Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 5 - Témoignages du 26 mars 2014
OTTAWA, le mercredi 26 mars 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale (troubles mentaux), se réunit aujourd'hui, à 16 h 17, pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.
[Translation]
Le président : Bienvenue à mes collègues, à nos invités et aux membres du public qui suivent aujourd'hui les délibérations du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale (troubles mentaux).
Ce projet de loi modifie le cadre applicable aux troubles mentaux prévu par le Code criminel afin de préciser que la sécurité du public doit jouer un rôle prépondérant dans le processus décisionnel. De plus, le projet de loi prévoit une nouvelle façon de désigner certains accusés qui reçoivent un verdict de non-responsabilité criminelle comme étant des accusés à haut risque. Enfin, le projet de loi accroît la participation des victimes au processus.
C'est la quatrième séance que nous consacrons à ce projet de loi. Je rappelle à ceux qui nous regardent que nos séances sont publiques et également accessibles par émission diffusée sur le Web sur le site web sen.parl.gc.ca. Vous pouvez obtenir de plus amples renseignements sur la liste des témoins sous la rubrique « Comités du Sénat » du site web.
Notre premier témoin aujourd'hui est un visage familier, un témoin qui a souvent comparu devant le comité, l'ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels, Mme Sue O'Sullivan.
Madame O'Sullivan, nous allons commencer par entendre vos remarques préliminaires.
Sue O'Sullivan, ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels, Bureau de l'ombudsman des victimes d'actes criminels : Merci de m'avoir invitée aujourd'hui pour parler du projet de loi C-14, qui vise à renforcer la sécurité du public et à mieux répondre aux besoins des victimes dans les cas où un accusé est déclaré non criminellement responsable. Aujourd'hui, notre discussion porte sur un projet de loi qui traite expressément des personnes déclarées non criminellement responsables.
Je tiens à mentionner d'abord que pendant nos échanges sur ce projet de loi, nous ne devons pas oublier qu'après un crime violent, que l'accusé soit déclaré non criminellement responsable ou condamné, le traumatisme vécu par la victime est toujours dévastateur. Peu importe l'état mental de l'accusé, les victimes ont des besoins et elles doivent bénéficier du même traitement et des mêmes droits que les victimes d'actes criminels, dont les auteurs passent par le système de justice pénale et le système correctionnel. Nous savons que toutes les victimes doivent être traitées avec respect, être informées du déroulement du processus et du rôle qu'elles ont à y jouer, voir leurs besoins et leur point de vue pris en considération et être protégées contre l'intimidation et les préjudices. À plusieurs occasions, mon bureau s'est entretenu avec des victimes et leurs défenseurs qui ont porté à notre attention leurs préoccupations concernant les accusés déclarés non criminellement responsables.
Ces échanges nous ont amenés à relever plusieurs lacunes importantes dans le projet de loi et la politique proposée qui auront des conséquences négatives tant pour les victimes elles-mêmes que, plus largement, pour la sécurité du public. Je m'en suis inspirée pour formuler les recommandations que j'ai présentées au gouvernement du Canada.
Je suis heureuse de constater que le projet de loi C-14 donne suite à plusieurs de nos recommandations antérieures, et j'appuie fermement les modifications proposées, à savoir que la sécurité du public soit le facteur prépondérant dans la prise de décision à l'égard des personnes jugées non criminellement responsables, qu'il soit directement tenu compte de la sécurité des victimes en obligeant le tribunal et la commission d'examen à examiner s'il est souhaitable pour la sécurité de toute personne, en particulier celle des victimes, des témoins, d'imposer une interdiction de communication ou d'exiger que l'accusé s'abstienne d'aller à certains endroits, et que les victimes qui en font la demande soient prévenues de la mise en liberté conditionnelle ou inconditionnelle de l'accusé.
Je souscris à plusieurs mesures proposées dans le projet de loi C-14, mais il est encore possible de le renforcer.
Comme je l'ai dit au début de mon intervention, peu importe l'état mental de l'accusé, les victimes ont des besoins fondamentaux : le besoin d'être informées du processus et de leurs droits dans ce processus, et le besoin que leur sécurité soit prise en compte.
Les victimes dans les cas de non-responsabilité criminelle ont beaucoup moins de droits en matière d'information que les personnes qui ont été victimes d'un acte commis par un délinquant qui suit son parcours dans les services correctionnels et le système de libération conditionnelle. Je recommande, pour combler cette lacune, que le projet de loi C-14 soit renforcé de manière que les droits des victimes dans les cas de non-responsabilité criminelle soient plus équitables, par rapport aux droits des victimes d'actes criminels dont les auteurs passent par le système de justice pénale ou les services correctionnels.
Plus précisément, je recommande d'amender le projet de loi afin d'inclure les droits suivants lorsqu'il n'y a pas de risque pour la sécurité de l'accusé, de l'établissement ou d'une autre personne, et seulement lorsque la victime demande à recevoir cette information : que les victimes soient informées de l'adresse de l'établissement de psychiatrie légale où l'accusé est détenu, que les victimes soient prévenues de toute sortie prévue de l'hôpital, avec ou sans escorte, et de la destination générale — ville ou localité — de l'accusé, que les victimes soient prévenues de la destination de l'accusé à sa mise en liberté ou à sa libération conditionnelle, ou si l'accusé doit se rendre, en libération conditionnelle, dans leur voisinage, que les victimes soient informées de toutes les conditions de la libération imposées à l'accusé qui réintègre la collectivité aux termes d'une libération conditionnelle. Ces conditions peuvent comprendre la prise de médicaments ou une thérapie obligatoire, l'interdiction de communiquer avec des enfants ou d'autres personnes, l'obligation de participer à des séances de thérapie, des restrictions générales à ses déplacements, notamment, et que les victimes soient prévenues de tout transfèrement vers un autre établissement, des changements de niveau de sécurité du lieu de garde ou du départ de l'accusé pour une autre province ou un autre territoire pour sa thérapie.
Outre ces mesures, je recommande également que les victimes aient, à leur demande, la possibilité de voir, mais non de conserver, une photo de l'accusé au moment de sa mise en liberté, soient informées lorsque des restrictions supplémentaires ou plus contraignantes sont imposées à l'accusé, par exemple, lorsqu'il est ramené en établissement ou transféré d'une unité à sécurité minimum à une unité à sécurité moyenne ou maximum, et soient informées lorsque des interdictions de communiquer sont imposées.
Enfin, j'aimerais soulever deux points qui sont du ressort des provinces, mais dont il faut tenir compte, à mon avis, dans le contexte de ce projet de loi.
Premièrement, je crois comprendre que les provinces et les territoires n'ont pas tous mis en place un système leur permettant d'informer les victimes. Je demande également qu'on tienne compte de la nécessité que ces droits soient respectés de façon concrète et que des rôles et processus clairs soient en place dans chaque province et territoire pour garantir que les victimes reçoivent les renseignements auxquels elles ont droit. Si ces systèmes ne sont pas en place pour informer les victimes, un droit garanti par la loi devient purement théorique.
Deuxièmement, une des préoccupations que j'ai entendues le plus souvent de la part des victimes concerne l'absence d'une quelconque forme de surveillance de l'accusé à son retour dans la collectivité. Il n'est peut-être pas possible de se pencher sur cette question à ce stade-ci, mais j'estime qu'il s'agit d'une préoccupation valable qui mérite d'être étudiée dans le contexte du renforcement du système à l'égard des personnes déclarées non criminellement responsables.
En conclusion, je dirai que j'appuie fermement la proposition du projet de loi C-14 qui fait de la sécurité du public le facteur prépondérant à considérer dans les décisions sur la mise en liberté d'un accusé, ainsi que les autres mesures qui renforcent les droits des victimes.
Si on y ajoute les autres mesures recommandées, je pense que le projet de loi C-14 aidera à garantir des droits plus équitables aux victimes d'actes criminels dans les cas où l'accusé est déclaré non criminellement responsable. Toutes les victimes d'actes criminels méritent d'être informées, respectées et protégées, sans égard à l'état mental de la personne qui leur a causé un préjudice.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Je vous remercie. Nous allons commencer les questions avec le vice-président du comité, le sénateur Baker.
Le sénateur Baker : Je remercie le témoin pour son exposé.
Je ne vais poser qu'une seule question. Lorsque le témoin a énuméré les lacunes du projet de loi, elle a proposé que les victimes soient informées. Je me demande comment elle définirait le mot « victime », et si elle s'inspirerait pour le faire de la définition habituelle de « victime », telle qu'elle se trouve dans le projet de loi. Le témoin propose-t-il que la victime soit informée de certains éléments si elle en fait elle-même la demande ou s'il devrait être automatique que la victime soit informée dans tous ces cas : de l'endroit où l'accusé est incarcéré, de son transfèrement d'une province à l'autre, par exemple? Cela se ferait-il uniquement si la victime demandait au tribunal d'être informée de ces éléments?
Mme O'Sullivan : Oui, les recommandations mentionnent « à la demande de la victime ». Vous m'avez entendu utiliser ces mots à plusieurs reprises : choix et possibilités. Je dirais que pour définir la notion de victime, ce terme de « victime » est défini dans le Code criminel du Canada et dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté. Je pense que c'est là un élément. J'ai également écouté et lu les transcriptions des autres témoignages qui parlaient de l'impact que cela pourrait avoir sur de nombreuses personnes dans le cas où elles étaient témoins ou réagissaient à ces événements.
Vous posez une excellente question qui porte sur le sujet que nous avons soulevé, à savoir la définition de victime. Cela se fait à leur demande, parce qu'elles ont un choix et des possibilités. Les victimes pourront choisir les renseignements qu'elles souhaitent obtenir et la façon de le faire. La meilleure comparaison que je puisse vous faire est que si vous vous enregistrez comme victime, tant auprès de la Commission des libérations conditionnelles du Canada que du SCC, on vous demande de choisir les renseignements que vous souhaitez obtenir. Cela ne fait que respecter le choix des victimes. Il se peut que certaines ne souhaitent pas obtenir cette information et c'est à elles de décider. Certaines souhaitent uniquement obtenir certains éléments d'information et c'est leur décision. Il s'agit simplement de respecter les victimes et de leur permettre de faire un choix.
Nous devons également veiller à ce qu'elles sachent qu'elles peuvent faire ces choix et une des difficultés que nous rencontrons est qu'il y a des personnes qui ne savent pas qu'il faut s'enregistrer si elles sont des victimes et qu'elles veulent obtenir des renseignements au sujet d'un délinquant fédéral. De nombreux Canadiens ne le savent pas. Pour que les victimes puissent exercer ces choix et ces possibilités, nous devons veiller à ce qu'elles en connaissent l'existence.
Le sénateur McIntyre : Merci, madame O'Sullivan, pour votre exposé.
Comme nous le savons, le projet de loi C-14 contient trois éléments : la sécurité publique, la déclaration d'accusé à haut risque et le renforcement de la participation des victimes. La participation des victimes n'est pas une chose nouvelle. En 2005, le projet de loi C-30 modifiait la partie XX.1 du Code criminel, pour autoriser les déclarations de la victime. Autrement dit, on autorisait les victimes à déposer et, si elles le souhaitaient, à lire leur déclaration devant le tribunal ou devant la commission d'examen, au moment de la décision et des audiences.
En tant qu'ancien président d'une commission d'examen, je sais que les victimes participent rarement à ce processus pour diverses raisons, l'une étant qu'elles sont tout simplement dévastées par la souffrance et la douleur qu'elles ont subies aux mains d'un délinquant atteint de troubles mentaux.
En tant qu'ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels, avez-vous eu la même expérience?
Mme O'Sullivan : J'ai essayé une fois d'assister à une audience d'une commission d'examen. Malheureusement, elle a été annulée cinq minutes avant l'heure prévue. Je me suis rendue dans certains établissements et j'ai demandé à des membres de mon personnel qui ont assisté à ce genre d'audience de nous en parler.
Les victimes sont toutes différentes, et certaines sont tout à fait capables et désireuses de participer. Certaines ne peuvent pas et décident de s'abstenir de le faire. L'expérience que j'ai acquise auprès des victimes m'a montré que nous devons veiller à ce qu'elles possèdent les renseignements nécessaires et qu'elles bénéficient d'un soutien. Lorsqu'une d'entre elles décide d'assister à une audience, il faudrait qu'elle sache exactement quel est le but de l'audience, quel sera son rôle au sein de celle-ci et qu'elle sera également accompagnée par quelqu'un qui la soutiendra.
Vous avez effectivement touché un point important. Ce peut-être une expérience très émotive. Nous devons veiller à ce qu'elles aient accès à l'aide dont elles ont besoin après l'audience.
