Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 13 - Témoignages du 5 mai 2015
OTTAWA, le mardi 5 mai 2015
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 34, pour étudier les problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations.
[Traduction]
Jessica Richardson, greffière du comité : Honorables sénateurs, en ma qualité de greffière du comité, il est de mon devoir de vous informer de l'absence inévitable du président et du vice-président du comité, et de présider à l'élection d'un président suppléant. Je suis prête à recevoir les motions à cet effet.
La sénatrice Raine : Je propose que l'honorable sénateur Tannas prenne le fauteuil.
Mme Richardson : L'honorable sénatrice Raine propose que l'honorable sénateur Tannas prenne le fauteuil. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
Le sénateur Scott Tannas (président suppléant) occupe le fauteuil.
Le président suppléant : Merci, bonjour. Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs et aux membres du public qui observent cette réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones ici, dans la salle, ou encore à l'écran sur CPAC ou sur le Web. Je suis Scott Tannas, de l'Alberta, et j'ai aujourd'hui le privilège d'assurer à titre intérimaire la présidence du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.
Le comité a pour mandat d'examiner de façon générale les lois et les questions relatives aux peuples autochtones du Canada. Ce matin, nous entendrons des témoignages liés à un renvoi nous autorisant à examiner, pour en faire rapport, les problèmes et les solutions potentielles en matière d'infrastructure des réserves, y compris le logement, l'infrastructure communautaire, les occasions novatrices de financement et des stratégies concertées plus efficaces.
Nous en sommes au stade final de notre étude. L'audience de ce matin sera la dernière sur le sujet, et nous entendrons deux témoins qui, nous l'espérons, aideront le comité dans l'examen qu'il fait des idées à présenter dans son rapport final. Nous accueillons ce matin Harold Calla, président du conseil d'administration du Conseil de gestion financière des Premières Nations et John Kiedrowski, président du Compliance Strategy Group.
Membres du comité, accueillons ensemble nos invités de ce matin. Je vous invite maintenant à vous présenter.
Le sénateur Moore : Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Watt : Le sénateur Watt, du Nunavik.
La sénatrice Raine : Sénatrice Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Beyak : La sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
Le président suppléant : Nous remercions les témoins d'être des nôtres ce matin. Au nom du groupe, je dirais qu'il est tout à fait opportun que vous soyez tous les deux nos derniers témoins relativement à cette étude. Comme nous l'avons convenu, nous ne procéderons pas de la façon habituelle, qui consisterait à vous inviter à faire des observations liminaires. Au lieu de cela, pendant la première heure, nous demanderons à M. Calla de diriger une discussion générale sur les modèles novateurs de financement, et pour la deuxième heure, nous inviterons M. Kiedrowski à diriger une discussion générale sur le Fonds d'aide au logement du marché pour les Premières Nations et le développement des capacités.
Nous espérons que nos deux invités participeront à ces discussions entre eux, de même qu'avec les membres du comité.
Monsieur Calla, vous avez la parole.
Harold Calla, président du conseil d'administration, Conseil de gestion financière des Premières Nations : Je vous remercie, monsieur le président. Bonjour à tous. C'est un plaisir que d'être de nouveau devant vous pour parler de cet enjeu bien évidemment important. L'une des choses qui m'ont frappé, quand nous avons commencé à examiner la situation, c'est l'ampleur du problème, tant au niveau communautaire que dans le défi qu'elle représente pour le gouvernement puisqu'actuellement, d'après les estimations, s'il est vrai qu'il manque 10 milliards de dollars au budget, ce montant ne pourra jamais suffisamment être remplacé par les paiements de transfert.
La toute première chose qu'il faut à mon avis comprendre, c'est que le statu quo et le modèle d'approvisionnement actuel ne réussiront jamais. Cela doit changer. Si une chose doit ressortir de votre rapport, c'est la reconnaissance du fait que le modèle actuel n'est pas viable. Ce modèle ne date pas des débuts de l'actuel gouvernement, mais il existe plutôt depuis toujours. Ce n'est pas, monsieur le président, à mon avis, un enjeu partisan. C'est un enjeu qui comporte d'importantes conséquences pour l'économie canadienne, les contribuables canadiens et la vie des gens qui vivent dans ces collectivités. Comme je vous l'ai déjà dit, je vois ceci comme une occasion de contribuer à lancer les économies des collectivités. L'investissement de 10 milliards de dollars qui doit être fait dans l'infrastructure et le logement dans les réserves est une excellente occasion d'offrir des débouchés économiques non seulement aux collectivités autochtones, mais aussi aux collectivités non autochtones voisines des réserves.
Je me souviens de 2008, quand la situation était très difficile à l'échelle mondiale, que certaines décisions très judicieuses avaient été prises d'investir dans l'infrastructure ici, au Canada. Des milliards de dollars ont été investis dans l'infrastructure. En conséquence, les futures générations pourront en profiter puisque nous avons fait maintenant ces investissements. Nos économies peuvent et devraient prospérer.
La situation, ici, est très similaire, monsieur le président. Ce genre d'investissement devrait être vu de la même manière que ceux que nous avons faits en 2008.
Comme je l'ai déjà dit, et je le répète, il m'est difficile d'imaginer un programme qui puisse réussir à lui tout seul. Si l'on ne peut appuyer le développement des économies des collectivités des Premières Nations et des collectivités rurales qui appuient les Autochtones et les non-Autochtones, nous nous fourvoyons, et je le dis franchement. Nous devons pouvoir faire en sorte que les collectivités des Premières Nations soient en mesure de développer leur économie, de fournir de l'emploi et de s'assainir, tant sur le plan social que financier. Pour cela, certaines choses doivent changer.
L'accès au capital est probablement le plus important obstacle que doivent aujourd'hui surmonter les collectivités autochtones alors qu'elles tentent de s'acquitter de leurs responsabilités de réaliser leurs propres aspirations. Leur gouvernement a été le seul, jusqu'à l'adoption de la Loi sur la gestion financière des premières nations, à n'avoir pas accès au marché des capitaux au même titre que d'autres paliers de gouvernement. Je suis heureux de pouvoir dire que cela a changé depuis 2005 avec l'adoption de cette loi. De fait, nous avons démontré que la théorie se concrétise. L'Administration financière des Premières Nations a émis ses premières obligations, d'une valeur de 90 millions de dollars; elle doit en émettre une autre série, en juin ou en juillet, pour quelque 100 ou 110 millions de dollars. Les marchés des capitaux ont répondu favorablement au cadre de surveillance créé par la Loi sur la gestion financière des premières nations et aux rôles que joue chacune des institutions afin de faire en sorte que ce soit un régime crédible, capable de maintenir une cote de crédit de bonne qualité, ce que nous pouvons maintenant faire.
J'ai examiné la question et je réalise maintenant qu'on ne peut pas compter sur le flux de trésorerie de la façon conventionnelle pour régler ces questions. C'est un peu comme lorsque j'ai acheté ma première voiture. J'ai dû aller faire un emprunt; et quand j'ai acheté ma première maison, j'ai dû en faire autant. Il fallait que je réponde à mes besoins sur un certain horizon, et je devais payer sur un certain horizon. Je suggère, avec tout le respect que je vous dois, qu'en dépit des importants paiements de transfert qui sont faits pour ces choses, on ne peut laisser les flux de trésorerie être la contrainte qui ne permet pas de sortir des sentiers battus. Il faut être en position de pouvoir comprendre la nécessité de sortir des sentiers battus.
Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer et les gouvernements provinciaux devront peut-être jouer eux aussi un rôle précieux afin d'appuyer les changements nécessaires. Adam Smith lui-même, dans sa philosophie de la libre entreprise, a admis qu'à certains moments les gouvernements devaient intervenir. Au Canada, nous avons su comprendre l'opportunité d'une telle intervention et 2008 en est un très bon exemple. Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de leader et s'atteler d'emblée au problème, plutôt que d'attendre que le modèle d'approvisionnement s'adapte, ce qui pourrait prendre, en fonction des opinions, de 100 à 200 ans. Ce n'est pas une solution. Si vous voulez trouver une solution, vous en viendrez à la conclusion qu'il faut trouver un moyen alternatif d'accès au capital.
Le gouvernement peut agir en utilisant des outils comme les garanties ministérielles. Mais il faut se demander comment utiliser ces outils. Depuis trop longtemps, nous avons dû composer avec les conséquences sociales de la pauvreté. Nous n'avons jamais voulu nous occuper de la réalité économique de la pauvreté. Il s'agit aujourd'hui d'une occasion pour le Canada de changer de point de vue. Nous devons élargir la portée des programmes et services qui visent le développement économique, plutôt que de l'exclure comme on le voit avec plusieurs des programmes et services actuels. Cela permettrait aux Premières Nations de commencer à devenir plus autonomes.
De nombreuses communautés se retrouvent en position d'accepter qu'il y a des responsabilités pour les traités, pour les droits issus de traités et les droits ancestraux. Ce sont des questions réelles et concrètes qu'il faut aborder. Entre- temps, nos communautés ont des grandes difficultés. Nous avons les taux de suicide, de chômage et d'agressions les plus élevés. Il nous faut assainir nos collectivités. Je pense qu'on peut le faire par le développement économique. Trop souvent, nous attendons une panacée, une solution qui pourrait être mise en place du jour au lendemain grâce à un simple programme. Nous oublions que cela nous a pris des générations pour nous retrouver dans la situation qui est la nôtre aujourd'hui. J'espère que cela nous prendra moins de temps d'en sortir. J'espère que vous le mentionnerez dans votre rapport; que cela nous a pris bien du temps pour nous retrouver dans cette situation.
Le développement économique, ce n'est pas comme allumer une lampe. Cela prend du temps. On a besoin de faire de l'éducation dans nos collectivités. Nous devons créer une classe d'entrepreneurs avec accès au capital. Le capital, cela veut dire différentes choses pour différentes personnes. Pour certains, on parle de liquidités; pour d'autres, on parle de l'accès au crédit. Si on n'a pas d'expérience dans le monde des affaires, cela peut être une source de grande confusion.
Il y a différentes sortes de capital, à mon avis. Évidemment, il y a le capital de risque pour les occasions de développement économique. Plus il y a de risques, plus les récompenses potentielles sont grandes. Les prêts avec garantie, comme ceux offerts par la majorité des banques de détail, constituent une autre forme d'accès au capital qui ne devrait pas être ignorée. Pour les gouvernements des Premières Nations, qui adhèrent de plus en plus à l'administration financière des Premières Nations, emprunter en tant que gouvernement constitue une excellente façon de régler le problème.
