Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 5 - Témoignages du 5 février 2014
OTTAWA, le mercredi 5 février 2014
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 22, pour étudier la capacité des particuliers à se prévaloir d'un régime enregistré d'épargne-invalidité (REEI), notamment la représentation par un avocat et la capacité des particuliers à conclure un contrat.
Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Aujourd'hui, le comité tient sa sixième séance dans le cadre de son étude sur les régimes enregistrés d'épargne-invalidité, ou les REEI, notamment en ce qui concerne la représentation par un avocat et la capacité des particuliers de conclure un contrat. Nous avons commencé cette étude en décembre. Nous avons jusqu'ici entendu les témoignages du ministre d'État (Finances), des représentants du ministère des Finances, de plusieurs groupes travaillant avec des Canadiens ayant un handicap, ainsi que d'institutions financières et de planification financière qui proposent ou administrent des REEI.
Le comité est heureux d'accueillir aujourd'hui M. Jean Sylvain, qui est chef de ligne de produits au sein de la Direction de la gestion des gammes de produits d'épargne spécialisée du Mouvement Desjardins. Le Mouvement Desjardins est le plus important groupe financier coopératif au Canada et la plus grande institution financière au Québec.
Monsieur Sylvain, vous pouvez commencer par votre exposé, puis les membres du comité pourront vous poser leurs questions. Vous avez la parole, monsieur.
[Français]
Jean Sylvain, chef de ligne de produits, Direction de la gestion des gammes de produits d'épargne spécialisée, Mouvement Desjardins : Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, au nom du Mouvement Desjardins, je tiens à vous remercier de l'invitation à me présenter devant vous afin de discuter du régime enregistré d'épargne-invalidité, un programme que nous considérons comme important pour les Canadiens.
Je m'appelle Jean Sylvain, je suis chef de ligne de produits chez Desjardins. Je suis la personne ressource pour les REEI. Il me fait plaisir d'être ici pour vous faire part de nos commentaires sur le REEI afin de contribuer à votre étude sur la capacité des particuliers à se prévaloir d'un REEI.
Rappelons d'abord que le Mouvement Desjardins, avec ses 200 milliards d'actifs, est la plus grande coopérative financière au Canada et la cinquième au monde. En nous appuyant sur la force de notre réseau des caisses et également de nos filiales à travers le Canada, nous offrons toute la gamme des services financiers, dont les services bancaires, d'assurances de personnes, d'assurances de dommages, et aussi les valeurs mobilières.
Desjardins reconnaît le leadership du gouvernement pour avoir mis en place le régime et nous appuyons l'objectif du gouvernement d'assurer une sécurité financière à long terme aux personnes admissibles au crédit d'impôt pour personnes handicapées, en offrant le régime à nos membres et à nos clients. Nous entretenons des liens très étroits avec le gouvernement, plus particulièrement avec le ministère de l'Emploi et Développement social Canada.
En effet, Desjardins participe aux réunions du programme canadien pour l'épargne invalidité afin de discuter des défis et des enjeux concernant le régime. Nous sommes heureux d'y participer et nous considérons ces rencontres très importantes, puisqu'elles permettent d'échanger avec les institutions financières et le gouvernement.
Desjardins souhaite poursuivre l'offre du REEI, car nous considérons contribuer à la sécurité financière et au mieux-être économique et social des personnes vivant avec un handicap. Afin de mieux faire connaître cet outil d'épargne à nos membres et clients, nous utilisons plusieurs moyens pour promouvoir et éduquer sur le régime, dont une section spéciale dédiée au REEI sur notre site web et un dépliant disponible dans chacune des caisses Desjardins.
De plus, nous offrons des rencontres de sensibilisation et d'information au sujet du régime pour les associations de personnes handicapées. Nous croyons que le REEI offre des bénéfices clés qui doivent continuer d'être offerts. Par exemple, lorsqu'un titulaire fait une cotisation, le gouvernement verse jusqu'à 300 p. 100 en subventions; il y a aussi le bon de 1 000 $ par année et l'avantage que l'épargne dans un REEI est à l'abri de l'impôt.
Afin que tous puissent avoir accès au REEI, nous avons accueilli favorablement les changements instaurés en 2012 qui ont simplifié les règles du régime et de son ouverture, et mis en place des mesures temporaires en vigueur jusqu'à la fin de 2016 permettant aux proches des personnes vivant avec un handicap d'être titulaires d'un REEI. Cela rend le régime plus accessible et plus populaire auprès de cette clientèle.