J'ai également connu des victimes qui, au cours de leur calvaire, et bien souvent, ce calvaire dure toute la vie, changent d'idée et prennent une autre décision. J'ai connu des victimes qui ont communiqué avec nos bureaux et qui comprennent très bien que la personne en question n'est pas criminellement responsable et qui souhaitent beaucoup que cette personne réintègre la société et qui sont même prêtes à les aider. Les victimes ont des points de vue différents sur ces choix et les possibilités qui leur sont offertes.
Le sénateur McIntyre : D'après mon expérience, les victimes participent ou ne participent pas. Si elles décident de participer, elles le font activement. Par exemple, il est arrivé que toute la famille se présente à l'audience décisionnelle de la commission d'examen. Ou alors, elles ne participent pas du tout. Pensez-vous que ce nouveau projet de loi incitera les victimes à participer activement aux audiences décisionnelles de la commission d'examen?
Mme O'Sullivan : Je ne pense pas pouvoir répondre à cette question. Je crois que de nombreuses mesures de sensibilisation ont été prises. Lorsque nous parlons de non-responsabilité criminelle, nous parlons d'un faible pourcentage des accusés. J'espère que les victimes et leurs familles disposent des renseignements dont elles ont besoin pour décider si elles souhaitent participer, qu'elles sont bien informées au sujet du processus et de leur rôle qui est le leur, et qu'elles sont respectées et prises en compte au cours du processus.
Je ne sais pas si je suis en mesure de répondre à cette question. Encore une fois, chaque victime est unique. J'ai connu des victimes qui, au début, recherchaient principalement l'imposition d'une peine — dans le cas où il y avait condamnation — et qui, par la suite, ont décidé de participer à une médiation avec le contrevenant et à des mesures de justice réparatrice. Il est reconnu que les besoins et les choix des victimes peuvent changer.
Le sénateur McIntyre : Un aspect intéressant de ce projet de loi est qu'il va au-delà du projet de loi C-30 et qu'il renforce la participation des victimes. Madame O'Sullivan, je vous remercie pour votre exposé.
La sénatrice Jaffer : Merci d'être toujours prêtes à nous aider à comprendre les difficultés auxquelles font face les victimes.
Comme l'a déclaré le sénateur McIntyre, ce projet de loi comporte trois éléments. L'élément victime est un élément très important. Vous avez ajouté d'autres aspects auxquels nous devrions réfléchir et qui pourraient donner lieu à une modification, parce que ce sont là des choses importantes.
Il y a une chose à laquelle je réfléchis; tout ce dont nous parlons concerne la responsabilisation de la victime et la façon dont celle-ci peut obtenir de l'information. J'ai également réfléchi à la possibilité d'obtenir une ordonnance de non-communication avec la victime ou une ordonnance judiciaire pour la personne libérée, de sorte que celle-ci assume également une responsabilité. Avez-vous pensé à cet aspect?
Mme O'Sullivan : Oui. Dans mes commentaires, j'ai effectivement examiné cette possibilité et si la victime ne veut rien faire, le tribunal peut rendre une ordonnance de non-communication.
Il ressort des nombreuses données que nous avons que, bien souvent, la victime est un membre de la famille. Je sais que de nombreuses victimes sont des membres de la famille. Cela veut donc dire que le processus et les pouvoirs accordés par le projet de loi autorisent également la victime à être informée au sujet de ses choix et options, et exigent que sa sécurité soit prise en compte.
Si, en réalité, une des décisions qui peuvent être prises est une ordonnance de non-communication, alors il serait logique que la victime soit également au courant de cette possibilité. Il est évident qu'elle devrait en être informée.
Seule l'information autorisée par le projet de loi peut être donnée aux victimes. De sorte que, si nous prenons la place de la victime et que nous lui avons donné des choix et des options au sujet des renseignements dont elle a besoin pour connaître ses droits et son rôle au sein du système, au sujet du contrevenant, ou dans ce cas, de la personne non criminellement responsable qui a causé un préjudice à leur famille, elle dispose également de l'information dont elle a besoin au sujet du système judiciaire lui-même, parce qu'il est très complexe et compliqué.
Je sais, sénateur McIntyre, que vous avez été très actif au sein des commissions d'examen. Ce sont des organismes peu connus. Comment pouvez-vous savoir quel est votre rôle si personne ne vous en informe à l'avance et vous explique à quoi vous pouvez vous attendre ou ce qui se passera si vous voulez poser une question et que vous ne pouvez pas le faire. J'entre évidemment dans les détails, mais j'insiste sur votre commentaire d'après lequel nous devons veiller à ce que les victimes aient accès à l'information dont elles ont besoin pour se sentir en sécurité.
Je me suis occupée de victimes et j'ai récemment assisté à un examen. Je sais que cela figure dans le compte rendu de ce nouveau film au sujet des résultats positifs qu'entraîne le fait de travailler avec une personne non criminellement responsable et avec une famille. J'ai entendu cette famille parler de la grande importance qu'avait pour elle la justice réparatrice. Il est reconnu que le projet de loi permettra de communiquer l'information nécessaire, par exemple, la possibilité d'obtenir une ordonnance de non-communication, et qu'il existe des mécanismes, ainsi que des choix et des modifications possibles par la suite.
La sénatrice Jaffer : Je vous ai déjà entendu témoigner pour la première fois lorsque nous étudiions le projet de loi C-10, et depuis cette époque, je vous ai entendue un certain nombre de fois. Depuis ce moment, qui remonte à quelques mois, alors que nous étudiions ce projet de loi et maintenant celui-ci, j'ai toujours pensé que nous examinions une situation dans laquelle l'intervention se faisait trop tard et où il y avait eu beaucoup de souffrance.
Vous avez beaucoup d'expérience de toutes les régions du pays. Y a-t-il suffisamment de programmes de qualité pour aider les gens qui souffrent de troubles mentaux? En fait, nous devrions viser la prévention plutôt que d'essayer d'apporter de l'aide lorsqu'un préjudice aussi grave a été causé.
Mme O'Sullivan : Vous avez touché un point qui est vraiment très important. Nous parlons d'un petit nombre de cas extrêmement violents. Les choses bougent dans ce pays. Nous savons tous que la réponse consiste à veiller à ce que les gens puissent avoir accès au soutien dont ils ont besoin pour régler les problèmes de santé mentale, et pour veiller à ce que ces systèmes soient mis en place.
J'ai rencontré Louise Bradley, de la Commission de la santé mentale. Il se tient en ce moment une conférence dont le thème est la police et la santé mentale. Il est largement reconnu maintenant que nous avons tous un rôle à jouer. Y a-t-il des problèmes de capacité? Absolument.
Quant aux listes d'attente, il suffit d'allumer la télévision pour voir ces tragédies. Il est vraiment essentiel que nous ayons la capacité et disposions d'un personnel bien formé pour apporter un appui aux personnes qui ont des problèmes de santé mentale, absolument.
La sénatrice Frum : Contente de vous revoir.
Les personnes qui critiquent certains aspects de ce projet de loi affirment qu'il va stigmatiser les personnes atteintes de troubles mentaux, mais elles vont même plus loin. L'Association du Barreau canadien, par exemple, affirme qu'il va effectivement stigmatiser les personnes déclarées non criminellement responsables.
L'Association du Barreau canadien affirme que « [...] les accusés non criminellement responsables [...] sont, par définition, non coupables de l'infraction pénale commise pendant qu'ils souffraient de troubles mentaux. Il est préférable pour la sécurité publique de traiter les accusés non criminellement responsables et, après examen, de les réintégrer dans la collectivité dans le cadre d'un programme approprié. » Du point de vue de la victime, je me demande si vous pouvez commenter cette idée.
Mme O'Sullivan : Vous avez entendu de nombreux experts qui ont beaucoup plus d'expérience que moi sur l'effet qu'aura ce projet de loi sur les personnes qui souffrent de maladie mentale. Je m'en remets tout à fait à leur expertise. Je pense que vous avez également entendu comme témoin des victimes qui vous ont peut-être présenté des points de vue différents à ce sujet.
Le consensus général sur cette question est que, lorsque ces personnes retournent dans la collectivité — j'entends constamment parler de la capacité de les surveiller de façon appropriée. J'ai eu la possibilité de parler dans d'autres pays de ce problème, de la façon de veiller à ce que, lorsque ces personnes retournent dans leurs collectivités, elles fassent l'objet d'une surveillance appropriée et prennent leurs médicaments.
Il n'y a pas seulement ce témoin, mais en regardant le film qui était mentionné, je le sais, dans vos comptes rendus, et qui a été diffusé récemment, il parlait également des experts à qui on avait demandé ce qui se passerait si ces personnes ne prenaient pas leurs médicaments; ils ont répondu qu'elles se retrouveraient dans une situation difficile, après un mois seulement.
C'est ce que me disent les victimes : lorsqu'elles retournent dans la collectivité, comment puis-je être certaine que ces personnes bénéficient du soutien dont elles ont besoin, et qu'elles font l'objet d'une surveillance appropriée? Encore une fois, je m'en remets aux experts.
La sénatrice Frum : Lorsque des victimes vous posent ces questions, comment y répondez-vous? Comment peuvent-elles être certaines de tout cela?
Mme O'Sullivan : Je ne peux pas leur garantir tout cela. Je suis sûre que dans certaines collectivités, cette garantie pourrait être plus solide qu'elle ne l'est. Lorsque j'examine ce qui se passe dans les différentes régions du pays — et je crois que cela touche les commentaires de la sénatrice Jaffer —, je constate qu'il y a des insuffisances criantes dans certaines régions, cela dépend de l'endroit où vous vivez et des services auxquels vous avez accès. C'est le problème auquel fait face notre pays.
Le sénateur Joyal : Lorsque j'ai entendu la partie de votre exposé qui portait sur l'ampleur du recours aux deux approches dont nous disposons pour prendre en compte la situation de la victime, cela m'a préoccupé. Je fonde les commentaires que je vais vous présenter sur mon expérience personnelle, pas sur la mienne directement, mais sur celle d'une personne liée à ma famille.
La personne qui a été victime d'un crime violent a, bien entendu, subi un traumatisme psychologique. Certaines personnes décident de s'en sortir en essayant de tourner la page le plus rapidement possible. Elles ne veulent pas entendre tous les détails de l'affaire, rencontrer leur agresseur, ni connaître ses antécédents.
Je sais que d'autres victimes préfèrent faire carrément face à la réalité et essayer de s'y adapter pour pouvoir finalement reprendre une vie « normale ». Je mets le mot « normale » entre guillemets parce qu'on n'oublie jamais ce qui nous est arrivé et nous a traumatisés.
Il me semble que le projet de loi devrait prendre en compte cet aspect. Je n'aime pas que l'on oblige la victime à regarder une photo de son agresseur : « Je vous dirai où il se trouve. » Cela semble aller à l'encontre de ce que souhaite, à un moment donné, ce genre de victime. C'est la raison pour laquelle je crois que nous devons moduler, à mon avis, notre approche à ce problème. Encore une fois, je ne suis pas un expert, vous êtes beaucoup plus...
Mme O'Sullivan : En fait, nous sommes d'accord.
Le sénateur Joyal : Vous en savez beaucoup plus que moi; ce n'est pas ma réalité quotidienne. J'essaie, comme simple citoyen, de comprendre la réalité en me fondant sur mon expérience familiale et personnelle, mais pour le reste, je m'en remets à l'opinion des experts.
Ne pensez-vous pas que cela devrait être pris en compte dans le projet de loi?
Mme O'Sullivan : En fait, je vous remercie de soulever ce point. Si cela n'est pas clair, je recommanderais que ces renseignements soient fournis à la demande de la victime et uniquement si elle choisit cette possibilité. Vous avez en fait très bien senti que chaque victime agit en fonction de sa propre expérience, en fonction de la façon dont elle s'adapte à la situation, et cela dépend des services qui existent. Ma recommandation propose que ces services soient offerts, mais uniquement si la victime le demande.
Je suis d'accord avec vous. Le point de vue des gens varie selon le moment, et vous avez très bien exprimé cela. Chaque victime est unique. Certaines victimes ont parfois accès à d'excellents services de soutien, et décident de ne pas se procurer ce genre de renseignements. Certaines victimes veulent savoir si leur agresseur se réintègre bien dans la collectivité, s'il suit vraiment le plan prévu. Les choses vont-elles bien pour cette personne? Cela pourrait les rassurer un peu, en particulier lorsque cette personne vit dans la même collectivité qu'elle.
