Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 12 - Témoignages du 31 mars 2015
OTTAWA, le mardi 31 mars 2015
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 30 pour étudier les problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations.
Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Permettez-moi de souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs et aux membres du public qui assistent à cette réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, soit par leur présence dans cette salle, soit par le truchement de CPAC ou sur le web. Je m'appelle Dennis Patterson et j'ai l'honneur de présider le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Notre mandat consiste à examiner, de façon générale, les aspects législatifs et les questions relatives aux peuples autochtones du Canada.
Ce matin, nous nous préparons à entendre les témoignages découlant d'un ordre de renvoi nous autorisant à examiner de façon spécifique les problèmes liés à l'infrastructure ainsi que leurs éventuelles solutions dans les réserves des Premières Nations et à en faire rapport, notamment en ce qui a trait au logement, à l'infrastructure communautaire et aux possibilités novatrices de financement, ainsi que relativement aux stratégies de collaboration plus efficaces.
Nous avons achevé les audiences portant sur le logement et en sommes aux dernières étapes de notre étude portant sur l'infrastructure.
Nous accueillerons aujourd'hui trois représentants : ici, à Ottawa, celle de la Première Nation Tsawwassen et de la Nation crie de Muskeg Lake, tandis que la Première Nation Tsawout témoignera par vidéoconférence depuis l'île de Vancouver. À toutes et à tous, je souhaite la bienvenue.
Avant d'en venir au témoignage, je voudrais que nous fassions un tour de table afin que les membres du comité puissent se présenter.
Le sénateur Sibbeston : Je suis le sénateur Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Sénatrice Sandra Lovelace, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Dyck : Sénatrice Lillian Dyck, de la Saskatchewan. Bonjour.
Le sénateur Watt : Charlie Watt, du Nunavik.
La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta. Bonjour.
Le président : Merci, chers collègues. Je sais que vous vous associez à la bienvenue que j'adresse ce matin à nos invités. Pour la Première Nation Tsawwassen, nous allons entendre Colin Ward, directeur des Services publics, qui est accompagné à la table des témoins par trois représentants de la nation crie de Muskeg Lake, à savoir Aaron Ledoux, directeur du logement, Jamie Arcand, gestionnaire du logement et Dana Greyeyes, conseiller.
Et, depuis l'île de Vancouver par vidéoconférence, nous souhaitons la bienvenue aux représentants de la Première Nation Tsawout, à savoir le chef Harvey Underwood, Eric Pelkey, directeur des Opérations; Gwen Underwood, gestionnaire des terres; Stanley Sam, conseiller; Eric Pettit, ingénieur principal de projets, WSP Canada Inc.; Ron Akehurst, directeur général, WSP Canada Inc.; et enfin, Allan Claxton, conseiller.
Je remercie les témoins de comparaître afin d'aider le comité dans ses travaux. Nous allons suivre avec intérêts vos exposés, qui seront suivis de questions posées par les sénateurs. Peut-être pourrions-nous commencer par la délégation de Muskeg Lake, qui sera suivie de celle de la Première Nation Tsawwassen et enfin de celle de la Première Nation Tsawout.
Monsieur Ledoux, vous avez la parole.
Aaron Ledoux, directeur du logement, Nation crie de Muskeg Lake : Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Aaron Ledoux et j'appartiens à la nation crie de Muskeg Lake. Je suis accompagné de deux collègues de ma Première Nation : M. Jamie Arcand, gestionnaire du logement, qui nous fournira des chiffres précis en cas de besoin; et le conseiller Greyeyes, responsable du portefeuille du logement. Ces personnes pourront avoir à intervenir de temps à autre pour nous communiquer les chiffres de notre exercice comptable ou des renseignements concernant notre politique et les initiatives en cours.
La nation crie de Muskeg Lake compte une population de 2 102 membres, dont 434 vivent dans la réserve. Cette dernière couvre une surface de 56 milles carrés, avec un parc de logements de 136 maisons, dont 36 de la SCHL et le reste de la propriété de la bande. Nous sommes une bande participant à l'entente de transfert financier, ce qui démontre la crédibilité de notre organisation.
La nation crie de Muskeg Lake est la première, au Canada, à avoir mis sur pied une réserve urbaine et à créer des entreprises en vue de générer des revenus autonomes. Elle a servi de modèle à d'autres Premières Nations qui, dans tout le Canada, ont créé avec succès des réserves urbaines.
Je voudrais aborder un certain nombre de questions qui méritent d'être évoquées, avec, à l'appui, les chiffres de clôture de notre exercice comptable et les prévisions budgétaires pour l'année prochaine. J'aimerais parler des évolutions positives observées dans notre communauté, dont je sais que vous avez déjà entendu parler. Il ne s'agit pas, pour moi, d'une liste de doléances; mais il importe que certaines questions soient abordées. J'espère que cela sera l'occasion d'étudier des solutions au problème de ma Première Nation.
Il m'incombe de communiquer au comité notre doctrine. Nous sommes d'avis, en tant que nation crie de Muskeg Lake, que le logement, les rénovations et les infrastructures connexes découlent des droits conférés par les traités et sont une responsabilité fédérale, y compris au plan financier. Cette position s'appuie sur la relation privilégiée entre les Premières Nations et la Couronne, laquelle remonte à la Proclamation royale de 1763. L'article 91.24 de la Loi constitutionnelle de 1867 renforce cette position, de même que les articles 25 et 34 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il convenait de préciser cela dès le début de notre témoignage.
Le droit au logement conféré par traité constitue pour nous une priorité. C'est une chose profondément inculquée pour l'ensemble de nos Premières Nations depuis l'entrée en vigueur du traité; c'est pourquoi, en tant que pupilles du gouvernement fédéral et de son représentant, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (AADNC), nous comptons sur le financement de base pour le noyau des services essentiels que nous fournissons à nos membres. Ces services, à titre indicatif et non exhaustif, comprennent le logement, les rénovations, le traitement des eaux usées, l'adduction d'eau et les services sanitaires; ils seront abordés dans le présent exposé.
La nation crie de Muskeg Lake possède deux installations tout à fait modernes de traitement des eaux usées, fournies par AADNC et qui desservent la majorité de nos membres dans notre village central.
Nous avons également deux puits périphériques qui desservent différents secteurs, aux extrémités sud et nord respectivement. La valeur totale de ces actifs est de l'ordre de 4 millions de dollars et s'inscrit au patrimoine de notre communauté.
Dans le cadre de ses projets d'immobilisation, la nation crie de Muskeg Lake devrait recevoir 600 000 $ pour un dispositif de transfert des déchets. Nous sommes également inscrits en vue d'une extension de notre système de lagunage au cours des prochains exercices financiers. Pour tous ces projets, nous recevons un financement par le biais du rapport du SRCB, chargé de fournir les ressources et de gérer ces installations. C'est l'écart entre ce financement et le coût réel qui suscite une inquiétude au sein de notre communauté.
Au cours des trois dernières années, nous n'avons pas reçu l'infrastructure destinée à compléter ces nouvelles usines de traitement des eaux usées et nos puits périphériques. De ce fait, nous ne cessons de réparer et de remplacer les infrastructures servant à la distribution d'eau et à la prestation des services, si bien que l'an dernier nos dépenses dans ce domaine se sont montées à 250 000 $, tandis qu'AADNC ne nous a versé que 27 000 $. Vous voyez que la différence est énorme.
S'agissant du logement, au cours des cinq dernières années, nous avons construit 12 nouvelles maisons et rénové près de 40 unités domiciliaires au titre de l'article 95. Il s'agit, certes, d'un élargissement du patrimoine de notre communauté, mais aussi d'une charge financière.
J'ai dit en début d'intervention que le droit au logement est pour nous une chose conférée par traité. Nous recevons une allocation-logement pour tout ce qui relève de l'article 95 du cadre législatif de la SCHL; en revanche, pas un sou pour les prêts relevant du même article, que nous avons remboursés intégralement et assignés aux logements qui sont la propriété de la bande.
L'exécution des phases 1 à 4 suscite des coûts supplémentaires liés aux rénovations, étant donné que certains prêts relevant de la responsabilité de la Première Nation ont déjà été remboursés. Nous pensons qu'il s'agit là d'une injustice étant donné que d'autres Premières Nations du Canada reçoivent une allocation-logement universelle. C'est pourquoi nous demandons à connaître la raison de cette différence de traitement.
Afin de compenser les coûts engendrés par ce sous-financement, la nation crie de Muskeg Lake se doit de générer des revenus autonomes afin de fournir les services requis aux membres de notre communauté vivant dans la réserve, qu'il s'agisse de rénovations, d'eau potable ou de services sanitaires. C'est pourquoi, lorsque nous prélevons auprès de nos entreprises et entités situées en dehors de la réserve afin de suppléer au déficit de financement incombant au gouvernement du Canada et à AADNC, cela affaiblit d'autant notre capacité à tirer parti d'autre possibilité, que ce soit pour nos entreprises ou pour les services à la jeunesse ou encore le sport.
En guise de solution, nous envisageons de commencer à faire payer un loyer pour nos logements, afin d'équilibrer notre budget en fin d'exercice. Cependant, une telle solution équivaut à taxer les plus pauvres parmi les pauvres. Je rappelle que le revenu médian pour les membres habitant dans la réserve est de 13 000 $. Vous voyez donc que si on leur enlève 454 $ par mois, il ne leur reste pas grand-chose. Quant au revenu médian de nos membres habitant hors de la réserve, il est de 33 000 $.
Voilà ce que j'avais à vous déclarer aujourd'hui.
Le président : Merci beaucoup. Nous allons réserver nos questions jusqu'à ce que tous les témoins aient présenté leur exposé.
Je donne à présent la parole à la nation Tsawwassen, représentée par M. Colin Ward.
Colin Ward, directeur des Services publics, Première Nation Tsawwassen : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, d'avoir invité la Première Nation Tsawwassen. C'est un honneur pour moi de comparaître devant vous au nom de la Première Nation Tsawwassen pour vous décrire notre situation.
La Première Nation Tsawwassen est une nation moderne et signataire de traité. Je m'attarderai un peu sur ce concept, car il explique la démarche adoptée par la Première Nation Tsawwassen pour répondre à certaines des difficultés d'infrastructure. Comme un grand nombre des autres Premières Nations, la nation Tsawwassen souffre d'un véritable déficit d'infrastructure, qu'il s'agisse, entre autres, des carences du réseau routier dans son ensemble, de celles du système d'adduction d'eau ou des faiblesses de notre système de traitement des eaux d'égout. Ce déficit d'infrastructure a pour conséquence de nous empêcher de générer des revenus autonomes par le biais du développement économique. Or, nous avons une telle ambition, ce qui devrait nous permettre d'améliorer le sort de notre collectivité.
À nos yeux, il convient de s'appuyer sur trois démarches principales afin de combler ce déficit d'infrastructure : la première consiste à obtenir l'autonomie gouvernementale sur les territoires; la seconde concerne le régime foncier et la certitude du titre; et la troisième porte sur l'établissement de partenariats avec les ordres supérieurs de gouvernement.
Les investissements ciblés peuvent procurer des gains économiques très substantiels à toutes les parties engagées. Ainsi, les initiatives de développement auxquelles se consacre la Première Nation Tsawwassen devraient procurer aux ordres supérieurs de gouvernement de la Colombie-Britannique et du Canada environ 70 millions de dollars sous forme d'augmentation annuelle de l'impôt sur le revenu perçu dans les territoires tsawwassen, sans parler de l'augmentation des recettes provenant de la taxe sur les ventes, et de celles des droits de mutation perçus par la province de la Colombie-Britannique. L'on voit donc que le modèle tsawwassen peut comporter des avantages économiques non négligeables.
Pour revenir à notre contexte, j'ai déjà dit que nous sommes une nation moderne signataire de traité, puisque la nation Tsawwassen a signé le traité en 2007, lequel est entré en vigueur le 3 avril 2009. Nous avons choisi de signer le traité, car notre but était clair : nous lancer dans le développement économique et utiliser les revenus ainsi générés pour investir dans l'éducation, la santé et le progrès social de notre population. Afin de mettre cette vision en œuvre, nous devions absolument attirer les investissements du secteur privé. Une bonne partie des actions entreprises par la nation Tsawwassen dans le cadre du traité visait à attirer ces investissements. Je dirai quelques mots des principaux éléments de cette politique, mais permettez-moi tout d'abord de décrire les principaux éléments d'un traité et ce que cela comporte.
