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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 3 - Témoignages du 11 décembre 2013


OTTAWA, le mercredi 11 décembre 2013

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 17, pour étudier la capacité des particuliers à se prévaloir d'un régime enregistré d'épargne-invalidité (REEI), notamment la représentation par un avocat et la capacité des particuliers à conclure un contrat.

Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Nous tenons aujourd'hui notre deuxième séance concernant notre étude sur les régimes enregistrés d'épargne-invalidité, ou les REEI, et notamment la représentation par un avocat et la capacité des particuliers de conclure un contrat. La semaine dernière, nous avons entendu les témoignages de Kevin Sorenson, C.P., député, ministre d'État des Finances, ainsi que des représentants du ministère des Finances. Nous accueillons aujourd'hui M. Vangelis Nikias, qui est gestionnaire de projet concernant la Convention relative aux droits des personnes handicapées au sein du Conseil des Canadiens avec déficiences; et Brendon Pooran, qui représente également ce conseil, de même que l'Association canadienne pour l'intégration communautaire. Du côté de la vidéoconférence, j'espère que vous pouvez nous voir et nous entendre, mais nous avons deux représentants du Planned Lifetime Advocacy Network, soit M. Tim Ames, qui est directeur exécutif, et Joel Crocker, qui est directeur des Politiques et de la planification. Pouvez-vous bien nous entendre et nous voir?

Merci à tous de votre présence. MM. Nikias et Pooran ouvriront le bal, puis ce sera le tour des représentants du Planned Lifetime Advocacy Network.

Monsieur Nikias, vous avez la parole.

Vangelis Nikias, gestionnaire de projet, Convention relative aux droits des personnes handicapées, Conseil des Canadiens avec déficiences : Merci, monsieur le président. Nous sommes ravis de témoigner devant votre comité aujourd'hui. Si vous me le permettez, j'aimerais brièvement parler du Conseil des Canadiens avec déficiences, ou le CCD. Le conseil est une association nationale de personnes handicapées qui cherche à améliorer le statut de ces gens. Ses priorités sont d'atténuer la pauvreté des Canadiens avec des déficiences; de rendre plus inclusif le marché du travail au Canada pour les personnes handicapées; et d'améliorer l'accès aux biens et aux services au Canada pour ces mêmes personnes.

Le CCD a vu le jour en 1976; par sa nature, il aborde diverses déficiences, et son objectif est de rendre le Canada plus accessible et plus inclusif. Parmi les membres du CCD, on retrouve neuf organisations provinciales et sept autres organisations nationales; chaque organisme siège au conseil national.

Le coordinateur national du CCD était l'un des trois membres du groupe d'experts nommé par le ministre Flaherty en vue de créer le REEI. Le CCD collabore depuis longtemps avec les gouvernements et a directement aidé à veiller à ce que la protection contre les discriminations fondées sur les déficiences soit incluse dans la Charte canadienne des droits et libertés. Récemment, nous avons mis l'accent sur l'élaboration, la ratification et la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, soit une convention que le Canada a signée il y a trois ans. Merci.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Nikias. Monsieur Pooran, allez-y.

Brendon D. Pooran, avocat, PooranLaw Professional Corporation, Conseil des Canadiens avec déficiences et Association canadienne pour l'intégration communautaire : Merci, monsieur le président. Bonjour, mesdames, messieurs. Merci de nous avoir invités à venir témoigner devant votre comité au sujet d'une question importante.

Je suis conseiller juridique pour le Conseil des Canadiens avec déficiences, ou le CCD, et l'Association canadienne pour l'intégration communautaire, ou l'ACIC. J'ai deux sœurs qui ont des déficiences sur le plan du développement. En tant qu'avocat, je me spécialise dans les politiques et le droit relatif aux personnes handicapées. Je donne également le cours « Critical Disability Law » à l'Université York.

Fondée en 1958, l'ACIC est une fédération nationale de plus de 40 000 particuliers, de 400 associations locales et de 13 associations provinciales et territoriales qui mettent l'accent sur l'intégration sociale. Elle représente le Canada au sein de l'organisme Inclusion International, soit la fédération internationale des associations qui visent le respect des droits de la personne et l'inclusion des personnes avec une déficience intellectuelle et de leur famille.

Les personnes avec une déficience intellectuelle et leur famille mentionnent souvent que les obligations d'avoir la capacité de conclure un contrat et d'être légalement autorisées à contracter un régime enregistré d'épargne-invalidité empêchent les bénéficiaires admissibles de le faire. Bon nombre sont déchirés; ils doivent choisir entre leur désir d'assurer la sécurité financière de leur proche et la stigmatisation et la restriction des droits fondamentaux à la liberté qu'ils savent inévitables lorsque le proche fait officiellement l'objet d'une ordonnance de tutelle ou qu'un mandataire est officiellement nommé.

En 2008, des modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu ont permis la création de REEI, mais elles semblent rendre inadmissibles à contracter un tel régime les adultes qui ont des déficiences, alors qu'ils y seraient admissibles, si un tribunal établissait qu'ils en ont la capacité.

La loi exige qu'un « responsable » qui est légalement autorisé à agir au nom du bénéficiaire lui contracte un REEI. Cette exigence ne traduit pas l'évolution des lois et des politiques au Canada, en particulier la ratification par le Canada de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. La convention onusienne reconnaît la stigmatisation que vivent les personnes qui sont officiellement qualifiées « d'incapables », qui ne peuvent pas exercer leurs capacités dans la prise de décisions et qui voient d'autres personnes être officiellement désignées comme mandataires pour prendre des décisions en leur nom. Dans bien des provinces et des territoires, pour qu'un particulier soit bénéficiaire d'un REEI, il faut évaluer officiellement ses capacités; on doit établir qu'il est incapable de gérer ses affaires; le particulier doit renoncer à pouvoir participer aux décisions; et il doit faire l'objet d'une ordonnance de tutelle.

Les conséquences d'une telle lacune dans la loi signifient qu'une forte proportion de la population qui devait bénéficier de REEI ne peut actuellement pas le faire. Depuis la création des REEI en 2008, les particuliers qui sont confrontés à cet obstacle ont perdu 27 000 $ en cotisations provenant du gouvernement fédéral. En ce qui concerne les gens qui ont maintenant 49 ans, ces cotisations sont perdues à tout jamais. Chaque 31 décembre qui passe, les bénéficiaires admissibles qui ont moins de 49 ans sont privés de 16 500 $ en cotisations fédérales, et c'est sans compter les contributions privées et la croissance de leur investissement.

Je dois de nouveau souligner ce point. À la fin du mois, soit dans 20 jours, une nouvelle cohorte de bénéficiaires admissibles ne profitera pas de cotisations du gouvernement, parce qu'ils seront rendus « trop vieux » pour en recevoir. Il va sans dire que cette question requiert une solution urgente et immédiate.

