Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 9 - Témoignages du 7 mai 2014
OTTAWA, le mercredi 7 mai 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 16 h 18, pour examiner la teneur les éléments de la section 5 de la partie 6, du projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures.
Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : La séance est ouverte.
Bonjour; je souhaite la bienvenue à mes collègues, à nos invités et aux membres du public qui suivent la séance d'aujourd'hui du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Nous commençons aujourd'hui notre étude spéciale de la teneur des éléments de la section 5 de la partie 6, du projet de loi C-31, Loi no 1 sur le plan d'action économique de 2014. Cette partie du projet de loi de mise en œuvre du budget modifie les alinéas 13d) et 20d) de la Loi sur les juges.
Le premier groupe de témoins que nous accueillons cet après-midi comprend Laurie Wright, sous-ministre adjointe, secteur du droit public, et Catherine McKinnon, avocate-conseil, Service des affaires judiciaires, des cours et des tribunaux administratifs de Justice Canada.
Bienvenue. Madame Wright, je pense que vous voulez faire une déclaration préliminaire.
Laurie Wright, sous-ministre adjointe, Secteur du droit public, Justice Canada : Oui. Honorables sénateurs, merci. Je suis heureuse de pouvoir parler de ces modifications aujourd'hui.
[Français]
Ces modifications proposées à la Loi sur les juges autorisent la nomination de quatre juges additionnels à la Cour supérieure du Québec et de deux juges additionnels à la Cour du banc de la Reine de l'Alberta.
[Traduction]
La compétence relative aux cours supérieures des provinces est partagée entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Les provinces ont, aux termes de la Constitution, compétence à l'égard de l'administration et de la structure des cours supérieures et le gouvernement fédéral est chargé de nommer et de rémunérer les juges de ces cours.
Par conséquent, lorsqu'une province ou un territoire décide de créer un poste dans cette cour, nous devons procéder à une modification corrélative de la Loi fédérale sur les juges pour autoriser la nomination d'un juge à ce poste et le versement du traitement et des avantages sociaux du juge.
Le Québec et l'Alberta ont apporté les modifications nécessaires à leurs cadres législatifs dans le but de créer de nouveaux postes pour leurs cours supérieures. Les modifications du projet de loi C-31 accorderont les autorisations nécessaires, au palier fédéral, pour appuyer ces nominations supplémentaires.
Le Québec et l'Alberta ont tous deux demandé que des juges supplémentaires soient nommés à leurs cours supérieures respectives dans le but d'aider ces juridictions à mieux gérer une charge de travail augmentée.
[Français]
Dans le cas du Québec, les nouvelles ressources judiciaires seront particulièrement utiles en ce qui a trait à l'augmentation du volume des dossiers et aux retards en matière de droit criminel qui sont imputables à la tenue d'un certain nombre de mégaprocès.
[Traduction]
Dans le cas de l'Alberta, ces juges supplémentaires permettront de faire face à l'augmentation des charges de travail des sections civile et pénale de cette cour.
Ces brèves remarques ont essentiellement pour but d'expliquer la nature de ces modifications et nous serons heureuses de répondre à vos questions.
Le président : Merci. Nous allons commencer les questions avec le vice-président du comité, le sénateur Baker.
Le sénateur Baker : Je souhaite la bienvenue aux témoins.
Premièrement, à la première page du projet de loi qui nous a été remis, on peut lire que les juges de la Cour supérieure — c'est-à-dire ceux qui ne sont pas le juge en chef ou le chef — doivent recevoir un traitement de 288 100 $ chacun. Je pensais que, de nos jours, ils étaient mieux payés que cela. Je pensais qu'ils touchaient 300 000 $. Ai-je raison ou est-ce plutôt ce chiffre qui est juste?
Catherine McKinnon, avocate-conseil, Services des affaires judiciaires, des cours et des tribunaux administratifs, Justice Canada : Vous avez raison, sénateur. Au 1er avril 2014, les traitements passeront à 300 800 $.
Le sénateur Baker : Dans vos remarques préliminaires, vous avez déclaré que c'étaient les provinces qui décidaient de créer de nouveaux postes et que le Québec et l'Alberta avaient effectivement créé de tels postes; c'est-à-dire que les provinces paient les locaux dont ont besoin ces juges. Par conséquent, le gouvernement fédéral décide de nommer les juges destinés à combler les postes qu'ont prévus le Québec et l'Alberta, ce qui donne un peu l'impression que, si d'autres provinces prenaient de telles mesures, le gouvernement fédéral comblerait automatiquement ces postes.
Est-ce bien exact, ou existe-t-il un mécanisme qui va au-delà de tout ceci dans la mesure où il est peut-être déjà arrivé que des provinces aient demandé de nombreux juges supplémentaires, mais que cette demande ait été refusée par le gouvernement fédéral?
Mme Wright : Il existe effectivement un mécanisme grâce auquel des fonctionnaires du ministère de la Justice travaillent en étroite collaboration avec leurs homologues provinciaux et territoriaux ainsi qu'avec les tribunaux pour obtenir des données concernant les charges de travail de façon à pouvoir justifier la nomination des juges de chacun de ces tribunaux.
Les modifications présentées en vue de créer ces postes étaient justifiées par l'accroissement des charges de travail, particulièrement, comme je l'ai mentionné dans mes remarques, dans le cas du Québec. Il y a eu, dans cette province, beaucoup de mégaprocès criminels et il est même possible qu'il y en ait davantage à l'avenir. Cela crée des pressions sur le côté civil lorsqu'il faut réaffecter les juges. Cela ralentit également les procès et permet aux accusés de demander la suspension des poursuites en raison du temps passé à attendre leur procès.