C'est aussi une très bonne façon pour les gouvernements de concevoir l'élaboration de programmes afin de régler ce problème. Lors de la conception de ces programmes, on devrait examiner les institutions qu'on a créées et voir jusqu'à quel point ces institutions peuvent contribuer à la solution. Il faut comprendre que le Conseil de gestion financière des Premières Nations travaille avec les collectivités pour les sensibiliser aux questions financières. Nous prônons l'élaboration de lois sur l'administration financière. Nous mesurons le rendement financier et émettons un certificat. Facteur encore plus important, nous émettons un Certificat sur les systèmes de gestion financière qui offre une certaine garantie qu'une collectivité des Premières Nations dispose des outils nécessaires pour gérer ses propres affaires financières sur le long terme : réduire sa dette, reconnaître ses biens et avoirs, mieux comprendre les besoins actuels et à venir de la collectivité et élaborer un modèle financier étayant un plan d'action.
J'espère que nous n'allons pas essayer d'éviter ce problème à cause de l'énormité du déficit. Si on parle de 10 milliards aujourd'hui, cela va être 20 milliards dans 20 ans. La situation ne doit pas nous paralyser et nous empêcher de trouver des solutions qui sortent des sentiers battus. Faisons la promotion du développement économique des collectivités des Premières Nations. Rendons-les capables de trouver leurs propres sources de revenus, pour qu'elles puissent mettre sur pied des administrations susceptibles de maximiser les revenus fonciers, afin qu'elles puissent partager les richesses issues de l'important développement des ressources qu'on verra au Canada dans le siècle à venir.
Avec l'appui du gouvernement, ces initiatives assureront la participation des Premières Nations. Cela renforcera non seulement les économies des Premières Nations, mais aussi les économies rurales de tout le Nord, d'un océan à l'autre. Les Premières Nations qui participeront à ces initiatives pourront mieux faire face aux besoins sociaux et économiques de leur collectivité, et j'espère que vous allez envisager ces possibilités à l'avenir.
Je pense que le gouvernement fédéral doit jouer un rôle. Les banques commerciales aussi. L'administration financière des Premières Nations et la Loi sur la gestion financière des premières nations sont très importantes, elles aussi. Tous ces organismes doivent travailler de concert afin d'éliminer ce déficit.
Sur ce, monsieur le président, je suis prêt à répondre aux questions.
Le président suppléant : Merci beaucoup, monsieur Calla.
Le sénateur Moore : Je remercie nos deux témoins. Monsieur Calla, à la fin de votre exposé, vous avez dit qu'on aura besoin de la participation de bien des intervenants : le gouvernement, les banques à charte, le Conseil de gestion financière des Premières Nations, les Premières Nations elles-mêmes. Pensez-vous que nous avons besoin d'un organisme ou de quelqu'un pour rassembler tous ces intervenants afin de cerner ce que chacun peut faire pour contribuer à la solution? Comme vous l'avez mentionné, cela prendra du temps, mais il faut commencer du début et ne pas se laisser effrayer par l'envergure de la tâche. Il faut juste commencer à y travailler. Comment pensez-vous que cela puisse arriver? Est-ce que vous y avez pensé?
M. Calla : Merci de la question, sénateur. Oui, nous y avons pensé. S'agissant des outils créés par la Loi sur la gestion financière des premières nations, loi qui a été créée avec l'appui unanime des partis à la Chambre des communes en 2005, le mandat de ces institutions constitue un véhicule qui nous permettra d'entamer grand nombre de ces initiatives. Le Conseil de gestion financière des Premières Nations se retrouve dans une position où, si c'était reflété dans nos plans d'affaires qui sont examinés annuellement par le gouvernement, nous pourrions jouer un rôle. Nous le faisons déjà dans le cadre d'importants projets de développement des ressources en Colombie-Britannique. Nous rassemblons les communautés, nous cherchons des solutions, nous réduisons l'analphabétisme. Nous le faisons déjà dans ce secteur. Ceci pourrait être un autre secteur. Encore une fois, si l'on s'en tient au mandat du Conseil de gestion financière des Premières Nations en vertu de la loi, il s'agit d'une occasion pour le gouvernement d'utiliser à bon escient une institution qu'il a lui-même créée.
Le sénateur Moore : Vous avez soulevé la nécessité d'appuyer les économies des Premières Nations, particulièrement en zone rurale. Existe-t-il des statistiques sur les Premières Nations ayant le plus besoin d'aide? Nous avons visité certaines Premières Nations, monsieur Calla, où le besoin d'aide était évident, alors que d'autres réussissaient très bien. Parmi les quelques 630 Premières Nations, savons-nous celles qui ont besoin d'aide immédiate et le genre d'aide qu'il leur faudrait, non seulement en argent, mais aussi en compétences en gestion et autres qui leur permettraient de se développer en tant qu'entrepreneur?
M. Calla : Il n'y a pas de données statistiques que je sache. Nous avons diverses données éparses. Nous savons par exemple qu'environ 25 p. 100 des Premières Nations du pays sont visées par la Loi sur la gestion financière des premières nations. Nous comprenons cette clientèle, et il s'agit d'un bon échantillon statistique des Premières Nations. Il y a certaines communautés isolées qui ne sont accessibles que par avion, qui sont certifiées par le Conseil de gestion financière des Premières Nations. D'autres communautés en zone urbaine ont des revenus considérables. Avec tout le respect que je dois à tous, je dirais que toutes les communautés du pays bénéficieraient sans doute d'un certain degré de soutien.
Le sénateur Moore : Cela n'a pas d'importance, que l'on soit une Première Nation ou non.
M. Calla : C'est vrai. Par contre, les gouvernements non autochtones, eux, ont d'autres moyens. Ils ont la possibilité de trouver du financement et d'accéder au capital, et ne sont pas encombrés par un déficit comme le sont tant de communautés. En réalité, bon nombre de nos communautés sont aux prises avec un plafond de financement de 2 p. 100, malgré un taux de croissance de 3,5 p. 100 depuis 20 ans. L'effet cumulatif de tout cela signifie qu'il n'est plus possible de combler cette lacune en faisant preuve d'efficacité ou en restructurant les programmes. Bon nombre de ces communautés sont maintenant gérées par un tiers. Cela leur prendra très longtemps à récupérer, à moins que nous n'abordions cet enjeu. D'après moi, il faut se poser des questions sérieuses sur les circonstances qui les ont menées à ce point, ce que sont les responsabilités du gouvernement face à leur position, et ce qui les aidera à s'en sortir. Encore une fois, l'un des objectifs...
Le sénateur Moore : Voulez-vous dire le gouvernement lorsque vous dites « ils »?
M. Calla : Le gouvernement et les communautés des Premières Nations doivent s'interroger sur les circonstances qui les ont placés dans cette position. Dans bien des cas, c'est parce que leur revenu actuel ne leur permet pas de fournir tous les services requis. Maintenant, encore une fois, nous devons développer les moyens, la littératie financière, les systèmes de gestion financière, afin de mieux comprendre toutes ces questions plutôt que de les voir simplement apparaître dans une vérification comme résultat d'une situation de déficit qui les obligent à se soumettre à la gestion par un tiers.
Lorsqu'on commence à examiner le tout, on voit qu'il existe plusieurs couches. La couche en question, c'est que les circonstances fiscales ou financières des Premières Nations n'ont pas contribué à leur accès au capital pour combler leurs propres besoins, développer une économie et gérer la demande croissante de programmes et services découlant du financement. Il faut comprendre que le financement a augmenté : 2 p. 100 par année, c'est 2 p. 100 par année, et cela s'est produit à un moment où bon nombre n'obtenaient aucune augmentation. En réalité cependant, le taux ne correspond pas au taux d'inflation ni au taux de croissance de notre population, et cela ne peut pas durer infiniment. Il s'agit d'un problème systémique qu'il faut absolument régler. Faudra-t-il recourir aux paiements de transferts, ou allons-nous accroître l'activité économique et faire ces investissements? D'après moi, cette deuxième solution serait la plus sage. C'est sûr que le déficit en matière d'infrastructure et de logement sur la réserve ouvre la voie à cette possibilité.
Le sénateur Moore : Des témoins qui ont comparu il y a quelques semaines ont parlé de créer une véritable banque des Premières Nations qui serait exploitée comme une banque à charte pour mettre en commun toutes leurs ressources. Tout comme vous, il existe des entrepreneurs et des chefs financiers issus des Premières Nations qui ont connu un vif succès. Une multitude de personnes de qualité et très expérimentées pourraient prendre les rênes d'un tel organisme. Est-ce faisable?
M. Calla : Oui, c'est faisable, et d'ailleurs nous avons la Banque des Premières Nations dont le siège social se trouve en Saskatchewan. Cet organisme s'est acquitté merveilleusement de ses fonctions.
Le sénateur Moore : Je parlais du niveau national.
M. Calla : Ils sont déjà au niveau national. Ils agissent au niveau national.
Le sénateur Moore : Ont-ils des projets ailleurs qu'à l'Ouest?
M. Calla : Le problème actuel, c'est que la force financière que nous avons pu forger en tant qu'institutions ou en tant que particuliers issus des Premières Nations s'est réduite à une peau de chagrin par rapport aux possibilités économiques. Nous n'avons pas 200 ans pour évoluer. Nous devons forger le mécanisme avec lequel nous pourrons nous installer dans le manège qu'on appelle « l'économie mondiale » qui est en plein mouvement. Il faut se joindre au manège plutôt que de permettre à ce dernier de vous passer dessus. Voilà notre défi.
Par exemple, un projet de GNL en Colombie-Britannique sur lequel s'est penché le Conseil de gestion financière des Premières Nations était un investissement de 37 milliards de dollars. Ce projet, dans ses 25 premières années, avait généré une chaîne de valeur de 200 milliards de dollars. Les Premières Nations avaient négocié des options sur actions pour les pipelines de la vallée du Mackenzie et de Pacific Trails. Trente-trois pour cent pour la vallée du Mackenzie et 33 p. 100 pour Pacific Trails et 30 p. 100 d'un projet de 37 milliards de dollars, selon nous, lors des 25 premières années, rapportaient 5,5 milliards de dollars aux 16 collectivités.
Si je dis que la péréquation n'est pas la solution, c'est parce que c'est tout simplement insuffisant. Que ce soit à la ceinture de feu ou dans le transport de l'énergie vers l'est ou vers l'ouest, nous avons une occasion en or, à savoir de travailler avec les Premières Nations pour leur permettre de développer leur économie tout en respectant leurs traditions, leur langue, leur culture et leur intendance sur leur territoire traditionnel.
Le sénateur Moore : Oui.
M. Calla : Pour régler ces problèmes d'une manière plus progressive, il faudrait, à mon avis, permettre ce genre d'investissement par l'entremise d'un programme ministériel de garantie de prêt qui réduirait les risques de défaut de paiement. En vertu des droits issus de la Constitution, j'espère que dans ce pays, les droits autochtones nous permettent d'être bien plus que des pupilles du gouvernement. Nous devrions être des partenaires égaux. On devrait pouvoir s'épanouir. Les Premières Nations ne sont pas responsables de leur situation actuelle. Les responsables sont toutes les politiques et procédures du gouvernement.