De plus, la mesure temporaire permettra aux provinces et aux territoires de mettre en place leurs propres mesures d'ici la fin de 2016. Déjà, quelques provinces et territoires ont mis en place des mesures et des travaux sont en cours dans d'autres provinces et territoires dans lesquels nous ne sommes pas impliqués. Nous allons suivre les développements et encourageons la discussion et la coopération entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires afin de s'assurer que tous aient accès au régime.
Bien que le REEI soit un excellent programme, certains enjeux ont été identifiés depuis son lancement. Lorsque des changements légaux sont mis en place, le délai accordé aux institutions financières pour la mise en application des modifications est limité. Il serait préférable que les institutions financières obtiennent plus de temps pour mettre leurs systèmes à jour.
De plus, le gouvernement pourrait consulter l'industrie afin d'évaluer les impacts de l'introduction de nouvelles caractéristiques, permettant ainsi une plus grande efficacité et une plus grande agilité. Le régime est complexe. Par exemple, l'introduction des retenues à la source vient le complexifier davantage. Le principe des retenues à la source semble simple; on retient l'impôt dès que le montant imposable dépasse le montant personnel de base additionné du crédit d'impôt pour personnes handicapées.
Par contre, ce sera relativement complexe lors de l'application. Le taux de retenue peut varier pendant l'année.
Les prochaines améliorations au régime devraient viser la simplification. Les règles sur les retraits minimum et maximum, le remboursement proportionnel des subventions sont mal compris par les détenteurs. Les titulaires ne connaissent pas encore les bases et le régime est complexe.
En conséquence, les conseillers doivent prendre beaucoup plus de temps à expliquer le REEI aux titulaires que le temps requis pour les autres régimes enregistrés. Emploi et développement social Canada pourrait développer de la documentation destinée aux titulaires afin de faciliter la compréhension du programme.
Un des défis dont le régime doit faire face est son manque de visibilité. Il est difficile pour les institutions financières de communiquer avec les personnes éligibles, étant donné que, contrairement au REER et au CELI, il ne s'adresse qu'à une petite partie de la population.
En 2013 et au début de cette année, l'Agence du revenu du Canada a envoyé une lettre pour inciter les personnes admissibles à profiter du régime. En plus de ces envois, le gouvernement pourrait promouvoir davantage le REEI par le biais des associations des personnes handicapées ou lors des salons s'adressant à cette clientèle. Puisque la clientèle est difficile à rejoindre, nous croyons qu'il est très important que le gouvernement poursuive et augmente ses efforts de promotion du REEI.
Afin d'augmenter l'ouverture de comptes de REEI et de faciliter les efforts des institutions financières à faire rayonner le régime, on pourrait envisager un incitatif tel que dans le cadre du Bon d'étude canadien, qui est versé dans le régime enregistré d'épargne-étude.
Au nom de Desjardins, je vous remercie de votre invitation et je suis disponible pour vous transmettre plus d'informations et serai heureux de répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup, monsieur Sylvain.
Dans le cadre de notre étude, nous nous penchons entre autres sur les questions juridiques et la capacité des particuliers de conclure un contrat en vue d'ouvrir un REEI. Contrairement aux autres provinces qui obéissent au common law, le Québec utilise le Code civil; cela pose-t-il des problèmes particuliers aux Canadiens ayant une déficience intellectuelle et à leurs familles qui souhaitent ouvrir un REEI dans cette province?
[Français]
M. Sylvain : En fait, c'est un peu les mêmes défis qu'au Canada, c'est-à-dire que les mesures temporaires viennent aider. Les personnes cibles peuvent ouvrir un REEI, mais au Québec, une personne adulte handicapée doit avoir soit un tuteur ou un curateur qui s'occupe de ses choses pour ouvrir un REEI. C'est ce qui existe présentement.
Quand la mesure temporaire va tomber, ça risque d'être plus difficile au Québec — si je prends le Québec plus précisément — pour ouvrir un REEI.
[Traduction]
Le président : Je vais suivre la liste des intervenants.
[Français]
Le sénateur Maltais : Monsieur Sylvain, vous avez soulevé des questions fort importantes. Je voudrais féliciter le Mouvement Desjardins pour son implication pour une partie de la population qui n'est pas nécessairement la plus payante, mais vous avez eu à cœur le bien-être de ces personnes handicapées et c'est tout en votre honneur.
