Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 18 - Témoignages du 20 novembre 2014
OTTAWA, le jeudi 20 novembre 2014
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier la teneur des éléments des sections 9, 12, 18, 22, 26 et 27 de la partie 4 du projet de loi C-43, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures.
Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Bienvenue aux délibérations du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Nous tenons aujourd'hui notre deuxième réunion dans le cadre de notre étude préalable de six sections de la partie 4 du projet de loi C-43, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures.
La réunion prolongée d'aujourd'hui sera séparée en deux parties principales. Pour commencer, nous allons accueillir des représentants pour parler des sections du projet de loi attribuées au comité. Durant la seconde moitié de la réunion, nous allons accueillir des témoins externes.
Nous allons commencer avec la section 9 de la partie 4. Nos témoins pour cette partie représentent Industrie Canada. Nous accueillons Jenifer Aitken, directrice générale, Secteur de l'examen des investissements, et M. Paul Halucha, directeur général, Direction générale de la politique stratégique.
Madame Aitken, je crois savoir que vous allez présenter une déclaration préliminaire. La parole est à vous.
[Français]
Jenifer Aitken, directrice générale, Secteur de l'examen des investissements, Industrie Canada : Je suis ici pour parler de la section 9, qui contient des modifications à la Loi sur Investissement Canada. Ces changements figurent aux articles 186 à 190.
La première modification à l'article 186 modifie l'alinéa 10(1)c) de la Loi sur Investissement au Canada de sorte qu'un prêteur étranger qui acquiert le contrôle d'une entreprise canadienne à la suite de la réalisation d'une garantie accordée sur un prêt doit déposer un avis d'investissement. Cette nouvelle exigence s'applique seulement si la transaction n'est pas assujettie à une approbation en vertu d'une autre loi, notamment la Loi sur les banques, la Loi sur les associations coopératives de crédit, la Loi sur les sociétés d'assurances ou la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt.
Le paragraphe 190(2) prescrit que la partie de la Loi sur Investissement Canada qui régit les examens des investissements étrangers en fonction de leur avantage net continuera de ne pas s'appliquer à ce type d'acquisition.
[Traduction]
Par conséquent, ces deux paragraphes, 186(1) et 186(2), auront pour effet que les transactions de ce genre seront assujetties à des avis d'investissement en vertu de la loi tout en continuant d'être exemptées de l'examen de l'avantage net, comme c'est le cas actuellement. L'objectif est d'éviter d'avoir des effets négatifs sur les marchés du crédit. L'obligation d'avis d'investissement est un formulaire précisé dans le règlement qui exige des renseignements au sujet des parties et de l'investissement proposé. Les renseignements qu'un investisseur doit fournir lorsqu'il dépose un avis d'investissement comprennent le nom et l'adresse de l'investisseur et de l'entreprise canadienne, une description de l'activité commerciale de l'entreprise canadienne et la valeur des actifs étant acquis.
Grâce à ces changements, le gouvernement obtiendra désormais des renseignements utiles au sujet des transactions dans le cadre desquelles un investisseur étranger a acquis le contrôle d'une entreprise canadienne par suite de la réalisation d'une garantie accordée sur un prêt. Ces renseignements supplémentaires s'ajouteront aux données relatives à l'investissement étranger recueillies par Industrie Canada.
L'article 187 contient des modifications des dispositions liées à la confidentialité figurant à l'article 36 de la loi. Les dispositions strictes en matière de confidentialité contenues dans l'article 36 énoncent les restrictions relatives à ce qui peut être divulgué et discuté concernant l'application de la LIC à un investissement précis. Certaines exemptions permettent la communication limitée de renseignements, par exemple dans le contexte d'un examen de l'avantage net.
Les paragraphes 187(1) et 187(2) modifient la loi de manière à permettre la communication des avis qui sont envoyés à chaque étape du processus des examens relatifs à la sécurité nationale. Le paragraphe 187(1) ajoute les avis qui peuvent être envoyés durant un processus de l'examen relatif à la sécurité nationale à la liste des exceptions figurant à l'article 36 de la loi, ce qui permet la communication de renseignements contenus dans ces avis. Par exemple, le gouvernement aurait le pouvoir discrétionnaire de divulguer qu'un avis a été envoyé à un investisseur; qu'un décret d'examen pourrait être pris (25.2(1)); qu'aucun décret n'a été pris (25.2(4)a)); ou qu'un décret d'examen a été pris (25.3(2)).
De la même façon, le paragraphe 187(2) permet la communication du fait qu'un décret a été pris par le gouverneur en conseil à la fin d'un examen et de l'effet de ce décret. Par exemple, le gouverneur en conseil pourrait envoyer un décret autorisant l'investissement avec ou sans conditions, ordonnant que l'investissement ne soit pas effectué ou exigeant un dessaisissement de l'investissement.
Le paragraphe 187(3) modifie la loi de sorte que le ministre doit être convaincu que la communication des renseignements ne serait pas préjudiciable à l'investisseur ou à l'entreprise canadienne.
Ces modifications auront pour effet d'offrir au gouvernement une plus grande souplesse pour fournir des renseignements sur des éléments décisionnels importants durant le processus des examens relatifs à la sécurité nationale, tout en continuant de protéger la confidentialité des renseignements concernant l'investisseur et la sécurité nationale.
Pour finir, les articles 188 à 190 apportent des modifications à la Loi sur le plan d'action économique de 2013. Le gouvernement a modifié les délais relatifs à la sécurité nationale énoncés dans la Loi sur Investissement Canada pour permettre au ministre de l'Industrie, au besoin, de prolonger la période dont il dispose pour effectuer des examens relatifs à la sécurité nationale. Les articles 188 à 190 dans le projet de loi C-43 abrogent l'une de ces modifications, qui n'est pas requise, mais les autres resteront en place et entreront en vigueur lorsque le Règlement sur les investissements susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale (examen) sera modifié.
Ces modifications réglementaires accorderont au gouvernement une plus grande marge de manœuvre quant à la durée requise pour effectuer des examens relatifs à la sécurité nationale. Il s'agit strictement d'une bonne pratique de rédaction consistant à ne pas garder des dispositions qui ne sont pas nécessaires ou qui ne sont plus requises.
Le président : Je vais passer immédiatement aux intervenants.
Le sénateur Black : Merci, madame Aitken, de votre exposé.
Corrigez-moi si j'ai tort, mais j'ai lu ça et je me suis posé la question suivante : à quoi tout cela peut-il vraiment servir? Dans votre déclaration, vous semblez dire que cela permettrait au gouvernement d'obtenir plus de renseignements à des fins de sécurité nationale. Est-ce votre réponse?
Mme Aitken : Je ne suis pas sûre de comprendre votre question sur ce à quoi tout cela servira. J'ai décrit trois amendements...
Le sénateur Black : Les amendements proposés dont vous nous parlez aujourd'hui. Quel en est l'objectif?
Mme Aitken : Il y a deux amendements principaux. Le dernier, comme je l'ai dit, est simplement une bonne pratique de rédaction législative. Le premier vise à exiger un avis lorsqu'un investisseur étranger acquiert le contrôle d'une entreprise canadienne par la suite de la réalisation d'une garantie accordée sur un prêt. L'objectif de cet amendement est d'obtenir des renseignements au sujet de ces transactions, si elles ne sont pas assujetties à une autre loi, afin qu'il n'y ait pas de chevauchement entre les deux. C'est pour obtenir des renseignements supplémentaires.
Le sénateur Black : Apparemment, une telle exigence n'existe pas actuellement. Si je suis la banque de Hong Kong et de Shanghai ayant grevé un actif en Saskatchewan et je réalise cette garantie, j'ai maintenant un peu plus de contrôle, mais, apparemment, à l'heure actuelle, je n'ai pas à le déclarer. C'est exact?
Mme Aitken : En effet, ce n'est pas obligatoire aux termes de la Loi sur Investissement Canada.
Le sénateur Black : Et ce problème sera réglé?
Mme Aitken : Oui.
Je ne peux pas vous le confirmer pour la banque internationale de Hong Kong, parce que la Loi sur les banques contient certaines exigences. L'amendement s'applique aux situations non visées par la Loi sur les banques.
Le sénateur Black : Je comprends que, du point de vue du gouvernement, c'est une bonne chose d'obtenir plus de données, j'imagine. Je suis un sénateur de l'Alberta. Les sables bitumineux sont le plus grand atout du Canada actuellement. Ils alimentent la prospérité du Canada. Pour continuer à développer cet investissement, il faut des centaines de milliards de dollars. Depuis la dernière initiative de collecte de renseignements sur les investissements, les investissements venant de l'extérieur du Canada dans les sables bitumineux ont arrêté. Ce n'est pas dans l'intérêt du Canada.
J'aimerais savoir pourquoi vous pensez que ces amendements aideront concrètement, du point de vue des affaires, le développement des atouts les plus importants du Canada.
Paul Halucha, directeur général, Direction générale de la politique stratégique, Industrie Canada : La réponse, c'est que ces amendements ne modifient en rien les politiques sur les sables bitumineux. Le fardeau qui sera imposé aux entreprises qui réalisent une garantie ici sera vraiment minime. Essentiellement, elles devront nous fournir un formulaire contenant des renseignements de base sur la transaction. Elles devront remettre ce formulaire au ministère de l'Industrie. On ne modifie d'aucune façon les politiques sur les sables bitumineux. Cela n'a aucun impact sur les mouvements entrants et sortants de capitaux dans le secteur des sables bitumineux.
Le sénateur Black : Sauf que, selon moi, on continue de dire aux investisseurs étrangers qu'ils ne sont pas particulièrement les bienvenus dans le secteur des sables bitumineux.
M. Halucha : Je ne vais pas débattre de votre point de vue à ce sujet. J'indiquerai seulement que nous n'augmentons pas le...
Le sénateur Black : Merci beaucoup.
M. Halucha : ... le fardeau administratif. Nous n'allons pas assujettir ces transactions à un examen en fonction du critère de l'avantage net. Par conséquent, lorsque nous recevrons les avis, cela n'exigera pas des examens. Dans la mesure où une transaction est actuellement assujettie à un examen ou non, rien ne changera à l'avenir. Nous comprendrons simplement mieux combien de ces transactions sont effectuées dans l'ensemble de l'économie, pas simplement dans le secteur des sables bitumineux. Nous pourrons mieux comprendre leur fréquence, et nous n'avons actuellement pas accès à ce genre de données.
Le sénateur Black : Alors une présence gouvernementale accrue. Merci beaucoup.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de prendre part à notre comité pour nous permettre de mieux comprendre l'objectif et les conséquences de ces amendements.
Je poursuis un peu dans la même veine. Selon vous, si un créancier étranger prenait le contrôle d'une entreprise canadienne, il aurait comme seule obligation de remplir un formulaire qui décrit brièvement les conséquences de ce recours sur sa sécurité. Il n'y a pas de décision gouvernementale. Il s'agit simplement de déposer de l'information. Est-ce exact?
[Traduction]
M. Halucha : Oui, vous avez raison. Du point de vue de la sécurité nationale, ces transactions seraient déjà assujetties à un examen, c'est donc une obligation qui existe déjà. Nous n'y changeons rien.
Le sénateur Massicotte : Que voulez-vous dire? En d'autres mots, vous répondez par l'affirmative, mais cela provoquera-t-il un autre examen?
M. Halucha : La Loi sur Investissement Canada compte deux volets d'examen. Il y a l'examen économique, le critère de l'avantage net, et l'examen lié à la sécurité nationale déjà en place. Le régime prévoit ces deux examens.
Dans le cadre du critère de l'avantage net, il y a une disposition dans la loi qui précise que, si l'acquisition du contrôle d'une entreprise découle de la réalisation d'une garantie accordée à l'égard d'une dette, il s'agit d'une exception. Il n'y aura pas d'examen en fonction du critère de l'avantage net. Cette exception n'existe pas du point de vue de la sécurité nationale.
Le sénateur Massicotte : Et qu'est-ce que cela signifie? Disons que la HSBC a des prêts majeurs garantis par une entreprise de sables bitumineux, et que celle-ci se retrouve en défaut de paiement. En tant que banquier traditionnel, votre priorité est de prendre les commandes de l'entité. Peuvent-ils le faire? À part remplir un formulaire pour dire : « Voici les conséquences qui s'appliquent », le gouvernement peut-il dire : « Non, vous ne pouvez pas réaliser une garantie »?
M. Halucha : À la lumière du critère lié à la sécurité nationale, ce serait assujetti à un examen, alors oui.
Le sénateur Massicotte : Pouvez-vous m'en dire plus au sujet des critères d'application de cette loi, le critère de sécurité nationale. À quoi s'applique-t-il?
M. Halucha : Le critère de sécurité nationale s'applique à toute réalisation menant à la prise de contrôle d'un actif canadien par une entité étrangère. Les gens connaissent le seuil lié au critère du bénéfice net, qui, actuellement, est d'environ 350 millions de dollars. Les transactions au-dessus de ce plafond sont assujetties à un examen. Les transactions dont le montant est inférieur ne le sont pas.
Le sénateur Massicotte : Vous parlez du critère de sécurité nationale?
M. Halucha : Dans le cas du critère de sécurité nationale, il n'y a pas de limite. Évidemment, les facteurs sont différents pour ce qui est de la sécurité nationale. S'il y a des préoccupations liées à l'arrivée d'un investisseur ou à l'actif qui est obtenu, il faut bénéficier de toute la marge de manœuvre nécessaire, il faut avoir une limite fondée sur la valeur de l'actif qui permet de définir si c'est possible ou non, et les considérations liées à la sécurité nationale doivent être prioritaires.
Le sénateur Massicotte : Il y a beaucoup... des milliards de dollars sont prêtés par des entités étrangères à des entreprises canadiennes. C'est tout à fait normal. Ne seront-ils pas préoccupés par cette explication vague, ce libellé vague lorsqu'ils diront : « Je veux une garantie relativement à mes actifs. L'entreprise est en défaut »?
M. Halucha : Cela ne changera pas en raison de cet amendement, n'est-ce pas?
Mme Aitken : L'amendement vise en partie l'avis et ne modifie pas l'exemption concernant les examens liés au bénéfice net. Ces transactions resteront exemptées de l'examen lié au critère du bénéfice net, en reconnaissance de leur importance.
Le sénateur Massicotte : Mais elles sont assujetties à l'autre? À l'examen lié à la sécurité nationale?
Mme Aitken : Oui.
Le sénateur Massicotte : Tout cela porte à croire que les critères d'application sont assez vagues.
Mme Aitken : Aux termes de la loi, une transaction est seulement assujettie à un examen lié à la sécurité nationale lorsque le gouverneur en conseil l'ordonne. La loi prévoit un processus : le ministre de l'Industrie doit consulter le ministre de la Sécurité publique et formuler une recommandation au gouverneur en conseil, qui rendra une décision relativement à l'examen lié à la sécurité nationale. Il ne s'agit pas d'un examen automatique.
Le sénateur Massicotte : Je comprends. Essentiellement, c'est au cabinet de décider. Mais quel est l'objectif? Y a-t-il un encadrement? Y a-t-il des objectifs qui fournissent un cadre à cet examen? J'essaie de voir si une tierce partie qui examinerait le tout aurait lieu de s'inquiéter.
M. Halucha : La loi est fondée sur un examen au cas par cas. Les facteurs liés au bénéfice net sont décrits dans la loi.
Le sénateur Massicotte : Vous avez dit que ce n'est pas applicable.
M. Halucha : Ce n'est pas applicable. Pour ce qui est de la sécurité nationale, les vrais facteurs consistent à se demander si, oui ou non, la transaction est préoccupante du point de vue de la sécurité nationale. Ce n'est pas comme s'il y avait une liste ou un cadre qui sont rendus publics. Ce n'est pas dans la loi.
Il y a deux critères dans la loi. Premièrement, on procède à une évaluation en se demandant si la transaction « pourrait » miner la sécurité nationale. Si une telle décision est prise, elle est fondée sur un examen minutieux et une évaluation, et il y a un processus de consultation entre le ministre de l'Industrie et le ministre de la Sécurité publique. Si on détermine que la transaction pourrait être néfaste, alors, aux termes de la loi, nous avons le pouvoir législatif d'aller de l'avant et de réaliser un examen lié à la sécurité nationale.
L'objectif de l'examen est, en fait, d'élever la barre. À la première étape, on veut savoir si la transaction « pourrait » être néfaste, puis, à la deuxième étape, de déterminer si elle le « serait ». Si on détermine que la transaction minerait la sécurité nationale, le gouverneur en conseil a le pouvoir de prendre toutes les mesures qu'il juge appropriées pour atténuer l'impact de la transaction.
Le sénateur Massicotte : Cela a-t-il une importance que la garantie soit réalisée par la prise de contrôle? Le contrôle signifie habituellement qu'on possède les actions ou un intérêt majoritaire. Cela aurait-il un impact sur l'application de la loi si le banquier dit : « je prends possession des actions », ou s'il réalise plutôt sa garantie en prenant possession des actifs et en les liquidant? Cela change-t-il quelque chose si on parle du contrôle des actions ou de la réalisation de la garantie et de la liquidation des actifs de l'entité?
Mme Aitken : Pour ce qui est de l'amendement qui exige l'avis, il s'applique au contrôle d'une entreprise canadienne, ce à quoi s'applique habituellement la loi. On parle du contrôle de l'entreprise : les actions ou la quasi-totalité des actifs.
Le sénateur Massicotte : La quasi-totalité des actifs, d'accord.
La sénatrice Ringuette : Habituellement, lorsqu'un projet de loi nous est présenté, c'est parce qu'un événement a provoqué une discussion au sein d'un ministère, du gouvernement ou du Cabinet, et qu'on essaie ainsi de corriger une lacune. Quel événement a mené au présent projet de loi?
Mme Aitken : Aucun événement précis n'a entraîné la présente modification de la loi. On tente simplement de s'assurer que la loi est efficace. Ce n'est pas en réaction à un événement précis.
La sénatrice Ringuette : Et, concrètement, que fait cette loi?
M. Halucha : Puis-je ajouter quelque chose? L'ajout du cadre de sécurité nationale dans la Loi sur Investissement Canada a été entrepris en 2009.
La sénatrice Ringuette : Oui.
M. Halucha : En fait, nous évaluons attentivement, comme nous le faisons pour toutes les lois, si des changements sont nécessaires pour que l'on puisse s'assurer qu'elle reste adaptée et moderne. Il n'y a pas eu d'événement précis.
On procède à des examens de routine pour déterminer si on peut apporter des améliorations aux lois. Il s'agit du dernier aspect sur lequel nous nous sommes penchés. L'exception a été ajoutée à la loi durant les années 1980, alors on a décidé qu'il serait important, au moins, d'avoir des données. Nous ne savons pas à quelle fréquence cela se produit actuellement. L'objectif est d'obtenir efficacement des données probantes pour déterminer à quelle fréquence cela se produit dans le but d'acquérir le contrôle d'entreprises canadiennes.
La sénatrice Ringuette : Vous avez dit que, pour que le critère de sécurité nationale s'applique, l'investissement devait être de 350 millions de dollars ou plus.
M. Halucha : C'est exact.
La sénatrice Ringuette : Quel est le seuil pour ce contrôle? Est-ce 51 p. 100 des actifs de l'entreprise? Est-ce 60?
Mme Aitken : La loi prévoit actuellement deux types de déclarations. Le seuil actuel est plus de 354 millions de dollars en valeur de l'actif d'une entreprise canadienne. Au-dessus du seuil, une demande d'examen doit être présentée. En dessous du seuil, c'est un avis, mais cela s'applique à toute prise de contrôle d'entreprises canadiennes. La notion de « contrôle » est définie précisément dans la loi.
La sénatrice Ringuette : Et quel est le chiffre? Est-ce 51 p. 100 des actifs de l'entreprise?
Mme Aitken : Il faut lire les dispositions à l'article 28, mais, en général, cela s'applique à l'acquisition d'une participation majoritaire, ce qui signifie l'acquisition de la majorité des intérêts avec droit de vote. Une entreprise canadienne peut être une société, une fiducie, une coentreprise ou un partenariat, puis les intérêts connexes sont définis comme des intérêts avec droit de vote dans la loi. On parle de l'acquisition d'une majorité des intérêts avec droit de vote.
La sénatrice Ringuette : Ce n'est pas directement une valeur monétaire?
Mme Aitken : C'est exact.
Le sénateur Tannas : Pour ce qui est des motifs, à part ceux que vous avez déjà mentionnés, pourrait-on dire que c'était aussi pour combler toute lacune qui pourrait permettre à des étrangers d'entrer en possession d'entreprises de cette façon? Une telle situation aurait-elle pu venir à l'idée de quelqu'un qui a proposé ces changements?