Il nous faut une solution meilleure que ce qui est proposé. Nous devons éviter le genre de catastrophe qui a sévi contre nos jeunes ces dernières années. Nous devons développer l'économie et fournir des ressources.
Dans ce domaine, le gouvernement a un véritable rôle à jouer. Ce rôle renforcerait l'économie et réduirait ainsi à terme le fardeau qui pèse sur le système social et qui pèse donc sur le système de péréquation. On pourrait devenir autosuffisant, avec notre propre économie et notre propre assiette fiscale. Il faut qu'on arrive à pouvoir se doter de la gamme complète des ressources financières — capital de risque, prêts titrisés ou non, selon le cas. Nous devons pouvoir gouverner.
Le sénateur Moore : Dans cet exemple du projet de GNL d'une valeur de 37 milliards de dollars, les Premières Nations pourraient avoir un tiers des capitaux propres, soit environ 13 milliards de dollars. Comment obtenir cette somme? Quelle en est la source? Quelqu'un s'en porte-t-il garant? Faut-il se tourner vers les marchés commerciaux? La participation se fait-elle avec les institutions financières déjà en place? C'est une grande affaire, mais une merveilleuse occasion.
M. Calla : C'est tout cela. Nous avions envisagé un modèle de service de base à tarif réglementé où la détermination du ratio d'endettement dépendrait de la valeur du projet. Nous pensions qu'il serait de 60-40, 60 p. 100 de dettes et 40 p. 100 de capitaux. Il faudrait alors se tourner vers les marchés traditionnels. On se tournerait ensuite vers les marchés de capitaux, dans notre exemple, un exemple détaillé, avec le soutien fédéral pour avoir accès à ces capitaux, pour acquérir les capitaux au début de l'exploitation. On éliminerait donc le risque associé au développement du projet.
Toutes sortes d'activités économiques et bancaires découleraient de la mise en œuvre et de la participation aux politiques d'approvisionnement. Les Premières Nations pourraient donc établir des entreprises qui se chargeraient de développer le projet. Tous les secteurs de la communauté financière y participeraient et en bénéficieraient. Tous les secteurs de l'économie, autochtone et non autochtone, tireraient profit de ce genre d'initiative.
La sénatrice Beyak : J'ai un point à préciser. Monsieur Calla, nous avons écouté des témoins, vous et d'autres, nous parler de la limite de 2 p. 100, qui figure d'ailleurs dans les notes du comité. Mais le gouvernement, les témoins d'AADNC et la correspondance avec AADNC nous indiquent que cette limite n'existe pas. Pouvez-vous expliquer, pour ceux qui nous écoutent chez eux, la source de cet écart ou de ce malentendu?
M. Calla : Je ne sais pas. Je ne peux pas répondre au nom du ministère. Je sais qu'il y a presque 20 ans, des compressions énormes ont été apportées aux dépenses gouvernementales. Les ministères se sont vu imposer une limite de 2 p. 100. L'augmentation du financement a été freinée depuis. Ce que je veux dire, c'est que même cette année, lors de mes conversations avec le ministère — et non le gouvernement — portant sur le budget du Conseil de gestion financière des Premières Nations, on a soulevé cette contrainte comme étant un facteur. Je ne sais pas ce qu'on en pense actuellement, mais je connais la réalité.
La sénatrice Beyak : On nous l'avait envoyée par écrit. J'étais donc préoccupée par cet écart. Merci.
Le sénateur Enverga : Vous voulez accroître l'autonomie des Premières Nations. Nous voulons qu'elles aient davantage de recettes découlant du développement. Les Premières Nations sont-elles prêtes? Ont-elles la capacité pour le faire? Qu'en est-il de notre échéancier? Avez-vous les perspectives d'une communauté en particulier?
M. Calla : Merci pour cette question, parce qu'il s'agit probablement d'une question qui mérite vraiment que vous y réfléchissiez.
Si je ne m'abuse, on compte présentement 634 Premières Nations au Canada, et elles sont toutes à différentes étapes de leur évolution économique et sociale. Certaines sont autonomes. Certaines font l'objet d'un traité. Certaines sont prêtes et d'autres moins. Je sais qu'il n'est pas toujours poli de répondre à une question par une question, mais dans ce cas-ci, j'en ressens le besoin, parce que je dirais qu'il faut investir dans ces collectivités pour qu'elles soient prêtes. Voilà la stratégie qui s'impose.
J'ai déjà comparu devant ce comité et d'autres, et je pose souvent une question pour laquelle je ne m'attends pas à recevoir de réponse, mais je pense qu'il faut la poser. À quoi voulez-vous que ressemble ce dossier dans 20 ans? D'ici 20 ans, que voulez-vous? Chaque décision que vous prenez doit concorder avec cet objectif.
Pour répondre à votre question, certaines sont prêtes, d'autres pas. La stratégie doit consister à investir suffisamment dans ces communautés pour qu'elles puissent se préparer. Dans bien des cas, sénateur, il faut qu'elles puissent avoir des perspectives économiques.
Ce n'est pas facile de parler d'emploi et d'accès au capital si on vit dans un endroit où il n'y a pas de possibilité de développement économique. La situation change de façon spectaculaire, particulièrement dans le Nord, où nous avons un grand projet de développement. C'est pourquoi j'en parle, parce que je pense qu'il s'agit d'une occasion de le faire progresser de manière beaucoup plus rapide, d'une manière qui fasse intervenir le secteur privé dans leurs territoires traditionnels aux fins d'un transfert rapide de compétences qui est nécessaire pour exercer une concurrence dans une économie mondiale. Je pense qu'il faut prendre cela en compte.
Autre élément à prendre en compte, comme cela a déjà été le cas avec l'adoption de la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations, celles-ci ont du mal à appliquer la loi à cause des coûts et de la difficulté de changer le statut des terres pour qu'elles puissent s'en occuper.
Il y a eu certaines contraintes. À mon avis, cette initiative ne s'est pas développée comme elle aurait pu le faire parce que, si on veut prendre la responsabilité des terres de réserve après un certain point, on veut savoir quel en était le statut au moment de la cession. C'est un problème. C'est un problème pour le ministère parce qu'on n'a pas pu répondre aux demandes des Premières Nations qui souhaitaient participer à l'élaboration d'un code territorial et prendre leurs propres décisions.
Compte tenu de ces possibilités, il faut comprendre que si l'on n'a pas la volonté de faire plus d'investissement pour développer l'administration des Premières Nations et pour leur donner des possibilités de développement économique qui leur permettront d'aller de l'avant, ce sera très difficile. Les grands projets de développement économique se font dans leur arrière-cour. Si l'on rate cette occasion d'aider les Premières Nations, je ne sais pas si une autre se représentera.
Dans ces circonstances, il faut aller de l'avant avec ceux qui sont prêts à le faire. On ne peut pas attendre que les 634 Premières Nations du Canada avancent en même temps. Il faut fournir les ressources nécessaires pour s'assurer que celles qui ne peuvent pas aller de l'avant aujourd'hui puissent le faire au moment de leurs choix.
Le sénateur Enverga : Je suis content d'entendre qu'on peut aller de l'avant avec celles qui sont prêtes. Avez-vous une idée du nombre de celles qui le sont? Est-ce que vous pensez qu'on devrait procéder avec la Première Nation A, ensuite avec la Première Nation B, ensuite avec la Première Nation C? Est-ce que c'est comme cela que les choses devraient se dérouler?
M. Calla : D'après mon expérience avec le Conseil de gestion financière des Premières Nations, on ne peut pas les catégoriser. Si on m'avait dit en 2005, lorsque cette loi a été adoptée, qu'une petite communauté accessible uniquement par avion dans le nord du Manitoba voudrait obtenir une certification avant une bande urbaine, je ne l'aurais pas cru; mais en fait, c'est ce qui s'est passé. Il faut vraiment reconnaître et soutenir la volonté d'aller de l'avant, quel que soit l'état actuel de la Première Nation. Le critère déterminant est de savoir si l'on est prêt à aller de l'avant?
Le sénateur Enverga : Selon vous, pour celles qui le souhaitent, a-t-on envisagé un certain montant d'argent? Quel genre d'appui pourrait leur permettre de se sortir d'affaire?
M. Calla : C'est une question à laquelle tout le monde veut avoir la réponse, ce que je comprends. Je ne sais pas quel serait le montant, et je vous dirais que l'important, ce n'est pas le montant, mais plutôt l'activité économique qui en découle.
C'est une chose de faire des investissements là où il n'y a aucune activité économique, aucune croissance dans l'économie, aucune augmentation dans les recettes fiscales et tout simplement des paiements aux programmes et services. C'en est toute une autre que d'investir dans une économie en développement. Selon moi, si la valeur qui est créée par cet investissement est plus importante que le montant investi, et cela de façon significative, alors le montant réel qui est investi n'est pas aussi important; mais ce sont des milliards.
Le sénateur Watt : Harold, c'est un plaisir de vous revoir et de vous accueillir tous les deux.
Il semble que nous avons un vrai défi devant nous. Harold, vous êtes très actif pour trouver des solutions qui feront progresser les choses peu à peu. Je partage votre sentiment de vouloir progresser plus vite parce qu'on devrait examiner la question non seulement d'une perspective autochtone mais aussi d'une perspective canadienne lorsqu'on examine l'économie.
Pendant les nombreuses années que j'ai passées dans le monde de l'entreprise, avant de faire partie du gouvernement, j'ai toujours cru que nous devions adopter des mesures positives afin d'aider ces gens-là et de leur fournir des occasions économiques comme tous les autres. Il est grand temps de le faire.
Je me demande par contre si nous savons exactement ce que nous avons et ce que nous n'avons pas. Est-ce que nous avons suffisamment évalué les inventaires pour savoir ce que nous devons faire au niveau individuel, au niveau des groupes et au niveau des communautés? C'est un élément. Reste à savoir ce que nous voulons que le gouvernement fasse? Comment le gouvernement du Canada peut-il nous aider? J'ai trouvé encourageant que vous parliez aussi de la nécessité d'associer les gouvernements provinciaux. C'est opportun et je ne crois pas que nous l'ayons fait suffisamment avec les Premières Nations. J'ai un peu d'expérience des deux niveaux de gouvernement qui s'assoient et qui essaient de négocier quelque chose qui serait signifiant pour l'avenir, non seulement pour les groupes autochtones et les Inuits, mais aussi pour le Canada tout entier. Nous avons connu pas mal de succès dans le domaine. Je suis certain que vous l'avez suivi au cours des années.
