succès économique à long terme des communautés autochtones.

[Traduction]

Affaires autochtones et Développement du Nord Canada aide les Premières Nations en construisant et en entretenant l'infrastructure dans les réserves à l'aide d'un soutien financier direct. De plus en plus, le ministère utilise également plus d'approches novatrices, comme les outils législatifs et réglementaires optionnels qui permettent aux Premières Nations de prendre davantage le contrôle du financement de leur infrastructure. Je vais tout d'abord traiter du financement direct.

Les Premières Nations sont les propriétaires et les exploitants des infrastructures dans les réserves, mais Affaires autochtones et Développement du Nord Canada travaille avec les collectivités en leur donnant un appui financier et en les aidant à acheter, à exploiter et à entretenir leurs infrastructures communautaires. Le but ultime du ministère est de donner aux collectivités des Premières Nations dans les réserves les mêmes moyens dont disposent les autres collectivités canadiennes pour devenir des collectivités sécuritaires, saines et prospères. J'aimerais vous indiquer, honorables sénateurs, qu'il existe bien entendu de nombreuses communautés vivant hors réserve qui sont confrontées à des défis en matière d'infrastructure. J'en ai moi-même fait l'expérience en conduisant dans les nids de poule en chemin pour venir ici ce matin.

Le gouvernement du Canada consacre environ 1 milliard de dollars par année aux infrastructures communautaires dans les réserves dans le cadre du Programme d'immobilisations et d'entretien dans les réserves d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. Le financement est alloué pour la construction et l'entretien des infrastructures des Premières Nations. Dans le cadre de ce programme, le ministère investit dans quatre grands domaines : l'approvisionnement en eau et le traitement des eaux usées, l'éducation, le logement et les autres infrastructures.

Bien qu'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada fournisse aux Premières Nations jusqu'à 100 p. 100 du financement nécessaire pour mener à bien la plupart des projets d'infrastructures communautaires, la majorité du financement du ministère est consacré à l'exploitation et à l'entretien des biens existants. Par conséquent, le ministère se fie énormément au financement ciblé annoncé dans les divers budgets fédéraux pour financer les nouvelles infrastructures.

À l'extérieur des réserves, les municipalités ont tendance à étendre le coût d'un bien sur toute sa durée de vie utile, parce qu'elles ont accès à des sources de revenus durables et stables, comme l'impôt foncier. Ces revenus sont exploités sur les marchés de capitaux mondiaux pour en étirer la valeur de chaque dollar.

Par contre, dans le cas des collectivités des Premières Nations, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada travaille habituellement avec elles pour financer le coût des infrastructures communautaires pendant la construction, plutôt que pendant le cycle de vie entier du projet. Les initiatives de financement ciblées à court terme limitent principalement les approches de financement à des projets de construction financés au fur et à mesure.

Un des facteurs qui contribuent le plus à cette situation est le fait que, contrairement aux municipalités qui tirent la majorité de leurs revenus des impôts, les Premières Nations dépendent de façon disproportionnée des revenus commerciaux autonomes et des transferts gouvernementaux.

Par exemple, en Colombie-Britannique, les municipalités tirent environ 77 p. 100 de leurs revenus des impôts et 23 p. 100 d'autres ressources, comme les transferts gouvernementaux et les revenus commerciaux. Par opposition, les Premières Nations de la Colombie-Britannique obtiennent environ 4 p. 100 de leurs revenus en prélevant des impôts, alors que 96 p. 100 de leurs revenus proviennent des transferts du gouvernement, de leurs propres revenus d'affaires et d'autres sources.

Il est important de décortiquer ces données plus à fond. Environ 20 p. 100 des Premières Nations du Canada produisent des recettes fiscales foncières — moins de 200 000 $ par année pour la plupart. En Colombie-Britannique, cinq collectivités produisent plus de la moitié de toutes les recettes fiscales générées par les Premières Nations de la province. Aucune des 193 collectivités restantes ne génère plus de 5 p. 100 de toutes les recettes fiscales. En fait, 123 collectivités ne génèrent aucune recette fiscale. Il serait difficile d'augmenter les recettes fiscales sur une base plus large dans un avenir rapproché en raison des faibles niveaux d'activité économique dans les réserves, de la qualité des assises territoriales et des obstacles stratégiques et politiques, comme la peur qu'une augmentation du pouvoir d'imposition ne réduise les transferts fédéraux.

Cependant, les investissements dans les infrastructures peuvent accroître la capacité des Premières Nations de générer des recettes fiscales en jetant les bases nécessaires pour favoriser la croissance économique, la productivité, la croissance de l'emploi et l'accès à de nouveaux marchés.

Quand il a eu accès à un financement durable et stable, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada a pu offrir du soutien à quelques Premières Nations en les aidant à titriser des fonds pour leur permettre d'obtenir du financement privé pour divers projets.

J'aimerais vous donner deux exemples précis où la titrisation de financement du secteur privé a permis de réaliser avec succès des projets d'infrastructure.

Le premier exemple est celui de la collectivité de Kasabonika, en Ontario. En 1994, la Première Nation de Kasabonika avait besoin d'une école, mais le ministère n'avait pas assez de fonds pour financer le projet. La Première Nation, le ministère et la Banque Royale ont alors travaillé ensemble pour conclure une entente qui donnait immédiatement à la Première Nation du financement pour son école. Le partenariat fut un succès. Le projet scolaire a été entamé en 1994 avec le financement de la Banque Royale, et l'entente précisait que le financement à venir du ministère serait envoyé directement à la banque. Le projet a été complètement remboursé entre 1996 et 1999.

J'ai un autre exemple, celui de la collectivité de Pessamit, au Québec. Notre bureau régional du Québec a aussi adopté une approche très proactive quand il a mis sur pied des ententes de financement pluriannuelles qui ont permis aux Premières Nations d'obtenir du financement provisoire par l'intermédiaire d'institutions financières.

Par exemple, une méthode de financement novatrice a été utilisée au Québec pour une ligne de prise d'eau et une usine de traitement dans la Première Nation de Pessamit. Les coûts pour ce projet étaient estimés à plus de 14 millions de dollars, et on aurait enregistré d'importants retards si la collectivité avait dû attendre le financement du gouvernement fédéral. La Première Nation a pu obtenir un prêt grâce à une lettre d'intention d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, et le financement est remboursé à titre d'obligations contractuelles dans le cadre du Plan d'action pour l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées des Premières Nations. Ce projet respecte l'échéancier, et il devrait se terminer au cours des prochaines semaines.

Ces projets illustrent certaines des nombreuses solutions créatives au problème de financement des Premières Nations du Canada. Pour passer à la prochaine étape, nous devons trouver des solutions globales plutôt qu'adopter des approches au cas par cas.

Un des moyens dont nous disposons — et il s'agit du deuxième outil utilisé par le ministère pour aider les collectivités des Premières Nations à établir et à entretenir les infrastructures dans les réserves — consiste à utiliser les outils législatifs et réglementaires optionnels pour les collectivités des Premières Nations, en particulier la Loi sur la gestion financière des Premières Nations.

Le régime de la Loi sur la gestion financière des Premières Nations, en particulier, est vu comme un outil qui est arrivé à établir un équilibre entre reconnaître les compétences des Premières Nations et leur donner un accès approprié à la capacité institutionnelle. La loi non seulement permet aux Premières Nations participantes de prélever des impôts fonciers et d'accéder à un fonds commun d'emprunt, mais aussi permet de créer un système intégré au sein duquel les institutions qui ont été établies pour surveiller le régime offrent un soutien continu qui renforce mutuellement leurs mandats respectifs de manière à maintenir l'intégrité du système.

Par exemple, selon la loi, les Premières Nations doivent détenir un certificat du Conseil de gestion financière pour devenir un membre emprunteur. De la même façon, pour que l'Administration financière des Premières Nations accorde un prêt à long terme garanti par des recettes fiscales foncières, les Premières Nations doivent avoir un texte législatif sur les emprunts approuvé par la Commission de la fiscalité. Ce système intégré accroît la certitude des investisseurs en attestant que les Premières Nations participantes ont la capacité financière et le régime de gestion financière nécessaires pour gérer de grands projets de développement économique.

En 2012, un examen législatif de la Loi sur la gestion financière des Premières Nations a été présenté aux deux chambres du Parlement. Un certain nombre de modifications à la loi ont été suggérées dans cet examen, notamment diverses améliorations administratives et réglementaires et l'expansion des pouvoirs institutionnels.

Jusqu'à maintenant, près du quart des collectivités des Premières Nations du Canada ont choisi de participer à ce régime, qui offre un accès non seulement à du capital, mais à du capital à faible coût, selon des modalités semblables à celles dont profitent les autres administrations locales au Canada. Dans le cadre de la loi, la Commission de la fiscalité a maintenant approuvé plus de 760 textes législatifs, et les Premières Nations ont généré annuellement des recettes fiscales foncières de plus de 42 millions de dollars. Ces revenus ont des retombées évidentes et concrètes et, quand on les utilise pour contracter des prêts à long terme, les retombées augmentent de façon exponentielle.

En renforçant la gestion financière, les Premières Nations agréées par le Conseil de gestion financière conformément à la loi profitent d'un accès au capital plus complet et moins coûteux — que ce soit par l'entremise des obligations émises par l'Administration financière ou de prêteurs commerciaux, dont un grand nombre utilisent la certification du Conseil de gestion financière pour mesurer le risque de crédit, ce qui a pour effet de réduire les taux d'intérêt pour les Premières Nations agréées.

La certification financière a aussi permis d'accroître la responsabilisation et la transparence des Premières Nations participantes. Par exemple, la Première Nation de St. Theresa Point — une petite collectivité du Nord du Manitoba accessible par avion — a utilisé sa certification du Conseil de gestion financière pour réduire considérablement ses frais d'emprunt à moins de 4 p. 100, ce qui lui permet de maintenir sa bonne situation financière.