L'ACIC, le CCD, PooranLaw et le PLAN ont mené des recherches juridiques exhaustives en vue d'examiner des solutions possibles et d'esquisser une « option canadienne » que nous pourrions élaborer conformément aux paramètres de la loi en nous fondant sur les principes qui encadrent la prise de décision assistée.

Nous avons présenté cette solution au ministre des Finances en 2011. À notre grande déception, la solution n'a pas été retenue. On nous a fait valoir qu'une solution nationale, au lieu d'une solution pour chaque province et territoire, ne serait peut-être pas du ressort du gouvernement fédéral. Le problème est que « la propriété et les droits civils dans la province » font partie, en vertu de l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, des pouvoirs exclusifs des législatures provinciales et que le gouvernement fédéral ne peut pas adopter de nouvelles règles ou définitions dans les lois en ce qui concerne la capacité juridique. Selon notre analyse juridique, n'en déplaise au ministère, nous croyons que son interprétation de la jurisprudence et de la doctrine juridique était incorrecte. J'aborderai la question des compétences dans quelques instants.

J'aimerais d'abord vous donner un aperçu de notre solution canadienne. Cette dernière comprend un formulaire du gouvernement fédéral qui est autorisé par Finances Canada et l'Agence du revenu du Canada. Ce document permet de désigner un ou des responsables, comme le définit la Loi de l'impôt sur le revenu, qui peuvent agir à titre de titulaires conjoints du REEI en leur qualité d'aidants à la prise de décisions d'un bénéficiaire adulte.

Dans le cas de bénéficiaires adultes qui sont réputés ne pas avoir la capacité de conclure un contrat, le formulaire permet de désigner légalement un ou des responsables et permet à des personnes qui ont des liens spéciaux avec le bénéficiaire d'être désignées comme responsables, si un bénéficiaire n'est pas en mesure de donner des directives.

La capacité de faire une telle désignation se trouve dans la Representation Agreement Act en Colombie-Britannique, et il faut que le bénéficiaire adulte ait une relation de confiance avec son représentant.

Nous comprenons qu'il importe de protéger les intérêts des personnes vulnérables en raison de leur déficience intellectuelle, tout en assurant leur participation dans les décisions qui les regardent, en faisant valoir leurs droits et en veillant à leur dignité.

À cette fin, le formulaire exige qu'une tierce partie non liée témoigne de la nature de la relation entre le bénéficiaire adulte et le responsable, si le bénéficiaire n'est pas en mesure de donner des directives. Toutes les signatures sur le formulaire doivent être attestées.

Tous les aidants à la prise de décisions assistée doivent souscrire aux principes en ce sens; ils doivent s'engager à assumer la responsabilité fiduciaire en leur qualité de titulaires conjoints d'un régime; ils doivent attester qu'ils ne se trouvent pas en conflit d'intérêts; et ils doivent s'engager à assumer toute responsabilité s'ils posent des gestes répréhensibles.

Il importe de souligner que les institutions financières, les tuteurs ou les curateurs publics provinciaux et NAPTAG ont également participé au processus d'élaboration de la solution.

Je vais laisser à mes collègues du PLAN le soin de vous décrire plus en détail la solution. J'aimerais maintenant revenir sur la question des compétences. Ce ne seront pas les commentaires les plus éclairés, mais je tiens à les dire aux fins du compte rendu, parce que je crois que c'est important.

Dans un document de l'ACIC, nous avons conclu que la question de la représentation légale dans le cadre des REEI pouvait être abordée par une série de mesures que l'un des deux pouvoirs législatifs au Canada, ou les deux, pouvaient mettre en œuvre. Nous en sommes arrivés à cette conclusion en nous basant sur une analyse du professeur Peter Hogg sur la séparation des pouvoirs au Canada dans la Constitution entre les législatures et les gouvernements fédéraux et provinciaux.

M. Hogg a examiné un certain nombre d'affaires juridiques qui remontent jusqu'en 1970 dans lesquelles la Cour suprême du Canada s'est demandé à quel point le gouvernement fédéral pouvait empiéter sur les compétences accordées aux provinces par l'AANB, ou vice-versa. Pour que le gouvernement fédéral ait le droit d'empiéter sur les questions du ressort des provinces, il faut que cela respecte le critère prévalant du « lien rationnel et fonctionnel » entre les éléments d'une loi fédérale qui relève clairement des pouvoirs du Parlement du Canada et la compétence « en litige » qui est normalement du ressort des provinces ou des territoires. Ce principe a été établi dans l'arrêt Multiple Access Ltd. c. McCutcheon.

Le précédent lié à cette cause a été suivi en 1989 par l'arrêt General Motors of Canada Ltd. c. City National Leasing; la décision apportait des précisions quant à la manière de faire la distinction entre des empiétements « mineurs », c'est- à-dire qu'un simple lien logique suffit pour justifier l'exercice d'un pouvoir normalement réservé aux provinces, et des empiétements « majeurs », à savoir que l'exercice d'une compétence provinciale par le gouvernement fédéral doit être essentiel à la création d'une loi nationale efficace. Si la loi fédérale empiète seulement « d'une façon restreinte » sur une compétence provinciale, on n'est même pas tenu d'examiner si un tel geste était nécessaire.

Nous sommes d'avis qu'une révision des règles encadrant la capacité de conclure un contrat en vue de contracter un REEI ne serait en fait qu'un empiétement très restreint de la part du gouvernement fédéral sur la propriété et les droits civils. Qui plus est, on pourrait faire valoir que c'est en fait essentiel d'éliminer les disparités fondées sur les déficiences ou sur la province ou le territoire de résidence dans un programme fédéral, comme les REEI.

L'élaboration d'une « solution nationale uniforme » qui inclut une action directe de la part du gouvernement fédéral dans des compétences qui sont normalement du ressort des provinces et des territoires a également été abordée et confirmée par la Cour suprême en 2005 dans l'arrêt Kirkbi c. Ritvik Holdings.

Plus récemment, en ce qui concerne un projet de loi sur les valeurs mobilières, la Cour suprême a reconfirmé en décembre 2011 le raisonnement expliqué dans l'arrêt General Motors. Par contre, elle a fait une distinction concernant le projet de loi sur les valeurs mobilières; elle a souligné que ce dernier aurait comme effet de dédoubler et de déplacer les organismes provinciaux et territoriaux qui encadrent les valeurs mobilières.