Si nous cherchons une solution magique, nous ne la trouverons pas. La solution magique n'existe pas dans ce domaine. Nous devons nous poser la question de savoir à quel rythme législatif le gouvernement devrait avancer d'une année à l'autre. Les années passent et nous ne pourrons pas trouver de solution immédiate. Nous pourrions peut-être commencer l'inventaire, en colliger les résultats et voir ce que le gouvernement a à faire. Peut-être qu'il nous faut un groupe de travail pour atteindre cet objectif.
Si cette occasion se présente, seriez-vous prêt à être le chef de ce groupe de travail? Le groupe aurait une influence sur le grand public, le monde des affaires, l'industrie, y compris les sociétés minières et pétrolières, entre autres, et il faudrait traiter avec les deux niveaux de gouvernement en même temps. Nous devons essayer de nous asseoir et de négocier une série de mesures qui, on l'espère, deviendrait un jour réalité pour nos peuples en quête de capitaux pour financer un projet. Pourriez-vous élaborer à ce sujet?
M. Calla : Merci, sénateur. Ce sont toutes des questions très pertinentes qu'il faut examiner.
Je dirais que ce que le gouvernement doit faire avant tout, c'est de donner au gouvernement et aux citoyens des Premières Nations le pouvoir d'agir. Si les solutions de programme de tutelle gouvernementale allaient réussir, elles l'auraient fait il y a longtemps. Il semble maintenant que la Cour suprême du Canada a suggéré que nous devrions être un facteur contributif à l'économie générale de ce pays.
Profitons de cette occasion et donnons le pouvoir d'agir. Soyons prêts à aller au-delà du statu quo en pensant à la place des Premières Nations dans ce pays, de celles qui ont existé. Beaucoup d'entre elles se sont développées bien avant les décisions prises par la Cour suprême ces 20 dernières années. Il faut défendre les droits et les titres des Autochtones. Les gouvernements fédéral et provinciaux et les administrations locales doivent cesser d'essayer de les éteindre. En acceptant les droits et les titres des Autochtones, nous serons en mesure d'en profiter tous collectivement.
Aujourd'hui, nous voyons que l'industrie, représentée par de l'argent de l'étranger, est désorientée par le fait que le Canada et les communautés des Premières Nations dans ce pays n'arrivent pas à s'entendre sur la façon de procéder. Par conséquent, tous les Canadiens en souffriront.
Une perspective émerge à l'international et dans les communautés de Premières Nations au sujet de ce que veut dire leur intérêt pour les titres. Nous devons nous pencher sur cela, mais ne pas nécessairement le faire, je le dis avec respect, par l'entremise de programmes. Nos communautés ne sont pas différentes des autres.
Il se peut que certaines communautés ne soient pas capables, dans un avenir proche, de développer une économie qui subviendra à leurs besoins. Elles ont besoin de soutien. Nous ne devrions pas être, comme je l'ai entendu dire hier, au huitième rang dans le monde pour ce qui est du niveau de vie, alors que les Premières Nations se trouvent au 63e rang. Cet écart doit être éliminé. Nous devons nous attaquer à ces enjeux.
Je pense que c'est important de donner le pouvoir d'agir aux Premières Nations, d'accepter le concept des droits et des titres des Autochtones, d'examiner des politiques qui ne soient pas fondées sur l'extinction, mais sur l'intégration, et d'appuyer le développement d'une classe d'entrepreneurs dans nos communautés de Premières Nations. Un appui continu pour l'éducation est absolument essentiel. Je pense que c'est très important de créer avec le secteur privé des partenariats qui permettent le transfert de compétences à un rythme beaucoup plus accéléré. Ce sont les investissements qu'il faut faire à mon avis.
Je comprends aussi qu'on ne puisse pas rassembler celles qui ne sont pas prêtes parce qu'elles ne voient pas d'occasions. Je pense que cela prend un certain temps. Dans certains cas, cela nous a pris deux ans de dialogue avec une communauté de Premières Nations avant qu'elle ne devienne cliente du Conseil de gestion financière des Premières Nations, mais une fois qu'elle l'est devenue, elle s'engage dans le processus. Nous devons offrir cette possibilité.
Il faut comprendre qu'il y a un avantage à prendre une certaine voie, et nous devons trouver des encouragements à dépasser le statu quo pour les Premières Nations. C'est comme cela que je proposerais de procéder.
Je pense que ce sont des préoccupations commerciales. Il n'y a pas une seule communauté que j'ai visitée où je n'ai pas constaté le désir d'avoir un emploi, de pouvoir subvenir aux besoins de la famille, de loger la famille et de faire tout ce que le Canadien moyen tient pour acquis. Je pense que nous devons leur donner l'espoir qu'ils peuvent vraiment réaliser cela. Leur donner le pouvoir d'agir comme gouvernement est une des meilleures choses que nous puissions faire afin d'essayer de réaliser cet objectif, ce qui ne veut pas dire que nous ne devrions pas comprendre ce que cela va nécessiter. Sur ce point, je suis d'accord avec vous.
Il n'est pas nécessaire de trouver des masses de données. On n'est pas obligé de repartir à zéro. Lorsque nous avons réalisé notre projet donné en exemple, nous avons tout simplement recueilli des données qui étaient déjà dans le domaine public. Nous n'avons pas vraiment fait de recherche. Les données étaient déjà toutes disponibles.
Il y a plusieurs choses que nous pouvons faire, et nous sommes prêts à aider au meilleur de nos capacités, sénateur.
Le sénateur Watt : En fait, d'une certaine façon, pour revenir à ce que vous venez de dire, et je partage vos propos, on nous a donné plus de pouvoirs — grâce à la reconnaissance de nos droits ici et là, et à ce genre de choses. Je suppose que nos peuples n'ont pas compris ce que ces droits représentent, et que vous êtes en train de parer à cette lacune. Il faudra faire appel à un certain nombre de personnes, dont des experts financiers qui connaissent le domaine, et probablement aussi à des avocats, pour travailler sur les détails. Il est temps de reconnaître qu'il faut passer à l'action. Comme vous l'avez dit, on sait tous ce qui va arriver si rien n'est fait.
Le président suppléant : Sur ce, je vais essayer de résumer ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant. Monsieur Calla, vous avez parlé de plusieurs choses, mais j'ai l'impression que nous avons besoin d'un cadre qui servirait au moins comme point de départ. Ainsi, quelle que soit la situation de l'une des 630 Premières Nations, son stade de développement, elle peut suivre les étapes du cadre, qui aura été établi par vous et par votre organisation, et qui porte sur la gouvernance et la gestion financière.
Vous avez parlé de plusieurs choses, et j'ai tenté de les mettre en contexte pour qu'on puisse mieux comprendre ce cadre. D'après ce que j'ai compris de vos propos, vous avez décrit un exemple de planification qui serait faite au début du processus, et un exercice d'évaluation qui n'aborderait pas seulement les possibilités, comme vous l'avez clairement dit, mais qui confronterait aussi la dure vérité sur la situation actuelle de certaines Premières Nations et ce qui l'a causée. Il est important de parler de ces choses, si ce n'est que pour les aérer. Après l'exercice initial d'évaluation et de planification, on travaillerait sur un plan qui aiderait à maîtriser les déficits dont nous avons parlé et à trouver de nouvelles possibilités.
Diriez-vous que cette approche — comme le sénateur Enverga l'a affirmé — a fonctionné dans le passé et s'est répandue? Je pense à l'exemple d'une collectivité où tous les conseillers ont admis que leur communauté était complètement dysfonctionnelle. Ils se sont regardés dans le miroir et ont décidé d'identifier leurs problèmes, d'évaluer leur situation et de passer à l'action. De plus, ils ont cerné les possibilités qui s'offraient à leur collectivité et ont pris des mesures pour aller de l'avant. Aujourd'hui, cette communauté est en plein essor, mais ce n'est pas arrivé du jour au lendemain.
La première étape consiste à faire des plans en vue d'un avenir meilleur — c'est aussi le défi que vous nous avez lancé. Dans quel genre de communauté voulons-nous vivre dans 20 ans? Pour tous ceux qui sont concernés, c'est la seule façon de s'en sortir. C'est comme cela qu'on a développé le plan Marshall après la Seconde Guerre mondiale. Tout avait été détruit et il fallait prendre des décisions. On ne peut pas se servir d'aujourd'hui comme point de départ. On doit commencer avec l'objectif, puis avancer à reculons, car la situation est trop difficile aujourd'hui et on s'y perdrait.
Une fois cela terminé, il faudrait entreprendre un exercice de préparation afin d'identifier ce qu'il faut faire pour vous orienter et vous organiser, suivi d'un processus de certification, dont vous seriez responsable. Suis-je sur la bonne voie?
M. Calla : Absolument, puisque ces communautés qui ont traversé le système, comme nous l'avons vu, ont procédé précisément de cette façon, mais l'aspect clé dans tout cela, c'est qu'elles y voient des opportunités. Elles y voient une issue.
Le président suppléant : Oui.
M. Calla : Jusqu'à ce qu'on puisse voir cette issue, on ne sait pas comment procéder.
Le président suppléant : Tout à fait. Donc, une fois la certification terminée, il faut passer au processus de financement. Rares sont les Premières Nations qui ont suffisamment de ressources pour pouvoir s'autofinancer. Combien y en aurait-il à l'heure actuelle?
M. Calla : Eh bien, sénateur, plus de 160 Premières Nations sont visées par cette loi à l'heure actuelle. Nous en recevons une quinzaine chaque fois que le gouverneur en conseil rajoute des noms à la liste. Si je m'en servais comme mesure, je dirais qu'entre 200 et 300 Premières Nations au pays pourraient participer à ce que nous faisons aujourd'hui, de façon limitée, si elles choisissaient de le faire.
Ce que nous constatons, et c'est très encourageant, c'est que plusieurs communautés reconnaissent qu'elles n'ont peut-être pas les moyens financiers de pouvoir emprunter aujourd'hui, mais qu'en se faisant certifier par le système, d'ici deux ou trois ans elles pourront peut-être se le permettre. Sénateur, j'estime que c'est très bon signe.
Le président suppléant : Je suis désolé d'accaparer le micro, chers collègues. D'après moi, c'est important.
Si par contre, nous examinions le financement et la capacité d'emprunter de ces Premières Nations afin d'aborder leurs besoins découlant de cette vision initiale, combien d'entre elles pourraient s'autofinancer dès maintenant, afin de réaliser cette vision, combien d'entre elles en auraient une partie et combien n'auraient aucun des revenus nécessaires? Voilà ce que je vous demande. Sans une aide quelconque, une formule pour fournir un certain financement, combien d'entre elles y arriveraient à elles seules à 100 p. 100?