En leur donnant accès à un fonds commun d'emprunt par l'intermédiaire de l'Administration financière, les Premières Nations peuvent obtenir de gros montants de financement privé sur les marchés de capitaux mondiaux. La première émission obligataire, en juin 2014, a mobilisé 90 millions de dollars de banques, de compagnies d'assurances, d'administrateurs de régimes de retraite et d'autres grands investisseurs privés du Canada et des États-Unis pour 14 Premières Nations en Colombie-Britannique, au Manitoba, en Ontario et en Nouvelle-Écosse. Les Premières Nations utilisent ce financement pour construire ou améliorer des écoles, des logements communautaires et d'autres infrastructures dans leurs collectivités.

Par exemple, la collectivité de Membertou — une Première Nation prospère à l'économie diversifiée située à Cap- Breton, en Nouvelle-Écosse — a obtenu 21 millions de dollars grâce aux obligations. En utilisant le produit pour refinancer ses prêts commerciaux avec un outil de financement des infrastructures plus approprié, la Première Nation économise 1,7 million de dollars en frais d'intérêts annuels. Ces économies sont réinvesties dans la collectivité.

Avec le succès de la première émission obligataire, le régime a éveillé l'intérêt des Premières Nations de partout au pays. Au cours des 12 derniers mois, les conseils de bande de plus de 40 Premières Nations ont adopté des résolutions visant à être ajoutées à l'annexe de la loi. Il existe actuellement une capacité d'emprunt inutilisée de 200 millions de dollars qui peut être répartie au cours des deux à cinq prochaines années parmi les 38 membres actuels de l'Administration financière.

Selon une étude provisionnelle réalisée pour l'Administration financière par un tiers indépendant, 5,8 milliards de dollars en revenus autonomes seraient générés annuellement par les Premières Nations du Canada. Le régime a un grand potentiel pour ce qui est d'aider les Premières Nations à développer leur économie et de compenser la demande pour le financement limité du gouvernement fédéral pour les infrastructures. Nous attendons avec impatience la deuxième émission obligataire de l'Administration financière, qui devrait avoir lieu cet été.

Pour poursuivre sur cette réussite, le ministère et les trois institutions travaillent à accélérer et à simplifier la participation à la loi, à alléger le fardeau administratif des Premières Nations participantes et à renforcer la confiance des investisseurs et des marchés de capitaux dans le régime.

En conclusion, honorables sénateurs, le financement direct des plus hauts niveaux de gouvernement demeurera un élément important du financement des infrastructures, à l'intérieur comme à l'extérieur des réserves. Cependant, la Loi sur la gestion financière des Premières Nations est un outil important qui permet aux collectivités des Premières Nations de profiter des nombreuses formes de revenus qui actuellement ne sont pas utilisées à leur plein potentiel, comme les transferts d'autres ordres de gouvernement. En fait, le Règlement sur le financement garanti par d'autres recettes, régi par la Loi sur la gestion financière des Premières Nations, prévoit la titrisation de transferts fédéraux si les ententes qui régissent les transferts autorisent précisément cette utilisation.

Il y a quelques années, l'Administration financière des Premières Nations a présenté une proposition qui lui permettrait d'utiliser le financement fédéral pour titriser des débentures pour réaliser des projets d'infrastructure, dont des projets liés aux réseaux d'eau, au logement, aux bâtiments publics et aux routes. Après avoir examiné le profil de risque du flux de rentrées, l'Administration financière a estimé que chaque dollar de financement fédéral pourrait générer 13 $ en capital immédiat. Par exemple, si seulement 250 millions de dollars de financement fédéral pour les infrastructures étaient utilisés à cette fin, on pourrait mobiliser plus de 3 milliards de dollars très rapidement.

Bien que les transferts fédéraux puissent être utilisés dans le cadre du régime, des barrières sont actuellement en place pour empêcher que cela se fasse. Une de ces barrières est le fait que les ententes de financement ne permettent normalement pas qu'un flux de rentrées soit utilisé pour appuyer un emprunt pour un besoin immédiat.

Par ailleurs, les ententes de financement, y compris les ententes de financement de base à plus long terme, contiennent des clauses qui font en sorte que le financement dépend des crédits parlementaires, dont mon collègue a parlé plus tôt. Le financement n'est donc pas garanti pour les années suivantes, et il est plus difficile de l'utiliser pour appuyer des emprunts à long terme à faible coût. Nous aimerions savoir quelles sont les recommandations du comité sur la façon d'utiliser les flux de rentrées pour mieux répondre aux besoins des Premières Nations en matière d'infrastructure.

Le fait qu'il y ait des problèmes à régler pour faciliter le financement des infrastructures dans les réserves est reconnu, mais nous prenons des mesures importantes pour corriger la situation. La Loi sur la gestion financière des Premières Nations n'est plus un concept; elle est maintenant une réussite. À la suite de la première émission obligataire de l'Administration financière, on observe une acceptation par les marchés de l'octroi de prêts privés à faible coût aux collectivités des Premières Nations pour leurs infrastructures. Le modèle de regroupement de l'Administration financière où le risque de crédit est réparti entre les emprunteurs a aussi du potentiel dans d'autres domaines pour ce qui est d'aider les collectivités à réduire leurs frais d'emprunt.

Avant de terminer, je voudrais insister sur le fait que les collectivités des Premières Nations de partout au Canada ne sont pas toutes aussi prêtes à tirer profit des solutions novatrices en matière de financement. Les solutions toutes faites ne fonctionnent simplement pas.

Je suis heureux d'avoir eu l'occasion aujourd'hui de parler de cette question importante au comité, et mes collègues et moi sommes prêts à répondre aux questions des honorables sénateurs.

Le président : Vos exposés nous ont été utiles, messieurs. Merci.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup. Il est devenu évident pour nous, dans le cadre de nos études, que l'enjeu de l'accès limité au financement à long terme, qui est aussi essentiel pour la planification à long terme, fait qu'il est difficile pour les Premières Nations de savoir les prochaines mesures à adopter.

J'ai deux questions. Je comprends comment la certification de la gestion financière fonctionne dans le cadre de la Loi sur la gestion financière des Premières Nations et de l'Administration financière des Premières Nations. Il y a des moyens en place pour s'assurer que les Premières Nations ont la capacité de s'occuper de cela.

Nous avons vu plusieurs exemples où il y avait un manque de financement et presque d'encouragement à faire de la planification à long terme, parce qu'on ne peut pas trouver du financement si on n'a pas de plan. Quelle est la place accordée à la planification dans les enveloppes de financement pour les Premières Nations? Comment s'insère-t-elle dans ces enveloppes?

Je vais vous donner un exemple. Sur l'île de Vancouver, juste à côté de Victoria, il y a la très belle région de la péninsule de Saanich. D'un côté de la rue se trouvent des maisons qui valent plus d'un demi-million de dollars, des propriétés très convoitées. De l'autre côté, il y a une Première Nation qui ne peut pas obtenir du financement pour faire la planification qui s'impose afin d'aller de l'avant. Cela me semble illogique.

M. Beynon : Je suis content que vous mentionniez cet exemple. Je connais les communautés dont vous parlez. Avant, j'étais avocat sur l'île de Vancouver, et je pense que je dirais que oui, il y a des exemples comme celui-là où l'on constate une grande disparité. Sur une note plus optimiste, je pense que certaines communautés ont vraiment été capables de grandement progresser.

Je suis ravi que vous posiez cette question parce que je pense que la planification est bel et bien l'un des éléments de la solution. Ce n'est pas seulement une question d'argent et de financement.

Nous reconnaissons de plus en plus qu'il y a des lacunes en matière de planification pour les collectivités des Premières Nations comparativement aux communautés hors réserve. Je pense que vous savez tous que les lois municipales, en particulier, et les lois régissant les districts régionaux incluent des exigences exhaustives en matière de planification. Alors il est intriguant de voir que, premièrement, il n'y a pas de fondement législatif. Je pense que c'est un domaine où les Premières Nations voudront qu'on élabore en collaboration avec elles des véhicules législatifs plus solides pour la planification.

Mis à part cela, nous reconnaissons de plus en plus le problème et nous finançons certains projets pilotes pour obtenir une meilleure planification. De nombreuses communautés veulent procéder à une planification exhaustive parce qu'il y a une vaste gamme d'enjeux dont il faut s'occuper : les soins aux aînés, les programmes pour les jeunes, l'éducation, et cetera. Et il y a un vaste éventail d'enjeux qui touchent le développement économique, c'est-à-dire la planification pour le développement économique, les questions territoriales, l'environnement, l'infrastructure et la gestion des urgences.

Nous avons mené des projets pilotes de financement à divers endroits au pays afin de mieux investir dans ces secteurs, et ce qui est intéressant, c'est que nous l'avons parfois fait en partenariat avec les administrations locales voisines. Quelques collectivités des Premières Nations nous ont dit qu'elles voulaient faire de la planification avec leurs voisins municipaux parce qu'elles reconnaissent qu'il y a des secteurs qui se chevauchent.

Je pense que cela jette les fondements d'une gestion des infrastructures et d'une planification des urgences plus efficaces, mais aussi d'un meilleur financement des infrastructures.

Je sais qu'il y a toujours des lacunes en matière d'investissements en infrastructure, mais je suis d'accord avec vous, madame la sénatrice, pour dire qu'investir dans la planification dès le départ permet de mieux prévoir les besoins à long terme en infrastructure et de faire des investissements plus sensés et de haute qualité.

Je serais ravi de fournir plus de renseignements au comité plus tard sur les exemples de réussite des initiatives en matière de planification qui ont été entreprises en collaboration avec la Fédération canadienne des municipalités et le Conseil pour l'avancement des agents de développement autochtones.

Karl Carisse, directeur principal, Direction des politiques stratégiques, de la planification et de l'innovation, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : La seule chose que je peux ajouter, comme Andrew l'a mentionné, c'est qu'une partie de la planification pour la communauté concerne l'infrastructure. J'en ai déjà parlé au comité, mais nous faisons de la planification actuellement en matière d'infrastructure, selon la disponibilité des fonds, dans le cadre du plan d'investissement dans l'infrastructure des Premières Nations. C'est en place. Le processus commence avec les communautés, qui s'adressent à nos bureaux régionaux et nous font part de leurs besoins en infrastructure. Cela est intégré à un plan régional qui est organisé selon la disponibilité des fonds et la priorité de financement pour chaque projet. Ensuite, c'est inclus dans un plan national.