Comme vous l'avez dit, il y en a qui ne souhaite pas obtenir ces renseignements. Je vous remercie d'avoir soulevé cette question parce que nous pensons tous les deux que cela devrait se faire uniquement à la demande de la victime.
Le sénateur Joyal : Et que cela soit clairement exprimé parce qu'il me semble que si on oblige quelqu'un à revivre un traumatisme psychologique, je pourrais comprendre l'impact émotionnel que cela peut avoir, pour la personne concernée, en particulier si elle a été victime d'un crime personnel violent. Cette personne peut choisir une autre façon d'aborder son avenir. Cela me paraît un élément essentiel pour la décision à prendre.
Mme O'Sullivan : Vous avez très bien saisi cet aspect. Je connais des victimes où la personne non criminellement responsable est un membre de la famille et les autres membres aident activement cette personne; c'est donc une question de choix et d'options.
Le sénateur Joyal : C'est la raison pour laquelle j'estime que le critère de la sécurité du public mentionné dans le projet de loi est important pour l'ensemble de la société. Nous ne voulons pas, bien entendu, que la personne qui souffre de troubles mentaux soit libérée et commette d'autres crimes. C'est la raison pour laquelle dans le contexte d'une société, la sécurité du public est un aspect important. Mais, pour ce qui est de la victime, il y a un autre genre d'approche que le projet de loi devrait, à mon avis, refléter, à savoir être sensible à la façon dont la victime peut choisir de retrouver une vie normale.
Mme O'Sullivan : La raison pour laquelle nous présentons autant de recommandations vient du fait que les agences, les commissions d'examen ne peuvent fournir que ce que les lois leur permettent de fournir, et c'est donc là les renseignements qui peuvent être transmis aux victimes si elles le désirent. C'est la raison pour laquelle nous avons présenté ces recommandations.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Madame O'Sullivan, c'est toujours un plaisir de vous recevoir à notre comité. Merci pour votre témoignage clair, précis et bien campé.
Je vais parler du sujet qui m'intéresse le plus, les victimes. Lorsqu'on regarde les statistiques concernant la présence des victimes lors des audiences, on parle de 0,4 p. 100. Sur 6 300 cas, au cours des quatre ou cinq dernières années, seulement 29 victimes ont participé à ces audiences. Elles sont complètement absentes du réseau.
Ce que ce projet de loi apporte de particulièrement intéressant pour les victimes, c'est de reconnaître l'importance de prendre en considération leur expérience dans ce domaine.
J'aimerais que vous me résumiez, en quelques phrases, ce que le projet de loi va changer pour les victimes et leurs familles. Parce que souvent, ce genre de crime se passe dans la famille. C'est un père ou un fils qui va assassiner un proche. C'est vraiment un drame familial terrible. Qu'est-ce que ce projet de loi va changer dans la vie de la victime?
[Traduction]
Mme O'Sullivan : Je dirais qu'il y a deux choses, si l'on examine les trois éléments du projet de loi; il y a bien évidemment le souci d'accorder la prépondérance à la sécurité du public. Il n'y a pas deux priorités; c'est la sécurité du public. Les commissions d'examen sont des commissions provinciales, de sorte que ce projet de loi va également uniformiser ce domaine dans les différentes régions du pays, un effet que nous recherchons toujours. En outre, l'accès à l'information et la prise en compte des victimes que prévoit ce projet de loi dans ces processus sont deux des éléments clés de cette question.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci, madame O'Sullivan, pour votre présence ici. J'aimerais revenir sur le cinquième point de la page 2 de votre présentation. Il y a quelque chose qui m'interpelle dans ce passage où vous dites : « Plus précisément, je recommande d'amender le projet de loi afin d'inclure les droits suivants lorsqu'il n'y a pas de risques pour la sécurité de l'accusé. »
Pouvez-vous me donner des explications à ce sujet? On parle de risques pour la sécurité de l'accusé. Évidemment, le projet de loi vise les victimes. Que voulez-vous dire au juste lorsque vous parlez de la sécurité de l'accusé?
[Traduction]
Mme O'Sullivan : En théorie, si quelqu'un menaçait la vie de quelqu'un d'autre et que le fait de communiquer cette information mettait leur vie en danger, cela serait bien sûr une préoccupation. Je parle de situations d'urgence; il y a toujours une solution pour éviter qu'une vie soit en danger. Cependant, un aspect de cette question est visé par une des recommandations que j'ai faites à l'égard de l'adresse, de l'endroit où ils vont et de la façon dont on peut examiner ce genre de situation. S'ils se trouvent dans la collectivité, les victimes souhaitent qu'ils s'en sortent et ne veulent pas qu'ils récidivent. S'il y a un renseignement précis qui pourrait les empêcher de se rendre dans cette zone de stabilité, qui pourrait améliorer leur traitement et les aider à continuer à bien se conduire. Mais pour ce cas précis-là — et vous trouverez le même langage dans la LSCMLSC —, lorsqu'il s'agit de communiquer de l'information, on constate que ce sont des termes très réfléchis. Autrement dit, lorsque les victimes assistent à une audience de libération conditionnelle, on retrouve des termes très semblables parce qu'il peut arriver des situations d'urgence où la communication de cette information pourrait mettre la vie de quelqu'un en danger.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Dois-je comprendre que, si on veut divulguer de l'information à une victime en lui disant que son agresseur a été libéré, qu'il peut se trouver dans tel secteur, cela peut mettre en danger l'accusé? Vous craignez que la victime ne s'attaque à l'accusé?
[Traduction]
Mme O'Sullivan : Je dis qu'il conviendrait de communiquer cette information. Mais si un organisme, comme une commission d'examen, un tribunal ou un service de police était au courant d'un danger et que la communication de l'information pouvait compromettre la sécurité d'une personne, alors il faudrait en tenir compte avant de communiquer cette information.
La sénatrice Batters : Je vous remercie d'être venue aujourd'hui, madame O'Sullivan. Nous apprécions beaucoup le travail que vous effectuez pour les victimes.
Certains témoins que notre comité a entendus parlaient des ordonnances de non-communication dans ce genre de situations et disaient qu'elles étaient rendues de façon presque automatique. Ils ont déclaré que les dispositions de cette loi à ce sujet étaient inutiles. Ai-je raison de tenir pour acquis à partir de ce que vous avez déclaré aujourd'hui que de nombreuses victimes vous ont effectivement déclaré qu'elles n'avaient pas bénéficié de ce genre d'ordonnances de non-communication à l'égard des délinquants non criminellement responsables?
Mme O'Sullivan : Encore une fois, il s'agit d'un très petit nombre de victimes, y compris de celles qui communiquent avec notre bureau sur cette question; je ne suis donc pas certaine que je puisse nous fournir une réponse qui porte sur des chiffres significatifs. Lorsque j'entends des gens dire que ces ordonnances sont automatiques, j'aimerais dire alors qu'il faudrait veiller à ce qu'elles soient effectivement rendues, parce qu'il y a vraiment beaucoup de gens qui travaillent dans nos différents systèmes pour donner un appui aux victimes et pour donner un appui aux personnes non criminellement responsables. Mais lorsqu'une personne ne fait pas quelque chose qu'elle doit faire, il ne faudrait pas s'en remettre à la possibilité que la personne compétente qui le fait habituellement le fasse dans ce cas-ci.
Je sais également que de nombreuses commissions d'examen travaillent beaucoup et existent depuis longtemps. Encore une fois, nous voulons assurer une uniformité. De sorte qu'en insérant ces dispositions dans le projet de loi, il n'est pas nécessaire d'espérer que quelqu'un le fera automatiquement et posera les questions nécessaires. Il va désormais falloir examiner ce genre de situation.
La sénatrice Batters : Absolument. Je vous remercie.
Le président : Nous avons entendu certaines victimes et en particulier, Carol de Delley, dont le fils a été assassiné dans l'autobus Greyhound au Manitoba. Les victimes peuvent fournir des déclarations de la victime aux audiences des commissions d'examen, mais ces déclarations sont parfois censurées ou expurgées pour ne pas choquer la sensibilité de l'accusé. On aurait pensé qu'un aspect de ce processus serait d'amener l'accusé à bien comprendre toutes les conséquences de ses actes. Je me demande si vous avez des commentaires à faire sur ce point.
Mme O'Sullivan : Les victimes expriment les mêmes frustrations lorsqu'elles remettent leur déclaration aux audiences de libération conditionnelle. Je sais que le sénateur McIntyre a beaucoup d'expérience dans ce domaine.
À l'heure actuelle, le code autorise la préparation et la présentation d'une déclaration devant le tribunal ou une commission d'examen. Il autorise la présentation d'une déclaration sur demande et pour ce qui est de ses frustrations, je dirais qu'il existe des paramètres dans ce domaine et qu'il conviendrait peut-être de les réviser. Ces paramètres applicables à la présentation d'une telle déclaration devant une commission d'examen sont-ils toujours appropriés? Je pense que c'est peut-être un aspect que les présidents des commissions d'examen devraient revoir.
Le président : Je sais que vous ne disposez pas des ressources qui vous permettraient d'approfondir ces questions, mais un des domaines qui ont été abordés au cours du processus est le droit de refuser un traitement.
Nous avons vu un grand nombre de cas de ce genre. Je pense que Jeffrey Arenburg est une affaire pertinente. Il a assassiné Brian Smith dans cette ville et lorsqu'il a été libéré par la commission d'examen, il a été accusé de voies de fait sur un agent frontalier américain et a purgé deux ans de prison à la suite de ces voies de fait. Je l'ai vu récemment sur l'émission Fifth Estate et il a déclaré publiquement : « Je ne prends pas mes médicaments, je n'en ai pas besoin »; je crois que cela a fait très peur à celui qui l'interviewait.
Je crois que c'est une question qui est réelle et d'actualité, et je ne sais pas très bien quelle pourrait être la solution.
Mme O'Sullivan : Je sais qu'il s'agit d'une question provinciale, mais je dirai ceci : les victimes m'en parlent. C'est à cela que je faisais référence dans mes commentaires généraux. Même les gens qui travaillent pour que les accusés déclarés non criminellement responsables réussissent à se réintégrer dans la collectivité disent eux-mêmes : « Pourvu qu'ils continuent à prendre leurs médicaments. » J'ai entendu des experts parler de cette question. J'ai vu, comme je l'ai mentionné, cette vidéo qui a été diffusée récemment, une excellente vidéo, mais dont la conclusion était, tout comme celle du psychiatre qui avait traité cette personne, « mais que se passe-t-il s'ils ne les prennent plus ».
J'ai parlé à des personnes en France qui font face à la même difficulté : comment pouvons-nous être certains qu'ils vont prendre leurs médicaments? Il faut, je crois, nous demander à quel moment ce droit doit-il l'emporter sur le droit d'assurer la sécurité du public?
Le sénateur Baker : J'aimerais faire une remarque. Lorsque la libération est assortie de conditions, habituellement, une des conditions exige que la personne en question prenne ses médicaments, et ces conditions donnent également aux autorités le pouvoir d'exiger à n'importe quel moment des échantillons de fluides corporels de la personne visée pour être sûres qu'elle prend ses médicaments et elles peuvent pénétrer dans sa résidence à n'importe quel moment au cours d'une période de 24 heures. C'est ce que l'on retrouve la plupart du temps dans les ordonnances judiciaires parmi les conditions de la libération. Je voulais simplement le faire remarquer, monsieur le président.
Le président : Cela ne s'applique toutefois pas aux non criminellement responsables.
Mme O'Sullivan : J'ai lu les transcriptions et regardé les témoignages. Je pense que le sénateur Dagenais a soulevé cette question dans son ancien rôle à la Sûreté et a parlé de la frustration qu'il avait éprouvée lorsqu'il essayait d'obtenir un tel pouvoir au cours d'une fin de semaine.
C'est une question provinciale, et je ne possède donc pas cette information, mais il y a un des témoins qui a déclaré ceci : « Nous avons un outil juridique au Québec. » Je me pose donc la question suivante : est-ce que les autres provinces possèdent également cet outil? C'est une question provinciale, mais si nous voulons que notre pays soit en mesure d'assurer, lorsque ces personnes réintègrent la collectivité, premièrement, qu'elles obtiennent l'aide dont elles ont besoin, le traitement dont elles ont besoin et qu'elles respectent — et je vais être très prudente, parce que je sais qu'en tant qu'ombudsman fédérale, je ne dois pas empiéter...