Nous avançons que la solution proposée au problème lié à la capacité de conclure un contrat dans les dispositions fédérales sur le REEI a clairement comme objectif d'assurer une uniformité dans l'ensemble du pays, sans limiter d'aucune façon la capacité des provinces et des territoires d'adopter des lois ou de conserver leurs mesures législatives actuelles en ce qui concerne la définition d'un « responsable » aux fins des REEI. Par conséquent, cette solution n'irait pas à l'encontre des principes de la séparation des pouvoirs dans la Constitution, selon l'interprétation des tribunaux. Qui plus est, la solution fédérale en vue de régler la question de la représentation légale ne s'appliquerait que dans le contexte des REEI; ainsi, l'empiétement fédéral sur une compétence provinciale ou territoriale ne risquerait aucunement de s'empirer et de devenir inacceptable sur le plan juridique.

En conclusion, nous croyons que le gouvernement fédéral peut légalement mettre en œuvre une solution nationale. Cette option est beaucoup mieux que d'avoir des lois disparates dans les provinces et les territoires en vue d'aborder l'enjeu. Un cadre politique et législatif uniforme nous assurerait que les Canadiens avec des déficiences qui sont admissibles ont accès aux avantages des REEI, peu importe le type ou l'ampleur de leur handicap ou leur province ou leur territoire de résidence.

En ce qui a trait à la mise en œuvre, je suis convaincu que les institutions financières préféreraient également avoir une solution nationale plutôt que de devoir élaborer de nouveaux processus et apporter des améliorations aux systèmes en vue d'incorporer des solutions législatives qui satisfont aux exigences des provinces et des territoires.

Nous arrivons à la fin de la sixième année d'existence des REEI. Les lacunes législatives ont fait en sorte que le taux de participation parmi les bénéficiaires potentiels de REEI est de moins de 15 p. 100. Dans 20 jours, une autre cohorte de bénéficiaires admissibles perdra injustement la possibilité de profiter de ce programme avantageux.

Le problème législatif a beaucoup monopolisé l'attention de nos organismes respectifs depuis l'entrée en vigueur du REEI en 2008. Nous serions plus que disposés à collaborer avec vous au cours des prochains mois en vue de concrétiser une solution nationale pour nos collectivités.

Le président : Monsieur Ames, vous avez la parole. Avez-vous un exposé?

Tim Ames, directeur exécutif, Planned Lifetime Advocacy Network : Oui. Merci beaucoup, monsieur le président.

Le PLAN, soit le Planned Lifetime Advocacy Network, est un organisme de 23 ans qui met l'accent sur les familles; nous avons des organismes affiliés partout au Canada. Notre principale mission est de créer des réseaux sociaux en vue de soutenir nos familles, nos proches, nos fils et nos filles; de plus, nous défendons leurs intérêts et nous offrons des outils en vue de planifier et de préparer l'avenir de ces personnes pour qu'ils aient une bonne vie après le départ de leurs parents.

Le PLAN est né de l'initiative d'un groupe de familles qui ont réalisé, lorsque tous les établissements en Colombie- Britannique fermaient leurs portes, que leurs proches leur survivront probablement. Ces familles cherchaient des solutions novatrices concernant ce qui se passerait après leur départ. Le PLAN a vu le jour en vue de créer de solides réseaux sociaux de soutien qui sont ancrés dans la collectivité pour les personnes handicapées. Nous voulons également nous assurer que les droits de ces personnes sont respectés et maintenus tout au long de leur vie.

L'autre élément qui accapare beaucoup notre temps et notre énergie concerne les outils en vue de planifier l'avenir, comme les REEI, les testaments, les fiducies et les successions; ainsi, nous nous assurons qu'après le départ des parents, les fils et les filles auront un avenir solide et durable.

Merci beaucoup de nous avoir donné l'occasion de témoigner devant votre comité.

Le président : Merci beaucoup.

Si vous me le permettez, monsieur Pooran, selon ce que j'en comprends, un territoire et quatre provinces ont adopté des lois, soit la Colombie-Britannique, la Saskatchewan, le Manitoba et Terre-Neuve-et-Labrador. Est-ce que le programme des REEI fonctionne dans ces provinces?

M. Pooran : Je crois que je vais laisser MM. Ames ou Crocker du PLAN y répondre. Ils sont en Colombie- Britannique, et cette province a adopté la Representation Agreement Act avant la création des REEI. Donc, la question de la représentation légale n'a jamais été un problème en Colombie-Britannique.

Le président : Je suis peut-être allé un peu trop vite. Monsieur Crocker, je crois que vous avez une déclaration préliminaire. Je m'excuse de ne pas vous avoir donné l'occasion de la faire avant de passer aux questions.

Joel Crocker, directeur, Politiques et planification, Planned Lifetime Advocacy Network : Ce n'est rien. J'ai bel et bien une déclaration. Je vais d'abord la faire, puis je répondrai à votre question.

Nous aimerions d'abord vous remercier; nous sommes ravis d'être ici. C'est le début d'un nouvel examen des REEI, et nous vous sommes reconnaissants de l'excellent travail du gouvernement concernant l'élaboration des REEI, le premier examen il y a trois ans et les modifications qui en ont découlé. Il y avait eu une vaste consultation; nous avons entendu beaucoup de propositions, et les décisions étaient réfléchies. Nous en sommes heureux, et nous espérons voir le même engouement cette fois-ci.

L'une des conséquences imprévues des modifications annoncées dans le budget 2012 est que le REEI, qui est déjà un programme assez complexe, l'est devenu encore plus. Il y a plus d'éléments à tenir compte. De plus, certaines solutions retenues auraient pu être un peu plus simples. Parmi celles-ci, nous retrouvons le sujet dont il est question aujourd'hui, soit l'élargissement temporaire de la définition des personnes qui peuvent être titulaires d'un régime pour un bénéficiaire adulte en vue d'inclure les conjoints ou les conjoints de fait ou un proche, et ce, jusqu'à la fin de 2016.

La représentation dans les REEI est un enjeu important, comme M. Pooran l'a souligné. En se préparant au précédent examen, le PLAN a participé à de vastes discussions partout au pays. Nous avons reçu des commentaires de plus de 1 200 particuliers et avons réalisé deux sondages nationaux. Environ 10 p. 100 des répondants ont dit que les questions liées à la capacité de conclure un contrat étaient le principal problème des REEI et la raison pour laquelle ils n'avaient pas encore contracté un tel régime.

Étant donné que la capacité de conclure un contrat de la majorité des personnes handicapées n'est pas un problème — bon nombre ont des troubles du développement, mais il ne s'agit pas du segment de la population que le PLAN vise précisément —, nous trouvions que 10 p. 100 était élevé. De surcroît, en Colombie-Britannique, où nous sommes, les gens ne considèrent pas cet aspect comme un enjeu, compte tenu de la Representation Agreement Act.