Lorsqu'on arrive avec un plan national — comme celui que le ministre des Finances a déposé — on fait face au Code civil et à la common law. Au Québec, c'est le fait d'avoir un tuteur légal ou un curateur nommé par un juge. La personne doit passer de multiples étapes si elle veut souscrire à un REEI.
Il y a aussi un autre facteur qui est un irritant, il s'agit de la transmission de ce REEI par testament. J'ai parlé à la Chambre des notaires et à l'Ordre des comptables agréés qui souvent ont à transiger ces successions.
Seules les personnes ayant un handicap lourd peuvent souscrire à ce régime enregistré. Les personnes lourdement handicapées ne sont pas toujours en mesure de faire leur testament selon les formules légales. Que fera la personne si elle n'a plus de parents? Le tuteur ou le curateur s'emparera des sommes. C'est une des craintes des parents. Les parents craignent le moment où il n'y aura plus de parenté; ils ne savent pas ce qu'il adviendra de leur argent. Avez-vous rencontré ce genre de problème?
M. Sylvain : Effectivement, c'est une grande crainte pour des parents qui ont un enfant handicapé de ne pas savoir ce qui arrivera au moment de leur décès.
Vous avez dit que le REEI s'adressait aux personnes lourdement handicapées. Ce n'est pas nécessairement le cas. Il faut avoir le droit au crédit d'impôt pour personne handicapée. Il peut s'agir également de handicap physique.
Maintenant, le REER des parents peut être transféré, et ce depuis 2011, dans un REEI. Cela peut aider la sécurité financière à long terme de la personne handicapée. Dans le cas que vous mentionnez, s'il n'y a pas de tuteur, ce sera le curateur public qui devra s'occuper des finances de la personne handicapée.
Le sénateur Maltais : Comment s'assurer que lorsque la personne handicapée sera en âge de retirer son REEI, s'il elle n'a plus de parents, que l'argent va vraiment lui servir dans le cas où elle devrait aller en institution?
M. Sylvain : C'est certain que si on prend le cas qu'il n'y a pas de tuteur et que c'est le curateur qui joue ce rôle, le curateur a l'obligation de gérer les avoirs de ces bénéficiaires de la bonne façon. Les retraits vont toujours servir à la personne handicapée. Maintenant, si c'est un tuteur, il pourrait y avoir des abus, mais normalement un tuteur est quelqu'un qui veut s'occuper du bien-être de la personne handicapée.
La sénatrice Ringuette : Monsieur Sylvain, je vous remercie de votre présentation. Le Mouvement Desjardins a ouvert combien de REEI depuis sa conception?
M. Sylvain : Présentement, plus de 1 500 comptes REEI. On note une progression annuelle d'environ 30 p. 100 depuis que le REEI est offert. De plus en plus de gens s'intéressent au REEI chez Desjardins. On peut penser que l'épargne moyenne par compte se situe à plus 15 000 $ par bénéficiaire.
La sénatrice Ringuette : C'est donc une clientèle assez à l'aise.
M. Sylvain : Le régime est quand même très généreux. En fait, quand le bénéficiaire se rend compte de tous les avantages que peut apporter le régime, je crois que ça vaut effectivement la peine d'y cotiser.
La sénatrice Ringuette : Vous avez indiqué qu'il y avait en moyenne 15 000 $ par année de contribution?
M. Sylvain : Quinze mille dollars d'encours d'actif total, par contre, pas de cotisations annuelles?
La sénatrice Ringuette : D'accord. La semaine dernière, le comité a reçu une organisation qui s'occupe de groupes avec des problèmes tant au niveau physique que psychologique et qui nous relatait qu'un des problèmes c'est que la plupart du temps, les institutions bancaires n'acceptent pas d'ouvrir des comptes pour des personnes qui ont des problèmes psychologiques. Quelle est l'attitude du Mouvement Desjardins face à ce groupe de personnes?
M. Sylvain : Chez Desjardins, nous voulons que tous les gens qui y ont droit puissent ouvrir un compte REEI. C'est notre souhait.
La sénatrice Ringuette : Mais avant d'avoir l'incitatif pour ouvrir un compte REEI, il faut d'abord ouvrir un compte d'épargne, un compte-chèques ou peu importe, un compte chez vous en tant qu'institution?