Le sénateur Joyal : Au sujet de la question qu'a soulevée le sénateur Baker, j'ai entendu récemment parler d'un système qui permet maintenant, par Internet, à un pharmacien ou à un médecin de savoir si la personne visée a pris ses médicaments ce jour-là. Je ne peux pas vous expliquer comment cela fonctionne. Autrement dit, il existe maintenant une technologie, comme le sénateur Baker vient de le mentionner, qui permet de savoir si quelqu'un à qui le tribunal a ordonné de prendre ses médicaments, les prend effectivement. Cela me semble une approche très importante pour préserver la sécurité du public qui nous le savons est prépondérante pour toute personne qui vit librement dans la société que nous chérissons tous.
Cela me semble être un aspect très important de notre discussion, monsieur le président, et nous pourrions proposer au ministère de la Justice d'examiner cet outil et voir comment on pourrait l'intégrer au fonctionnement du système.
Le sénateur Baker : La libération d'une personne déclarée coupable d'une infraction pénale est assortie de conditions types dont l'une peut être celle dont nous venons de parler. Prenons l'exemple de quelqu'un à qui le tribunal a interdit de consommer de l'alcool ou des drogues. J'ai lu de nombreuses libérations qui étaient assorties de conditions qui autorisaient les autorités à pénétrer dans une résidence à n'importe quel moment — à n'importe quelle heure de la journée — pour prendre des échantillons du sang et de l'urine de la personne visée pour être sûres qu'elle respecte les conditions de la libération imposées par le tribunal. C'est peut-être un aspect que nous pourrions approfondir avec d'autres témoins.
Mme O'Sullivan : Je sais que d'autres pays obligent la personne non criminellement responsable à comparaître un moment donné et font ce genre de choses de façon régulière; il existe donc différentes façons de faire.
Encore une fois, ce n'est pas ma spécialité et je ne sais pas comment l'on pourrait savoir, même en ayant cet accès, si la personne en question a pris ses médicaments.
Le président : Le sénateur McIntyre pourrait peut-être nous en dire davantage, mais lorsque nous nous sommes rendus au Centre de santé mentale de Brockville plus tôt cette semaine, les autorités nous ont dit qu'on pouvait ajouter, à titre de condition de la libération, une ordonnance de traitement communautaire, mais la personne visée doit y consentir pour que les responsables puissent suivre ses progrès.
Le sénateur McIntyre : J'aimerais ajouter qu'un policier peut arrêter sans mandat la personne qui viole une ordonnance décisionnelle. Cela figure dans le code. Cela est très clair.
J'ai une brève question concernant la procédure suivie par les commissions d'examen. Le Code criminel est très clair. Les audiences décisionnelles de la commission d'examen doivent être tenues de façon aussi informelle que possible. Au moment de l'audience, la plupart des parties à l'instance sont présentes, y compris l'accusé, son avocat, le procureur général ou le procureur de la Couronne. Il y a un sténographe et les débats sont enregistrés. À la fin de l'audience, le président ou le président suppléant rend les motifs de l'ordonnance décisionnelle. Des copies de ces documents sont envoyées à toutes les parties à l'instance.
Avez-vous déjà assisté à une de ces audiences décisionnelles des commissions d'examen, et, si c'est le cas, avez-vous estimé que la commission tenait son audience de façon appropriée?
Mme O'Sullivan : J'ai essayé d'y assister. Je me suis rendue à l'audience de la commission d'examen, et la personne non criminellement responsable se trouvait dans le couloir, avec certains d'entre nous. Malheureusement, l'audience a été annulée. La commission était sur le point de commencer et l'audience a été annulée. Je crois qu'il y a quelqu'un qui n'a pas pu se rendre ce jour-là, mais j'ai essayé de le faire.
Lorsque nous parlons de tenir compte des victimes, si c'était ma première audience de la commission d'examen, que j'étais un membre de la famille et que je n'avais pas été avertie que la personne non criminellement responsable se trouverait dans le couloir à l'extérieur de la salle, j'aurais pu être quelque peu surprise. Je le mentionne comme exemple très simple. Cependant, si j'avais été informée de la chose, s'il y avait eu une pièce où j'aurais pu me rendre à l'avance — « pour votre gouverne, dans cet établissement, nous n'avons pas suffisamment de locaux, de sorte que cette personne sera ici, mais nous vous avons réservé une pièce ». Ce sont bien sûr de petites choses, mais lorsque vous êtes dans un état émotionnel, que vous êtes là peut-être pour la première fois et que vous voulez être là parce que vous voulez également aider la personne non criminellement responsable. Ce serait également une situation à envisager.
J'ai bien essayé; nous nous sommes rendus dans la salle et j'ai vu comment elle était disposée. Comme je l'ai dit, d'autres membres de mon bureau ont également assisté à certaines de ces audiences. Mais vous avez énormément d'expérience dans ce domaine.
Je vais revenir sur ce point. Si c'est un processus informel, j'aimerais savoir quel est le rôle que je dois y jouer.
Le sénateur McIntyre : Peut-être une des raisons pour laquelle vous n'avez pas été invitée est que vous n'êtes pas une partie à l'instance. Les parties à l'instance sont l'accusé, le procureur de la Couronne, le chef de l'établissement où la personne est incarcérée.
Je crois que vous devriez continuer d'essayer d'assister à cette audience et de vous faire inviter à ces audiences décisionnelles du tribunal ou de la commission d'examen.
Mme O'Sullivan : J'aimerais faire un commentaire positif. Je dois vous mentionner que notre équipe a essayé de communiquer avec la commission d'examen. Ses membres ont accueilli très favorablement notre demande. Ils nous ont dit « venez, je vous en prie », ce n'est pas un problème.
Le sénateur McIntyre : Le tribunal peut tenir une audience décisionnelle ou ce peut-être la commission d'examen. Si c'est le tribunal qui rend la décision, la commission a 90 jours pour la réviser. Si le tribunal ne prend pas de décision, la commission d'examen dispose de 45 jours pour examiner l'affaire. Cela est très important, en tant que représentant des victimes, que vous soyez présente et participiez au processus.
Mme O'Sullivan : Merci.
Le président : Pas d'autres questions?
Merci, madame O'Sullivan. J'apprécie votre comparution.
Notre panel suivant est également composé de visages familiers. Nous avons Kim Pate, directrice générale de l'Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry, et Catherine Latimer, directrice générale de la Société John Howard du Canada.
Madame Latimer, vous avez la parole.
Catherine Latimer, directrice générale, Société John Howard du Canada : Je suis très heureuse d'être ici.
La Société John Howard du Canada est, comme vous le savez, un organisme caritatif communautaire qui a pour mission d'appuyer les mesures justes, humaines et efficaces visant à s'attaquer aux causes et aux conséquences de la criminalité. Notre société dispose de plus de 60 bureaux de première ligne dans l'ensemble du pays, elle offre de nombreux programmes et services pour appuyer la réintégration des délinquants dans la collectivité et pour réduire la criminalité. Nous voulons croire que notre travail renforce la sécurité de la société.
J'apprécie particulièrement avoir été invitée ici aujourd'hui pour vous parler du projet de loi C-14, qui propose des modifications aux dispositions du Code criminel et de la Loi sur la défense nationale qui concernent les personnes non criminellement responsables, en vue de répondre aux besoins des victimes et de mettre sur pied un mécanisme permettant de déclarer qu'un accusé est à haut risque.
La Société John Howard appuie bien sûr les efforts déployés dans le projet de loi pour répondre aux besoins des victimes, mais il ne nous semble pas que les changements proposés au régime des personnes NCR soient fondés sur des données. Ce régime semble avoir pour effet de punir inutilement les malades mentaux, ce qui augmentera le nombre des malades mentaux pris en charge par le système carcéral officiel où leurs problèmes de santé mentale risquent de s'aggraver.
Pour l'essentiel, nos préoccupations concernent principalement les dispositions relatives aux accusés à haut risque et comprennent, premièrement, celles qui qualifient d'« accusés » les personnes pour lesquelles un tribunal s'est prononcé sur les accusations portées contre elles et qui ont ensuite été déclarées non criminellement responsables. La notion d'« accusé » est définie par la loi et elle a été interprétée par de nombreux tribunaux; elle désigne une personne qui attend que les accusations pénales portées contre elle fassent l'objet d'une décision.
Pour les personnes déclarées non criminellement responsables, cette question a été abordée et si l'on prend ce mot dans son sens officiel, aucun « crime » n'a été commis. Cette désignation introduit à tort la notion de criminalité éventuelle dans le régime des personnes non criminellement responsables. La personne visée par ce régime devrait être considérée comme étant un patient qui doit être traité dans le but de l'amener à réintégrer la société de façon sécuritaire.
Notre préoccupation suivante vient du fait que le motif proposé à l'alinéa 672.64(1)b), qui fait référence à des actes de nature si brutale qu'il y a un risque de préjudice grave, physique ou psychologique, pour une autre personne pour justifier une déclaration de non criminellement responsable, repose en réalité sur un seul acte antérieur. Un seul acte antérieur ne permet pas de savoir s'il y a un risque pour l'avenir. En outre, le motif exposé à l'alinéa b), un acte de nature brutale n'est guère compatible avec l'obligation judiciaire prévue à l'article 16 du projet de loi qui permet de révoquer la déclaration du tribunal.
Dans ce cas, le projet de loi permet la révocation si le motif mentionné en a) « [...] probabilité marquée que l'accusé usera de violence de façon qu'il pourrait mettre en danger la vie ou la sécurité d'une autre personne [...] » est présent, mais il n'y a aucune référence au motif de fond contenu à l'alinéa b). Par conséquent, d'un autre point de vue, il conviendrait de supprimer du projet de loi le motif prévu à l'alinéa 672.64(1)b).
L'autre préoccupation que nous avons est que le délai prévu pour les périodes d'examen qui pourrait être de trois ans pour les personnes déclarées à haut risque, pourrait entraîner des pertes de liberté injustifiées pour ceux qui répondent bien à leur traitement et qui auraient été en mesure de retourner sans danger dans la société bien avant la date prévue pour l'examen.
La Société John Howard s'inquiète également des répercussions que la déclaration d'accusé à risque pourrait avoir sur des ressources en santé mentale insuffisantes, tant pour les personnes non criminellement responsables que pour les systèmes carcéraux. Si un tribunal déclare qu'une personne est un accusé à haut risque, il doit ordonner que cette personne soit détenue sous garde dans un hôpital, que les médecins spécialisés affirment que cela est nécessaire ou non. Par conséquent, une fois cette étiquette apposée, les lits d'un hôpital de psychiatrie légale qui sont en nombre limité et coûteux seront utilisés pour les personnes qualifiées d'accusées à haut risque. D'autres qui n'ont pas été étiquetés de cette façon, mais qui pourraient bénéficier davantage d'un traitement pourraient ne pas avoir accès à cette ressource limitée à cause de cette étiquette particulière.
De nombreuses personnes ayant des problèmes de santé mentale et qui n'étaient pas capables de former l'intention pénale exigée risquent de décider de ne pas invoquer le moyen de défense fondé sur la non-responsabilité criminelle pour éviter de longues périodes d'incarcération. Cela va non seulement causer de l'injustice pour les personnes qui sont incapables de former l'intention pénale exigée et qui seront ainsi amenées à purger des peines criminelles, tout en leur refusant l'accès à un traitement dans des hôpitaux spécialisés.
En fait, il y aura peut-être davantage de personnes souffrant de graves problèmes de santé mentale qui se retrouveront dans les systèmes correctionnels fédéral et provinciaux. Dans les circonstances actuelles, leurs maladies mentales risquent de s'aggraver dans le système carcéral avant qu'elles ne soient libérées dans la collectivité. À notre avis, cela aggrave le risque que pourraient courir les victimes futures.
En conclusion, la Société John Howard appuie entièrement l'objectif consistant à limiter les préjudices causés par la maladie mentale à la fois à la victime primaire — aux personnes touchées par ces maladies et les autres victimes. Le projet de loi C-14 ne permettra toutefois pas d'atteindre cet objectif. Il impose des étiquettes incompatibles avec l'objectif thérapeutique du traitement et la sécurité publique. Il écartera l'expertise thérapeutique en obligeant les tribunaux à imposer ces étiquettes avec le régime qui y est associé. Cela mettra en danger la sécurité du public parce que les ressources psychiatriques limitées ne seront pas attribuées aux cas pour lesquels elles seraient les plus utiles et en aggravant la crise dont souffrent actuellement les malades mentaux dans nos systèmes carcéraux.
Les commissions d'examen actuelles donnent de bons résultats pour les personnes non criminellement responsables et il n'est pas nécessaire, à notre avis, de les modifier.
Je vous remercie.