Depuis l'entrée en vigueur des mesures temporaires, nous continuons de recevoir des commentaires et des préoccupations concernant les REEI. Nous avons constaté qu'il n'y a pas vraiment eu de hausse visible du taux de participation dans les REEI après 2012, lors de l'entrée en vigueur des mesures temporaires. Nous en sommes venus à cette conclusion, parce qu'il faut un certain temps avant que l'information se rende au public, aux bénéficiaires, aux familles et aux institutions financières, en particulier. Nous avons entendu des cas répétés de confusion et de renseignements erronés communiqués aux familles. Nous espérons que les modifications qui seront apportées seront très claires et très simples et qu'elles seront adoptées de manière permanente. Ainsi, au fil du temps, les gens n'ont pas à se réhabituer à de nouvelles dispositions. Lorsque les présentes dispositions temporaires arriveront à échéance ou probablement d'ici là, les gens auront commencé à s'y habituer; entretemps, une autre mesure entrera en vigueur. Selon nous, plus tôt sera le mieux. Il faut que ce soit une mesure nationale et permanente.

En effet, les provinces apportent des modifications concernant la notion de représentation. On nous avait dit que la mesure temporaire concernant les REEI avait comme objectif d'inciter les provinces et les territoires à apporter des modifications. Même si c'est bien, le processus est lent, et les résultats varieront. Nous nous retrouverons avec une mosaïque, comme certains l'ont mentionné.

Le ministre des Finances souhaite créer un organisme national de réglementation des valeurs mobilières pour remplacer les présents mécanismes disparates; dans le même ordre d'idées, nous aimerions avoir un fonctionnement plus uniforme sur la scène nationale en ce qui concerne les gens qui contractent un REEI. Comme M. Pooran l'a soulevé, certains d'entre nous ont formulé une proposition qui comprend un formulaire qui s'appliquerait uniquement aux REEI. Ce document n'aborde pas de manière générale la question de la représentation, ce qui est important, mais il vise précisément les REEI, étant donné qu'il faut que les gens admissibles contractent un tel régime le plus rapidement possible avant d'être trop vieux ou de perdre de possibles avantages.

Nous nous sommes servis de la Representation Agreement Act de la Colombie-Britannique comme base pour le formulaire. Les partisans de la prise de décision assistée affirment que cette loi britanno-colombienne est ce qui se rapproche le plus au Canada de la véritable prise de décision assistée qui correspond à l'article 12 de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. À l'instar de la Representation Agreement Act de la Colombie-Britannique, notre formulaire permet à un bénéficiaire admissible à un REEI de désigner un responsable qui deviendra titulaire conjoint d'un régime ou de revenir sur une telle décision. Pour ce faire, il faudrait élargir la définition de « responsable » dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Un responsable pourrait être un membre de la famille ou une personne en qui le bénéficiaire a confiance.

En remplissant le formulaire, la personne s'engage, en gros, à agir honnêtement et de bonne foi, à agir avec le soin, la diligence et la compétence dont ferait preuve une personne prudente et à prendre des décisions au nom du bénéficiaire en s'appuyant sur les croyances et les valeurs connues dudit bénéficiaire.

Les émetteurs recevraient des directives du titulaire, mais le formulaire ferait en sorte que les responsables s'engageraient à consulter en premier le bénéficiaire.

Le processus de désignation inclurait les gens qui ne sont peut-être pas en mesure de donner des directives; personne ne serait exclu. Cela signifie que le bénéficiaire pourrait désigner le responsable ou que ce dernier pourrait se désigner lui-même, si le bénéficiaire n'est pas en mesure de le faire. Cependant, dans tous les cas, une tierce partie témoignerait de la relation entre le responsable et le bénéficiaire.

Encore une fois, la principale tâche d'un titulaire de régime est d'aider le bénéficiaire dans l'exercice de sa capacité de contracter et de gérer un REEI. Le bénéficiaire participerait à la prise de toutes les décisions, comme l'exige la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées.

Pendant les longues discussions au sujet de notre proposition, les participants ont largement reconnu que le mécanisme ne présentait pas plus de risques que les systèmes actuels au Canada. En fait, un grand nombre s'accordaient pour dire que le responsable aux termes de notre proposition est une option qui comporte moins de risques qu'une personne qui assume ce rôle en raison d'une tutelle, d'une curatelle, et cetera. Dans notre proposition, les responsables sont désignés dans le seul but de contracter un REEI. Plus une personne exerce un contrôle sur une autre, et plus elle risque de s'en servir à mauvais escient.

Encore une fois, cela reprend les principes de la Representation Agreement Act de la Colombie-Britannique qui permet de désigner un représentant qui s'occupera d'un aspect précis. En Colombie-Britannique, un particulier peut avoir plusieurs ententes de représentation avec diverses personnes. La majorité des autres formes de représentation au Canada exige qu'un particulier renonce à tous ses droits de prendre des décisions, ce qui inclut son autonomie, sa dignité et sa citoyenneté pour tout simplement avoir, par exemple, un compte bancaire; pour tout simplement contracter un REEI et épargner; pour tout simplement planifier son avenir en vue de réaliser, un jour, un rêve qui lui coûtera peut-être plus que ce qu'il peut se permette avec ses actifs et un revenu se situant sur le seuil de la pauvreté que les provinces et les territoires fixent.

Nous sommes ouverts à des modifications au sujet de notre proposition, mais un vaste consensus d'intervenants s'accorde pour dire que c'est une solution appropriée, parce qu'elle aborde les enjeux clés qui visent à nous assurer des droits des personnes handicapées de jouir comme les autres de leur capacité juridique, tout en protégeant les gens vulnérables de l'exploitation financière.

Or, la solution a bien entendu été rejetée, et en lieu et place, nous avons une mesure temporaire qui obligera, comme je l'ai mentionné, les institutions financières à composer avec une mosaïque fragmentée de solutions disparates au pays. Nous prévoyons que la confusion qui règne continuera d'engendrer des erreurs. D'ici à ce que chaque province adopte une solution, des Canadiens continueront de ne pas avoir accès aux REEI. Il est possible que certaines provinces n'adoptent jamais une solution raisonnable fondée sur la prise de décisions assistée.

Qui plus est, la mesure temporaire mise en œuvre permet seulement aux parents, aux conjoints et aux conjoints de fait d'agir à titre de titulaires d'un régime. Nous aimerions que ce soit étendu à tous les membres de la famille. En fait, nous aurions aimé que les gens en qui le bénéficiaire a confiance, comme un ami, soient inclus. Lorsque nous avons demandé pourquoi avoir restreint autant la définition, le gouvernement a répondu que cela comportait tout simplement trop de risques, mais nous ne sommes pas d'accord. Encore une fois, en ce qui a trait aux principes généraux de la prise de décisions assistée, les risques d'exploitation des bénéficiaires ne sont pas plus élevés dans notre projet de réforme des règles relatives aux REEI et pourraient même l'être beaucoup moins que dans le cas d'une curatelle qui accorde à un responsable le contrôle total et exclusif sur le processus et la gestion future du régime.

