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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 30 - Témoignages du 26 mai 2015


OTTAWA, le mardi 26 mai 2015

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 17, pour examiner la teneur des éléments des sections 14 et 19 de la partie 3 du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Nous tenons aujourd'hui notre première séance sur le projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d'autres mesures.

On a confié à notre comité l'étude préalable de deux sections du projet de loi. La section 14 de la partie 3 modifie la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes afin d'exiger que le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada communique certains renseignements sur les infractions réglementaires à des autorités provinciales de réglementation des valeurs mobilières.

La section 19 de la partie 3 modifie la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt, la Loi sur les banques, la Loi sur les sociétés d'assurances et la Loi sur les associations coopératives de crédit afin de moderniser, de préciser et d'améliorer la protection des renseignements relatifs à la supervision qui sont précisés par règlement et qui sont liés aux institutions financières sous réglementation fédérale.

Notre séance d'aujourd'hui se déroulera en deux parties. Nous entendrons d'abord les fonctionnaires du ministère, qui nous entretiendront des sections 14 et 19. Puis, nous accueillerons des représentants des Autorités canadiennes en valeurs mobilières et de l'Autorité des marchés financiers, qui nous parleront de la section 14.

Passons, sans plus tarder, à notre premier groupe de témoins. Je souhaite la bienvenue aux deux représentantes du ministère des Finances : la directrice de la Division des systèmes financiers, Direction de la politique du secteur financier, Mme Lisa Pezzack qui, comme vous vous rappelez sans doute, est venue témoigner dans le cadre de notre étude des monnaies numériques, et Mme Heather Kay, économiste principale. Je souhaite aussi la bienvenue au représentant du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, mieux connu sous le nom de CANAFE, M. Dan Lambert, gestionnaire, Analyse financière et communications de cas.

M. Lambert n'a pas de remarque liminaire à faire, mais il est à notre disposition pour répondre aux questions.

Mesdames Pezzack et Kay, soyez les bienvenues. La parole est à vous.

Lisa Pezzack, directrice, Division des systèmes financiers, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Merci beaucoup. Commençons par la section 14, les modifications à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Comme vous l'avez indiqué, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le CANAFE, est l'unité du renseignement financier du Canada et, à ce titre, il est tenu de communiquer aux autres ministères et organismes gouvernementaux des renseignements désignés pertinents au blanchiment d'argent et au financement d'activités terroristes.

La section 14 de la partie 3 modifie la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes afin d'exiger que le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada communique certains renseignements sur les infractions réglementaires à des autorités provinciales de réglementation des valeurs mobilières. Ce changement renforcera le régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme et améliorera la capacité des autorités provinciales de s'attaquer aux infractions relatives aux valeurs mobilières et, du coup, la sécurité des Canadiens dans le secteur financier.

La section 19 porte sur la protection des renseignements relatifs à la supervision. Avec ces modifications, le gouvernement vise à moderniser, préciser et améliorer la protection des renseignements désignés relatifs à la supervision qui sont fournis par le Bureau du surintendant des institutions financières. Cette mesure rehaussera la confiance dans le processus de supervision et dans la stabilité du système financier, tout en tenant compte de la nécessité d'assurer la transparence et de garantir une procédure judiciaire équitable.

La section 19 de la partie 3 modifie la Loi sur les banques, la Loi sur les associations coopératives de crédit, la Loi sur les sociétés d'assurances et la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt pour que les renseignements désignés relatifs à la supervision soient protégés dans le cadre de procédures judiciaires. Le projet de loi prévoit aussi une exception à la disposition relative au privilège afin de permettre la production de renseignements désignés relatifs à la supervision dans le cadre d'une procédure judiciaire dans des circonstances précises.

Nous serons maintenant heureuses de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Madame Kay, voudriez-vous ajouter quelque chose?

Heather Kay, économiste principale, Division des systèmes financiers, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances du Canada : Non, merci.

Le président : Monsieur Lambert, comme vous n'avez pas de remarques liminaires à faire, nous passons tout de suite aux questions.

Le sénateur Black : En ce qui concerne la section 14, les mesures qui y sont proposées sont-elles semblables à celles qu'ont adoptées nos partenaires commerciaux, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie? Ces dispositions existent-elles dans d'autres pays?

Dan Lambert, gestionnaire, Analyse financière et communications de cas, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) : Il y a d'autres administrations. Les unités du renseignement financier, les URF, travaillent avec d'autres administrations, les autorités des valeurs mobilières et d'autres pour fournir des renseignements semblables en matière civile.

Le sénateur Black : Êtes-vous d'avis que les modifications proposées à la section 14 nous mettraient sur le même pied que d'autres pays, ou est-ce que nous sommes en avance ou en retard par rapport à ces pays?

M. Lambert : Ces mesures nous rapprocheront des autres pays.

Le sénateur Black : Elles nous mettront sur le même pied que ces pays.

M. Lambert : Oui.

Le sénateur Black : Merci. Au sujet de la section 19, vous m'excuserez, mais je ne sais pas du tout de quoi il s'agit. Pourriez-vous nous l'expliquer de nouveau?

Mme Pezzack : Bien sûr. Je vous explique d'abord ce que sont les renseignements désignés relatifs à la supervision.

Le règlement oblige les banques à fournir au Bureau du surintendant des institutions financières, ou BSIF, des informations précises. Le BSIF analyse ces renseignements et donne ensuite son avis aux institutions financières sur ce qu'elles devraient faire. Ce sont les renseignements désignés relatifs à la supervision.

Le sénateur Black : Je vois.

Mme Pezzack : Les institutions financières sont déjà tenues d'assurer la confidentialité de ces informations et de les communiquer le moins possible au sein de leurs organisations. Avec ces modifications, nous prévoyons dans la loi que ces informations sont protégées, sauf dans certains cas exceptionnels. Si l'organisme de supervision est accusé d'avoir manqué à ses obligations, les renseignements désignés relatifs à la supervision pourraient être communiqués au tribunal. De même, lorsqu'il y a liquidation d'une entreprise, la supervision exercée par la banque pourrait être mise en cause.

On veut garantir la confidentialité de ces informations pour qu'il y ait un échange franc et ouvert entre les organismes réglementés et le BSIF.

Le sénateur Black : La question est de savoir à quoi sert cette disposition. Si j'ai bien compris, vous me dites que c'est parce que cela encourage un dialogue ouvert et transparent avec les banques, n'est-ce pas?

Mme Pezzack : C'est exact.

Le sénateur Black : J'ai compris. Merci d'avoir pris le temps de me l'expliquer.

Mme Pezzack : C'est une question complexe.

Le président : Je vous demanderais de garder ce rythme, car il y aura d'autres questions, dont celles du sénateur Massicotte. Avec la sénatrice Ringuette, vous pourrez accélérer un peu, mais pas avec le sénateur Massicotte.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Effectivement, mes questions vont dans le même sens, c'est-à-dire essayer de comprendre la raison d'être de cette section 19. Du point de vue de ce débat, si je comprends bien, on perd notre droit à l'information privilégiée avec les avocats. Selon la constitution, si je suis déclaré coupable, j'ai droit à toute l'information pertinente à ce jugement. Pourquoi alors, dans ce cas-ci, même si la loi indique que c'est de l'information privilégiée, la constitution n'exige-t-elle pas que ce soit divulgué?