Andrew soulève un bon point. Il y a des besoins en infrastructure dans les communautés, mais le besoin en matière de planification, c'est de savoir où l'on met ces infrastructures. Comment est-ce que ces infrastructures coïncident avec des projets de développement économique que la communauté veut mettre de l'avant? On voit de plus en plus cette intégration, et c'est en travaillant avec la communauté, et à l'intérieur de celle-ci, que l'on établit ces plans.

Nous avons la planification pour l'infrastructure et les immobilisations. Nous n'avons pas l'autorité de financer les projets commerciaux. Si une usine de traitement des eaux et des aqueducs sont nécessaires, c'est pour une utilisation publique. Si ces services se rendent aux maisons, aux écoles et à d'autres infrastructures, c'est public.

S'il y avait un projet commercial ailleurs dans la communauté, la communauté devrait trouver le financement pour cette partie du projet, en collaboration avec notre développement économique. Mais il est essentiel que ce plan soit en place au départ. Quelle est la vision pour la communauté? Les fonds ne sont pas toujours disponibles; nous le savons. Mais différentes sources de financement sont à la disposition de la communauté, et si elle a un bon plan, elle aura plus de possibilités, plutôt que d'entrer en contact avec les institutions, comme des institutions financières, pour couvrir la partie manquante, et l'assumer à l'intérieur même de la communauté.

Le président : En ce qui concerne les possibilités de développement économique pour créer des revenus autonomes, le comité a entendu Harold Calla du Conseil de gestion financière des Premières Nations, qui a dit que le financement d'AADNC en matière d'infrastructure ne couvre pas l'infrastructure pour le développement économique, telle que les systèmes de traitement des eaux et des eaux usées pour un parc industriel ou un centre commercial.

Est-ce exact? Monsieur Carisse, vous venez d'en parler, car comme on nous l'a dit ce matin, ce sont les revenus autonomes qui peuvent financer les projets d'immobilisations. Il semble que les possibilités de développement économique sont une façon naturelle d'obtenir des revenus autonomes.

Est-ce que le ministère restreint l'accès à ce genre de fonds pour l'infrastructure?

M. Carisse : Actuellement, les autorisations pour le programme d'infrastructure, comme je l'ai mentionné, visent l'infrastructure publique. Étant donné les fonds disponibles, les priorités sont la santé et la sécurité, l'accès à l'eau potable pour les membres de la communauté, les écoles et les autres édifices publics.

Pour les possibilités de développement économique, à ce moment-là, nous examinerions plutôt la possibilité en soi, le plan d'affaires qui existe pour avancer le financement afin de construire l'infrastructure. Ce peut être une mise à niveau, ou des communautés que je connais ont des édifices commerciaux qui ont leur propre usine de traitement de l'eau. Cela faisait partie du plan d'affaires général. Cela faisait partie du projet pour obtenir le financement.

Je cède la parole à Andrew parce qu'il y a des sections du ministère qui ont des programmes qui aident dans ce genre de situations.

M. Beynon : Oui, mon champ de responsabilité, ce sont les terres et le développement économique, y compris les questions environnementales. Nous avons des programmes en matière de développement économique conçus en partie pour aider les communautés à profiter de possibilités de développement économique. Par l'entremise de ces programmes, nous avons pu, par exemple, financer parfois l'infrastructure mise en place qui constitue la base pour construire un parc industriel ou un centre commercial.

Nous ne sommes pas encore parfaits, mais nous collaborons beaucoup avec nos collègues de l'infrastructure pour examiner les situations où ils investissent dans les infrastructures nécessaires pour la santé et la sécurité ou le logement. Si nous pouvons préparer un projet de développement économique, nous pourrions prolonger ces infrastructures afin de faciliter l'aménagement d'un parc industriel ou d'autre chose.

Maintenant, cela dit, le programme de développement économique s'élève à environ 21 millions de dollars par année, ce qui n'est pas énorme. Je suis d'accord avec M. Calla pour dire qu'il y a d'importantes possibilités d'investissements qui généreraient des revenus autonomes pour les collectivités des Premières Nations. Nous essayons de faire notre part avec ce programme, mais les fonds sont limités.

Le président : Vous avez cité les exemples de Kasabonika et de Passamit, où il y a eu un accord novateur pour que le ministère envoie le financement futur de Kasabonika à une banque afin qu'un projet puisse être financé par un prêt bancaire, et le projet a été complètement remboursé.

À Pessamit, une lettre d'intention d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada a permis la mise en œuvre du Plan d'action pour l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées.

M. Pagan nous a parlé, et je vous remercie d'être ici, des mesures de contrôle strictes du ministère sur le financement, des crédits annuels et de la possibilité limitée de reporter des fonds, mais nous savons tous que ces projets d'immobilisations ont besoin de financement à long terme. Une période de cinq ans n'est probablement pas suffisante. Il y a généralement des périodes plus longues dans le secteur privé.

C'est encourageant que vous ayez dit que vous avez trouvé des façons de contourner ces limites.

Comment pouvons-nous encourager que cela se fasse ailleurs? Comment y êtes-vous arrivé et comment cela pourrait se faire ailleurs? Je ne pense pas que nous ayons déjà entendu parler de lettre d'intention. C'est un accord conclu avec la banque, qui semble représenter un engagement qui va au-delà des crédits parlementaires annuels. Je ne vais peut-être pas citer exactement ce qui a été dit, mais voici ce qu'on nous a répété souvent : il est très difficile de bâtir des infrastructures avec un financement annuel qui n'est pas garanti et qui est parfois interrompu ou retardé. Comment pouvons-nous trouver une solution à cela pour l'infrastructure?

M. Beynon : Eh bien, je dirais que, oui, nous avons certains exemples où nous avons essayé de donner des lettres d'intention ou de meilleurs renseignements aux banques, lorsque la Première Nation est prête à le faire. Dans les cas que j'ai cités, bien sûr, il est extrêmement important que ce soit dirigé par la Première Nation. Le ministère ne voudrait pas discuter avec la banque sans la participation directe de la Première Nation.

Dans ces cas en particulier, je crois que les banques ont fini par être satisfaites des lettres d'intention et des indications qu'avait données le ministère sur ce à quoi on pouvait s'attendre au cours des années suivantes, mais très franchement, il a fallu que les banques fassent preuve de créativité aussi. En général, les banques ne s'appuient pas sur des lettres ou des indications pour accorder de faibles taux d'intérêt.

Je demanderais peut-être à Karl de nous en dire plus à ce sujet.

M. Carisse : Oui, ces situations se sont présentées par le passé. Les occasions sont rares, mais la clé, c'est la lettre d'intention, qui donne l'assurance aux institutions financières que le gouvernement canadien fera les paiements. Dans quelques rares cas, la Première Nation assumait elle-même les coûts du portage. On peut échelonner les paiements sur plusieurs années, mais cela inclut des coûts du portage. La Première Nation assumait le coût des intérêts et les coûts du portage, et le ministère, dans sa lettre d'intention, indiquait à l'institution financière que les paiements, de tant de millions de dollars, seraient faits pendant un certain nombre d'années.

On l'a fait notamment pour des écoles, l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées. Il y a quelques années, SaskTel, en Saskatchewan, nous a présenté un projet. La société envisageait de connecter toute la province. Elle offrait de connecter toutes les écoles et les établissements de santé de la province à un réseau à large bande par fibre optique, ce qui était une formidable occasion. Si nous avions voulu le faire seuls, ce projet n'aurait pas été viable. Il était question de connecter toute la province, ce qui comportait des coûts. Nous avons pu négocier un plan de paiements sur cinq ans, je crois.

En Ontario, quand nous avons prolongé la ligne de transmission jusqu'aux communautés à proximité de la baie James — Kashechewan, Fort Albany, Attawapiskat et d'autres —, Hydro Ontario, à l'époque, et Five Nations Energy Inc. ont convenu d'un accord pour échelonner les paiements sur une période de 10 ans. Très souvent, ces communautés locales comptaient à 100 p. 100 sur le diesel pour s'approvisionner en énergie. Sur le long terme, il était beaucoup plus logique de prolonger le réseau jusqu'à ces communautés.

Encore une fois, ce n'est pas pareil hors réserve, où le financement de l'infrastructure est parfois échelonné sur 25 ans. Comme Andrew l'a mentionné, à long terme, on peut compter sur l'émission d'obligations. C'est ce que font les municipalités, et maintenant les Premières Nations intègrent ce marché. Certains outils sont à leur disposition. Je sais que le comité a beaucoup entendu parler des partenariats public-privé, mais ils ne sont pas la panacée. Un partenariat public-privé comporte la conception, la construction, le financement, l'entretien et l'exploitation du projet. C'est bel et bien un outil, mais le financement a quand même un rôle à jouer. Dans ce type d'accord, les coûts peuvent être échelonnés sur une période de 25 ou 30 ans.

Jusqu'à maintenant, nous avons présenté des lettres d'intention pour certaines communautés locales, mais c'était pour du financement sur trois ou cinq ans. Le plus long, c'était le projet énergétique en Ontario d'une durée de 10 ans.

Le président : J'aurais une question complémentaire, avant de céder la parole à la sénatrice Dyck. En quoi la lettre d'intention se distingue-t-elle de la garantie d'emprunt ministérielle, dont on se sert pour le logement?

M. Carisse : La garantie d'emprunt ministérielle est en fait un filet de sécurité. La somme de 2,2 milliards dont parlait Brian, c'est un passif éventuel. Ce serait le maximum qu'on pourrait atteindre. Le ministère a assuré des prêts à hauteur de 1,8 million de dollars, mais il ne s'agit pas là de financement pour combler les besoins en logement des communautés locales. Si l'emprunteur devait faire défaut, le ministère assumerait les coûts de l'emprunt. On s'adresse d'abord à la communauté locale elle-même et ensuite au ministère. C'est une garantie, alors que la lettre d'intention, c'est en fait l'assurance que le ministère va financer le projet d'infrastructure en question.