S'agissant du régime foncier qui accompagne un traité, je précise que la nation Tsawwassen est propriétaire de son territoire en fief simple, selon un régime analogue à celui par lequel la Couronne détient ses propres terres. Il s'agit donc du domaine le plus complet en droit, tel que le définit le traité. Aucune réserve ne s'applique en faveur de la Couronne, que ce soit au niveau provincial ou au niveau fédéral. La nation peut administrer ses territoires comme bon lui semble.
Il convient de mentionner un autre élément du traité, à savoir la capacité de gouvernement autonome. La nation Tsawwassen a compétence dans plusieurs domaines clés concernant le domaine foncier, ce qui reflète son intention d'encourager les investissements privés dans la collectivité. Une pièce maîtresse de la législation en vigueur est constituée par le Tsawwassen Land Act, qui a été articulé autour de la législation provinciale en la matière. Compte tenu de l'analogie avec le titre foncier tsawwassen, l'on a pris soin d'élaborer une loi qui, non seulement reflète les caractéristiques qui nous sont propres et la manière dont nous nous gouvernons, mais renvoie également point par point au régime d'administration par la province de ses propres terres.
Nous sommes également encadrés par la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, qui réglemente des aspects de développement tels que le zonage, l'aménagement du territoire et autres aspects sur la terre tsawwassen.
Nous sommes, par ailleurs, régis par la Community Governance Act qui encadre la fourniture de services aux membres et aux non-membres vivant dans les terres tsawwassen, ainsi que la facturation des services publics.
Enfin, nous bénéficions des dispositions de la Property Taxation Act, qui nous habilite à percevoir des impôts fonciers auprès des occupants des terres tsawwassen. Cette disposition est destinée à figurer au cœur de notre capacité d'autofinancement dans le long terme. Une fois achevés les chantiers en cours, nous projetons de percevoir environ 16 millions de dollars sous forme de recettes foncières annuelles, et ce montant pourrait, dans l'avenir, atteindre jusqu'à 27 millions de dollars.
Voilà donc quelques-uns de nos piliers juridictionnels en même temps qu'une synthèse de ce que nous avons entrepris. Cela dit, il existe un déficit infrastructurel considérable sur les terres tsawwassen. Or, si nous voulons mettre notre projet à exécution et obtenir les investissements du secteur privé, il nous faut apporter des améliorations infrastructurelles publiques dont le montant se chiffre à environ 110 millions de dollars, et exécuter le tout pratiquement en une seule tranche. En effet, même si l'on ne peut pas mettre en œuvre du jour au lendemain la totalité d'un réseau routier ou d'un volume prévu d'adduction d'eau, on ne peut pas se contenter de construire les deux tiers d'une route et laisser le dernier tiers pour l'avenir. Encore une fois, il faut tout faire en une seule tranche. Nous sommes actuellement engagés dans un projet de construction d'infrastructure publique de grande envergure.
Ce projet concerne l'extension des conduites principales d'eau ainsi que leur raccordement au système de distribution de Vancouver métropolitain, pour un coût d'environ 18 millions de dollars. Nous construisons une nouvelle installation de traitement des eaux d'égout, au coût de 28 millions de dollars, et nous élargissons l'autoroute 17 qui va jusqu'à la gare maritime de Vancouver, pour un coût d'environ 30 millions de dollars.
S'agissant de l'infrastructure de drainage, je précise que le territoire tsawwassen, situé dans les basses terres continentales, donne directement sur le détroit de Georgia si bien que la majeure partie des terres ne s'élèvent qu'à environ 50 centimètres au-dessus du niveau de la mer. Par conséquent, il importe de s'assurer que tout volume d'eau pouvant se déplacer dans le secteur soit traité de façon appropriée, d'où le devis de l'infrastructure de drainage, qui se chiffre à environ 10 millions de dollars.
Il conviendra, bien entendu, de prévoir d'importantes infrastructures communautaires afin que notre réserve reste un endroit agréable à vivre, qu'il s'agisse de nouveaux centres de loisir, d'espaces verts ou autres. Le tout pour un montant global d'environ 110 millions de dollars, ce qui nous amène aux modalités de financement.
À cette fin, nous avons pris deux options, d'orientation différente : le prélèvement hors-site (PHS) ou droit d'aménagement, comme on l'appelle souvent dans d'autres contextes. Notre but consiste à faire supporter la plus grosse part possible de ces 110 millions au secteur privé. En effet, s'ils ont besoin de cette infrastructure pour leur propre croissance, c'est à eux d'en supporter le coût. Cependant, 110 millions, c'est une grosse somme et on ne peut pas la rejeter tout entière sur les épaules du secteur privé sans mettre en péril le projet d'investissement. Nous avons fait notre possible, mais il reste un écart à combler.
En deuxième lieu, la certitude du titre, qui contribue grandement à créer les partenariats essentiels pour le développement de notre infrastructure. S'agissant du volet de partenariat avec le secteur public, la certitude du titre découlant du traité a donné au Greater Vancouver Water District la certitude qu'ils auraient, s'agissant de leur infrastructure sur les terres tsawwassen, des droits comparables à ceux obtenus dans toute autre municipalité de Vancouver métropolitain. Ils vont donc construire certaines infrastructures d'adduction d'eau sur les terres tsawwassen. Dans le passé, la garantie de tels droits en matière d'accès pour pouvoir entretenir l'infrastructure constituait le véritable obstacle. Ainsi, une Première Nation ne pouvait adhérer à l'un de ces districts régionaux en raison des problèmes posés, entre autres, par la responsabilité solidaire. Le traité a résolu la question en permettant à la nation Tsawwassen de devenir membre de ce district d'adduction d'eau. On voit donc que le traité et le cadre dans lequel s'inscrit le titre foncier ont créé la certitude nécessaire à l'établissement de certains des partenariats indispensables avec le secteur public.
Pour passer au secteur privé, le régime foncier a contribué de façon déterminante à attirer le financement privé. Nous avons récemment créé un partenariat avec Ivanhoé Cambridge, qui a entrepris de construire un centre commercial important sur le territoire tsawwassen. Je dis important, car, en 2014, il a été reconnu comme étant le plus gros investissement immobilier jamais effectué en Colombie-Britannique, avec une valeur d'environ 650 millions de dollars. C'est donc un projet important pour la Première Nation, mais aussi pour la province. Il était important, pour eux, de bien comprendre la façon dont le modèle de propriété foncière sur les terres tsawwassen s'intègre au cadre foncier provincial, afin d'avoir l'assurance dont ils avaient besoin, relativement au titre foncier, que leur important investissement sur nos terres était à l'abri. Et le régime foncier y a sans aucun doute contribué.
Cela dit, il y a toujours un écart entre ce que nous réussissons à faire supporter au secteur privé et le coût global. Nous avons exploré un certain nombre de voies en matière de financement, telles que la First Nation Finance Authority, qui fonctionne sous l'égide de la Loi sur la gestion financière des Premières Nations, de ressort fédéral. Pendant plusieurs années, cela nous a semblé une voie possible, mais nous avons rencontré des obstacles et n'avons pas pu y accéder. Les Premières Nations signataires de traités et jouissant de l'autonomie gouvernementale ne relèvent plus de la Loi sur les Indiens, ce qui crée certaines difficultés pour bénéficier des dispositions de cette loi, notamment en matière d'emprunt collectif.
Nous nous sommes donc tournés vers le secteur privé et avons obtenu une facilité de crédit de 40 millions auprès de Vancity Credit Union, à Vancouver, ce qui n'est pas un mince exploit. Cependant, les taux d'intérêt sont légèrement plus élevés, même s'ils restent comparables à ce que l'on peut obtenir par voie d'emprunt collectif dans le secteur public. Nous devrons donc subir un coup supplémentaire.
Nous avons tenté une autre démarche, à savoir nous adresser aux ordres supérieurs de gouvernement afin d'obtenir un investissement ciblé par le truchement du fonds Chantiers Canada. En effet, un tel soutien est essentiel, car le déficit d'environ 40 millions de dollars que nous essayons de financer semble s'annoncer trop élevé et représente indéniablement un gros risque pour notre Première Nation.
Nous pensons que de tels investissements ciblés peuvent avoir un rôle déterminant, car ils offrent un généreux retour sur investissement, et j'ai décrit ce que cela pouvait représenter sous forme d'augmentation de l'impôt foncier, des droits de mutation, des taxes sur les ventes et aussi de l'impôt sur le revenu.
Merci au comité pour le temps que vous nous avez accordé. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Ward.
Je souhaite à présent la bienvenue aux membres de la Première Nation Tsawout. Nous sommes très heureux que vous puissiez être des nôtres grâce à la vidéoconférence, mais j'ai besoin que vous nous aidiez. En effet, nous ne sommes pas en mesure de lire les noms inscrits sur vos cartes, aussi vous demanderai-je d'avoir l'amabilité de vous identifier. Merci de décliner votre nom chaque fois que vous prendrez la parole, afin que nos sténographes puissent obtenir une transcription précise. Merci de votre collaboration.
Monsieur Pelkey, vous avez la parole.
Eric Pelkey, directeur des Opérations, Première Nation Tsawout : Je m'appelle Eric Pelkey et je suis directeur des opérations pour la Première Nation Tsawout.
Avant de commencer mon exposé, je me permets de présenter, à ma gauche, le chef Harvey Underwood, et à ma droite Eric Pettit, qui parlera en premier. À côté de Harvey Underwood se trouve Gwen Underwood, notre gestionnaire des terres, ainsi que le conseiller Stan Sam de la Première Nation Tsawout et Ron Akehurst, autre ingénieur de l'entreprise WSP Canada Inc.
Je donne à présent la parole à Eric Pettit, puis je ferai mon exposé.
Le président : Nous vous souhaitons la bienvenue. Je vois que vous avez une fort belle matinée sur la côte Ouest. Merci beaucoup d'être présents avec nous et de si bonne heure. Nous vous en sommes reconnaissants.
Eric Pettit, ingénieur principal de projets, WSP Canada Inc., Première Nation Tsawout : Merci. Je fais partie de WSP Canada Inc., cabinet d'ingénieurs-conseils qui travaille avec la Première Nation Tsawout. Nous aidons la Première Nation à se doter d'éléments d'infrastructure dans la réserve. Or, nous constatons un très net sous-financement de la part de la Couronne et d'AADNC. Notre exposé vise, notamment, à obtenir d'autres sources de financement, car nous sommes principalement alimentés par des subventions du gouvernement du Canada à travers AADNC. Or, du fait des restrictions apportées au cours de la dernière décennie, ces subventions se sont principalement limitées à l'infrastructure de santé dans les régions concernées, y compris la fourniture d'eau potable et de traitement des eaux d'égout, et cela en raison des restrictions de crédit. Cette situation a gravement entravé la croissance et limité les possibilités pour un grand nombre des Premières Nations habitant sur la côte.
Il faut citer, parmi les exposés présentés au comité du Sénat, celui très important de Robert Scott Serson, ancien sous-ministre d'AADNC. Il dit que plus d'un milliard de dollars a été réaffecté à l'extérieur du budget d'infrastructure au cours des 18 dernières années. Permettez-moi de citer un paragraphe de son témoignage :
Puisque tant de dollars, qui devraient servir à financer les projets d'infrastructure, servent en fait à combler le manque de financement des services de base, il reste très peu d'argent pour les Premières Nations qui n'ont pas de revenus autonomes leur permettant de faire avancer des projets ouvrant des débouchés économiques et de bâtir les infrastructures nécessaires pour appuyer une économie locale moderne et viable pour leurs citoyens. Par ailleurs, la plupart des Premières Nations ne peuvent pas accéder à des fonds mis à la disposition de gouvernements non autochtones et d'entreprises, ce qui ne fait qu'aggraver le problème.
Le déficit de financement qui nous est imposé oblige un grand nombre des Premières Nations à reporter les réparations et les améliorations destinées à leurs infrastructures essentielles, telles que le traitement des eaux d'égout et l'adduction d'eau. Mais c'est un cercle vicieux, car la pénurie d'infrastructures essentielles oblige les Premières Nations à reporter les projets de développement des subdivisions, ce qui restreint la disponibilité de terrains dans les réserves en vue du développement du parc résidentiel, pour leurs propres membres, mais aussi pour les constructions à vocation commerciale en vue du développement économique.
Toujours selon le même processus, par suite de l'insuffisance des possibilités de développement, les Premières Nations ont du mal à obtenir un financement pour des immobilisations, étant donné qu'AADNC s'attend à ce que les Premières Nations fournissent une contribution importante, précisément du fait de la pénurie du financement d'infrastructures. Et ce cercle vicieux se perpétue lorsqu'ils ne parviennent pas à obtenir des capitaux.