M. Calla : Je doute fort qu'il existe une Première Nation capable de subvenir à tous ses besoins sans obtenir de l'aide.
Le président suppléant : Si nous regardons ce cadre, et ce processus de financement, c'est là qu'il faudrait intégrer les ressources telles qu'elles existent dans les 630 communautés, allant de presque 100 p. 100 à zéro, afin qu'elles puissent subvenir à leurs besoins et financer leurs propres opportunités. Il faut trouver un moyen d'y arriver et de reconnaître non seulement le contexte actuel de ces Premières Nations, tout en prévoyant les besoins futurs. Nous avons parlé du partage des ressources et de ce genre d'approche. Il faudrait donc indiquer d'une façon quelconque qu'il s'agit de la réalité actuelle en matière des besoins de financement. Cependant, il y aurait peut-être à l'avenir une réalité plus rose, dont il faudrait tenir compte dans cette formule. Puis la dernière phase, évidemment, serait l'exécution sur plusieurs années, et, nous l'espérons, cela ne comportera pas trop de générations, pour que tout cela se concrétise.
J'aimerais savoir, dans tous ces cas, où votre organisme pourrait apporter sa contribution.
M. Calla : Je crois que nous soutenons la décision politique d'apporter des changements. Cela, c'est la première chose. Un conseil de bande doit prendre la décision de demander à être inscrit en vertu de la loi s'il s'est penché sur les occasions proposées par la Loi sur la gestion financière des premières nations avec les trois institutions et a vu un rôle pour lui à l'avenir. C'est la première étape. Ensuite, nous intervenons pour élaborer des plans en vue d'une bonne gestion financière. Nous aimons bien dire que notre système privilégie un modèle de prise de décision axé sur le processus plutôt que sur la personnalité quand il est question de la gestion des affaires. Une des exigences est qu'on parle de planification, de préparation de budgets, de bonne gestion financière, de conflits d'intérêts et d'indépendance. C'est le genre de concepts qu'on introduit dans le système de bonne gestion financière existant. Tout cela commence déjà à esquisser des concepts dont l'utilité va au-delà de la seule gestion financière. Ces concepts font aussi d'excellentes pratiques commerciales.
Certaines des collectivités avec lesquelles nous travaillons veulent utiliser notre certification non seulement pour les affaires de la bande, mais aussi dans le cas des entités que possède la bande. Cela fleurit. L'idée, c'est de dire que nous répondons à la demande des membres de comprendre comment nous gérons les affaires de la nation, autant au niveau de la bande qu'au niveau de l'entreprise. Je crois que c'est là que nous en faisons le plus, car pour pouvoir aller de l'avant, le leadership politique doit avoir la confiance de ses membres, et en fin de compte, c'est un peu là où nous nous dirigeons.
La sénatrice Raine : Merci beaucoup. Bon nombre de mes questions ont déjà trouvé réponses. Nous avons évidemment besoin du soutien du peuple canadien, et d'une volonté politique pour apporter un changement aussi important. C'est un peu comme débarrer la porte et donner aux gens la liberté d'avoir ce qui définit le Canada — une chance, et de se fier à ses propres forces pour accomplir des choses. Je me demande quel pourrait être le rôle de notre comité dans l'élaboration de recommandations à cet effet. Comment pouvons-nous convaincre le Canada de soutenir l'idée de faire avancer les Premières Nations? Il existe encore plein de gens qui ne comprennent pas ce qui se passe.
M. Calla : Vos questions sont très pointues aujourd'hui. Je crois, d'abord, que les gens doivent comprendre que les droits et les titres des Autochtones sont encore bien vivants. Ils existent. Ils continuent d'être définis. Si nous ne mettons pas notre grain de sel dans ces conversations qui mènent à une entente, nous allons devoir continuer à nous tourner vers des décisions rendues par la Cour suprême. Est-ce bien ce que nous voulons?
L'autre chose qui serait utile de comprendre est la contribution culturelle et internationale que peuvent avoir les collectivités autochtones. Notre intendance de nos terres traditionnelles doit faire partie intégrante de notre façon de faire. Je crois que les contributions économiques que nous pourrions apporter par notre participation seraient à l'avantage de tous les Canadiens. Comme je l'ai probablement déjà dit devant ce comité, je préfèrerais nous voir contribuer plus au produit intérieur brut qu'à la dépense nationale brute. Cela bénéficierait à tous les gens du pays. Le peuple canadien pourrait tirer profit d'une meilleure appréciation de tout cela, et ce comité serait bien placé pour mieux leur décrire l'état des choses.
Le président suppléant : Bien dit. C'est sur le pourquoi et le comment que nous devons nous concentrer.
La sénatrice Beyak : Merci beaucoup, monsieur Calla. Je suis d'accord avec vous. C'est une question non partisane. Au fil des décennies, les gouvernements de différentes allégeances se sont succédé, sans pouvoir apporter de solutions. Le statu quo ne fonctionne pas. Les chefs parlent du nombre de personnes qui vivent dans les réserves et hors réserves, ainsi que de l'absence d'un total pour le financement partout au pays. Que penseriez-vous d'un référendum national des personnes — pas des 634 chefs, conseils de bandes et personnel ici à Ottawa dans la bulle, mais des personnes mêmes vivant dans les réserves? On pourrait ainsi leur demander où elles veulent vivre et comment, pour reprendre les questions de la sénatrice Greene; leur demander comment préserver leurs traditions, leur splendeur, tout en participant au monde moderne. Quelqu'un a-t-il envisagé une telle possibilité?
Deuxièmement, il faudrait un audit national des ressources et des traités au niveau fédéral, provincial, municipal : toute la richesse et l'argent allant à la question est, soit inadéquat, soit incorrectement géré. Personne n'a été en mesure de nous donner un total pour le Canada ni un chiffre pour le nombre d'Autochtones dans les réserves ou hors des réserves. Combien d'enfants de moins de 16 ans y a-t-il à l'école, dans les réserves ou hors des réserves? Notre rapport l'indique clairement : il débute par une constatation contradictoire, comme quoi il y a un grand déficit dans l'infrastructure autochtone, mais comme quoi nous ne pouvons pas le quantifier.
Je pense que ces deux choses sont nécessaires : le référendum national et l'audit national. Ainsi, nous saurons d'où nous partons, comme le disait le sénateur Tannas plus tôt. Merci.
M. Calla : Quand j'y repense, je me dis que nous avons été immobilisés dans le temps au moment de la prise de contact. On nous a mis dans des réserves indiennes. On a défini nos droits. On ne nous a pas permis d'évoluer. On ne nous a pas permis de participer à l'économie. Je me souviens de lois en Saskatchewan, pas pour m'attaquer à ma province particulièrement, selon lesquelles, en Saskatchewan, un agriculteur indien pouvait vendre sa récolte uniquement à un autre Indien. On ne nous permettait pas de participer à l'économie. On ne nous permettait pas d'évoluer en tant que gouvernement.
En fait, la perception des droits et titres ancestraux a été immobilisée dans le temps, figée à l'acception de nos droits par la population non autochtone au moment du contact. Selon moi, ce n'est pas une façon appropriée de considérer les peuples autochtones. Le fait est que nous avons été marginalisés et qu'il va nous falloir évoluer. Si on nous avait permis d'évoluer alors, nous aurions peut-être une gouvernance autochtone aujourd'hui. Au lieu d'y voir un autre palier gouvernemental encombrant, je pense qu'il faut encourager l'évolution. Ainsi, quand on a créé en Colombie- Britannique le Sommet des Premières Nations, je voulais y voir une autre assemblée législative où nous pouvions tous nous réunir. J'espère qu'un jour ce sera le cas.
Nous avons des organisations politiques, nationales et provinciales, mais nous sommes dans une situation où elles ne sont pas habilitées. Nous avons une entité qualifiée de « bande », créée par l'agent des Indiens dans le cadre du processus d'attribution des réserves. Nous n'étions pas des bandes; autrefois, nous étions des nations. Mais les nations ont été démantelées en bandes indiennes. Il existe une vague de fonds poussant au rétablissement d'un cadre national; il convient de l'encourager. En tout cas, il faut que les peuples autochtones trouvent leur voix. Parler de dialogue et de la façon d'y parvenir serait un exercice utile, vu que nous partons de points de départ très différents : Premières Nations autonomes, signataires d'un traité, traité moderne et terres non cédées. Il y a un peu de tout. Certaines de nos communautés sont des territoires. C'est un problème épineux que devront résoudre des gens bien plus brillants que moi.
Au final, tout dépendra de la volonté de progresser. Qu'on le veuille ou non, il sera difficile pour quiconque de progresser jusqu'à ce l'on règle les conséquences financières du changement. Je crois fermement qu'une concertation nationale sur les relations financières devrait être créée et appuyée de nouveau.
Le sénateur Moore : J'ai une question qui s'appuie sur la vôtre, monsieur le président, et qui porte sur les nations qui sont en meilleure posture financière que les autres et qui peuvent s'autofinancer. C'est ce que j'essayais de dire un peu plus tôt, mais vous l'avez dit plus éloquemment.
Monsieur Calla, vous avez dit qu'il n'y en a pas. Je ne sais pas si je puis accepter cette réponse. Nous avons rendu visite à la Première Nation de Westbank et à la Première Nation Osoyoos, qui fait preuve de saine gestion financière, de bons avoirs et des revenus stables. Je crois que l'on peut dire que ce sont des Premières Nations qui génèrent leurs revenus. Comme vous l'avez dit un peu plus tôt, tout le monde a besoin de quelque chose. Il y a d'autres Premières Nations comme celles que j'ai citées et j'inclus dans ce groupe la Première Nation de Membertou de la Nouvelle- Écosse. Il y en a qui peuvent s'autofinancer et qui en ont fait la preuve. Qu'en pensez-vous?
M. Calla : Bien, sénateur, j'ai compris de la question initiale que vous vouliez savoir s'il y avait une Première Nation au Canada qui pouvait répondre complètement à ses besoins. L'accent était sur le mot « complètement ». Ma réponse à cette question était non, car je suis pratiquement certain que toutes ces communautés que vous avez mentionnées ont une liste d'attente pour des logements ou un programme d'infrastructure qui est en suspens. Oui, certaines connaissent beaucoup de succès et ont accès à des capitaux provenant du marché commercial et de l'administration financière des Premières Nations. Toutes les communautés que vous avez mentionnées agissent ainsi. Je conviens qu'elles ont du succès et qu'elles sont bien gérées, mais nous n'arrivons toujours pas à répondre à tous les besoins. Il est impossible pour nous d'accéder aux capitaux comme d'autres, ce qui nous empêche de répondre pleinement à nos besoins. Ma réponse était fondée sur une pleine réponse aux besoins.