Le président : Les Premières Nations savent-elles que cette possibilité existe?

M. Carisse : Je ne sais pas dans quelle mesure cette possibilité leur est familière. Je suis sûr que certaines Premières Nations en ont entendu parler, mais ce ne sont pas toutes les communautés qui peuvent assumer les coûts du portage. En plus, elles doivent avoir la confiance de l'institution financière. Encore une fois, tout repose sur la lettre d'intention. Comme nous l'avons mentionné plus tôt, le financement des activités de base est limité. Le plus clair de ce financement destiné à l'infrastructure est consacré, annuellement, aux opérations, à l'entretien, aux projets de petite envergure et au logement. Il en reste très peu pour les grands projets. On ne pourrait pas tout affecter à ces grands projets. En plus, il faut en mettre de côté pour des urgences ou des problèmes de santé et de sécurité liés à l'infrastructure dans une communauté.

M. Beynon : Si vous me permettez une observation, je crois que vous vouliez savoir si on pourrait y avoir recours plus souvent. Peut-être que le comité souhaiterait savoir comment on peut améliorer nos pratiques. À propos des lettres d'intention, je vous dirais que le ministère assure un risque. Par conséquent, le ministère ne peut recourir à cette option qu'à petite échelle, dans la mesure où on peut puiser dans les autres secteurs du ministère pour couvrir la dépense si la situation devait mal tourner.

Pour répondre véritablement aux besoins des Premières Nations, il nous faudrait renforcer le financement des activités de base. Par exemple, un financement pluriannuel représenterait un changement par rapport au statu quo. Je pense que nous avons fait preuve de créativité, mais il faut composer avec certaines limites.

Le président : Souhaitez-vous intervenir sur ce sujet, madame Raine?

La sénatrice Raine : Je crois que ce serait une intervention pertinente. Nous avons tous entendu parler de l'« argent des Indiens », à savoir du capital et des revenus issus de la vente de terres et de ressources renouvelables et non renouvelables. Ces sommes sont détenues par la Couronne au nom des Premières Nations. Où se trouve tout cet argent dans le Trésor public? Cet argent est-il dans un compte en particulier? Peut-on s'en servir pour garantir certains prêts? Peut-être que M. Pagan pourrait nous expliquer comment cela fonctionne. À qui l'argent est-il versé et à qui appartient-il?

M. Beynon : Permettez-moi de vous dire ceci : l'argent est divisé, évidemment. En vertu de la Loi sur les Indiens, certaines de ces sommes appartiennent à des individus. Dans la loi, on fait référence à des individus incompétents sur le plan intellectuel, à des enfants et des comptes individuels. Parallèlement, certaines de ces sommes appartiennent aux Premières Nations, comme vous le dites, et découlent de la cession de terres, et cetera. En théorie, ces sommes figurent dans le Trésor public, qui est administré par le Canada. Dans la Loi sur les Indiens, certaines dispositions prévoient les modalités selon lesquelles les Premières Nations peuvent accéder à ces sommes. Ce pourrait être un sujet d'étude intéressant pour ce comité car, comme bien des aspects de la Loi sur les Indiens, le libellé est très paternaliste. Le ministre peut décider de permettre à une Première Nation d'accéder à ces sommes pour qu'elle puisse s'en servir à diverses fins. Les circonstances et les règlements, qu'on retrouve surtout à l'article 64 de la Loi sur les Indiens, limitent toutefois cette possibilité.

En effet, comme vous le dites, l'argent des Indiens est un domaine en croissance. Heureusement, certaines communautés ont réussi à en tirer des revenus importants. Si ce domaine était réformé, cet argent pourrait contribuer à stimuler les investissements en infrastructures et le développement économique.

La sénatrice Dyck : Je voulais revenir à cette idée de lettre d'intention. D'après l'information que vous nous avez fournie, la garantie d'emprunt ministérielle représente quelque 2,2 milliards, mais il semble que très peu de demandes aient été présentées et qu'elles concernent la construction de logements. Pensez-vous qu'il serait possible d'étendre les critères d'admissibilité aux fonds afin qu'ils puissent inclure les projets d'infrastructures?

M. Carisse : Cette somme est différente du Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières Nations (FLMPN), qui représentait 300 millions de dollars concernant le logement du marché dans les réserves. Ce programme produit des revenus annuels que le fonds emploie à des fins de développement des capacités. Par contre, les 2,2 milliards de dollars sont comptabilisés comme un passif éventuel. Cette somme n'existe donc pas comme telle, ce n'est pas un montant d'argent qui a été mis de côté. Le ministère peut émettre une garantie d'emprunt à des fins de logement jusqu'à un maximum de 2,2 milliards de dollars. Nous sommes déjà à 1,81 milliard, donc nous approchons le plafond. Ceci étant dit, le logement est une constante des garanties d'emprunt ministérielles qui arrivent maintenant à échéance, après 25 ans. Mais il faut savoir que des prêts arrivent à échéance chaque année. Il y a donc de nouvelles occasions pour le logement, comme le fonds, mais ceci est vrai depuis longtemps. Il y a eu une forte augmentation de prêts il y a quelques années, ce qui était une bonne chose, mais à cause du Plan d'action économique, 400 millions de dollars de plus, mais ces fonds devaient passer par le système de garanties ministérielles, d'où l'explosion des demandes à cette époque. Mais maintenant, les demandes se maintiennent. Mais il ne s'agit pas d'un fonds grâce auquel on peut obtenir du financement. Il s'agit tout simplement d'une garantie du ministère, et jusqu'ici le ministère a garanti 1,8 milliard de dollars de prêts.

La sénatrice Dyck : D'accord. En ce qui concerne les infrastructures, y a-t-il moyen de créer une garantie pour chaque Première Nation individuellement? Pourrait-on créer une initiative de garantie d'emprunt pour les infrastructures?

M. Carisse : Ce serait certainement une possibilité. Actuellement, le programme de garanties d'emprunt ministérielles s'applique exclusivement au logement. Il faudrait étudier un montant de réserve à mettre de côté car les infrastructures, bien entendu, vont plus loin que le simple logement. En ce qui concerne les besoins, par exemple l'eau, et suite aux recommandations d'un rapport de comité il y a quelques années, nous avons créé une évaluation nationale de tous les besoins en eau et en traitement des eaux usées des Premières Nations. Il s'est avéré qu'il fallait dépenser 1,2 milliard de dollars immédiatement tout simplement pour mettre les infrastructures à niveau, puis 3,5 milliards de dollars pour les améliorer. Bref, rien que pour l'eau sur les 10 prochaines années, grâce à cette étude, qui se fonde sur des estimations de catégorie D, on parle déjà de plusieurs milliards de dollars.

Le gouvernement devrait donc créer un autre fonds de garantie de plusieurs milliards de dollars pour entreprendre les travaux d'infrastrutures, comme c'est déjà le cas pour les garanties d'emprunt ministérielles. L'idée des garanties est d'aider les communautés à subvenir à leurs besoins en matière de logement, ce que fait déjà le ministère en ce qui concerne l'eau et les écoles. Comme vous le savez, nous finançons 100 p. 100 des coûts d'infrastructures des écoles, pour ce qui est des immobilisations et de l'entretien. Pour l'eau, c'est 100 p. 100 des infrastructures et 80 p. 100 de l'exploitation et de l'entretien; donc il y a un écart, que doivent combler les communautés soit en facturant des frais d'utilisation ou en trouvant d'autres sources de revenu, tandis que pour le logement, il s'agit d'une simple contribution à la communauté.

Mais dans ce cas-ci, les besoins sont beaucoup plus importants, aussi, ils n'ont pas le choix que de collaborer avec une institution financière, ou avec la SCHL pour obtenir des prêts de construction. Ils doivent obtenir un garant d'emprunt en vertu de la Loi sur les Indiens, car en vertu de l'article 89 de cette loi, on ne peut pas saisir leurs biens. Ainsi, ces prêts doivent être garantis, et actuellement ils ne le sont pas au moyen du Fonds d'aide au logement du marché pour les Premières Nations, mais grâce aux garanties d'emprunt ministérielles, qui ont été créées à cette fin.

M. Pagan : Je veux m'assurer de bien comprendre : ce programme de garanties d'emprunt ministérielles a été créé dans les années 1960 comme garantie de dernier recours, selon M. Carisse. Il s'agit d'un montant maximum contre lequel le gouvernement émettra des prêts ou du moins garantira ces prêts, et je crois comprendre que sur cette période de 50 ans, sur 2,5 milliards de dollars garantis, le taux de défaut de remboursement est très faible, à environ 15,5 millions de dollars.

Mais les garanties d'emprunt ne sont qu'un aspect des infrastructures. Je crois que le comité fait allusion à des initiatives précises. On a parlé de traitement des eaux usées et d'eau potable, et au fil des ans, divers programmes spécialisés en infrastructures. Dans le budget de 2012, le gouvernement annonçait 100 millions de dollars pour des infrastructures d'eau potable exclusivement.

Récemment, en novembre 2014, on a annoncé 5,2 milliards de dollars pour les infrastructures de toutes sortes partout au Canada, y compris pour Affaires autochtones et Développement du Nord, ce qui incluait 500 millions de dollars pour les écoles sur les réserves sur sept ans.

Le ministère collaborera avec le Conseil du Trésor et le ministère des Finances pour cerner les besoins, et présentera un plan d'affaires pour déterminer des dépenses des fonds discrétionnaires du gouvernement. Le ministère des Finances en tiendra compte, ainsi que de toutes les autres demandes des divers ministères, et décidera des initiatives qui recevront du financement. Il peut y avoir des programmes spéciaux, comme les écoles, l'eau, ou les infrastructures communautaires. J'inviterais le comité à étudier certains de ces programmes et activités et à consulter les ministères qui sont bénéficiaires d'engagements de financement des infrastructures à long terme du gouvernement.