Mme Pezzack : C'est une bonne question. Je dirais que c'est dans l'intérêt d'une relation ouverte et transparente entre le surintendant et les institutions financières. En ce qui concerne les institutions financières, lors d'un litige, on peut obtenir l'information, mais pas l'avis du surintendant concernant les renseignements.

Le sénateur Massicotte : Si je comprends bien, un client d'affaires qui veut obtenir un conseil, qui consulte son comptable agréé afin de préparer sa déclaration de revenus, selon les tribunaux, il ne s'agit pas d'une information privilégiée. On veut encourager une communication directe et ouverte entre eux, mais je ne comprends pas pourquoi on l'accepte lorsqu'il s'agit d'un procès criminel; c'est tout de même plus important qu'un conseil en matière financière.

Mme Kay : Votre question porte sur les cas au criminel?

Le sénateur Massicotte : Oui.

[Traduction]

Mme Kay : Les exceptions figurent dans le projet de loi. Si une banque fait l'objet d'une poursuite criminelle, elle serait contrainte de fournir ces renseignements. Si le ministre des Finances, le surintendant des institutions financières ou le procureur général du Canada intentaient une poursuite, les renseignements désignés relatifs à la supervision seraient considérés pertinents, particulièrement s'ils ont été fournis dans le cadre d'une procédure criminelle.

Le sénateur Massicotte : Je vois. Prenons le scénario inverse. Pourquoi ces informations seraient-elles disponibles? Pourquoi ne sont-elles disponibles que si c'est le gouvernement qui intente la poursuite? Pourquoi pas l'inverse aussi?

Mme Kay : C'est permis dans un cas et c'est une des exceptions prévues au projet de loi. Le terme « banque » inclut les coopératives de crédit et les sociétés de portefeuille bancaire. Prenons l'exemple d'une banque assujettie à la Loi sur les banques. Si l'une de ces institutions engage des poursuites contre le gouvernement, le ministre des Finances ou, en l'occurrence, le surintendant des institutions financières, il y aura essentiellement un examen judiciaire des activités du gouvernement, et les renseignements désignés relatifs à la supervision qu'il faudrait fournir relèveraient de l'une des lois que nous voulons modifier puisqu'il s'agirait de la supervision exercée par le gouvernement aux termes de l'une de ces lois.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Si l'information est partagée dans une cause criminelle initiée par le gouvernement, quel est le but du projet de loi? Dans quel sens peut-il être utile que l'information demeure confidentielle? Je ne comprends pas.

Mme Pezzack : S'il y a une dispute entre deux entreprises et que l'un des actionnaires veut avoir accès à de l'information, dans ce cas, elle sera protégée.

Le sénateur Massicotte : Dans le cas d'un dossier criminel ou civil?

Mme Pezzack : Civil.

Le sénateur Massicotte : D'accord.

[Traduction]

La sénatrice Ringuette : J'ai beaucoup de questions. Commençons par la section 14. Ma question se fonde sur mon expérience de 28 ans comme législatrice, expérience qui m'a appris que les projets de loi sont présentés en réaction à un événement ou à des événements. Quels sont les événements qui donnent lieu à ce projet de loi, aux changements que vous proposez aux sections 14 et 19?

Mme Pezzack : Pour ce qui est de la section 14, aucun événement particulier n'a donné lieu à cette modification. Il s'agit simplement d'un ajout à une liste qui existe déjà. Nous avons constaté qu'il y avait là une lacune et qu'il nous manquait un outil, à savoir la capacité de donner cette information aux autorités provinciales de réglementation des valeurs mobilières pour qu'elles puissent s'attaquer aux crimes en col blanc. Le CANAFE n'a jamais communiqué de renseignements à cette fin jusqu'à présent. Peut-être que Dan voudrait ajouter quelque chose.

La sénatrice Ringuette : Allez-y, monsieur.

M. Lambert : C'est exact. Il est arrivé que la police mène des enquêtes avec les autorités provinciales de réglementation des valeurs mobilières et que ce soit elle qui communique aux autorités provinciales les informations obtenues du CANAFE, car il s'agit d'une enquête conjointe. Or, ce sont des renseignements très utiles pour les autorités provinciales qui intentent des poursuites aux termes des lois provinciales en matière de valeurs mobilières. Les autorités provinciales souhaitent donc que nous puissions leur fournir ces informations afin qu'elles puissent remplir leur mandat.

La sénatrice Ringuette : Le CANAFE recueille des informations et les analyses pour y déceler des tendances, mais il ne le fait pas dans le cas des valeurs mobilières. Il examine les mouvements d'argent.

Mme Pezzack : Les fraudes en valeurs mobilières génèrent des produits de la criminalité, lesquels donnent lieu à des mouvements de fonds, qui sont ensuite surveillés par le CANAFE.

La sénatrice Ringuette : J'essaie de comprendre. Le CANAFE n'est pas nécessairement celui qui constatera qu'il y a fraude en valeurs mobilières, mais en analysant les mouvements d'argent, le CANAFE constatera des irrégularités qui seront signalées à la police.

Mme Pezzack : Et, dorénavant, également aux autorités provinciales de réglementation des valeurs mobilières qui pourront retracer l'origine de cet argent.

Le CANAFE communique les renseignements qui satisfont à deux critères. Ce sont les deux critères qui s'appliquent déjà. Peut-être que Dan pourrait vous les expliquer.

M. Lambert : C'est exact. Quand nous transmettons des renseignements aux organismes d'application de la loi ou de sécurité nationale, nous devons avoir des motifs raisonnables de soupçonner que ces informations sont pertinentes à une enquête ou une poursuite en matière de blanchiment d'argent ou de financement des activités terroristes. La disposition du projet de loi n'y changera rien. Nous devons d'abord remplir ce critère. Nous avons toujours pu recevoir des informations des autorités provinciales de réglementation des valeurs mobilières. Nous devons respecter ce critère et, dorénavant, aux termes du projet de loi, nous devrons nous conformer à ce deuxième critère, comme nous le faisons quand nous fournissons des informations à l'Agence du revenu du Canada, aux termes de modifications législatives adoptées il y a quelques années. Nous devons satisfaire au premier critère, et nous devons aussi avoir des motifs raisonnables de soupçonner que les renseignements seraient pertinents à une enquête ou une poursuite menée par une autorité provinciale de réglementation des valeurs mobilières.

La sénatrice Ringuette : Mais l'entité policière qui fait enquête aurait déjà ces renseignements et les partagerait dans le but de...

M. Lambert : Les organismes d'application de la loi et l'autorité de réglementation des valeurs mobilières ne collaborent pas dans tous les cas, en même temps.

Dans le passé, quand nous menions des enquêtes conjointement, les forces de l'ordre pouvaient communiquer les renseignements qu'avait fournis le CANAFE, une fois le critère rempli, à l'autorité de réglementation des valeurs mobilières. Cependant, nous ne pouvions pas les lui divulguer directement. Désormais, nous le pourrons si l'autorité de réglementation mène une enquête.

La sénatrice Ringuette : Y aura-t-il aussi une collaboration à l'échelle internationale avec le CANAFE, en matière de renseignements concernant les valeurs mobilières?