Le président suppléant : C'était une excellente discussion. Merci beaucoup à tous d'y avoir participé.
Nous allons maintenant passer à John Kiedrowski du Compliance Strategy Group pour poursuivre la discussion. Monsieur Kiedrowski, voulez-vous lancer le bal?
John Kiedrowski, président, Compliance Strategy Group : Voulez-vous que je me concentre sur les questions liées à la capacité en premier lieu, puis ensuite sur le fonds en fidéicommis? Cela vous conviendrait-il?
Le président intérimaire : Pourriez-vous parler des deux sujets dès le début?
M. Kiedrowski : Je peux faire cela.
Bonjour sénateurs, merci de m'inviter de nouveau pour aborder les défis en matière de logement et d'infrastructure chez les Premières Nations. Dans un premier temps, je parlerai des questions liées à la capacité et je soumettrai au comité des suggestions pour sa considération, puis je parlerai du fonds en fidéicommis du logement.
Depuis que j'ai commencé à m'impliquer auprès des Premières Nations, le mot « capacité » m'a toujours posé problème, puisque c'est un mot qui a différentes significations chez différentes personnes. Je crois qu'on a perçu une certaine frustration chez les sénateurs qui essaient de comprendre ce que le mot « capacité » signifie. Je vais vous suggérer une définition pour faire progresser la discussion.
J'ai toujours défini la « capacité » comme étant la compétence des peuples, des organismes et des communautés des Premières Nations à gérer adéquatement leurs propres activités. Cet élément, d'après ma compréhension, est en fait un processus en vertu duquel les peuples, les organismes et les communautés des Premières Nations créent, adoptent entretiennent et renforcent leur capacité au fil du temps.
Je vais me fonder sur ce concept un peu plus vaste et ajouter un autre concept que le comité voudra peut-être prendre en considération : l'élaboration d'un cadre de résultats de renforcement des capacités. Depuis longtemps, tous les intervenants mentionnent l'apport de sommes substantielles pour le renforcement des capacités. Comme on l'a mentionné, quand ces fonds sont distribués aux Premières Nations, il y a toujours une question de reddition de comptes et de performance. C'est une question qui m'a toujours préoccupé. Je suis préoccupé pour les personnes qui reçoivent ces fonds. Je suggère au comité d'envisager l'élaboration d'un cadre de résultats de renforcement des capacités en vertu duquel les fonds distribués à ces communautés ou à ces groupes pour le renforcement des capacités ont un indice de performance fondé sur les résultats. Je ne crois pas que c'est quelque chose qui existe vraiment pour bien des fonds de renforcement des capacités.
Dans ce cadre, la capacité à deux composantes. D'abord, il y a les ressources, qui peuvent venir du secteur privé — développement par des investisseurs, revenus pétroliers et gaziers — ou des fonds d'infrastructure du gouvernement. La clé de la capacité est la responsabilité des collectivités. Si la collectivité n'est pas le maître d'œuvre, on peut investir l'argent dans les projets, mais ils n'iront pas de l'avant.
Le sénateur Moore : Vous parlez de la responsabilité du territoire?
M. Kiedrowski : La responsabilité d'un projet. Pour ces projets, dans mon cas, il s'agit de projets de logement ou d'infrastructure à venir, il y a un besoin de responsabilité et d'utilisation efficace de l'argent et des ressources accordés au projet. Pour y arriver, il faut un changement de gestion. On se demande, comme c'est le cadre de notre discussion, quel pourcentage de ces collectivités ont changé de gestion — ont la capacité d'aller de l'avant avec du leadership qui offre une orientation qui puisse faire dire à d'autres Premières Nations : « Cette orientation me plaît. Pouvons-nous faire de même »? Avec un certain cadre de capacités, nous pourrions trouver ces collectivités.
Je crois que cela n'existe pas vraiment. Tout le monde investit dans les capacités à l'aveuglette, sans cadre général. La frustration découle du fait que nous ne savons pas ce qui fonctionne. Nous n'avons pas de données et ne comprenons pas le fonctionnement. Oui, nous avons des études de cas. Nous avons des exemples de réussite, mais avec un cadre de résultats restreint, il vaudrait mieux comprendre ce type d'information.
Pour revenir aux discussions sur la capacité en matière de logement et d'infrastructure, des fonds et des capacités ont été investis. Nous savons qu'ils s'adressent aux chefs, aux conseils, aux administrateurs de bande et à certains domaines différents. Je crois qu'en matière de capacité, il y a d'importantes lacunes à l'égard du soutien et des conseils techniques à l'intention des conseils, des entrepreneurs et des autres intervenants dans ces projets.
Dans la plupart des cas, les chefs et les conseils sont laissés à leurs propres moyens pour comprendre les exigences techniques de construction d'une maison ou d'une infrastructure. La capacité n'existe tout simplement pas, et chacun est laissé à ses propres ressources. Aucun organisme n'offre ces conseils techniques en matière de capacité et d'infrastructure. Nous avons l'administration financière et les gens qui offrent ce type d'orientation, mais lorsqu'il est question d'infrastructure et de la gestion de projets de logement et d'infrastructure, il n'y a pas de capacité.
Nombre de ces collectivités embauchent des ingénieurs d'une tierce partie, et nous savons pour avoir parlé à ces ingénieurs qu'ils ont aussi de la difficulté à comprendre les questions de droits fonciers et de gouvernance, et que c'est vraiment tout un bourbier de mener à bien ces projets d'infrastructure.
J'estime aussi que nous devons examiner la possibilité d'avoir un cadre de gestion de la qualité d'ensemble pour les projets de construction et d'infrastructure. En vertu de ce cadre de gestion de la qualité d'ensemble, nous pouvons fournir des conseils techniques, des spécifications techniques et des instructions techniques aux Premières Nations pour les aider à faire avancer ces projets. Au lieu d'avoir à se fier à un entrepreneur qui fait signer un contrat de 30 jours aux Premières Nations, nous pourrions avoir une orientation à l'intention de nombreuses Premières Nations pour les aider à comprendre ces projets de construction, parce que nombre d'entre elles n'ont aucune capacité de gestion de projet.
Vous savez, par exemple, que le Grand conseil de Prince Albert va de l'avant et travaille au nom de nombreuses collectivités. Le département d'ingénierie travaille avec elles à l'acquisition de cette capacité, qui selon moi est un très bon modèle. C'est une exception à la règle, et une chose qui ne se fait pas partout au Canada.
Bien que nous injections tout cet argent dans le renforcement des capacités, nous perdons beaucoup d'argent en raison de la mauvaise gestion. Il n'y a aucune compréhension du risque. Nous avons besoin d'un cadre de gestion de la qualité.
Les entrepreneurs semblent constituer une autre lacune. C'est étrange, parce que lorsqu'on parle aux collectivités, elles embauchent ces entrepreneurs pour qu'il n'y ait pas de capacité à créer et vérifient que ces entrepreneurs répondent aux exigences de certification en vigueur à l'extérieur des réserves. Bien que RHDCC ait un certain nombre de programmes et de projets qui s'adressent aux entrepreneurs, nous sommes d'avis qu'il y a d'importantes lacunes lorsqu'il est question des Premières Nations.
À notre avis, les entrepreneurs embauchés à l'extérieur des réserves qui sont qualifiés semblent perdre tout sens des responsabilités et d'engagement lorsqu'ils travaillent dans les réserves parce que personne ne les surveille d'aussi près. Voilà donc certains des défis en matière de capacité.
Si on revient à la question du cadre de capacités et de résultats et de la gestion de la qualité d'ensemble, je dirais qu'il nous faudrait pouvoir compter sur un organisme. J'ai travaillé avec l'Association nationale des agents du bâtiment des Premières Nations (ANABPN), qui pourrait jouer un rôle plus vaste en matière de projets d'infrastructure et aider aux projets de logements pour veiller à ce qu'ils soient mis en œuvre adéquatement et à ce que les risques soient minimisés pour les Premières Nations. Actuellement, ce rôle n'existe pas.
Voilà donc mes quelques commentaires pour ce qui est de la capacité. Je vais maintenant passer au Fonds d'aide au logement du marché pour les Premières Nations et aux préoccupations relativement au mandat. Si les représentants du Fonds d'aide au logement témoignaient, ils seraient probablement mieux placés pour réagir à certaines des préoccupations soulevées par le comité du Sénat. Les points de vue exprimés découlent de ma compréhension de la situation et de mes discussions avec les collectivités.
Je crois qu'une question valable a été soulevée, et il s'agit selon moi d'une question valable parce que lors de la mise en œuvre en 2008, on avait 300 millions de dollars de plus en crédits pour créer une fiducie de logement, pour créer la propriété en matière de logement chez les Premières Nations. Nous voilà en 2015, et si j'ai bien compris, à ce jour, 55 maisons ont été construites avec le fonds de 300 millions de dollars de 2008, même si on avait parlé de créer 1 000 propriétés avec des estimations et des projections allant jusqu'à 10 000 propriétés chez les Premières Nations. Des 55 propriétés, une vingtaine sont des unités de location. La question devient politique. Est-ce qu'on en a pour notre argent, ou vaudrait-il mieux dépenser l'argent ailleurs?
Le Fonds fiduciaire pour le logement vise la création de la capacité des Premières Nations. Si on n'adhère pas au cadre de financement du logement, on n'est pas sûr de pouvoir obtenir de l'argent pour d'autres questions de logement. Je crois que les sommes consacrées à la capacité soutiennent le Fonds fiduciaire du logement mais, si on a des difficultés de capacité comme, par exemple, mettre sur pied un système de permis de construction qui ne mènera pas à un fonds fiduciaire de logement mais qui pourrait mener à d'autres types de relations avec les banques pour offrir du logement, je ne sais pas si le financement serait accordé. Si j'ai bien compris, les fonds consacrés à la capacité au titre du fonds fiduciaire, soit quelques millions de dollars, ne visent que les fins énoncées et non pas le bien commun.
La troisième composante de la capacité est l'accès à ces fonds. Je sais que les conditions d'admissibilité sont très sévères. Pour se qualifier, les gens doivent entre autres souscrire à une assurance contre les erreurs et les omissions. Par exemple, Keith Maracle, que vous avez rencontré plus tôt, aurait à souscrire à une telle assurance, ce qui lui coûterait probablement 10 000 $, pour effectuer du travail de création de capacité, pour lequel il obtiendra une rémunération d'environ 5 000 $ ou 6 000 $. Voilà donc le genre de critères sévères qu'il faut remplir. Pour cette capacité dans n'importe quel autre organisme, l'exigence d'assurance ne serait pas imposée, ce qui ferait en sorte que la capacité serait plus accessible aux collectivités. La base de financement pour les fonds de développement de la capacité est à mon avis très restrictive.
Voilà un bref aperçu afin que nous puissions entamer une discussion.