La sénatrice Dyck : J'ai une autre question à propos de l'argent des Indiens. D'après ce que nous dit M. Crate du Conseil national de développement économique des Autochtones, chaque année, 250 millions de dollars sont recueillis en vertu de la disposition sur l'argent des Indiens de la Loi sur les Indiens. Ma première question est la suivante : d'où vient cet argent? Vient-il de revenus propres? Y a-t-il une taxe sur les revenus propres? D'où vient cet argent, ces 250 millions de dollars par année?

M. Beynon : D'une part, il y a les sommes individuelles et, d'autre part, le montant plus important pour toutes les collectivités autochtones. Comme le sénateur l'a indiqué, cet argent provient en partie de la vente de terres qui ont été cédées. Certaines Premières Nations décident de vendre une partie de leurs terres; on rajuste ensuite l'assise territoriale. Les revenus provenant de ces ventes, provenant souvent des services publics ou des gouvernements provinciaux, sont de l'argent des Indiens et sont versés au trésor. Les Premières Nations ont aussi des revenus provenant, par exemple, de la vente de bois ou d'activités minières. Il s'agit de montants tirés de l'assise territoriale de la réserve qui sont versés au compte de l'argent des Indiens.

La sénatrice Dyck : Vous avez dit que l'argent est versé au trésor et que la Loi sur les Indiens limite l'accès à cet argent. Prenons le cas d'une Première Nation qui a vendu du bois. Les profits seront versés au trésor et la Première Nation n'aura pas accès à cet argent pour ses infrastructures. Si elle a besoin de cet argent, comment peut-elle l'obtenir? Cet argent provient des terres de la Première Nation, mais celle-ci ne peut s'en servir.

M. Beynon : Je pourrais ultérieurement vous donner des exemples détaillés. Les règles prévues dans la Loi sur les Indiens sont plutôt complexes. De façon générale, les Premières Nations peuvent recourir à certains mécanismes pour contourner les limites imposées par la Loi sur les Indiens. Ainsi, les Premières Nations qui adhèrent au régime de la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations ont un plus grand accès aux fonds de revenus provenant, par exemple, des ressources forestières et ne sont pas assujetties aux restrictions imposées par la Loi sur les Indiens.

Il y a aussi la Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières Nations, qu'on appelle parfois la LGPGFPN. Au moins une Première Nation en Saskatchewan a choisi de contrôler elle-même cet argent. Pour les autres, la Loi sur les Indiens, plus particulièrement l'article 64, précise les conditions auxquelles le ministre peut distribuer ces fonds. Dans bien des cas, la Première Nation présente une demande et les fonds sont versés dans une fiducie.

Je dis simplement que je suis d'accord avec le Conseil national de développement économique des Autochtones, selon lequel certaines parties de la Loi sur les Indiens pourraient bénéficier d'une refonte.

La sénatrice Dyck : Une dernière question à ce sujet. D'après les informations que nous avons obtenues, il y aurait 800 millions de dollars dans ce fonds. Moi, je pense que cette somme est probablement plus élevée, puisqu'on y verse 250 millions de dollars par année, mais la question est plutôt de savoir si cet argent peut servir à garantir des prêts, car l'argent me semble plus ou moins immobilisé. Si une Première Nation vend du bois et que les profits sont versés dans le fonds de revenu, ne pourraient-elles pas utiliser cet argent comme garantie de prêt?

M. Beynon : Oui, bien des Premières Nations utilisent les actifs tirés de l'assise territoriale de leur réserve à cette fin. Comme le Conseil national de développement économique des Autochtones, j'estime que les dispositions de la Loi sur les Indiens ne facilitent pas la tâche des Premières Nations qui veulent utiliser leurs propres revenus — en fonction des décisions qu'elles ont prises concernant les baux, entre autres — aussi efficacement qu'on pourrait le souhaiter.

La sénatrice Beyak : Merci, messieurs, de nous faire profiter de votre expertise et de vos connaissances dans ce dossier; cela nous est très utile. Dans ma circonscription, ce qu'on me demande le plus souvent, c'est le nombre réel d'Autochtones au Canada et le montant qu'ils reçoivent en fonds publics de tous les paliers de gouvernement, de toutes les sources, qu'il s'agisse de ressources naturelles, de casinos ou de transactions foncières, et si les Premières Nations sont sous-financées.

Vous avez fait mention de la couverture médiatique. En effet, on laisse parfois entendre que nous sous-finançons les Premières Nations, que l'argent est mal géré, que les particuliers n'en profitent pas. A-t-on entrepris une étude pour déterminer s'il y a sous-financement ou mauvaise gestion et pourquoi il y a de telles disparités entre les réserves, certaines étant très prospères et d'autres misérables encore aujourd'hui? Si cette étude n'a pas été menée, serait-elle utile?

M. Beynon : Je dirai d'abord que, de façon générale, la gestion financière s'est beaucoup améliorée. Les sénateurs connaissent sans doute les changements qui ont été apportés aux lois pour garantir une meilleure reddition de comptes.

Pour ceux que ça intéresse, il est de plus en plus facile de connaître les sources de ces fonds et leur usage. La plupart des collectivités autochtones prospères vont au-delà des exigences législatives et rendent des comptes à leurs membres et adoptent des pratiques commerciales transparentes car c'est bon pour les revenus.

Je ne suis pas certain qu'une étude des sources et utilisation des revenus serait nécessaire, mais il est utile d'examiner, comme nous le faisons aujourd'hui, les exemples de succès et les facteurs qui y ont contribué.

Comme nous l'avons dit, et comme les membres du comité le savent, il y a beaucoup de différences entre les diverses Premières Nations du pays. Souvent, la collectivité connaît une certaine réussite financière en se servant de son assise territoriale; par conséquent, les investissements dans l'assise territoriale de la réserve peuvent être cruciaux. Dans d'autres cas, c'est plutôt en investissant dans l'édification des capacités et en fournissant des outils que la Première Nation a pu aller au-delà de la Loi sur les Indiens.

Il est intéressant de noter que certaines collectivités ont réalisé de grands progrès ces dernières années après avoir réglé leurs revendications territoriales, surtout leurs revendications particulières. Quand on ajoute à cela le leadership et le dynamisme des membres de la collectivité, cela peut faire énormément changer les choses.

M. Pagan : J'aimerais ajouter une chose pour répondre à votre question. Je n'ai pas le montant des dépenses faites par des provinces ni ce que représentent les activités commerciales menées dans les réserves comme les casinos, mais si vous additionnez toutes les dépenses au niveau fédéral qui figurent dans le Budget principal des dépenses, le montant est resté relativement constant depuis quatre ou cinq ans.

Dans le Budget principal des dépenses de cette année, 10,9 milliards de dollars sont prévus pour les Autochtones. L'an dernier, c'était 10,8 milliards de dollars. On fera aussi des ajouts pendant l'année par le biais du Budget supplémentaire des dépenses. J'ai déjà fait mention des infrastructures; nous savons qu'on demandera quelque 500 millions de dollars dans l'un des Budgets supplémentaires des dépenses de cette année pour les écoles dans les réserves.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup.

Le président : Avez-vous une autre question, sénatrice Raine?

La sénatrice Raine : Je la poserai lors du deuxième tour de table.

Le sénateur Enverga : Merci pour votre présentation, messieurs.

Ma question s'adresse à AADNC. Dans son rapport de l'automne 2013, le vérificateur général du Canada indique que, selon les fonctionnaires du ministère, le programme d'immobilisations est sous-financé pour répondre à ses besoins, et en raison des réaffectations, il y a des retards ou des annulations des projets d'infrastructures communautaires.

Qu'a fait AADNC pour régler le problème? Y a-t-il un financement aujourd'hui? Y a-t-il toujours sous- financement? Que pouvons-nous faire d'autre?

M. Carisse : Tout comme c'est le cas à l'extérieur des réserves — Andrew a parlé de la Fédération canadienne des municipalités — on avance des chiffres pour justifier les besoins en infrastructures. Je pense que le montant atteint 175 milliards de dollars à l'heure actuelle. Il s'agit d'une question qui touche les réserves et le reste du pays, et pas seulement au Canada. Dans les pays industrialisés, il y a eu beaucoup d'investissements après la Seconde Guerre mondiale, et ce, jusqu'aux années 1950 et 1960. Ensuite, il y a eu des programmes sociaux, et les infrastructures qui étaient en place n'ont pas été entretenues aussi bien qu'elles auraient dû l'être.

Dans les réserves, il existe un enjeu concernant l'entretien, ou le manque d'entretien dans certaines collectivités. Comme je l'ai mentionné plus tôt au sujet des eaux et des eaux usées, pour revenir à cet exemple, les besoins sont criants. Le montant d'environ 1,1 milliard de dollars par année ne répond pas à tous les besoins en infrastructures dans les réserves, et c'est pour cette raison que nous cherchons d'autres solutions et que nous travaillons avec le développement économique et le comité de gestion financière, avec M. Calla et d'autres qui tentent de lever des obligations pour les infrastructures commerciales, mais également les infrastructures publiques.

Nous envisageons des partenariats public-privé. Nous cherchons différentes façons. Les lettres d'intention sont l'une des façons d'étaler ces coûts sur plusieurs années. Nous menons un grand projet avec le Congrès des chefs de l'Atlantique, une organisation représentant les collectivités de la région de l'Atlantique. Cette organisation aimerait créer un service d'aqueduc, une administration des eaux pour 33 collectivités. En fait, 24 d'entre elles ont signé des résolutions au sein de leur conseil de bande pour participer à cette initiative, ce qui signifierait que la nouvelle administration contrôlerait les infrastructures des eaux et des eaux usées dans ces 24 communautés.

Si on crée une administration des eaux facilement reconnaissable, crédible et stable, il est beaucoup plus facile, un peu comme si on était l'administration des eaux de Halifax, ou un autre service public, d'entrer sur le marché et de voir si le secteur serait intéressé à conclure un partenariat public-privé. Cette initiative n'est pas menée par le ministère, et c'est une bonne chose. La gestion de l'initiative et les orientations à explorer sont déterminées par les chefs, par l'intermédiaire du Congrès des chefs de l'Atlantique.