Le sénateur Baker : Pour que l'accusé demande la suspension des poursuites en raison du « temps passé à attendre son procès » — et ce sont là les mots exacts avec lesquels vous avez terminé votre déclaration — et je présume que vous faites référence à l'alinéa 11b) de la Charte, « être jugé dans un délai raisonnable ». Le ministre des Finances a déclaré dans son discours du budget que c'était là une des principales raisons à l'origine de ces nominations supplémentaires.
Lorsque vous dites qu'il faut justifier la création de nouveaux postes de juges, existe-t-il un mécanisme qui vous amène à examiner le nombre des affaires entendues dans les provinces et les territoires où les personnes accusées de crimes très graves ont été libérées parce qu'elles n'avaient pas été jugées dans un délai raisonnable? Une des raisons de cet état de fait est le retard institutionnel causé par le manque de locaux judiciaires ou de juges, ou d'éléments de ce genre. Existe-t-il un tel mécanisme?
Il y en a quelques-uns autour de cette table qui lisent la jurisprudence depuis 40 ou 50 ans. Nous avons remarqué récemment qu'il y avait eu un grand nombre d'affaires dans lesquelles des personnes accusées de crimes très graves avaient été carrément libérées parce que le tribunal avait décidé qu'elles avaient attendu trop longtemps pour subir leur procès. Il n'y a pas un seul sénateur ici qui accepte qu'on libère un accusé lorsque les preuves indiquent toutes qu'il est coupable d'avoir commis des infractions graves, et pourtant, ces accusés sont libérés dans toutes les provinces du Canada, pas seulement au Québec et en Alberta.
Est-ce que la préparation de la nomination des juges, dont vous parlez, prévoit une analyse des dossiers, des personnes qui sont libérées, dans les provinces et les territoires, alors qu'elles ont commis des crimes graves?
Mme Wright : Je pense que les autres conséquences très graves susceptibles de se produire font partie d'un autre débat. Cela peut arriver du côté pénal; mais ces répercussions peuvent également toucher le côté civil, par exemple, des gens sont obligés d'attendre, en particulier dans les affaires complexes de litiges familiaux, pour que soient réglés des problèmes très délicats touchant la garde des enfants ou la pension alimentaire. Ce sont là effectivement les conséquences d'une telle situation.
Pour ce qui est du mécanisme, il consiste à dégager les tendances dans le dépôt de nouvelles affaires ainsi que les tendances dans le traitement des dossiers. Les retards mis à tenir des procès sont pris en compte, tout comme le pourcentage des jugements pris en délibéré et ce genre de choses. La disponibilité des juges est un autre aspect que nous examinons. Il s'agit de déterminer le nombre de jours qu'ils peuvent siéger chaque année; nous examinons également les tendances en matière de dossiers en cours. À cette étape, nous examinons non seulement le nombre des nouveaux dossiers, mais également celui des dossiers qui n'ont pas été traités après un certain délai. Cela peut s'expliquer parfois davantage par la complexité des dossiers plutôt que par leur nombre.
Catherine participe plus directement que moi à ce mécanisme; je vais donc l'inviter à présenter des commentaires supplémentaires.
Le président : Tous les sénateurs souhaitent poser des questions. Elle pourra peut-être intervenir plus tard.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Bonjour à vous deux. Je n'ai pas beaucoup de questions, mais j'ai une interrogation. Comment se fait le calcul du nombre de juges qu'on accorde par province? Si on accordait quatre juges de plus au Québec et deux dans l'Ouest, il y aurait un raisonnement sans doute mathématique ou une question de proportion. J'aimerais que vous m'expliquiez comment se fait ce calcul.
[Traduction]
Mme McKinnon : Voici la façon dont ce mécanisme fonctionne — et c'est là l'occasion de le décrire — la province ou le territoire présente au ministre de la Justice une demande d'augmentation du nombre des juges, demande qui est ensuite transmise à notre unité à des fins d'analyse. Comme Mme Wright l'a expliqué, nous travaillons avec les fonctionnaires judiciaires et les fonctionnaires du gouvernement provincial pour les aider à dégager les meilleurs indicateurs des besoins de leur cour.
Chaque province et territoire a des capacités différentes en matière d'accès à l'information, parce que cela dépend de leur système de collecte de données. Les aspects sociaux, démocratiques et géographiques varient énormément, et ce sont des aspects qui peuvent avoir un effet sur la charge de travail du tribunal et l'accès à celui-ci.
Nous étudions également les services judiciaires ou communautaires susceptibles d'être utilisés pour résoudre ces différends.
En fin de compte, nous n'avons pas de formule uniforme pour établir les besoins judiciaires. Nous ne comparons pas les provinces et les territoires, même lorsque plusieurs demandes sont présentées en même temps.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Est-ce que cela varie d'une province à l'autre? Le taux de criminalité est-il pris en compte pour établir le nombre de magistrats sur le banc?
[Traduction]
Mme McKinnon : Nous examinons les répercussions que cela peut avoir sur la charge de travail du tribunal. Comme Mme Wright l'a expliqué, a-t-on constaté une augmentation de la charge de travail dans tous les domaines du droit pénal ou y a-t-il eu plutôt une augmentation de la complexité qui a entraîné des délais ou une prolongation du nombre des dossiers soumis au tribunal?