M. Halucha : Puisque cela est déjà couvert par le volet de la sécurité nationale, nous ne l'avons vraiment pas fait pour combler des lacunes. L'objectif était d'obtenir des données probantes.
Le sénateur Tannas : Pour obtenir des renseignements et de l'information sur cette activité.
M. Halucha : C'est exact.
Le sénateur Tannas : C'est bien.
Ensuite, dans le cas des prêts accordés par des banques canadiennes dont, disons, certains des membres du consortium sont des institutions étrangères, ce qui se produit souvent, de quelle façon procéderait-on pour déterminer s'il s'agit ou non d'un prêt consenti par une banque étrangère, si, effectivement, elle fait partie d'un consortium qui est dirigé et géré par une banque canadienne?
Mme Aitken : Dans un cas où on traite avec une banque canadienne, il faut plutôt se tourner vers la Loi sur les banques. Il y a une division claire entre la Loi sur Investissement Canada et la Loi sur les banques, et tout ce qui est visé par la Loi sur les banques ne l'est pas par la Loi sur Investissement Canada. C'est donc clair, sauf dans les cas où il y a des approbations aux termes de la Loi sur les banques.
Une bonne partie des cas de prêts relèveront de la Loi sur les banques et non de la Loi sur Investissement Canada. Et là, on vise les autres.
Le sénateur Tannas : Ce ne sera visé par aucun cadre additionnel, quel qu'il soit?
M. Halucha : C'est exact, oui.
Mme Aitken : Cela relève de la Loi sur les banques.
Le sénateur Tannas : De ceci?
Mme Aitken : Oui.
M. Halucha : Pour répondre à votre question, elle est là la véritable lacune dont nous parlons, parce que ces situations ne sont assujetties à aucun cadre redditionnel en ce moment.
Le sénateur Black : Ne doit-on pas comprendre que, si je représente une banque étrangère — une banque de Malaisie — et qu'un promoteur de GNL dont le siège social est au Canada me demande de financer ses opérations, en vertu de cette nouvelle proposition, si le projet est en défaut de paiement, je ne pourrais peut-être pas réaliser ma garantie en raison de la décision d'un bureaucrate. Dans une telle situation, je refuserais d'octroyer le prêt, parce qu'on mine ma capacité de réaliser ma garantie. Si j'ai raison, alors n'est-ce pas une façon, en fait, de limiter la capacité des entités qui créent des entreprises au Canada de financer des activités à l'extérieur du pays?
Mme Aitken : Alors il n'y a pas de changement dans ces modifications apportées à la capacité du gouvernement d'approuver une transaction d'acquisition d'une entreprise.
Le sénateur Black : Je comprends.
Mme Aitken : Il n'est pas nécessaire de réaliser un examen du bénéfice net, et on ne modifie pas les dispositions sur la sécurité nationale. C'est purement une exigence liée à l'information. L'exigence ne s'applique pas au moment de...
Le sénateur Black : Ce n'est pas ce que votre collègue a dit. Ce n'est pas ce que vous avez dit, monsieur. Vous avez dit qu'il y a une possibilité, et c'est pour cela que je pose ma question. Si je veux réaliser ma garantie et que je suis un prêteur étranger, et que le montant est supérieur au seuil, c'est maintenant une question de sécurité nationale, parce que je pourrais en fait obtenir le contrôle d'un actif, chose que le gouvernement du Canada n'approuvera peut-être pas. Par conséquent, je ne peux pas réaliser ma garantie. C'est ce que vous avez dit.
M. Halucha : Je dis que c'est déjà le cas aux termes des dispositions sur la sécurité nationale de la loi. Nous ne modifions rien à ce risque. Le risque est déjà là.
Au sujet du fait qu'un bureaucrate prend les décisions, les décisions sont toutes prises par le gouverneur en conseil, alors il y a un important pouvoir discrétionnaire prévu dans la loi pour le ministre de l'Industrie. Il prend une décision à la lumière d'une recommandation, dans le cas d'un conseil lié à la sécurité nationale, provenant du ministre de la Sécurité publique, mais, au bout du compte, toute décision liée à un investissement associé à une préoccupation du point de vue de la sécurité nationale revient au gouverneur en conseil. C'est de lui que viennent les ordres.
Le sénateur Massicotte : J'ai deux commentaires. Je comprends votre réponse. Vous n'y changez peut-être rien, mais cela a très certainement dissuadé des prêteurs d'investir dans les sables bitumineux parce qu'ils pourraient ne pas pouvoir réaliser leur garantie.
Ma question porte davantage sur l'article 189. Je suis curieux : vous abrogez un article qui n'a jamais servi et qui servait à donner au ministre le pouvoir de prolonger la période d'examen. Pourquoi l'éliminez-vous?
Mme Aitken : Des amendements ont été apportés en 2013 pour ajouter des dispositions permettant de prolonger les phases du processus d'examen lié à la sécurité nationale. Les amendements renvoyaient à des périodes réglementées, alors un règlement était nécessaire afin de les appliquer, pour concrètement définir des périodes précises.
On a déterminé qu'il n'est plus nécessaire d'avoir ce pouvoir précis, mais les autres pouvoirs d'établir les délais dans le cadre des examens liés à la sécurité nationale sont encore là.
Lorsque le règlement entrera en vigueur, les prolongations y seront. Il s'agit d'une mesure de nettoyage législatif, parce que cette autorisation précise n'est pas nécessaire.
[Français]
La sénatrice Bellemare : J'aimerais savoir si la réglementation que vous proposez avec celle qui existe déjà met le Canada dans une situation comparable à celle des pays du G20. Est-ce que c'est dans l'ensemble des grands pays avec lesquels on fait affaire généralement qu'il y aura plus ou moins de réglementation?
[Traduction]
M. Halucha : C'est une très bonne question. Tous les pays réalisent un genre d'examen de la sécurité nationale au sujet des investissements. Cela n'a rien de spécial. De plus, je soulignerais que, en fait, il est très difficile de découvrir de quelle façon ces régimes de sécurité nationale fonctionnent. C'est difficile de déterminer si le fardeau est plus lourd au Canada que dans une autre administration vu que le niveau de divulgation n'est souvent pas assez élevé relativement aux processus liés à la sécurité nationale des autres pays.
Le sénateur Greene : Pour revenir sur la question posée par la sénatrice Ringuette quant à savoir si un événement avait suscité le changement, pouvez-vous me fournir deux ou trois exemples du genre de transactions qui seraient considérées comme potentiellement problématiques dans le cadre de votre règlement?
Mme Aitken : Le règlement qui exige l'avis — donc quelque chose à déclarer — s'appliquerait lorsqu'une entité consent un prêt à une autre entité, peut-être un actionnaire. Ce n'est pas au moment du prêt. Cependant, si l'emprunteur manque à ses obligations, et que le prêteur réalise sa garantie et que, ce faisant, il acquiert le contrôle d'une entreprise canadienne, l'exigence relative à l'avis s'applique.
Le sénateur Greene : Tout est parfait jusque-là, mais n'y a-t-il pas par la suite le problème touchant la sécurité nationale?
Mme Aitken : Ces avis, qui s'appliquent généralement aux investisseurs étrangers, n'auront pas nécessairement quelque chose à voir avec la sécurité nationale. La sécurité nationale est un processus déjà prévu dans la loi...
Le sénateur Greene : Bien sûr.
Mme Aitken : ... il s'applique lorsqu'il y a une transaction que le ministre de l'Industrie juge possiblement néfaste après avoir consulté le ministre de la Sécurité publique, et qu'il se tourne vers le gouverneur en conseil.
Le sénateur Greene : J'aimerais que vous nous fournissiez un exemple de problème de sécurité nationale dans le contexte d'un investissement.
M. Halucha : Le gouvernement n'a pas défini les facteurs liés à la sécurité nationale et ce en quoi cela consisterait. C'est une décision prise au cas par cas. Il n'y a pas de facteur énuméré dans la loi, et, évidemment, nous ne sommes pas dans une position pour fournir des exemples de situations précises.
Le président : Madame Aitken, monsieur Halucha, merci beaucoup de votre participation aujourd'hui.
Mesdames et messieurs, nous nous tournons maintenant vers la section 12 de la partie 4, qui relève aussi d'Industrie Canada. Vous vous rappellerez que, en 2010, à la demande du ministre, notre comité avait entrepris une revue réglementaire de 10 ans de la Loi sur la Banque de développement du Canada. Le projet de loi semble appliquer certaines des recommandations que nous avions formulées.
Nous accueillons Michel Bergeron, vice-président principal, Marketing et Affaires publiques, et Mathieu Belleville, vice-président associé, Affaires juridiques, de la Banque de développement du Canada. M. Bergeron présentera une déclaration préliminaire.
Michel Bergeron, vice-président principal, Marketing et Affaires publiques, Banque de développement du Canada : Merci beaucoup, monsieur le président, et bonjour, honorables sénateurs. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour vous parler des amendements proposés à la Loi sur la Banque de développement du Canada.
Comme vous le savez, la BDC a comme mandat de fournir des services financiers et de consultation aux entrepreneurs canadiens en mettant l'accent sur les petites et moyennes entreprises, les PME. Ce rôle est complémentaire à celui des institutions financières privées. Par conséquent, nous prenons plus de risques et établissons des prix en conséquence. Nous servons actuellement plus de 30 000 entrepreneurs qui emploient 690 000 Canadiens et génèrent près de 200 milliards de dollars en revenus. En outre, 16 p. 100 de ces clients sont des exportateurs qui génèrent des revenus d'exportation dépassant les 22 milliards de dollars. Même si notre objectif principal est d'aider à créer et à mettre sur pied des entreprises canadiennes, nous sommes rentables et nous versons des dividendes chaque année au gouvernement.
[Français]
Comme vous le savez, le ministre de l'Industrie est tenu d'effectuer un examen de la Loi sur la Banque de développement du Canada (BDC) tous les 10 ans. À ce titre, plusieurs membres de ce comité ont eu l'occasion de participer activement à cette révision. Le travail a mené au dépôt du rapport exhaustif de votre comité en décembre 2010. De plus, un autre rapport a été publié par le ministre de l'Industrie, le 16 juin 2014.
Ces deux rapports concluent qu'il est opportun de modifier la loi. En effet, bien que la Loi sur la BDC ait bien servi les entrepreneurs depuis son entrée en vigueur en 1995, il est maintenant judicieux d'y apporter certaines modifications pour la mettre à jour, à la lumière de l'environnement changeant dans lequel les PME exploitent leurs activités.
Les modifications proposées à la Loi sur la BDC sont mineures. Ils n'altéreront en rien sa mission et son attention particulière aux petites et moyennes entreprises. Au contraire, ces modifications permettront à la BDC de disposer d'outils pertinents pour bien soutenir les entrepreneurs là où ils nous le demandent.
[Traduction]
Cela dit, les modifications législatives proposées à la Loi sur BDC permettraient à la banque, premièrement, d'aider les PME à croître et à ne pas se limiter au marché national. Dans cette optique, nous pourrions maintenant aider les entreprises, comme Advantage Engineering, à donner de l'expansion à ses opérations au Mexique afin d'accroître sa compétitivité tout en conservant les avoirs et les emplois au Canada et sans surcharger son bilan canadien.
Deuxièmement, la banque pourrait investir dans des fonds de capital-risque établis légalement à l'étranger dont l'économie canadienne bénéficie. Par exemple, nous pourrions investir dans un fonds industriel constitué aux États-Unis, comme XPV, si au moins la moitié des administrateurs du fonds résident au Canada et que le fonds maintient son engagement d'investir au Canada.
Troisièmement, les modifications proposées permettraient à la BDC d'offrir un financement indirect par le truchement d'organisations tierces comme Futurpreneur Canada, anciennement la FCJE, appuyant ainsi les jeunes entrepreneurs de façon plus efficiente.
Les modifications permettraient aussi au gouverneur en conseil d'adopter des règlements précisant des outils financiers et des services de gestion supplémentaires, de mettre à jour la portée des services de gestion de la BDC et de s'assurer qu'ils sont complémentaires à ceux offerts par le secteur privé et, pour terminer, moderniser les dispositions sur la gouvernance afin de les harmoniser avec les pratiques de l'industrie.
Mon collègue et moi répondrons volontiers à vos questions au sujet des modifications proposées.
[Français]
La sénatrice Bellemare : D'après ce que vous venez de dire, la Banque de développement du Canada sera en mesure d'investir dans du capital de risque à l'extérieur du Canada si certaines conditions sont respectées. Les gens d'affaire d'ici se plaignent qu'il n'y a pas assez de capital de risque au Canada. Les taux de rendement aux États-Unis sont sans doute plus élevés qu'ici au Canada. Cela s'explique par un ensemble de facteurs.
On avait des joueurs qui disposaient de crédits d'impôt, notamment les fonds de la FTQ. Ces crédits d'impôt ont été réduits. Ces joueurs investissaient beaucoup dans le capital de risque. Les modifications proposées risquent-elles de réduire encore l'offre de capital de risque au Canada?
M. Bergeron : Il est important de préciser que la volonté n'est pas d'investir dans des fonds qui vont par la suite être investis à l'étranger. Il faut investir dans des fonds qui, même s'ils sont de juridiction étrangère, seront investis au Canada et qui seront gérés par une équipe au Canada.
La société XPV en est un bel exemple. XPV est un fonds canadien. De par sa performance passée, XPV avait réussi à attirer plusieurs investisseurs étrangers qui souhaitaient investir au Canada. Cependant, pour des raisons fiscales, légales et autres, elle a décidé de s'incorporer aux États-Unis. Dans ce contexte, on était limité dans les capacités d'investir dans un fonds qui allait quand même bénéficier à des entreprises canadiennes.
Les modifications proposées nous donneraient donc une flexibilité. Ceci dit, les tests requis à la loi nous obligent à s'assurer que non seulement une équipe de gestionnaires est basée au Canada, mais que le fonds bénéficiera à des entreprises canadiennes.
La sénatrice Bellemare : C'est ce que je voulais vous entendre dire de manière spécifique.
M. Bergeron : Ce n'est pas dans une perspective de sortir des fonds du Canada, mais plutôt d'essayer d'encourager davantage des financements.
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie, messieurs, de votre présence au comité. Comme vous le savez, toutes ces modifications font suite à une démarche entamée il y plusieurs années. En 2009 ou 2010, vous avez publié vos propres demandes de modifications. En décembre 2010, après examen, le comité avait statué sur l'ensemble de l'acte comme tel, qui constitue la BDC. Vous êtes sans doute conscient que ces modifications font suite à nos recommandations, cela n'a rien à voir avec le ministre.
Dans l'une de vos recommandations, vous aviez demandé d'augmenter votre paid-in capital. Ce n'est pas clair dans les modifications proposées si cette proposition c'est faisable. Avez-vous l'habitude de faire une telle demande? S'agit-il d'une demande qui n'a pas été satisfaite?
M. Bergeron : D'abord, je tiens à vous remercier encore une fois pour votre travail en 2010. C'est nous à l'époque qui avions fait cette demande. Par contre, à la suite des discussions avec le gouvernement, il a été décidé de ne pas modifier cette disposition. La limite actuelle de 3 milliards demeure donc inchangée. C'est une situation particulière. Depuis les comparutions en 2010, notre paid-in capital a diminué, parce qu'on a fait une remise en termes de capital-actions. À l'heure actuelle, on est à environ 2,1 ou 2,2 milliards, ce qui nous laisse une marge de manœuvre. À mon avis, cette décision a été prise pour nous laisser suffisamment d'espace pour une croissance éventuelle.
Le sénateur Massicotte : La BDC est-elle d'accord?
M. Bergeron : Oui, absolument. On a une capacité au niveau de notre capitalisation qui est suffisante pour les années à venir.
Le sénateur Massicotte : Une autre question qui a été soulevée en décembre 2010 concerne les compétences des personnes nommées à votre conseil d'administration. On avait fortement recommandé que les nominations soient faites en fonction des compétences financières adéquates pour satisfaire vos besoins. Vous parlez de modifications aux règlements de gouvernance. Toutefois, il n'est pas question des critères de nomination à votre conseil. Est-ce exact?
M. Bergeron : Encore une fois, il a été décidé que ce n'était peut-être pas nécessaire de l'inclure dans la loi. Dans notre processus de sélection des administrateurs, on dispose d'une grille de compétences très rigoureuse. On fait souvent appel à des chasseurs de têtes à l'externe pour choisir nos candidats. Ceux-ci s'assurent que les candidats répondent aux critères de compétences exigées et, dans ce cas-ci, les critères de compétences financières.
Le sénateur Massicotte : Donc, la BDC publie les critères de compétences, le ministre les approuve et en tient compte lors des nominations?
M. Bergeron : Oui. Vous pouvez consulter la liste des administrateurs. Nous avons actuellement d'excellents administrateurs, qui sont extrêmement compétents. Le processus actuel fonctionne donc très bien.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : Quelles recommandations de l'examen du Sénat ont été intégrées dans ces amendements?
M. Bergeron : Je dirais que les recommandations les plus importantes ont été intégrées, par exemple, celles selon lesquelles nous devrions avoir une plus grande marge de manœuvre pour financer des activités à l'étranger. La première recommandation selon laquelle il faut continuer à mettre l'accent sur les PME est maintenue dans la loi, tout comme la complémentarité. De plus, les amendements accorderaient la marge de manœuvre nécessaire grâce à un outil non financier. Comme je l'ai dit, il s'agit d'une souplesse permettant de fournir des services de financement à terme à l'étranger et aussi à des fins d'investissement ou d'investissement de capital de risque.
Pour terminer, il y a certaines recommandations liées à la gouvernance ainsi que la recommandation du comité selon laquelle nous devions avoir la capacité de financer des sociétés de fiducie sans but lucratif, et l'exemple que je vous ai donné, c'est Futurpreneur Canada.
Les principales dispositions du projet de loi à l'étude sont essentiellement conformes aux recommandations contenues dans le rapport.
Le sénateur Tkachuk : Lorsque vous parlez des services de gestion offerts par la BDC, vous parlez d'aider les entreprises dans lesquelles vous avez investi en accordant un prêt ou de mettre les pieds dans le domaine de la consultation?
M. Bergeron : Pour le dire clairement, ils ne sont pas conditionnels. Si vous êtes un client et recevez du financement de la BDC, alors vous devez utiliser les services de consultation et vice-versa. Il s'agit de deux services complètement distincts. En fait, la nature du marché des services de consultation, surtout lorsqu'il est question des petites et moyennes entreprises au Canada, est extrêmement fractionnée. Il y a beaucoup de petits fournisseurs, et une bonne partie de nos clients ne savent pas vers qui se tourner pour obtenir ces services de consultation, alors ils se tournent vers nous. Dans de nombreux cas, ce sont nos banquiers qui visitent les usines et les clients pour déterminer quels peuvent être leurs besoins. Cette détermination des besoins nous permet d'affecter des consultants qui pourront y répondre.
Le sénateur Tkachuk : Vous parlez d'affecter des consultants qui iront aider ou dites-vous que la banque elle-même offre des services de consultation et fait concurrence aux consultants du secteur privé?
M. Bergeron : Notre modèle de consultation est hybride. Nous avons des consultants internes qui établissent notre méthode, mais lorsqu'il s'agit d'offrir des services à l'échelle du pays, nous faisons affaire avec des consultants du secteur privé pour offrir les services. Nous jouons le rôle d'intermédiaire entre les petites entreprises et les consultants du secteur privé. Les consultants du secteur privé sont payés par la BDC, mais la BDC signe des contrats avec les PME relativement à la prestation des services.
Le sénateur Tkachuk : Je ne suis pas sûr de tout comprendre, mais je vais passer à ma prochaine question.
Je trouve intéressant que vous alliez maintenant pouvoir investir dans du capital de risque. Va-t-il s'agir d'un pourcentage du capital que vous avez? De quelle façon allez-vous prendre ces décisions? Est-ce que 10 p. 100 des capitaux seront investis dans du capital de risque et 90 p. 100 dans des prêts pour les petites entreprises? Quels critères utilisez-vous?
M. Bergeron : Chaque année, nous réalisons un processus de planification stratégique que nous appelons notre processus de planification organisationnelle, dans le cadre duquel nous devons présenter un rapport à notre actionnaire, le gouvernement du Canada. Notre plan organisationnel compte un plan financier qui fournit des prévisions en ce qui a trait aux divers investissements ou activités de prêt de l'année à venir. Par exemple, si vous prenez les activités de la BDC liées au capital de risque, nous prenons des décisions quant au montant d'argent qui sera investi directement dans des entreprises technologiques canadiennes et, indirectement, dans des fonds. Par conséquent, la répartition du capital est définie durant le processus de planification de l'organisation. Durant l'année, selon les approches et les demandes que nous obtenons, des décisions d'investissement sont prises en fonction de la répartition du capital.