M. Sylvain : Pas nécessairement. Pour profiter d'un REEI, il n'est pas nécessaire d'ouvrir un compte chez Desjardins. On peut ouvrir un compte REEI sans détenir les autres produits ou services. Il n'y a pas de problème.
La sénatrice Ringuette : Peut-être n'ai-je pas été suffisamment claire dans ma question. Les témoins de la semaine dernière nous ont dit qu'en premier lieu, pour informer les gens et les inciter à ouvrir un compte REEI pour personnes handicapées, il devait y avoir une ouverture pour au moins pouvoir faire des transactions, avoir un compte épargne, un compte-chèques, une carte de paiement par débit auprès d'une institution financière. Et pour eux, cela semblait représenter un obstacle majeur.
Ma question est la suivante : considérant que vous êtes très différents des grandes institutions bancaires au Canada, que vous êtes présents dans les petites localités, quels genres de services bancaires de base offrez-vous de façon active aux personnes qui ont des problèmes psychologiques qui font en sorte que, sur le plan de l'éducation sur le programme, cette communication puisse se faire avec les personnes qui souffrent d'un tel handicap?
M. Sylvain : Cela rajoute une difficulté additionnelle. Les produits et les services financiers peuvent représenter quelque chose de complexe pour eux, mais nous sommes justement là pour les aider. Nous allons prendre le temps requis pour leur expliquer l'ouverture de compte et le fonctionnement du régime. Tout dépendant de la gravité du handicap, il se peut que la personne ait besoin d'un tuteur ou de parents pour les aider dans ses transactions financières.
[Traduction]
Le sénateur Black : Merci beaucoup, monsieur Sylvain, d'être des nôtres aujourd'hui. Je tiens à vous dire que votre exposé était excellent. Comme vous avez l'air de bien maîtriser votre sujet, j'ai pour vous deux ou trois questions auxquelles, je l'espère, vous serez en mesure de répondre.
La première chose pourrait sûrement passer pour de la publicité pour le Mouvement Desjardins. J'ai constaté que votre biographie ne mentionne pas votre présence en Alberta. Or, je sais que Desjardins est un important joueur financier dans cette province, n'est-ce pas?
[Français]
M. Sylvain : Le groupe Desjardins offre le REEI partout au Canada, mais en Alberta, on est surtout présents dans les domaines de l'assurance de dommages et l'assurance de personnes.
[Traduction]
Le sénateur Black : Merci de cette précision. Maintenant que la partie publicitaire est terminée, mettons-nous au travail.
Comme vous l'avez souligné à juste titre, nous utilisons actuellement ce que j'appellerais une solution temporaire qui arrivera à échéance en 2016. Dans votre exposé, vous avez aussi indiqué que Desjardins travaillait actuellement avec les provinces et le gouvernement fédéral à la mise au point de ce que vous avez appelé « une solution ». Pouvez-vous nous dire ce qui serait, selon vous, la solution idéale aux problèmes tels que vous les percevez?
[Français]
M. Sylvain : N'étant pas avocat, c'est difficile pour moi de répondre à cette question. Ici nous entrons dans la common law versus le Code civil. Ce que je mentionnais tout à l'heure, c'est que nous travaillons activement présentement avec Emploi et Solidarité Canada pour améliorer le régime. Mais on n'a pas de discussions formelles avec les provinces concernant la question des proches admissibles, que ce soit au Québec ou dans d'autres provinces.
[Traduction]
Le sénateur Black : Merci. Vous n'avez pas de recommandations particulières à nous faire?
[Français]
M. Sylvain : Je n'ai pas spécifiquement de solution post-2016.
[Traduction]
Le sénateur Black : Merci beaucoup. Vous avez souligné à juste titre que l'un des problèmes du programme est que les bénéficiaires potentiels sont mal informés. Accepteriez-vous de faire parvenir un bref document à notre greffière — pas aujourd'hui, mais ultérieurement —, expliquant comment vous croyez que le gouvernement devrait s'y prendre pour mieux faire connaître le programme?
[Français]
M. Sylvain : En 2013, l'Agence du revenu du Canada a commencé à envoyer des lettres aux personnes qui sont admissibles au crédit d'impôt mais qui n'ont pas de REEI. À mon avis, il s'agit d'une excellente mesure et je crois que l'ARC devrait continuer et devrait même l'intensifier.