Encore une fois, nous espérons rectifier le tir dans l'ensemble du Canada, mais nous voulons d'abord rendre les REEI aussi simples et aussi accessibles que possible. Évitons de répéter les modifications trop complexes de la dernière fois et adoptons une solution raisonnable et simple. Merci.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Crocker.

Pour revenir à ma question, vous vous dites préoccupés par une série de systèmes disparates dans les provinces. Vous recommandez une solution nationale. Dans les quatre provinces qui ont modifié leurs règles, le fonctionnement du système vous satisfait-il actuellement?

M. Crocker : Comme M. Pooran l'a indiqué, cela fonctionne en Colombie-Britannique. L'entente de représentation a précédé le REEI, et lorsque le REEI a été mis en place, les gens ont tout simplement eu recours à l'entente de représentation, qui est un formulaire, pour se rendre dans une institution financière et ouvrir un REEI. Toutefois, une personne qui n'avait pas la capacité de conclure un contrat pouvait autoriser quelqu'un à ouvrir un REEI en son nom.

Le président : Dites-vous que cela ne pose pas problème en Colombie-Britannique actuellement?

M. Crocker : C'est exact. En Colombie-Britannique, cela n'a pas été un problème.

Le président : À votre connaissance, est-ce un problème en Saskatchewan, au Manitoba et à Terre-Neuve-et- Labrador qui, d'après ce que j'ai compris, ont aussi modifié leurs lois en fonction du REEI?

M. Crocker : C'est une excellente discussion. Nous avons eu des discussions avec les gens de ces provinces, où l'on est en voie de mettre en place certains nouveaux éléments. Je n'ai rien entendu qui indique avec certitude si le problème a été résolu ou non.

Le président : Merci. Je vais passer aux questions des sénateurs. Nous commençons par le sénateur Black, suivi du sénateur Massicotte.

Le sénateur Black : Merci beaucoup, monsieur le président. Messieurs, je vous remercie; pas seulement d'être ici aujourd'hui, mais aussi du travail très important que vous faites pour les Canadiens. Je vous en suis très reconnaissant.

Comme l'a indiqué un des témoins, il ne fait aucun doute que c'est extraordinairement compliqué. J'aimerais avoir des explications sur quelque chose que j'ai de la difficulté à comprendre, et je sais que vous pouvez tous m'aider. Je crois comprendre que vous proposez ce que nous allons appeler la « solution canadienne », ce qui me semble excellent. Je vous le dis d'entrée de jeu : je pense que c'est une excellente solution, une solution fort sensée. Mais j'entends aussi dire que le ministère de la Justice vous a avisé que cela ne serait pas viable sur le plan constitutionnel.

M. Pooran : Ce n'est pas le ministère de la Justice, mais le ministère des Finances.

Le sénateur Black : On a conclu que ce plan, aussi bon soit-il, ne fonctionnera pas, malheureusement.

M. Pooran : La solution a été présentée.

Le sénateur Black : Répondez simplement par oui ou non. Je pense que c'est là où nous en sommes, n'est-ce pas?

M. Pooran : Oui, en effet.

Le sénateur Black : Donc, pour l'avenir, nous devons trouver une solution qui permet aux groupes représentés en question de satisfaire aux besoins que vous venez de décrire.

Or, j'aimerais savoir qui, précisément, fait partie du groupe représenté. C'est ce que j'ai de la difficulté à comprendre. Je vais vous dire ce que je crois comprendre, et si je fais erreur, je vous prie de me corriger.

Les personnes qui ont une incapacité autre qu'une incapacité mentale peuvent ouvrir un REEI sans problème.

M. Pooran : Oui.

Le sénateur Black : Nous arrivons donc au groupe de personnes qui ont une incapacité mentale.

M. Pooran : Oui.

Le sénateur Black : Retirez de ce groupe les personnes qui ont une incapacité mentale, mais dont les parents, le conjoint ou le conjoint de fait peuvent agir en leur nom. Ce groupe a accès au REEI.

M. Pooran : Oui.

Le sénateur Black : Il nous reste maintenant un groupe de personnes frappées d'incapacité mentale, sans le groupe d'appui défini non pas dans la loi, mais dans les règles en vigueur, n'est-ce pas?

M. Pooran : Oui. Il y a aussi un autre groupe.

Le sénateur Black : D'accord; très bien.

M. Pooran : Selon la loi provinciale, les personnes ayant une déficience développementale peuvent être considérées comme capables de gérer leurs propres biens et, par conséquent, ils peuvent être en mesure d'accéder à un REEI. Il peut également y avoir des autorisations juridiques qui permettent aux particuliers d'accorder, disons, une délégation de pouvoir permanente concernant les biens qui autorise légalement quelqu'un d'autre à agir en leur nom.

Le sénateur Black : Je comprends cela. Vous serez certainement d'accord avec moi pour dire que nous ne parlons pas seulement d'un groupe très restreint de gens du milieu des personnes handicapées, mais que nous parlons probablement d'un groupe qui n'aura peut-être jamais besoin d'un REEI ou qui n'en dépendra jamais. Est-ce exact?

M. Pooran : Non.

Le sénateur Black : Voilà ce que je veux comprendre.

M. Pooran : Très bien.

Le sénateur Black : Je vois ce bassin comme un petit groupe de gens qui ont une déficience mentale et qui n'ont aucun soutien.

M. Pooran : Exact.

Le sénateur Black : Des gens qui, dans la plupart des cas, je suppose, sont déjà pris en charge.

M. Pooran : Eh bien, ils sont peut-être pris en charge, mais même si c'est le cas, cela ne veut pas dire qu'ils sont dans une situation idéale. Ce que je veux dire, c'est qu'ils pourraient être dans un foyer collectif.

Le sénateur Black : D'accord.

M. Pooran : Et il est possible qu'ils veuillent en sortir un moment donné.

L'autre aspect, c'est que les personnes qui ont encore un parent ou un conjoint ne les auront pas pour toujours.

Le sénateur Black : Oh, bien entendu.

M. Pooran : La planification successorale pour ces familles constitue une bonne partie de ma pratique. Je dirais que près de la moitié des familles avec lesquelles je travaille n'ouvriront pas un REEI pour leur fils ou leur fille parce qu'ils sont trop inquiets de ce qu'il adviendra du REEI lorsqu'ils seront décédés.

Le sénateur Black : Je vois. C'est très utile. Donc, nous avons déterminé qu'il s'agit d'un petit groupe, mais vous croyez que ces gens doivent avoir accès à ce produit.

M. Pooran : Proportionnellement, c'est peut-être un petit groupe, mais en chiffres réels, je pense qu'ils représentent tout de même un segment important de la population.

Le sénateur Black : Je n'essaie aucunement d'en réduire l'importance; je veux seulement comprendre. Pour revenir à la question du sénateur Gerstein, le modèle de la Colombie-Britannique fonctionne?