J'espère avoir répondu à votre question. Au départ, dans le processus de planification stratégique, nous définissons le montant de capital investi dans nos divers secteurs d'activité et, dans ceux-ci, nous prenons nos décisions en fonction des occasions qui se présentent.
La sénatrice Ringuette : En ce qui concerne le financement indirect d'organisations tierces, le financement s'applique-t-il aux incubateurs d'entreprises? Et qu'en est-il des coopératives de mise en marché? Peut-on financer des organisations provinciales ou municipales? Lorsque vous parlez d'organisations tierces, les entités que je viens d'énumérer seraient-elles admissibles ou y a-t-il une définition précise de ce en quoi consiste une organisation tierce?
M. Bergeron : Le paragraphe 217(3) du projet de loi contient un libellé précis à cet égard. Il précise que le paragraphe 3 ne s'applique pas, mais, indirectement, il permet une application à une fiducie ou une organisation définies au paragraphe 2(1) de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif.
La sénatrice Ringuette : Est-ce limité?
M. Bergeron : C'est limité aux organisations à but non lucratif fédérales ou provinciales. Ça ne s'appliquerait pas à tous les types d'organisation. Dans l'exemple actuel, nous voulons une plus grande marge de manœuvre pour fournir du financement à Futurpreneur, qui est une organisation à but non lucratif constituée sous le régime fédéral. L'objectif est d'obtenir des fonds d'une institution financière du secteur privé. Dans ce cas, compte tenu du rendement en matière de prêt du portefeuille de Futurpreneur, l'institution demande à la BDC de fournir une garantie dans le cadre de cette initiative de financement précise.
Actuellement, nous n'avons pas la capacité nécessaire. Si le projet de loi est adopté, alors nous l'aurons. C'est un exemple. Certains des exemples que vous avez donnés, comme les entités provinciales et ainsi de suite, ne sont pas inclus au paragraphe 217(3).
La sénatrice Ringuette : Et qu'en est-il des coopératives d'affaires régionales?
Mathieu Belleville, vice-président associé, Affaires juridiques, Banque de développement du Canada : Habituellement, il y a une loi qui régit les coopératives. Au Québec, il y a la Loi sur les coopératives, et les coopératives y sont assujetties. Les coopératives ne seraient pas admissibles parce qu'elles ne sont pas visées par la Loi canadienne sur les organisations à but lucratif ni par une loi équivalente au Québec ou dans toute province du Canada.
La sénatrice Ringuette : C'est très limité.
Le président : Monsieur Bergeron, monsieur Belleville, merci de votre participation aujourd'hui.
Nous allons maintenant passer à la section 18 de la partie 4, qui relève du ministère des Finances du Canada.
Vous vous rappellerez que notre comité a réalisé une étude approfondie de blanchiment d'argent et du financement des activités terroristes et produit un rapport en mars 2013. Cette décision applique certaines de nos recommandations.
Nous accueillons Sophie Amberg, agente de projet principale, et Lisa Pezzack, directrice, Direction de la politique et du secteur financier, du ministère des Finances du Canada.
Mme Amberg présentera une déclaration préliminaire.
Sophie Amberg, agente de projet principale, ministère des Finances Canada : Merci beaucoup de l'invitation. Je suis agente de projet principale de la section nationale des crimes financiers du ministère des Finances. Je suis ici pour vous donner un aperçu de la section 18. Cet amendement technique vise à modifier la partie 1.1 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, et plus précisément la définition d'entités étrangères dans cette partie.
La partie 1.1 de la loi permet au ministre des Finances de prendre des mesures pour protéger l'intégrité du système financier canadien relativement au mouvement de fonds illicite de l'étranger au Canada. Plus précisément, la partie 1.1 permet au ministre des Finances de prendre des contre-mesures à l'égard d'entités étrangères et d'États étrangers qui constituent un risque élevé lié au blanchiment d'argent et au financement d'activités terroristes pour le Canada. Actuellement, la notion d'entité étrangère est définie dans cette partie et elle inclurait les entreprises étrangères de services monétaires.
Dans la première loi d'exécution du budget après le budget de 2014, le gouvernement a proposé des amendements pour intégrer les entreprises étrangères de services monétaires dans la loi en tant qu'entités déclarantes. Ces dispositions ne sont pas encore en vigueur, mais elles le deviendront. L'amendement proposé dans cette deuxième loi d'exécution du budget vise à s'assurer que la définition d'entité étrangère sera mise à jour pour inclure les entreprises étrangères de services monétaires, même lorsqu'elles deviendront des entités déclarantes aux termes de la loi. L'objectif est non pas de modifier le traitement qui leur est réservé, mais de s'assurer qu'elles pourront continuer à être considérées comme des entités étrangères et qu'elles ne seront pas visées par les contre-mesures aux termes de la partie 1.1 si le seuil est atteint.
Le sénateur Black : Pouvez-vous me dire et dire à ceux qui nous regardent dans le confort de leur salon ce que cela signifie? Pouvez-vous me donner un exemple de cas où ce serait applicable?
Mme Amberg : Comme je l'ai mentionné, c'est un amendement assez technique parce que, actuellement, les entreprises étrangères de services monétaires sont considérées comme une entité étrangère aux termes de la loi. Me demandez-vous un exemple de la façon dont on pourrait appliquer une contre-mesure?
Le sénateur Black : Donnez-nous un exemple d'entreprise étrangère de services monétaires. Expliquez-nous comment cela fonctionne et de quelle façon elle pourrait faire entrer de l'argent terroriste. Donnez-nous un exemple concret.
Mme Amberg : Une entreprise de services monétaires étrangère offre des services aux Canadiens, mais n'est pas située au Canada. Par exemple, ceux qui exploitent des entreprises sur Internet sont considérés comme des entreprises étrangères de services monétaires si elles fournissent des services au Canada.
Le sénateur Black : Quel genre de service? Parle-t-on d'un service virtuel? Parle-t-on d'une banque étrangère?
Mme Amberg : La notion d'« entreprise de services monétaires » est définie aux termes de la loi comme étant des institutions financières qui ne sont pas des banques, mais fournissent des services comme des services de virement de fonds. Comme vous l'avez mentionné pour la monnaie virtuelle, dans la première loi d'exécution du budget, le gouvernement a inclus un amendement en vertu duquel les entités qui se livrent au commerce de la monnaie virtuelle devaient être considérées comme des entreprises de services monétaires. Cela n'est pas encore entré en vigueur, mais ces entités seront considérées comme des entreprises de services monétaires, et il est donc possible qu'une entreprise de service monétaire étrangère soit une entité qui se livre au commerce de la monnaie virtuelle. C'est un exemple des nombreux types d'entreprise de services monétaires.
La partie 1.1 s'applique lorsqu'une entreprise de services monétaires étrangère est cliente d'une institution au Canada. Par exemple, si une entreprise de services monétaires étrangère veut faire affaire au Canada et offrir des services aux Canadiens, elle doit ouvrir un compte bancaire. La partie 1.1 exigerait que la banque en question prenne des mesures contre une entreprise pour la surveiller de près, et, peut-être, exiger d'elle plus de pièces d'identité et lui imposer des seuils redditionnels différents. La partie 1.1 s'applique lorsque cette entreprise de services monétaires étrangère devient un client d'une institution financière au Canada.
Le sénateur Black : Donc, tout ce que vous faites, c'est d'élargir votre portée en ce qui concerne les possibles cas de financement terroriste pour viser ce type d'activité commerciale? Ai-je bien compris?
Mme Amberg : Non. Actuellement, la loi inclut déjà les entreprises de services monétaires étrangers. Aujourd'hui même, le ministre pourrait prendre une contre-mesure contre une entreprise de services monétaires étrangère. Cet amendement est nécessaire parce que les entreprises de services monétaires étrangères seront bientôt considérées comme des entités déclarantes aux termes de la loi. Cette distinction signifie qu'elles ne seraient plus considérées comme des entités étrangères tel que cette notion est définie actuellement. L'objectif n'est pas un élargissement quelconque; il s'agit plutôt de rétablir la situation actuelle une fois que les obligations connexes entreront en vigueur. C'est une mesure pour maintenir le statu quo.
Le sénateur Black : Je suis complètement perdu.
Lisa Pezzack, directrice, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Nous tentons d'accroître la certitude juridique. La mesure que nous avons incluse dans la première loi d'exécution du budget exigeait des entreprises de services monétaires étrangères qu'elles deviennent des entités déclarantes. Nous voulons nous assurer que, même lorsque l'entreprise sera une telle entité, elle continuera d'être considérée comme une entité étrangère, contre laquelle le ministre peut prendre des contre-mesures. Nous voulons plus de certitude juridique. Et par souci de clarté, on parle non seulement du financement d'activités terroristes, mais aussi de blanchiment d'argent.
La sénatrice Ringuette : Cette notion inclut-elle les différents comptoirs d'échange?
Mme Amberg : Cela inclura tous les bureaux de change parce que les transactions étrangères de change sont un type d'activité que réalisent des entreprises de services monétaires.
La sénatrice Ringuette : Cela inclurait-il aussi toutes les entités que nous voyons sur Internet, par exemple, du Royaume-Uni, comme les sociétés de prêt sur salaire au Canada? Ils font affaire avec les Canadiens par Internet. Cela permettrait-il au ministre d'inclure ce genre d'entités?
Mme Amberg : Oui, dans certains cas. Actuellement, aux termes de la partie 1.1, le ministre ne peut pas cibler une entreprise canadienne. Pour bon nombre de ces entités, c'est une question de savoir si elles sont situées au Canada, une question de fait. Oui, en général, le ministre pourrait le faire si les entreprises satisfont aux critères de la définition d'entité étrangère. Une entreprise du Royaume-Uni peut en fait être située au Canada à des fins opérationnelles et ne pas être visée par la définition d'entité étrangère.
La sénatrice Ringuette : Dans le monde réel, on est déjà beaucoup plus loin. On parle de monnaie virtuelle d'un côté et de prêts sur Internet de l'autre.
Mme Amberg : Qu'on me comprenne bien. Les obligations aux termes de la loi seraient imposées aux entreprises de services monétaires, qu'elles soient situées au Canada ou à l'étranger, une fois que ces dispositions entreront en vigueur. C'est autre chose que de leur imposer des obligations et de leur demander de mettre des systèmes en place. Nous parlons uniquement de la partie 1.1, et cela porte sur la capacité du ministre de prendre des contre-mesures contre une entité étrangère à haut risque. L'objectif est seulement de s'assurer que nous protégeons le système de tout financement illicite qui viendrait de l'étranger.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Est-ce que cela comprend les banques étrangères qui ne font pas affaire ici mais dans lesquelles les Canadiens déposent des comptes?
Mme Amberg : Selon la définition, les banques étrangères en ce moment sont considérées comme des entités à l'étranger.
La sénatrice Bellemare : Et les banques suisses?
Mme Amberg : Oui, elles sont considérées ainsi.
La sénatrice Bellemare : Le ministre des Finances aura désormais un recours légal?
Mme Amberg : Oui, mais il existe des critères. Il doit vraiment y avoir un risque élevé. Des critères spécifiques doivent être remplis avant qu'il puisse prendre des mesures.
Le sénateur Massicotte : On a déjà répondu à ma question. Je profite de l'occasion pour vous féliciter d'avoir été assez diligente pour lire notre rapport et nous faire part de vos recommandations.
[Traduction]
Le sénateur Black : Le comité a examiné des questions liées au financement des activités terroristes et au blanchiment d'argent il y a environ un an et formulé une série de recommandations. Avez-vous envisagé d'inclure d'autres de nos recommandations dans le projet de loi?
Mme Amberg : Diverses autres recommandations ont été intégrées dans le projet de loi. D'autres pourront être intégrées dans des mesures réglementaires en cours d'élaboration, et d'autres encore, d'un point de vue opérationnel. Il n'est pas toujours nécessaire de procéder à des modifications législatives. Nous avons pris le rapport très au sérieux lorsque nous avons déterminé l'ensemble des choses que nous voulions faire.
Le sénateur Black : Et vous vous êtes dit que c'était de l'excellent travail.
Mme Amberg : C'était de l'excellent travail. J'ai passé beaucoup de temps dans cette salle à vous regarder travailler.
Le sénateur Black : Merci beaucoup.
Le président : Madame Amberg et madame Pezzack, merci beaucoup de votre participation.
Nous allons maintenant passer à la section 22 de la partie 4. Nous recevons M. Glenn Campbell, directeur, Direction générale de la politique du secteur financier, et Eleanor Ryan, chef principale, Direction générale de la politique du secteur financier du ministère des Finances du Canada. Nous accueillons aussi Ron Morrow, chef, Stabilité financière, et M. Robert Turnbull, conseiller spécial, Système financier, de la Banque du Canada.
M. Campbell présentera une déclaration préliminaire.
Glenn Campbell, directeur, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Bonjour, honorables sénateurs. Les mesures proposées dans le projet de loi C-43 visent à améliorer et à préciser le régime fédéral des coopératives de crédit. Il est essentiel de définir clairement les rôles des organismes de réglementation et les sources de soutien officiel pour s'assurer que le système financier se porte bien. Le gouvernement continue d'aller de l'avant avec son programme parallèle proposé touchant les coopératives de crédit, pour préciser la réglementation fédérale en lien avec les centrales de coopératives de crédit provinciales et offrir un soutien aux coopératives de crédit qui veulent être assujetties à la réglementation fédérale.
Pour ce qui est de la première partie du programme, le gouvernement fédéral propose d'apporter des modifications techniques à la Loi sur les associations coopératives de crédit, la Loi sur la société d'assurance-dépôts du Canada et la Loi sur la Banque du Canada pour préciser la réglementation fédérale visant les centrales de coopératives de crédit provinciales.
La notion de centrale renvoie à plusieurs institutions financières à l'échelle du Canada qui fournissent un soutien à diverses coopératives de crédit, y compris des services liés aux liquidités, aux paiements et aux technologies ainsi que d'autres services administratifs.
La première partie du programme compte trois volets. Premièrement, le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, mettra fin à sa double supervision des centrales de coopérative de crédit provinciale.
Deuxièmement, la Société d'assurance-dépôts du Canada, la SADC, n'accordera plus de prêts aux centrales de coopératives de crédit provinciales ni aux organismes provinciaux d'assurance-dépôts. De plus, l'accès à l'aide d'urgence de la Banque du Canada en matière de prêt sera fourni uniquement si une province verse une indemnité à la Banque du Canada relativement à un prêt consenti à une centrale de coopératives de crédit provinciale.
En plus des changements que je viens de mentionner, il y a des modifications corrélatives incluses dans le projet de loi. Celles-ci englobent la facilitation de la dissolution de la Centrale des caisses de crédit du Canada pour se conformer à la transition continue de l'organisation vers un statut d'association commerciale. Cela est conforme au plan de la CCCC et prévoit aussi l'ajout d'une condition de prédominance fédérale pour les associations dans les centrales fédérales pour que l'on puisse s'assurer qu'elles sont réglementées comme il se doit par le BSIF. Cela est conforme à la décision selon laquelle le BSIF devrait pouvoir examiner les risques de toute institution qu'il supervise pour en assurer une gestion efficace.
Depuis la crise financière, le gouvernement fédéral a intensifié ses échanges avec les provinces pour s'assurer que nos systèmes financiers respectifs sont bien réglementés.
Le gouvernement fédéral a souligné le besoin d'apporter des précisions relativement à la supervision du système de coopératives de crédit, compte tenu de son évolution constante et de l'augmentation de la taille des différentes coopératives de crédit relativement à celle des centrales de coopératives de crédit provinciales.
Le gouvernement fédéral a aussi officiellement consulté les provinces et l'industrie en produisant un document technique sur les centrales le 16 octobre. Le document fournit des renseignements techniques au sujet des changements apportés au régime fédéral de réglementation et est conçu pour faciliter la transition à des régimes exclusivement provinciaux. Le gouvernement fédéral veut obtenir le point de vue des provinces d'ici la fin de décembre sur leurs plans et échéanciers de mise en œuvre. Cette rétroaction aidera à définir une date d'entrée en vigueur de la loi raisonnable. Le gouvernement fédéral est déterminé à travailler en collaboration avec les provinces pour faciliter une application rapide sans perturber les activités des coopératives de crédit.
En ce qui concerne la deuxième partie du programme, le gouvernement fédéral a apporté des modifications à la Loi sur les banques pour continuer à promouvoir la croissance et la compétitivité des coopératives de crédit qui veulent offrir des services à l'échelle nationale. Cette partie compte deux composantes. À la demande des intervenants, le gouvernement fédéral apporte des changements à la législation fédérale en ce qui concerne la prorogation et les fusions, si un certain nombre de coopératives de crédit provinciales décident d'un commun accord de poursuivre leurs activités sous réglementation fédérale et de fusionner. On vise à unifier un processus qui compte actuellement plusieurs étapes. Le gouvernement fédéral rationalisera les échéanciers et les exigences — par exemple, une seule déclaration d'intention conjointe — touchant la prorogation et les fusions et fournira aux membres de chaque coopérative de crédit un vote sur l'ensemble de la transaction.
Le gouvernement fédéral apportera aussi une modification corrélative en accordant aux coopératives de crédit fédérales en cours de fusion le pouvoir existant, permettant aux coopératives de crédit fédérales qui continuent leurs activités de souscrire un engagement vis-à-vis la mise en réseau pour la vente d'assurances. Le gouvernement était prêt à envisager des modèles de rechange liés à la prorogation et/ou aux fusions si les intervenants en présentent.
Merci. Mes collègues et moi sommes prêts à répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup. La première question nous vient de la vice-présidente du comité, la sénatrice Hervieux-Payette.
[Français]
La sénatrice Hervieux-Payette : Ce sont des changements extrêmement importants. Premièrement, combien avons-nous de coopératives fédérales qui sont incorporées, à l'heure actuelle? Deuxièmement, est-ce que les coopératives provinciales ont été consultées de façon officielle? Et troisièmement, ont-elles participé à l'élaboration de ces modifications en profondeur?
[Traduction]
M. Campbell : Pour commencer, jusqu'à présent, il n'y a pas de coopérative de crédit constituée sous le régime fédéral. Le projet de loi fournit un cadre permettant aux coopératives de crédit provinciales qui le désirent, seules ou en groupe, de fusionner et de poursuivre leurs activités sous réglementation fédérale.
En ce qui concerne les consultations, des consultations se tiennent depuis longtemps entre le gouvernement fédéral et les divers organismes de réglementation, tant avec leurs homologues provinciaux, les organismes de réglementation provinciaux, que les intervenants de l'industrie.
La sénatrice Hervieux-Payette : Non, pas les organismes de réglementation, le mouvement des coopératives. Aviez-vous consulté les coopératives? Je ne parle pas des organismes de réglementation.
M. Campbell : Oui, il y a eu des consultations auprès de la CCCC et d'autres membres de l'industrie, y compris de nombreuses coopératives qui sont venues à Ottawa, ou que nous avons aussi rencontrées conjointement ou individuellement au cours des dernières années.
Peut-être qu'Eleanor, qui a participé à ces consultations, aimerait ajouter quelque chose.
Eleanor Ryan, chef principale, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Je me ferai l'écho des commentaires de mon directeur : il y a eu de nombreuses interactions et conversations entre le ministère, les organismes et le milieu des coopératives de crédit sur une longue période.
La sénatrice Hervieux-Payette : Ont-ils demandé que ce nouveau régime soit instauré? Qui servez-vous? S'il n'y a pas de coopérative fédérale, pourquoi apportez-vous tant de modifications à une loi qui ne s'applique à personne au Canada?
M. Campbell : Pour ce qui est d'un cadre relatif aux coopératives de crédit fédérales, des représentants du secteur demandent eux-mêmes depuis de nombreuses années qu'un cadre soit établi pour que leurs membres qui souhaitent donner de l'expansion à leurs coopératives ou offrir des services à l'extérieur de leur province puissent le faire.
Pour l'instant, il y a un groupe de coopératives de crédit ou de caisses populaires du Nouveau-Brunswick, qui a tenu un premier vote public à cet égard, en vue de peut-être faire la transition vers une coopérative de crédit fédérale.
Voilà donc une entité à laquelle le cadre serait utile, dans l'immédiat, et d'autres ont laissé entendre qu'elles aimeraient avoir la possibilité de croître et d'offrir leurs services à l'échelle nationale ou à l'extérieur des frontières de leur province.