[Français]
Le sénateur Boisvenu : On a un système au Canada qui s'appelle Juristat, dans lequel les policiers confinent toutes les données en matière criminelle. Le ministère de la Justice du Canada se sert-il de ce système pour établir un partage des magistrats ou bien vous servez-vous davantage des données qui viennent des provinces ou des systèmes fédéraux?
[Traduction]
Mme McKinnon : Juristat est une des sources d'information que nous pouvons utiliser, avec les provinces et les territoires, pour voir si elle contient des données qui justifient la création de postes supplémentaires. Nous nous fions principalement aux données que possèdent les tribunaux et les gouvernements provinciaux, parce que ce sont eux qui collectent leurs données. Nous collaborons avec eux pour définir le genre de problèmes et préciser l'analyse qu'il convient de faire pour établir le nombre de postes nécessaires, mais en fin de compte, c'est à la province ou au territoire de fournir les données.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : On sait qu'au Québec, les corps policiers de 62 p. 100 de la population versent leurs données criminelles à Juristat, et que 38 p. 100 des corps policiers n'y inscrivent pas leurs données. Donc, d'une façon, cela pénalise la province que seule une partie des crimes commis sur son territoire est inscrite dans le système fédéral. Est-ce que mon opinion est juste?
Mme Wright : La question du taux de criminalité est peut-être moins au point que le volume des dossiers, et la complexité des dossiers devant les cours. Je ne pense pas qu'il y ait des désavantages pour la province de Québec qu'un pourcentage des données ne soit pas versé à Juristat.
Le sénateur Joyal : Madame McKinnon, combien de juges avaient été demandés au ministre de la Justice, au Québec, en ce qui concerne la Cour supérieure? Est-ce que c'était limité à quatre ou est-ce que le gouvernement du Québec avait demandé un nombre supérieur de juges? Est-ce la même chose pour la province de l'Alberta en ce qui concerne la Cour d'appel?
[Traduction]
Mme McKinnon : Le gouvernement québécois a en fait modifié sa loi pour créer sept postes supplémentaires à la Cour supérieure du Québec, et en Alberta, le gouvernement a créé quatre postes supplémentaires pour la Cour du banc de la Reine.
[Français]
Le sénateur Joyal : Donc, on ne répond pas complètement au nombre de sièges disponibles grâce au projet loi C-31, si je fais une soustraction simple au nombre en cause?
[Traduction]
Mme McKinnon : Les modifications que contient le projet de loi ont pour but de répondre aux besoins qui ressortent des données dont nous disposons à l'heure actuelle.
Le sénateur Joyal : Autrement dit, vous n'avez pas suivi la recommandation du gouvernement du Québec qui demandait sept juges et vous n'en proposez que quatre. Votre réponse indique donc qu'il n'a pas été démontré à votre satisfaction que le projet de loi C-31 devait leur en accorder sept et vous avez fait le même raisonnement pour l'Alberta. Ai-je tort ou raison?
Mme Wright : Le ministre a estimé approprié de proposer quatre juges pour le Québec et deux en Alberta, en se fondant sur les renseignements que ces deux provinces nous ont transmis.
Le sénateur Joyal : Arrêtons de tourner en rond. Le ministre de la Justice n'a pas été convaincu qu'il existait des preuves justifiant la création de quatre postes de juge dans le cas de l'Alberta et de sept postes dans le cas du Québec. Ai-je tort ou raison?
Mme Wright : Pour ces demandes, oui.
Le sénateur Joyal : Quels sont les critères que vous utilisez pour étudier la demande d'une province, qu'il s'agisse de la Cour d'appel, de la Cour supérieure, et pour conclure qu'il est justifié de créer un nouveau poste? Quels sont ces critères?
Mme McKinnon : Lorsque les propositions nous sont transmises, nous examinons le nombre des juges qui doivent assumer la charge de travail existante; ensuite, nous examinons la disponibilité des juges et l'augmentation du nombre des dossiers ou des délais, et ce qui indique éventuellement qu'il est nécessaire de nommer d'autres juges. Nous faisons de notre mieux pour calculer le nombre de juges supplémentaires qu'il faudrait nommer pour pouvoir effectuer la tâche qui est confiée aux tribunaux.
Le sénateur Joyal : D'une certaine façon, c'est vous qui êtes responsable des délais dans l'administration de la justice, lorsque vous ne donnez pas suite à la demande présentée par le ministère de la Justice pour ce qui est du nombre des juges nécessaires pour faire face à l'arriéré des causes ou aux mégaprocès ou en raison de la complexité des dossiers qui sont soumis aux tribunaux et qui ont donc besoin de ces juges.
Mme Wright : Les demandes de juges qui ont été présentées par le Québec et l'Alberta étaient fondées sur une évaluation objective des besoins des tribunaux et des ressources nécessaires pour éviter ce genre de conséquences.
Le sénateur Joyal : Cela répond en partie à ce que j'espérais obtenir dans la réponse, mais je comprends que vous ne puissiez pas fournir une réponse plus complète à cette question.