C'est pourquoi nous cherchons une stratégie de rechange, axée non plus sur les subventions d'AADNC, mais sur les investissements. Et, en rapport avec cette démarche, nous avons à l'esprit l'application de droits d'aménagement.
Ces droits d'aménagement sont instaurés dans la plupart des provinces du Canada, au titre d'une loi sur les autorités locales. Cependant, en vertu de la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations ainsi que de la First Nation Taxation Authority, la Première Nation Tsawout sera habilitée à créer des droits d'aménagement. Cette possibilité est donc à l'étude, car elle permettrait de recueillir ces fonds auprès des promoteurs afin de compenser une partie des dépenses d'infrastructures encourues pour répondre aux besoins des nouvelles initiatives de développement. Cette méthode contribuera à financer les travaux nécessitant des immobilisations telles que les routes, les dispositifs de drainage, les installations de traitement des eaux d'égout, l'adduction d'eau et les parcs. Ces droits d'aménagement autorisent la mise en commun des financements provenant de différents promoteurs, afin que les fonds nécessaires au service visé soient répartis de façon équitable. C'est la Première Nation qui sera considérée comme le coordonnateur du programme d'investissement et l'administrateur des fonds mis en commun.
Nous envisageons, dans le cadre de ce dispositif de droits d'aménagement, de laisser la Première Nation construire les infrastructures de base nécessaires au chantier, avec l'aide financière d'AADNC. Ensuite, en fonction des besoins particuliers en infrastructures, une partie de la capacité ainsi installée serait financée par des subventions, dans la mesure où elle répondra aux besoins de la Première Nation. Quant à la capacité additionnelle générée à des fins de développement économique et de croissance future, elle serait financée par AADNC, et les droits d'aménagement serviraient à recouvrer les coûts.
Ultérieurement, une fois lancés la croissance et le développement économique, la Première Nation pourrait percevoir les droits d'aménagement découlant de ce développement, remboursant ainsi AADNC conformément à l'accord de financement. Ce remboursement des investissements consentis par AADNC lui permettrait alors de réinvestir auprès d'autres Premières Nations.
Comme l'ont dit certains intervenants précédents, c'est le plafond d'emprunts consentis à nombre de réserves qui empêche d'obtenir les investissements nécessaires aux projets de grande envergure. La Première Nation Tsawout se penche actuellement sur un projet de plan directeur, mais elle doit en fait prendre en compte trois aspects déterminants : le traitement des eaux d'égout, l'accès au réseau routier et l'adduction d'eau, trois éléments essentiels de tout développement économique.
Actuellement, la réserve est coupée par l'autoroute 17, avec limitation d'accès à la réserve et sans possibilité de construire un accès muni de contrôle à leurs propriétés. Par conséquent, l'accès à l'autoroute pour la mise en valeur de ces terres se fera au moyen d'un passage supérieur avec contrôle d'accès, pour un coût estimé à plus de 25 millions de dollars. En fait, ce passage supérieur coûtera probablement une trentaine de millions de dollars.
On estime que la charpente infrastructurelle nécessaire au développement économique en matière de traitement des eaux d'égout, de réseau routier et d'adduction d'eau coûtera, dans le secteur, environ 5 millions de dollars. La Première Nation Tsawout est propriétaire de l'usine de traitement des eaux construite en 1972; cette installation commence à vieillir, c'est pourquoi on envisage de la moderniser pour un coût de 7 millions de dollars afin de répondre aux nouvelles normes du Règlement sur les effluents des systèmes d'assainissement des eaux usées. Cela devrait également permettre d'obtenir des effluents désinfectés, et, partant, le retour des mollusques dans leur habitat aquatique traditionnel et leur récolte. Rappelons que cette dernière est actuellement restreinte du fait de la pollution due non seulement à l'absence de désinfection par l'usine actuelle de traitement des eaux d'égout, mais aussi à l'usine de traitement des eaux d'égout du district régional et de sa capitale locale, qui n'effectue pas non plus la désinfection des effluents.
Certes, ils peuvent se tourner vers le secteur privé pour un tel investissement, mais aucun investisseur privé ne peut avancer 40 millions de dollars pour être le premier dans le circuit, et les accords concernant les intervenants ultérieurs sont généralement devenus inopérants en raison de l'échéance fixe. C'est pourquoi nous nous tournons vers les droits d'aménagement, qui offrent à AADNC la possibilité d'investir dans les Premières Nations au lieu de se contenter d'octroyer des subventions.
Je crois que le chef Harvey va exposer un exemple d'initiative envisagée par la Première Nation Tsawout.
M. Pelkey : Je vais faire la présentation au nom du chef Harvey Underwood, dans la foulée de l'exposé d'Eric Pettit.
La Première Nation Tsawout a une stratégie de croissance économique, d'autonomie et de durabilité. Cette stratégie de viabilité économique à long terme vise à convaincre la Colombie-Britannique et le Canada de participer à l'initiative tsawout en apportant un soutien financier à l'auto-pont tsawout afin qu'il relie les terres de la réserve à l'économie de l'île.
La Première Nation Tsawout s'est lancée dans une stratégie dynamique de développement économique et d'autonomie, et elle a besoin, pour réussir, de réaliser d'importants travaux d'infrastructures communautaires.
En 2001, avec l'achèvement des améliorations apportées à l'autoroute 17, les Tsawout se sont trouvés coupés de tout accès à des terres se prêtant éminemment à une mise en valeur commerciale. La pierre angulaire de notre stratégie communautaire est la restauration de l'accès à l'autoroute 17, car, sans ce lien avec les 250 acres de terres communautaires en friche, aucun développement ne peut avoir lieu.
La Première Nation Tsawout a entamé des pourparlers avec la province de la Colombie-Britannique en vue de construire l'accès à nos terres, pour un coût de 29 millions de dollars. Grâce au passage supérieur la reliant à l'autoroute 17, la terre des Tsawout deviendra un pôle important d'expansion économique et de création d'emplois pour les années à venir dans la région de Victoria.
Le principal village tsawout est situé à 15 minutes au nord de Victoria, à l'est de la péninsule de Saanich. On peut accéder au village par l'autoroute 17 et par le carrefour de Mount Newton. Notre réserve, d'une superficie de 600 acres, abrite une population de 2 000 personnes — qui comprend aussi des non-Autochtones vivant sur la réserve —, et dont 870 sont membres de la bande.
Au cours des années 1850, la Première Nation Tsawout a adhéré aux accords du Traité Douglas signé par les Premières Nations avec la colonie de l'île de Vancouver, qui visait à assurer la poursuite de nos économies dans l'avenir. On peut se reporter à la carte que nous avons fournie.
On trouve, sur les terres de nos réserves, des résidences unifamiliales, des maisons modulaires, une administration de bande ainsi que quelques sites commerciaux tels que restaurants, parcs VR et stations d'essence.
Historiquement, la baie de Saanichton et les eaux environnantes représentent un site important pour la Nation Tsawout. La baie offre en hiver un abri contre les bises hivernales, elle fournit de la nourriture à longueur d'année et elle fait partie intégrante de notre vie économique, sociale et spirituelle. C'est ce qui explique que la baie de Saanichton soit l'un des principaux sites de village pour la population de Saanich et pourquoi la Première Nation Tsawout y est établie aujourd'hui.
La Première Nation Tsawout parviendra à la croissance économique dans une optique durable, car, tout comme la terre et les eaux environnantes ont, de tout temps, assuré leur subsistance, il en sera de même pour les générations à venir.
Dans cette perspective, nous avons amorcé un processus de planification stratégique pour tirer parti des possibilités économiques de la région, telles que le commerce de détail, l'hébergement, les marinas, les parcs VR et les complexes résidentiels. Cependant, il existe indéniablement des possibilités économiques en ce moment, et la nation Tsawout compte tirer parti des emplois et des flux monétaires que peut apporter la mise en valeur.
Passons à présent à un aperçu de la première phase de notre stratégie, à savoir le Centre Jesken. Vous pouvez vous reporter à une carte du plan directeur envisagé pour la mise en valeur des terres tsawout.
Le Centre Jesken, d'une superficie de 32 acres, comportera 250 000 pieds carrés de commerces de détail modernes. Son ancrage sera fourni par une combinaison de détaillants de grande envergure, complétée par des locataires de taille moyenne et petite. Ce projet, d'un montant de 77 millions de dollars, se prévaut des meilleures pratiques en matière de planification, de marchandisage, d'espaces publics, de réalisations paysagères et de gestion environnementale.
Au chapitre de la création de nouveaux emplois, on prévoit 600 emplois opérationnels à plein temps et à temps partiel, avec une répartition 60-40 p. 100, de même que l'équivalent de 1 000 à 1 200 années-travail pour le centre et pour la traversée.
Les recettes de la TVP sont estimées à 5,6 millions de dollars par an, et celle qui sera versée à l'occasion du chantier à quelque 3 millions de dollars. À noter que même si la Première Nation Tsawout percevra une bonne partie des 4 millions de dollars de TPS, ce montant sera réinjecté dans l'économie régionale. L'équipe responsable du projet est solide, elle a fait ses preuves et elle bénéficie de la participation de promoteurs expérimentés. Ainsi, au cours de la décennie que durera la phase opérationnelle, plus de 100 millions de dollars de recettes fiscales seront réinjectés dans les caisses des autorités tsawout et de la Colombie-Britannique.
La nation Tsawout est en pourparlers avec d'importants promoteurs résidentiels pour la construction de 1 500 logements. Le front de mer des terres tsawout offre un panorama océanique absolument saisissant, et des études de faisabilité ont été entamées pour la construction d'un hôtel, d'un terrain de camping et d'une marina sur ce front de mer. On trouve par ailleurs, dans la péninsule de Saanich, des terres qui se prêtent à des exploitations commerciales modestes et à de petites activités industrielles, qu'il conviendra de préciser par des études financières et de marché. La nation Tsawout possède en outre, sur d'autres îles du Golfe, de belles terres convenant parfaitement à la mise en valeur, ce qui ouvre d'autres possibilités touristiques et hôtelières.
Nous comptons faire une demande auprès du nouveau Fonds Chantiers Canada en vue d'une contribution de 12 millions de dollars, soit 43 p. 100 du coût du projet d'auto-pont, estimé à 28,8 millions de dollars ou peut-être un peu moins lorsque l'étude en aura été affinée.
J'ajoute que la Première Nation Tsawout invite le ministère des Transports et de l'Infrastructure de la Colombie- Britannique à envisager une participation portant sur les 4,8 millions de dollars restants. Toute infrastructure supplémentaire desservant le Centre Jesken incombe à la Première Nation Tsawout et aux promoteurs.
Notre exposé démontre que la Première Nation Tsawout veut emprunter la voie du développement économique durable dans l'intérêt de ses membres. Eric Pettit a exposé la façon dont AADNC peut participer, aux côtés de la Première Nation Tsawout, mais aussi d'autres Premières Nations, à la création d'un fonds de réinvestissement dans l'infrastructure en véhiculant des fonds versés dans un premier temps aux Premières Nations, qui seront ensuite reversés dans un fonds d'AADNC pour être utilisés par d'autres Premières Nations. Nous présentons ici un exemple d'initiative pouvant bénéficier d'un tel plan.
Je vous remercie de votre attention.
Le président : Merci beaucoup et merci d'avoir fait parvenir la présentation en PowerPoint, fort utile.
Étant donné que vous parlez pour la première fois de la proposition que la Première Nation Tsawout a élaborée dans le cadre de la Loi sur la gestion financière des Premières Nations (LGFPN) et de la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations pour percevoir les droits d'aménagement, je voudrais savoir si, à votre connaissance, cela s'est déjà fait ailleurs?
En second lieu, j'aimerais savoir si la proposition a été bien accueillie par AADNC. Je sais que vous travaillez avec eux sur la proposition, laquelle nécessiterait un investissement de leur part. Pourriez-vous nous dire où vous en êtes de ces pourparlers?
M. Pettit : À notre connaissance, il n'y a pas eu, jusqu'à présent, perception de droits d'aménagement par une Première Nation. Ces droits sont perçus en Colombie-Britannique aux termes d'une loi sur les autorités locales. En fait, la Colombie-Britannique joue un rôle de précurseur en matière de droits d'aménagement, et aujourd'hui, la plupart des autres provinces du Canada ont pris des dispositions en vue de la perception des droits d'aménagement au niveau des autorités locales. Il s'agit d'un nouveau processus et la nation Tsawout s'attache à élaborer la législation nécessaire.