M. Lambert : Une collaboration à l'échelle internationale?

La sénatrice Ringuette : Oui.

M. Lambert : Les pays avec lesquels nous avons un protocole d'entente?

La sénatrice Ringuette : Oui.

M. Lambert : Oui, ce serait le cas.

La sénatrice Ringuette : Vraiment? D'accord. Monsieur le président, si vous le permettez...

Le président : Allez-y.

La sénatrice Ringuette : C'est simplement que dans les dernières heures, nous avons entendu parler d'un grave problème en ce qui concerne les valeurs mobilières, problème qui a commencé en Europe. Il a aussi mis en cause, semble-t-il, les valeurs mobilières canadiennes. J'espère donc que cette mesure contribuera à le régler.

Je passe maintenant à la section 19. Quel a été l'événement déclencheur?

Mme Pezzack : En décembre 2014, dans le cadre d'un recours collectif entre La Société Financière Manuvie et le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires, le MÉDAC, devant la Cour d'appel du Québec, cette dernière a rendu une décision relativement aux règlements sur les renseignements relatifs à la supervision, c'est-à-dire les règlements entourant l'utilisation et la communication des renseignements relatifs à la supervision qui sont précisés. D'après la Cour d'appel, il n'y avait pas d'interdiction absolue de divulguer ces renseignements, ce qui n'était pas conforme à l'intention initiale du règlement, puisqu'on avait toujours voulu que les renseignements précisés soient traités comme étant confidentiels et qu'ils ne soient pas communiqués. On cherche ici à régler un problème qui a été soulevé dans cette décision de la Cour d'appel.

La sénatrice Ringuette : D'après ce que j'en ai lu, en ce qui concerne la désignation comme renseignements protégés des conseils fournis dans le cadre de poursuites juridiques par une organisation soi-disant très professionnelle, en l'occurrence le BSIF, à n'importe quelle institution bancaire qu'elle doit superviser, ces conseils doivent, d'après moi, être des avis d'experts, à tel point qu'ils peuvent faire l'objet d'une contestation devant les tribunaux, dans n'importe quel type de poursuite.

Je ne suis pas d'accord sur ce point. Si nous avons une institution d'expertise, dont le mandat est de superviser nos institutions financières et qui, dans le cadre de ses fonctions, prépare un élément d'information, une demande ou n'importe quel type de document, ces documents devraient être divulgués dans n'importe quel type de poursuite judiciaire parce que cette institution est censée être des plus professionnelles. Je ne suis pas d'accord là-dessus.

Le président : Madame Kay, avez-vous une réponse à donner à cela?

Mme Kay : Je vous remercie de cette question. Le principe fondamental qui sous-tend le régime de protection des renseignements relatifs à la supervision qui sont précisés, c'est que ces renseignements pourraient causer de graves préjudices aux consommateurs dans le système financier s'ils devaient être rendus publics.

La sénatrice Ringuette : Ou d'importants préjudices à l'institution bancaire. C'est ce que vous dites, et c'est probablement ce qui est le plus important en ce qui concerne ce projet de loi.

Mme Kay : Si le surintendant devait délivrer un avis quelconque à une banque, nous voulons donner à cette banque l'occasion d'apporter des changements à son système pour améliorer la situation.

La sénatrice Ringuette : Oui.

Mme Kay : Donc, nous aimerions avoir l'occasion de faire en sorte que ces changements puissent être apportés. Si les renseignements devaient être rendus publics, que ce soit avant ou après une amélioration, cela provoquerait des difficultés au sein du secteur financier. Il pourrait y avoir une ruée sur les banques et les gens pourraient paniquer, ce qui, dans l'ensemble, est beaucoup plus dangereux pour le système financier.

La sénatrice Ringuette : Que se passerait-il si, dans le cas d'une situation désastreuse, l'institution bancaire tardait à apporter un changement, si bien qu'entretemps, un recours collectif finissait par être intenté par un groupe de consommateurs?

Mme Kay : J'en reviens à votre point concernant la capacité d'un consommateur d'avoir accès à cette information. En ce qui concerne l'information fournie au surintendant et à son bureau pour prendre une telle décision, tous les faits sous-jacents peuvent tout de même être déposés en preuve devant un tribunal, et les parties au litige, à savoir la banque et les consommateurs, pourraient tout de même convoquer leurs propres spécialistes indépendants pour témoigner au sujet de cette information.

Dans ce cas-ci, nous tentons simplement de protéger les opinions du surintendant. Vous dites qu'il y a des préoccupations quant à la question de savoir si le surintendant a bien fait son travail. À cet égard, nous avons prévu des exceptions à la loi afin qu'une institution financière puisse obliger le dépôt des renseignements prescrits relatifs à la supervision comme éléments de preuve.

La sénatrice Ringuette : Seulement si l'institution bancaire est d'accord.

Mme Pezzack : Si l'institution bancaire devait intenter un recours contre le gouvernement en disant qu'elle n'a pas été supervisée adéquatement ou qu'on ne lui a pas donné les bons conseils, elle serait en mesure de contester cette disposition. Dans un tel cas, les renseignements prescrits relatifs à la supervision pourraient être divulgués lors du procès.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Concernant la question des valeurs mobilières, j'ai l'impression qu'on n'applique pas la même surveillance. Dans le cas des sommes payées pour les différentes commissions, dans les différentes bourses dans l'ensemble du pays, on parle de plusieurs milliards de dollars. Il faut également tenir compte de la question de la protection de la vie privée des gens. Il s'agit d'examiner la provenance de ces sommes. Des gens ont acheté différents titres, pas nécessairement des actions. Cette information n'est jamais transmise directement au CANAFE au Canada?

Est-ce que toutes les transactions bancaires de plus de 10 000 $ sont automatiquement rapportées? Est-ce que toutes les transactions de plus de 10 000 $ à la bourse sont automatiquement rapportées? Si ce n'est pas le cas, pourquoi laisse-t-on un vide?

[Traduction]

M. Lambert : À l'heure actuelle, en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, lorsqu'un virement télégraphique international de plus de 10 000 $ est effectué du Canada ou vers le Canada, un rapport est envoyé au CANAFE par l'institution financière ou l'entreprise de transfert de fonds, le cas échéant. Ce rapport est versé dans la base de données du CANAFE. Aucune mesure n'est prise du seul fait que le rapport est envoyé au CANAFE.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Lorsqu'une personne, qu'elle soit en France, en Allemagne ou ailleurs, envoie une demande pour acheter un demi-million d'actions, elle ne passera pas par la banque; elle va acheter les actions par l'intermédiaire d'un courtier. On peut même faire ses transactions soi-même, maintenant, et on n'a plus à passer par une maison de courtage. Les maisons de courtage ne sont pas des banques.

[Traduction]

Mme Pezzack : Je ne pense pas que nous fassions le suivi des achats d'actions par des étrangers dans le cadre de nos activités normales, et ces cas ne sont pas signalés au CANAFE.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Je pense que c'est ce que ma collègue voulait savoir, parce que c'est ainsi que je suivais l'affaire. Si nous passons notre temps à examiner tout ce qui passe par le système bancaire, mais que les gens peuvent le contourner en passant par le système de courtage mobilier, plusieurs transactions nous échapperont.