La sénatrice Hervieux-Payette : Vous pouvez m'assurer que les coopératives provinciales sont toutes satisfaites de l'ensemble des services qu'elles obtiennent du gouvernement fédéral ou du statut qu'elles ont auprès de celui-ci, qu'elles sont toutes contentes de ce que vous faites? En réalité, je ne crois pas que vous agissiez dans leur intérêt. Je pense que vous minez plutôt les coopératives du pays en apportant les changements en question.
M. Campbell : Pour ce qui est de la dernière partie, concernant les coopératives de crédit fédérales, la décision de convertir leur coopérative en coopérative fédérale appartient entièrement aux membres.
Quant à la première partie du projet de loi, l'objectif est de renforcer le cadre relatif aux coopératives de crédit au Canada en harmonisant la réglementation provinciale et la réglementation fédérale.
Au bout du compte, la réglementation de ces organisations est une compétence provinciale. Elles sont constituées par les lois provinciales et sont visées par la réglementation provinciale. L'objectif poursuivi, dans le projet de loi, c'est de préciser que le BSIF n'appliquera plus en aucun cas de deuxième réglementation aux entités concernées, afin que les coopératives de crédit centrales et les entités sachent bien de qui elles relèvent et dans quel cadre elles évoluent.
La sénatrice Hervieux-Payette : Le BSIF ne fait pas que cela.
Le sénateur Black : Merci à vous tous d'être venus.
C'est un sujet extrêmement complexe, mais aussi très intéressant. Sur le plan constitutionnel, nous pouvons convenir que les coopératives de crédit relèvent normalement de la catégorie des droits de propriété et des droits civils et qu'elles sont donc régies par les provinces. Aussi, je suis un peu étonné que le gouvernement fédéral intervienne autant dans cette sphère constitutionnelle que vous le faisiez, manifestement. C'est intéressant.
Je crois comprendre de ce que vous dites, monsieur, que le gouvernement fédéral se retire du domaine des coopératives et des coopératives de crédit à l'échelle du Canada. Est-ce que je résume bien ce que vous avez dit?
M. Campbell : Je pense que oui en ce qui concerne le rôle du BSIF, en ce sens qu'il se retire et qu'il supprime essentiellement la possibilité pour les coopératives de crédit centrales d'être volontairement régies par deux gouvernements différents. À cet égard, à des fins de précision, oui, ce serait vu comme étant un retrait.
Le sénateur Black : Ce que vous dites est intéressant.
Il y a deux choses que j'aimerais que vous m'expliquiez ou que vous m'aidiez à comprendre : premièrement, la justification des mesures prises, et, deuxièmement, leurs conséquences.
M. Campbell : Certainement.
Chose certaine, pour ce qui est de la justification fondamentale, nous devrions examiner la chose dans le contexte élargi de l'ensemble des efforts déployés par les gouvernements d'autres pays et par le gouvernement canadien depuis la crise financière pour régler les problèmes réels et combler les lacunes. Le Canada s'en est assez bien tiré en général, mais il y avait quelques éléments à préciser.
Au fond, toute institution doit savoir clairement à quel régime juridique elle est assujettie et quels sont les outils qu'elle peut utiliser en cas de besoin ou lorsqu'il y a une tension. Dans ce cas-ci, la justification était qu'il fallait préciser que la province est responsable d'une entité et des outils à la disposition de celle-ci en période de tension.
Dans le cas du BSIF, il y avait vraiment une zone grise, étant donné que le bureau n'était pas en mesure de prendre connaissance, au-delà des coopératives de crédit centrales, de l'activité réelle des centaines de coopératives de crédit du Canada. En réalité, il n'était pas en mesure de s'acquitter de sa tâche dans le cadre de ce régime réglementaire double, et celui-ci créait une espèce de flou autour de la responsabilité de cette entité.
Voilà ma réponse à la première question concernant la justification.
Quant à la deuxième question concernant les conséquences, il ne devrait vraiment pas y avoir de répercussion importante sur le fonctionnement des coopératives de crédit ni des coopératives de crédit centrales. Il s'agit de préciser qui est responsable de la réglementation. Même en ce qui concerne les outils fournis par le gouvernement fédéral, par exemple dans le cadre d'une facilité de prêt d'une banque, le seul changement apporté touche la relation entre les gouvernements, c'est-à-dire que le gouvernement du Canada devrait être indemnisé ou que la banque devrait être indemnisée si l'un ou l'autre mettait ces outils à la disposition de la province.
Les entités en tant que telles ne subiront aucune conséquence importante.
Le sénateur Black : C'était extrêmement clair. Merci.
Est-il possible qu'une petite province ou qu'un territoire — disons le territoire du Nunavut ou une province comme l'Île-du-Prince-Édouard — ne soit pas en mesure de verser l'indemnité exigée par le gouvernement du Canada et que les coopératives de crédit de cette province ou de ce territoire soient à risque? Est-ce une possibilité?
M. Campbell : Je vais demander à M. Morrow de répondre à la question.
Ron Morrow, chef, Stabilité financière, Banque du Canada : Pour ce qui est des liquidités d'urgence fournies par la Banque du Canada à une coopérative de crédit, simplement pour apporter une précision, notre politique préexistante était que les coopératives de crédit et les caisses populaires ne sont ordinairement pas admissibles aux liquidités d'urgence fournies par la Banque du Canada, mais que la banque envisage de les rendre admissibles lorsqu'il y a un risque systémique pour le système financier du Canada.
Voilà donc quelle était notre politique déclarée, et les politiques internes que nous avions mises en place à la Banque du Canada exigeaient que nous demandions une indemnité à la province si nous lui accordions un prêt. La modification apportée à la Loi sur la Banque du Canada reflète en réalité une politique préexistante au sein de la banque.
Lorsque nous fournissons les liquidités, il s'agit d'un prêt garanti que nous accordons à l'institution concernée. Nous demandons une bonne garantie lorsque nous faisons un prêt. L'indemnisation sert simplement à contrer la possibilité que la garantie perde de la valeur pendant la durée du prêt, et donc que la banque subisse une perte. Ainsi, l'indemnisation ne devrait être nécessaire que dans une très faible proportion de cas, et le fait que nous demandons une indemnisation reflète en réalité le fait que les institutions provinciales relèvent au bout du compte des provinces.
Le sénateur Black : Merci. Ce que vous avez dit m'a beaucoup éclairé.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre participation à notre comité. Vous avez mentionné que le 14 octobre dernier, vous aviez donné des précisions sur les modifications proposées. Vous dites aussi que cela fait des années que vous en discutez avec les gouvernements provinciaux et les caisses centrales. Est-ce que le Québec et la Colombie-Britannique sont d'accord avec les modifications proposées? Ces modifications ont été certainement proposées dans un souci de cohérence. Mais, y a-t-il une province qui est en désaccord avec celles-ci?
Le Mouvement Desjardins, qui est un groupe très important au Québec, est-il d'accord avec ces modifications ou y voit-il un inconvénient?
[Traduction]
M. Campbell : Ce sont toutes là de très bonnes questions. Je peux vous dire qu'il y a eu beaucoup de discussions avec les provinces au cours des dernières années et qu'il y en a eu encore d'autres après l'annonce du budget de 2014. Jusqu'à maintenant, je dirais qu'aucune province ne s'oppose à la mesure, mais je les laisse exprimer leur propre opinion.
Chose certaine, nous cherchons à préciser à quel moment et de quelle manière les mesures devraient être mises en œuvre, d'où la marge de manœuvre pour l'entrée en vigueur du projet de loi et les consultations que nous continuons de mener auprès des provinces. Je ne pense pas qu'il y ait de désaccord dans l'une ou l'autre des provinces pour ce qui est de la nécessité d'apporter des précisions dans la région réglementaire.
Pour ce qui est de Desjardins, qui est une grande institution et une grande coopérative de crédit du Canada, elle ne subira pas les conséquences du retrait du BSIF, puisqu'elle n'y a jamais eu recours. C'est un élément qui ne touche pas Desjardins.
Quant à ce que M. Morrow vient de mentionner, il s'agit au fond d'une indemnisation dans un scénario hypothétique qui serait versée par la province de Québec à la Banque du Canada, laquelle la verserait ensuite au gouvernement du Canada. Ça ne devrait avoir absolument aucune répercussion sur Desjardins.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Vous dites que vous faites preuve de souplesse, que la transition se fera en douceur et que les discussions se poursuivent. Cela laisse croire que certaines provinces sont en désaccord ou qu'il y a une plus grande souplesse. Quelle est l'objection principale des provinces en ce qui concerne ces modifications?
[Traduction]
M. Campbell : En fait, sénateur, je n'ai pas eu connaissance d'objections explicites dans le contexte de nos discussions concernant le moment où le projet de loi va entrer en vigueur. Le gouvernement fédéral décide de son propre chef d'abolir l'aspect volontaire de la nouvelle réglementation. Les provinces régissent déjà leurs institutions, et bon nombre d'entre elles devront procéder à des rajustements sur le plan juridique ou législatif pour pouvoir assumer seules la responsabilité de la réglementation.
Nous sommes en train de discuter avec elles du temps dont elles ont besoin pour le faire. Les questions qui restent à régler touchent le délai de mise en œuvre. À ma connaissance, il n'y a pas eu d'opposition au retrait de la surveillance du BSIF en particulier, ni individuelle ni collective pour l'instant.
[Français]
La sénatrice Bellemare : J'aimerais revenir sur les modifications liées aux emprunts à la Banque du Canada en ce qui concerne Desjardins, par exemple, qui est un joueur important au Québec.
Les modifications proposées auront-elles pour conséquence de traiter Desjardins différemment de ceux qui seront sous la gouverne fédérale, par exemple la Banque du Canada, ou si le traitement sera exactement le même? J'aimerais avoir des explications plus claires à ce sujet.
[Traduction]
M. Morrow : Desjardins sera traitée différemment des institutions financières régies par le gouvernement fédéral sur le plan des liquidités d'urgence fournies par la Banque du Canada. Comme Desjardins est une institution provinciale, réglementée par la province de Québec, au bout du compte, la responsabilité relative à la surveillance, à la supervision et à la prestation de liquidités d'urgence incombe à la province dans le cas de Desjardins. Pour ce qui est des institutions fédérales, c'est le gouvernement du Canada qui fournit les liquidités d'urgence nécessaire. La Banque du Canada fait partie du cadre d'assistance dans ce domaine.
Desjardins est traitée différemment des institutions financières régies par le gouvernement fédéral, ce qui reflète le fait que Desjardins est une institution régie par la province, et notre politique déclarée était que nous ne fournissions normalement pas de liquidités aux institutions régies par les provinces dans le cadre de notre mandat, sauf en cas de risque systémique pour le Canada, et nous précisons maintenant les conditions dans lesquelles nous le ferions.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Est-ce que Desjardins est d'accord?
[Traduction]
M. Morrow : Je n'exprimerai pas le point de vue de Desjardins en particulier. Ce que je vais vous dire, c'est que nous avons discuté avec les provinces, avec les organismes de réglementation provinciaux, et avec les caisses de crédit en particulier. Je dirais qu'il y a certaines entités — pas toutes — qui préféreraient ne pas être soumises à cette obligation concernant l'indemnisation.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Compte tenu de l'ampleur du Mouvement Desjardins et de son impact, avez-vous réfléchi à l'idée de faire une exception dans le cadre de ce projet de loi afin que celui-ci ait accès comme les autres à un soutien de dernier recours? Parce qu'on sait qu'un gouvernement provincial doit aller emprunter sur les marchés afin d'offrir ce dernier recours — ce qui n'est pas toujours facile à faire — et que le gouvernement fédéral, de son côté, a accès à la Banque du Canada qui est, on le sait, très différente des marchés étrangers.
[Traduction]
M. Morrow : Cela fait partie des choses que nous avons examinées au moment d'élaborer notre politique. Notre position finale, et ce qui motive notre politique, c'est le respect de la répartition entre institutions réglementées par le gouvernement fédéral et institutions réglementées par les gouvernements provinciaux. La surveillance de la prestation de liquidités et tout ce que supposent la supervision et la réglementation d'une institution financière, si cette responsabilité appartient à la province... au bout du compte, c'est elle qui doit fournir les liquidités.
Comme notre rôle est de promouvoir le bien-être économique et financier des Canadiens, notre responsabilité se limite aux problèmes systémiques.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Cela aurait des incidences dans le secteur de l'assurance. Quelles seraient les incidences de la création d'entités fédérales dans le domaine de l'assurance?
[Traduction]
Mme Ryan : Il n'y a aucun élément portant sur le secteur de l'assurance dans la section 22.
[Français]
La sénatrice Bellemare : J'avais l'impression qu'il y avait des dispositions liées à cela, mais ce n'est pas le cas. Je voulais savoir s'il y avait un engagement de la mise en réseaux par la vente d'assurances. C'est écrit ici.
[Traduction]
M. Campbell : Merci de la précision, sénatrice.
En ce qui concerne la première partie de la section en question, il n'y a pas de répercussion sur le secteur de l'assurance en tant que tel.
Quant à la partie 2 du projet de loi, si les coopératives de crédit provinciales, qui sont maintenant autorisées par la loi à vendre de l'assurance dans leurs succursales, souhaitent devenir graduellement une institution fédérale, elles devront passer complètement au régime fédéral.
Le projet de loi prévoit une période de grâce au cours de laquelle elles devront s'engager à se rendre conformes aux lois fédérales.
Elles ne devront pas l'être dès le premier jour. Elles disposeront d'une certaine période pour apporter des changements structurels et séparer l'assurance et les autres services bancaires de leurs autres activités de coopérative de crédit afin de respecter les lois fédérales.
Le sénateur Tkachuk : Je sais que le sénateur Massicotte, la sénatrice Hervieux-Payette, je crois, et d'autres sénateurs ont assisté au cours des 15 dernières années à de nombreux exposés présentés au Comité des banques qui portait sur l'adoption d'un projet de loi de ce genre par le gouvernement fédéral. Je voulais préciser que ce n'était pas un sujet nouveau pour nous. C'est en cours depuis longtemps. Le mouvement des coopératives de crédit a présenté plein d'exposés visant à nous convaincre d'adopter le projet de loi que nous présentons maintenant. Je voulais le souligner et vous remercier.
La sénatrice Ringuette : Vous ne nous avez pas confirmé que vous avez rencontré les représentants de Desjardins pour prendre connaissance de leur opinion au sujet du projet de loi que nous avons devant nous. Vous avez en quelque sorte évité la question.
Les avez-vous rencontrés pour leur demander s'ils sont d'accord ou non avec le projet de loi? Leur avez-vous demandé s'ils pensent qu'il pourrait y avoir un meilleur projet de loi à adopter?
M. Campbell : Je peux d'abord vous dire qu'il y a eu des discussions avec les représentants de Desjardins avant le dépôt du projet de loi et aussi avec les représentants de l'organisme de réglementation du Québec dans les semaines précédant le dépôt du projet de loi. Ils ont vu le projet de loi depuis, et nous leur avons aussi communiqué le document contenant les amendements techniques et les résultats des diverses consultations tenues.
J'aimerais cependant préciser que les répercussions sur Desjardins auront davantage trait à la province de Québec et à l'organisme de réglementation de cette province. Ce sont les représentants de l'organisme de réglementation qui demandent des précisions dans ce cas-ci. Nous n'envisageons aucune répercussion sur Desjardins en tant que telle.
La sénatrice Ringuette : Nous allons essayer d'obtenir son point de vue.
Vous avez dit que le projet de loi offre un cadre aux coopératives provinciales qui voudront devenir une entité fédérale et qu'il renforce ce cadre. Une qualité du Sénat, c'est entre autres qu'il a une mémoire institutionnelle. Je me rappelle clairement qu'un cadre nous a été présenté il y a un certain nombre d'années en vue de permettre aux coopératives provinciales de devenir des coopératives fédérales. Nous avons beaucoup discuté de la question. Un des sujets abordés était que le cadre comportait un principe fondamental du mouvement coopératif : un membre, un vote. Vous avez dit tout à l'heure que le principe contenu dans le projet de loi est que chaque coopérative va avoir un vote, ce qui est très loin d'être la même chose.
M. Campbell : Je vais répondre à la première partie de votre question, madame la sénatrice, puis je vais m'en remettre à ma collègue Eleanor, qui vous donnera une réponse très précise.
Pour ce qui est de la première partie et du renforcement, vous avez raison : nous avions déjà des dispositions législatives, à la demande de l'industrie, pour permettre ou prévoir les fusions et la prorogation à l'échelon fédéral. Je peux vous dire que les discussions en cours au Nouveau-Brunswick avec les caisses populaires sont fondées sur le cadre législatif actuel.
La sénatrice Ringuette : Exactement, un membre, un vote, ce qui est le principe des coopératives.
M. Campbell : Assurément, et ce principe est maintenu. Je vais permettre à ma collègue de vous expliquer ce qui est simplifié dans le projet de loi à l'égard de ce type de vote en particulier.
Ce que nous avons devant nous, ce sont d'autres moyens d'offrir une marge de manœuvre, vu la discussion avec d'autres coopératives de crédit, qui pourraient devoir faire une démarche juridique différente pour permettre à leurs membres de poursuivre leurs activités à l'échelon fédéral. Nous offrons donc des possibilités, et nous nous sommes engagés à demeurer ouverts à l'idée d'apporter d'autres modifications si d'autres provinces, d'autres coopératives de crédit décident avec leurs membres qu'elles préfèrent suivre une autre démarche juridique pour passer à l'échelon fédéral. Il s'agit de tenir compte des exigences de l'industrie.
Mme Ryan : Techniquement, le cadre fédéral actuel pour les coopératives de crédit prévoit que chaque membre a un droit de vote. Aucun changement n'est apporté à ce principe dans le projet de loi.
Le changement touche le cas où la transaction se fait en deux parties sur le plan juridique et que les membres doivent voter sur les deux parties de la transaction en même temps. Mais ils peuvent quand même voter. Chaque membre a donc un droit de vote. Plutôt que de voter sur deux transactions juridiques, ils peuvent prendre connaissance de l'ensemble et voter une fois, ce qui fait que la transaction est plus claire pour eux.
La sénatrice Ringuette : Quel est le problème que soulève le fait que chaque coopérative ait un droit de vote, d'après ce que M. Campbell a dit tout à l'heure lorsqu'il a présenté son exposé?
Mme Ryan : Je pense qu'il faisait seulement référence aux situations où la transaction comporte deux parties sur le plan juridique. Par exemple, si une coopérative de crédit provinciale envisage de devenir fédérale, elle peut vouloir procéder à une fusion avant de passer au cadre fédéral. Elle peut aussi vouloir procéder dans l'ordre inverse. Il y a diverses manières de faire les choses. Il s'agit de deux transactions distinctes sur le plan juridique, et les membres votent sur les deux en même temps. Nous ne faisons que simplifier le processus. Les membres votent donc, mais sur les deux éléments en même temps, et ils peuvent envisager l'ensemble de la transaction.
La sénatrice Ringuette : En un seul processus juridique...
Mme Ryan : En une seule décision : « Oui, je veux passer au cadre fédéral, peu importe le nombre de parties que comporte la transaction sur un plan juridique. »
M. Campbell : Tout membre d'une coopérative de crédit disposera toujours d'un droit de vote à l'égard de toute transaction. Le projet de loi clarifie les choses et permet aux membres qui votent de prendre connaissance de l'objectif du vote et de l'objectif final. Il est clair que si le vote sur la fusion vise à permettre ultérieurement le passage au cadre fédéral, il faut que cela soit divulgué aux membres au moment du vote.
La sénatrice Ringuette : Si on le sait.
M. Campbell : L'objectif stratégique poursuivi dans le cadre du projet de loi, pour l'instant, est clairement que les coopératives demandent à leurs membres de voter sur le passage au cadre fédéral. Les coopératives de crédit devraient indiquer clairement l'objectif du vote qu'elles proposent à leurs membres tout en continuant de respecter le principe un membre, un vote, une institution ainsi que tous les seuils de gouvernance organisationnels qu'elles doivent respecter. C'est la même chose. De cette façon, on ne soumet pas une question partielle aux membres. On leur demande de voter sur le résultat final.
Le sénateur Tannas : Le scénario probable, ce serait qu'une coopérative de crédit de la Colombie-Britannique souhaite fusionner avec une coopérative albertaine et que la seule façon pour elle de le faire serait de devenir une coopérative fédérale. Mais, si elle n'arrive pas à obtenir une réponse positive à la première question — si les membres ne veulent pas passer au cadre fédéral —, les membres n'appuieraient probablement pas le passage au cadre fédéral s'ils n'ont pas à le faire. Donc voilà l'idée que vous formulez.