De manière générale, même si nous n'avons pas eu d'entretien direct avec les promoteurs pour la mise en valeur sur les terres de notre Première Nation, les promoteurs de la Colombie-Britannique connaissent très bien le principe des droits d'aménagement et ils sont habitués à les verser à mesure qu'avance leur chantier. En fait, cela revient à rembourser les frais de l'ossature infrastructurelle mise à leur disposition.
Nous avons justement une réunion demain avec AADNC pour débattre de cette question, si bien que, pour l'instant, nous ne pouvons pas vous donner de nouvelles les concernant.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice Dyck : Je poserai ma question complémentaire à la nation crie de Muskeg Lake. Je crois que cela fait 25 ans que vous disposez d'une réserve urbaine, n'est-ce pas?
M. Ledoux : À peu de choses près.
La sénatrice Dyck : Avez-vous mis en place une mesure qui pourrait être assimilée aux droits d'aménagement?
M. Ledoux : Je sais que nous versons des impôts à la municipalité de Saskatoon, mais nous recevons des ristournes provenant de nos entreprises. Nous avons deux stations d'essence, toutes deux installées dans la réserve, celle de CreeWay West et celle de CreeWay East.
S'agissant des droits d'aménagement, je ne crois pas que nous ayons instauré une telle mesure. Je sais simplement que nous recevons des ristournes.
La sénatrice Dyck : Pourriez-vous nous décrire ces ristournes de façon plus détaillée?
M. Ledoux : Il s'agit des ristournes sur le carburant et sur le tabac.
La sénatrice Dyck : Il s'agit donc essentiellement de recettes fiscales, n'est-ce pas?
M. Ledoux : En effet.
M. Ward : Permettez-moi d'ajouter, dans la perspective tsawwassen, que nous avons mis en place un système de droits d'aménagement. C'est ce que nous appelons les droits hors-site, mais c'est la même chose que les droits d'aménagement. La petite différence avec la démarche, par ailleurs extrêmement logique, adoptée par les Tsawout, tient au cadre législatif. Eux agissent dans le cadre de la SMA et de la LGTPN, tandis que nous sommes habilités, en vertu du traité, à agir indépendamment de ces entités. Je voulais simplement souligner que cela s'est déjà fait dans le contexte d'une Première Nation et que cela peut fonctionner, même s'il existe un vide à combler. La proposition émanant des Tsawout sur la façon de combler ce vide est très intéressante et il y a lieu de prendre en compte leurs progrès.
Le sénateur Enverga : Merci pour vos exposés, qui nous ont appris des choses intéressantes et approfondi notre compréhension.
J'adresserai ma première question à M. Ward de la Première Nation Tsawwassen. Avant la signature, en 2009, de l'entente globale sur les terres, la Première Nation relevait du dispositif de gestion des terres mis en place par la Loi sur les Indiens. Quelles sont, en fonction de votre expérience, les principales différences entre le régime de gestion des terres relevant de la Loi sur les Indiens et celui de vos revendications territoriales globales? J'aimerais avoir plus de détails.
M. Ward : Avec plaisir. Il existe plusieurs différences, notamment la façon dont est constituée la base juridique des intérêts fonciers dans les terres de la Première Nation Tsawwassen.
L'une des modifications les plus importantes découlant de l'entrée en vigueur de cet accord a été le transfert de terres de la province et du gouvernement fédéral, puisque des terres de la Couronne provinciale ont été mutées au profit de la Première Nation Tsawwassen, de même que les anciennes terres des réserves. Toutes ces terres ont été enregistrées au cadastre provincial le jour de l'entrée en vigueur de l'entente, conformément au Land Title Act qui est une loi provinciale de la Colombie-Britannique.
La province a amendé la Land Title Act afin de prendre en compte les intérêts fonciers conférés par traité à la Première Nation, et il s'est agi là d'une modification de fond quant à la façon dont nos intérêts étaient perçus. La Land Title Act de la Colombie-Britannique est une loi bien connue, extrêmement solide du point de vue de la garantie des titres fonciers, si bien que les gens peuvent s'appuyer sur la définition qu'elle donne de ces intérêts. Par exemple, les engagements et les servitudes sont clairement définis et garantis, ainsi que la sécurité du titre. Cela a donc représenté un changement considérable.
De notre point de vue, l'intégration au cadastre provincial, qui a représenté un processus d'importance déterminante, nous a été très bénéfique. À la date d'entrée en vigueur du traité, plus de 6 000 intérêts ont été enregistrés au cadastre provincial. Certes, il s'agit d'une toute petite réserve, mais elle est placée en milieu urbain, si bien que les terres étaient porteuses d'un grand nombre d'intérêts. Il a fallu recommencer l'arpentage avant la date d'entrée en vigueur, ce qui a nécessité beaucoup de temps.
Les Tsawwassen, comme les autres Premières Nations, avaient des problèmes de délimitation des bordures qui suscitaient des querelles de voisinage entre ses membres, mais aussi, entre autres, pour ce qui est de la définition des intérêts sur ces terres. Tout cela crée de l'incertitude et, on le sait bien, le secteur privé n'aime pas beaucoup l'incertitude.
Le processus d'enregistrement des terres au cadastre permet avant tout d'apurer les intérêts détenus dans tel ou tel titre. L'administration, en consultation avec les particuliers intéressés, résout les problèmes de délimitation de périmètre, procède à un nouvel arpentage et, en quelque sorte, remet les titres « au propre ». Cela change beaucoup les choses, et rend en particulier les terres beaucoup plus attrayantes pour les promoteurs.
L'autre aspect relève de la gouvernance, je veux dire de la capacité à avancer très rapidement dans un cadre de gouvernement autonome et d'adopter des lois, en matière de gestion des terres. Ceci, encore une fois, permet d'encourager les partenariats avec le secteur privé et d'attirer les investissements. Il y a une grande différence entre le rythme auquel nous avançons dans le cadre du traité, et celui autorisé par le cadre de la Loi sur les Indiens. Nous avons en main toute la filière, depuis la confection de la loi jusqu'à son entrée en vigueur. Bien entendu, le fait que nous n'ayons pas besoin de l'autorisation ministérielle pour la mise en œuvre de la loi nous permet de traiter les problèmes et d'établir les cadres nécessaires beaucoup plus rapidement.
Je pense que tels sont les deux grands avantages que nous permettent les mécanismes de gestion des terres découlant des traités.
Le sénateur Enverga : Est-ce que cela a amélioré votre situation, ou au contraire créé davantage de difficultés?
M. Ward : Les améliorations ont été très nettes. Avant la date d'entrée en vigueur de la loi, rares étaient les terres reconnues comme étant de propriété de la nation ou de la bande. Une bonne partie du territoire de l'ancienne réserve était détenue par des membres, à titre individuel, en vertu de certificats de possession. Toutefois, ces membres n'étaient pas en mesure de mettre les terres en valeur, et le cadre réglementaire de la nation Tsawwassen ne suffisait pas à remédier au déficit d'infrastructure.
Mais nous sommes passés au monde de l'après-Loi sur les Indiens, si bien que nous avons aujourd'hui deux complexes commerciaux dont la valeur combinée représente environ 750 millions de dollars, trois aménagements industriels sous régime de location à bail dans le cadre d'un partenariat avec Port Metro Vancouver et l'Agence des Services frontaliers du Canada. Et puis, étant donné que nous jouxtons le port Delta, on est en train de mettre en place un service d'examen des conteneurs sur notre aménagement industriel. J'ajoute que, dans les 6 premières années qui ont suivi la signature du traité, 42 nouvelles unités résidentielles ont été construites. Vous voyez donc que les changements, et la rapidité avec lesquels ils se sont produits, sont remarquables. Quant à moi, je crois que nous n'aurions pas pu accomplir cela dans le cadre de la Loi sur les Indiens.
Le sénateur Enverga : Est-ce que vous recommanderiez le système de gestion globale des terres aux autres Premières Nations?
M. Ward : Vous me posez une question épineuse. Il appartient à chaque Première Nation de bien y réfléchir. Certes, nous reconnaissons que nous sommes situés en milieu urbain, ce qui offre tout un éventail de possibilités que n'ont peut-être pas d'autres Premières Nations. Cependant, nous avons clairement constaté les avantages du gouvernement autonome. C'est pourquoi, quelle que soit la démarche retenue, tant qu'une Première Nation a bien compris les possibilités qui s'offrent à elle et défini ses objectifs dans un cadre d'après-traité, je pense que ce cadre-là peut offrir une solution efficace à nombre de problèmes que connaissent les Premières Nations.
Le sénateur Enverga : Je m'adresse à présent à tout le monde et je demande si les autres Premières Nations souhaiteraient réagir à ces propos et nous dire si les ententes sur la gestion globale des terres dans vos régions pourraient vous avantager. Quels en seraient les avantages et les inconvénients?
M. Ledoux : Pourriez-vous répéter la question?
Le sénateur Enverga : Il semble que l'entente sur les revendications territoriales globales adoptées en ce qui concerne la Première Nation Tsawwassen ait donné d'excellents résultats. Qu'en pensez-vous, et dans quelle mesure ce régime pourrait-il s'appliquer à votre Première Nation?
M. Ledoux : Notre Première Nation, qui est située en contexte urbain, dispose de 35 acres de terres de réserve, dont 13 seulement n'ont pas été mis en valeur. C'est une bonne chose pour nous du point de vue des revenus autonomes et des flux financiers. Cependant, comme dans toute activité, nous avons besoin de davantage d'infrastructures et d'argent frais sous forme d'investissements. Oui, un tel cadre pourrait nous être utile, mais je précise que lorsque nous sommes obligés de détourner les revenus que nous obtenons de nos autres ressources en ville pour les réinvestir dans notre collectivité afin de compenser le déficit de financement, il ne reste plus grand-chose pour le développement économique.
Le président : Je voudrais poser une question complémentaire à M. Ward. Sauf erreur de ma part, vous avez dit, en réponse à la question du sénateur Enverga sur les avantages que comporte la sortie du cadre de la Loi sur les Indiens, que du fait que vous avez quitté le cadre de la Loi sur les Indiens, vous ne pouvez plus bénéficier des possibilités de financement offertes par la Loi sur la gestion financière des Premières Nations. Est-ce que vous n'envisagez plus de pouvoir tirer parti des dispositions de la Loi sur la gestion financière des Premières Nations? Est-ce que c'est définitivement exclu?
M. Ward : Non, ce n'est pas exclu, étant donné que l'article 141 de la loi prévoit un pouvoir réglementaire qui permet aux nations signataires de traités, qui jouissent de l'autonomie gouvernementale, de relever de la loi et de profiter notamment des dispositions de l'administration financière des Premières Nations en matière d'emprunt collectif. En fait, il n'est pas facile du tout de comprendre la façon dont ce pouvoir réglementaire permet à une nation signataire de traités d'intégrer ce dispositif.
Afin de trouver une façon d'être admis dans ce dispositif, nous avons travaillé en collaboration avec différentes institutions financières au niveau fédéral, comme la Commission de la fiscalité des Premières Nations, le Conseil de gestion financière des Premières Nations et l'Administration financière des Premières Nations, de même qu'avec AADNC et avec les autorités provinciales de la Colombie-Britannique.
On peut dire en effet que la situation des Premières Nations signataires est plus compliquée, en raison, entre autres, de la nature même du gouvernement autonome. Je rappelle que le traité, tout en autorisant l'exercice de la compétence en matière d'impôts fonciers, stipule que cela doit se faire par le biais d'un accord avec la province.
S'agissant de l'Administration financière des Premières nations, elle s'appuie sur la titrisation des recettes de l'impôt foncier pour financer l'infrastructure du secteur public. Par conséquent, nous nous efforçons de combiner une structure fédérale avec un mécanisme mis en œuvre par le biais d'un accord avec la province, pour déterminer comment l'Administration financière des Premières Nations pourrait, en cas de défaillance, intervenir en vertu d'une compétence fédérale dans ce domaine relevant du palier provincial et d'une Première Nation.
Ce n'est pas simple du tout. Nous pensons qu'il existe une solution possible, et c'est pourquoi nous travaillons avec les institutions concernées tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial afin de progresser vers une solution. Donc, ce n'est pas exclu, mais c'est compliqué.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur Tannas : Je remercie les délégations de comparaître devant nous aujourd'hui. J'aimerais poser une foule de questions, mais je vais me concentrer pendant un instant sur la nation crie de Muskeg Lake et sur la question de la construction d'unités résidentielles.
