Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 6 - Témoignages du 2 avril 2014
OTTAWA, le mercredi 2 avril 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les textes réglementaires et le Règlement sur les textes réglementaires en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 16 h 51, pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Je souhaite la bienvenue aux sénateurs, aux invités et aux membres du grand public qui suivent aujourd'hui les délibérations du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous sommes réunis aujourd'hui pour étudier le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les textes réglementaires et le Règlement sur les textes réglementaires en conséquence.
Selon son sommaire, le projet de loi S-2 modifie la Loi sur les textes réglementaires de la façon suivante : il prévoit une habilitation expresse permettant l'incorporation par renvoi dans les règlements, il impose aux autorités réglementaires l'obligation de veiller à ce que les documents, indices, taux ou nombres incorporés par renvoi soient accessibles et il prévoit qu'une déclaration de culpabilité ou une sanction administrative ne peut découler d'une contravention se rapportant à tout document, indice, taux ou nombre incorporé par renvoi que si les exigences en matière d'accessibilité sont respectées.
Le projet de loi S-2 a été déposé au Sénat le 22 octobre de l'an dernier. Il avait déjà été présenté durant la session parlementaire précédente sous le nom du projet de loi S-12, mais il était mort au Feuilleton en raison de la prorogation du Parlement de septembre dernier. À l'époque, le Sénat avait déjà adopté le projet de loi S-12, et celui-ci attendait de passer à l'étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes.
Ceux d'entre vous qui faisaient partie de ce comité durant la session parlementaire précédente se souviendront sûrement que nous avions tenu des audiences publiques à ce sujet en novembre et décembre 2012. Le comité s'est réuni quatre fois et a entendu cinq témoins, dont le ministre de la Justice et procureur général du Canada.
Outre ces témoignages, le comité a aussi reçu quatre mémoires et un certain nombre de rapports et de documents d'appui du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation. Des copies de ces documents et des transcriptions ont été distribuées à tous les membres du comité.
Le 6 décembre 2012, à la suite des débats qui ont ponctué l'étude article par article, le comité a adopté le projet de loi S-12 avec dissidence et a annexé l'observation suivante à son rapport au Sénat :
Certains des témoins qui appuyaient le projet de loi S-12 ont néanmoins exprimé le souhait d'obtenir des précisions quant à sa mise en œuvre. Le comité incite le gouvernement à établir des lignes directrices en ce qui a trait à l'utilisation de l'incorporation par renvoi.
Étant donné que le comité a déjà fait son travail avec un projet de loi similaire lors de la session précédente, le comité directeur a établi que le comité pouvait passer à l'étude article par article du projet de loi S-2, plus tard dans la journée après avoir entendu une autre fois les avis des représentants du ministère de la Justice. Le comité directeur propose aussi la motion suivante, afin que soient inclus aux comptes rendus du comité tous les travaux qui ont été effectués à ce sujet durant la dernière session parlementaire :
Que la liste des témoins qui ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, ainsi que celle de tous les mémoires, documents et témoignages reçus par lui au cours de la première session de la quarante et unième législature au sujet du projet de loi S-12, Loi modifiant la Loi sur les textes réglementaires et le Règlement sur les textes réglementaires en conséquence, soient jointes au procès-verbal officiel des présentes délibérations du comité.
Cette liste a été distribuée aux membres du comité. Il faut maintenant que quelqu'un propose la motion.
La motion est proposée par le sénateur Baker.
Le sénateur Baker : Monsieur le président, je propose la motion, d'autant plus que la sénatrice Frum a prononcé plusieurs allocutions à ce sujet et qu'elle nous assure que le projet de loi a été examiné sous toutes ses coutures par le comité et tous ces témoins lors de séances antérieures.
Le président : Est-ce que quelqu'un souhaite ajouter quelque chose au sujet de la motion? Comme il n'y a personne, vous plaît-il, honorables collègues, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
Le président : La motion est adoptée.
Nous pouvons donc commencer l'examen du projet de loi S-2. Pour ce faire, je vous présente M. Philippe Hallée, premier conseiller législatif adjoint, et Mme Patricia Pledge, avocate-conseil de la Section des services consultatifs et du perfectionnement, tous deux de Justice Canada.
Je crois comprendre que vous avez des observations préliminaires à notre intention. Veuillez commencer.
[Français]
Philippe Hallée, premier conseiller législatif, Justice Canada : Je vous remercie, monsieur le président, de l'occasion qui m'est donnée de vous parler du projet de loi S-2, Loi sur l'incorporation par renvoi dans les règlements. Comme vous le savez, ce projet de loi reprend textuellement le projet de loi S-12 qui a fait l'objet de débats avant la prorogation du Parlement. Comme son titre l'indique, ce projet de loi concerne une technique de rédaction — l'incorporation par renvoi — utilisée dans les textes législatifs, la plupart du temps dans les règlements.
L'incorporation par renvoi est en effet une technique couramment employée en rédaction législative qui permet, par simple renvoi à un document dans un règlement, de l'y incorporer conceptuellement sans qu'il soit nécessaire d'en reproduire le texte. Le contenu d'un tel document acquiert alors force de loi et fait autant partie du schème réglementaire que le texte du règlement lui-même.