Le président suppléant : Je vais débuter. Si je vous ai bien compris, vous ne diriez pas que 55 maisons et 300 millions de dollars sur 6 ans constituent un succès et il y a eu pas mal de consensus parmi les témoins et nous avons été surpris que personne ne pouvait nous dire sans sourciller qu'il s'agissait d'une réussite.
M. Kiedrowski : Je suis d'accord. Ce n'est pas un programme fructueux.
Le président suppléant : Vous avez aussi mentionné que même du côté du renforcement des capacités, la façon dont c'est structuré actuellement fait en sorte que le programme n'apporte pas une contribution valable dans ce secteur non plus. Ai-je raison de dire cela?
M. Kiedrowski : Excellente observation. Je serais d'accord avec ce que vous dites. Le fonds de renforcement des capacités correspond au mandat et si vous n'acceptez pas ce mandat, il est difficile d'obtenir l'argent nécessaire ou de libérer des fonds.
Le président suppléant : Monsieur Calla, vous voulez intervenir?
M. Calla : Merci. J'aimerais signaler que je faisais partie du conseil d'administration de la Société canadienne d'hypothèques et de logement lorsque le fonds a été établi. Je vais donc vous le présenter de divers points de vue.
Je dirai tout d'abord qu'en tant que président du Conseil de gestion financière des Premières Nations, le conseil a dû collaborer de très près avec les responsables du Fonds d'aide au logement du marché pour les Premières Nations pour raffermir les capacités, mettre sur pied des lois d'administration financière, et élaborer des systèmes de rendement et de gestion financiers. Nous nous sommes réunis avec les responsables à diverses occasions et bon nombre des défis relevés par le fonds résultent du déficit dans lequel se trouvent de nombreuses collectivités. C'est l'exemple d'un programme qu'on ne devrait pas, je pense, rejeter du revers de la main et qui est peut-être en avance sur son temps en raison des circonstances actuelles. Il a apporté des contributions importantes à certains de nos clients en les aidant à passer à travers les étapes de notre système.
Nous sommes devenus un mandataire pour certains de leurs besoins financiers comme nous l'avons été auprès d'autres établissements de financement. À titre d'exemple, nous agissons à titre de mandataire pour l'évaluation de la préparation au nom du ministère des Affaires autochtones. À nos yeux cela représente de nombreux avantages.
Le président suppléant : Je me demande si les responsables auraient imaginé que cela pourrait devenir une des histoires de réussite lorsqu'ils ont mis le programme sur pied. En d'autres mots, cela faisait-il partie du mandat initial ou bien les choses se sont-elles développées sans planification...
M. Calla : Non. Je pense que c'est venu du fait qu'il s'agissait d'un programme de prêt et non d'un programme de subvention. Il faut donc avoir une bonne gestion financière; nous avons vu le jour et nous avons contribué. Voilà ce dont je voulais vous parler.
Je pense que le fonds et les initiatives de logement ont aussi dû faire face au fait qu'en raison d'un déficit important en matière d'infrastructure, de nombreux projets n'ont pas pu aller de l'avant parce qu'il n'y a ni aqueduc ni système d'égouts sur le terrain.
Je pense que si on examine le Fonds d'aide au logement du marché pour les Premières Nations, il faudrait examiner son mandat et voir comment il a pu agir comme facteur limitatif pour voir comment ce facteur pourrait être éliminé.
Le président suppléant : Vous proposez donc de recentrer le fonds afin de mettre l'accent sur ce dont on a parlé dans le cadre de travail, c'est-à-dire cet exercice de planification qui consiste à déterminer ce que nous avons? Ce dont nous avons besoin? Quels sont les éléments dont nous aurons besoin pour aller de l'avant afin que le fonds puisse mener à bien son mandat de développement et financer certains des projets?
M. Calla : Nous examinons les 300 millions de dollars dont dispose le Fonds d'aide au logement du marché pour les Premières Nations. Nous examinons l'argent dont dispose le gouvernement annuellement et vous cherchez à faire la titrisation de ces montants. Les montants qui pourraient être générés sont considérables mais le défi est celui-ci : d'où proviendront les mouvements de trésorerie du service de la dette? On peut lever des fonds, mais comment faire pour les rembourser?
Voilà certains des problèmes auxquels on doit faire face. Mais je suis d'accord pour dire que les objectifs du fonds, son mandat et la façon dont il peut contribuer — il serait opportun de réexaminer cela à la lumière du fait que 10 ou 15 années se sont écoulées.
Un grand nombre de Premières Nations se tournent vers le programme, mais encore une fois, puisque ce n'est pas un programme de subvention et qu'il nécessite un mouvement de trésorerie pour l'appuyer, si les collectivités n'ont pas de mouvement de trésorerie ou de liquidités comment donc peuvent-elles se prévaloir du programme? Je pense que c'est là que repose le défi.
J'offrirais cette contribution, le fait que toute cette infrastructure doit être construite dans le sol. C'est cette infrastructure dont on parle qui stimule le développement économique et l'égalité. Si le fonds pouvait reconnaître cela, cela contribuerait grandement à moderniser ses objectifs.
Le sénateur Moore : Monsieur Kiedrowski, pour ce qui est du fonds en fiducie de 300 millions de dollars qui a permis de construire 55 maisons, reste-t-il de l'argent dans ce fonds?
M. Kiedrowski : C'est une question qu'il faudra leur poser ou peut-être même que Harold serait en mesure de répondre parce qu'en fait les intérêts sur ces 300 millions de dollars sont reportés chaque année, à ce que je sache.
Est-ce exact Harold?
Oui. Le fonds de 300 millions de dollars génère des intérêts.
Le sénateur Moore : Ainsi ces 300 millions de dollars sont placés en fiducie et servent à la construction de maisons. La somme qui reste génère des intérêts et des revenus.
M. Kiedrowski : C'est exact.
Le sénateur Moore : Le fonds a-t-il pu servir à la construction de l'infrastructure nécessaire pour construire une maison?
M. Kiedrowski : C'est une question qu'il faut poser aux fiduciaires, mais je pense que ce n'est pas le cas. Si une Première Nation veut aller de l'avant et signer un accord avec le fonds en fiducie, il faut auparavant que l'infrastructure soit en place.
Le sénateur Moore : L'infrastructure devrait être existante?
M. Kiedrowski : C'est exact. Est-ce que les fonds serviraient à construire cette infrastructure? Je ne pense pas que ce soit le cas. Il se peut que l'argent paie certains projets préliminaires de consultation pour une partie du travail, mais leur véritable investissement pour ces travaux ne proviendrait pas du fonds. Et je pense que c'est ce qui est difficile à surmonter.
Le sénateur Moore : Monsieur Calla, pourriez-vous nous dire en gros combien il reste dans ce fonds?
M. Calla : Sénateur, le fonds est investi de sorte que je ne pourrai pas vous dire sa valeur immobilière à l'heure actuelle. Je sais que les revenus générés d'une partie de ce montant devaient servir à appuyer le renforcement de la capacité et je pense que cela s'élevait à 50 p. 100 des intérêts au maximum.
Le sénateur Moore : Est-ce que cela pourrait servir pour l'infrastructure...
M. Calla : Non, pour le renforcement des capacités.
Le sénateur Moore : Que dites-vous?
M. Calla : À ma connaissance, aucune somme n'a été autorisée pour des projets d'infrastructure.
Le sénateur Moore : Donc on pouvait utiliser 50 p. 100 du montant pour planifier l'infrastructure et déterminer où les maisons allaient être construites, mais non pas pour financer cette infrastructure.
M. Calla : Exact.
M. Kiedrowski : Encore une fois, c'est la Loi sur l'habitation qui donne le cadre d'exécution, et cette loi relève de la SCHL. Cet organisme n'a pas de rôle à jouer en infrastructure. Je crois que le problème est là.
Le sénateur Moore : D'où le besoin, et c'est ce que vous et M. Calla avez dit précédemment, d'obtenir du capital pour construire les logements nécessaires.
M. Kiedrowski : C'est exact.
La sénatrice Beyak : Messieurs, merci pour votre expertise et vos connaissances sur ces questions. Vous êtes tous les deux très sensés, et je vous en remercie. Nous avons tous pour objectif d'améliorer les choses, et la voie à suivre est bien entendu importante.
Monsieur Kiedrowski, j'aimerais que vous répondiez vous aussi à la question que j'ai posée à M. Calla. Par référendum national, j'entends un sondage non contraignant auprès des Premières Nations. Nous ne savons pas exactement combien elles sont. Nous ne savons pas où elles habitent. À propos de capacités, dont vous avez parlé, comment pouvons-nous construire et mener des projets sans savoir où la population souhaite habiter? Je me disais qu'on pourrait le leur demander. On pourrait leur demander où et comment elles souhaitent habiter. Qu'en pensez- vous? À la lumière de l'audit national, nous savons que les Premières Nations ont bien des sources de revenu : les casinos, les ressources naturelles, les traités, les revendications territoriales, le financement fédéral, provincial, municipal, sans compter leurs revenus autonomes. On n'arrive toutefois pas à en connaître le total. Personne n'a pu me dire le montant total que reçoivent les Premières Nations ni le nombre d'entre elles au Canada.
M. Kiedrowski : Merci, sénatrice. Nous examinons les besoins en logement, et c'est une question sur laquelle nous nous penchons.
Je ne crois pas que les données collectées soient mises en commun. À titre d'exemple, les rapports sur l'habitation qui sont présentés à la SCHL nous informent sur le nombre d'occupants. Nous savons qu'AADNC recueille ces mêmes données. Dans son témoignage, mon collègue Malcolm Smith nous a parlé des assurances et de la collecte de données. Ces données sont recueillies ici et là, mais elles ne sont pas mises en commun.
Ces informations pourraient être regroupées, et je crois que c'était le but de la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations. Je ne sais pas quel est l'état d'avancement des travaux, mais je pense bien que c'était l'objectif de cette loi, à savoir collecter toutes ces données pour que nous puissions mieux comprendre les politiques et processus en place.
Les Premières Nations soulèvent elles-mêmes ces questions. Le besoin se fait sentir, et je crois que notre approche actuelle est fragmentaire. Pouvons-nous l'améliorer? Absolument, et c'est nécessaire.
L'ANABPN proposait que les données sur le logement et l'infrastructure soient transmises à au moins une organisation de façon à les gérer, les comprendre et les analyser.
La sénatrice Beyak : Merci beaucoup. Votre réponse nous est très utile.
Le sénateur Enverga : Merci encore une fois pour votre exposé.