M. Pooran : Oui.

Le sénateur Black : Donc, la solution existe.

M. Pooran : En effet. Or, il faut savoir que le modèle de la Colombie-Britannique, comme dans deux ou trois autres provinces, je crois, est de nature plus large. En Colombie-Britannique, comme l'a indiqué M. Crocker, la Representation Agreement Act a précédé le REEI; il s'agit donc de mesures législatives qui ne sont pas uniquement conçues en fonction du REEI. Je pense que c'est seulement à Terre-Neuve-et-Labrador que l'on trouve une loi qui ne vise que le REEI.

Le sénateur Black : Très bien. C'était très utile; merci beaucoup.

M. Pooran : Il n'y a pas de quoi.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie tous d'être venus aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants.

À l'instar du sénateur Black, j'essaie simplement d'avoir une meilleure idée de la question. Les fonctionnaires nous ont dit qu'environ 15 p. 100 des ayants droit potentiels du régime y participent. On semble satisfait des progrès enregistrés, compte tenu du nombre d'années écoulées depuis sa création. Néanmoins, je crois que 15 p. 100, cela signifie que 85 p. 100 des gens ne participent pas.

Monsieur Pooran, ce 15 p. 100 est-il un bon pourcentage? Devrions-nous être relativement satisfaits? Sinon, que devrait être notre objectif?

M. Pooran : Je pense que les fonctionnaires disent vrai; nous n'en sommes qu'à la sixième année. C'est un régime assez complexe. Je pense que les gens ont de la difficulté à croire que le régime a été mis en place. De notre point de vue, il est extrêmement généreux. C'est l'un des régimes de prestations de soutien du revenu pour les personnes handicapées les plus progressistes au monde, sinon le plus progressiste. Les gens ont de la difficulté à se rendre compte que cela s'est vraiment concrétisé.

Toutefois, il existe certains obstacles qui empêchent les gens et les membres de leur famille d'ouvrir un compte de REEI. Ce sont des obstacles très importants.

Le sénateur Massicotte : Parlez-vous des obstacles d'ordre juridique?

M. Pooran : L'un des obstacles est d'ordre juridique, et l'autre est quelque chose dont nous avons parlé auparavant, soit la combinaison de la période de retenue de 10 ans et de la formule fondée sur l'espérance de vie que l'on utilise pour l'encaissement et les retraits du REEI.

Le sénateur Massicotte : Quel pourcentage cela représente-t-il chez les personnes qui pourraient participer — le 85 p. 100?

M. Pooran : Je ne saurais le dire. Puisque l'incapacité varie — et la présomption de capacité existe dans pratiquement toutes les administrations au Canada —, un très petit pourcentage de la population est officiellement réputé incapable.

Le sénateur Massicotte : Essentiellement, le sénateur Black vous a forcé à segmenter cette population. Si vous vous en tenez à ceux qui ont une incapacité, parmi l'ensemble des personnes handicapées, quel pourcentage constitue le segment des personnes qui n'ont pas cette relation de confiance avec une personne à charge?

M. Pooran : Je ne le sais pas.

Le sénateur Massicotte : Est-ce moins de 5 p. 100?

M. Pooran : Je sais qu'au Canada, les personnes handicapées représentent 15 ou 16 p. 100 de la population. Sentez- vous libre d'intervenir, monsieur Nikias. Je ne connais pas la ventilation des chiffres en ce qui a trait aux personnes qui seraient réputées incapables et, de ce groupe, combien n'auraient personne pour les appuyer. Encore une fois, je pense qu'il est important de comprendre que c'est aussi un problème important pour les gens qui ont du soutien parce qu'au décès de leurs parents, personne ne prend le relais.

Le sénateur Massicotte : En Colombie-Britannique, le problème est en grande partie réglé. Quel est votre pourcentage d'adhésion au programme?

M. Crocker : En général, il est comparable à celui que l'on observe dans le reste du pays.

Le sénateur Massicotte : Comment l'expliquez-vous, étant donné que vous semblez avoir éliminé l'obstacle le plus important à une meilleure participation?

M. Crocker : Nous n'avons pas dit que c'était l'obstacle le plus important, mais c'est un problème. La position du PLAN, à l'exception du nombre restreint de personnes qui sont confrontées à ce problème, c'est que le Canada a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, dont l'article 12 prévoit essentiellement que les personnes handicapées doivent être sur un pied d'égalité avec tout le monde. Voilà notre position. Le REEI ne fait que révéler le fait que certaines personnes dans cette situation ne peuvent exercer une citoyenneté égale et à part entière et ne peuvent exercer pleinement leurs droits.

Le sénateur Massicotte : Vous avez parlé d'un sondage sur le taux de participation potentiel. Si possible, cernez trois problèmes qui nuisent à une meilleure participation. Quelles seraient ces trois choses?

M. Crocker : Le manque de connaissances est un élément important. C'est une combinaison de facteurs : d'une part, il s'agit d'un nouveau régime; d'autre part, la population des personnes handicapées est relativement petite. On prévoit qu'un demi-million de Canadiens bénéficieront de ce programme au Canada. Même si c'est un chiffre important, on ne parle pas d'autant de personnes qui pourraient avoir un REER, par exemple. Les banques n'en font pas nécessairement la promotion et il y a beaucoup d'informations erronées qui y circulent. Tout cela ne fait qu'entraîner une désinformation.

Souvent, les personnes handicapées n'exercent pas pleinement leurs droits au sein de la société canadienne. Beaucoup ne sont pas à l'aise de se présenter dans une banque, ni de parler à un caissier ou une caissière. Il y a un éventail de raisons qui expliquent pourquoi il en est ainsi, mais nous avons la ferme intention d'éliminer ces obstacles.

Le sénateur Massicotte : Outre la communication, quel autre aspect y aurait-il? Vous avez dit qu'il s'agit essentiellement d'un manque de connaissances, d'un manque de communication. Quels sont les deuxième et troisième obstacles les plus importants à une meilleure participation?

M. Crocker : Manifestement, l'âge est un problème, mais on parle d'un arrêt complet. Il y a une limite d'âge. C'est simplement lié à un manque de connaissances et aux questions d'âge. En vérité, la diffusion de l'information est le problème le plus important. Bien entendu, il y a aussi le crédit d'impôt pour personnes handicapées. Remplir ce formulaire est très complexe. Il semble toujours y avoir quelque chose qui change au fil du temps. Ce qui était auparavant approuvé pour le crédit d'impôt pour personnes handicapées ne l'est plus, ou quelqu'un à qui l'on avait accordé une période plus longue se voit maintenant accorder une période plus courte.