Je pense que dans la plupart des collectivités du Canada, la population moyenne est d'environ 500 personnes, de sorte que si une collectivité de 500 personnes tente de faire ce que font les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux du point de vue de la gouvernance, tout en nommant un gestionnaire de bande pour l'infrastructure, un opérateur d'usine de traitement de l'eau et un gestionnaire du logement, cela devient difficile. Notre solution consiste donc à envisager des fusions, et c'est ce qu'accomplit le Congrès des chefs de l'Atlantique.

Le simple fait de regrouper les services publics est très avantageux du point de vue de l'efficacité et de l'efficience dans le domaine de la prestation de services d'eau et de traitement des eaux usées dans ces collectivités. Elles auront également l'occasion de tenter d'obtenir du financement grâce au mécanisme des partenariats public-privé. Nous ne savons pas si cela fonctionnera. Nous devons suivre le processus. Il faudra encore probablement quelques années. Nous sommes à l'étape de l'approvisionnement pour un PPP. Ensuite, nous déterminerons si cela vaut la peine en travaillant avec nos collègues de PPP Canada. Nous travaillerons avec les chefs et nous prendrons une décision.

Si cela ne fonctionne pas, nous chercherons un plan B et nous verrons ce que nous pouvons faire différemment. Mais si cela fonctionne, ce serait intéressant pour ces 24 et, nous l'espérons, 33 collectivités. Les besoins en traitement des eaux et des eaux usées de ces collectivités seront comblés pendant les 25 à 30 années à venir.

Les risques et responsabilités passeraient du ministère, actuellement avec le chef, le conseil et les opérateurs, à des fournisseurs de service externes. À ce moment-là, les chefs seront en mesure de se concentrer sur l'éducation, les enjeux sociaux ou le développement économique, mais au moins, cela réglerait cet élément prioritaire de leur travail, qui est extrêmement important lorsqu'on envisage cette question du point de vue de la santé et de la sécurité. La principale responsabilité de tout État est de fournir une bonne eau potable aux membres et aux citoyens. Tout part de là.

Le sénateur Enverga : Avec nos recommandations que vous avez suivies, avez-vous déjà demandé du financement supplémentaire du gouvernement, ou quelque chose comme cela? Préférez-vous agir selon vos propres conditions?

M. Carisse : Non, bien sûr, nous cherchons toujours du financement supplémentaire. Les besoins sont là.

Je dois dire que nous avons eu beaucoup de chance ces dernières années, en remontant, comme l'a mentionné M. Pagan, jusqu'au Plan d'action pour l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux des Premières Nations. Il a été renouvelé trois fois jusqu'à maintenant, pour un montant de 330 millions de dollars sur deux ans. Nous avons eu l'initiative pour le logement du Plan d'action économique, à 400 millions de dollars. Il y a également la taxe sur l'essence et le Fonds sur l'infrastructure municipale rurale, dont les Premières Nations reçoivent une partie, qui est aujourd'hui le Fonds Chantiers Canada.

Pour les écoles, le budget de 2012 prévoyait 175 millions de dollars sur trois ans. Dans le budget de 2014, cela représente 500 millions de dollars sur les sept prochaines années. Ce qui est très intéressant, c'est que nous commençons à envisager un financement à long terme. Auparavant, le financement s'étalait sur deux ou trois ans, généralement deux ans. Pour la première fois, ce montant atteint 500 millions de dollars sur sept ans, de sorte que nous pouvons commencer à faire preuve d'un peu plus de créativité quant à la façon dont nous finançons les infrastructures.

Pourrions-nous avoir un plan sur 25 ans? Non. Nous en avons un pour sept ans, mais il y a tout de même de grandes possibilités. Reste-t-il certains besoins? Bien sûr. Comme on l'a mentionné, c'est la même chose lorsqu'on parle de l'extérieur des réserves; il y aura toujours un écart, mais chaque petite chose aide. Comment pouvons-nous faire durer le financement? Chaque fois qu'un nouveau financement est accordé au ministère pour les Premières Nations, nous nous demandons comment faire durer ce financement un peu plus longtemps. Si nous pouvons englober d'autres projets dans la collectivité, comme le développement économique, c'est encore mieux.

Le sénateur Enverga : Sommes-nous encore loin de pouvoir combler l'écart? Nous rapprochons-nous de cet objectif?

Je crois comprendre qu'AADNC a mentionné un plan quinquennal concernant le financement des infrastructures. À quel point sommes-nous prêts? Pouvez-vous au moins nous donner l'état d'avancement de ce plan? Nous rapprochons-nous du financement, ou sommes-nous encore loin du but?

M. Carisse : Voilà le grand problème avec les infrastructures. Malheureusement, on n'en voit jamais le bout. Andrew a parlé des nids-de-poule un peu plus tôt. Comme c'est le cas dans une municipalité ou une ville, les investissements dans les infrastructures seront toujours nécessaires.

La possibilité ou l'objectif, c'est d'essayer de bien investir pour veiller à ce que les infrastructures soient fonctionnelles pendant le cycle de vie prévu. Nous constatons que les infrastructures montrent des signes d'usure plus rapidement sur les réserves qu'à l'extérieur des réserves. Nous essayons de régler les problèmes pour nous assurer d'une exploitation et d'un entretien adéquat ainsi que d'une bonne maintenance.

Plus tôt, je vous ai donné l'exemple d'une petite communauté qui essaie d'entretenir toutes ses infrastructures. Je pense que s'il y avait davantage de regroupement, le cycle de vie des infrastructures serait plus long, qu'il s'agisse des aqueducs, de la gestion des eaux usées, des écoles ou même des logements. Les possibilités sont là.

Je pense qu'il y a certainement érosion des fonds consacrés aux services votés mais aussi une érosion causée par les aléas budgétaires. Les 500 millions de dollars prévus permettront de construire de nombreuses écoles dans beaucoup de communautés, et c'est une bonne nouvelle. Allons-nous pouvoir rayer toutes les écoles nécessaires de notre liste? Mais bon nombre d'écoles comprises dans cette liste seront construites, ce qui est bien.

Le sénateur Enverga : Je sais que les fonctionnaires du ministère ont dit au comité qu'ils travaillent avec les représentants régionaux et les Premières Nations afin de planifier à plus long terme.

Peut-être que vous ou les représentants du Conseil du Trésor pourrez répondre à cette question. Quelles restrictions sont imposées par le Secrétariat du Conseil du Trésor? Les modalités actuelles entraînent-elles des obstacles?

M. Carisse : De nos jours, tant qu'il est question d'infrastructures et dans une planification adéquate, on devrait prévoir un horizon de 50 ans au moins parce qu'on souhaite que les composantes des infrastructures durent au moins 50 ans, surtout avec les matériaux d'aujourd'hui, comme les tuyaux, et cetera, mais il demeure difficile pour nous de planifier à plus long terme.

Quel budget allons-nous obtenir au cours de la prochaine année et de l'année suivante compte tenu des fonds consacrés aux services votés et de certaines enveloppes budgétaires? Nous tentons d'arriver à travailler avec les communautés, dans le cadre du Plan national d'investissement dans les infrastructures des Premières Nations en tenant compte non seulement du budget mais aussi des besoins. Nous essayons de planifier sur une période d'au moins 10 ans de manière à avoir une meilleure idée des besoins lorsque des possibilités ou des discussions budgétaires se présentent.

Nous ne pourrions pas gérer de programme d'infrastructures au ministère. Nous fournissons du financement pour les infrastructures et les communautés. Or, les programmes devraient être gérés par les communautés, au même titre que les municipalités ou les villes. On devrait donner aux communautés la capacité de gérer un vrai programme de capitaux et d'évaluer les besoins, de planifier, si elles se mettent ensemble. Voilà pourquoi il est important de planifier à long terme : pour les plans de développement physique de la communauté tant au chapitre des infrastructures que du développement économique. Nous essayons autant que possible de réduire les écarts et de fournir certains outils, en fonction de notre politique sociale visant le financement des infrastructures. C'est ce que nous commençons à faire, grâce au lien que nous avons tissé et dont Andrew vous a parlé et grâce aux institutions qui envisagent la possibilité de partenariats public-privé ou d'autres possibilités. Ces communautés sont mûres pour du changement, pour prendre de l'essor, et les institutions peuvent fournir ces outils à ces communautés.

Le sénateur Enverga : Ma question porte précisément sur l'existence de contraintes imposées par le Conseil du Trésor pour que vous puissiez faire votre travail sur place.

M. Carisse : Actuellement, nous nous heurtons à des contraintes d'ententes de financement. Nous traitons de plus en plus avec des communautés dont les ententes de financement sont annuelles alors que nous concluons des ententes sur plusieurs années. Si nous voulons profiter de financement à long terme, il faudrait envisager un horizon de 25 ans. Ce n'est pas ce que nous faisons. Je ne dis pas que ce sont des contraintes, mais il faudra trouver une manière d'obtenir l'autorité pour le faire.

M. Pagan : Je peux en parler avec plaisir.

J'estime qu'en général, il existe trois types de contraintes dans le cas de tout service ou programme public. Il existe des contraintes relatives au Parlement, au financement et au programme. Côté Parlement, comme je l'ai dit dans mon exposé, nous travaillons en fonction des paramètres. Les règles sont fixées par le Parlement pour ce qui est des programmes votés et statutaires. Les programmes votés sont tributaires du cycle d'affectation des crédits annuels.