La Première Nation Tsawout a mentionné l'avant-projet concernant la construction de 1 500 unités dans un complexe résidentiel. J'aimerais savoir quel régime de propriété sera offert aux occupants, ou s'il s'agira d'une location. Pourriez-vous me l'expliquer?
M. Pelkey : Les 1 500 unités dont il s'agit font partie d'un complexe résidentiel, et nous envisageons un panachage entre les logements détenus par la bande et des locations à long terme, afin de renforcer l'économie de la Première Nation Tsawout.
Le sénateur Tannas : Je vous remercie, voilà qui répond à ma question.
Je m'adresse à présent à la délégation de la nation crie de Muskeg Lake : est-ce que les 35 acres que vous possédez dans la réserve en milieu urbain pourraient se prêter à la construction d'unités résidentielles, que ce soit pour les membres de la bande ou pour des habitants de Saskatoon? Sinon, a-t-on envisagé de l'incorporer dans les 13 acres restants?
M. Ledoux : La réponse est non, sénateur, notre zonage classe le secteur comme industriel.
Pour parler de nos autres succès, je dirai que nous avons acheté des propriétés immobilières par le truchement de la Saskatchewan Housing Corporation, nous avons mis sur pied 10 unités destinées à la location dans la ville de Blaine Lake, avec un accord d'exploitation auquel nous devons nous conformer pendant 10 ans, mais qui devrait déboucher sur l'accession à la propriété. Là aussi, un succès.
Nous avons entrepris de mettre en valeur deux lacs, nous avons notre propre code foncier, et enfin nous envisageons des baux à long terme dans le cadre de la LGTPN.
Le sénateur Tannas : Donc, si je ne me trompe pas, vos membres peuvent actuellement accéder à la propriété de leur résidence, construire leur propre maison, par exemple?
M. Ledoux : En effet, ce qui souligne l'importance de ce que j'avais dit auparavant à propos de l'allocation-logement universelle, qui nous permettrait de percevoir les revenus et réduirait les coûts, puisque, grâce à l'allocation-logement universelle, nous pourrions leur céder la maison pour 1 $. Ainsi, en appliquant cette allocation, toutes les personnes relevant de l'article 95 en matière de logement seraient hébergées dans des unités appartenant à la bande, ce qui stabiliserait les choses à long terme. Car nous visons à la durabilité.
Le sénateur Tannas : Avec votre permission, vous avez dit en début d'intervention une chose que nous avons entendue dans différentes régions du pays, à savoir que les traités confèrent un droit au logement. Vous avez également cité la Proclamation royale et les deux versions successives de notre Constitution, mais vous n'avez pas cité de traité. De quel traité s'agit-il?
M. Ledoux : Nous relevons du Traité no 6.
Le sénateur Tannas : Est-ce bien du traité no 6 que découle cette situation?
M. Ledoux : En effet, je crois que cela découle du traité no 4, mais c'est comme pour tout le reste : nous avons, par exemple, « l'armoire à pharmacie » dans le traité no 6, mais la disposition s'étend également à tous les autres traités numérotés.
Le sénateur Tannas : Je voulais simplement être sûr de comprendre : selon vous, il ne s'agit donc ni de la Constitution, ni de la Proclamation royale, mais d'un droit qui vous échoit spécifiquement en vertu d'un traité.
M. Ledoux : C'est bien cela.
Le sénateur Tannas : Merci beaucoup.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Voilà 10 ans que j'appartiens à ce comité et, audience après audience, nous entendons parler du déficit de financement qui est à l'origine de la pauvreté des collectivités et de leur incapacité à répondre aux besoins de leurs membres. Comment résoudre ce problème? Qu'est-ce qui inciterait le gouvernement à changer d'attitude?
Le président : Est-ce que vous posez votre question à la cantonade?
La sénatrice Lovelace Nicholas : À la nation Tsawwassen ou à qui voudra bien répondre.
M. Ward : C'est un problème complexe et je ne sais pas si je puis apporter une réponse pour les difficultés d'envergure nationale, car, bien entendu, cela dépend des conditions locales. S'agissant en particulier des Premières Nations qui sont au bord du décollage économique et d'une certaine autonomie, c'est un peu la question de l'œuf ou de la poule à cause de l'infrastructure. Mais si on dépasse cet obstacle, alors on peut commencer à collecter des impôts, à générer des revenus autonomes provenant de la location, des terres ou d'autres sources de revenus. Il faut cependant, comme l'a dit, je crois, la délégation tsawout, bénéficier d'un investissement initial ciblé. Mais cela s'applique uniquement aux nations qui sont sur le point de décoller économiquement. Quoi qu'il en soit, l'option semble intéressante.
À titre d'exemple, nous avons essayé de combler notre déficit d'infrastructure en nous tournant vers les PPP. La difficulté tient au fait que, en dépit du fait que notre déficit se chiffre à 110 millions de dollars pour l'infrastructure, il faut présenter une demande concernant un seul projet. Or, le coût de notre projet n'étant que de 30 millions de dollars, c'était trop en dessous du volume qu'ils ont l'habitude de traiter, et, étant donné qu'ils ne sont pas une entité du secteur public que l'on peut remplacer par un financement privé, on se trouve face à un obstacle. Peut-être pourrait-on envisager de modifier légèrement les programmes existants pour les adapter aux besoins des Premières Nations et permettre de rechercher des investissements privés en vue d'un investissement initial ciblé. Ainsi, les Premières Nations pourraient surmonter l'obstacle et être en mesure de parvenir à l'autonomie en développant leur revenu autonome. Certes, toutes les Premières Nations ne pourraient pas en profiter, mais au moins certaines d'entre elles qui sont déjà mieux préparées pour le développement économique.
M. Pettit : Permettez-moi de compléter les propos de M. Ward. Il s'agit d'un investissement essentiel pour une infrastructure essentielle, et le choix du moment opportun est décisif. Nombre de ces projets sont enrayés du fait que la filière financière qui dépend d'AADNC pour l'obtention des dépenses d'immobilisation est un tel parcours du combattant que les promoteurs privés ne peuvent plus attendre et se rendent ailleurs, là où le titre est sûr et où l'obtention du financement ne requiert pas des délais aussi longs.
Il est essentiel que le processus en place génère les investissements permettant de construire l'infrastructure de base avant que les promoteurs ne débarquent. S'agissant de l'auto-pont ou passage supérieur vers l'autoroute qui préoccupe la Première Nation Tsawout, mais aussi de l'usine de traitement des eaux d'égout, une fois cette infrastructure en place, un promoteur peut s'installer et rembourser à AADNC les fonds investis grâce à la perception des droits d'aménagement. Ainsi, il aura la certitude de ne pas devoir attendre pendant cinq ans l'octroi du financement, et les infrastructures seront déjà en place.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Voilà qui fait plaisir à entendre. Certes, du fait de votre emplacement, vous pouvez accéder à l'autonomie. Cependant, les collectivités installées dans des régions éloignées sont très pauvres et ne disposent pas des éléments leur permettant d'élargir leurs activités ou de contracter des partenariats avec des entreprises. En raison du déficit de financement, les collectivités éloignées subissent les conséquences de leur emplacement géographique. Que proposeriez-vous pour les aider?
M. Pelkey : Il n'y a pas que les droits d'aménagement; il y a aussi la possibilité de recourir aux subventions pour les collectivités qui n'ont pas de perspectives de croissance économique. Le fonds de réinvestissement dont nous parlons n'est pas à strictement parler un fonds d'investissement, car il crée également la possibilité d'obtenir des subventions. C'est donc un régime qui peut associer les subventions et les droits d'aménagement afin que le flux d'argent puisse être renvoyé vers AADNC et offrir la possibilité de financer les Premières Nations qui n'ont aucune perspective de développement.
La sénatrice Dyck : Je trouve l'idée d'incorporer les subventions intéressante, monsieur Pelkey. Pourriez-vous nous expliquer la manière dont un tel régime pourrait être mis en place afin que les Premières Nations habitant des contrées éloignées puissent obtenir un meilleur accès aux subventions, grâce à l'augmentation de l'enveloppe de financement du ministère. C'est bien de cela qu'il s'agit?
M. Pelkey : Oui, c'est bien cela. Il reste toujours la possibilité d'obtenir des subventions d'AADNC, et les droits d'aménagement sont une occasion de régénérer et de réinjecter l'argent dans ce fonds. Ainsi, l'on crée de meilleures possibilités d'octroi de subvention aux Premières Nations qui n'ont pas de perspectives de développement économique. La question est toujours à l'étude.
Le président : La délégation tsawout a rendez-vous avec AADNC pour parler du concept de droits d'aménagement, et je m'adresse au chef Underwood et à ses collègues pour leur demander s'il leur serait possible de nous mettre à jour sur le résultat de leurs pourparlers une fois qu'ils auront tenu cette réunion. Si vous en êtes d'accord, nous aimerions rester en contact avec vous à ce propos.
Harvey Underwood, chef, Première Nation Tsawout : Oui, nous pensons qu'il est bon que vous soyez tenus au courant. Nous devons rencontrer John Dwyer d'AADNC demain matin et je crois bien qu'Eric a une réunion avec le ministère des Affaires indiennes, demain matin également, mais sur une question différente touchant le développement. Nous vous serions reconnaissants de suivre cette question.
Le président : Nous n'y manquerons pas.
La sénatrice Dyck : Je poserai ma première question à la nation Tsawout. Vous avez évoqué la création d'un fonds de crédit renouvelable au ministère des Affaires autochtones. Pourriez-vous nous donner davantage de détails sur cette initiative, nous dire quelles sont les conditions fixées et si le financement par crédit renouvelable serait offert à toutes les Premières Nations, indépendamment de leur système de gestion des terres?
M. Pettit : Disons d'emblée que nous reconnaissons la responsabilité du gouvernement fédéral en matière de gestion budgétaire et que nous comprenons qu'il s'efforce de maintenir la stabilité financière des fonds qui alimentent les Premières Nations. Ce que nous proposons, c'est de faire une place aux investissements plutôt qu'aux subventions. Par exemple, disons que nous disposons d'un milliard de dollars pour l'année. Eh bien, au lieu de distribuer intégralement ce milliard de dollars sous forme de subventions, on pourrait réserver 700 millions de dollars aux subventions et allouer 300 millions de dollars au soutien des droits d'aménagement. Ainsi, les 300 millions de dollars en question reviendront dans les caisses du gouvernement au fur et à mesure que se réalisera le développement. On voit donc que, dans les faits, nous réduisons les demandes de subventions pour les territoires qui disposent d'un potentiel, et cela afin d'augmenter l'enveloppe des subventions destinées aux Premières Nations qui n'ont guère de perspectives de développement économique.
La sénatrice Dyck : Ma deuxième question est d'ordre plus général et elle s'adresse à tous les témoins ici présents ce matin. Elle concerne ce que l'on appelle l'argent des Indiens. On nous a dit, la semaine dernière je crois bien, que le Trésor public retient par-devers lui les sommes provenant des revenus générés par chacune des Premières Nations. Cet argent est donc mis en commun. Je ne sais pas quel est son montant, qui augmente d'année en année, mais il semble que personne n'y ait accès. Est-ce que l'un des témoins de ce matin pourrait nous expliquer comment faire pour que cet argent serve à renforcer leur aptitude à développer leurs économies? Avez-vous des informations sur la façon de s'y prendre pour que cet argent soit utilisable pour des emprunts?
M. Ledoux : Je crois que, dans notre province, ce que l'on appelle l'argent des Indiens provient principalement du Programme de développement économique des collectivités. Pour ma part, je n'ai jamais entendu l'expression « argent des Indiens », mais lorsque nous cherchons à emprunter de l'argent, par exemple pour faire progresser un projet, nous nous adressons généralement à ce fonds, ou bien nous nous adressons à notre conseil de développement des communautés, qui est une société de promotion des casinos relevant de la Saskatchewan Indian Gaming Authority.
Le président : Pourriez-vous nous donner des détails sur le Programme de développement économique des collectivités?
M. Ledoux : Il s'agit du Programme d'opportunités économiques pour les communautés (POEC).
La sénatrice Dyck : S'agit-il d'un programme provincial?
M. Ledoux : Je pense qu'il est de compétence fédérale.
La sénatrice Dyck : De compétence fédérale?
M. Ledoux : Oui.
La sénatrice Dyck : Et l'autre programme s'appuie sur l'argent provenant des casinos.