Mon autre question porte sur la nomination de nouveaux juges. D'après Mme Cairns Way, professeure de droit à l'Université d'Ottawa, sur les 94 nominations qui ont été effectuées ces deux dernières années, il n'y a eu qu'un seul juge qui n'était pas Blanc de nommé. Devrions-nous réfléchir au fait que la magistrature est traditionnellement composée d'« hommes blancs » et qu'elle ne reflète pas la diversité de la profession ou des compétences que l'on peut retrouver d'une façon générale dans les barreaux canadiens, qu'il s'agisse de la représentation des genres ou des Canadiens non traditionnels, susceptibles d'être nommés juges? Cela vous préoccupe-t-il?
Mme Wright : Les représentants du procureur général comparaissent devant les tribunaux et ce n'est donc pas nous qui assistons le ministre pour ce qui est des nominations judiciaires. C'est le commissaire à la magistrature fédérale qui joue ce rôle.
Le sénateur Joyal : Je comprends, mais vous ne pouvez pas dire que vous n'avez aucun impact sur la composition de la magistrature au Canada parce que quelqu'un doit bien se charger d'attirer l'attention du ministère sur la façon dont la magistrature est en général composée au Canada. Cela me préoccupe parce que la population canadienne est une population qui s'est diversifiée et que l'on retrouve davantage d'égalité dans la profession; je veux dire que les femmes sont mieux représentées dans les écoles du barreau. Je n'ai pas vérifié les derniers chiffres au sujet de la représentativité, mais d'après ce que j'ai pu voir, lorsque je donnais des cours à la faculté de droit, il y avait devant moi davantage de femmes que d'hommes. Je ne pense pas que c'est ce que j'ai vu dans les professions juridiques. Le fait est que vous êtes deux femmes ici qui examinez cette question. Je suis certain que la représentation des femmes parmi les magistrats est une question qui vous intéresse. Parmi les juges que j'ai rencontrés dans l'exercice de leur profession, je n'ai jamais contesté une décision en disant que les femmes étaient moins capables que les hommes de rendre la justice dans ce pays. Est-ce là un aspect qui vous préoccupe?
Mme Wright : Je suis sûre que vous pouvez comprendre que je ne peux pas vous présenter mon opinion personnelle sur cette question. Je suis ici pour représenter le ministre et le ministère et vous me demandez quelque chose qui n'entre pas dans le cadre des sujets que je peux aborder aujourd'hui.
Le sénateur McIntyre : Merci à toutes les deux pour vos exposés.
Si je comprends bien, la Loi sur les juges est modifiée parce qu'on a constaté une augmentation du nombre des affaires civiles et pénales complexes et médiatisées et également, parce que la population a augmenté, en particulier dans le cas de l'Alberta.
Je remarque également que d'autres provinces comme l'Ontario et la Colombie-Britannique ont également connu une croissance de la population. Est-ce que ces provinces et d'autres ont demandé des juges supplémentaires?
Mme McKinnon : Non, il n'y a pas d'autre demande en traitement pour le moment.
Le sénateur McIntyre : Pour ce qui est des affaires complexes et médiatisées, savez-vous s'il y a la volonté de choisir des juges spécialisés dans certains domaines du droit, comme le droit pénal et le droit civil?
Mme Wright : Comme je l'ai déjà dit, le processus de nomination ne relève pas de nous. Il y a des comités consultatifs judiciaires qui appuient le commissariat à la magistrature fédérale et qui fournissent des recommandations au ministre; mais nous ne participons pas au processus de sélection.
Le sénateur McIntyre : Je constate que des fonds ont été mis de côté pour créer ces six nouveaux postes de juge. Je ne sais pas si ces fonds couvrent les autres coûts, comme les avantages sociaux et les retraites. En plus des fonds affectés à la création des nouveaux postes, va-t-il falloir prévoir de nouveaux locaux judiciaires et du personnel supplémentaire pour que ces nouveaux juges puissent exercer leurs attributions?
Mme McKinnon : Ce sont les provinces qui assument les coûts administratifs reliés à ces nouveaux postes de juge de la cour supérieure provinciale de sorte que, s'ils ont besoin de salles d'audience, de personnel, de locaux, et cetera, supplémentaires, ce sont les gouvernements provinciaux qui en assumeront le coût.
Le sénateur McIntyre : Il s'agit donc de fonds provinciaux?
Mme McKinnon : Exactement.
La sénatrice Jaffer : J'allais poser des questions qui ont été déjà posées, mais je crois savoir que la Colombie- Britannique n'a pas présenté de demande de ce genre. Est-ce bien exact? Je sais que vous ne pouvez pas faire de commentaires sur les nominations, mais je souhaite simplement connaître les chiffres. Je crois savoir qu'il y a eu 94 nouvelles nominations et qu'un seul juge non blanc a été nommé. Est-ce bien exact?
Mme Wright : Je suis désolée, mais nous n'avons pas cette information avec nous aujourd'hui et je ne peux donc pas faire de commentaire à ce sujet.
La sénatrice Jaffer : Puis-je vous demander de bien vouloir nous fournir ces chiffres? Pourriez-vous également communiquer à la greffière le nombre des femmes et des membres des minorités visibles qui ont été nommés à ces postes?
Mme McKinnon : Nous pouvons vous fournir l'information que possède le Bureau du commissaire à la magistrature fédérale au sujet du nombre de femmes juges, mais cet organisme ne réunit pas de données sur le nombre des autres collectivités, y compris les collectivités composées de minorités visibles.
La sénatrice Jaffer : Si vous pouvez nous fournir le nombre de femmes, j'en serais heureuse.