Le dernier envoi s'est fait à 180 000 personnes admissibles au crédit d'impôt, sachant qu'il y a au Canada 500 000 personnes handicapées. Il y a peut-être des efforts qui peuvent être faits sur ce plan. Pour les institutions financières, il peut être plus difficile de joindre une personne handicapée parce qu'elles n'ont pas de listes pour les joindre directement.
Nous offrons justement des rencontres d'information avec les associations de personnes handicapées et je suis d'avis que le gouvernement devrait aider ces associations à transmettre l'information relative au REEI aux personnes handicapées.
[Traduction]
Le sénateur Black : Cette information nous sera très utile.
Je crois comprendre qu'il existe une règle à savoir qu'un bénéficiaire doit attendre 10 ans après la dernière contribution du gouvernement avant de retirer des fonds de son REEI. Que pensez-vous du bien-fondé de cette période d'attente de 10 ans?
[Français]
M. Sylvain : Je comprends un peu les raisons pour lesquelles on a mis la règle du 10 ans. Par contre, ce qu'on entend présentement de la part des membres qui bénéficient du REEI, c'est qu'ils trouvent que la règle est plus ou moins précise, qu'elle est complexe. Ils comprennent plus ou moins pourquoi le gouvernement a instauré cette réglementation. C'est un peu ce qu'on entend dire par nos membres.
Ce n'est pas moi qui gère le programme maintenant, mais peut-être qu'on pourrait l'améliorer et réduire le nombre d'années ou réduire les pénalités si des retraits sont faits pendant cette période de 10 ans.
[Traduction]
Le sénateur Black : Merci de ce remarquable exposé. Vos propos nous seront très utiles.
[Français]
Le sénateur Rivard : Bienvenue, monsieur Sylvain. C'est très agréable de vous avoir avec nous aujourd'hui.
Le régime enregistré d'épargne-invalidité (REEI) existe depuis 2007. Six années sont donc complétées et vous dites qu'en moyenne les gens qui y ont adhéré, pratiquement au début, y ont en moyenne 15 000 $. Si je fais un parallèle avec le programme d'épargne-études où on contribue à la naissance de l'enfant jusqu'à ce qu'il aille à l'université, ce qui veut dire environ 18 ans, s'ils mettent environ le même montant, ça les amène environ à 30 000 $ ou 40 000 $; on peut dire que les deux sont comparables.
Mais lorsqu'il s'agit d'un régime épargne-études, les représentants sont très agressifs. Qu'on pense, par exemple, à la Fondation Universitas qui a un succès bœuf au Québec. Je ne sais pas où ils prennent leurs renseignements, dans les hôpitaux ou bien ce sont les maternités qui les avisent, mais dès qu'un enfant vient au monde, vous recevez un appel téléphonique dans les jours ou les semaines qui suivent pour vous inciter fortement. Et effectivement, ils font un bon travail.
Je comprends que vous n'avez pas d'agents affectés directement pour contacter des personnes handicapées pour leur offrir le service. Ce sont probablement des dépliants qui se trouvent dans les succursales bancaires. Cela m'amène aussi à la question d'un registre de personnes handicapées. Est-ce une question posée par nos recenseurs lorsqu'on fait le recensement tous les deux ou trois ans; y a-t-il une case où on indique, par exemple, que sous notre toit, il y a des personnes handicapées? Et lorsqu'on remplit nos déclarations de revenus — je ne suis pas fiscaliste, mais je fais des déclarations de revenus régulièrement étant comptable — je ne me souviens pas qu'il y ait une case ou l'on indique si on est handicapé.
Je comprends que pour vous, ce qui est dur à vendre, c'est le fait que vous n'ayez pas la liste des personnes handicapées et vous nous avez dit que le gouvernement devrait faire mieux connaître le programme. Comment le gouvernement fédéral peut-il rejoindre les personnes handicapées s'il n'y a pas de registre comme tel?
M. Sylvain : En fait, l'ARC connaît les gens qui ont droit aux crédits d'impôt pour personne handicapée. C'est pour cette raison qu'on peut savoir qu'il y a environ 500 000 Canadiens qui pourraient bénéficier du régime enregistré d'épargne-invalidité (REEI).
Le gouvernement, en sachant qu'il y a 500 000 personnes handicapées— je vous parlais tout à l'heure de 180 000 — on voit qu'il y a certaines personnes qui ne sont pas rejointes actuellement. Il y a peut-être des raisons pour cela, mais je ne les connais pas.