L'incorporation par renvoi peut être statique ou dynamique. En cas d'incorporation par renvoi statique, seule la version du document qui est citée dans le règlement est incorporée, comme si elle était figée dans le temps. Les modifications apportées au document après la prise du règlement l'incorporant ne seraient donc pas incluses dans le schème réglementaire. Dans le cas où il serait souhaitable qu'elles le soient, il faudrait plutôt modifier le règlement afin de faire renvoi à une version subséquente du document.
En cas d'incorporation par renvoi dynamique, les modifications apportées au document ainsi incorporé dans le règlement font partie du schème réglementaire sans qu'il soit nécessaire de modifier le règlement. Autrement dit, les modifications successives apportées au document sont automatiquement intégrées au schème réglementaire.
L'incorporation par renvoi de documents dans divers types de règlements fédéraux est largement répandue. Parmi les différents types de documents couramment incorporés par renvoi aux règlements, on retrouve des lois provinciales et territoriales et des lois de pays étrangers, des normes internationales et nationales, ainsi que des documents de nature technique créés par différents ministères. L'incorporation par renvoi est déjà expressément autorisée dans plus de 60 lois fédérales.
[Traduction]
Le projet de loi vise à modifier la Loi sur les textes réglementaires pour créer un pouvoir général autorisant l'emploi de la technique d'incorporation par renvoi dans les règlements, pouvoir qui s'ajoutera à ceux de réglementation actuels que renferment les lois du Parlement. Il importe de préciser que ce projet de loi ne vise pas à autoriser rétroactivement des mesures que le gouvernement ne considérait pas déjà comme étant autorisées. Il vise simplement à dissiper toute incertitude au sujet des règlements qui faisaient l'objet de débats entre le gouvernement et le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation depuis de nombreuses années.
De façon générale, en vertu de cette proposition législative, des documents qui n'émanent pas du gouvernement peuvent de temps à autre être incorporés de façon statique ou dynamique.
Par contre, le pouvoir d'incorporer des documents rédigés par l'autorité réglementaire, seule ou en collaboration avec une autre entité fédérale, serait restreint. Dans la plupart des cas, ces documents ne pourraient être incorporés que de façon statique et uniquement si leur contenu est limité à ce qui découle des règles prévues par règlement ou à ce qui est élaboré à partir de celles-ci. On évite ainsi l'utilisation de la technique d'incorporation par renvoi pour se soustraire au processus réglementaire ou subdéléguer le pouvoir législatif aux représentants du gouvernement.
Ce projet de loi précise aussi que les règlements peuvent faire renvoi à certains types de taux ou d'indices, par exemple, l'« IPC » ou « indice des prix à la consommation » ou le « taux préférentiel » ou « taux de la Banque du Canada ». Cette précision est apportée parce que ces éléments ne constituent pas des documents proprement dits.
Ce projet de loi exige en outre des autorités réglementaires de veiller à ce que le contenu incorporé par renvoi soit accessible. Il prévoit que nul ne peut être déclaré coupable d'une infraction ni se voir imposer une sanction administrative si le document incorporé n'est pas accessible. De plus, le projet de loi S-2 précise que les exigences d'enregistrement et de publication ne s'appliquent pas aux documents incorporés, mais que ceux-ci font l'objet d'un examen dans le cadre des obligations découlant de la Loi sur les textes réglementaires et sont toujours sujets à l'examen du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation.
Le projet de loi S-2 n'affecte en rien les obligations en matière de langues officielles. À moins qu'il y ait une raison légitime à une incorporation par renvoi unilingue, tout document doit être incorporé dans les deux langues officielles. Il s'agit d'une exigence constitutionnelle qui existe déjà et qui demeure inchangée avec ce projet de loi.
Bien que le projet de loi S-2 soit important, il doit être mis en perspective. L'incorporation par renvoi dynamique est déjà largement utilisée dans les règlements fédéraux actuels. L'un des principaux objets du projet de loi S-2 est de mettre fin au débat entre le gouvernement et le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation. Par conséquent, le projet de loi S-2 ne fait que prévoir expressément le pouvoir d'utiliser la technique rédactionnelle de l'incorporation par renvoi de façon cohérente avec la pratique juridique actuelle du gouvernement. Il ne confère pas de pouvoir illimité en matière d'incorporation par renvoi. Le recours à cette technique, comme tout autre aspect du pouvoir réglementaire, demeure assujetti à la loi habilitante en vertu de laquelle un règlement est établi.
Le projet de loi S-2 vise à confirmer l'existence du fondement juridique sur lequel repose le recours à cette technique rédactionnelle qu'est l'incorporation par renvoi.
Le président : Merci.
Y a-t-il des questions ou des commentaires?
[français]
Le sénateur Rivest : Cette procédure que vous confirmez avec ce projet de loi, est-elle compatible, similaire à ce qui se fait dans les autres juridictions au Canada, dans les provinces? Est-ce que l'ensemble des provinces ont un type de législation analogue à ce projet de loi?