[Traduction]

M. Lambert : Non. Cet aspect est également déclaré au CANAFE. Il reçoit des signalements de transactions douteuses de la part des banques, ce qui comprend aussi les maisons de courtage. Rien ne les empêche de transmettre un rapport de transactions douteuses. Cela n'a rien à voir avec le seuil de 10 000 $. Il s'agit plutôt de l'activité bancaire, et si les institutions constatent qu'une activité semble douteuse et qu'elle s'avère pertinente pour une enquête ou une poursuite éventuelle aux termes de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, le rapport est envoyé au CANAFE; le CANAFE peut donc conserver cette information.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Vous semblez oublier que je ne passerais pas du tout par les banques. Je parle simplement d'une transaction qu'on peut négocier à la bourse sans passer par une banque. On peut y faire un transfert d'argent directement pour acheter des actions. On peut gérer son propre portefeuille. On n'a pas à passer par son compte bancaire. La banque ne trouvera jamais les coupables qui achètent pour des montants faramineux.

J'ai un exemple. Au Québec, la mafia s'est emparée du contrôle de la compagnie Biochem Pharma, qui était dans le domaine de la haute technologie, par l'achat d'actions. Or, la Biochem Pharma offrait un produit exceptionnel pour traiter le sida. Qu'est-ce qui vous dit que, maintenant, les autorités sont assez sophistiquées pour empêcher un cas comme celui-là? Tout d'abord, ces gens connaissent les règles bancaires, et ils ne sont pas assez fous pour s'y adresser. Par contre, on sait qu'ils peuvent tous investir autrement qu'en achetant un bateau ou des tableaux. En achetant des actions ou des titres — je vais parler de titres en général, parce qu'il y a différents titres de valeurs mobilières —, cela échappe complètement à notre système de surveillance.

[Traduction]

Mme Pezzack : Les courtiers ont toutefois la possibilité de déclarer une transaction douteuse. S'ils font affaire avec la même maison de courtage, ils pourraient faire part de leurs inquiétudes en envoyant un rapport au CANAFE. Le cas échéant, le CANAFE analyse ces renseignements ainsi que les autres renseignements pertinents, après quoi il peut faire rapport aux maisons de courtage en vertu de cette disposition, si les renseignements lui permettent de constater que les deux critères sont respectés.

Ce n'est pas obligatoire, mais les maisons de courtage ont déjà la possibilité de divulguer au CANAFE les transactions douteuses.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Je vais vous donner un autre exemple. Lorsqu'on procède ainsi et qu'on passe directement là-bas, il y a tout de même une commission à payer pour l'achat des actions. On peut faire appel à un petit bureau de courtage qui fera la transaction et qui encaissera de très grosses commissions. Cela coûte beaucoup plus cher que de placer l'argent à la banque, mais le rendement est certainement meilleur.

Sur le plan de l'économie générale au Canada, c'est un secteur extrêmement important dont certaines transactions échappent de façon automatique à la surveillance du gouvernement. C'est ce que l'on peut conclure. Nous vous suggérons donc que, l'année prochaine, dans le cadre du prochain budget, le ministère devrait peut-être y songer.

Mme Pezzack : C'est une question à laquelle on pourrait répondre une autre fois. On la prend en note.

La sénatrice Hervieux-Payette : Quant aux amendements, il semblerait que nos délais soient assez courts. Simplement, j'aimerais qu'à un moment donné, toutes les transactions qui concernent des fonds soient traitées de la même façon.

Mme Pezzack : C'est une question intéressante. C'est une idée que nous allons examiner. Cependant, nous tentons toujours de trouver l'équilibre entre la vie privée et la nécessité de s'attaquer aux questions de criminalité.

[Traduction]

C'est une question que nous devrions nous poser : les renseignements donnant matière à des poursuites sont-ils suffisants pour justifier une atteinte possible à la vie privée? C'est l'équilibre que nous tentons sans cesse d'établir lorsque nous légiférons et réglementons ce secteur.

Le sénateur Tannas : Pour poursuivre dans la même veine, au sujet de la section 14 — et je tente de comprendre — cela n'aidera pas les organismes de réglementation provinciaux, à moins que l'infraction relative aux valeurs mobilières s'accompagne d'activités de recyclage des produits de la criminalité ou d'activités terroristes. S'il ne s'agit que d'une simple infraction relative aux valeurs mobilières, et que l'argent est envoyé en Suisse, par exemple, les dispositions seront inutiles en raison du double critère, n'est-ce pas?

M. Lambert : Eh bien, je pense qu'il est possible de mettre de côté les activités terroristes pour accorder la priorité au blanchiment d'argent, entre autres. C'est probablement la meilleure façon d'aborder la question, en particulier lorsque l'on tient compte du domaine des valeurs mobilières. Selon mon expérience de travail avec les forces de l'ordre, je pense qu'il s'agit probablement d'une question à poser à nos collègues un peu plus tard. Cela revient au fait que le blanchiment d'argent comporte divers aspects et qu'il révèle des indices, parce qu'on tente de s'attaquer aux activités criminelles dans le secteur financier. Au bout du compte, il n'est pas nécessaire de déposer des accusations de blanchiment d'argent, mais il existe certains aspects ou indicateurs de blanchiment d'argent.

Le sénateur Tannas : Supposons que je dirige un projet minier et j'empoche l'argent de vieilles dames en leur faisant croire qu'il est investi dans une mine ici, alors qu'il va réellement ailleurs; étant donné que je les induis en erreur et que j'expédie l'argent ailleurs il s'agit là d'un cas de blanchiment d'argent ou, du moins, il existe des motifs raisonnables de croire qu'il s'agit de blanchiment d'argent.

M. Lambert : Le CANAFE dispose d'un ensemble d'indicateurs reconnus à l'échelle internationale, ainsi que par le Groupe Egmont, et nous les utilisons pour préparer nos dossiers. Ce sont les indicateurs du blanchiment d'argent. Un seul indicateur ne serait probablement pas suffisant pour justifier la divulgation à une organisation d'application de la loi ou à la CVMO. Lorsqu'on tient compte de nombreuses activités, et vous m'avez d'ailleurs donné un exemple de collecte d'argent au moyen d'un stratagème, un certain nombre d'indicateurs nous sauteraient aux yeux pour signaler les activités en cour. De nombreuses institutions pourraient signaler les individus qui mènent ces activités — des comptes bancaires multiples, par exemple. On remplirait ainsi le critère et, ce faisant, on serait en mesure de signaler les renseignements.

Le sénateur Tannas : Cela clarifie les choses pour moi. Je ne comprenais pas le lien entre le blanchiment d'argent et les fraudes en valeurs mobilières.

Au sujet de la section 19, la sénatrice Ringuette cherchait des exemples de situations dans lesquelles l'information devrait être protégée. J'en ai de nombreuses qui me viennent en tête. Il y a sans cesse des discussions avec les surintendants au sujet des banques et des stades d'intervention. C'est un excellent exemple.

Une banque ou une institution financière pourrait avoir un régime de conformité qui n'est pas tout à fait à la hauteur. Plusieurs facteurs pourraient entrer en ligne de compte. C'est un outil dont dispose un organisme de réglementation pour envoyer quelqu'un au banc des pénalités. Si cette information était divulguée, il pourrait y avoir d'énormes incidences sur les consommateurs, et pas seulement l'institution.