Pour les institutions financières, si on parle à quelqu'un au téléphone ou même en personne, on ne sait pas nécessairement si cette personne a droit au crédit d'impôt pour personne handicapée. C'est sûr qu'on peut lui en glisser un mot. Si on a des doutes, on peut lui dire qu'il y a un programme super intéressant, le régime enregistré d'épargne- invalidité (REEI), qui pourrait s'adresser à sa situation. Mais c'est justement là le problème, c'est qu'on ne peut pas envoyer, par exemple, une lettre à tous nos membres-clients pour les informer du régime enregistré d'épargne-invalidité (REEI) parce que c'est un coup d'épée dans l'eau.
Le sénateur Rivard : Le problème, c'est la méconnaissance des gens sur le fait que ce programme existe. J'ai vu que mon collègue de l'Alberta connaissait un peu, le Mouvement Desjardins. J'aimerais donc en profiter pour souffler dans la trompette et dire qu'au Québec, le plus gros employeur, toutes entreprises confondues, est le Mouvement Desjardins avec plus de 40 000 employés. Est-ce exact?
M. Sylvain : C'est exact.
Le sénateur Rivard : Je vous en félicite.
[Traduction]
Le sénateur Gerstein : Le comité donne dans la réclame aujourd'hui. Sénateur Massicotte, allez-vous continuer à faire de la publicité?
[Français]
Le sénateur Massicotte : Je vais compléter le tout en disant que ma fille travaille pour Desjardins, et mon beau-père était membre du conseil d'administration de Desjardins, ainsi que l'un de mes bons amis.
Merci d'être ici aujourd'hui. C'est très important de bien comprendre ce programme et peut-être l'améliorer si c'est possible. Connaissez-vous le pourcentage de pénétration que nous avons dans le marché au Québec sur le plan des gens susceptibles d'investir dans ce programme et quel pourcentage peut-on atteindre?
M. Sylvain : Selon les données disponibles, qui ne sont peut-être pas les plus récentes, on estimait au Québec qu'il s'agirait de 112 000 personnes qui pourraient bénéficier du régime enregistré d'épargne-invalidité (REEI). Les données sur le nombre de bénéficiaires du régime enregistré d'épargne-invalidité (REEI) présentement au Québec, on en a 10 000. Cela donnerait 10 ou 12 p. 100.
Le sénateur Massicotte : Il s'agit plutôt de 8 ou 9 p. 100, je crois. Je pensais qu'au Canada on était rendu à 20 p. 100; est-ce possible que ce soit le cas dans le reste du Canada?
M. Sylvain : Les dernières données à ma disposition indiquaient environ un pourcentage de 15 p. 100 au Canada.
Le sénateur Massicotte : Pourquoi souffre-t-on d'un recul au Québec?
M. Sylvain : C'est une excellente question. Je ne pourrais pas y répondre. Peut-être que les associations de personnes handicapées en parlent moins ou sont peut-être moins présentes que dans d'autres provinces; parce que ce sont les mêmes institutions financières qui offrent le régime, qu'on soit au Québec ou partout ailleurs au Canada.
Le sénateur Massicotte : Si on tient compte du pourcentage de 8 ou 9 p. 100, quel est le pourcentage pour Desjardins et quel est celui pour les banques fédérales?
M. Sylvain : Au Québec, pour Desjardins c'est peut-être aux alentours de 20 p. 100. C'est sûr que le reste est dans les banques, à mon avis, principalement chez BMO. BMO a commencé tout de suite; dès que le programme a été lancé, ils ont offert le régime. Nous, cela a été un petit peu plus long; mais on a au moins 20 p. 100.
Le sénateur Massicotte : Votre présence dans le marché des particuliers au Québec se situe à quelle proportion?
M. Sylvain : C'est difficile de répondre, cela dépend des produits et des régimes.
Le sénateur Massicotte : Par exemple, pour les gens qui ont des comptes chez vous, comparativement aux banques, ça représente quelle proportion du marché pour les particuliers?
M. Sylvain : On dit que chez Desjardins, il y a cinq millions de membres, mais c'est sûr que cela peut aussi inclure des gens de l'Ontario. Cinq millions de membres représentent une grande partie du Québec, mais je ne suis pas certain qu'on puisse faire le parallèle quant à notre nombre de membres.
Le sénateur Massicotte : J'avais l'impression que vous déteniez 50 p. 100 du marché des particuliers au Québec; est- ce que je me trompe?