Kim Pate, directrice générale, Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry : Je m'appelle Kim Pate. Je travaille pour l'Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry, qui est, comme beaucoup d'entre vous le savent, un organisme qui travaille avec les jeunes filles et les femmes marginalisées, criminalisées et institutionnalisées dans les différentes régions du pays.
Je vais commencer par vous dire que je souscris aux commentaires de Catherine Latimer, qui vient de vous parler, et que mes commentaires seront, par conséquent, très brefs.
Durant la première lecture de ce projet de loi et de son prédécesseur, une des premières questions qui est venue à l'esprit de beaucoup d'entre ceux qui travaillaient dans notre organisme sur ces questions était la suivante : pourquoi ne pas abroger carrément ces dispositions si nous allons, en réalité, apporter ce genre de restrictions?
Nous savons que cela s'explique par un certain nombre d'affaires particulièrement tragiques et très médiatisées qui sont à l'origine de cet examen, mais les accusés hésitent déjà à invoquer les dispositions relatives à la non-responsabilité criminelle à cause du risque que leur demande entraîne leur incarcération à perpétuité. Nous craignons ainsi que les personnes qui, nous le savons, pourraient profiter des dispositions relatives à la santé mentale ou des soins fournis par le système de santé mentale plutôt que par le système de justice pénale n'y aient pas accès; il est déjà très difficile d'inciter ces personnes à les invoquer et cela ne pourra que compliquer cette tâche, en particulier avec l'introduction des dispositions relatives aux accusés à haut risque.
Le processus de notification des victimes ne nous pose aucun problème particulier. Cela se fait déjà et il existe déjà des mécanismes pour assurer la sécurité du public non pas uniquement grâce aux dispositions relatives à la santé mentale, mais également grâce aux mécanismes du droit pénal actuel.
J'aimerais que nous parlions de la façon dont nous pourrions veiller à ce que les ressources soient affectées de façon appropriée en vue d'accélérer les interventions et adopter des dispositions relatives à la santé mentale en les appliquant à la population de façon plus large dans différentes régions du pays pour ce qui est des normes nationales en matière de santé et en particulier de soins de santé mentale; et également adopter des dispositions pour que les personnes qui sont criminalisées aient accès à des services de santé mentale appropriés.
Je suis bien évidemment particulièrement sensibilisé à tout ceci, puisque je viens de terminer, ces derniers mois, l'enquête au sujet de la mort d'Ashley Smith.
Merci. J'ai hâte de répondre à vos questions.
Le sénateur Baker : Merci aux deux témoins pour les excellents exposés qu'elles ont présentés au sujet de ce projet de loi et aussi sur de nombreux autres projets de loi antérieurs.
J'aurais simplement deux questions, mais je vais d'abord présenter une observation au sujet de ma première question.
Des témoins ont mentionné devant le comité la possibilité que l'avocat de la défense soit réticent à solliciter une ordonnance d'évaluation et ne la demande pas pour pouvoir invoquer l'exonération de toute responsabilité pénale en raison de troubles mentaux. Pour éviter que le public et le comité comprennent mal cette question, je précise que c'est le juge qui décide s'il y aura une évaluation aux termes de l'article 672.12.
J'ai lu la jurisprudence récente sur cette question et j'ai vu, par exemple, qu'au Québec, dans R. c. Sealy [2010] Carswell Québec, 15811, l'avocat de la défense ne s'était pas entendu avec son client sur ce point particulier. Le tribunal s'est prononcé contre l'avis de l'avocat de la défense et contre celui de la Couronne et il a ordonné une évaluation.
Dans R. c. Firman [2006] Carswell Ontario, 6588 — et ce ne sont que des exemples; il y en a beaucoup d'autres dans lesquels la Couronne et l'avocat de la défense ont déclaré, avant le plaidoyer de culpabilité, les avocats des deux côtés ont convenu de ne pas soulever l'exonération de responsabilité criminelle pour raison de troubles mentaux. Le juge a ordonné une évaluation et a déclaré « Je ne suis pas d'accord avec vous deux », parce que c'est ainsi que la disposition est rédigée, comme vous allez le comprendre, j'en suis sûr.
Je voulais simplement préciser ce point pour que nous comprenions bien cet aspect, pour que le public le comprenne également, à savoir que ce n'est pas à l'avocat de la défense ni à la Couronne de décider s'il y aura une évaluation; cela relève en fait du juge du procès.
Mme Latimer : Oui. Il existe en droit une présomption selon laquelle les personnes qui comparaissent devant les tribunaux sont saines d'esprit et capables de former l'intention exigée. D'une façon générale, si l'on veut réfuter cette présomption, c'est bien souvent l'avocat de la défense qui voit là un moyen de défense, mais il est vrai que le juge peut ordonner une évaluation, ce qui peut entraîner certaines conclusions. Il est difficile de comprendre sur quoi le juge peut se baser dans un tel cas, à moins qu'il ait eu la possibilité de communiquer avec l'accusé. Si celui-ci est représenté par un avocat, il est difficile de comprendre comment le juge peut savoir qu'une telle évaluation est nécessaire dans un cas donné.
Mme Pate : Je suis d'accord avec vous. Je crois que le problème vient du fait que, bien souvent, lorsque l'accusé se retrouve devant le tribunal, au moment de prendre une décision, il n'a peut-être pas été considéré comme une personne non criminellement responsable — j'utilise cette expression; bien évidemment, il n'a pas été déclaré tel par le tribunal — l'on pourrait dire qu'en tant que personne NCR, l'accusé prenait peut-être des médicaments et il se pourrait que, si celui-ci avait commis l'acte pour lequel il est accusé, il ne serait peut-être pas déclaré NCR parce qu'il avait pris ses médicaments. Il serait donc inhabituel que le juge puisse constater ce genre de comportement. Si le juge constatait un tel comportement devant le tribunal, d'après notre expérience, il risquerait davantage de suivre la recommandation de l'avocat de la défense, en particulier si c'est une suggestion conjointe, au moins pour ce qui est de procéder à une évaluation.
Je connais un cas dans lequel nous nous sommes efforcés de faire évaluer une femme, même si celle-ci avait déclaré au départ qu'elle ne voulait pas d'évaluation. C'est une femme qui a acquis une certaine notoriété après le décès d'Ashley Smith. Elle se trouvait dans des circonstances très semblables lorsque je l'ai rencontrée pour la première fois en détention. Elle commençait à purger une courte peine et a fini par purger 10 ans de prison, la plupart du temps en cellule d'isolement. Elle n'avait en fait jamais commis d'infraction avec violence dans la collectivité, mais elle a commencé à s'automutiler et a même agressé le personnel de l'établissement pendant cette période d'isolement, parce que sa santé mentale s'est régulièrement aggravée.
Lorsqu'elle s'est retrouvée dans la collectivité, elle a violé au départ son ordonnance de l'article 810 parce qu'elle était détenue jusqu'à l'expiration de son mandat, ce qui est un aspect tout à fait différent. Je pense que nous retrouvons ici des dispositions relatives à la détention qui sont semblables, pour ce qui est des mesures prises à l'égard des accusés à haut risque. Elle a été détenue et ensuite libérée à l'expiration de son mandat, elle a fait l'objet d'une ordonnance de l'article 810, a violé cette ordonnance en — je ne me souviens plus si c'est parce qu'elle avait consommé de l'alcool ou si elle n'avait pas respecté le couvre-feu, elle avait donc commis une violation relativement mineure si l'on pense au reste. Nous avons ainsi réussi à la maintenir dans la collectivité, malgré le fait qu'elle avait fait l'objet d'une peine assez longue, dont la plus grande partie lui avait été imposée en prison.
Quelques années plus tard, l'ordonnance de l'article 810 ayant expiré, elle a cessé de prendre ses médicaments. À ce moment-là, elle a été diagnostiquée correctement comme étant schizophrène et non pas comme souffrant d'un trouble de comportement ou de la personnalité, comme cela avait été tenu pour acquis en prison. Elle a cessé de prendre ses médicaments. Elle a appelé la police. Toute une série de choses se sont passées. Je prends un peu trop de temps, mais je voulais expliquer ce cas en détail.
Elle a appelé la police. Elle savait qu'elle n'allait pas bien. Elle ne voulait pas prendre ses médicaments. Elle a raconté tout cela à la police et elle a été amenée dans deux hôpitaux différents. Les responsables ont déclaré qu'ils n'avaient pas de lit pour elle et qu'ils n'avaient pas le temps de procéder à une évaluation; ils n'avaient ni les lits ni les spécialistes. Elle a alors déclaré qu'elle craignait de blesser quelqu'un, surtout elle-même. La police l'a ramenée chez elle.
Au moment où les policiers repartaient, elle a parlé du fait que sa colocataire était un robot et que son chat avait dans ses yeux un enregistreur vidéo qui la filmait. Au moment où ils repartaient, ils ont estimé qu'elle avait paniqué parce qu'elle allait se retrouver seule avec ces appareils de surveillance, c'est ainsi qu'elle les comprenait, et elle a donné un coup de couteau à sa colocataire. Sa première infraction violente a été commise dans ce contexte.
La police l'a alors détenue pour des raisons évidentes. Elle a été placée en isolement, en ségrégation, et avait déjà commencé à faire de la décompensation, mais elle a alors été confiée à des services médicaux. L'établissement en question se trouvait en Nouvelle-Écosse. Il existe une unité NCR psychiatrique de l'autre côté du même édifice. C'est là qu'elle a été amenée et elle a recommencé à prendre ses médicaments.
Lorsque nous nous sommes retrouvés devant le tribunal, elle a été déclarée apte à subir son procès et n'a pas été considérée comme une personne NCR. Elle était sur le point d'être condamnée pour des voies de fait, après toute une série d'accusations de voies de fait commis en prison, et elle allait probablement obtenir une peine de prison à purger dans un établissement fédéral, une peine de plus de deux ans. Nous avons déclaré qu'elle devait retourner dans cette unité, faire l'objet d'une nouvelle évaluation pour qu'il soit décidé si, en réalité, la nuit en question, elle aurait été déclarée criminellement responsable. En fait, c'est ce que le juge a ordonné. Elle est donc retournée dans ce service.
Il lui arrive maintenant de ne pas prendre ses médicaments. Elle se rend régulièrement à l'hôpital et en repart. Elle n'a pas passé une longue période d'isolement, n'a pas continué à faire de la décompensation et elle a fait l'objet d'un diagnostic approprié. La sécurité du public est l'élément prépondérant, mais il convient également de tenir compte de l'importance de lui fournir un traitement.
Le sénateur Baker : Une dernière remarque au sujet des avocats de la défense. Des témoins nous ont déclaré que c'était l'avocat de la défense qui prenait cette décision. La façon dont est rédigée la loi, d'après moi, la façon dont elle est interprétée dans la jurisprudence indique que le tribunal peut rendre une ordonnance d'évaluation à toute étape de l'instance. Autrement dit, cela ne se fait pas nécessairement au moment de la comparution initiale et de la demande de plaidoyer : êtes-vous coupable ou non coupable ou présentez-vous un autre plaidoyer? Cela peut se faire à n'importe quelle étape de l'instance. C'est pourquoi il ressort de la jurisprudence que c'est le juge qui ordonne les évaluations et cette décision pourrait être prise conformément ou non à l'avis de l'avocat de la défense, à celui de la Couronne, ou de l'accusée dans ce cas particulier.
Je souscris à votre description de la situation, mais je tiens simplement à préciser très clairement que c'est le juge qui peut dire à n'importe quelle étape du procès : « Excusez-moi, mais cette personne a un problème et je vais ordonner qu'elle soit évaluée, tenons une audience. »
Il ne me reste du temps que pour une seule question.
Mme Pate : Désolée.
Le sénateur Baker : C'est très bien.
Vous avez mentionné la question des trois ans et je crois que vous dites ceci : cela supprime la possibilité pour les psychiatres de l'établissement de commencer le traitement pour viser la réintégration dans la collectivité. Ai-je raison de dire que c'est votre principal argument contre cette restriction de trois ans?
Mme Pate : Oui.
Mme Latimer : Oui. Je veux dire qu'il arrive qu'une personne réponde très bien à un traitement et puisse être réintégrée de façon sécuritaire dans la collectivité après quelques mois peut-être et qu'elle doive cependant attendre près de deux ans et demi avant de pouvoir effectuer cette réintégration et cela risque d'aller à l'encontre de son plan thérapeutique.
Le sénateur McIntyre : Je vous remercie toutes les deux pour vos exposés.
Ce projet de loi a été débattu devant la Chambre des communes. Il a été étudié de façon approfondie par le Comité permanent de la Chambre des communes. Je crois que le comité a entendu près de 30 témoins possédant diverses formations et expériences professionnelles et vous avez sans doute comparu également toutes les deux devant ce comité. Tous les témoins ont présenté des points de vue utiles sur ce qu'est aujourd'hui le projet de loi C-14.