Le but est de protéger ce genre de renseignements lors d'un recours civil, n'est-ce pas?

Mme Pezzack : Oui.

Le sénateur Tannas : Cela vient du fait qu'un juge, quelque part, a décidé que c'était permis dans un recours civil et que, par conséquent, ce genre de situation pourrait se produire plus souvent; n'est-ce pas?

Mme Pezzack : Oui.

Le sénateur Tannas : Merci.

La sénatrice Ringuette : L'objet du BSIF est de veiller à ce que notre système bancaire fonctionne adéquatement, étant donné que les consommateurs investissent dans ces banques.

Mme Pezzack : Ils y déposent aussi leur argent, oui.

La sénatrice Ringuette : Une bonne partie de ces investissements est également protégée par les contribuables canadiens.

Mme Pezzack : Les dépôts sont protégés, oui.

La sénatrice Ringuette : Vous avez dit qu'il y a eu un recours collectif au Québec contre Manuvie.

Mme Pezzack : Oui.

La sénatrice Ringuette : Le juge a statué que les renseignements relatifs à la supervision provenant du BSIF constituaient un document juridique et qu'à ce titre, ils pouvaient faire l'objet d'un ordre de dépôt dans le cadre d'un recours collectif. Je ne vois pas pourquoi nous adopterions un projet de loi qui retire cette capacité des juges en cas de recours collectif ou individuel contre une institution financière.

À ma connaissance, les documents parlementaires sont protégés. Les documents d'information entre un avocat et son client le sont aussi, un point c'est tout. En fait, le ministère des Finances s'est retrouvé devant les tribunaux parce que le CANAFE a tenté de retirer le secret professionnel il y a quelques années, et vous avez perdu.

Vous me lancez un regard interrogateur, mais le fait est qu'au pays, seuls deux types de documents sont protégés par privilège : les documents portant sur les activités internes du Parlement et les documents frappés du secret professionnel. Tous les autres documents devraient pouvoir être utilisés par un tribunal. Sinon, nous nuisons à l'administration de la justice.

Mme Pezzack : D'autres renseignements sont protégés par privilège, comme ceux prévus par la Loi sur la statistique. Dans la décision rendue dans l'affaire Manuvie MÉDAC, le tribunal a fait référence à la Loi sur la statistique en précisant le type de libellé qu'il aurait fallu utiliser dans la mesure législative, si on souhaite invoquer le privilège absolu, afin de veiller à ce que le privilège soit protégé.

La sénatrice Ringuette : Cela n'était pas l'intention du Parlement, et cela ne devrait pas l'être.

Mme Pezzack : Selon la Loi sur la statistique?

La sénatrice Ringuette : Vous dites que le juge, dans cette affaire, a dit que la loi n'empêchait pas la divulgation du document. Vous dites donc qu'à la suite des modifications prévues dans le projet de loi omnibus, ces documents seront protégés contre toute poursuite. C'est mon point de vue personnel. Selon moi, cela ne devrait pas être ainsi.

Mme Pezzack : Nous avons toujours cru que le privilège existe. Les objectifs stratégiques des règlements étaient certainement de permettre au surintendant du BSIF et aux institutions financières surveillées d'échanger librement et honnêtement des points de vue afin de favoriser la sûreté et la solidité du système financier. En fait, différents tribunaux de partout au Canada ont abordé la question de façon différente. Nous tentons entre autres d'assurer une approche uniforme partout au pays en ce qui concerne la protection de ces renseignements.

Le sénateur Tannas : Vous avez bien résumé la situation. Je n'ai pas besoin de le répéter, mais je le ferai de toute façon.

La modification proposée rétablira l'intention du Parlement, comme vous l'indiquez, à l'égard de l'appareil bureaucratique et du Bureau du surintendant des institutions financières en ce qui concerne la confidentialité et la protection des documents relatifs à la supervision.

Le président : Je remercie nos invités de nous avoir aidés dans notre étude de ces deux sections. Au nom du comité, je tiens à vous exprimer notre reconnaissance.

La deuxième partie de notre réunion sur le projet de loi C-59 mettra l'accent sur la section 14, qui vise à modifier la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Je suis heureux d'accueillir des représentants des Autorités canadiennes en valeurs mobilières, Jean-François Fortin, directeur exécutif, Direction générale du contrôle des marchés et Marianna Ferraro, avocate, Direction des contentieux — Montréal, Autorité des marchés financiers, ou AMF

Comme vous vous en souviendrez sans doute, M. Fortin a comparu en mars devant notre comité pour discuter des devises numériques. Nous sommes très heureux de vous recevoir à nouveau. Monsieur Fortin et madame Ferraro, vous avez la parole pour vos déclarations liminaires.

[Français]

Jean-François Fortin, directeur général, Direction générale du contrôle des marchés, Autorités des marchés financiers, Autorités canadiennes en valeurs mobilières : Merci, monsieur le président. C'est effectivement ma deuxième comparution devant ce comité. Nous avons préparé une présentation et, ensuite, nous serons disponibles pour répondre aux questions.

Je tiens à vous remercier au nom des ACM, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières, et au nom de l'Autorité des marchés financiers, de nous accueillir pour discuter du projet de loi C-59, et plus particulièrement de la section 14 en ce qui a trait aux amendements liés au CANAFE. Comme le président l'a dit, je suis directeur général des contrôles des marchés au sein de l'Autorité des marchés financiers, et ma collègue, Marianna Ferraro, travaille dans le domaine du contentieux chez nous. Nous avons été désignés par les ACVM pour discuter des amendements possibles avec vous.

Nous avons étudié, au sein des ACVM et de l'AMF, la possibilité de modifier la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité, et on nous a confié la responsabilité de venir vous expliquer pourquoi nous pensons que ces modifications étaient nécessaires et qu'elles nous aideront énormément dans l'exercice de nos fonctions.

J'aimerais commencer par un exemple qui pourrait illustrer l'avantage que les renseignements du CANAFE pourraient nous procurer dans le cadre de nos enquêtes. Lors d'une enquête sur la manipulation de marché qui impliquait de nombreux comptes bancaires à l'international, la police locale avait demandé l'aide de l'une des commissions des valeurs mobilières provinciales. Aux fins de son enquête criminelle, l'équipe policière avait partagé avec l'enquêteur de la Commission des valeurs mobilières l'information obtenue auprès du CANAFE.

L'information obtenue de la part du CANAFE, transmise ultimement à la Commission des valeurs mobilières et au corps policier, avait été essentielle dans l'établissement d'une preuve hors de tout doute raisonnable concernant l'utilisation de plusieurs comptes bancaires et avait permis d'identifier les détenteurs de ces comptes bancaires. Il a donc été possible d'identifier et de cibler les agents responsables du stratagème de manipulation de marché. Dans ce cas-ci, dans notre jargon, il s'agissait d'un stratagème du type pump and dump, qui est une technique assez connue de manipulation de titres boursiers.

La sénatrice Hervieux-Payette : Si on ne connaît pas cela?