Nous essayons d'améliorer la capacité des Premières Nations. Nous avons un rôle à jouer pour qu'elles soient plus autonomes. Je crois toutefois que le problème, c'est la Loi sur les Indiens. À votre avis, quel aspect de la Loi sur les Indiens doit être changé ou pourrait être changé pour réaliser tous ces objectifs? Sur quel aspect de la Loi sur les Indiens faudrait-il se focaliser pour aider les Premières Nations?
M. Kiedrowski : C'est une très bonne question, et je ne suis pas certain d'avoir l'expertise voulue pour cerner les articles de la Loi sur les Indiens sur lesquels il faudrait se concentrer.
À mon avis, qui souhaite véritablement changer les choses ne doit pas faire dans la dentelle; il faut s'attaquer de front au problème, poser des questions, retaper, examiner et apporter des modifications.
La Loi sur les Indiens a probablement besoin d'être repensée de fond en comble. Peaufiner l'un des articles ne servira pas à grand-chose. C'est mon avis sur la question. On ne peut pas simplement modifier un aspect ou un article.
Le président suppléant : Monsieur Calla, vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Calla : Merci. D'autres textes de loi sont dignes de mention : la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations; la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations, qu'on appelle maintenant la Loi sur la gestion financière des premières nations, et la Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières Nations. Ces lois facultatives permettaient aux Premières Nations de déroger à la Loi sur les Indiens dans certains domaines. À l'échelle sectorielle, c'est une possibilité. Ces lois portaient surtout sur le développement économique des Premières Nations.
L'administration des programmes change également. En Colombie-Britannique, par exemple, c'est l'Autorité sanitaire des Premières Nations qui gère le régime de santé. Les Premières Nations se réunissent en collectif et commencent à gérer eux-mêmes. C'est un changement qui se profile.
L'éducation est un autre domaine qui connaît ce type de changement. Je crois qu'un projet de loi a été déposé à cet effet, mais en Colombie-Britannique, nous gérons l'éducation de nos enfants selon cette méthode depuis déjà quelque temps.
On peut procéder par secteur, mais ce n'est pas possible pour certains éléments. Pour ceux-là, il faut des traités ou des ententes sur l'autonomie gouvernementale modernes. Pour procéder communauté par communauté à l'élimination de la Loi sur les Indiens, la démarche à envisager est celle de soustraire chacune d'elles à cette loi au moyen de traités ou d'ententes sur l'autonomie gouvernementale modernes.
Pour que cette notion obtienne une adhésion plus large, ce comité devrait se pencher sur les mandats en place à l'heure actuelle. Peut-être faudrait-il les modifier pour tenir les discussions que nous souhaitons avoir. Si ces questions étaient déjà résolues, nous n'aurions pas le dilemme qu'on connaît aujourd'hui sur ces grands projets.
C'est une question que nous nous posons tous, sénateur, et je vous remercie de l'avoir reposée. Au bout du compte, nous comprendrons mieux les diverses approches que nous pourrions suivre.
Le sénateur Enverga : Je sais que nous allons beaucoup parler de financement et d'appui. Je pense que vous avez raison de dire qu'il faudra renégocier la Loi sur les Indiens, Première Nation par Première Nation.
Monsieur Kiedrowski, êtes-vous du même avis?
M. Kiedrowski : Je suis tout à fait d'accord avec Harold. Absolument.
La sénatrice Raine : J'ai une question sur les codes de bâtiment, dont on a parlé à diverses reprises pendant notre étude. J'aimerais que vous nous rappeliez le rôle de l'Association nationale des agents du bâtiment des Premières Nations. Les Premières Nations — même celles qui s'autogouvernent — semblent hésiter à adopter un code du bâtiment.
Que faudrait-il faire, d'après vous, pour faire avancer ce dossier? À mon avis, un code du bâtiment ne changerait pas grand-chose. Il y a 150 ans, on n'avait pas de code du bâtiment et pourtant un grand nombre de ces maisons sont toujours belles. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Kiedrowski : Permettez-moi de revenir en arrière. Dans les communautés des Premières Nations, le chef et le conseil sont les autorités habilitées. Ceci veut dire qu'elles sont responsables de la construction, notamment, de s'assurer que toute activité de construction est conforme aux codes de la construction. Bref, elles sont responsables de la sécurité des immeubles et des gens qui y vivent.
Le problème, c'est qu'alors que les communautés construisent des maisons, certaines d'entre elles sont certes conformes aux normes, puisqu'il y a l'Association nationale des agents du bâtiment des Premières Nations. Le problème, c'est que d'abord, un grand nombre de ces maisons ne respectent pas les normes nationales de la construction, et cela, malgré les accords conclus entre les Premières Nations, la SCHL ou Affaires autochtones qui stipulent que toute construction doit être conforme aux normes nationales.
Les immeubles ne sont pas conformes pour diverses raisons. Certains entrepreneurs n'ont pas la capacité ou la compréhension voulue du code du bâtiment. Dans d'autres cas, ils dépassent les normes de la construction sans le savoir. Il y a un gaspillage énorme dans ces communautés.
Je me souviens des fondations de maisons en rangée que construisait une communauté dans l'est du pays. Ces fondations étaient bien trop importantes. Ils allaient construire 10 unités, mais le montant de ciment utilisé pour les fondations aurait pu suffire pour 14 unités. Au lieu de construire des fondations d'un pied d'épaisseur, elles faisaient trois pieds d'épaisseur. Ces maisons n'allaient certes jamais s'écrouler, mais elles étaient surconstruites, avec tout le gaspillage que cela suppose.
Ainsi, lorsque des maisons sont construites dans ces communautés, elles ne répondent pas aux normes. Comme conséquence, on constate des décès par incendie. En fait, les décès par incendie sont particulièrement élevés dans les communautés des Premières Nations, puisqu'un grand nombre des maisons ne sont pas dotées d'alarmes, et ne sont pas construites à l'aide de matériaux ignifuges. Par exemple, ils utilisent du bois recyclé qui est mal installé ou qui n'est pas conforme au Code national du bâtiment.
Ainsi, alors que le chef et le conseil sont les autorités habilitées, les maisons ne sont pas construites conformément aux normes du Code national du bâtiment. Nous avons d'ailleurs mené une étude sur ces maisons et avons constaté que le cycle de vie de ces maisons n'est que de cinq ans. Bref, les Premières Nations reconstruisent tous les cinq ans.
Oui, vous me direz qu'il y a un problème de surpeuplement de ces maisons, de la pauvreté, de la piètre maintenance de ces maisons, mais en général, ces maisons ne répondent tout simplement pas aux normes de cycle de vie des vieilles maisons.
Mais pour revenir à votre question : faut-il un code national du bâtiment? Un grand nombre de politiques des Premières Nations visent la compatibilité. C'est-à-dire que les normes doivent être équivalentes en réserve et hors réserve. Peu importe que l'on se trouve en réserve ou hors réserve, il faut retrouver les mêmes capacités, retrouver les mêmes taux de conformité au Code national du bâtiment.
Faut-il donc légiférer? Eh bien, on en parle depuis 10 ans, et un grand nombre de communautés continuent à considérer que la construction de logements est toujours la responsabilité de la SCHL, ou d'Affaires indiennes et du Nord, ce qui n'est absolument pas le cas, puisque ce sont en fait les Premières Nations qui ont compétence. Ce sont elles qui sont responsables de ces logis.
On pourrait également chercher à convaincre, ce que nous avons d'ailleurs essayé de faire. On peut proposer des codes du bâtiment volontaires, on peut les encourager à adopter ces codes, et certaines communautés l'ont déjà fait, avec des résultats très concrets. Par exemple, les Premières Nations de Kamloops et de Westbank sont en train de construire d'excellentes maisons. Et ceci parce que les gestionnaires du logement de ces Premières Nations comprennent les pratiques de construction.
Comme il y a un tel écart à l'échelle du pays au chapitre de la qualité, de la sécurité, des codes de sécurité d'incendie et des décès et blessures, je préconise une loi pour uniformiser les codes du bâtiment et de prévention des incendies.
C'est un autre argument en faveur de l'autonomie gouvernementale. Certains estiment que nous devrions prendre cela en charge. En fait, les Premières Nations ont déjà compétence en la matière; on a donc déjà un très bon modèle.
Je sais que certaines Premières Nations... Sur les 640 que j'ai examinées, il n'y en a probablement qu'une douzaine qui ont adopté des règlements visant l'adaptation des codes du bâtiment et de prévention des incendies. Par conséquent, on y bâtit souvent des maisons qui ne sont pas conformes aux structures de gouvernance des Premières Nations. C'est un problème, car il est impossible pour un inspecteur de stopper la construction d'un immeuble ne respectant pas les normes du Code national du bâtiment.
Le président suppléant : Merci. Sur cette remarque qui nous donne à réfléchir, nous conclurons nos travaux.
Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui, messieurs. Avant de terminer, je vous donne trois minutes. Nous amorcerons la prochaine étape de nos travaux, l'élaboration des recommandations. Selon vous, quelles sont les deux ou trois choses sur lesquelles nous devrions centrer nos recommandations? Pour conclure cette réunion, faites-nous des suggestions précises.
Commençons par M. Calla.
M. Calla : Je crois qu'il faut envisager d'autres modèles pour l'approvisionnement. Je sais que dans la région de l'Atlantique, on examine la possibilité de créer une administration du Canada atlantique pour l'eau dans le cadre de partenariats public-privé. Il ne faut pas craindre le choc causé par le coût de ces infrastructures. Il faut plutôt les comprendre. Ce modèle répond à bien des questions qui ont été soulevées ici. Pourrait-on faire des regroupements? C'est une idée à laquelle il faut réfléchir.
Bien entendu, l'accès aux capitaux et les perspectives économiques qui découlent des solutions à ces problèmes devraient aussi, selon moi, faire partie de votre rapport afin que tous comprennent bien les avantages.
M. Kiedrowski : En résumé, je suggère à votre comité d'examiner les codes du bâtiment, et cela me ramène aux commentaires de la sénatrice Greene Raine. Mais les codes du bâtiment ne sont qu'un élément. Il y a aussi tout ce qui entoure les codes du bâtiment, les politiques d'approvisionnement, les normes de services techniques, la capacité, et les conditions de logement. Les pratiques qui s'appliquent en infrastructure s'appliquent aussi en matière d'approvisionnement et de politique. Vous devriez mettre l'accent sur les codes du bâtiment et de prévention des incendies, qui devront toutefois s'accompagner d'une capacité suffisante afin que l'on comprenne bien comment les mettre en œuvre.
Le président suppléant : Messieurs, au nom de tous les membres du comité, je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Vos témoignages nous ont été très utiles. C'est d'ailleurs pour cela que vous avez été invités. Vos témoignages d'aujourd'hui ont été, comme ceux que vous nous aviez présentés dans le passé, très utiles. Merci beaucoup.
Sur ce, la séance est levée.
(La séance est levée.)