Je note que le comité permanent a apporté deux modifications. La première modification concernait les droits des victimes. La seconde prévoyait l'examen par le Parlement des dispositions relatives aux troubles mentaux cinq ans après la sanction royale.
Le projet de loi C-14 contient 33 articles. Certains articles contiennent des modifications mineures, y compris des modifications ou des reformulations du libellé, comme l'article 672.54 du code, qui doit être codifié. Je crois savoir que ces modifications ont pour but de préciser l'intention du législateur et le sens qu'il attribue à ces expressions, comme dans l'article du projet de loi où, par exemple, l'expression « la moins sévère et la moins privative de liberté » doit être remplacée par la peine « nécessaire et indiquée dans les circonstances ». Il y a également d'autres dispositions, comme la déclaration d'accusé à haut risque.
Madame Latimer, dans votre exposé, vous avez fait référence à divers articles du projet de loi, comme celui qui traite d'un acte « de nature si brutale ». Le comité permanent a apporté deux amendements. Demandez-vous au comité d'apporter également des amendements?
Mme Latimer : J'estime qu'il est nécessaire d'apporter des amendements à ce projet de loi.
Le sénateur McIntyre : Pourriez-vous préciser le genre d'amendement que nous devrions apporter, si le comité souhaite le faire?
Mme Latimer : Ma préférence serait de ne pas adopter le projet de loi, mais il est peu probable que cela se fasse.
J'aimerais que le second critère qui permet de déclarer l'accusé à haut risque, à savoir l'alinéa b) de...
Le sénateur McIntyre : L'article 672.64.
Mme Latimer : Oui, que l'alinéa (1)b) soit supprimé. À mon avis, un seul incident antérieur ne permet pas de prévoir ce qui se passera à l'avenir, de sorte que je ne vois pas très bien l'intérêt de cette disposition, sinon rassurer les personnes qui ont été témoins de la perpétration d'un acte particulièrement horrible ou qui en ont été victimes, par personne interposée. Mais il s'agit là de maladie mentale; cela ne permet pas nécessairement de prévoir ce qui se passera à l'avenir.
Le sénateur McIntyre : Cette disposition contient des termes plus fort que le fait de constituer une menace grave pour la sécurité du public.
Mme Latimer : Exact, mais si vous vous reportez à l'article 16 du projet de loi, vous constatez que cette disposition traite de la révision de la déclaration d'accusé à haut risque et précise le critère qui permet de demander la révision judiciaire de cette déclaration. Si la commission n'est pas convaincue que la vie ou la sécurité d'une autre personne sera mise en danger, ce qui fait référence à l'élément a) de la déclaration initiale, et si le tribunal est convaincu qu'il n'existe pas de probabilité marquée que l'accusé use de la violence, alors la déclaration doit être révoquée. Il n'y a rien dans cette disposition qui fait référence au critère de l'alinéa b). J'ai examiné de nombreux projets de loi qui en étaient à l'étape de la rédaction et je pense que l'alinéa b) est peut-être une disposition qui a été ajoutée après-coup et qui n'a pas été reliée au processus de révision dont parle plus loin la loi.
Le sénateur McIntyre : D'après ce que je comprends du projet de loi, dans le cas des accusés à haut risque, le tribunal utilise un critère plus strict et doit déterminer s'il existe une probabilité marquée que l'accusé usera de violence.
Il me semble qu'il y a deux critères. Le premier est utilisé dans les affaires ordinaires. Par exemple, la commission doit être convaincue que l'accusé ne représente pas un risque important pour la sécurité du public. Nous sommes d'accord là-dessus.
Mme Latimer : Oui.
Le sénateur McIntyre : En ce qui concerne l'accusé à haut risque, il faut appliquer un autre critère à savoir que le tribunal doit veiller à ce que l'accusé n'utilisera pas de violence contre une autre personne. C'est l'élément incontournable de ce projet de loi, d'après moi.
Mme Latimer : Oui.
Le sénateur McIntyre : Aucun fardeau, par exemple, n'incombe à l'accusé. C'est le poursuivant qui présente une demande au tribunal.
Mme Latimer : Comment révoquer une déclaration d'accusé à haut risque si celle-ci n'est pas fondée sur a) « une probabilité marquée que l'accusé usera de violence [qui] pourrait mettre en danger la vie ou la sécurité d'une autre personne », mais si, de l'avis du tribunal, l'infraction était « d'une nature si brutale qu'il y a un risque grave physique ou psychologique pour une autre personne »?
D'après moi, si la déclaration d'accusé à haut risque est fondée sur l'alinéa b), il est possible de demander immédiatement sa révision et la déclaration pourrait être révoquée par le tribunal parce que si elle est conforme à l'alinéa b), elle n'est pas nécessairement conforme au critère de l'alinéa a). Vous m'avez demandé de préciser des choses qui seraient peut-être bon de changer et cela en serait une.
Je préférerais personnellement parler d'autre chose qu'un « accusé » si vous allez tenir une audience, parce que l'accusé...
Le président : Nous allons devoir passer à un autre intervenant.
Le sénateur Joyal : Il me semble qu'il y a deux critères, l'alinéa a) et b). D'après l'alinéa a), il s'agit de la personne elle-même, d'une appréciation globale de l'état mental de cette personne. Avec le deuxième critère, il ne s'agit pas de l'état de santé de la personne; il s'agit de la brutalité des actes commis initialement. Ces critères ne sont pas exactement identiques. L'un est personnel, l'autre est objectif.
Mme Latimer : Exact.
Le sénateur Joyal : Je ne pourrais décrire ce qu'est une brutalité, mais la brutalité de l'acte est un fait objectif. Le premier critère est une évaluation de la personne; il vise exclusivement la personne. C'est ainsi que je comprends cet article du projet de loi.
Mme Latimer : On utilise le critère de l'alinéa a) pour en arriver à la déclaration que la personne est à haut risque, c'est-à-dire qu'il existe une « probabilité qu'il commette des actes semblables à l'avenir », alors que le second concerne un seul acte très brutal qui a pu causer un préjudice psychologique. Un seul acte antérieur ne permet pas vraiment de prédire ce qu'une personne fera à l'avenir.
Le président : Je vais vous laisser poursuivre cette question plus tard.
La sénatrice Jaffer : J'ai tant de questions à poser.
Le comité s'est rendu à Brockville lundi et il y a une chose que je n'oublierai jamais, c'est que le directeur de l'établissement Brockville a déclaré que les gens qui se trouvaient dans son établissement portaient deux stigmates : le fait d'avoir commis un crime et deuxièmement, celui de souffrir de troubles mentaux. Avec ce projet de loi, il y aura trois stigmates pour ceux qui seront visés par lui — la déclaration d'accusé à haut risque, le fait d'être un criminel et celui de souffrir de troubles mentaux. Comment réintégrer ces personnes dans la société si l'on ajoute un stigmate?
Il y a une chose que j'ai retenue de ma visite de lundi, c'est que les responsables parlaient de plans de libération dès l'arrivée de la personne en question. Les plans de libération ne servent à rien s'il faut attendre trois ans. J'ai également entendu dire que les détenus n'arrivaient dans cet établissement que quatre mois avant leur libération. Si je me base sur tout ce que j'ai entendu au sujet de ce projet de loi, une personne pourrait fort bien arriver dans cet établissement parce qu'elle a commis des choses horribles, mais réagir très rapidement à son traitement, au point où elle pourrait être libérée plus tôt. Avec ce projet de loi, elles seront toutefois détenues pendant trois ans. J'ai de la difficulté à comprendre cette mesure; notre société est en train de régresser. Ce n'est pas la façon de traiter les personnes atteintes de troubles mentaux. Je voudrais obtenir vos commentaires sur ce point.
Mme Pate : Essentiellement, c'est ce que j'ai commencé par dire — et je suis d'accord avec vous —, nous préférerions que ce projet de loi ne soit pas adopté. Pour l'essentiel, il annule ce que les dispositions relatives à la non-responsabilité criminelle doivent faire, à savoir déclarer que parce qu'une personne souffre de troubles mentaux, elle ne peut être déclarée avoir eu l'intention criminelle de commettre l'acte qu'elle a évidemment commis, mais sans l'intention criminelle. Il s'agit donc de permettre des interventions dans le domaine de la santé mentale.
Bien entendu, la meilleure façon d'assurer la sécurité du public, et par conséquent, de combler les besoins du reste de la collectivité, est de donner la priorité aux possibilités de traitement et de viser surtout les besoins en santé mentale qui ont entraîné la perpétration initiale de ces actes. À notre avis, c'est la meilleure façon d'assurer la sécurité du public.
Il est vrai que nous avons connu des tragédies horribles et que les victimes ont des droits. Comme nous l'a montré le film dans lequel il a été fait référence plus tôt, les familles sont concernées. Les familles sont informées pour que les gens soient au courant. Je ne pense pas qu'aucune de nous deux ne critique ce point. La question fondamentale est de savoir comment nous pouvons aider les gens qui ont des problèmes de santé mentale et qui risquent autrement de voir leur état empirer.
Encore une fois, je pense aux quelques personnes que nous avons réussi à sortir du milieu carcéral pour les transférer dans un établissement de santé mentale. On pourrait utiliser ces dispositions contre ces personnes même si leur comportement s'explique uniquement par les problèmes de santé mentale qu'ils connaissent lorsqu'ils se trouvent en cellule d'isolement, parce que c'est dans cette situation qu'ils ont acquis un comportement répétitif à haut risque.
La sénatrice Jaffer : Ma deuxième question est que pour tous ceux d'entre nous qui travaillent dans le système juridique et qui connaissent les problèmes que pose l'aide juridique, c'est le juge qui prononce la déclaration portant que l'accusé est à haut risque et c'est lui qui la révoque. Il y a une attente de trois ans, si j'ai bien compris.
Vous vous occupez régulièrement de personnes qui ont de graves problèmes. Au moins lorsqu'elles comparaissent devant la commission d'examen, comme le sénateur McIntyre l'a dit, la procédure est informelle. Cela est différent. La procédure est informelle parce que ces personnes souffrent de troubles mentaux; elles sont malades. Ce qui m'inquiète, c'est que ces personnes malades vont d'abord être déclarées à haut risque, ensuite cette déclaration sera révoquée, mais elles devront attendre plus longtemps. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.
Mme Latimer : Voilà une remarque fort intéressante. Un des avantages qu'offre la commission d'examen est que sa procédure est informelle et qu'elle bénéficie de l'expertise accumulée ou offerte par ses membres. Je pense que l'on perd tout cela si l'on ramène constamment la personne devant un tribunal pénal.
Vous avez parlé tout à l'heure d'aide juridique, et il est très difficile d'avoir accès à la justice en étant bien représenté. Cela va solliciter encore davantage des ressources limitées. Il y a beaucoup trop de personnes qui se représentent elles-mêmes à l'heure actuelle. Je crois que cela va poser d'une façon générale un problème et que la procédure ne permettra pas d'obtenir les résultats que nous souhaitons tous, à savoir que les personnes souffrant de maladies mentales recouvrent la santé et puissent vivre comme des citoyens utiles et non dangereux, comme le reste d'entre nous.
La sénatrice Batters : Ma première question s'adresse à Mme Latimer. Vous avez mentionné dans votre déclaration préliminaire que le processus actuel fonctionnait bien et qu'il n'était pas nécessaire de le modifier. À l'heure actuelle, il est possible de faire passer la période d'examen d'un an à deux ans. Nous avons entendu plus tôt des témoins qui nous ont déclaré que cela se faisait assez rarement.
Je me pose la question suivante : le seul fait de pouvoir faire passer à trois ans cette période — et encore une fois, d'autres témoins ont déclaré qu'ils prévoyaient que cela se ferait relativement rarement — vous amène à dire que cela ne va pas donner de bons résultats dans le système? Vous semblez dire maintenant que la personne qui est visée par ce régime pourrait être complètement guérie trois mois plus tard et qu'elle serait obligée d'attendre deux ans et demi de plus. Nous avons toutefois entendu dire que dans un cas normal, l'examen s'effectue toujours après un an. Il y a, à l'heure actuelle, une période de deux ans et donc, il s'agit simplement d'ajouter une année supplémentaire.
Mme Latimer : Pour l'essentiel, une période de trois ans, cela pourrait être une période de trois ans pour tous les accusés déclarés à haut risque.
La sénatrice Batters : Cela pourrait être le cas.