M. Ledoux : En effet, par le truchement des CDC. Je crois que la ventilation, en Saskatchewan, est de 50 p. 100 à la SIGA pour son fonctionnement, les salaires, et cetera, 25 p. 100 restitués à la province et 25 p. 100 qui retournent aux CDC afin d'être distribués aux Premières Nations qui relèvent du CDC en question, avec répartition individuelle entre les membres.
M. Ward : Je n'ai pas connaissance de l'expression « argent des Indiens » ni de la façon dont cela pourrait être employé en contexte tsawwassen.
S'agissant de la question des revenus autonomes et de leur utilisation en vue d'obtenir des financements, je dirais que lorsque nous avons rencontré les bailleurs de fonds du secteur privé, nous leur avons exposé notre plan financier, lequel contenait une description des flux de revenus autonomes que nous projetions. Cette description des revenus autonomes pour la nation Tsawwassen a facilité l'obtention du financement, mais je précise que c'est spécifique à cette nation.
La sénatrice Dyck : Chef Underwood, avez-vous des informations concernant l'argent des Indiens?
M. Underwood : Je n'en ai jamais entendu parler dans nos contrées.
La sénatrice Dyck : Je vous remercie.
J'en ai terminé avec mes questions, on a déjà répondu à celles que je comptais poser.
La sénatrice Raine : Je vous remercie, et j'ajoute qu'il est très intéressant d'entendre le témoignage de trois Premières Nations très différentes, toutes trois confrontées à un grand nombre de difficultés pour combler le déficit d'infrastructure.
Je vous remercie des informations que vous nous avez communiquées jusqu'ici. Vous avez suscité ma curiosité en parlant du problème de l'œuf et de la poule lorsqu'il s'agit de lancer le développement économique sur des terres de Premières Nations. Quelle est votre expérience en matière d'élaboration du plan directeur, et quel appui vous apporte AADNC afin d'élaborer un plan efficace? En effet, si le plan laisse à désirer, vous risquez de démarrer en trombe et de déraper. Je ne sais pas trop quelles sont les ressources mises à disposition en vue de la planification lors de la phase initiale. Si vous pouviez répondre tous les trois, je vous en serais reconnaissante.
M. Ward : Merci de la question. Nous convenons bien volontiers que la qualité de la planification joue un rôle essentiel pour bien comprendre quelles sont les infrastructures requises. Toutefois, il existe un déficit. En ce qui nous concerne, nous avons souffert d'un déficit de financement pour l'établissement des plans globaux et détaillés qui sont la règle dans un contexte municipal.
Nous avons adopté un plan d'aménagement du territoire qui est entré en vigueur à la date prévue, avec lancement du processus à un niveau élevé afin d'identifier l'emploi des terres dans les différents secteurs du territoire tsawwassen : zone industrialisée ici, secteur résidentiel là, commercial encore ici et agricole encore là. Telle était la première étape.
Ensuite, nous sommes passées à une planification plus détaillée, par exemple les plans de gestion des eaux pluviales, les plans détaillés d'établissement des quartiers, les plans directeurs des zones industrielles, qui coûtent beaucoup d'argent. Tout cela s'est passé dans le contexte de l'après-traité, et nous avons réussi à obtenir un certain financement pour le plan de gestion des eaux pluviales, grâce au Fonds d'infrastructure pour les Premières Nations (FIPN), mais ça s'est arrêté là.
Afin de réaliser le travail de planification et de dépasser cet obstacle, nous nous sommes appuyés sur ce que l'on appelle, dans notre contexte, les fonds à durée limitée pour la mise en œuvre des traités. Même s'ils n'avaient pas été véritablement conçus à cette fin, nous avons dû y faire appel afin de pouvoir fixer le tableau du développement économique.
Aux termes de nos ententes de financement, le montant des fonds de transfert que nous recevons, avec affectation spécifique aux terres et au gouvernement autonome, est d'environ 1 million de dollars par an. Le coût de la gestion des terres et de leur mise en valeur se rapproche davantage de 5 millions de dollars, si bien que nous avons un déficit de près de 4 millions de dollars pour le financement et les produits livrables.
Nous avons donc dû faire le point de la situation et nous poser la question de savoir si nous pouvions gérer ce déficit pour arriver au moment où nous serions en mesure de générer des revenus autonomes afin de progresser et de réaliser la vision que s'était donnée la communauté. C'est cette vision qui a conditionné notre signature du traité. Les dirigeants de la nation Tsawwassen ont dû prendre cette décision, et nous espérons pouvoir réaliser notre vision.
Cependant, il y avait indéniablement des lacunes au niveau du soutien. Nous avons réussi à utiliser le fonds de mise en œuvre du traité, qui est un mécanisme autonome, afin de combler cette lacune. Tel n'était pas l'objet du fonds lorsqu'il a été mis sur pied, mais cela a répondu à la réalité financière dans laquelle nous nous sommes trouvés.
La sénatrice Raine : Je vous remercie.
M. Ledoux : S'agissant du financement provenant d'AADNC, nous avons un plan d'investissement de durée quinquennale. Comme je l'ai dit auparavant, nous avons pu couvrir l'usine de traitement des eaux usées pendant la première année, la station satellite pendant la deuxième, et, pendant la quatrième année, nous avons exécuté l'expansion du système lagunaire ainsi que d'autres projets, pour ensuite présenter des demandes de financement de grande envergure. Nous recevons un financement d'AADNC pour établir le plan communautaire, et nous l'établissons en fonction de l'évolution projetée dans la réserve.
S'agissant de l'argent généré en dehors de la réserve, nous le transférons depuis nos entreprises au fur et à mesure, afin de pouvoir ouvrir de nouvelles perspectives et de progresser.
La sénatrice Raine : Vous êtes-vous doté d'un plan directeur en vue du développement de la réserve et de sa portion urbaine?
M. Ledoux : Certainement.
La sénatrice Raine : Et cela a été financé à partir de vos propres ressources?
M. Ledoux : S'agissant des fonds générés hors réserve, le financement s'est fait à partir de nos ressources autonomes; quant au financement hors de la réserve, il provient d'AADNC.
La sénatrice Raine : Donc, AADNC finance au moins en partie votre planification.
M. Ledoux : C'est exact, et cela se fait généralement par le truchement de notre conseil tribal. Nous appartenons à un conseil tribal réunissant sept nations, le Saskatoon Tribal Council, dont les techniciens se rendent sur place et dont la rémunération est assurée par AADNC.
La sénatrice Raine : Est-ce qu'ils établissent un véritable plan d'utilisation du sol, ou est-ce qu'ils se contentent de projeter les besoins en infrastructure?
M. Ledoux : Ils font les deux. S'agissant de la planification des immobilisations, on se base sur l'argent dont nous disposons. Par exemple, nous savons que nous allons nous équiper d'une station de transfert, qui représente un investissement ponctuel de 600 000 $ pour AADNC, même si le coût total sera probablement de 1,6 million de dollars. Il nous appartient donc de combler l'écart.
La sénatrice Raine : Cela concerne donc davantage la planification de vos besoins en immobilisations.
M. Ledoux : Je confirme.
La sénatrice Raine : J'aimerais toutefois savoir si vous disposez d'une capacité de planification, afin d'harmoniser le développement de votre collectivité avec la vision à long terme de votre nation?
M. Ledoux : Oui, absolument.
La sénatrice Raine : Merci.
Le président : Sénatrice Raine, souhaitez-vous vous adresser à la délégation tsawout?
La sénatrice Raine : Oui, s'il vous plaît.
Le président : Monsieur Pelkey.
M. Pelkey : Nous avons réussi à obtenir 190 000 $ d'AADNC afin de mettre sur pied ce que nous appelons l'Initiative tsawout, que nous avons décrite précédemment. Celle-ci a été élaborée sous l'égide d'AADNC, dans le cadre de la promotion des perspectives économiques dans les terres des réserves. Ils ont ainsi financé l'établissement du plan conceptuel d'aménagement, avec l'apport d'ingénieurs tels que ceux qui témoignent ici aujourd'hui, et d'autres experts, afin d'établir les besoins en infrastructure dans la réserve. Nous avons donc obtenu un certain montant auprès d'AADNC, que nous avons combiné avec nos revenus autonomes afin d'élaborer le plan conceptuel d'aménagement en vue du développement de l'infrastructure dans la réserve.
Nous disposons également d'autres sources, et je vais laisser Gwen Underwood vous en parler.
Gwen Underwood, gestionnaire des terres, Première Nation Tsawout : Nous avons la possibilité d'émarger au Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières Nations, dont l'accès est ouvert à toutes les Premières Nations du Canada. Actuellement, il finance notre plan d'utilisation du sol, qui nécessite la collaboration de notre collectivité. Encore une fois, toutes les Premières Nations du Canada peuvent présenter des demandes auprès du Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières Nations afin d'obtenir le concours de consultants, comme les planificateurs de l'utilisation du sol, mais aussi des juristes en vue de la confection des lois.
Nous relevons de la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations, mais, pour l'établissement du code foncier, nous n'avons pas de mécanisme immédiatement disponible, si bien que nous devons puiser dans nos revenus autonomes pour pouvoir élaborer notre législation.
L'aide du Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières Nations nous a permis d'accélérer quelque peu ce processus, grâce au financement complémentaire qu'il nous octroie en vue de la planification de l'utilisation du sol et de l'élaboration connexe de quelques textes législatifs.
La sénatrice Raine : Parfait. Je vous remercie beaucoup.
Le président : Madame Underwood, pourriez-vous nous expliquer les principales différences, pour vous, entre le régime de gestion des terres des Premières Nations et le système de gestion des terres en vertu de la Loi sur les Indiens?
Mme Underwood : Je pense que pour nous, la principale différence tient au fait que nous disposons de l'autonomie de gouvernance. Étant donné que le conseil est en mesure de trancher au final, les choses vont beaucoup plus vite. Mais il faut revenir à ce déficit de financement, évoqué par Colin Ward, et la nécessité d'un apport en capitaux destinés aux immobilisations. Aujourd'hui, nous sommes pratiquement sur le point d'accéder à l'autonomie, mais nous avons besoin d'un apport massif de liquidités au départ, afin de financer notre infrastructure. Une fois que nous nous serons lancés, je pense que notre Première Nation sera mieux armée pour opérer de façon autonome et fournir des emplois à notre collectivité.
Je répète donc que la principale différence tient au fait que nous prenons nous-mêmes nos décisions sur place, ce qui allège considérablement le processus.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur Moore : Je remercie tous les témoins d'être présents aujourd'hui et je pose ma première question à M. Ledoux.
Vous dites, dans votre exposé, que vous n'avez rien reçu au titre des prêts relevant de l'article 95 que vous avez dû rembourser. Sur combien d'unités de logement portait le chantier?
M. Ledoux : Nous avons un parc de 136 unités de logement, dont 36 de la SCHL, si bien que nous avons 100 unités de logement qui sont la propriété de la bande et pour lesquels nous ne recevons aucune allocation-logement.
Le sénateur Moore : Vous vous interrogez sur le fait que d'autres Premières Nations, dans tout le Canada, reçoivent une allocation-logement universelle, et pas vous. Quelle est l'origine de cette situation? Est-ce la conséquence d'un accord? Êtes-vous la seule Première Nation au Canada à ne pas recevoir d'allocation-logement? Pouvez-vous décrire la situation?
M. Ledoux : Il se trouve que seules les provinces des Prairies reçoivent un financement au titre de l'allocation- logement, mais je ne peux pas remonter à l'accord et vous expliquer pourquoi.
Le sénateur Moore : J'imagine que vous êtes allé plaider votre cause auprès du ministère.
M. Ledoux : Oui, nous l'avons fait.
Le sénateur Moore : Et que vous a-t-on répondu?
M. Ledoux : Les négociations sont en cours, et nous essayons de ne pas déborder de notre ressort de compétence. Nous sommes représentés, pour ces questions spécifiques, par la Federation of Saskatchewan Indian Nations(FSIN), qui est un organisme issu de traités.
Le sénateur Moore : C'est donc cette organisation qui plaide le dossier devant le ministère?
M. Ledoux : C'est bien cela. Je crois que Kevin McLeod est intervenu devant votre comité en sa qualité de directeur du logement de la FSIN. L'allocation-logement universelle a été sa principale initiative.
Le sénateur Moore : Monsieur Ward, je vois que vous êtes directeur des services publics et que vous avez l'air tout à fait au courant de la situation. J'aimerais savoir quelle est votre formation et depuis combien de temps vous occupez ce poste.