Auparavant, une personne remplissait un formulaire, et la demande était acceptée ou rejetée. Maintenant, il est fréquent que l'on envoie des formulaires secondaires au médecin praticien pour valider certaines réponses. Cela se fait à l'insu du bénéficiaire. Souvent, il s'agit d'un très long formulaire que les médecins et les praticiens trouvent déroutant. Donc, il arrive fréquemment qu'ils ne comprennent pas ou qu'ils fournissent une réponse erronée parce que les questions ne sont pas claires. Voilà les commentaires que nous recevons, en général.

C'est ce qui explique pourquoi certaines personnes voient leur demande refusée. Donc, c'est là aussi un obstacle majeur. Bien entendu, c'est essentiellement le crédit d'impôt pour personnes handicapées qui rend admissible au REEI.

M. Pooran : L'autre élément, c'est que les parents craignent que les bénéficiaires du régime ne puissent pas toucher ces sommes en raison de la restriction qui prévoit un délai d'attente de 10 ans entre la dernière contribution du gouvernement du Canada et le premier retrait du REEI et de la formule utilisée pour le calcul des paiements viagers pour invalidité où l'on divise la juste valeur marchande du régime par l'espérance de vie.

L'espérance de vie est fixée à 83 ans, ce qui signifie que dans beaucoup de cas, les gens devront attendre jusqu'à l'âge de 59 ans pour retirer des fonds du régime. Selon la nature de leur incapacité, ces gens pourraient vivre jusqu'à l'âge de 83 ans, ou non. Par conséquent, ce sera le plus proche parent qui profitera du régime et non les bénéficiaires eux- mêmes.

Le sénateur Massicotte : Avez-vous soulevé ces questions auprès du ministère des Finances?

M. Pooran : Pour nous, c'était un enjeu clé lors de l'examen précédent, et j'en ai parlé lorsque j'ai témoigné au Comité sénatorial des finances nationales il y a quelques mois.

Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur le président.

Le président : Par rapport à votre commentaire, j'ajouterais que demain, nous accueillerons des représentants de l'Association des banquiers canadiens et de deux banques à charte canadiennes, qui viendront parler de certains des enjeux qui ont été soulevés.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : J'aimerais savoir quel est le pourcentage utilisé par les enfants comparativement aux adultes? Y a-t-il plus d'enfants utilisateurs ou ce sont surtout les adultes?

[Traduction]

M. Pooran : A-t-on ouvert plus de comptes pour des bénéficiaires mineurs que pour des bénéficiaires adultes? Je ne le sais pas.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Personne ne le sait?

[Traduction]

M. Crocker : Emploi et Développement social Canada a ces statistiques, qui étaient publiées jusqu'à il y a un an, environ. Je n'ai pas les données les plus récentes, mais on y a certainement recours dans tous les groupes d'âge.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Comment on harmonise le régime d'épargne-études avec cet autre document? Pouvons-nous accumuler les allocations familiales, le régime d'épargne-études et ce programme? Si on a un enfant handicapé, pouvons-nous utiliser les trois concurremment?

[Traduction]

M. Pooran : Le REEE, le REEI et... quel était le troisième programme?

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Les allocations familiales; comment ça s'appelle maintenant? Ce sont les allocations qu'on donne aux enfants : le montant mensuel qu'on donne aux enfants qui sont très jeunes. On n'a pas ça longtemps, mais il y a un certain nombre d'années durant lesquelles est prévue une allocation familiale pour les enfants.

[Traduction]

M. Pooran : La solution que nous avons proposée — le formulaire que nous avons proposé — ne concernait que le REEI parce que ce problème n'est lié qu'au REEI. Nous n'avons pas ce problème dans le cas du REEE. Il ne se pose pas pour la Prestation fiscale pour enfants. Il se pose seulement pour le REEI parce que la Loi de l'impôt sur le revenu comporte un libellé lié au prérequis voulant que le bénéficiaire ait la capacité de conclure un contrat.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Pour les parents ayant un enfant handicapé qui a été diagnostiqué assez jeune, l'idée derrière tout ça serait de leur assurer pas seulement une retraite, mais une vie plus confortable, parce qu'ils auraient également droit à des prestations en vertu du programme pendant leur vie adulte?

[Traduction]

M. Pooran : Tout à fait. Nous encourageons les parents de jeunes enfants à ouvrir un régime le plus tôt possible de façon à ne pas être obligés d'attendre jusqu'à la cinquantaine ou la soixantaine pour commencer à effectuer des retraits. Ils peuvent commencer à le faire au milieu de la trentaine.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : À quel âge peut-on commencer à retirer des prestations dans le cadre de ce programme? Peut-on commencer à l'âge de 50 ans?

[Traduction]

M. Pooran : Il n'y a pas d'âge précis. Cela dépend de la date de la dernière contribution du gouvernement. La règle, c'est qu'au moment du retrait, on recule de 10 ans et on détermine le montant des contributions fédérales qui ont été versées au REEI. Si des contributions du fédéral ont été versées au régime dans les 10 ans précédant le retrait, alors une partie de cette contribution devra être remboursée au gouvernement. En réalité, ce que les gens cherchent à faire, c'est d'attendre 10 ans entre la dernière contribution du gouvernement et le premier retrait. Si le régime a été ouvert lorsque le bénéficiaire avait 5 ans et que le gouvernement a terminé de verser des contributions lorsqu'il avait 25 ans, le bénéficiaire pourrait alors effectuer des retraits du REEI à l'âge de 35 ans, sans pénalité.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Est-ce imposable? Si la personne a contribué étant jeune et qu'elle a réussi à compléter des études universitaires ou autres, mais que, compte tenu de la maladie, elle devient totalement incapable de travailler à 40 ans, y a-t-il une incidence fiscale concernant ces montants? Admettons que de tel âge à tel âge, il gagne 25 000 dollars par année et que, tout à coup, il tombe malade et ne peut plus travailler; est-ce que pendant qu'il travaille la cotisation du gouvernement fédéral sera imposable?

[Traduction]

M. Pooran : Chaque dollar retiré du REEI comporte trois éléments : la contribution du gouvernement, la contribution privée et les intérêts. La partie du retrait formée de la contribution du gouvernement et des intérêts est considérée comme un revenu imposable pour le bénéficiaire. La partie composée des contributions privées ne le serait pas parce que ces contributions ont déjà été imposées avant d'être versées au régime.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Je pense que c'est suffisamment compliqué pour avoir besoin d'un conseiller financier. Merci.

Le sénateur Maltais : Monsieur Nikias, bienvenue. Je suis heureux de vous voir ici.

Au début de votre présentation, vous avez dit que vous avez fait beaucoup de représentations auprès du ministre des Finances. Est-ce qu'une partie de vos revendications se retrouvent dans la présente loi?

Vous avez fait des représentations auprès du ministre des Finances; les retrouve-t-on en partie dans le projet de loi à l'étude?