M. Sylvain : Il est certain que pour différents marchés, par exemple le marché du crédit hypothécaire, on a peut-être même plus que 50 p. 100 du marché, mais en épargne des fois c'est un peu plus faible.
Le sénateur Massicotte : Je vous offre d'abord mes félicitations, mais pourquoi êtes-vous tellement présent au niveau des comptes bancaires, frais bancaires, et cetera, et beaucoup moins présent — à hauteur de 20 p. 100 — pour ce programme d'aide aux personnes handicapées?
M. Sylvain : La première raison qui me vient à l'esprit, c'est que l'on n'a pas lancé le programme dès 2008, c'est-à- dire dès la création du régime. On l'a lancé en 2010, donc deux ans plus tard. Cela a probablement permis aux banques de prendre plus de parts de marché. On a toutefois beaucoup d'intérêt; comme je l'ai mentionné tout à l'heure, il y a une belle progression et nos membres sont contents de profiter du régime. Je n'ai aucun doute que cela augmentera dans les prochaines années.
Le sénateur Massicotte : Quand on examine le programme sur le plan fiscal, il faut admettre que c'est un peu compliqué. J'espère que la moyenne d'éducation de nos sénateurs est plus élevée que la moyenne de la population, bien que cela pourrait être contesté. Cela dit, même nous on trouve cela compliqué. Est-ce que cela doit être nécessairement compliqué ou est-ce qu'on ne pourrait pas simplifier le programme?
M. Sylvain : Je partage votre opinion sur le fait que c'est quand même compliqué. Je le mentionnais tout à l'heure; on reçoit beaucoup de commentaires de nos bénéficiaires actuels du REEI qui ne comprennent pas certaines règles. Des changements ont été instaurés en janvier 2014, et c'est sûr que cela provoque des questions. Je le mentionnais aussi dans mon allocution; je pense que le gouvernement devrait viser la simplification du régime.
Le sénateur Massicotte : Qu'est-ce que vous recommandez en particulier qui pourrait simplifier tout cela?
M. Sylvain : Les retenues à la source, le montant qui peut être retenu peut varier durant l'année. Déjà, pour les fiscalistes, c'est déjà compliqué, mais imaginons pour une personne handicapée. Cela pourrait rajouter une complexité.
Les retraits minimums et maximums, quand on est rendu à la période du décaissement, c'est quelque chose qu'on ne vit pas encore beaucoup, car le régime est nouveau, il n'y a pas beaucoup de retraits effectués dans le régime, mais à l'avenir, il faudra peut-être s'attaquer à cela.
L'autre aspect, ce serait la règle du 10 ans. Nos détenteurs nous disaient qu'ils allaient sur le site de l'Agence du revenu du Canada, mais la façon dont les explications sont données ne reflète pas la réalité. Il y a peut-être un effort à faire pour simplifier les sites web et de faciliter la compréhension en utilisant un langage plus facile à comprendre pour les personnes handicapées.
Le sénateur Massicotte : Merci.
[Traduction]
Le président : Merci, sénateur Massicotte. Voilà qui conclut notre première série de questions. J'ai une question d'un sénateur pour le deuxième tour. Sénateur Maltais, je vous en prie.
[Français]
Le sénateur Maltais : Vous avez parlé d'un programme de visibilité au Québec et au Canada. Est-ce que vous avez des contacts avec l'Office des personnes handicapées au Québec ou si c'est du charabia pour vous?
M. Sylvain : Non, on n'a pas de contact avec eux à ma connaissance.
Le sénateur Maltais : Vous avez beaucoup de fiscalistes, d'avocats chez vous; j'aimerais que vous fassiez une suggestion juridique qui permettrait d'avoir un régime uniforme au Canada. C'est ce que recherche le ministre des Finances. Le Mouvement Desjardins pourrait sans doute nous fournir une réponse à notre questionnement. Je ne vous demande pas cela aujourd'hui. Vous ne pouvez pas porter tous les chapeaux du Mouvement Desjardins, mais je crois que votre opinion juridique en tant que fiscaliste dans votre mouvement nous aiderait et serait fort utile aux membres de la commission. J'aimerais que vous fassiez parvenir cela à la greffière, cela nous rendrait un immense service. Merci.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup, sénateur Maltais.
Monsieur Sylvain, merci beaucoup de votre témoignage. Au nom de tous les membres du Comité sénatorial des banques, je vous remercie énormément. Votre témoignage nous aidera dans nos travaux.
(La séance est levée.)