M. Ward : Je vous remercie de la question. Je travaille auprès de la nation Tsawwassen depuis 2008, c'est-à-dire un an avant l'entrée en vigueur du traité. Lorsque j'y ai commencé, mon travail consistait à aider à l'élaboration du contenu des politiques sous-tendant le cadre juridique tsawwassen, qui est entré en vigueur en même temps que le traité. J'ai reçu une formation en politiques publiques, puisque j'ai une maîtrise dans ce domaine décernée par l'Université Simon Fraser.
Le sénateur Moore : Je vous remercie.
Dans votre exposé, vous évoquez le Fonds PPP Canada, et vous dites que ce programme ne semble pas répondre aux besoins des Premières Nations. La Première Nation Tsawwassen, qui avait demandé une aide pour la construction de sa nouvelle usine d'épuration des eaux d'égout, a vu sa requête rejetée, notamment parce que le montant de 30 millions de dollars était inférieur au seuil d'intervention du fonds. Cependant, vous avez exposé avec beaucoup de détails pertinents les autres besoins en infrastructure qu'il faut satisfaire afin que la Première Nation Tsawwassen puisse poursuivre son développement. Est-ce que vous ne pourriez pas regrouper certains de ces besoins et présenter au Fonds PPP Canada un ensemble avec, comme noyau, l'usine d'épuration des eaux d'égout afin d'obtenir le financement? Avez-vous tenté cette solution?
M. Ward : Non, nous ne l'avons pas fait, car nous croyons savoir qu'il faut présenter une demande pour un projet distinct, si bien qu'il nous était impossible de fusionner trois ou quatre initiatives dans le cadre d'une même demande. En tout cas, c'est ainsi que les choses fonctionnent, selon nous. Donc, la réponse est non.
Le sénateur Moore : J'imagine que la possibilité d'amalgamer plusieurs initiatives fera partie de vos recommandations à notre comité, n'est-ce pas?
M. Ward : En effet, on pourrait apporter quelques modifications au régime.
L'autre difficulté, lorsqu'il s'agit de comprendre le processus PPP, tient au fait que, de manière générale, il faut effectuer une analyse de rentabilisation démontrant l'optimisation des ressources afin de démontrer la meilleure viabilité de la filière PPP. Cette démarche s'applique aux paliers provincial et municipal, étant donné qu'ils interviennent pour la substitution entre argent public et financement privé, pour ensuite transférer le risque au secteur privé. Si la quantification du risque est plus élevée que le coût supérieur des charges financières, alors la perspective PPP l'emporte et ils accordent le financement.
Souvent, ce processus ne contient pas aux Premières Nations, car on ne peut substituer le financement du secteur public, étant donné qu'on ne l'a tout simplement pas obtenu.
Le sénateur Moore : Je vois.
M. Ward : Le financement au bénéfice des Premières Nations se heurte à deux obstacles. Comme vous le dites, on pourrait encourager une vision plus globale des besoins en infrastructure d'une Première Nation en vue de promouvoir le développement, et associer plusieurs projets au sein d'une même demande. Cela pourrait faire partie des prescriptions, mais je ne sais pas trop comment on pourrait alors insérer le calcul relatif à l'optimisation des ressources, qui est un critère d'octroi du financement par PPP.
Le sénateur Moore : Peut-être que cela ne s'appliquerait pas à tous les projets, mais sans aucun doute à un certain nombre, selon moi.
M. Ward : Peut-être à quelques-uns, en effet.
Le sénateur Moore : Je voudrais poser encore une question à la délégation tsawout. S'agissant de la proposition de développement, que je trouve extrêmement attrayante, je vois qu'elle comporte un besoin d'accès routier.
En octobre dernier, nous nous sommes rendus auprès de la Première Nation Tsartlip, à Saanich, qui est confrontée à une situation analogue. Les collègues qui ont participé à cette visite se souviendront de ce besoin d'accès routier pour pouvoir lancer un plan de développement efficace. Avez-vous pensé à une action conjointe en vue d'obtenir le financement de ces ouvrages par le biais de PPP Canada ou d'un autre organisme de financement? Je vois que votre progression est entravée par le même type d'obstacle, alors vous pourriez peut-être y réfléchir ensemble, ou présenter une demande conjointe, peut-être que cela renforcerait votre position. Qu'en dites-vous? Est-ce que vous connaissez leur situation, est-ce que vous avez pensé à ce genre d'initiative et est-ce qu'elle vous paraît réalisable?
Ron Akehurst, directeur général, WSP Canada Inc., Première Nation Tsawout : C'est moi qui m'acquitte de la majeure partie du volet ingénierie pour la Première Nation Tsartlip, de même que pour la nation Tsawout. Je sais qu'ils ont engagé un planificateur pour étudier, en particulier, les modes d'accès pour les différents secteurs de la collectivité, mais je n'ai pas de détail concernant ce dossier.
Mais puisque vous m'y faites penser, je suis sûr que nous pourrions unir nos forces, et je vais sans tarder prendre contact avec la nation Tsartlip pour voir quels sont les points communs que nous pourrions invoquer afin de débloquer la situation.
Le sénateur Moore : J'ai suivi votre exposé, ce matin, et cela m'a fait penser à notre visite. Je pense que cela vaudrait la peine d'être examiné.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie.
Le président : Merci, monsieur Akehurst.
Le sénateur Sibbeston : À mesure que j'assiste aux témoignages des bandes qui comparaissent devant nous, je mesure à quel point vous avez progressé et atteint un degré élevé de développement. Vous ne ressemblez certainement pas à la majorité des bandes qui occupent le Nord en général, ou les régions septentrionales de la province. Je pense en particulier à la nation Tsawwassen, située de façon stratégique sur le littoral de Vancouver. Votre situation est unique, et votre avenir dépend de la mise en valeur de cet emplacement.
Est-il exact de dire qu'à mesure que vous vous développez et que vous atteignez vos objectifs, votre dépendance à l'égard du gouvernement fédéral et d'AADNC diminue et que, de façon concomitante, vous vous intégrez davantage au monde de l'entreprise privée, qu'elle soit industrielle ou commerciale, pour atteindre vos objectifs à long terme?
M. Ward : Oui, je pense que cela reflète la réalité. Je sais que, du point de vue stratégique, notre emplacement est de premier ordre. Cela n'est pas sans soulever certaines difficultés, compte tenu de l'évolution générale de la Première Nation, notamment sous l'angle de l'impact sur les activités traditionnelles. Je sais que nombre de membres, y compris le chef, ont pleinement conscience de la sagesse du choix d'emplacement effectué par leurs ancêtres.
On observe en effet, au fil du temps, une réduction de la dépendance à l'égard des transferts fédéraux pour le soutien aux programmes et services essentiels, et tel est l'objectif de la nation. La collectivité aspire effectivement à l'autonomie, car elle peut ainsi apporter avec plus de facilité les changements jugés nécessaires à des programmes tels que l'aide au revenu ou l'intensification des programmes éducatifs pour ses membres. Cela lui permet d'investir véritablement dans le capital social que représentent ses membres et, en tout cas on l'espère, résoudre sur la longue période les problèmes existants, notamment l'écart socioéconomique entre les membres et les non-membres. À long terme donc, compte tenu des difficultés de financement rencontrées et du mal que l'on a à obtenir des transferts de financement pour répondre aux besoins, notre démarche stratégique consiste à recourir aux investissements privés pour répondre à ces besoins dans l'avenir.
La sénatrice Beyak : Je vous remercie beaucoup de vos exposés. J'aimerais savoir si, s'agissant des deux projets d'auto-ponts qui viennent d'être évoqués, vous êtes entrés en pourparlers avec le gouvernement de la Colombie- Britannique. Il me semble que, pour une intervention sur une route aussi importante, c'est une question de ressort provincial.
M. Ward : Je vais laisser la délégation tsawout répondre à propos de l'auto-pont. Nous sommes également aux prises avec des améliorations du segment d'autoroute, et cela relève de la province, et nous avons eu des entretiens portant sur le financement de certaines portions de l'autoroute par le gouvernement provincial. Cependant, dans leur optique, ces améliorations n'auraient pas été nécessaires si les Tsawwassen n'avaient pas insisté pour les obtenir, si bien que nous contribuons à l'amélioration de leur autoroute. J'imagine que d'autres collectivités connaissent une situation analogue.
Nous avons eu des pourparlers par le truchement du Nouveau Plan Chantiers Canada afin d'œuvrer tant avec la province qu'avec le gouvernement fédéral à l'obtention d'un appui portant au moins sur l'un de ces projets d'infrastructure. En ce qui nous concerne en particulier, nous avons essayé d'opérer en partenariat avec les paliers provincial et le fédéral pour l'extension de notre système de conduites principales et à son raccordement au réseau. Donc, nous essayons de collaborer pour ce faire avec la province.
La sénatrice Beyak : Merci beaucoup.
Le président : La délégation tsawout souhaite-t-elle faire des observations sur ce point?
Mme Underwood : Cela fait plus de 50 ans que nous travaillons avec la province afin d'obtenir un financement pour cet auto-pont. Notre conseiller, Allan Claxton, a rencontré récemment les représentants provinciaux en compagnie de quelques-uns de nos consultants, et ils ont présenté une initiative tsawout qui est sous vos yeux.
Nos pourparlers avec la province se poursuivent à l'heure où je vous parle, et nous continuons de croire qu'ils devraient négocier avec nous, compte tenu de la promesse qui a été faite à la Première Nation Tsawout à l'occasion de la visite dans notre réserve, à savoir que ce passage serait construit. Nous avons d'ailleurs, je crois, un plan de construction très convaincant pour cet auto-pont, qu'ils appellent aussi, si je ne m'abuse, un passage inférieur. Donc, le dialogue se poursuit actuellement avec la province.
La sénatrice Beyak : Je vous remercie beaucoup.
Le sénateur Enverga : Ce que j'ai entendu aujourd'hui me porte à penser que vous avez tous des plans ambitieux pour vos Premières Nations, et je voudrais poser une question d'ordre plus général.
Vous avez entrepris de mettre en valeur les terres de votre Première Nation et de parvenir à l'autonomie au cours des prochaines années. Vous savez également que bon nombre de Premières Nations ne peuvent nourrir de tels espoirs, du fait des difficultés que pose leur emplacement géographique. Permettez-moi donc une question : pensez-vous que cela soit juste? Imaginons que votre Première Nation réalise des progrès marquants et atteigne peut-être même l'autonomie. Ne serait-il pas juste d'envisager de canaliser davantage le financement en direction des Premières Nations enlisées dans la pauvreté, ou en tout cas celles qui en ont le plus besoin? Ne pensez-vous pas que cela serait plus juste pour tout le monde?
M. Ward : À l'heure actuelle, tel est pour l'essentiel le cadre en vigueur, notamment en ce qui a trait à l'infrastructure. En effet, la priorité va à la santé et à la sécurité, qui sont au premier plan des préoccupations dans ces collectivités touchées par la pauvreté. Notre perspective, plus particulièrement en ce qui a trait au financement de l'infrastructure, c'est de faire avec ce qui existe.
La question est épineuse, car il existe toujours des responsabilités statutaires. Cependant, de manière générale, les Tsawwassen cherchent à s'extirper de la dépendance à l'égard des transferts fédéraux. Avec le temps et grâce à la récupération de nos revenus autonomes du fait de l'accord sur ce point, les transferts fédéraux vont diminuer. Lorsque cet argent est recouvré, il retourne à AADNC qui peut réaffecter les sommes récupérées. La structure envisage ce genre de procédé.
M. Ledoux : Je ne crois pas que la nation crie de Muskeg Lake puisse jamais cesser d'être tributaire de l'argent provenant de l'entente de transferts financiers (ETF). Lorsqu'il y a des gisements de potasse ou de pétrole dans le sous- sol des réserves, c'est là une véritable source de revenu. Mais compte tenu de la taille de notre bande et de ses besoins, nous n'avons absolument aucune chance d'échapper à cette dépendance.
Le sénateur Enverga : Mais serait-il juste de faire en sorte que certaines Premières Nations renoncent aux subventions dans l'intérêt des Premières Nations pauvres?
M. Ledoux : Je puis vous dire que l'une des plaies de ma vie, c'est la Loi sur le transfert des ressources naturelles aux termes de laquelle le gouvernement a transféré la totalité de nos ressources naturelles à la province. Donc, s'agissant du partage de la potasse ou de la gestion des ressources, tout en élargissant considérablement l'accès au financement et, partant, à un avenir plus viable, cela contraint à être tributaires de ces versements. Nous n'obtenons rien, sinon ce que nous octroie ce ministère.