Côté financement, nous en avons discuté, il existe différents outils et mécanismes. Il existe aussi des garanties. Nous obtenons les garanties de prêt depuis 1966. Le plan d'action pour la gestion de l'eau potable et des eaux usées des Premières Nations est un programme fort d'infrastructures récemment annoncé par le gouvernement qui s'engagera à l'égard d'un besoin précis et à long terme. Dans le cas des écoles dans les réserves, l'enveloppe s'élève à 500 millions de dollars sur sept ans. Puis, il faut tenir compte des détails liés à chaque programme. Pour chaque programme présenté au ministre du Conseil du Trésor aux fins d'approbation, peu importe le ministère ou l'agence d'où il provient, nous passons le programme en revue et travaillons étroitement avec le ministère en cause pour définir les modalités du programme. De cette façon, nous sommes satisfaits, les ministres du Conseil du Trésor sont satisfaits, les parlementaires et le vérificateur général savent ainsi que la structure du programme est sûre, que nous avons réfléchi à l'emplacement des points de service, à la manière dont on attribuera et dont on fera rapport des fonds, à l'embauche du personnel, au processus d'attribution de contrats, à savoir s'il s'agira d'un appel d'offres public ou si uniquement quelques fournisseurs peuvent le mener à bien.

Évidemment, chaque programme comporte des paramètres et des considérations différentes. Toutefois, nous examinons la proposition de programmes et approuvons certaines modalités qui deviendront les critères de gouvernance du programme que le ministère en charge suivra pour la mise en œuvre du programme ou des services ou l'attribution de fonds.

Je pense qu'il serait utile que le comité garde à l'esprit ces trois grandes contraintes auxquelles tous les ministères et agences doivent se conformer dans le cadre de tous les programmes.

Le sénateur Enverga : Est-ce que vos deux organismes se parlent régulièrement?

M. Pagan : Tout à fait. Au secrétariat, nous travaillons par portefeuille. Affaires autochtones et Développement du Nord Canada occupe une grande partie de notre portefeuille des affaires sociales. Nous proposons de nombreux programmes pendant l'année. Nous entretenons des liens avec le ministère pour ordonner les choses et pour essayer de regrouper certains de leurs programmes et ainsi plutôt que de présenter au ministre un programme individuel, et donc une transaction unique, nous pouvons leur présenter un ensemble de programmes et leur donner un portrait plus complet de ce que tente de faire le ministère, qu'il s'agisse de développement économique, de programmes sociaux ou d'infrastructures.

Il s'agit d'un processus itératif que nous suivons pour chaque programme à partir des questions que nous poseront les membres du Parlement et du Conseil du Trésor. Ensuite, nous communiquerons cette rétroaction au ministère pour qu'on en tienne compte dans la planification du programme suivant.

Par exemple, si on voyait qu'il y avait un intérêt particulier pour des tiers, pour des partenariats public-privé ou pour l'externalisation, on verrait à ce que cet intérêt ou ces préoccupations soient intégrées à la prochaine proposition de programme. C'est un processus continu qui nous permet de nous assurer que nous écoutons ce que nous disent les intervenants et les ministres, et que le ministère en tienne compte dans ses propositions de programme.

Le sénateur Tannas : C'est très utile. J'apprécie beaucoup votre réponse. Ma question s'adresse à M. Pagan et porte sur le passif éventuel pour les garanties d'emprunt ministérielles.

Vous avez dit que le passif éventuel est indiqué dans une annexe des rapports et que cela fait partie de la bonne gouvernance. Qui l'examine? Est-ce que ce serait les agences de notation, et cetera, qui examineraient les passifs éventuels du gouvernement et qui les évalueraient? Y a-t-il quelque chose dans la loi qui déclenche un processus d'arrêt en cas de passif excessif lié, mettons, aux garanties d'emprunt ministérielles? Y a-t-il un mécanisme?

M. Pagan : Comme vous savez, les comptes publics sont présentés dans trois volumes à la fin de l'exercice. Ils sont approuvés par le ministre des Finances et le président du Conseil du Trésor. En fait, ils sont vérifiés. Nos états financiers sont vérifiés par le vérificateur général et c'est en fonction de cette vérification que les agences de notation, par exemple, évaluent la bonne santé financière du gouvernement et en tirent des conclusions sur la viabilité de notre situation financière.

C'est un processus très important et c'est très important que le gouvernement obtienne une vérification favorable du vérificateur général. Je peux remonter plusieurs années en arrière. Je n'ai pas le chiffre exact, mais il faut remonter à plus de 12 ans pour trouver une approbation complète, de la part du Bureau du vérificateur général, des états financiers du gouvernement du Canada.

Si un problème se posait du côté des passifs éventuels et que nous étions en train de minimiser ou de déformer nos passifs potentiels, le vérificateur général le signalerait certainement, puisque cela pourrait porter atteinte à la viabilité financière du gouvernement.

S'il s'avérait qu'il existait un passif que nous n'avions pas représenté correctement, nous serions rappelés à l'ordre. Un dialogue s'ensuivrait, puisque l'interprétation des bilans financiers est souvent une question d'opinion. S'ils nous posaient des questions auxquelles nos réponses seraient satisfaisantes, nous aurions une opinion de vérification sans réserve. Si, par contre, ils contestaient quelque chose que nous ne sommes pas prêts à aborder, ils auraient alors la possibilité de qualifier, ou — je ne sais pas ce qui pourrait être pire — souligner d'une autre manière le fait qu'ils aient certaines préoccupations concernant les états financiers du gouvernement.

Tout comme nous avons des échanges très dynamiques avec les ministères s'agissant d'organiser les modalités de leurs programmes et les préparatifs aux fins d'approbation, nous avons aussi des échanges très dynamiques avec le vérificateur général tout au long de l'exercice. Puis, à la fin de l'exercice, nous entamons un intense processus pendant lequel nous ouvrons tous nos comptes afin qu'ils puissent les passer au peigne fin. Ils nous posent des questions pointues et nous demandent d'envisager l'inclusion ou l'exclusion de tel ou tel article dans les états financiers. Nous œuvrons en collaboration avec eux afin d'aborder leurs préoccupations dans l'espoir d'obtenir cette opinion sans réserve.

J'ai l'impression qu'il y a une question.

Le sénateur Tannas : Oui ou non. Je sais que ma question est longue. Je souhaite mieux comprendre. Donc, pourvu que le passif éventuel soit correctement déclaré, et je crois que nous serions tous d'accord là-dessus — je ne doute pas que le passif éventuel de 1,8 milliard de dollars actuellement associé au logement, aux termes de la garantie d'emprunt ministérielle, soit correctement comptabilisé. Présumons que s'il existait un autre programme assorti d'une garantie d'emprunt ministérielle, il serait correctement comptabilisé.

Si jamais le ministre perdait le contrôle et approuvait 10 milliards de dollars en garanties de prêts, existe-t-il une disposition statutaire pouvant déclencher une réponse quelconque qui pourrait éventuellement entraver les programmes de dépense annuels du gouvernement?

M. Pagan : Oui, il existe des contrôles, tout simplement. Toute dépense faite par le gouvernement est assujettie à un contrôle interne, et dans le cas de ces garanties d'emprunt, il y a une limite. Il y a un plafond législatif de 2,2 milliards de dollars, et donc il y a des contrôles qui existent au sein du ministère pour qu'on ne puisse pas dépasser ce plafond. Il y a des systèmes manuels et automatisés pour s'assurer que, qu'on parle d'un crédit législatif ou d'un crédit voté, les pouvoirs parlementaires existent pour contrôler les dépenses au sein du ministère.

Le sénateur Tannas : Très bien. Merci.

M. Beynon : Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, je pense que c'est une question intrigante. Les limites absolues pour ce genre de risques sont surveillées de près par le ministère et par nos amis au Conseil du Trésor. Mais pour un programme comme les garanties d'emprunt ministérielles, même si on est en-dessous de la limite, il y a des changements d'année en année. S'il y a une augmentation soudaine, il faut gérer cette situation à l'interne et expliquer à nos collègues au Conseil du Trésor pourquoi il y a eu une augmentation des dépenses.

Le président : On nous a parlé du système de rapports sur la condition des biens, ou SRCB, qui fournit des informations concernant la condition des biens, des estimations des coûts de réparation et de reconstruction, et des estimations concernant la durée de vie des biens. Le comité a entendu certaines critiques à l'égard de ce système. On nous a dit que les informations ne sont pas accessibles. Par exemple, ces informations devraient être disponibles et pourraient être mises à la disposition des compagnies d'assurances pour qu'elles puissent avoir plus de détails sur l'état des biens. Cela pourrait réduire de manière importante les coûts des cotisations.

On nous a dit que le SRCB ne semble pas concerner les Premières Nations, que souvent les Premières Nations ne savent pas que les études du SRCB sont en cours, et que les rapports ne sont pas toujours communiqués aux collectivités des Premières Nations, ni rendus publics. Est-ce qu'on pourrait aborder ce problème? Vous savez peut-être que ces critiques ont été portées à l'attention du comité.

M. Carisse : Pas à ce point-là. Le SRCB n'est pas forcément qu'un simple système. Le système automatisé que nous avons s'appelle le système intégré de gestion des immobilisations. Toutes les informations sont là. Avec le SRCB, des inspecteurs font des rapports sur l'état des biens, et ces inspecteurs sont généralement embauchés par des conseils tribaux. Je crois qu'il existe une région où c'est géré par le bureau régional, mais d'habitude c'est géré par un conseil tribal, et ils sont envoyés dans les communautés.

Je vais certainement me pencher là-dessus. Tout bénéficiaire d'une entente de financement d'un ministère dispose du guide de présentation des rapports des bénéficiaires, donc chaque communauté doit remplir certains rapports. Pour le programme d'immobilisations, à un moment il y avait à peu près 12 rapports nationaux et 80 rapports régionaux. Le Conseil du Trésor a émis une directive afin de réduire le fardeau administratif des collectivités des Premières Nations. Maintenant on demande seulement cinq rapports dans le guide de présentation des rapports des bénéficiaires, mais l'un de ces rapports rempli directement par la collectivité est le rapport du SRCB.

L'inspecteur est membre du conseil tribal ou d'un autre groupe, mais la collectivité soumet le rapport. C'est un élément que nous acceptons, et nous acceptons tout autre élément qui peut appuyer l'assurance, bien sûr. Nous avons tenu de nombreuses discussions avec les assureurs-incendies au cours des années, et comme vous le savez probablement, pour toute compagnie d'assurances, les primes sur les risques inconnus sont plus élevées, n'est-ce pas? Un grand nombre des collectivités ne sont pas évaluées par des assureurs. Donc, tous les types de primes d'assurance sont très élevés. Il vaut mieux obtenir une mauvaise note dans une évaluation. L'industrie de l'assurance saurait au moins quel type de prime accorder. Nous travaillons avec l'Association des pompiers autochtones du Canada et d'autres organisations afin de bonifier des assurances.