M. Fortin : Je peux vous l'expliquer en quelques mots. Pump and dump est une activité de promotion d'un titre au moyen de blogues, de communiqués de presse ou de l'achat massif d'actions, de sorte que cela crée un intérêt avec une pression à la hausse sur les prix. Les gens à la base du stratagème qui ont au préalable acquis des actions à un prix beaucoup plus bas ou gratuitement les vendent en bloc et encaissent les profits. Le titre plonge et les investisseurs perdent leur argent. Un cas classique de pump and dump peut se dérouler sur plusieurs mois ou parfois sur quelques semaines; il y a des gens qui le font à répétition.

La sénatrice Hervieux-Payette : Vous les avez arrêtés, ces gens-là?

M. Fortin : Dans ce cas-ci, oui. Il y en a plusieurs. À l'Autorité des marchés financiers, particulièrement, au cours de la dernière année, dans les six derniers mois, nous avons déposé des chefs d'accusation au pénal dans trois séries de stratagèmes de cette nature. C'est une problématique assez connue et présente au Canada, et pas seulement au Québec, qui fait certainement l'objet d'une attention particulière chez nous en ce moment.

L'intérêt de cet exemple est de démontrer que, sans l'apport de l'information du CANAFE, l'information n'aurait pas été transmise à la Commission des valeurs mobilières et au corps policier, et nous n'aurions pas identifié plusieurs des comptes bancaires dans le contexte de l'enquête. Cela n'aurait pas été possible, parce que dans l'état actuel des choses, il n'y a pas de lien direct de partage d'information entre le CANAFE et les différentes commissions de valeurs mobilières au Canada. On ne fait pas partie des organismes qui, par exception, peuvent y avoir accès selon les critères qui vous sont présentés et qui sont prévus dans la loi.

Je voudrais aussi mentionner la dualité des rôles, selon laquelle les rôles du CANAFE et ceux des commissions des valeurs mobilières peuvent s'entrecroiser. Nous avons une mission conjointe. Notre mission est de protéger les Canadiens et les investisseurs contre la fraude. Le CANAFE a aussi une mission liée à la sécurité publique et à la protection du système financier canadien.

Dans notre volet de mise en application des lois, nous portons une attention particulière à la criminalité financière. Si, d'une part, le rôle du CANAFE est de lutter notamment contre le blanchiment d'argent, d'autre part, nous portons une attention particulière à des dossiers de combines à la Ponzi, de manipulation de titres et de délit d'initié.

Songez à la notion des combines à la Ponzi. Il y a un rapprochement important à faire avec les notions de fraude au sens du Code criminel et l'utilisation d'un produit de la criminalité. Donc, tel que je l'expliquerai plus tard dans ma présentation, le type d'information qui pourrait nous être transmis par le CANAFE nous aiderait à obtenir plus facilement ou rapidement des ordonnances de blocage. Nous avons le pouvoir d'obtenir des ordonnances de blocage pour geler les actifs obtenus par les fraudeurs auprès des investisseurs.

L'information colligée par le CANAFE chez les courtiers, les banques, les gestionnaires de portefeuille et les entreprises de services monétaires est au cœur de notre mission de protection des investisseurs.

En outre, un autre élément important est celui de la question du suivi de l'argent. Vous avez mentionné tout à l'heure, sénatrice Hervieux-Payette, que lorsqu'une personne achète des actions, nous sommes intéressés, mais pas nécessairement uniquement par la transaction boursière; ce sont ultimement les fraudeurs qui auraient pu obtenir de l'argent en échange d'actions qui nous intéressent. Or, c'est cet argent qui est souvent déposé dans un compte bancaire et transféré d'un compte à l'autre à répétition, et parfois, dans des juridictions étrangères. Ainsi, le suivi de l'argent est extrêmement important, et c'est là que notre capacité de suivre cet argent est limitée, alors que l'information est divulguée au CANAFE.

J'aimerais vous donner quelques exemples d'éléments qui montrent l'importance pour le CANAFE de nous communiquer des renseignements. L'émission en temps opportun d'une ordonnance de blocage est importante. De plus, le CANAFE devrait être en mesure de nous communiquer volontairement des renseignements dans le cadre de nos enquêtes et de nous alerter au sujet des situations que nous n'aurions pas mises au jour.

Le CANAFE peut identifier bon nombre de comptes bancaires et d'acteurs qui sont impliqués. On ne parle pas uniquement des gens qui reçoivent de l'argent, mais aussi de ceux qui se trouvent en arrière-plan. Il s'agit d'identifier d'autres acteurs qui prennent part au stratagème, ainsi que des témoins potentiels qui pourraient nous transmettre d'autres renseignements. Cela nous permettrait de mieux cibler nos interventions.

De toute évidence, cela aurait un impact direct sur l'efficacité de nos enquêtes et nous serions mieux à même d'établir la quantité des pertes potentielles auprès des investisseurs. Ultimement, cela a un impact direct sur la peine réclamée contre les fraudeurs. Les juges pourraient prendre en considération l'ampleur de la fraude pour établir la sévérité de la peine imposée aux fraudeurs ou aux personnes ayant commis des infractions.

L'équivalent du CANAFE aux États-Unis est le FinCEN. Cet organisme a déjà conclu des ententes de collaboration et de communication d'informations avec la Securities and Exchange Commission. Nous travaillons en étroite collaboration avec la SEC, et selon nos homologues américains, il s'agit d'une grande source d'information. On parle de 50 à 75 dossiers dans le cadre desquels FinCEN alimente des dossiers d'enquête de la SEC. Il existe le même type d'entente en Australie avec AUSTRAC, qui est l'équivalent du CANAFE et où il y a des échanges de renseignements entre les autorités qui luttent contre le blanchiment d'argent et les valeurs mobilières.

J'aimerais aborder l'une des préoccupations sur la protection de renseignements personnels, entre autres l'information transmise par l'entremise de partenariats avec des corps policiers en matière de renseignement. Nous disposons de services de protection. Nos enquêtes sont menées en toute confidentialité. Elles se font à huis clos. Nous protégeons toute l'information obtenue dans le cadre des enquêtes et nous disposons de mécanismes pour assurer la protection des renseignements obtenus de la part du CANAFE.

Vous n'êtes pas sans savoir que nous sommes en faveur de l'amendement proposé. Au cours des dernières années, nous avons produit des documents de travail à l'intention du ministère des Finances pour demander un tel amendement et pour que nous fassions partie des organismes ayant accès à ces renseignements.

Il est important de bien comprendre l'amendement proposé. Il s'agit d'un exercice à deux voies. Nous pourrions présenter des demandes au CANAFE — pour répondre à des demandes spécifiques —, et lui aussi pourrait, de façon volontaire, nous communiquer des renseignements.

Je vous remercie, et je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup. Madame Ferraro, avez-vous quelque chose à ajouter?

Marianna Ferraro, avocate, Direction du contentieux - Montréal, Autorité des marchés financiers, Autorités canadiennes en valeurs mobilières : Je n'ai rien à ajouter, merci.