Le sénateur Enverga : Qu'en est-il de la Première Nation Tsawout?
M. Pelkey : Notre collectivité s'efforce d'échapper à cette équation en parvenant à l'autonomie économique durable. Nous pensons que si nous améliorons les perspectives d'activité économique de notre Première Nation, cela nous éloignera du besoin continuel de recevoir des fonds d'AADNC. Si nous réussissons à créer, au sein de notre collectivité, une infrastructure économique autonome et durable, alors nous pourrons échapper à l'orbite des financements continuels d'AADNC pour couvrir tous nos besoins. Tel est notre objectif. Je sais que cela ne vaut pas pour un grand nombre de Premières Nations du Canada, mais je crois aussi que celles qui en ont la possibilité devraient saisir l'occasion qui s'offre à elles afin de réduire leur dépendance à l'égard du financement d'AADNC pour couvrir leurs besoins en infrastructure.
Le sénateur Tannas : Monsieur Ward, pouvez-vous confirmer que dans toutes vos transactions immobilières, les transferts de propriété se font exclusivement sous forme de fief simple?
M. Ward : La réponse est non, et elle nécessite un éclaircissement important. Le gouvernement de la nation Tsawwassen a délibérément opté pour une restriction de la transférabilité des intérêts en fief simple, afin de conserver une dimension de tenure à bail.
À titre d'exemple, le mail Ivanhoé Cambridge est cédé à bail pour une période de 99 ans, et pour ce faire, ils sont disposés à investir une somme très substantielle, ce qui démontre que le marché ne s'oppose pas à cette formule.
Les membres de notre collectivité se sont exprimés clairement sur le fait que la compétence juridictionnelle doit rester liée à la terre et que si un non-membre se trouve à être titulaire d'un fief simple, la compétence juridictionnelle n'est pas pour autant dissociée de la terre. Les membres voulaient s'assurer que les activités de mise en valeur laisseraient subsister la propriété entre les mains de la nation ou d'un membre particulier. Dans ce sens, l'intégrité de la base foncière a été maintenue.
Le sénateur Tannas : Voilà qui est très intéressant. Je suis content d'avoir posé cette question et je vous remercie de la réponse.
Je m'adresse à présent à la délégation de la nation crie de Muskeg Lake. Pouvez-vous nous parler de la réserve urbaine, et nous dire comment elle est née et dans quelles circonstances?
M. Ledoux : La réserve urbaine a pour origine le droit foncier conféré par traité sur des portions de terres que nous n'avions jamais cédées. Je rappelle que la réserve était beaucoup plus vaste et que le gouvernement fédéral nous a versé un montant de 6,8 millions de dollars, sauf erreur, sous forme de paiement unique. Avec une partie de cet argent, nous avons acheté des terres dans la ville de Saskatoon et nous avons entrepris de les aménager comme espace d'une Première Nation urbaine.
Le sénateur Tannas : Qu'est-ce qui a inspiré cette décision et quels étaient les projets concernant ces terres?
M. Ledoux : Je crois qu'à l'époque j'avais environ 14 ans, je ne suis plus très sûr, mais je peux vous dire que cela a été une décision admirable de la part de nos dirigeants, qui ont su voir loin, si bien qu'aujourd'hui nous commençons à en recueillir les fruits.
Le terrain a toujours fait l'objet d'un zonage industriel. Toujours est-il qu'un grand nombre de Premières Nations de la Saskatchewan suivent notre exemple, c'est-à-dire qu'elles achètent des terres dans les villes ou à proximité et qu'elles se conforment à notre modèle. C'est une magnifique initiative, car elle génère des revenus, et je vous laisse apprécier la réflexion qui l'a précédée.
Le sénateur Tannas : Pourriez-vous nous dire l'ordre de grandeur des revenus autonomes que vous tirez aujourd'hui de ces terrains?
M. Ledoux : Nous avons notre propre code foncier en vertu de la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations, et nous appliquons un paiement à l'acte. Nous offrons principalement de l'espace de bureaux, dont nous construisons actuellement une nouvelle unité. Nous avons une liste d'attente pour tous les éléments de notre parc, et c'est de là que provient la plus grosse partie de nos revenus, sans parler d'autres terrains à caractère agricole pour lesquels nous avons un droit foncier issu de traités.
Nos stations d'essence nous rapportent environ 1,2 million de dollars chacune. Nous réinvestissons la majeure partie de ces recettes dans la mise en valeur du reste de nos terres, mais nous réinjectons également une bonne portion de cet argent au sein de notre collectivité à titre de rééquilibrage, étant donné que la bande représente le principal employeur, avec 130 postes.
Le président : Est-ce que vous êtes habilités, aux termes de la Loi sur la gestion financière des Premières Nations, à percevoir des impôts fonciers à Muskeg Lake?
M. Ledoux : Oui, nous y sommes habilités.
Le président : Pourriez-vous nous dire quelles sont les décisions que vous avez prises à ce propos?
M. Ledoux : Je ne suis pas qualifié pour en parler. Nous avons un responsable de la gestion des terres, mais il a dû partir pour une conférence avant que nous ne nous rendions ici, si bien que je n'ai pas pu recueillir ce type d'information.
Le président : Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir indiquer au comité si vous disposez d'un régime d'impôts fonciers.
M. Ledoux : C'est noté.
La sénatrice Raine : Je voudrais poser une question complémentaire à M. Ward. Lorsque vous avez obtenu l'autonomie gouvernementale et que vous avez mis en place votre système de titres fonciers, quel a été le sort réservé aux titulaires de certificats de possession? A-t-on restreint d'une façon ou d'une autre leur aptitude à vendre les terres qu'ils détiennent en fief simple?
M. Ward : Oui. Les intérêts exprimés sous forme de certificats de possession ont été remplacés par ce que l'on appelle des « intérêts tsawwassen en fief simple ». Ce régime comporte une restriction, à savoir que l'intérêt en fief simple tsawwassen est enregistré auprès du bureau d'enregistrement des titres fonciers de la province; cependant, le certificat de statut du titre détenu par un membre tsawwassen stipule que ce membre détient la terre en fief simple, mais ajoute la mention « sous réserve de la législation de la Première Nation Tsawwassen ». Il y a donc sur le titre une note qui établit le lien avec la Land Title Act de la Colombie-Britannique; on trouve, dans l'annexe 1 de ladite loi, une disposition selon laquelle lorsqu'une Première Nation décide de restreindre la transférabilité, toute cession doit être précédée de la présentation d'un certificat de transfert signé par la Première Nation et confirmant la transférabilité au nouveau titulaire. En d'autres termes, le bureau d'enregistrement des titres fonciers n'enregistrera une transaction portant sur des terres tsawwassen que si elle est accompagnée de ce certificat de transfert. C'est donc une façon à la fois élégante et efficace d'imposer la restriction concernant la transférabilité.
Nous disposons ainsi de ce rôle de contrôle qui oblige les parties à s'adresser à nous en cas de transfert en fief simple. C'est nous qui confirmons leur appartenance ou leur admissibilité aux termes de la loi, et c'est nous qui donnons l'approbation, que nous communiquons au bureau d'enregistrement des titres fonciers qui autorise le parachèvement de la transaction.
La sénatrice Raine : Si je comprends bien, ce mécanisme a pour effet d'empêcher la vente des terres détenues en vertu d'un certificat de possession à des non-membres de la nation Tsawwassen?
M. Ward : C'est bien cela. Ce mécanisme a pour effet d'imposer une restriction aux marchés des fiefs simples. Notre législation autorise la cession à bail locatif pour une période de 99 ans sans qu'il soit nécessaire d'obtenir l'approbation de la Première Nation Tsawwassen ou de la province de la Colombie-Britannique, ou encore du gouvernement canadien.
La décision d'éliminer l'approbation de la collectivité pour la passation de ce genre de bail par un membre particulier de la nation découle d'un choix de politique du gouvernement tsawwassen, qui a fortement encouragé la mise en valeur de leurs terres.
La sénatrice Raine : Je suis sûre que vous avez connaissance de la proposition de Manny Jules concernant le fief simple. D'une certaine façon, il s'agit d'un régime analogue.
M. Ward : Il y a en effet un grand nombre de points communs. S'agissant de cette proposition, nous pensons que la propriété foncière et le fief simple s'équivalent. L'autre volet important, c'est le fait de conserver la compétence; c'est pourquoi cette proposition ne manque pas de nous intéresser. Nous avons peut-être dépassé ce stade, mais c'est le maintien de la compétence qui a permis à la nation Tsawwassen de dire : « Nous voulons le fief simple. Nous voulons être propriétaires de nos terres, mais nous ne voulons pas de transferts vers l'extérieur. Nous allons restreindre ces transactions. » Ils avaient donc la compétence permettant de prendre cette décision, et c'était là un élément important pour convaincre la collectivité d'adhérer à l'ensemble du processus de traités, je veux parler de la possibilité de faire de tels choix.
Je ne suis pas au fait des détails de l'Initiative sur le droit de propriété des Premières Nations (FNPOI), mais nous avons, entre autres, bénéficié de l'intégration à un cadre déjà établi de titres fonciers. La reconnaissance par la province du titre de la Première Nation et du fief simple a été un pas extrêmement important, et cette entente nous a apporté des avantages immédiats.
Lorsqu'on entreprend de mettre sur pied un régime de titres fonciers distinct en vue de l'appliquer à l'ensemble du pays, il faut s'attendre à ce que les investisseurs mettent un certain temps à placer leur confiance dans ce régime et à s'y fier suffisamment pour investir dans de tels intérêts. Cela peut prendre du temps.
Nous comprenons parfaitement que l'intégration au cadre provincial de titres fonciers risque d'être mal reçue par un grand nombre de Premières Nations, mais nous en avons tiré un profit indéniable.
La sénatrice Dyck : J'aimerais revenir sur ce qu'a déclaré M. Ledoux en réponse à une question du sénateur Enverga. Il s'agissait des revenus autonomes et du transfert, aux Premières Nations, des sommes encaissées par le gouvernement fédéral : une sorte de partage des revenus des ressources, en somme. Je me demande si quelqu'un s'est penché sur l'équivalence d'un tel mécanisme en valeur monétaire, et si vous avez envisagé de proposer l'idée de vous octroyer une part des revenus des ressources, à titre de remplacement des accords de transferts au niveau fédéral.
M. Ledoux : C'est sans aucun doute une chose que nous envisageons, mais une fois de plus, cela touche le domaine des traités, qui relève de la compétence de la FSIN.
S'agissant des recettes autonomes, je ne sais pas trop quelle formule le ministère utilise pour fixer le montant qu'il nous alloue chaque année. Le chiffre dont nous disposons est imprécis. Je crois que nous recevons chaque année environ 6,2 millions de dollars du gouvernement fédéral, mais nos factures s'élèvent à 10,5 millions de dollars, ce qui nous oblige à prélever environ 4 millions de dollars de revenus autonomes provenant de projets extérieurs.
La sénatrice Dyck : Je sais qu'il existe une loi régissant l'exploitation du pétrole et du gaz, dont je ne connais ni le titre ni la teneur exacts, mais j'aimerais savoir si vous l'avez examinée afin de déterminer si vous pourriez obtenir une partie des ressources découlant des gisements de pétrole et de gaz sur vos propres terres, voire sur des terres provinciales?
M. Ledoux : Nous n'avons pas de gisement de pétrole ni de gaz sur nos terres et je ne sais pas si nous envisageons d'acheter des superficies de complément. Je sais que nous avons des fonds importants destinés à l'achat de terres, et que nous avions envisagé de faire des acquisitions foncières dans le secteur de Swift Current. Mais il faut que cela s'inscrive dans une stratégie.
Nous en avons parlé, et Colin a décrit la façon dont on ne saurait dessaisir les membres de ce genre de questions. Tout ce que nous entreprenons doit être au préalable autorisé par nos membres, et il en va de même pour ce genre d'acquisitions. Nous sommes une collectivité extrêmement démocratique et transparente, car nous tenons à répondre aux besoins de nos membres.
Le président : Étant donné qu'il n'y a plus de questions, je voudrais remercier très vivement tous les participants. Cette séance de comparution a été extrêmement enrichissante pour nous, et nous avons beaucoup apprécié la qualité de vos exposés.
Je remercie donc toutes les délégations au nom des membres du comité, et en particulier le chef Underwood et son équipe qui se sont levés bien tôt ce matin pour être des nôtres. Leur contribution a été précieuse.
(La séance est levée.)