M. Campbell : C'est exact.
Le sénateur Tannas : Dans le milieu des coopératives de crédit, que je ne connais que depuis peu de temps, il y a beaucoup de discussions à travers les choses qui sont faites, alors je n'ai jamais vraiment de certitude. Y a-t-il une centrale de caisse de crédit combinée? Est-ce que la Colombie-Britannique et l'Ontario sont regroupés?
M. Campbell : Il y a une entité qui s'appelle Central 1 et qui sert une partie des coopératives de crédit de l'Ontario ainsi que les coopératives de crédit de la Colombie-Britannique. Il y a des bureaux dans les deux provinces, le siège social est en Colombie-Britannique, mais la centrale est présente à beaucoup d'endroits en Ontario.
Le sénateur Tannas : Maintenant que le gouvernement fédéral se retire du domaine, a-t-on demandé des délais? Les gouvernements de l'Ontario et de la Colombie-Britannique ont-ils commencé à faire des démarches, maintenant qu'ils doivent séparer ces deux centrales — ce qu'ils devront faire, je présume — ou superviser conjointement ce regroupement? Pouvez-vous nous donner une quelconque indication du ton de la discussion?
M. Campbell : Je dirais d'abord que nous n'envisageons pas nécessairement de changement structurel au sein de cette « centrale » à la suite de l'adoption du projet de loi ou de la proposition. Il y a beaucoup de discussions en cours. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, les coopératives de crédit évoluent dans diverses provinces du Canada. Elles fusionnent et se regroupent. Certaines sont en croissance. Leurs centrales doivent s'adapter, puisqu'elles offrent des services à leurs membres. Il y a des questions que les provinces essaient de régler entre elles et qu'elles continueront de régler entre elles.
Dans ce cas-ci, les questions qui existaient déjà au sujet du fait que les deux provinces ont une centrale qui gère leurs coopératives de crédit ne changent pas. La centrale doit collaborer avec les deux gouvernements. Ce qui se passe ici aujourd'hui n'a pas véritablement d'effet sur les activités de Central 1.
Le sénateur Tannas : Mis à part le fait que quelqu'un de nouveau devra superviser les deux?
M. Campbell : En réalité, pour ce qui est de la Colombie-Britannique, c'est en grande partie l'organisme de réglementation de la province qui régit Central 1. Il y a une très légère intervention du BSIF, donc, du point de vue de la Colombie-Britannique, l'incidence va être négligeable. C'est la même chose en Ontario, où on devra peut-être procéder à un rajustement.
Mme Ryan : Central 1 est régie principalement par la province de la Colombie-Britannique. Nous ne sommes pas au courant des discussions que la centrale et la province tiennent. Pour l'organisme de réglementation principal, la seule chose qui change, c'est que le BSIF se retire comme organisme de réglementation secondaire.
Le sénateur Tannas : Savez-vous si nous avons déjà reçu une demande officielle ou s'il existe une demande officielle de statut de coopérative de crédit fédérale?
M. Campbell : Il n'y a pas de demande officielle.
La sénatrice Bellemare : Si vous voulez répondre à ma question par écrit, ce serait très bien aussi. Ma question a trait à un commentaire qu'a fait le sénateur Black au début de la discussion. Il a laissé entendre que les coopératives relèvent des provinces d'après la Constitution. C'est pour cette raison que, au début du XXe siècle, lorsque Desjardins s'est adressée au gouvernement fédéral pour obtenir...
Le président : Et quelle est la question?
La sénatrice Bellemare : La question est la suivante : comment contourneriez-vous la Constitution dans le cadre du projet de loi, s'il y a un problème sur le plan constitutionnel?
Le président : Vous pouvez répondre par écrit, si vous préférez, ou maintenant, si vous répondez brièvement.
Mme Ryan : Je pense que je peux vous donner une réponse simple, et nous verrons si elle vous suffit.
En 2010, lorsque nous avons mis en place le cadre relatif aux coopératives de crédit fédérales, celui-ci faisait partie de la Loi sur les banques. Le gouvernement fédéral régit les banques et les services bancaires. Les banques qui sont des coopératives de crédit fédérales relèvent donc de nous. Je pense que le commentaire qui a été fait tout à l'heure était que les coopératives de crédit constituées en vertu des lois provinciales relèvent clairement des provinces.
Le président : Merci beaucoup à nos témoins.
Sénateurs, nous passons maintenant à la section 26 de la partie 4. Nos témoins du ministère des Finances du Canada sont Erin O'Brien, chef, Direction de la politique du secteur financier, et Lisa Pezzack, directrice, Direction de la politique du secteur financier. Mme O'Brien va présenter la déclaration préliminaire.
Erin O'Brien, chef, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Merci. C'est avec plaisir que je reviens témoigner devant vous aujourd'hui. Je m'appelle Erin O'Brien, et je suis chef des paiements à la Direction de la politique du secteur financier du ministère des Finances. Je suis ici aujourd'hui pour expliquer la section 26, qui contient des propositions de modification de la Loi canadienne sur les paiements, et pour répondre à vos questions à ce sujet.
L'Association canadienne des paiements possède et exploite les systèmes nationaux d'autorisation et de paiement du Canada. Le mandat, la composition et le cadre de gouvernance de l'ACP sont prévus dans la Loi canadienne sur les paiements.
Dans la section 26, on propose de modifier la Loi canadienne sur les paiements de façon à réformer la structure de gouvernance de l'ACP en offrant une plus grande indépendance à son conseil d'administration pour la prise de décisions et en renforçant son cadre de reddition de comptes au gouvernement et à la population en vue de garantir que l'infrastructure nationale d'autorisation et de paiement est exploitée au profit de l'économie et des citoyens du Canada.
Les principaux changements concernent l'établissement d'un conseil d'administration à majorité indépendante de plus petite taille, l'accroissement du pouvoir du ministre des Finances d'émettre des directives et l'obligation pour le conseil d'administration de l'ACP de faire approuver son plan organisationnel par le ministre chaque année et de publier un rapport annuel.
Le président : La première question sera posée par la vice-présidente du comité, la sénatrice Hervieux-Payette.
[Français]
La sénatrice Hervieux-Payette : Pouvez-vous nous dire pourquoi le conseil d'administration fait l'objet d'une réforme? Qui s'est plaint du système actuel? Qu'est-ce qui vous incite à changer la modalité? Vous mentionnez que vous devez agir de bonne foi avec le soin, la diligence et la compétence dont fait preuve une personne raisonnable. J'espère que c'est déjà le cas. C'est important de comprendre le but d'un tel changement. Qu'est-ce que ces modifications permettront d'améliorer?
[Traduction]
Mme O'Brien : Le gouvernement a tenu deux examens successifs du système de paiement. Le premier a été fait en 1998, et l'autre, plus récemment, lorsque le groupe de travail sur les paiements s'est penché sur le système de paiement et a publié un rapport en 2012. Les deux rapports font état de lacunes dans la structure de gouvernance de l'Association canadienne des paiements.
À l'heure actuelle, le conseil d'administration de l'ACP est dominé par les représentants des institutions financières qui en sont membres. Ainsi, les membres du conseil d'administration sont en situation de conflit d'intérêt réel ou perçu. Nous avons constaté que l'infrastructure nationale d'autorisation et de paiement que possède et exploite l'ACP n'a pas été gérée d'une manière qui respecte les trois objectifs en matière de politiques publiques que le gouvernement a fixés pour l'organisation : s'assurer que les systèmes sont sûrs et efficaces et qu'ils répondent aux besoins des utilisateurs. La conclusion des examens est qu'il ne fait aucun doute que les systèmes sont sûrs, mais nous estimons que le conseil d'administration doit prêter davantage attention aux autres objectifs en matière de politiques publiques, notamment en ce qui a trait aux besoins des utilisateurs.
Résultat concret de certaines décisions prises par le conseil d'administration, c'est que l'infrastructure détenue et exploitée par l'ACP vieillit et doit être renouvelée. Nous estimons que nous serons mieux assurés que les décisions prises par un comité à majorité indépendante permettront d'atteindre un meilleur équilibre entre l'ensemble des objectifs en matière de politique publique, notamment lorsque les systèmes seront renouvelés.
La sénatrice Hervieux-Payette : Qui ne sert pas bien le reste des membres? Qui les remplacera? S'agit-il des banques? Quel groupe est surreprésenté?
Mme O'Brien : Les institutions financières — les banques.
La sénatrice Hervieux-Payette : Seulement les banques? Les compagnies d'assurance ne font-elles pas partie des institutions financières pour vous?
Mme O'Brien : Il s'agit surtout des grandes institutions financières du Canada.
La sénatrice Hervieux-Payette : Vous n'avez pas de quota. Vous dites qu'il y a un vieillissement, mais je pense que tous les conseils d'administration du Canada sont assurément trop vieux, alors ce n'est pas le seul endroit où un changement serait bénéfique.
Vous dites que le conseil d'administration sera plus efficace, je présume. Mis à part le fait qu'il y a trop d'institutions financières, y a-t-il beaucoup d'autres membres, en proportion, qui pourraient siéger au conseil d'administration?
Mme O'Brien : Merci de cette précision. Je parlais de l'âge des systèmes que l'ACP détient et exploite, et non des membres du conseil d'administration.
À l'heure actuelle, le conseil d'administration est dominé par les membres de l'ACP, c'est-à-dire les institutions financières du Canada. Ce que nous proposons, c'est d'instaurer un conseil d'administration à majorité indépendante. Nous allons faire passer le nombre de membres de 16 à 13, et il faudra que 7 membres du conseil d'administration soient indépendants. Nous pensons que cela permettra de mieux équilibrer le processus décisionnel du conseil d'administration.
Il est cependant très important que nous continuions de nous assurer que les institutions financières sont représentées au sein du conseil d'administration, et les dispositions du projet de loi permettent donc que six sièges soient occupés par les membres du conseil d'administration de l'ACP. Ces sièges seront répartis en fonction des différentes catégories de membres de l'association.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de comparaître devant notre comité. Effectivement, les modifications sont intéressantes puisque vous modernisez vos règlements de gouvernance. La majorité des membres de votre conseil sera composée d'indépendants, ce qui limitera quelque peu la puissante influence des institutions financières. L'objectif est de satisfaire la clientèle, pas seulement les fournisseurs. Je vous félicite pour les modifications proposées. Vous êtes dans la bonne voie.
J'aimerais faire un seul commentaire à propos de ces amendements. Il y a quelques années, de nombreuses discussions ont eu lieu dans d'autres sociétés de la Couronne à propos de la modernisation des conseils. La Banque du Canada est une institution indépendante dotée d'un conseil d'administration indépendant. Il y aura certainement un débat au sein de votre conseil, à savoir : nous avons le droit de nous consulter puisque nous sommes membres du conseil; les membres ont été nommés selon un système politique; le ministre a toujours le pouvoir de donner des directives.
Il faut se demander si on a l'opportunité et la capacité d'agir, surtout dans un contexte difficile qui suscite la controverse. Devrait-on attendre les directives du ministre ou du sous-ministre? Qu'allez-vous faire pour assurer un certain un équilibre?
[Traduction]
Mme O'Brien : Une précision : l'ACP est établie par la loi, même s'il ne s'agit pas du même type d'entité sur le plan juridique. Ce n'est pas une société d'État. Je vais faire un pas en arrière et vous donner quelques éléments de contexte avant de parler des directives.
Nous modifions la structure de gouvernance de l'ACP, mais un autre élément clé de notre réforme, c'est l'instauration d'un cadre de responsabilisation. Dans ce cadre, l'ACP devra préparer chaque année un plan organisationnel quinquennal qu'elle soumettra au ministre des Finances. En outre, l'ACP devra publier un rapport annuel contenant entre autres ses états financiers vérifiés dans son site web. Ainsi, l'approbation obligatoire du plan organisationnel par le ministre sera un élément important pour permettre au gouvernement de s'assurer que l'ACP s'oriente d'une façon avec laquelle il est à l'aise.
Ultimement, le ministre des Finances aura le pouvoir de donner une directive à l'ACP, quoiqu'il s'agisse là d'une intervention importante et grave.
Le sénateur Massicotte : Tout cela est très bien. Vous commencez à faire ce que les grandes sociétés font depuis 20 ou 30 ans. C'est très positif.
Qui va nommer les membres du conseil d'administration? Vous avez parlé de membres indépendants et non indépendants. Est-ce que le processus demeurera de nature politique? Et si vous le faites, est-ce que votre organisme a établi des critères de sélection? Est-ce que le ministre a accepté le critère selon lequel vous allez nommer les gens d'une façon correspondant à votre degré de compétence?
Mme O'Brien : Cet élément de la gouvernance de l'ACP va changer. À l'heure actuelle, trois membres du conseil d'administration de l'ACP sont nommés par le ministre. Ce ne sera plus le cas dans le cadre de la nouvelle structure de gouvernance. Les administrateurs représentant les membres ainsi que les administrateurs indépendants siégeant au nouveau conseil d'administration seront nommés par les membres de l'ACP. Cependant, dans le projet de loi et dans le règlement qui va être adopté prochainement, nous allons fournir un plan de transition et une orientation pour ce qui est par exemple de définir ce qu'on entend par « administrateur indépendant » et de garantir que le conseil d'administration possédera l'ensemble des compétences nécessaires pour s'acquitter de ses tâches.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Votre plan d'affaires annuel doit obtenir l'approbation du ministre. Qu'arrivera-t-il par la suite selon qu'il l'accepte ou qu'il le refuse?
[Traduction]
Mme O'Brien : À cet égard, le fonctionnement sera similaire à celui des sociétés d'État, alors, dans ce cas, l'ACP ne serait pas en mesure de tenir les activités importantes ou les autres choses prévues dans son plan organisationnel. C'est pour cette raison que nous estimons que c'est essentiel. En ce moment, l'ACP se penche sur le choix de la prochaine génération de systèmes d'autorisation et de paiement pour le pays. Nous estimons donc qu'il est important que le ministre et le gouvernement puissent exercer une surveillance relativement à l'orientation de cette nouvelle infrastructure.
La sénatrice Ringuette : Pourriez-vous nous fournir une liste des membres de l'ACP?
Mme O'Brien : Certainement.
La sénatrice Ringuette : Lorsque vous parlez d'indépendance par rapport aux institutions financières, est-ce que cela permettrait à des organisations comme Interac de faire maintenant partie du conseil d'administration, ou encore comme Rogers, vu que cette entreprise aspire à devenir un joueur du secteur bancaire? Est-ce que cela permettrait au Conseil du commerce de détail de siéger au conseil d'administration?
Mme O'Brien : Nous réfléchissons actuellement à la définition d'« indépendance ». Nous envisageons de la fonder sur la Norme nationale 52-110, et il s'agit d'une définition très générale d'« indépendance ». Essentiellement, un administrateur indépendant ne pourrait avoir de relation, matérielle ou personnelle avec un membre de l'ACP ou avec l'ACP en tant que telle. Il ne peut y avoir de relation directe avec une institution financière canadienne ou avec la direction de l'Association canadienne des paiements en tant que telle. Nous appliquerons une définition très stricte d'« indépendance ».
La sénatrice Ringuette : Ce que vous dites, c'est que des organisations comme Rogers et le Conseil du commerce de détail, parce qu'elles interviennent dans le système de paiement, ne pourraient être vues comme étant des membres indépendants du conseil d'administration?
Mme O'Brien : Il est difficile de faire une déclaration générale sans tenir compte des mérites d'une candidature. Il est possible par exemple qu'une personne du Conseil canadien du commerce de détail puisse respecter la définition d'« indépendance ». Cependant, je doute qu'un administrateur ou qu'un cadre supérieur d'Interac puisse la respecter, vu la relation entre Interac et les institutions financières canadiennes.
La sénatrice Ringuette : Cela m'amène à vous poser une troisième question : quelle est votre définition d'« indépendance »? Je pense que cela est au cœur du problème sur lequel nous nous penchons.
Mme O'Brien : Nous allons définir le terme « administrateur indépendant » dans un règlement à venir. Comme je disais, nous envisageons de fonder notre définition sur la Norme nationale 52-110, donc avec certaines modifications, vu les circonstances...
La sénatrice Ringuette : Habituellement, les définitions figurent dans la loi, et non dans le règlement.
Le président : Madame O'Brien, madame Pezzack, merci. Nous allons vous demander de rester.
Nous abordons maintenant la dernière section. Nous allons demander à M. Morrow et à M. Turnbull, de la Banque du Canada, de revenir témoigner. Nous abordons maintenant la section 27 de la partie 4. Mme O'Brien va présenter la déclaration préliminaire.
Mme O'Brien : La Banque du Canada est chargée de la surveillance réglementaire des systèmes de compensation et de règlement des paiements. La Loi sur la compensation et le règlement des paiements confèrent certains pouvoirs à la Banque du Canada pour qu'elle puisse s'acquitter de ses responsabilités en matière de surveillance en limitant les risques pour le système financier et en favorisant l'efficacité et la stabilité.
Les modifications apportées à la Loi sur la compensation et le règlement des paiements accroîtront les pouvoirs de surveillance de la Banque du Canada en ce qui concerne les systèmes de compensation et de règlement des paiements désignés. Les modifications permettront à la Banque du Canada de faire une surveillance à l'égard des risques touchant le système de paiements, en plus de son pouvoir actuel de surveillance des risques systémiques.
Le président : Madame O'Brien, vous avez été si concise et claire que nous n'avons pas de question à vous poser.
J'ai parlé trop vite.
Le sénateur Tannas : Il s'agit un peu d'une intervention dans le domaine réglementaire en plus des autres activités. Est-ce que les effectifs de la Banque du Canada vont être accrus?
M. Morrow : Pour pouvoir commencer à effectuer une surveillance des risques systémiques pour des systèmes de paiement d'une grande importance, je crois que la Banque du Canada devra embaucher quelque chose comme deux personnes.
Le sénateur Tannas : Nous allons lui permettre de le faire.
M. Morrow : Merci.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Est-ce que l'ensemble de ces modifications aura des répercussions sur l'industrie ou sur les individus? Est-ce cela aura un impact sur la rapidité des transactions?
[Traduction]
M. Morrow : Il ne devrait pas y avoir d'incidence sur la rapidité des paiements ni sur quoi que ce soit d'autre du point de vue des consommateurs, pas de conséquence visible du changement pour les personnes.
Le président : Merci beaucoup à nos témoins d'être venus.
Nous poursuivons notre étude préliminaire de certaines sections du projet de loi C-43, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures.
Pendant la seconde partie de notre séance, nous allons entendre le témoignage de personnes de l'extérieur concernant certaines mesures. Au cours de notre première séance, nous allons examiner la section 22, qui contient des mesures relatives aux coopératives de crédit centrales et aux coopératives de crédit fédérales.
Nos témoins de la Centrale des caisses de crédit du Canada sont Martha Durdin, présidente et chef de la direction, et Marc-André Pigeon, directeur, Politique du secteur financier. C'est toujours avec plaisir que nous vous accueillons, monsieur.
Michael Leonard, président et chef de la direction d'Atlantic Central, témoignera par vidéoconférence depuis Halifax. Nous allons aussi entendre le témoignage de Chris Dobrzanski, économiste en chef à Vancity Credit Union. M. Dobrzanski est également président et chef de la direction de la Banque Citizens du Canada.
Mme Durdin présentera une déclaration préliminaire au nom de la coopérative de crédit, et celle-ci sera suivie des déclarations de M. Leonard et de M. Dobrzanski.
Martha Durdin, présidente et chef de la direction, Centrale des caisses de crédit du Canada : Merci, monsieur le président.
[Français]
Bonjour, je m'appelle Martha Durdin. Je ferai ma présentation en anglais. Il me fera toutefois plaisir de répondre à vos questions en français. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui.
[Traduction]
La Centrale des caisses de crédit du Canada est l'association commerciale nationale des 317 caisses de crédit en activité au Canada, à l'exception du Québec. Desjardins n'est pas membre de la Centrale des caisses de crédit. Ensemble, ces caisses possèdent plus de 166 milliards de dollars d'actifs et mènent leurs activités dans 1740 emplacements de partout au pays. Elles fournissent 27 000 emplois et des services financiers à 5,3 millions de Canadiens.
Les caisses de crédit sont des coopératives financières sous réglementation provinciale qui appartiennent à leurs membres. Ces membres-actionnaires jouent un rôle actif dans l'évolution de leur caisse de crédit, et le principe selon lequel chaque membre détient un vote leur permet d'influer sur l'administration de leur institution.
Les caisses de crédit sont étroitement liées aux communautés canadiennes. Nous ne cherchons pas à faire des profits à court terme, et, lorsque la concurrence regarde ailleurs pour trouver de nouvelles sources de profit, nous continuons à nous investir dans notre communauté. En fait, le système des caisses de crédit compte actuellement 380 points de service dans des communautés où il n'y a aucune autre institution financière.