Mme Latimer : Je fais cette affirmation parce qu'il s'agit de prendre une décision judiciaire. Les progrès qu'effectue un malade mental qui suit un régime thérapeutique varient. Il arrive que le psychiatre trouve immédiatement la combinaison de médicaments dont il a besoin et son patient réussit ainsi à régler relativement rapidement les problèmes de santé mentale qu'il connaît. Dans un tel cas, il faudrait poursuivre dans cette voie, essayer de stabiliser cette personne dans la société pour qu'elle continue à prendre ses médicaments et le reste.
Mais si vous avez été obligé de restreindre sa liberté — une intrusion et une restriction de sa liberté qui seraient bien plus grande que ce qu'exige son état de santé —, cela aurait pour effet de causer un préjudice grave à la personne qui a été déclarée le délinquant à haut risque. Je préférerais beaucoup avoir la possibilité d'avancer la date de l'examen, lorsque le psychiatre l'estime approprié, pour alors décider s'il y a lieu de libérer ou non la personne en question dans la société, en se fondant sur les progrès que ce patient particulier a enregistrés.
La sénatrice Batters : Je mentionne le fait qu'il est déjà possible de prolonger à deux ans cette période. Dans la plupart des cas, il semble que l'examen s'effectue après un an — et cette disposition autorise uniquement, dans les cas qui le justifient, de repousser à trois ans cet examen.
Vous avez parlé de ressources limitées dans le domaine de la santé mentale et je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point, mais vous avez été plus loin et vous avez déclaré que ces ressources limitées et coûteuses pourraient — je ne me souviens pas exactement ce que vous avez dit. Je ne pense pas que vous ayez utilisé un mot aussi fort que « gaspiller », mais c'est un peu ce que vous vouliez dire, si on utilisait ces ressources pour les personnes déclarées à haut risque.
J'aimerais faire remarquer que nous avons entendu dire que le nombre des personnes déclarées NCR représente moins de 1 p. 100 de tous les délinquants et que celles qui seraient déclarées à haut risque représenteraient un très faible pourcentage de ce nombre de personnes NCR.
À mon avis, nos ressources en santé mentale sont effectivement insuffisantes, mais ce serait une excellente chose, et je pense que la population penserait également que ce serait une excellente chose que de les utiliser au bénéfice de cette petite catégorie de délinquants.
Mme Latimer : J'ai peut-être mal lu, mais lorsque je lis ce document, il me semble que le juge obligerait la personne qui a été déclarée être un accusé à haut risque à purger sa peine dans un hôpital. C'est l'accès limité aux hôpitaux psychiatriques qui ferait problème. À un certain point du processus thérapeutique, ce genre de personnes n'a pas besoin des soins intensifs et coûteux qui sont fournis par un hôpital et cela peut empêcher d'autres personnes qui devraient s'y trouver et qui ont besoin d'avoir accès à ces ressources d'obtenir ces lits. Vous restez dans cet hôpital psychiatrique jusqu'à ce que votre déclaration soit révoquée, que cela s'inscrive dans le régime médical ou les préférences médicales ou non. C'était là ma préoccupation : l'obligation juridique de placer ces personnes dans un hôpital.
Le sénateur Joyal : Monsieur le président, j'aimerais fournir des renseignements supplémentaires au sujet de la remarque que j'ai faite plus tôt sur la façon de suivre un patient et de savoir s'il a pris ses médicaments; cette information venait de la revue Le pharmacien, The Pharmacist du 20 janvier de cette année. Je vais citer l'essentiel de ce qui est dit. Le titre est « Alerte sur smartphone », et on peut y lire :
[Français]
Le premier d'entre eux, le plus pratique à première vue, est l'usage du Smartphone équipé d'un système d'alertes permettant de signaler le moment de la prise au patient (du médicament) [...]. Le principe en est simple : après une programmation, les alertes s'enclenchent sur le Smartphone au moment de la prise (du médicament), avec en général une validation du patient qui permet ainsi un suivi de l'observance (par le pharmacien).
[Traduction]
J'ai le document. Mes collègues voudront peut-être lire attentivement cet article après notre séance.
Cela semble réaliste. Il existe une technologie supplémentaire qui permet de suivre cet aspect. Je vous remercie de m'avoir permis de fournir ces renseignements supplémentaires.
J'aimerais revenir à la page 7, à l'alinéa b), qu'a commenté Mme Latimer. Lorsque je lis l'article 672.64, je le lis dans le contexte suivant : premièrement, l'accusé avait 18 ans ou plus. C'est la condition préalable. Il y a ensuite deux options à considérer : la première est que le tribunal est « convaincu qu'il y a une probabilité marquée que l'accusé usera de violence de façon qu'il pourrait mettre en danger la vie et la sécurité d'une autre personne ». Autrement dit, le tribunal va évaluer l'état de santé du malade mental. Deuxièmement, le tribunal pourrait choisir une autre voie s'il est « d'avis que les actes à l'origine de l'infraction étaient d'une nature si brutale qu'il y a un risque de préjudice grave — physique ou psychologique — pour une autre personne ».
Je trouve ce texte quelque peu ambigu. Cela veut-il dire que la brutalité de l'acte qui a été commis pourrait causer un préjudice à une autre personne? Quelle est cette autre personne? Moi? Je serais troublé par le caractère atroce de l'acte? Ou est-ce le fait que l'acte était brutal qui représente un danger pour une autre personne? Autrement dit, il y a encore la possibilité qu'une autre personne soit victime de l'accusé.
J'ai lu les versions française et anglaise et je n'étais pas sûr d'avoir bien compris cette disposition.
Il y a une autre étape, par laquelle au (2) :
Pour décider s'il déclare ou non que l'accusé est un accusé à haut risque, le tribunal prend en compte tout élément de preuve pertinent, notamment :
a) la nature et les circonstances de l'infraction;
Nous revenons à la nature brutale de l'acte.
b) la répétition d'actes comme celui qui est à l'origine de l'infraction;
Nous revenons à a), et ensuite :
c) l'état mental actuel de l'accusé;
Cela touche encore l'alinéa a).
d) les traitements suivis et à venir de l'accusé et la volonté de celui-ci de suivre ses traitements;
Cela concerne également l'alinéa a), et :
e) l'avis des experts qui l'ont examiné.
Cela touche encore une fois l'alinéa a).
J'ai du mal à trouver des éléments supplémentaires qui m'aideraient à comprendre l'effet de l'alinéa b). Encore une fois, je fais de mon mieux, comme le ferait là une personne non spécialiste qui lirait un texte juridique, pour essayer d'en comprendre le sens. Pourriez-vous m'aider à comprendre le sens de cette disposition?
Mme Latimer : Je dois dire, sénateur Joyal, que j'ai suivi exactement ce même raisonnement. Si j'examine mes notes marginales avec l'alinéa a), j'obtiens « les deux ». Et pour le reste, cela vise uniquement l'alinéa a), a), a); cela s'applique uniquement au critère de l'alinéa a).
C'est pourquoi je me pose des questions au sujet du critère de l'alinéa b), parce qu'il semble qu'il s'appliquerait à des affaires très médiatisées dans lesquelles l'accusé a agi de façon particulièrement brutale. Cela pourrait sans doute rassurer la population, mais je ne pense pas que ce critère repose sur de solides données médicales pour ce qui est de notre capacité à prédire un comportement violent à l'avenir.
La déclaration concerne un risque élevé, c'est pourquoi cela est troublant. À mon avis, l'alinéa b) est troublant. J'ai essayé de suivre le même raisonnement que celui que vous avez suivi.
Le sénateur Joyal : J'essaie d'imaginer un cas où cela s'appliquerait. Je ne veux pas commencer à décrire plusieurs situations, parce qu'elles sont vraiment horribles. Ce n'est pas ainsi que l'on adopte une mesure législative. Il me semble que la brutalité de l'acte est reliée au risque que court une autre personne qui serait reliée à la victime; un autre membre de la famille, par exemple, ou quelque chose du genre. Je ne veux pas commencer à mentionner certaines affaires, parce que ce n'est pas la bonne façon d'interpréter un texte législatif.
Il me semble que si la brutalité de l'acte constitue un risque pour une autre personne, cela veut dire que la personne en danger est reliée d'une façon ou d'une autre à la première victime.
Mme Latimer : Oui.
Le sénateur Joyal : Car autrement, ce serait revenir à la première situation, au premier critère.
Mme Latimer : Oui.
Le sénateur Joyal : La probabilité de frapper quelqu'un.
Mme Latimer : Tout à fait, ou alors vous subissez un préjudice psychologique parce que vous pensez à la nature brutale de l'acte commis antérieurement et que cela vous rend malade, par exemple, oui.
Le sénateur Joyal : Cela veut-il dire, par exemple, que le conjoint ou les parents d'un enfant qui a été assassiné, par exemple, subiraient un préjudice psychologique à cause de la brutalité de cette personne? Est-ce bien cela que nous souhaitons que le tribunal prenne en compte?
Mme Latimer : Tout à fait. Et cela touche l'autre aspect.
Le sénateur Joyal : Vous comprenez comment j'ai essayé de comprendre le sens de cette disposition.
Mme Latimer : Oui. Quel genre de traitement pourrait-on faire subir à la personne pour réduire ce préjudice? Cela est vraiment relié à l'acte commis antérieurement et non pas à des actes futurs.
Mme Pate : Sur ce point, cela n'est pas simplement relié à l'acte antérieur, mais aux services de soutien dont a besoin la victime, les victimes indirectes.
Je pense que si l'on ajoute à cela le fait de passer de la peine « la moins privative de liberté » à la mesure « appropriée et nécessaire », cela peut laisser entendre au juge qu'il devrait faire quelque chose qui n'est pas vraiment prévu par le projet de loi ou alors si cela est prévu par le projet de loi, alors je pense que cela va causer d'autres problèmes. Cela dirait aux tribunaux que nous voulons que ces personnes soient traitées différemment et qu'il n'est pas nécessaire de répondre à leurs besoins de traitement dans l'intérêt de la sécurité du public. Nous voulons au lieu de cela prendre en compte la répercussion du crime initial ou de l'acte initial et imposer une peine qui ressemble davantage à une peine de nature pénale plutôt qu'une mesure de santé mentale visant la personne en question.
Le sénateur Joyal : J'essayais de lire encore une fois l'alinéa b), pour prendre le cas, en fait, d'une personne qui n'est pas directement victime de l'acte — ce n'est pas la personne, par exemple, qui a été victime de l'acte brutal —, mais quelqu'un, une personne qui serait proche de la victime et qui subirait un préjudice psychologique. Autrement dit, cela permettrait au tribunal de prendre en compte l'état de santé d'un membre de la famille de la victime qui aurait subi un préjudice psychologique en raison du caractère brutal du crime. C'est ainsi que je comprends ce critère. Autrement dit, ce critère n'est pas relié au malade mental. Ce critère est lié à une personne qui a un lien avec la victime du crime.
Mme Latimer : Je pense que cette interprétation est possible, effectivement.
La sénatrice Frum : Madame Latimer, j'aimerais mieux comprendre pourquoi vous vous opposez à l'article 15 du projet de loi, à savoir la possibilité de prolonger jusqu'à trois ans la période d'examen pour l'accusé à haut risque. D'après moi, l'article 15 du projet de loi énonce que, dans le cas d'un accusé à haut risque, la commission d'examen « peut » prolonger le délai préalable à la tenue d'une audience jusqu'à un maximum de 36 mois. Elle peut; elle n'est pas tenue de le faire. Il y a des conditions : l'accusé doit être représenté par un avocat et le procureur général et l'accusé doivent consentir à la prorogation. En outre, la commission d'examen devrait être convaincue que l'état de l'accusé ne s'améliorera probablement pas et que sa détention demeure nécessaire pendant la période de prorogation. Je pensais que vous aviez dit que vous vous opposiez à cette disposition parce qu'elle sera appliquée automatiquement, mais ce n'est pas une disposition de ce genre.
Mme Latimer : Non, vous avez tout à fait raison. Il me semblerait intéressant, en vue de l'examen quinquennal de ce projet de loi, d'examiner la mesure dans laquelle ce délai est passé à 36 mois ou si l'audience est tenue avant l'expiration des 36 mois.
Nous avons constaté, par exemple, pour les audiences de libération conditionnelle et d'autres audiences de ce genre que, lorsque nous accordons la latitude de tenir cette audience dans un délai donné, la tendance est de repousser l'audience le plus possible, mais il serait avantageux que cela ne se produise pas dans ce cas. Il serait intéressant de le savoir et vous avez tout à fait raison de dire que le texte est de nature facultative.