Tout est lié aux infrastructures. Donc si on veut faire la promotion du logement du marché, il est difficile de le faire si on ne peut pas obtenir des assurances pour ce logement-là.

Merci beaucoup, sénateur. Je ferai davantage de recherches sur la question.

La sénatrice Raine : En fait, j'aimerais revenir à la dernière question. J'ai devant moi un document qui a été déposé le 30 juin 2011. Le document décrit comment le rapport du SRCB pourrait vraiment être utile s'agissant des assurances.

Toutefois, ma question s'adresse à M. Pagan. On nous a parlé maintes fois du plafond de 2 p. 100 sur les dépenses aux Affaires autochtones. Ce plafond a été fixé au début des années 1990 afin de réduire les déficits de l'époque, et il existe toujours.

Voici ma question : Quelle est la procédure normale pour la planification du budget? D'après ce que j'ai compris, la plupart des budgets sont indexés à l'inflation chaque année. On fait des ajustements en fonction du nombre de personnes desservies par le programme et d'autres considérations.

Je n'arrive pas à comprendre comment un plafond peut être mis en place pour une raison et perdurer aujourd'hui alors que les circonstances sont complètement différentes. Il me semble que c'est très punitif. J'aimerais que vous en parliez si vous le voulez bien, mais il se peut que ce ne soit pas le bon moment. Je pense que cela a un impact, puisqu'il faut donc financer l'exploitation et l'entretien à partir d'une enveloppe qui devait originalement aussi avoir des capitaux d'infrastructures.

M. Pagan : Madame la sénatrice, c'est une question très intéressante. Je ne sais pas trop par où commencer.

Le processus budgétaire est dynamique. Je vous ai expliqué ma partie, le système de gestion des dépenses et la présentation de documents budgétaires au Parlement. C'est une partie très importante, mais ce n'est tout de même qu'un élément du processus budgétaire global du ministère des Finances.

C'est un processus dynamique puisque, comme vous le savez, il existe d'innombrables besoins ainsi que d'importants programmes et services; la disponibilité du financement est soumise à certaines contraintes économiques et budgétaires. Je ne sais pas quand le plafond auquel vous faites allusion a été introduit, mais je sais pertinemment que le gouvernement a déjà pris des mesures concertées afin de contrôler ou limiter la croissance et les dépenses pour qu'elles soient viables. Rendre les dépenses viables devient un peu une constante dans le processus budgétaire.

Les ministères reçoivent généralement des fonds de programmes permanents. Cela peut être des postes votés et législatifs. Le gouvernement approuve un programme pour le logement social ou des infrastructures ou quoi que ce soit. C'est censé être continu pour que le programme soit maintenu pour l'avenir prévisible.

Avec chaque engagement, il peut y avoir des facteurs d'indexation ou pas, selon la situation. En réalité, la majorité de nos dépenses discrétionnaires ou dépenses votées ne sont pas soumises à des facteurs d'indexation. On s'attend à ce que la plupart des ministères absorbent les coûts de l'inflation ou de la prestation de programmes de leurs fonds de base et qu'ils recherchent des gains d'efficacité. Le fait qu'il y a peut-être un facteur d'indexation pour Affaires autochtones est lui-même en quelque sorte une anomalie. Je ne peux pas vous éclairer sur le niveau ou le 2 p. 100, mais le fait qu'il y a un facteur d'indexation est en quelque sorte une anomalie.

Dans ce contexte, nous passons par des hauts et des bas. Alors que la récession faisait rage en 2008-2009, il y a eu un engagement important de la part du gouvernement d'injecter des fonds dans le système afin de stimuler l'économie. Je pense que le ministère des Affaires autochtones en a été le bénéficiaire parce qu'il a reçu des fonds pour les infrastructures et pour un plan d'action pour le traitement des eaux usées, et cetera. Nous avons traversé ce cycle et le temps était venu d'assainir les finances publiques. Nous avons pu observer un accent mis sur la compression des coûts et des restrictions budgétaires, plus récemment avec le blocage du budget opérationnel. Il n'y aura pas de majoration automatique du budget de fonctionnement du ministère pour tenir compte d'augmentations salariales, par exemple, qui pourraient être négociées dans le cadre du processus de négociation collective.

C'est la dynamique générale. Les engagements et les programmes approuvés par le gouvernement sont présentés au Parlement dans le budget des dépenses. C'est un processus structuré. Le processus budgétaire est un peu plus dynamique. Cette année, nous voyons que le budget arrive un peu en retard pendant que le ministère des Finances compose avec la perturbation dans le secteur de l'énergie. Quand le budget sera déposé, j'imagine qu'il y aura des plans et des engagements à l'égard de nouveaux programmes, comme d'habitude. Nous en tiendrons compte, quels qu'ils soient. Nous travaillerons de concert avec le ministère afin d'approuver toute décision de financement dans le budget, que par la suite nous déposerons au Parlement dans les futurs documents du budget des dépenses.

C'est la dynamique et la façon dont le ministère peut satisfaire à ses besoins : il identifie ses priorités et travaille en collaboration avec le ministère des Finances afin d'assurer le financement dans ce budget ou dans des budgets futurs.

La sénatrice Dyck : En fait, la question soulevée par la sénatrice Raine était très importante. Elle concerne, en quelque sorte, la question posée par la sénatrice Beyak. Si on avait écouté ce que la sénatrice Beyak a dit, on pourrait peut-être considérer qu'elle disait que certaines des Premières Nations géraient mal leur argent. En fait, la réalité c'est qu'il n'y a pas suffisamment d'argent.

Le rapport du ministère de juin 2011, Générateurs de coûts et pressions financières — Les nouveaux facteurs d'indexation, recommande que vous octroyiez un nouveau financement en capital pour les infrastructures, que vous arrêtiez de réaffecter des fonds et que vous appliquiez une clause d'indexation de 3 p. 100.

Avez-vous obtenu davantage de financement pour les immobilisations? Allez-vous mettre fin à la réaffectation de fonds? Avez-vous tenté de faire augmenter la formule d'indexation à 3 p. 100? Mes questions sont pour M. Carisse.

M. Carisse : Nous avons eu la chance de recevoir du financement supplémentaire dans les derniers budgets. Le financement des services votés pour les programmes d'immobilisation représente un peu moins de 800 millions de dollars. Au cours des cinq ou six dernières années, la moyenne s'est chiffrée à plus de 1,1 milliard de dollars, puisque nous avons reçu un montant supplémentaire annuel de 300 millions de dollars en vertu du Plan d'action économique pour le logement, le Plan d'action pour la gestion de l'eau potable dans les collectivités des Premières Nations, et pour les écoles. La formule d'indexation demeure inchangée à 2 p. 100, suite à la décision prise dans les années 1990.

En ce qui concerne la réaffectation de fonds, 2 p. 100 du financement va au budget des services votés. Le ministère doit également cofinancer certains programmes sociaux et éducatifs avec les provinces et nous devons donc nous arranger avec ce qui reste. Voilà la situation, malheureusement. Nous faisons de notre mieux avec ce qui reste des fonds pour les immobilisations, d'où l'importance de trouver de nouveaux outils et de nouvelles façons de promouvoir un meilleur financement et entretien des infrastructures.

La sénatrice Dyck : M. Serson a justement parlé au comité au sujet de ce problème de sous-financement. Le financement de tous les ministères a été plafonné à 2 p. 100 en 1996. Ce plafond s'applique toujours au ministère des Affaires autochtones, contrairement à d'autres ministères mais un financement complémentaire lui a été accordé afin de compenser, dans un sens, ce qui avait été perdu. Est-ce que votre ministère a songé à faire demande pour des fonds complémentaires que vous pourriez utiliser pour payer la dette que vous avez accumulée depuis 1996? Il s'agit de presque 20 ans.

M. Beynon : Sénateurs et sénatrices, on soulève des questions qui débordent du cadre du financement pour les infrastructures. Nous parlons du niveau de financement général pour le ministère, comme l'a expliqué M. Carisse, pour des programmes sociaux et autres. Nous cherchons toujours des occasions pour mieux investir nos fonds et pour gérer nos programmes le plus efficacement possible. Je ne crois pas que nous soyons les mieux placés pour dire au comité quel serait le bon niveau de financement, que ce soit pour les infrastructures, les programmes sociaux ou le développement économique. Il s'agit d'une question plus large qui serait mieux traitée par les parlementaires que par les fonctionnaires.

La sénatrice Dyck : Cela va peut-être au-delà des infrastructures, mais tout est lié. Si un certain montant d'argent est destiné au ministère, mais que la somme ne suffit pas, que doit faire le ministère? Dans le passé, vous avez pris de l'argent qui était destiné aux infrastructures et vous l'avez réaffecté à l'éducation et au programme de bien-être social pour les enfants. Ce problème ne disparaîtra que lorsqu'il y aura suffisamment d'argent pour financer tous les programmes.

Que doit faire le ministère pour convaincre les gens de cela? Que pouvez-vous faire pour augmenter le budget, qui est donné à chaque Première Nation, pour que celles-ci ne soient pas constamment endettées?

M. Beynon : La réponse la plus brève est que notre rôle premier en tant que fonctionnaires est de concevoir les meilleurs programmes possibles, d'attirer des investissements et de convaincre les gens que ces investissements vont rapporter. Ensuite, il incombe aux parlementaires et à d'autres personnes de décider si on a les bonnes conditions pour aller de l'avant.

Le président : J'aimerais remercier les témoins. Cette séance a été utile. Merci à tous les participants. Si vous voulez parler aux témoins, je vous demanderais de le faire dans l'antichambre, car cette pièce-ci est réservée pour un autre événement qui aura lieu sous peu.

(La séance est levée.)


Haut de page