M. Hallée : Oui. Dans plusieurs provinces on retrouve effectivement, certainement la pratique de l'incorporation par renvoi qui est largement répandue, mais on a certains textes qui encadrent, selon les provinces, la pratique de l'incorporation par renvoi à des degrés divers. Dans le cas de la législation fédérale on retrouve dans différentes provinces, dans des lois spécifiques des dispositions précises qui autorisent l'utilisation de la technique. Mais dans certains cas on retrouve aussi des dispositions dans les lois d'interprétation qui sont d'application générale et qui autorisent de façon générale, comme on le fait ici, l'utilisation de la technique rédactionnelle qu'est l'incorporation par renvoi.
[Traduction]
Le président : Les membres ont-ils des questions ou des préoccupations à formuler?
J'ai une question. Lors de la dernière réunion du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation, nous avons traité d'un dossier contenant des normes incorporées par renvoi, qui n'était qu'en anglais et dont l'accès était payant. Est-ce le genre de choses que nous verrons si le projet de loi S-2 est adopté? Comment décririez-vous l'« accessibilité » si vous devez, dans certains cas, payer pour avoir accès à ce qu'il vous faut?
M. Hallée : Merci de votre question, sénateur. Comme je l'ai dit, le projet de loi ne modifie pas l'exigence constitutionnelle en ce qui concerne l'accessibilité aux documents dans les deux langues officielles. Comme vous le savez sans doute, l'affaire des droits linguistiques du Manitoba sur laquelle s'est penchée la Cour suprême est toujours la référence à ce chapitre, alors il se peut que des documents unilingues soient incorporés par renvoi pour peu qu'il y ait des raisons légitimes de le faire, c'est-à-dire, essentiellement, lorsque le contenu des documents incorporés est de nature très technique ou que les documents font allusion à un savoir-faire spécialisé que l'on ne saurait trouver ailleurs. Je schématise.
Pour ce qui est de payer pour l'accès, je crois que les autorités réglementaires sont tenues de rendre ces documents accessibles au public, aux « réglementés ». Dans un certain sens, il s'agit d'une exigence sans réserve — un fardeau — qui force les autorités réglementaires à rendre ces documents accessibles. En clair, cela signifie qu'elles devront trouver des façons raisonnables de faire en sorte que ces documents soient accessibles au public, c'est-à-dire qu'il puisse y avoir accès sans trop d'effort. Dans certains cas, comme vous le savez, il pourrait s'agir de lois provinciales, lesquelles sont déjà affichées dans l'Internet. Comme le sénateur l'a fait remarquer, il pourrait aussi s'agir de normes figurant sur le site web des ministères établissant tels ou tels règlements ou, dans certains cas, sur les sites web d'organismes de normalisation. L'accessibilité comporte divers aspects, mais la chose qu'il faut retenir c'est que c'est la première fois que l'on indique dans une loi que les autorités réglementaires doivent faire un effort pour rendre ces documents accessibles au public.
Le président : Merci.
Y a-t-il autre chose?
Plaît-il au comité de procéder à l'étude article par article du... Pardon, le sénateur Rivest a quelque chose à dire.
[Français]
Le sénateur Rivest : Est-ce que les provinces ont été consultées sur les nouvelles propositions du projet de loi S-2?
M. Hallée : Les provinces n'ont pas été consultées sur ce projet de loi précisément. Il y a diverses discussions informelles lors de différentes rencontres entre premiers conseillers législatifs, entre différents membres du personnel des bureaux de rédaction sur l'utilisation qui est faite au niveau fédéral de cette technique par rapport au niveau provincial, mais il n'y a rien d'officiel sur le projet de loi comme tel.
[Traduction]
Le président : Êtes-vous maintenant disposés à passer à l'étude article par article?
Sénateur Baker.
Le sénateur Baker : Mais je crois que c'est le Conseil canadien des normes — lequel représente environ 12 000 organisations au pays — qui a fait un exposé devant le comité.
D'accord, monsieur le président.
Le président : Plaît-il au comité de procéder à l'étude article par article du projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les textes réglementaires et le Règlement sur les textes réglementaires en conséquence?
Des voix : Oui.
Le président : L'étude du titre est-elle réservée?
Des voix : Oui.
Le président : D'accord.
L'étude de l'article 1, le titre abrégé, est-elle réservée?
Des voix : Oui.
Le président : D'accord.
L'article 2 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Adopté.
L'article 3 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Adopté.
L'article 4 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Adopté.
L'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Adopté.
Le titre du projet de loi est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Adopté.
Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Adopté.
Y a-t-il des observations que nous souhaitons joindre au rapport? Nous l'avons déjà fait, à la dernière session, et cette observation sera annexée au rapport. Alors, je crois que c'est tout à cet égard.
Vous plaît-il que je fasse rapport du projet de loi au Sénat?
Des voix : Oui.
Le président : Adopté.
Chers collègues, vous avez été très efficaces. Y a-t-il autre chose? Encore une fois, merci à nos témoins.
(La séance est levée.)