Nous soutenons également les petites entreprises. Les données de la FCEI indiquent que les caisses de crédit détiennent la deuxième part en importance des prêts consentis à des petites entreprises au Canada, soit 18,6 p. 100, tout juste derrière la Banque Royale du Canada. Selon la FCEI, si les caisses de crédit réussissent si bien à ce chapitre, c'est qu'elles offrent aux petites entreprises un service supérieur à celui des banques.
De plus, les caisses de crédit apportent de la stabilité au secteur financier canadien. Le volume de nos prêts croît de façon régulière, et le taux moyen des pertes sur prêts des caisses de crédit est considérablement inférieur à celui des banques à charte.
Bref, les caisses de crédit sont une réussite canadienne. Elles sont axées sur les communautés et elles représentent un appui essentiel pour les petites entreprises en plus d'être une source de stabilité. Leur présence est cruciale au maintien de l'équilibre concurrentiel du secteur financier. Cette réussite est le résultat de la collaboration entre les caisses de crédit, et cette collaboration est le fait des centrales provinciales, et, plus récemment, de centrales régionales comme Central 1 et Atlantic Central, qui offrent des services spécialisés aux caisses de crédit, au-delà des frontières provinciales.
La collaboration aide le système des caisses de crédit à prendre de l'ampleur et à trouver des approches mutuelles pour se conformer à la réglementation et élaborer des stratégies concernant les marchés. Ces relations ont bénéficié d'un cadre de réglementation fédéral facilitant la collaboration au-delà des frontières provinciales.
Cela nous amène au projet de loi C-43. Celui-ci propose de modifier le cadre de réglementation fédéral qui gouverne certains aspects des caisses de crédit depuis des décennies. Ces modifications juridiques découlent du budget fédéral de 2014 et n'ont pas été demandées par le système des caisses de crédit. En clair, le projet de loi C-43 modifiera les liens entre le gouvernement fédéral et le système des caisses de crédit, et surtout son lien avec les centrales provinciales.
En ce moment, cinq centrales provinciales sont à la fois soumises à la réglementation du BSIF au fédéral et à la réglementation d'organismes provinciaux. Le projet de loi éliminera cette double réglementation, comme vous l'avez entendu dire plus tôt ce matin. Il place les centrales dans un cadre réglementaire exclusivement provincial.
Comprendre et effectuer les ajustements qu'exige une rupture aussi importante par rapport aux anciennes pratiques exigera du temps. Par exemple, l'incidence des changements proposés sur les activités des centrales provinciales et les interrelations entre les centrales au-delà des frontières provinciales devront être observées pendant un certain temps pour être comprises. Le système devra également travailler avec les autorités provinciales pour déterminer comment leur cadre de réglementation doit être modifié pour répondre aux exigences de l'autorité exclusivement provinciale. Des lois provinciales devront être modifiées, et cela prend du temps. Enfin, les autorités provinciales devront revoir leurs cadres de surveillance et les modifier au besoin. Il s'agit d'un gros projet qui concerne de multiples parties, et il faudra mettre du temps pour bien savoir ce que l'on fait.
À la mi-octobre, le ministère fédéral des Finances a publié un document technique pour donner des précisions sur certains de ses plans. Il a demandé au système des caisses de crédit d'y réagir avant la fin de l'année, avant le 31 décembre. Nous collaborons avec les gouvernements provinciaux et les intervenants du système pour respecter cette échéance serrée.
Peu de temps après la publication du document technique, le gouvernement a déposé le projet de loi C-43, qui apporte les changements stratégiques souhaités par le gouvernement. Cela complique d'autant les défis auxquels le système fait face au moment où il cherche à réagir.
Le gouvernement a indiqué que la transition se ferait sur deux ans. Voilà une bonne nouvelle, mais nous ne savons pas exactement quand commence cette période de deux ans. Est-ce que ce sera à partir de l'adoption du projet de loi C-43 ou lorsque les parties prenantes auront une meilleure idée de ce qui doit être fait pour faciliter la transition? D'un autre point de vue, il semble plus raisonnable d'établir l'échéancier en fonction du besoin de procéder à une transition en douceur vers la réglementation exclusivement provinciale en limitant les perturbations. Les échéances devraient être établies en consultation avec les responsables du système.
En résumé, le projet de loi C-43 propose de modifier le cadre de réglementation fédéral qui gouverne une partie du système des caisses de crédit. Le système des caisses de crédit et les autorités provinciales auront besoin de temps pour se préparer à la transition envisagée par le gouvernement fédéral et la mettre en œuvre. Il est capital de bien faire les choses. Pour ce faire, nous demandons que le comité recommande que le gouvernement fédéral voie à ce que les intervenants des caisses de crédit concernés aient le temps de se préparer à la transition vers une réglementation exclusivement provinciale et que l'échéancier de cette transition soit fixé en consultation avec le système des caisses de crédit pour qu'elle se fasse sans heurts.
Je vous remercie de m'avoir permis de m'adresser à vous aujourd'hui. Je vais répondre à vos questions.
Michael Leonard, président et chef de la direction, Atlantic Central : Bonjour. Je m'appelle Michael Leonard, et je suis le président et chef de la direction d'Atlantic Central, l'association commerciale régionale et la centrale financière du système des caisses de crédit de l'Atlantique. C'est avec plaisir que je vous rencontre aujourd'hui au nom de 47 caisses de crédit qui comptent 150 points de service et 317 000 membres dans les quatre provinces de l'Atlantique.
En tout et pour tout, nos membres nous ont confié plus de 8 milliards de dollars en hypothèques, en prêts et en dépôts. Au Canada atlantique, les caisses de crédit sont un moteur de croissance économique et de création d'emplois. Nos concurrents ont abandonné bon nombre de nos communautés, mais les caisses, elles, y sont demeurées pour continuer d'offrir des services indispensables aux familles et aux petites entreprises. En fait, dans 45 communautés du Canada atlantique, la seule institution financière est une caisse de crédit. Soulignons qu'en Nouvelle-Écosse, les coopératives et les caisses de crédit sont le principal employeur de la province après le gouvernement. Dans notre région, les caisses de crédit emploient presque 1 800 Canadiens.
Nous nous spécialisons dans les services aux plus petites des entreprises. Chez nous, la petite entreprise type est constituée d'un propriétaire unique ou est un petit exploitant — c'est le genre d'entreprise qui nourrit la croissance au pays. Chaque année, tout le pays reconnaît notre service à la clientèle sans pareil et la qualité inégalée de nos services aux petites entreprises.
Imaginez-vous directeur d'une petite caisse de crédit. Vous dirigez une institution financière qui compte moins de 20 employés et vous devez jouer plusieurs rôles chaque jour. Vous vous occupez des ressources humaines, du marketing, des prêts, des technologies de l'information, vous êtes le spécialiste des paiements et des investissements. Et en même temps, vous devez rivaliser avec la succursale de la banque qui se trouve tout près et qui semble disposer de ressources inépuisables.
La façon de tenir tête à cette concurrence est simple — et naturelle pour les institutions financières coopératives — il faut coopérer. Les caisses de crédit de la région de l'Atlantique sont remarquables pour de nombreuses raisons, mais la principale d'entre elles est probablement leur volonté et leur capacité de coopérer. Nous continuons de grandir dans nos communautés, mais nous demeurons, pour l'instant du moins, de très petites institutions financières. Si nos amis Vancity et Coast Capital sont probablement les institutions les plus en vue du milieu canadien des caisses de crédit, c'est beaucoup plus à nous que ressemble la caisse de crédit moyenne. Vancity détient environ 17,5 milliards de dollars d'actifs, et notre plus grande caisse de crédit en détient 400 millions de dollars environ, et notre plus petite, moins de 10 millions de dollars.
Avec nos 150 points de service répartis dans quatre provinces, nous sommes vraiment les petites entreprises de l'industrie des services financiers. Pour continuer à croître, et, disons-le, à prospérer, nous devons coopérer. Les caisses de crédit doivent collaborer pour profiter de ce que nous appelons la force coopérative, qui consiste à gagner en importance par la collaboration.
Cet esprit de coopération est de plus en plus présent, pas seulement au Canada atlantique, mais dans tout le pays. Nous avons créé des modèles de services partagés en matière de marketing, de ressources humaines et de technologies, entre autres domaines, pour profiter de la force de notre union tout en continuant d'appartenir aux communautés et en restant centrées sur elles. Si l'on veut offrir des services concurrentiels à nos membres actuels et futurs, la force coopérative doit continuer de se consolider à l'échelle nationale.
Atlantic Central est un bon exemple de cette approche de collaboration. Sa création était une étape logique de l'évolution du système des caisses de crédit de l'Atlantique. En se donnant un nom unique et en partageant leurs ressources technologiques, nos caisses de crédit ont créé une centrale de l'Atlantique pour tirer le maximum de la consolidation régionale en ce qui concerne les liquidités et la gestion des bilans, la syndication de prêts, la conformité avec la réglementation et le développement stratégique.
Notre système régional est maintenant plus intégré que jamais, mais sa propriété, sa gestion, ses processus décisionnels et ses services sont encore tous communautaires. Mais cette approche régionale a été élaborée en fonction d'une réglementation fédérale, d'une norme réglementaire que toutes les provinces peuvent s'engager à respecter.
Et c'est là que le projet de loi C-43 complique les choses. Les services financiers sont l'affaire de grandes entreprises. Les prix dépendent de l'efficacité, et celle-ci dépend du volume, et toutes ces composantes ont un effet sur l'innovation. Selon notre compréhension, les restrictions prévues dans le projet de loi C-43 limiteront notre capacité de collaborer pour générer de la force coopérative. Nous croyons qu'exiger d'une entité fédérale qu'elle soit principalement constituée de membres fédéraux limitera grandement notre capacité de créer du volume et de l'efficacité à l'échelle nationale pour mieux servir nos membres et nos communautés.
Si on regarde l'avenir du système national des caisses de crédit, on constate qu'il risque d'être divisé par le projet de loi C-43, qui érige des obstacles entre les entités sous réglementation fédérale et celles sous réglementation provinciale juste au moment où nous devons trouver des occasions de collaborer davantage et d'améliorer les services que nous offrons à nos membres.
Le gouvernement semble estimer le rôle des caisses de crédit et la façon dont elles appuient les communautés, petites et grandes, ainsi que leur capacité de soutenir les petites entreprises. Nous croyons cependant que le gouvernement doit aussi reconnaître que la grande majorité des caisses de crédit sont de petits organismes et qu'il doit travailler avec le secteur des caisses de crédit pour trouver des façons de favoriser la collaboration et pour adopter des lois et une réglementation qui permettent et récompensent la collaboration entre coopératives.
En conclusion, Atlantic Central aimerait d'abord mentionner son appui à la demande de la Centrale canadienne selon laquelle le gouvernement fédéral devrait donner au système des caisses de crédit et aux gouvernements provinciaux suffisamment de temps pour réagir au projet de loi C-43 de façon optimale, à l'avantage des caisses et de leurs membres. Nous recommandons également au gouvernement fédéral d'attendre et de prendre le temps nécessaire pour reconsidérer la façon dont il pourrait le mieux faciliter la coopération et la collaboration entre les caisses de crédit.
Nous serions heureux de collaborer avec le gouvernement pour trouver les modifications à effectuer afin d'améliorer l'équilibre concurrentiel au sein de l'industrie et soutenir la croissance des petites institutions financières de partout au pays.
[Français]
Cristobal (Chris) Dobrzanski, économiste en chef, Vancity Credit Union : Je tiens à remercier le président et les membres du comité d'avoir invité Vancity Credit Union à participer à la discussion aujourd'hui sur le projet de loi C-43. Je suis Chris Dobrzanski, économiste en chef de la Caisse populaire de Vancity, basée à Vancouver, en Colombie-Britannique.
Je suis également le président de banque Citizens Bank of Canada, appartenant entièrement à Vancity, qui procure une structure financière nationale à notre coopérative de crédit.
Aujourd'hui, je vais vous présenter nos perspectives au chapitre de l'intégration communautaire et provinciale. Les coopératives de crédit et les caisses populaires attirent un nombre croissant de membres et d'employés talentueux dans le domaine des services financiers. Nos constituants profitent du Réseau national des coopératives financières incorporé au niveau provincial. Le secteur coopératif de crédit canadien, à l'exception des Caisses populaires Desjardins, représente 5,3 millions de membres, soit 20 p. 100 de la population.
[Traduction]
Depuis 1946, Vancity sait que ce sont les membres qui font de nous ce que nous sommes. Notre origine provient de la fourniture de services bancaires aux membres de collectivités que ne servaient pas les institutions financières existantes.
À titre de coopérative, Vancity est mue par les besoins de ses membres, ce qui a engendré de nombreuses innovations pour étendre l'inclusion financière. Cette capacité de refléter les besoins de la collectivité nous aide vivement aujourd'hui et a permis à Vancity d'innover dans la fourniture de solutions en temps réel pour répondre aux défis auxquels font face les communautés, dans des domaines tels que le logement abordable, les systèmes alimentaires locaux, les entreprises sociales, les énergies renouvelables et l'environnement ainsi que l'éducation financière, pour ne nommer que ceux-là.
Cette innovation locale se fonde en partie sur un accès direct à des solutions de traitement des paiements. En effet, de par son adhésion à Central 1, Vancity dispose du protocole, de la fiabilité et de la stabilité de l'Association canadienne des paiements. Vancity est particulièrement reconnaissante de la structure existante qui permet aux coopératives de crédit centrales régionales d'être reconnues comme des partenaires de même niveau au sein de l'ACP. Aujourd'hui, avec plus de 501 000 membres et des actifs de près de 18 milliards de dollars, Vancity est la plus vaste coopérative de crédit communautaire du Canada.
Vancity comprend l'idée générale des réglementations financières émergentes, particulièrement la mise en place des accords de Bâle III à l'échelle internationale d'ici 2018. Nous comprenons que certaines réformes financières incommoderont les institutions financières acceptant des dépôts, en fournissant un cadre de crédit stable qui soutient l'économie réelle, ce que l'harmonisation et le renforcement de la réglementation soutiennent considérablement. Vancity préfère les réglementations qui encouragent la fourniture stable de services bancaires aux gens ordinaires, c'est-à-dire nos membres.
[Français]
Vancity Credit Union collabore sur le plan national avec les coopératives de crédit de tous les pays afin de créer un réseau à grande échelle par l'entremise de Central 1. Nous sommes reconnaissants du réseau actuel qui reconnaît nos coopératives de crédit centrales comme des partenaires de même niveau au sein de l'ACP, soumises aux mêmes règles établies par le Bureau du surintendant des institutions financières fédérales.
Ces normes uniformes soutiennent les membres de Vancity Credit Union et assurent une plus grande stabilité financière au sein de toutes les institutions financières acceptant les dépôts, non seulement pour les coopératives de crédit, mais aussi pour leurs centrales de membres.
En tant que coopérative, Vancity Credit Union est gouvernée de manière démocratique par ses membres. Avec d'autres coopératives de crédit en Colombie-Britannique, nous sommes membres de notre coopérative de crédit central régional. Par l'entremise de notre conseil d'administration élu par les membres, nous nous consultons sur les questions de réformes financières, d'échelles financières et des pratiques financières viables. Notre processus de consultation génère probablement un consensus plus solide que nos concurrents. Ces consultations au sein des groupes de pairs et de la coordination entre nos régions des coopératives de crédit nécessitent du temps.
[Traduction]
Nous remarquons que les changements importants envisagés dans le projet de loi C-43 quant aux coopératives de crédit tireraient également profit d'un processus de consultation plus approfondi. Selon notre expérience, lorsque nous consacrons des ressources adéquates et le temps nécessaire à des changements de politique, tels que ceux de ce projet de loi, nous assurons une transition sans heurts vers le nouvel état en exprimant clairement les avantages dont bénéficieront toutes les parties prenantes.
Nous demandons par conséquent au comité de comprendre que nous aimerions un délai suffisant pour que notre système de collaboration coopérative puisse générer une réaction coordonnée aux changements réglementaires envisagés.
[Français]
En terminant, je souhaite mentionner l'importance d'entreprendre dès aujourd'hui des discussions sur le présent dossier. Je vous remercie sincèrement de m'avoir donné l'occasion de vous faire part de mes commentaires.
Lors de votre prochain passage à Vancouver, je vous invite à nous rendre visite. Vous pourrez ainsi constater l'influence positive que nous avons sur los collectivités que nous desservons et l'importance que nous accordons à nos valeurs comme fondement de nos activités financières.
Le sénateur Massicotte : Je remercie les témoins d'avoir partagé leurs commentaires.
Vous dites tous les trois la même chose : ce sont des changements importants et vous demandez une période de transition adéquate.
L'un des témoins a surtout parlé des provinces de l'Atlantique. Vous savez qu'à la suite des modifications proposées, le gouvernement fédéral se retirera du côté du BSIF. Puisque vous faites affaire avec plusieurs provinces, qu'arrivera-t-il si vous avez un problème financier ou autre? Vous ferez appel à quelle province en ce qui concerne le respect du code? Le projet de loi a pour but principal de clarifier les choses, mais dans votre cas, puisque vous transigez avec plusieurs provinces, c'est plus compliqué. Que faites-vous dans ce cas?
Marc-André Pigeon, directeur, Politique du secteur financier, Centrale des caisses de crédit du Canada : Je peux revenir à ce qu'on disait tantôt : cela nous prend du temps à étudier la façon dont on va aborder ces questions. On maintient toujours l'accès au prêteur de dernier recours à la banque centrale, soit les mécanismes d'octroi de liquidités. Il s'agit d'un élément de protection de base. Cela ne change pas.
Le sénateur Massicotte : À la condition que la province donne une garantie?
M. Pigeon : Non. Il y a deux éléments en ce qui a trait au prêteur de dernier recours : il y a l'élément du quotidien, de tous les jours, et l'élément extraordinaire, s'il y avait une grosse crise. Très peu a changé effectivement du point de vue de l'aide d'urgence, car on maintient l'accès au prêteur du dernier recours quotidien. Deuxièmement, comme l'ont souligné les témoins de la Banque du Canada, ils clarifient le système déjà en place. De ce point de vue, on ne voit pas beaucoup de changements. Cela faisait déjà partie des politiques de la Banque du Canada.
Le sénateur Massicotte : Cela change quand vous faites affaire avec d'autres provinces. N'y a-t-il pas des complications additionnelles qui s'ajoutent?
M. Pigeon : Pas du point de vue de l'aide d'urgence, comme je l'ai mentionné tout à l'heure.
[Traduction]
Mme Durdin : Oui, il est difficile de comprendre les conséquences du changement, et nous avons besoin de temps. Certaines provinces vont devoir apporter des modifications à leurs lois sur le plan des pouvoirs de leur organisme de réglementation. Cela va prendre du temps.
Il y a des contrats et des ententes entre les diverses parties qui vont devoir être examinées.
Le sénateur Massicotte : Avez-vous besoin seulement de temps? Est-ce que tout est correct sur le plan conceptuel? Avez-vous seulement besoin de temps pour vous adapter, ou est-ce que le problème est plus profond que cela?
Mme Durdin : Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous n'avons pas demandé ce changement, mais que nous avons besoin de temps pour trouver une façon de nous adapter.
Le sénateur Massicotte : Monsieur Leonard, seul le temps permettra de régler les problèmes?
M. Leonard : Oui. Je dirais comme Martha qu'il sera difficile de comprendre toutes les répercussions tant que nous n'aurons pas eu la possibilité d'examiner tout cela et surtout d'avoir des discussions axées sur la collaboration avec les provinces de notre région. Pour ce qui est de savoir si ce n'est qu'une question de temps comme le demande le sénateur, ce sera difficile à déterminer avec certitude avant que nous n'ayons pu discuter de tout cela.
[Français]
M. Pigeon : Les agences réglementaires aussi doivent s'adapter à ces centres, c'est-à-dire embaucher du monde et s'assurer qu'ils soient au même niveau qui est exigé. Cela aussi prend du temps. Il y a des changements au niveau des règlements et de notre côté pour s'adapter à tous ces changements. Il y a donc beaucoup de changements.
La sénatrice Ringuette : Est-ce que j'ai bien compris qu'il y avait des implications dans le projet de loi qui mettraient peut-être en doute l'accessibilité de certaines caisses populaires ou de certains mouvements coopératifs dans le système de paiements canadien?