Dans votre exposé, vous avez dit que les procès étaient de plus en plus complexes. Nous avons quelques idées sur les raisons pour lesquelles les procès sont plus complexes, mais cela ne relève pas de votre domaine. Savez-vous combien de gens n'ont pu subir leur procès faute de juge?
Mme Wright : Non, nous ne possédons pas ces données.
La sénatrice Jaffer : Avez-vous des données sur le nombre des poursuites qui ont été retirées à cause du temps pris pour entendre l'affaire?
Mme Wright : Non.
La sénatrice Jaffer : Mais vous avez déclaré que les procès étaient plus complexes et qu'il arrivait que des poursuites soient rejetées. Sur quoi était donc basée votre affirmation?
Mme Wright : Elle n'est pas basée sur des données que réunit le ministère de la Justice fédérale. Cette information est fondée sur celles que nous fournissent les provinces. Le nombre des accusations rejetées à cause des délais n'est pas toujours un élément qui nous est fourni. Nous savons tout simplement que, s'il n'y a pas suffisamment de ressources, c'est le genre de conséquences qui peut en découler.
La sénatrice Jaffer : Mais vous n'avez pas de chiffres?
Mme Wright : Non.
Le sénateur Plett : Pendant que vous recherchez l'information que la sénatrice Jaffer vous a demandée, je me demandais si vous pouviez, en plus de cette information, s'il existe des statistiques, nous faire savoir quel est le nombre des femmes — puisque c'est bien là évidemment une de ses préoccupations, comme celle du sénateur Joyal — qui ont été invitées à occuper un poste de juge et qui ont refusé de le faire pour diverses raisons. Je sais que cela s'est produit au Manitoba dans quelques cas et je me demande si cela ne vient pas plutôt du fait que certaines personnes ne recherchent pas ces postes plutôt que de la volonté d'écarter les membres des minorités. Je ne suis pas aussi pessimiste que d'autres au sujet de ces questions, de sorte que, si vous avez des statistiques ou même des chiffres pour les autres minorités, vous pourriez peut-être aussi nous les communiquer.
Avec tout ceci, vous pourrez peut-être répondre à cette question ou peut-être vous ne le pouvez pas : le sénateur Joyal semble beaucoup s'inquiéter du fait que le Québec a demandé sept juges et que vous en proposez quatre tandis que l'Alberta en a demandé quatre et vous en proposez deux. Je me demande si cela n'est pas assez habituel, s'il y a des chiffres dans ce domaine et à quelle fréquence les provinces, puisqu'elles n'ont pas à assumer les frais, demandent davantage de postes que cela est faisable alors que quelqu'un d'autre doit payer la facture. Si vous avez ces chiffres, vous pourriez peut-être nous les fournir. Je ne pense pas que vous les ayez aujourd'hui, mais s'ils existent, vous pourriez peut-être nous les donner aussi.
Je me demande si, dans le souci d'accélérer le fonctionnement du système judiciaire dans toutes les régions du pays, l'on prend d'autres mesures en plus de nommer des juges, comme par exemple, nommer davantage de procureurs de la Couronne. Cela est-il nécessaire ou pensez-vous que le seul fait de nommer davantage de juges va alléger la charge des tribunaux et éviter les arriérés? Encore une fois, pour parler du Manitoba — et vous dites qu'aucune autre province n'a demandé davantage de juges — je sais qu'il y a des arriérés au Manitoba, et que cela soulève toutes sortes de questions. Si cette province ne demande pas davantage de juges, cela veut-il dire que c'est le manque de procureurs de la Couronne qui explique cet arriéré? Avez-vous des commentaires sur ce point?
Mme Wright : C'est en fait à chaque province de prendre des mesures visant à assurer l'efficacité du processus judiciaire, de déterminer les ressources nécessaires, qu'il s'agisse de procureurs de la Couronne ou de salles d'audience, pour tenir davantage d'audiences puisque ce sont elles qui sont responsables selon la Constitution de l'administration de la justice. Cela varie énormément d'une région à l'autre du pays, selon la province ou le territoire concerné.
Le sénateur Plett : Je ne suis pas sûr que cela réponde à ma question. Cela y répond peut-être. Pour le Québec et l'Alberta, nous disons que l'attribution de six juges supplémentaires permettra de régler leurs problèmes. Qu'est-ce qui va régler les problèmes du Manitoba? Construire davantage de salles d'audience? Est-ce cela que vous proposez?
Mme Wright : J'estime que chaque province doit déterminer quels sont ses besoins et prendre les mesures qui permettront de régler certains problèmes comme l'accumulation de dossiers devant les tribunaux.
La sénatrice Batters : Je vous remercie d'être venues aujourd'hui. Pour ce qui est des questions que posait le sénateur Joyal il y a un instant, je dirais que je suis heureuse de voir que ce sont des femmes qui occupent des postes aussi importants que les vôtres au sein du ministère fédéral de la Justice, comme nous le constatons aujourd'hui.
Avant ma nomination au Sénat, j'étais chef du cabinet du ministre de la Justice en Saskatchewan, de sorte que je connais bien la question des délais judiciaires. C'est un problème qui s'est posé en Saskatchewan, comme il s'est posé dans de nombreuses provinces.