[Traduction]

M. Nikias : Ce que j'ai dit, c'est que lorsque le ministre des Finances, M. Flaherty, a mis sur pied un groupe d'experts de trois personnes pour la création du REEI, le coordonnateur national du Conseil des Canadiens avec déficiences a reçu du ministre le mandat de participer aux travaux qui ont mené à la création du REEI. Nous sommes très heureux que le REEI ait été mis en place. Il s'agit d'une contribution très généreuse et novatrice du Canada à la sécurité financière des Canadiens handicapés. Nous collaborons actuellement avec l'ACIC et avec le PLAN pour nous assurer que des solutions sont trouvées aux problèmes qui ont été soulevés. Personnellement, je n'ai pas comparu au ministère des Finances.

[Français]

Le sénateur Maltais : J'aimerais poser une question au professeur Pooran. Vous nous avez presque donné un cours de constitutionnalité dans votre mémoire; vous êtes un éminent constitutionnaliste et vous allez certainement pouvoir me répondre.

Quatre provinces et territoires ont adhéré; quelles sont les représentations que vous avez faites auprès des autres provinces?

[Traduction]

M. Pooran : Je peux vous parler de l'Ontario. En Ontario, cette question a été abordée dans le budget provincial de 2013, et la province de l'Ontario a chargé la Commission du droit de l'Ontario de présenter une recommandation à cet égard. La Commission du droit de l'Ontario vient de publier un document de travail sur cette question et elle cherche à obtenir les commentaires du public d'ici la fin février. Elle prévoit de présenter son rapport définitif en mai. Je suppose qu'on espère que ce rapport contiendra une recommandation en vue d'une solution pour la province et que cette solution sera ensuite étudiée par l'Assemblée législative de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Maltais : Qu'en est-il du Québec et des Maritimes? Avez-vous des contacts?

[Traduction]

M. Pooran : Je ne suis pas certain de l'attention qu'a suscitée cet enjeu au Québec. Je sais que dans l'Est, la province de Terre-Neuve-et-Labrador a récemment présenté une mesure législative se rapportant au REEI. Je ne suis pas certain de ce qu'il en est de l'Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick ou de la Nouvelle-Écosse. Je ne sais pas si les représentants du PLAN ont des commentaires à cet égard.

M. Crocker : Je n'ai rien entendu à ce sujet. À ma connaissance, Terre-Neuve était la province la plus active, récemment.

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous avez dit dans votre mémoire que ce serait l'idéal si c'était les provinces qui administraient ce régime. Est-ce que je vous ai bien compris?

[Traduction]

M. Pooran : Non; l'idéal serait d'avoir une solution à l'échelle nationale, au fédéral, une solution unique applicable à l'ensemble des provinces et des territoires.

[Français]

Le sénateur Maltais : Étant donné que ce programme s'adresse à des personnes handicapées et de tout handicap possible, je pense qu'il faut aller au fond des choses. D'après vous, serait-il faisable pour des parents ayant un enfant handicapé et qui ont des REER, qu'à la fin de leur vie ils puissent transférer ces REER dans celui de leur enfant handicapé, et ce sans impôt bien sûr?

[Traduction]

M. Pooran : Oui. Dans le budget de 2012, le gouvernement fédéral a présenté une mesure qui permettrait le transfert libre d'impôt des actifs d'un REER ou d'un FRR dans le REEI d'un enfant à charge ou d'un petit-enfant lorsque le parent décède.

[Français]

Le sénateur Maltais : Les gens de la Colombie-Britannique ont beaucoup insisté pour qu'il y ait plus qu'un tuteur, qu'un parent, un papa ou une maman ou, dans le cas contraire, un tuteur juridique.

N'avez-vous pas peur que s'il y a beaucoup de personnes pour gérer le REEI de la personne handicapée, beaucoup de personnes autour de l'assiette, il va en rester moins pour la personne handicapée? Est-ce que c'est quelque chose qui vous préoccupe?

[Traduction]

M. Pooran : Nous devons toujours veiller à ce que toute solution s'accompagne de mesures de protection adéquates. Toutefois, dans la plupart des cadres législatifs actuels, n'importe qui peut demander à être le tuteur d'une autre personne si cette personne a été déclarée incapable — pas seulement un membre de la famille. Nous voyons déjà beaucoup de cas d'abus en ce qui a trait aux documents de délégation de pouvoir et aux ordonnances de tutelle.

Comme M. Crocker, le représentant du PLAN, l'a mentionné, la solution que nous proposons ici est adaptée au REEI. Donc, elle n'a pas la portée nécessaire pour avoir quelque incidence que ce soit sur toute autre source de revenus que pourrait avoir la personne ou tout autre bien qu'elle pourrait posséder.

Je ne dis pas que le risque d'abus ne me préoccupe pas, mais je ne crois pas que la mise en œuvre d'une solution nationale accroîtrait ce risque.

[Français]

Le sénateur Maltais : Comme vous et les gens de la Colombie-Britannique l'ont bien souligné, il y a beaucoup de paperasse pour pouvoir s'inscrire et s'enregistrer à ce REEI.

Est-ce que cette paperasse provient toute du gouvernement ou est-ce que les institutions financières n'ont pas très bien compris ce que le gouvernement veut faire?

Et avez-vous fait des représentations auprès des institutions financières pour corriger la situation?

[Traduction]

M. Pooran : J'ai en effet des liens avec les institutions financières. En général, les commentaires ou le sentiment qui se dégage lors de nos discussions — et je ne parle aucunement en leur nom aujourd'hui —, c'est qu'une solution nationale serait souhaitable.

Encore une fois, ce sont les entités chargées de la mise en œuvre du régime. Donc, s'il existe différentes exigences dans chacune des provinces et chacun des territoires, il faut pouvoir s'y adapter, tant du point de vue des processus que des systèmes. Par contre, si nous avions une solution nationale, il serait beaucoup plus simple de la mettre en place.

[Français]

Le sénateur Maltais : En quoi le régime national outrepasserait les droits constitutionnels des provinces?

[Traduction]

M. Pooran : je ne pense pas que c'est le cas. Je pense que la jurisprudence et la doctrine sont demeurées constantes depuis les années 1970. Essentiellement, elles permettent au gouvernement fédéral d'empiéter sur les compétences des provinces dans la mesure où il est nécessaire de le faire et où cet empiétement ne vise pas à s'approprier les compétences provinciales.

La solution dont nous parlons est conforme. Je sais que le CCD et le PLAN conviennent certainement que cela n'empiète aucunement sur les compétences provinciales.

Le président : Merci beaucoup, sénateur Maltais. Cela met fin à nos séries de questions. Au nom du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, j'aimerais vous dire que nous vous sommes très reconnaissants d'être venus aujourd'hui. Vos commentaires ont été très utiles.

(La séance est levée.)


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