Le président : Merci beaucoup. Je donnerai tout d'abord la parole à la vice-présidente du comité, la sénatrice Hervieux-Payette.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : J'ai parlé tantôt d'un système sans interruption. Si on demande aux banques de rapporter les transactions qui dépassent un certain montant, cela devrait s'appliquer aussi aux commissions des valeurs mobilières. Il faudrait que ce dispositif soit automatique et qu'il ne soit pas utilisé uniquement lorsqu'il y a des soupçons. Cela permettrait de réduire le nombre de fraudes et de jeux de certains titres qui sont lancés et qui ont peu de valeur. Vous vous souvenez sans doute d'Uramin? Cette entreprise valait quelques millions de dollars une année, 300 millions de dollars l'année suivante, puis 1,5 milliard deux ans plus tard, alors qu'elle n'exploitait rien. Il n'y avait pas de minerais.

Bref, je trouve aberrant que notre système financier se concentre sur les banques. Il y a, notamment, tous les produits qui doivent être rapportés au CANAFE, et il y a des sommes monstrueuses qui sont investies et qui ne sont pas supervisées. Je comprends que le courtier peut rapporter certains renseignements, mais pour le courtier qui sait qu'il obtiendra une généreuse commission, c'est plus difficile que pour le banquier qui, lui, n'aura pas de commission.

Il n'y a pas beaucoup de moyens à notre disposition pour encourager les courtiers à les dénoncer. Y a-t-il des courtiers qui communiquent avec vous pour dénoncer les titres potentiellement nébuleux et pour faire part de leurs préoccupations?

M. Fortin : C'est ce qu'on appelle des rapports de supervision. On peut en obtenir par l'entremise de l'OCRCVM, qui supervise les courtiers. On en obtient aussi de la part des divers courtiers, des banques et d'organismes de fiducie.

Vous avez mentionné que les organisations de crime organisé peuvent acheter des actions. De toute évidence, on ne peut pas empêcher quiconque d'acheter des actions. Dans le cas où le crime organisé tente de prendre le contrôle, cela déborde un peu de notre champ de compétence en ce qui a trait à la lutte contre le crime organisé. On parle de criminalité pure, et cela relève davantage des organisations criminelles. C'est probablement plus difficile, mais cela ne veut pas dire qu'on n'a pas un rôle à jouer ou que l'on ne fait rien.

En ce qui concerne la manipulation des marchés, peut-être que dans ce type de cas, il y a des organisations du crime organisé qui peuvent être tentées de le faire. Il y a des exemples de cas dans le passé où nous avions un rôle à jouer, mais nous avons aussi coordonné nos efforts avec des équipes mixtes de la GRC et de la Sûreté du Québec pour enquêter de façon statutaire en vertu de notre loi, mais aussi en vertu du Code criminel. Nous collaborons avec les corps policiers pour tenter d'intervenir dans ce genre de situations.

La sénatrice Hervieux-Payette : Vous êtes d'accord pour dire que notre système ne supervise pas environ les deux tiers des investissements qui sont faits au Canada et que cela fonctionne au cas pas cas, soit au fur et à mesure qu'il y a un événement, et que ce ne sont pas tous les événements qui sont supervisés, comme les transactions de 10 000 $ dans les banques. Ne croyez-vous pas que ce soit nécessaire? Je pense que vous êtes le mieux placé pour répondre à ma question.

M. Fortin : À mon avis, ce serait sans doute une bonne chose. Je ne sais pas si c'est possible de le faire avec le CANAFE.

La sénatrice Hervieux-Payette : C'est un secteur qui n'est pas du tout couvert. Je comprends toutes les bonnes volontés et les petits mécanismes en place pour retrouver quelques groupes ou individus qui fraudent. Cependant, on parle de milliards de dollars. J'ai l'impression que les mailles du filet sont très grandes.

[Traduction]

Le sénateur Tannas : J'en apprends toujours beaucoup de la sénatrice Hervieux-Payette, et je suis très surpris que les maisons de courtage ne soient pas tenues de signaler les transactions douteuses au CANAFE. Je ne sais pas pourquoi. J'ai simplement présumé que ces transactions seraient signalées comme dans le cas des échanges d'argent.

Selon les témoignages que nous avons entendus, ils le font pour une raison ou pour une autre; selon vous, ce changement pourrait-il encourager les courtiers à signaler davantage de transactions douteuses au CANAFE? En effet, s'ils observent quelque chose d'un peu douteux au sujet d'un client, ils voudront peut-être le signaler d'emblée à l'organisme de réglementation des valeurs mobilières, en se disant : « Eh bien, voilà qui est suspect, mais si nous le signalons au CANAFE, le tout sera regroupé, et la situation finira peut-être par être rétablie. » Pensez-vous que cela pourrait donner lieu à des signalements supplémentaires par les courtiers à ce sujet?

[Français]

M. Fortin : Les gens du CANAFE étaient ici tout à l'heure, et je ne sais pas s'ils ont répondu directement à la question, mais ma compréhension est la suivante, à savoir qu'ils ont les mêmes obligations que les banques concernant toute transaction suspecte et toute transaction de plus de 10 000 $ également. Ils ont ces obligations. Également, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, il y a aussi les rapports de supervision, et c'est la même chose pour les bourses. Si les bourses soupçonnent des techniques de manipulation de marché, par exemple, elles devraient les rapporter aux commissions de valeurs mobilières.

Maintenant, si je reviens à votre question, sénateur, à savoir si les amendements seraient susceptibles de générer plus de déclarations de la part des courtiers, dans la mesure où ils le font déjà, peut-être pas. Toutefois, nous sommes certainement convaincus de la grande utilité de l'information obtenue de la part du CANAFE autant que de la part des firmes de courtage que de toutes les autres entités qui ont l'obligation de rapporter au CANAFE.

[Traduction]

Le sénateur Tannas : Voilà qui me permet de mieux comprendre.

Encore une fois, pour revenir à ce qui s'est dit, la discrétion est un facteur non négligeable dans la décision de déterminer en quoi consiste une transaction douteuse, n'est-ce pas? C'est à chaque organisation de décider si elle estime qu'une transaction est douteuse. S'il y a peu de transactions de ce genre, cela ne poussera-t-il pas les courtiers à dénoncer davantage de cas, étant donné qu'ils ne signaleront pas les activités d'un client directement à l'organisme de réglementation des valeurs mobilières, mais plutôt à un centre d'échange d'information? De cette façon, si d'autres transactions sont signalées, le risque d'erreur sera moindre, et on aura moins de raisons de craindre d'avoir tort et de causer des problèmes à un client dès le départ. Pensez-vous que cela pourrait être un résultat éventuel?

[Français]

M. Fortin : Je pense que oui; peut-être que ma compréhension des transactions suspectes n'est pas parfaite, à savoir que c'est en plus des 10 000 $ et donc que chaque transaction de 10 000 $ et plus doit être divulguée. De plus, parce qu'il serait trop facile de ne faire que des transactions sous le seuil de 10 000 $, l'élément déclencheur des transactions suspectes entre en ligne de compte; même si ce sont des transactions sous le seuil de 10 000 $, quand on les réunit, cela peut ressembler à des transactions suspectes, et c'est le second élément déclencheur qui implique une obligation de divulgation au CANAFE.

La sénatrice Ringuette : Monsieur Fortin et madame Ferraro, c'est toujours un plaisir de vous compter parmi nous, car vous nous donnez des réponses précises.

Au cours des deux ou trois dernières années, combien d'enquêtes vos membres ont-ils menées?