Je dirais aux spectateurs — et à certains membres du comité qui ne le savent peut-être pas — que nous parlons ici des juges des cours supérieures des provinces qui sont nommés par le gouvernement fédéral et non pas des juges qui sont nommés par les provinces et rémunérés par elles. Les provinces dans lesquelles les délais judiciaires sont très longs devraient peut-être demander à leur gouvernement de prendre des mesures à ce sujet et examiner le nombre de juges nommés par les provinces qui siègent dans les tribunaux provinciaux. En Saskatchewan, ce sont habituellement ces tribunaux qui s'occupent des affaires pénales en première instance, et dans de nombreux dossiers, seules les instances introduites devant ces cours provinciales peuvent être suspendues.
En plus de tout ceci, pourriez-vous nous décrire les autres mesures que prennent les provinces et les ministères de la Justice des différentes régions du Canada pour lutter contre les délais judiciaires, en plus de nommer davantage de juges?
Mme McKinnon : Je pense que la question de l'accès à la justice et de l'amélioration de l'accès de la population aux tribunaux et aux autres mécanismes de règlement des litiges est une question essentielle qui se pose maintenant aux juges, aux représentants du gouvernement, aux avocats et autres membres de la profession qui travaillent au sein du système judiciaire. On a privilégié le volet services de soutien ainsi que les mécanismes de rechange pour le règlement des litiges qui permettent aux plaideurs et aux familles qu'opposent certains différends de résoudre leurs problèmes plus rapidement et plus efficacement, sans avoir jamais à comparaître devant un tribunal, par exemple, en utilisant des choses comme les services de médiation et de counselling.
Dans certaines provinces et certains territoires, on a également demandé à des juges de s'occuper du règlement judiciaire des litiges et d'essayer d'amener d'autres organismes à collaborer pour que l'aspect juridique des problèmes soit également relié, par exemple, aux organismes de la santé ou du logement. Il est reconnu qu'il existe des groupes de problèmes qui amènent les gens à demander les services du système judiciaire ou d'intervenir dans celui-ci. Notamment, les tribunaux et les professions juridiques ont récemment participé à un comité national d'action sur l'accès à la justice qui a débouché sur la présentation d'un certain nombre de rapports et de recommandations que divers organismes sont en train d'examiner.
Il existe à l'heure actuelle de nombreuses initiatives qui visent à prendre des mesures autres que la nomination de juges supplémentaires. C'est un des aspects que nous examinons lorsque les provinces vous soumettent des propositions. Bien souvent, elles décrivent la façon dont elles essaient de répondre aux besoins de leur population, en ne s'en remettant pas uniquement à des juges supplémentaires.
La sénatrice Batters : Vous avez peut-être mentionné ceci dans votre déclaration préliminaire. Si vous l'avez fait, je ne l'ai pas entendu, mais je veux simplement attirer l'attention sur cet aspect pour que cela figure dans le compte rendu. Quels sont les fonds que le budget de 2014 a affectés à cette mesure particulière?
Mme McKinnon : Le budget a prévu 4,4 millions de dollars sur deux ans. Cela représente environ 3,29 millions de dollars de coûts annuels pour les six juges.
La sénatrice Batters : Merci.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, mesdames. J'aimerais examiner avec vous le volet financier. On sait qu'il y a le salaire des juges, mais il n'y a pas que le salaire, il y a aussi les bénéfices et avantages sociaux.
Est-ce que les coûts sont les mêmes dans toutes les provinces ou est-ce que cela varie selon les différentes provinces?
[Traduction]
Mme McKinnon : Le coût des juges nommés par le gouvernement fédéral est le même dans toutes les provinces et tous les territoires. Ils reçoivent les mêmes traitements et les mêmes avantages sociaux. Les coûts administratifs varient, en fonction de ce que leur fournit le gouvernement provincial.
[Français]
Le sénateur Dagenais : On sait que si on ajoute des juges, on devra inévitablement embaucher plus d'huissiers, plus de greffiers et plus de sténographes judiciaires, ce qui entraînera évidemment des coûts.
Qui doit assumer les coûts des employés de bureau? Est-ce que ce sont les provinces ou le gouvernement fédéral? Si c'était les provinces qui devaient en assumer les coûts, est-ce qu'elles ont été consultées, est-ce qu'elles ont consenti à assumer ces coûts?
[Traduction]
Mme McKinnon : Oui, c'est le gouvernement provincial qui assume ces coûts administratifs. En adoptant des mesures législatives, en créant de nouveaux postes et en communiquant toutes ces mesures au gouvernement fédéral, les provinces ont démontré qu'elles étaient favorables à la nomination de juges supplémentaires. Nous ne prenons des décisions dans ce domaine qu'après consultation du gouvernement provincial concerné et avec son accord, dans ces circonstances.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je comprends donc que l'administration fédérale assume le salaire, les bénéfices et les avantages sociaux des juges, et que le coût des employés de bureau qui entourent le juge est assumé par la province?
[Traduction]
Mme McKinnon : C'est exact.
Le sénateur McInnis : D'autres ont posé les questions que je voulais poser, mais j'aimerais présenter ce commentaire, et ensuite, poser une question.
Je n'ai pas pratiqué le droit depuis neuf ans. Je me souviens que, pour les affaires civiles, le procès se tenait habituellement dans un délai d'un an ou d'un an et demi. Je parlais récemment avec un de mes associés et il m'a dit qu'une affaire civile exige aujourd'hui une attente de trois à quatre ans. Le système judiciaire fonctionne lentement.
Lorsque vous obtenez ces données, êtes-vous en mesure de préciser l'ampleur de l'arriéré? J'aimerais beaucoup obtenir ces chiffres pour les différentes provinces — bien sûr, si vous les avez — et cela serait très utile.