M. Dobrzanski : Aujourd'hui, avec notre présence dans le domaine des PME ou le financement des coopératives, les transactions se font de manière très précise. Le nombre des partenaires provinciaux est critique et, en Colombie-Britannique, Central 1, par son importance, permet aux organismes de crédit d'avoir des coûts précis. C'est aussi grâce à la présence du Bureau du surintendant des institutions financières au palier fédéral. Je ne sais pas comment fonctionne le nouveau système selon lequel on ne peut exercer qu'au fédéral si on participe. De nos jours, c'est une participation à l'échelle nationale qui nous permet de nous développer. C'est pour cette raison que nous sommes sûrs, avec le temps, qu'on ne réduira pas l'accessibilité aux paiements, et, avec l'aide des nouvelles technologies, qu'on va plutôt progresser. C'est l'avantage sur lequel je souhaitais mettre l'accent.
La sénatrice Ringuette : En raison de votre volume?
M. Dobrzanski : On se met au service de toutes les autres petites caisses populaires et unions de crédit. C'est ce volume qui favorise un système plus sûr et qui, par sa politique nationale, offre une stabilité pour tous les partenaires indépendants, peu importe où ils font leurs affaires bancaires.
M. Pigeon : J'aimerais souligner quelque chose qui a été dit tantôt.
[Traduction]
Je crois que M. Campbell a dit que le ministère des Finances s'engage à apporter les changements sans perturber le système, alors nous le croyons sur parole. Tout ce que nous disons, c'est que nous avons besoin de temps pour y arriver et nous assurer que c'est bien cela qui se passe.
Tant que nous sommes visés par le régime fédéral — et cela va être le cas dans un avenir proche —, rien ne change, et nous voulons nous assurer d'en arriver à une situation où il n'y aura plus de changement à venir non plus. Nous croyons le ministère sur parole lorsqu'il dit qu'il s'engage à ce que ce soit le cas, et nous voulons procéder au changement dans un esprit de collaboration avec le ministère.
La sénatrice Ringuette : Je suis d'accord avec vous. Ce serait un important recul sur le plan de la capacité des coopératives centrales d'accéder directement au système de paiement du Canada sans passer par TD ou qui que ce soit d'autre, et c'est un enjeu important.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, le Sénat est une institution à la mémoire très longue. Le Comité des banques est le plus vieux comité permanent du Sénat. J'ai l'intention de continuer d'être membre du comité pendant un bout de temps, au moins pour les deux prochaines années.
Est-ce que le comité peut vous demander de lui écrire pour l'avertir et lui expliquer ce qui se passe si l'accès au système de paiement canadien semble être bloqué?
M. Pigeon : Oui.
Le sénateur Massicotte : Je ne pensais pas que ce dont nous parlons avait une incidence sur votre appartenance au système de paiement du Canada.
Mme Durdin : Je ne pense pas que ce sera le cas.
Le sénateur Massicotte : Merci.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Je conclus avec mes collègues que ce dossier est assez complexe. Mais je constate que le mouvement coopératif s'est développé localement d'abord puis qu'il a tissé des liens d'affaires partout au Canada sans passer par une réglementation fédérale. Les règles que vous vous êtes données, qui sont formelles, mais pas légales, entre guillemets, c'est-à-dire qu'elles ne passent pas par un système de loi, fonctionnent assez bien.
Quand le projet de loi a été déposé, vous avez été surpris, parce que vous n'avez pas été consultés. Maintenant, vous serez consultés pour l'implanter, mais pas pour l'élaborer ni en déterminer l'intention non plus.
Cela dit, vous demandez, même si le système est obsolète, qu'il soit mis en œuvre plus tard afin d'avoir du temps pour y réfléchir. Demandez-vous de disposer de cette section du projet de loi ou demandez-vous d'ajouter des articles avec des délais plus longs?
[Traduction]
Mme Durdin : Si je puis répondre à votre question, nous respectons le souhait du gouvernement de clarifier les responsabilités réglementaires des provinces et du gouvernement fédéral. Ce que nous demandons, c'est qu'il consulte les intervenants du système et discute avec eux du moment où commence le délai de deux ans pour la mise en œuvre. Pour l'instant, nous ne savons pas clairement à quel moment il commencera. S'il s'agit d'un délai de deux ans, nous aimerions en reporter le début, car nous croyons avoir besoin de plus de temps.
[Français]
La sénatrice Bellemare : À votre avis, est-ce que le texte législatif devant nous donne des indications précises sur la réglementation fédérale qui appuiera cette intention? Est-ce assez clair ce qui va se passer puisque la réglementation est à venir également?
[Traduction]
Mme Durdin : Je pense que ça dépend des parties. Pour ce qui est de la section 16 et du retrait du BSIF, c'est assez clair. En ce qui concerne la mise en œuvre des coopératives de crédit fédérales, les dispositions législatives ne sont pas encore tout à fait claires, mais le processus de mise en œuvre doit être précisé. Je pense que la loi prévoit une transition.
Est-ce juste?
M. Pigeon : Je voulais dire qu'il est embrouillé parce qu'il y a au moins deux ou trois choses en jeu dans le projet de loi. Il y a la possibilité de créer des coopératives de crédit fédérales, et nous avons mentionné la vente d'assurance et les dispositions concernant les fusions. Il s'agit de mesures visant à faire en sorte qu'il soit relativement facile pour les coopératives de crédit de passer à l'échelon fédéral et d'être réglementées par le gouvernement fédéral. Voilà une première chose.
Je dirais que le ministère a procédé à des consultations sur ces mesures et il y a eu beaucoup de discussions là-dessus.
L'autre chose, c'est la question de la partie XVI, c'est-à-dire le fait que le gouvernement affirme ne plus vouloir réglementer les centrales. Cela a été une surprise, et c'est à cet égard que nous disons avoir besoin de plus de temps.
La troisième chose — sans vouloir revenir trop loin en arrière —, c'est que nous avons parlé des changements touchant la Loi sur la Banque du Canada. C'est une autre question. Il y a au moins trois enjeux dans cette section qu'il est important, je crois, d'envisager de façon distincte.
Comme M. Campbell l'a dit, en ce qui concerne surtout la possibilité de créer des coopératives de crédit fédérales et la partie XVI, ou ce que nous appelons la Loi sur les associations coopératives de crédit, il s'agit de mesures parallèles. Ce sont deux processus distincts. Ils se déroulent en même temps, mais ce sont des choses différentes.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Je crois comprendre ce que vous demandez sans le dire précisément. Merci.
[Traduction]
Le sénateur Tannas : Maintenant que le projet de loi a été déposé, est-ce que les provinces ont communiqué avec vous? Est-ce que l'une ou l'autre des provinces agit, vu que le délai est assez serré? Savez-vous si les organismes de réglementation des provinces se sont dit qu'ils feraient mieux de commencer à réfléchir à ce qu'ils allaient faire ou s'ils attendent? Voilà une première question.
Par ailleurs, vous attendez-vous à ce qu'il s'agisse simplement pour les provinces de déterminer quel sera le processus, ensemble ou peut-être en collaboration, comme dans le cas de la Colombie-Britannique et de l'Ontario, pour ce qui est de reprendre la surveillance?
Autrement dit, elles ne vont pas apporter beaucoup de changements. Elles vont simplement essayer de reprendre la surveillance, les règles qui étaient appliquées, les directives qui étaient données, et ainsi de suite. J'imagine que cela représente moins de travail que de tout revoir le processus de surveillance. Avez-vous pu vous en faire une idée jusqu'à maintenant?
Mme Durdin : Pour répondre à votre première question, les fonctionnaires ont communiqué avec les responsables des organismes de réglementation et les ont rencontrés récemment. Ils discutent ensemble, par l'intermédiaire de leur organisation, de la meilleure façon d'aborder la question.
Nous n'avons pas encore tenu de discussion officielle avec eux au sujet de la façon dont ils vont l'aborder, et je pense que nous aurons une meilleure idée de ce qu'ils vont faire lorsqu'ils réagiront au document technique, d'ici la fin de décembre.
Je suis vraiment très réticente à formuler une hypothèse concernant la façon dont ils vont aborder la chose. Il y a des provinces où la surveillance est déjà reprise et il y en a d'autres où il va falloir apporter des changements, donc cela va varier.
Le sénateur Tannas : Envisagez-vous que l'association des organismes de réglementation financière des provinces — l'ASPC — prenne les devants, ou pensez-vous que chacune des provinces va rapidement devoir déterminer la façon de procéder par elle-même?
Mme Durdin : Non, je pense qu'il y a une collaboration.
Le sénateur Tannas : Merci.
Le président : Au nom de tous les membres du comité, merci beaucoup à nos témoins d'avoir été présents parmi nous aujourd'hui. Vous avez apporté une grande contribution à nos délibérations.
Nous allons passer à notre prochain groupe de témoins. Pour la prochaine séance, notre comité va se pencher sur la section 26, qui porte sur la Loi canadienne sur les paiements. Nos témoins de l'Association canadienne des paiements sont Doug Kreviazuk, vice-président, Système de compensation et de règlement de prochaine génération; Deborah Wilson, conseillère juridique principale; et Geoffroi Montpetit, directeur des affaires publiques.
Monsieur Kreviazuk, vous avez la parole.
Doug Kreviazuk, vice-président, Système de compensation et de règlement de prochaine génération, Association canadienne des paiements : Merci beaucoup. Je m'appelle Doug Kreviazuk, et je suis vice-président, Système de compensation et de règlement de prochaine génération de l'Association canadienne des paiements. Nous vous remercions d'avoir invité l'ACP à participer à l'étude importante que vous menez. J'ai une brève déclaration d'ouverture pour vous aider à situer l'Association canadienne des paiements, et pour expliquer la pertinence et l'importance de la section 26 du projet de loi.
L'Association canadienne des paiements est la principale infrastructure des marchés financiers du Canada. Nous concevons et exploitons les systèmes nationaux de compensation et de règlement des paiements du Canada. Les institutions financières s'appuient sur nos systèmes pour régler de façon définitive leurs soldes de compensation sur les livres de la Banque du Canada au quotidien. Les Canadiens, les entreprises, les gouvernements et les institutions financières comptent sur nos systèmes pour effectuer la compensation et le règlement de paiements tels que les chèques, les débits préautorisés, les dépôts directs, les paiements de factures, les paiements effectués au point de vente et les virements électroniques. L'an dernier, l'ACP a compensé et réglé 44 billions de dollars, soit 170 milliards de dollars en moyenne chaque jour ouvrable.
Nous sommes guidés par les objectifs de politique publique en matière de sécurité, de solidité et d'efficacité, ainsi que par l'intérêt des utilisateurs. Ces objectifs sont inscrits dans notre loi habilitante, la Loi canadienne sur les paiements. Les institutions financières qui offrent des services de paiement sont tenues d'être membres de l'ACP et de financer nos opérations. Nous comptons aujourd'hui 113 institutions financières membres.
Notre rôle consiste à nous assurer du règlement efficace et sans risque des comptes financiers entre les institutions financières. En plus de l'infrastructure technique, nous mettons au point des règles et des normes qui, avec la Loi canadienne sur les paiements, fournissent un cadre juridique solide pour les paiements d'aujourd'hui et de demain.
Le projet de loi C-43 propose des modifications importantes de la Loi canadienne sur les paiements et de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements.
Les modifications de la Loi canadienne sur les paiements en particulier entraînent des changements touchant le cadre de gouvernance de l'ACP. Nous pensons qu'ils amélioreront la gouvernance, le fonctionnement global et la responsabilisation de l'ACP, nous aidant ainsi à réaliser notre stratégie prospective pour poursuivre la modernisation du système de paiement du Canada. Permettez-moi de souligner quelques-unes des principales modifications apportées à la Loi canadienne sur les paiements.
Premièrement, un conseil d'administration plus petit et plus indépendant appuiera une représentation plus large et plus inclusive de l'écosystème des paiements.
Le pouvoir de désapprobation du ministre est maintenu dans la loi, mais le processus d'approbation des règlements administratifs a été rendu plus efficace grâce à une nouvelle catégorie de règlements administratifs qui ne requiert que l'approbation du conseil de l'ACP, plutôt que la pratique actuelle requérant l'approbation ministérielle.
La loi contiendra de nouvelles exigences en matière de responsabilisation, dont bon nombre ont été instaurées par l'ACP au cours des dernières années, par exemple la publication d'états financiers vérifiés et détaillés et de rapports sur les progrès de l'AC par rapport à ses objectifs déclarés.
Depuis la première lecture du projet de loi C-43 à la Chambre des communes, nous avons eu l'occasion d'examiner de près ses dispositions, et nous avons discuté avec le ministère des Finances des prochaines étapes en fournissant notamment des précisions particulières sur certains points pour aider à la rédaction des règlements.
J'aimerais souligner que nous croyons que les règlements devraient prévoir un processus rapide, par exemple de 30 à 60 jours, pour l'approbation par le ministre des Finances du plan d'entreprise présenté annuellement par l'ACP. Un tel règlement est nécessaire vu l'importance des systèmes et des opérations de l'ACP par rapport au fonctionnement quotidien du système financier canadien.
J'aimerais faire un dernier commentaire sur la réalisation des mécanismes de surveillance optimaux. En vertu de la Loi canadienne sur les paiements, le ministre a le pouvoir de donner des directives à l'ACP et le pouvoir de ne pas approuver les règles et les règlements proposés. En vertu de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements, le gouverneur de la Banque du Canada a le pouvoir de désigner des systèmes de paiement d'importance systémique aux fins de la surveillance par la banque, comme le système de transfert de paiements de grande valeur de l'ACP.
Le projet de loi C-43 étend ce pouvoir à une nouvelle catégorie de systèmes de paiements marquants. Il est concevable que cela permette au gouverneur de la banque de désigner un système de vente au détail — le système automatisé de compensation et de règlement, aux fins de la surveillance par la banque. Il sera important de veiller à ce que le dédoublement potentiel en matière de surveillance ne fasse pas obstacle au processus de revue des règles de l'ACP et, par conséquent, à la capacité de l'ACP de répondre aux besoins des utilisateurs.
Pour conclure, l'ACP travaille avec diligence pour assurer une transition rapide et en douceur vers ce nouveau cadre de gouvernance. Nous croyons que les modifications proposées aideront l'ACP et son nouveau conseil d'administration à remplir notre mandat important et nous permettront d'atteindre les objectifs en matière de politique publique que sont la sûreté, la solidité et l'efficacité au bénéfice de tous les utilisateurs, y compris les consommateurs. Ces modifications nous permettront de mettre en œuvre notre stratégie pour poursuivre la modernisation du système de paiement du Canada.
Là-dessus, je serai heureux de répondre à toutes vos questions.
[Français]
La sénatrice Bellemare : J'aimerais clarifier quelque chose. Quand vous affirmez que toutes les transactions des institutions financières sont validées par votre organisation, est-ce que cela inclut toutes les caisses populaires, toutes les coopératives financières, le Mouvement Desjardins, et cetera?
[Traduction]
M. Kreviazuk : Toutes les institutions financières de dépôt ainsi que les compagnies d'assurance vie, les courtiers en valeurs mobilières et les sociétés admissibles pour le compte de fonds communs de placement du marché monétaire peuvent devenir membres de l'ACP.
Si une institution exerce ou souhaite exercer des activités de paiement, alors elle doit être membre de l'ACP. Son volume de transactions est compensé et réglé par le truchement de nos systèmes, et cela inclut toutes les caisses populaires et les coopératives de crédit canadiennes.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Les modifications apportées à votre organisation à cet égard resteront telles quelles, même si certaines coopératives financières demeurent sous la juridiction provinciale?
[Traduction]
M. Kreviazuk : Non, il ne devrait y avoir aucun changement à cet égard.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de nous avoir fait connaître votre point de vue.
[Traduction]
Vous soulevez le fait que, relativement au plan d'entreprise que vous devez présenter au ministre, aucun délai de réponse n'est prévu dans le projet de loi. Votre commentaire est valable; nous sommes d'accord avec vous. Que se passe-t-il si le ministre ne répond pas? Vous n'avez pas le pouvoir de dépenser, d'aller de l'avant ou de recouvrer de paiement? Que se passe-t-il, alors?
Deborah Wilson, conseillère juridique principale, Association canadienne des paiements : Nous croyons savoir que les renseignements précis que nous devrons fournir et l'échéancier connexe, de même que toutes les exigences relatives au plan d'entreprise, seront établis dans le règlement, que nous n'avons pas encore vu.
Il y a une chose que je veux préciser : nous ne sommes pas une société de la Couronne. Nous ne sommes pas assujettis aux exigences en matière d'approbation qui sont énoncées dans d'autres lois applicables à ces sociétés.
Nous continuerions d'utiliser nos systèmes. En ce qui concerne toute activité indiquée dans le plan, je m'attendrais à ce que nous en réglions simplement les détails et à ce que nous continuions de coopérer avec le ministère des Finances à l'égard des objectifs formulés dans ce document.
Le sénateur Massicotte : Je suis sûr que vous aurez chaque année un programme d'immobilisations, par exemple pour investir dans vos ordinateurs. Le ministre est très occupé. Qu'arriverait-il s'il ne vous répondait pas dans le délai de 30 à 60 jours que vous proposez, et que l'année financière a débuté? Achèterez-vous des logiciels?
M. Kreviazuk : C'est pour cela que nous avons recommandé qu'à l'expiration d'un délai donné — de 30 ou de 60 jours —, le plan d'entreprise soit réputé approuvé. Cela nous permettrait de continuer d'exercer nos activités.
Je dirais que la relation entre l'Association canadienne des paiements et le ministère ou le cabinet du ministre est très solide et qu'elle a évolué au fil des ans. Nous nous réunissons régulièrement pour discuter de politiques et de nouvelles initiatives. Aucun élément d'un plan d'entreprise présenté au cabinet du ministre ne serait susceptible de constituer une surprise. Il y aurait eu beaucoup de discussions préalables.
Le sénateur Massicotte : Je n'ai aucun doute là-dessus.
Vous proposez de modifier la loi pour qu'elle fixe un délai, mais que se passera-t-il si cela n'arrive pas? Que vous autorise à faire la version actuelle de la loi? Vous devez évidemment cesser vos activités, et si vous allez continuer à les mener comme si cela s'était produit, alors ce point n'est pas si important.
M. Kreviazuk : Eh bien, je ne suis pas certain que le plan d'entreprise porterait sur les activités courantes générales de l'organisation. Il porterait davantage sur les dépenses en immobilisations et les grands projets lancés. Il énonce en quelque sorte les priorités stratégiques de l'organisation. Si des renseignements de ce genre étaient demandés, il nous faudrait en discuter avec le ministère des Finances pour dénouer l'impasse. Il va de soi que le système de compensation et de règlement ne peut pas être arrêté.
Le sénateur Massicotte : Vous avez dit que vous avez travaillé en étroite collaboration avec le cabinet du ministre lors de l'élaboration du projet de loi. Je présume que ce n'est pas la première fois que vous formulez cette recommandation; vous l'avez probablement formulée aussi au cabinet du ministre à ce moment-là. De toute évidence, il ne l'a pas accueillie favorablement. Savez-vous pourquoi?
M. Kreviazuk : Personnellement, non.
Deborah, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
Mme Wilson : Je pense que cela tient à ses objectifs globaux en matière de surveillance et à ses mesures de responsabilisation. Les membres du cabinet ont clairement dit dès le départ qu'ils estiment que c'était une partie essentielle de ce qu'ils proposaient.
Le sénateur Massicotte : J'aime beaucoup ces modifications proposées, car la gouvernance est un terme plus moderne pour désigner la responsabilisation. Cela vous oblige à établir un plan d'entreprise et des budgets, et il s'agit là de processus tout à fait normaux. Le facteur clé, c'est votre conseil d'administration, en ce sens que votre organisation deviendra bien plus indépendante et que les membres du conseil joueront ainsi un rôle de plus en plus important.
Je crois savoir que votre processus de nomination est indépendant du gouvernement et que les futurs membres de votre conseil d'administration doivent satisfaire à un ensemble de critères visant à prouver leur compétence pour qu'on s'assure qu'ils sont aptes à faire leur travail. C'est exact? A-t-on déjà établi les critères pour vérifier ces compétences, ou pour mettre les candidats à l'épreuve, si je puis dire?
Mme Wilson : L'établissement des critères relatifs à nomination et à l'admissibilité au poste d'administrateur fait partie des pouvoirs de réglementation que la loi confère au gouverneur en conseil. Comme je l'ai dit, nous ne savons pas en quoi ils consistent.
Le sénateur Massicotte : Cela a trait à l'indépendance. Qu'en est-il des compétences, un aspect qui, à mon avis, ne sera probablement pas abordé dans la loi? C'est davantage pour que votre organisation puisse dire : « Voici le type de conseil d'administration dont nous avons besoin. »
Mme Wilson : Ce sont deux choses connexes. Il y a ce qui est énoncé dans le projet de loi — ce qui pourrait également être inclus dans le règlement — et ce que fera l'ACP. Nous avons actuellement un ensemble de compétences établies pour les administrateurs, et nous y apporterons des modifications pour les harmoniser avec la loi.