Le président : Le sénateur Joyal pourrait peut-être examiner l'article 672.55 du code, et dire si cela concerne l'absolution inconditionnelle et la capacité de suivre un accusé ou de l'obliger à suivre un traitement. J'apprécierais que vous examiniez cette disposition.
Le sénateur McIntyre : J'aimerais simplement revoir avec vous cette période de prorogation de trois ans qui, d'après moi, est bien claire. Selon le droit actuel, les commissions d'examen sont tenues de réviser ces décisions sur une base annuelle. En réalité, elles peuvent prolonger cette période à deux ans. Le code contient des dispositions à cet effet.
En outre, la commission a le pouvoir discrétionnaire d'examiner une décision. Autrement dit, si l'accusé n'est pas satisfait de la décision, il peut demander à la commission d'examen de l'examiner.
Le code indique également très clairement que l'accusé peut interjeter appel de la décision de la commission d'examen devant une cour d'appel : par exemple, s'il y a eu erreur judiciaire ou si le président de la commission a rendu une décision qui n'est pas appuyée sur la preuve.
Lorsqu'il s'agit de la déclaration portant que l'accusé est à haut risque, il ne faut pas oublier — et je crois que vous allez être d'accord avec moi — que, lorsque le tribunal fait cette déclaration, la personne concernée est envoyée dans un hôpital en attendant la décision de la commission d'examen. Au cours de la première audience, la commission ne peut repousser l'audience suivante à 36 mois à moins que le procureur général et l'accusé y consentent. C'est ce qu'indique très clairement le projet de loi C-14.
Pour ce qui est des autres audiences, autrement dit, lorsqu'il y a une autre audience par la suite, alors le consentement de l'accusé n'est pas nécessaire pourvu que la commission d'examen soit convaincue, en se fondant sur des renseignements pertinents, y compris un rapport d'évaluation, que l'état de l'accusé ne s'améliorera probablement pas, et que la détention demeure nécessaire, pendant la période prorogée.
À mon avis, le projet de loi C-14 est très clair.
En outre, j'aimerais revenir aux pouvoirs qui sont attribués au tribunal, autrement dit, les éléments que le tribunal doit prendre en considération pour déclarer que l'accusé est à haut risque. Comme vous le savez, il y a plusieurs articles du projet de loi qui touchent cet aspect. Par exemple, le tribunal doit prendre en compte la nature et les circonstances de l'infraction, la répétition d'actes, l'état mental actuel de l'accusé, les traitements suivis et à venir de l'accusé ainsi que la volonté de celui-ci de suivre ses traitements. Je comprends ce que cela veut dire, puisque j'ai déjà présidé une telle commission. Il y a de nombreuses personnes qui ne souhaitent pas suivre un traitement, d'après l'avis des experts qui ont examiné l'accusé.
Cela dit, estimez-vous encore que la possibilité de proroger cette période à trois ans fait problème?
Mme Latimer : Il est intéressant de constater que des protections sont prévues. Pourquoi prolonger cette période à trois ans?
Le sénateur McIntyre : Parce qu'il représente toujours un risque élevé pour la sécurité du public.
Mme Latimer : Aux termes de l'alinéa a), mais du b).
Le sénateur McIntyre : Encore une fois, aux termes de l'alinéa b) — et je comprends ce que voulait dire le sénateur Joyal. Il y a le a) et le b), mais il faut examiner le sous-alinéa 672.64t)(ii) — où sont énumérés les facteurs que le tribunal doit prendre en considération.
Bien évidemment, avant que le tribunal déclare qu'un accusé est à haut risque, il doit prendre en considération toute une série de facteurs, comme ceux que j'ai mentionnés. Ces articles du projet de loi ne s'appliquent pas de façon isolée. Il faut regrouper toutes ces dispositions. Le projet de loi contient 33 articles.
En ce qui me concerne, je dois vous dire franchement que ce projet de loi ne fait pas problème, parce qu'il vise les délinquants à haut risque par opposition aux délinquants à risque faible. Ce projet de loi ne change absolument rien en ce qui concerne les délinquants à faible risque.
Mme Latimer : Les délinquants à haut risque doivent avoir commis des sévices graves à la personne, mais il existe des délinquants à haut risque qui n'ont pas commis de sévices graves à la personne. Ils étaient à haut risque pour commettre des vols ou quelque chose du genre, mais ils ne répondraient pas à ces conditions.
Le sénateur McIntyre : C'est au tribunal de décider si ce sont des contrevenants à haut risque. Le dossier est ensuite transmis à la commission d'examen et celle-ci, une fois qu'elle a décidé que le délinquant n'est plus à haut risque, renvoie le dossier au tribunal.
Le président : Je crois que nous sommes d'accord sur le fait que nous ne sommes pas d'accord.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci, mesdames, de votre témoignage. Le projet de loi C-14 vise un type de prévenu à haut risque. Heureusement, la proportion de ce type de prévenu est assez faible. Le but du projet de loi est de protéger les victimes tout comme le projet de loi C-10 avec lequel vous n'étiez pas d'accord non plus. On ne peut être contre la vertu et la grande majorité des gens prônent la réinsertion sociale, mais cela doit commencer par le respect des conditions imposées lors de la remise en liberté. Le projet de loi vise les personnes non criminellement responsables qui, souvent, sont sous médication. Nous devons nous assurer qu'elles prennent leur médication selon les ordonnances afin qu'elles ne récidivent pas. Vous l'avez mentionné, ces gens doivent participer à des programmes et on doit moderniser les sanctions disciplinaires.
Comment pouvons-nous nous assurer que la personne respectera ces conditions et prendra sa médication? Comment pouvons-nous nous assurer que la victime jouira d'une certaine sécurité? Malheureusement, après quelques semaines ou quelques mois de bonne conduite, il arrive que ces personnes cessent leur médication, ce qui hausse le danger de récidive. Qu'en pensez-vous?
[Traduction]
Mme Pate : Ce sont là des questions essentielles. Je dois toutefois dire qu'à mon avis, le projet de loi n'aborde pas ces questions essentielles. Lorsqu'on adopte une série de dispositions répressives, les gens ont tendance à essayer de s'y soustraire et à demander à leur avocat d'y échapper, si cela est possible.
Une des idées qui me sont venues lorsque j'ai entendu la dernière série de questions est que, s'il s'agit en réalité d'un petit pourcentage de personnes et s'il existe déjà des mécanismes, ce qui est le cas, dans les lois, alors on peut se demander pourquoi adopter une autre mesure législative. Pourquoi consacrer les ressources dont nous parlons à ce projet de loi — à d'autres aussi, mais nous parlons de celui-ci en ce moment — pour mettre en place un régime qui vise en fait à aborder les problèmes de certaines personnes, dans des affaires horribles, tragiques et très médiatisées — dont certaines d'entre elles ne concernaient pas auparavant le système de santé mentale en partie, d'après nous, parce que nous n'avons pas un solide système de santé mentale et des normes nationales de soin de santé pour veiller à ce que les personnes qui ont besoin de services et d'un soutien soient dépistées rapidement et aient accès à ces services de soutien. Certaines de ces personnes ont été très médiatisées, ainsi que celles qui, nous le savons, ont besoin de soutien, mais ne peuvent l'obtenir.
J'inviterais vivement le comité, ainsi que les députés et les sénateurs, à prévoir des ressources pour ces personnes au lieu de consacrer davantage de ressources à refaire, recréer ou apporter des modifications tout à fait mineures au système. Nous avons également besoin de normes nationales pour faire en sorte qu'il n'y ait pas autant de personnes marginalisées et victimisées, pour qu'il n'y ait pas davantage de personnes souffrant de maladie mentale qui en arrivent à un point, l'étape critique, où elles commettent certains actes et se retrouvent dans le système de justice pénale.
La sénatrice Jaffer : J'ai parlé avec de nombreux psychiatres de l'expression « acte brutal », parce que pour être déclaré à haut risque, il faut avoir commis un acte de ce genre et il faudra bien avoir un avis médico-légal à ce sujet. Apparemment, l'expression « acte brutal » n'est pas définie en psychiatrie. Je vais mettre mon chapeau d'avocat. Comment cela va-t-il se passer devant le juge? Vous avez tous les deux beaucoup plus d'expérience que moi.
Avant que le président ne m'interrompe, j'aimerais parler d'une chose qui me hante après avoir été à Brockville. Brockville est le meilleur établissement en Amérique du Nord pour les hommes. Et pour les femmes? Il n'y a rien. J'aimerais que vous réagissiez à cela.
Mme Pate : Je peux dire que la seule femme que nous ayons réussi à faire admettre à Brockville a fait beaucoup de progrès et ne s'automutile plus tous les jours, mais je pense qu'elle pourrait être visée par ce projet de loi, ce qui est très triste. Oui, à l'heure actuelle, elle bénéficie d'une libération dans le cadre de son traitement communautaire, elle retourne à l'hôpital quand elle fait quelque chose qui pourrait la mettre en danger, par exemple, ne pas prendre ses médicaments ou ne pas suivre son traitement. C'est exactement le genre de personne que nous ne voudrions pas voir visée par ce projet de loi et qui bénéficie énormément d'avoir été transférée dans un établissement de santé mentale.
La sénatrice Jaffer : Pouvez-vous faire des commentaires au sujet d'« acte brutal » et de l'aspect médico-légal?
Mme Pate : J'ai entendu le nom d'Ashley Smith. Nous l'avons en partie fait entrer dans cet établissement, parce qu'une femme était morte en isolement dans la prison; il y en a d'autres qui essaient d'en sortir pour la même raison. Mais ces femmes ont déjà des antécédents qui les feront déclarer, d'après la façon dont je comprends le projet de loi, comme étant des personnes à « haut risque », aux termes de ces dispositions.
Mme Latimer : Je ne peux pas vraiment vous aider pour préciser le sens d'« acte brutal ». Cela fait probablement référence à une violence excessive et gratuite, qui ne peut s'expliquer rationnellement, qui serait quelque chose qui se produirait rarement, commise par une personne qui souffre d'une maladie mentale grave.
Le sénateur Joyal : J'ai une question accessoire. D'après vous, pour un malade mental qui se trouve dans le système de justice, pensez-vous qu'il soit préférable qu'il soit en dehors du système carcéral pour obtenir un soutien médical ou qu'il y demeure, pour obtenir un soutien médical?
Je vois que vous riez. Ma question semble peut-être stupide, mais je crois que c'est une question sérieuse.
Mme Latimer : Le Service correctionnel du Canada a une stratégie en matière de santé mentale. Le problème vient du fait qu'en pratique, elle n'est pas mise en œuvre. Il y a beaucoup de détenus qui souffrent de problèmes de santé mentale très graves, ceux de l'axe I, et qui ne reçoivent pas le genre de traitement dont ils ont besoin.
Je suis sûre que Kim pourra vous dire davantage à ce sujet, mais il serait bien préférable de faire sortir du système carcéral les personnes qui souffrent de troubles mentaux les plus graves et de les libérer dans la collectivité sous surveillance, comme le proposait une des recommandations du rapport d'enquête du coroner dans l'affaire Ashley Smith.
Mme Pate : Oui, je suis assez d'accord. Les pénitenciers pour femmes de notre pays possèdent les meilleures unités de santé mentale qui existent en milieu carcéral, mais les personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale sont pour la plupart détenues dans des cellules d'isolement, que ce soit des hommes ou des femmes, et n'ont donc pas accès à ces services. Nous avons eu des décès dans ces unités, il faut également le mentionner.
Il me paraît important de signaler qu'aucune des recommandations découlant de l'enquête sur la mort d'Ashley Smith, notamment des recommandations très faciles à appliquer comme afficher les recommandations sur leur site web, comme le demandait le jury, et veiller à ce que les recommandations soient transmises à tous les pénitenciers du pays, n'a encore été mise en œuvre par le Service correctionnel du Canada. Aucune de ces recommandations n'a même été mise en œuvre, encore moins les dispositions qui disent qu'il y a 20 ou 30 ou davantage de femmes et d'innombrables hommes, qui, à l'heure actuelle, pourrait permettre d'épargner les sommes dépensées à les détenir dans des cellules d'isolement, si des lits pouvaient être obtenus en concluant des contrats avec les services de santé mentale territoriaux et provinciaux pour qu'ils puissent être transférés dans ces unités.
Le président : Merci aux témoins. J'ai beaucoup apprécié votre aide dans nos délibérations d'aujourd'hui.
Mesdames et messieurs les membres du comité, nous nous rencontrons demain et allons commencer, je l'espère, l'étude article par article de ce projet de loi.
(La séance est levée.)