Mme Wright : Pour ce qui est de l'arriéré, vous parlez de la durée moyenne de l'attente du procès?
Le sénateur McInnis : Oui.
Mme Wright : Nous allons voir ce que nous pouvons trouver.
Le président : Vous avez parlé du fait que les provinces présentaient des demandes et vous avez mentionné que le Québec avait demandé, je crois, sept juges. La province présente une demande et ensuite, les données pour justifier la nomination de sept nouveaux juges. Vous examinez ensuite les justifications. Les provinces doivent utiliser un modèle lorsqu'elles présentent ce genre de demandes. Je suis curieux : les justifications comprennent-elles une analyse des raisons des retards comme les ajournements non productifs, que décide un juge qui ne veut pas rendre une décision relative à la peine ou pour une autre raison? Est-ce que vous effectuez ce genre d'analyse?
Vous avez ensuite parlé de commentaires et la sénatrice Batters a parlé d'améliorer la situation. Est-ce là le genre de commentaire que vous transmettez aux provinces? Par exemple, nous constatons qu'il y a eu des ajournements inutiles; les juges n'administrent pas les tribunaux aussi bien qu'ils le devraient — ce genre de choses. Cela fait-il partie également de ce mécanisme?
Mme McKinnon : En fait, nous n'avons pas de modèle parce que, comme je l'ai mentionné au début, chaque province et territoire dispose de données différentes et les considérations particulières, régionales et démographiques peuvent jouer un rôle.
Nous posons habituellement des questions fondamentales, comme Mme Wright l'a expliqué au début, au sujet des tendances relatives au nombre des affaires et aux délais. Nous demandons ce genre d'information.
Nous ne travaillons pas nous-mêmes dans le système judiciaire, et ce n'est pas à nous d'expliquer aux tribunaux provinciaux ou aux fonctionnaires comment ils devraient administrer leurs systèmes. C'est eux qui sont les mieux placés pour le faire. Ils nous fournissent toutefois des renseignements au sujet des initiatives qu'ils prennent pour améliorer l'accès à leurs tribunaux.
Le président : Vous n'effectuez pas ce genre d'évaluation approfondie. Comment décidez-vous qu'il y a lieu d'en ajouter quatre et non sept? Je suis surpris de constater que vous n'avez pas de modèle.
Le sénateur Baker : J'aimerais faire une observation. Je sais que cela n'est probablement pas pris en compte, et il s'agit du nombre des affaires qui sont rejetées sans décision parce qu'il s'est écoulé trop de temps avant le procès ou avant que celui-ci se termine. Il serait assez facile d'effectuer cette analyse parce qu'il suffirait que quelqu'un regarde Westlaw, Carswell ou Quicklaw à la fin de chaque mois et examine ce qui se passe dans chaque province — c'est ce que certains d'entre nous font lorsqu'ils ont le temps — pour découvrir combien de poursuites ont été rejetées chaque semaine, pourquoi, et s'il serait nécessaire d'uniformiser certaines procédures. Il n'est sans doute pas possible de le faire parce que les cours d'appel ont leur propre rôle à jouer dans les provinces.
Ma question qui se rapporte à votre travail est la suivante : nous avons parlé des juges et nous devons tenir pour acquis que toutes les pages qui traitent ici de traitement sont erronées et que nous devrions ajouter 10 à 15 p. 100 à ce traitement et que tous les juges de la Cour supérieure reçoivent à l'heure actuelle 300 000 $ par an, que les juges en chef reçoivent un montant supérieur, probablement 330 000 $, et que le traitement versé à ceux de la Cour suprême du Canada est passé à 380 000 $, quelque chose comme ça. Voulez-vous vérifier tout cela?
Mme McKinnon : Je n'ai pas les chiffres exacts pour tous les juges que vous avez mentionnés, mais je peux certainement vous obtenir les montants exacts.
Le sénateur Baker : Vous admettez que les chiffres qui figurent dans le projet de loi sont inexacts, les chiffres qui concernent le traitement des juges, parce qu'ils sont beaucoup plus élevés que ce qui est indiqué ici?
Mme McKinnon : C'est exact, parce que l'article 25 de la Loi sur les juges prévoit l'indexation annuelle des traitements. Les montants figurant dans les dispositions relatives au traitement des juges ne sont pas mis à jour à chaque fois.
Le sénateur Baker : L'âge de la retraite des juges est un aspect auquel vous prêtez beaucoup d'attention parce que les juges ne sont pas vraiment obligés de prendre leur retraite s'ils ont le statut de juge surnuméraire dans leur province. Avez-vous effectué une analyse des juges des cours supérieures qui travaillent au-delà de l'âge normal de la retraite et qui absorbent une partie de la charge de travail des tribunaux dans ces provinces?
Mme McKinnon : Les juges sont tenus de prendre leur retraite à l'âge de 75 ans. Il est possible d'examiner quel est, dans chaque province et territoire, l'âge moyen de la retraite. Je pense qu'habituellement, c'est autour de 71 ans, mais je ne peux pas vous fournir une réponse définitive.
Le sénateur Baker : Mais si vous prenez votre retraite à cet âge, rien ne vous empêche de reprendre vos fonctions tout en recevant le même traitement, si le tribunal en question a besoin de vous. Je présume que c'est vous qui continuez à rémunérer la personne qui fait partie de la catégorie des juges surnuméraires.