Cela vise également à s'assurer que les membres du conseil d'administration ont les bonnes compétences. Nous avons aussi le pouvoir d'adopter des mesures législatives concernant la rémunération des administrateurs; ce n'est pas le gouvernement qui détermine cela.
La sénatrice Ringuette : Puisque vous travaillez en étroite collaboration avec le ministère et que cela n'était pas une surprise pour vous, vous travaillez probablement là-dessus depuis un bout de temps. Je suis quelque peu étonné de constater qu'il n'y a pas de définition de « membre indépendant », car habituellement, toutes les définitions de ce genre sont énoncées dans la loi. Quelle en serait votre définition?
Mme Wilson : Nous avons eu beaucoup de discussions à ce sujet avec le ministère. Nous avons convenu que, de façon générale, elle sera fondée sur la norme canadienne 52-110, mais surtout que les membres seront indépendants de la direction et des cadres de l'ACP ainsi que des institutions financières faisant partie de notre association. C'est l'idée générale. Nous croyons savoir que ce sera énoncé dans le règlement, mais nous n'avons pas encore vu les détails de la chose.
La sénatrice Ringuette : On nous a dit tout à l'heure que ce seront les membres du conseil d'administration qui sélectionneront les membres du nouveau conseil indépendant. C'est exact?
M. Kreviazuk : Oui.
Mme Wilson : Pour assurer la transition.
M. Kreviazuk : Pour assurer la transition, oui.
La sénatrice Ringuette : Seulement pendant la transition?
Mme Wilson : Oui. Après, ce seront les membres de l'association qui choisiront la composition du conseil, c'est-à-dire les membres et les administrateurs indépendants.
La sénatrice Ringuette : C'est donc à cela que vous faisiez allusion tout à l'heure quand vous avez parlé de constituer un comité chargé d'entreprendre la recherche d'éventuels membres indépendants. C'est juste?
Mme Wilson : Oui.
La sénatrice Ringuette : Avez-vous un seuil en ce qui concerne le volume de transactions exigées d'une entité pour qu'elle puisse faire affaire avec vous?
M. Kreviazuk : Non.
La sénatrice Ringuette : Vous n'en avez pas?
M. Kreviazuk : Non.
La sénatrice Ringuette : Est-ce que la question des coûts pose problème?
M. Kreviazuk : Je vais essayer de vous expliquer ce qu'il en est. La version actuelle de la loi précise quelles entités peuvent faire partie de l'association. Il s'agit essentiellement des institutions de dépôt du pays ainsi que des courtiers en valeurs mobilières, des sociétés qui gèrent des fonds communs de placement en instruments du marché monétaire et des sociétés de fiducie.
Seules les banques à charte ont l'obligation légale de faire partie de l'ACP. Mais, en réalité, si vous exercez des activités dans le domaine des paiements et que vous vous attendez à ce que vos paiements soient compensés et réglés par l'intermédiaire de l'ACP, vous devez aussi en être membre. Il y a deux types de membres. L'adhésion vous permet d'avoir une présence, mais la participation aux systèmes comporte deux niveaux. Il y a des participants directs et indirects. Les participants directs doivent assumer des frais supplémentaires qui ne sont pas négligeables. À l'heure actuelle, il y a 12 ou 13 participants directs au système de paiement au détail. Ces 12 membres introduisent les sous-adhérents, c'est-à-dire les 120 autres membres de l'association. Ils ont donc tous accès au système; c'est seulement leur fonctionnalité à l'intérieur de ce système qui peut varier. Il y a un seuil à respecter. Actuellement, pour être un participant direct, il faut excéder 0,5 p. 100 du volume total des compensations.
La sénatrice Ringuette : Tout à fait.
M. Kreviazuk : Cela semble négligeable, mais ce ne l'est pas.
La sénatrice Ringuette : Les membres indirects ont besoin de l'aide, de la coopération ou du partenariat des membres directs pour compenser leurs transactions?
M. Kreviazuk : Oui.
La sénatrice Ringuette : Exactement. D'où la question des caisses populaires et le lien avec le volume. Puisqu'il revient aux membres directs d'accepter ou non de compenser le paiement des membres indirects, il y a aussi la question des frais relatifs aux deux niveaux de participation. Quels sont les frais exigés par les membres directs pour compenser les transactions des membres indirects?
M. Kreviazuk : Les frais exigés par les participants directs aux participants indirects sont fixés par le marché. Ce n'est pas nous qui en décidons.
Il existe un certain nombre d'institutions financières qui offrent ce service dans un contexte concurrentiel. Certaines coopératives de crédit — dont les caisses populaires — doivent passer par leurs fédérations respectives. Je pense qu'une loi provinciale les oblige à procéder ainsi.
La sénatrice Ringuette : Je comprends. Tout à l'heure, j'ai questionné les caisses populaires en ce qui a trait à leur accès et leurs frais relativement aux nouvelles règles du projet de loi C-43 qui les concernent, ainsi qu'à ce qu'elles devront faire pour restructurer leur propre système. Il y a là un problème potentiel en raison de ces modifications apportées à la centrale, qui avait la capacité de volume nécessaire pour négocier avec vos membres de premier ordre.
M. Kreviazuk : Je vois.
Le sénateur Massicotte : Concernant la définition de « membre indépendant », vous avez mentionné une norme canadienne. Est-ce le gouvernement fédéral ou la Commission des valeurs mobilières qui en a une définition très pointue? Est-ce là-dessus que vous vous fondez?
Mme Wilson : C'est maintenant devenu une norme de bonne pratique pour bien des organisations. C'est la base. La définition de la norme canadienne ne sera pas reprise mot pour mot; elle servira de base seulement. Le critère consiste à ne pas avoir d'intérêt important.
Le sénateur Massicotte : Y a-t-il une norme canadienne émanant du gouvernement fédéral, ou est-il question de la norme de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario dont vous avez parlé?
Mme Wilson : C'est celle de la Commission des valeurs mobilières.
Le président : Mesdames et messieurs, au nom de tous les membres du comité, j'aimerais vous remercier sincèrement d'avoir comparu ici aujourd'hui. Vos observations nous aident beaucoup.
Chers collègues, ceci est notre dernière séance, et nous allons examiner la section 9, qui modifie la Loi sur Investissement Canada. Nous accueillons deux représentants de l'Association du Barreau canadien : Omar Wakil, président du Comité sur l'Examen de l'investissement étranger, Section nationale de l'ABC du droit de la concurrence; et Noah Arshinoff, avocat-conseil, Réforme du droit.
Noah Arshinoff, avocat-conseil, Réforme du droit, Association du Barreau canadien : Monsieur le président, honorables sénateurs, merci. Nous sommes ravis de comparaître devant vous aujourd'hui au nom de l'Association du Barreau canadien pour discuter de la section 9 de la partie 4 du projet de loi C-43 qui modifie la Loi sur Investissement Canada. L'ABC est une association nationale regroupant 37 000 juristes. Ses principaux objectifs sont l'amélioration du droit et de l'administration de la justice, et c'est dans cette optique que nous avons examiné cette partie du projet de loi.
Le mémoire que vous avez sous les yeux a été rédigé par le Comité sur l'examen de l'investissement étranger de la Section nationale du droit de la concurrence de l'ABC. Cette section est composée d'avocats dont la pratique englobe tous les aspects du droit de la concurrence et de l'examen des investissements étrangers, qui ont notamment participé directement à des opérations visées par la Loi sur Investissement Canada.
Je suis ici pour répondre à vos questions, mais je vais céder la parole à mon collègue, M. Wakil, qui préside le Comité sur l'examen de l'investissement étranger de la Section nationale du droit de la concurrence de l'ABC, pour qu'il parle du contenu du projet de loi ainsi que de notre mémoire.
Omar Wakil, président, Comité sur l'examen de l'investissement étranger, Section du droit de la concurrence, Association du Barreau canadien : Monsieur le président, honorables sénateurs, bonjour. Merci d'écouter nos observations cet après-midi. Comme l'a dit Noah — et comme vous le savez —, je préside le Comité sur l'Examen de l'investissement étranger de la Section nationale de l'ABC du droit de la concurrence. Je suis aussi un associé du cabinet d'avocats Torys, à Toronto, et coprésident de notre secteur de l'examen de l'investissement étranger.
En 2009, la Loi sur Investissement Canada a été modifiée afin d'autoriser l'examen de pratiquement tout investissement étranger réalisé au Canada au motif qu'il pourrait miner la sécurité nationale. Nous avons déjà exprimé des préoccupations au sujet de ces modifications en raison de leur vaste application éventuelle et du manque d'orientation quant au genre d'investissements qui, concrètement, pourraient faire l'objet d'un examen. Sans directives et sans transparence, il est difficile de conseiller les investisseurs étrangers et les entreprises canadiennes pour ce qui est de la possibilité ou de la probabilité d'un examen. Il y a un risque bien réel que cela mine les investissements étrangers au Canada. C'est avec cette crainte que nous nous adressons à vous aujourd'hui.
Les modifications qu'on propose actuellement d'apporter à la Loi sur Investissement Canada entraîneraient surtout deux changements dans la loi. Premièrement, la liste des investissements assujettis aux exigences en matière d'avis en application de cette loi s'allongerait, ce qui pourrait avoir pour effet d'accroître le nombre d'examens en matière de sécurité nationale.
Deuxièmement, le gouvernement aurait un plus grand pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne la divulgation publique d'information sur l'état d'avancement et le résultat de ces examens, sauf dans l'éventualité où le ministre d'Industrie Canada serait convaincu que la communication ou la divulgation de ces renseignements serait préjudiciable.
Nous appuyons les efforts visant à accroître la transparence et nous voyons d'un bon œil cette modification proposée. Toutefois, nous croyons qu'il ne devrait y avoir aucune communication au sujet du processus d'examen en matière de sécurité nationale dans le contexte d'un investissement donné lorsque cet investissement n'a pas été publiquement annoncé par les parties. Une telle communication non désirée pourrait avoir pour effet de dissuader les investisseurs de communiquer avec Industrie Canada pour aborder de façon proactive des questions de sécurité nationale, ce qui affaiblirait l'efficacité du processus.
En outre, nous croyons qu'une plus grande communication par le gouvernement au sujet de la fréquence des examens en matière de sécurité nationale et de l'issue de ces examens est nécessaire. Ainsi, le public canadien, le milieu des affaires et les investisseurs seraient mieux informés du mode d'exercice des vastes pouvoirs d'examen en matière de sécurité nationale. En particulier, il serait utile pour les investisseurs d'ailleurs qui investissement dans des entreprises canadiennes de bénéficier d'information de base au sujet des examens en général. Nous pensons par exemple aux questions suivantes : combien d'examens y a-t-il eu depuis 2009? Quel était le pays d'origine des investisseurs étrangers? Dans quels secteurs d'activité les investissements ont-ils été bloqués? Combien d'investissements ont été approuvés sous condition? Le ministère de l'Industrie pourrait-il indiquer ces renseignements dans son rapport annuel, un peu comme le fait le Committee on Foreign Investment aux États-Unis et comme le fait déjà le ministère relativement aux examens de l'avantage net en application de la Loi sur Investissement Canada.
À notre avis, la communication des données globales sur les examens en matière de sécurité nationale ne serait pas préjudiciable à la sécurité nationale, et nous encourageons le ministre à intégrer ces renseignements dans son rapport annuel. Nous espérons que le gouvernement poursuivra ses efforts visant à accroître la transparence en modifiant la LIC pour exiger que le rapport annuel comprenne ce genre de données.
Merci de votre attention. Je serais ravi de répondre à vos questions.
Le sénateur Black : Je vous remercie tous deux de votre présence. Ce matin, j'ai eu l'occasion de poser des questions à des représentants du gouvernement canadien qui nous ont fourni une mise en contexte très éclairante à cet égard. J'essaie juste de comprendre ce qu'il en est.
Selon ma compréhension des arrangements proposés, si une institution prêteuse étrangère prend une garantie sur un bien au Canada et qu'elle doit faire exécuter cette garantie, cela peut devenir une transaction sujette à un examen et susceptible d'être bloquée. C'est exact?
M. Wakil : C'est aussi mon interprétation des modifications. Elle pourrait être sujette à un examen en application de la Loi sur Investissement Canada; non pas en raison des dispositions relatives à l'avantage net, mais plutôt de celles liées à la sécurité nationale.
Le sénateur Black : J'ai ensuite soumis l'hypothèse suivante aux témoins; je ne m'attendais pas à ce qu'ils la commentent, mais peut-être que vous pourriez le faire : si je suis un prêteur, n'est-ce pas un autre élément du profil de risque que je devrais prendre en compte dans l'éventualité où je devrais matérialiser mes prêts?
M. Wakil : Je pense que c'est un autre élément que vous devriez inclure dans votre évaluation des risques. Je crois aussi que, de façon générale, il serait utile que le gouvernement explique davantage pourquoi il estime que ce changement est nécessaire ou souhaitable. Je ne sais pas si la question a été abordée ce matin, mais nous ne sommes pas certains de la raison de ce changement.
Le sénateur Black : Moi non plus.
Je vous pose cette question en tant que sénateur qui défend les intérêts des Albertains et aussi de tous les autres Canadiens. Les sables bitumineux et leur exploitation, c'est important. C'est une industrie de centaines de milliards de dollars, et le financement ne peut pas seulement provenir du Canada; une partie doit provenir d'ailleurs. À mon avis, cela complique la réalisation d'investissements dans les sables bitumineux, ce qui n'est pas dans l'intérêt du Canada. Êtes-vous d'accord avec moi?
M. Wakil : Je crois savoir que la transaction elle-même serait encore sujette à un examen en application de la Loi sur Investissement Canada. Ce qui changerait, c'est qu'un avis devrait être émis. Alors, se conformer à la nouvelle version de la loi n'exigerait qu'un petit effort supplémentaire.
La possibilité d'un examen en matière de sécurité nationale existe à l'heure actuelle, et elle existera encore si les modifications sont adoptées, mais elle n'augmentera alors que légèrement, car le gouvernement sera avisé à l'avance ou peut-être après coup — il n'est pas nécessaire que ce soit à l'avance — de la matérialisation d'une garantie.
Le sénateur Black : Et est-ce qu'elle pourrait être bloquée?
M. Wakil : Elle pourrait l'être, oui.
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie tous deux de votre présence. Je veux être certain que je comprends bien.
La loi actuelle — pas le projet de loi — comporte les mêmes risques. Si je suis un prêteur dans le domaine des sables bitumineux et que je dois exercer un recours à l'égard des biens, aucun avis n'est émis parce que je ne fais essentiellement qu'exercer ma garantie; mais je devrais mentionner qu'il y en a maintenant un. Le processus actuel autoriserait la tenue d'un examen en matière de sécurité nationale, dans une telle éventualité.
M. Arshinoff : Oui.
Le sénateur Massicotte : La seule différence, c'est que cela fait ressortir — peu importe le projet de loi — un élément majeur du processus qui devrait préoccuper les investisseurs étrangers. Les sables bitumineux — considérés comme une ressource importante du Canada — sont un bon exemple. Le prêteur s'expose à des risques considérables s'il accorde un prêt sur la base d'un tel actif, et ce, même au titre de la loi actuelle. Il y a probablement bien des prêteurs qui ont réfléchi à ce risque et qui se sont dit : « Je laisse tomber. Je ne vais pas accorder de prêt sur la base de ces biens, ou je vais m'assurer de courir le moins de risques possibles, car la transaction pourrait faire l'objet d'un tel examen. »
M. Wakil : Oui.
Pour les membres de l'Association du Barreau canadien, l'objectif général est de mieux comprendre l'ensemble du processus d'examen mené à des fins de sécurité nationale. Combien d'examens ont été réalisés? Quels étaient les secteurs d'activité visés? Nous n'avons pas ces renseignements.
Il n'y a pas assez d'information communiquée au sujet des examens en matière de sécurité nationale qui ont été menés jusqu'ici. Nous comprenons que c'est quelque chose de nouveau. Nous croyons savoir que, dans certains cas, la communication d'information pourrait elle-même susciter des préoccupations sur le plan de la sécurité nationale parce que les renseignements divulgués sont confidentiels et qu'ils ne doivent pas être rendus publics.
Quoi qu'il en soit, il est très difficile pour nous de conseiller nos clients à propos des risques liés à une transaction donnée, car nous n'avons pas les renseignements nécessaires pour le faire. Nous sommes conscients du fait qu'il faut protéger les renseignements confidentiels intéressant la sécurité nationale. D'une part, il importe de protéger les renseignements confidentiels des parties, mais, d'autre part, il faut accroître la divulgation publique des faits relatifs aux examens en matière de sécurité qui ont été menés à ce jour. Cela nous permettra de bien conseiller nos clients en ce qui a trait aux risques.
Je ne crois pas que c'est seulement la question de l'avis qui créera des problèmes. C'est aussi le fait que nous n'avons pas beaucoup de renseignements quant au risque que pourrait comporter une transaction donnée. Nous serons mieux à même de conseiller nos clients si nous avons un peu plus d'information.
Le sénateur Massicotte : J'ai lu votre lettre; elle est très polie et professionnelle. Vous essayez essentiellement de structurer la divulgation accrue d'information. Mais je pense que vos commentaires traduisent une certaine frustration que vous éprouvez — tout comme le milieu des affaires et de nombreux pays étrangers qui ont critiqué notre système — parce que ce système manque de rigueur. En d'autres mots, il n'y a pas de critères ni d'objectifs établis, ce qui confère donc un immense pouvoir discrétionnaire au cabinet pour ce qui est autoriser ou de refuser une transaction. Aucun investisseur n'aime l'incertitude. Bien des gens ont formulé ce commentaire.
En ce qui concerne l'autre point soulevé — la question de la confidentialité —, le paragraphe 187(3) énonce toutefois explicitement que le ministre doit être convaincu, au moment d'inclure de l'information détaillée contenue dans un décret du gouverneur en conseil, qu'elle ne sera pas « préjudiciable » au demandeur. On ne dit pas qu'il doit s'agir d'un « préjudice important ». Mais tout de même, cela ne vous plaît pas. Vous n'êtes pas satisfait. Vous dites que cela permet à une seule partie de prendre la décision et que cela pourrait être préjudiciable pour votre client éventuel.
M. Wakil : Tout à fait. Nous sommes convaincus qu'il serait bien et avantageux d'imposer une autre condition au ministre, et elle doit être claire. Enfin, à moins que les parties elles-mêmes aient divulgué l'investissement réalisé, le ministre ne devrait pas pouvoir décider unilatéralement s'il pourrait y avoir préjudice.
Le sénateur Massicotte : Si la décision est mutuelle, alors c'est un problème. Le client pourrait très bien décider de ne pas divulguer l'information. Le gouvernement est, bien sûr, une institution démocratique. Le ministre se sent obligé de faire preuve de transparence. Que faites-vous de cette question? Que font les États-Unis? Que fait le Royaume-Uni? Quelle est leur approche concernant ce genre de divulgation?
M. Wakil : Chaque régime législatif a ses exigences. Nous avons vérifié dans quelle mesure les États-Unis divulguent des renseignements au sujet de leurs examens sur les investissements étrangers. Le degré de divulgation s'apparente à celui des examens de l'avantage net au chapitre de l'information générale sur le genre d'investissements réalisés, du pays d'origine de l'investisseur, de la nature de l'entreprise canadienne sujette à l'examen, et cetera.
Nous savons que, dans certains cas, il peut être très difficile de communiquer beaucoup de renseignements. Je ne crois pas qu'il y aura beaucoup plus de renseignements divulgués à propos de cas précis à la suite de ces modifications, et ce, pour les raisons dont nous avons discuté, c'est-à-dire le besoin de protéger la confidentialité des investisseurs, mais aussi celui de prendre en considération les préoccupations liées à la sécurité nationale. Je ne pense pas qu'il y aura beaucoup d'information divulguée par le gouvernement en raison des modifications proposées. Elles auront pour effet d'augmenter son pouvoir discrétionnaire de communiquer des renseignements sur un cas donné. Nous aimerions que le degré de divulgation soit un peu plus élevé, mais nous voulons plus d'information sur la divulgation des examens en général, pas sur les cas eux-mêmes, car nous sommes conscients du fait que cela peut soulever des préoccupations. Nous voulons plus de renseignements sur les examens en général pour mieux conseiller nos clients en ce qui a trait au degré de risque pour chaque cas.
Le président : Monsieur Wakil, monsieur Arshinoff, au nom du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, j'aimerais vous remercier d'avoir comparu ici aujourd'hui. Vos observations nous ont été très utiles.
(La séance est levée.)