M. Fortin : Je n'ai pas les chiffres pour le Canada.

La sénatrice Ringuette : Environ?

M. Fortin : Nous devons effectuer, bon an mal an, de 150 à 200 enquêtes.

La sénatrice Ringuette : On parle de 150 à 200 enquêtes par année. Ces enquêtes sont-elles initiées par les différents corps policiers?

M. Fortin : Non.

La sénatrice Ringuette : Disposez-vous d'un système à l'interne avec des indicateurs?

M. Fortin : Je vais en profiter pour mentionner un aspect qui est lié à l'une de vos questions sur la différence entre les enquêtes policières et les enquêtes que nous faisons. À certains égards, il y a une zone mixte où certaines infractions aux lois sur les valeurs mobilières, comme le placement illégal, le délit d'initié, la manipulation boursière sont aussi des infractions criminelles. Aussi, depuis peu, dans le cadre de la Loi sur les valeurs mobilières du Québec, et depuis un plus grand nombre d'années, dans le cadre des autres lois au Canada, l'infraction de fraude est inscrite à la Loi sur les valeurs mobilières. C'est donc une infraction statutaire dans le cadre de notre loi et qui existe dans le Code criminel. La grande majorité de nos enquêtes sont faites à l'interne dans les commissions de valeurs mobilières, et nous avons nos équipes de procureurs qui sont investis des pouvoirs nécessaires pour prendre des poursuites, soit devant un tribunal administratif — dans les autres provinces, c'est à l'intérieur même de la commission devant les commissaires, mais chez nous, c'est devant un tribunal administratif indépendant —, soit en matière pénale devant la Cour du Québec. Ce travail est effectué dans le cadre du volet régulateur de l'Autorité des marchés financiers. Pour les mêmes infractions, par exemple, les infractions criminelles, nous avons des équipes mixtes dans le cadre desquelles nous travaillons avec la police et où, au terme d'une enquête criminelle, les procureurs de la Couronne, provinciaux ou fédéraux, peuvent entamer des procédures criminelles.

La grande majorité des enquêtes que nous menons à l'AMF sont des enquêtes qui ont été générées chez nous, soit par des dénonciations, des plaintes, ou à la suite d'inspections ou de surveillances. Nous surveillons les marchés. Nous collaborons avec l'OCRCVM qui est un organisme d'autoréglementation au Canada chargé de faire la surveillance des marchés en direct et qui fait des référencements aux commissions de valeurs mobilières s'il y a des doutes sur des activités de délit d'initié et de manipulation de marché. C'est une source importante d'enquêtes chez nous. Nous menons également des activités de cybersurveillance où nous surveillons la sollicitation illégale faite sur le Web, dans les médias sociaux ou ailleurs.

De façon générale, la grande majorité des dossiers d'enquête en matière réglementaire sont générés par eux-mêmes.

La sénatrice Ringuette : Je vous félicite, parce que vous semblez avoir mis en place un système qui vous permet de procéder de 150 à 200 enquêtes par année. C'est, selon moi, considérable, malgré le fait que je ne connaisse pas très bien le marché boursier.

Comment en arrivez-vous à la conclusion qu'une source d'information additionnelle venant du CANAFE vous serait utile?

M. Fortin : À plusieurs égards. D'abord, un cas typique de fraude sera généré par des plaignants. La plupart du temps, lorsqu'une personne nous consulte et se plaint, c'est parce que son investissement n'est plus bon et qu'elle ne peut pas se faire rembourser.

Par exemple, dans les cas de fraude à la Ponzi, la première chose que nous voudrions faire serait de valider l'information bancaire pour déterminer dans quel compte bancaire l'argent a été déposé. Si c'est possible, nous allons tenter d'intervenir rapidement pour obtenir des ordonnances de blocage pour bloquer les comptes et les actifs qui, prétendument, appartiendraient aux investisseurs.

La sénatrice Ringuette : Vous avez tout de même considérablement de pouvoirs.

M. Fortin : Nous avons des pouvoirs; nous sommes en mesure d'obtenir par voie de subpoena de l'information bancaire. Là où il y a des limites, c'est lorsque ces demandes sont basées sur de l'information obtenue par les plaignants, par exemple. C'est là que l'information du CANAFE peut jouer un rôle essentiel pour permettre d'identifier d'autres comptes de banque.

Le CANAFE ne fait pas que colliger de l'information; il fait aussi de l'analyse des renseignements et des relations sur les différents comptes bancaires, les noms des personnes, les surnoms et les sociétés qui peuvent y être liées. Par exemple, si nous sommes informés d'un ou de deux comptes de banque, peut-être que le stratagème utilise plusieurs comptes de banque, et si nous les connaissions, nous pourrions geler également l'argent déposé dans ces comptes. Cela nous permettrait, dans plusieurs cas, d'agir plus rapidement, parce que, dans le scénario que je vous présentais tout à l'heure, il arrive souvent que nous arrivions trop tard et que, lorsque nous réussissons à obtenir des ordonnances pour geler les comptes, il n'y reste plus beaucoup d'argent. Cela nous permettrait donc de prendre ces mesures également.

La sénatrice Ringuette : Parmi les 150 à 200 enquêtes menées sur une base annuelle, quel pourcentage provient d'un renseignement de la part d'une force policière quelconque qui vous a contactés et informés d'une situation suspecte?

M. Fortin : Je vais vous expliquer le fonctionnement de notre partenariat avec les corps policiers. En fait, le processus fonctionne plus souvent à l'inverse. La grande majorité des dossiers d'enquête commence chez nous avec les mécanismes que je vous ai expliqués plus tôt. Il y a tout d'abord une enquête administrative et, si nous constatons qu'il s'agit d'un dossier de fraude, nous consultons nos partenaires de la police afin de décider si une enquête criminelle est nécessaire. Nous croyons que cela justifie les efforts d'une enquête criminelle et une pénalité plus sévère. Souvent, le dossier passe entre nos mains, et nous faisons un référencement au corps policier. Cela ne veut pas dire que l'inverse ne se produit pas, mais c'est moins fréquent. Souvent, les corps policiers vont demander notre aide, notamment en ce qui concerne notre expertise.

Je vais ouvrir une petite parenthèse ici, parce qu'en plus des équipes mixtes d'enquête, nous avons aussi des équipes mixtes de renseignement avec les corps policiers, où nous partageons du renseignement qui provient de chez nous et des corps policiers, ce qui peut générer des dossiers d'enquête. Vous avez peut-être entendu parler de l'EIPMF, une équipe mixte d'enquête sur les marchés financiers notamment composée des agents de la GRC, de la Sûreté du Québec et de l'AMF au Québec. Nous avons aussi une équipe équivalente avec la Sûreté du Québec. Donc, il y a deux équipes disponibles pour mener des enquêtes criminelles sur les marchés financiers au Québec, et l'équivalent existe ailleurs au Canada.

[Traduction]

Le président : Madame Ferraro, monsieur Fortin, nous sommes toujours heureux de vous recevoir. Vous nous en apprenez beaucoup et vous nous aidez dans nos délibérations. Merci beaucoup de votre témoignage d'aujourd'hui.

M. Fortin : Merci de nous avoir invités. Nous reviendrons.

(La séance est levée.)


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