Mme McKinnon : Oui, il est possible de choisir d'être un juge surnuméraire et alors le juge qui le fait ne prend pas sa retraite à ce moment-là; il demeure juge et reçoit son traitement intégral.
Le sénateur Baker : Toute sa vie?
Mme McKinnon : Jusqu'à l'âge de 75 ans. C'est-à-dire jusqu'à ce qu'il ait droit à la retraite avec pleine pension; il doit avoir au moins 15 ans d'ancienneté et ce chiffre plus son âge doit donner au moins 80. Il y a d'autres permutations possibles.
Le sénateur Baker : Le même traitement, 300 000 $?
Mme McKinnon : Il reçoit son plein traitement, exact.
Le sénateur Baker : C'est eux qu'on appelle les juges puînés, n'est-ce pas?
Mme McKinnon : Ce sont les juges surnuméraires.
Le sénateur Baker : Ils ont le statut de juges puînés?
Mme McKinnon : Oui.
Le sénateur Joyal : Pourriez-vous nous remettre aujourd'hui le nombre des demandes de juges supplémentaires que vous avez reçues de chacune des provinces, par exemple, Terre-Neuve-et-Labrador, ou à mon collègue le sénateur Plett du Manitoba, ou celles de la Saskatchewan ou de la Colombie-Britannique, à ma collègue, la sénatrice Jaffer? Pourriez- vous nous dire combien de juges supplémentaires chacune des provinces vous a demandés?
Mme Wright : Depuis combien d'années? Nous n'avons pas reçu d'autre demande émanant d'une province pour le moment.
Le sénateur Joyal : Depuis deux ou trois ans, vous n'avez reçu aucune demande de ce genre de la part d'une province?
Le sénateur Baker : Des demandes de postes supplémentaires.
Mme McKinnon : Non.
Le sénateur Joyal : De la part d'une province.
Mme McKinnon : Nous pouvons nous engager à vous confirmer cela.
Le sénateur Joyal : J'aimerais le savoir. Je pense que c'est une information qui nous serait utile.
Mon autre question porte sur une question qu'a posée le sénateur Dagenais. Quels sont les frais accessoires associés à un nouveau juge de la Cour supérieure ou de la Cour d'appel, comme celui de l'Alberta?
Autrement dit, je poursuis sur le sujet abordé par le sénateur Plett parce que le gouvernement fédéral assume les frais associés au juge; mais il y a tous les frais accessoires — la secrétaire, le personnel de recherche, le greffier, la salle d'audience supplémentaire, le stationnement et tout ce qui est relié à ceci, parce que l'administration de la justice ne se résume pas à verser le traitement d'un juge.
Quels sont les frais accessoires moyens associés à un poste de juge et que les provinces assument?
Mme Wright : Ce n'est pas le genre d'information que nous suivons, pour la simple raison que c'est une question qui relève des provinces.
Le sénateur Joyal : Je vais formuler ma question différemment. Lorsqu'une province demande de nouveaux postes, comme sept juges — prenons le Québec — on a certainement une idée des frais que ces sept juges vont entraîner, parce que la province va devoir augmenter le budget du ministère de la Justice en fonction des coûts qui sont associés à ces juges.
Il me semble que c'est là un facteur important pour la province qui demande un juge, parce que c'est elle qui doit calculer tous les frais accessoires qu'elle devra assumer, si elle demande la création d'un poste et que le gouvernement fédéral le lui accorde.
N'est-ce pas là pour vous une preuve indiquant que la province a pris une décision fondée lorsqu'elle demande la création d'un poste?
Mme Wright : Comme l'a dit ma collègue, nous n'obligeons jamais une province à créer de nouveaux postes de juges...
Le sénateur Joyal : Non, bien sûr que non.
Mme Wright : ... si elle n'a pas elle-même décidé qu'elle est en mesure d'assumer les coûts administratifs qui y sont associés avec son budget. Je crois que l'on peut affirmer que toute demande émanant d'une province est considérée comme étant une demande fondée. Comme je l'ai déjà dit, nous prenons en considération toute l'information que nous possédons pour justifier la création de nouveaux postes.
Le sénateur McInnis : Le sénateur Baker a abordé la question des surnuméraires, et il l'a très bien traitée. Je ne pense pas qu'il ait demandé quel était le nombre des juges dans la catégorie des juges surnuméraires. Cela est important, parce que ces juges sont affectés à des affaires spécialisées, mais c'est également une retraite partielle. J'aimerais savoir combien d'entre eux ont fait ce choix, parce que cela doit avoir un effet sur le budget.
Mme Wright : Pour ce qui est des deux provinces dont nous parlons, je crois qu'en Alberta le chiffre actuel est de 18 juges surnuméraires à la Cour du banc de la Reine et à la Cour supérieure du Québec, je crois qu'il y en a 49.
Le sénateur Joyal : Sur un nombre total de?
Mme McKinnon : Il y en a 144.
Le sénateur McInnis : Les sénateurs n'ont pas ce privilège, n'est-ce pas?
Le sénateur McIntyre : Le projet de loi C-31 modifie la Loi sur les juges. Si j'ai bien compris, il n'est pas nécessaire de modifier la Loi sur les juges chaque fois qu'on nomme un juge de la Cour fédérale. Cependant, il faut modifier la loi fédérale lorsque des juges supplémentaires sont nommés dans les tribunaux provinciaux. Est-ce bien exact?
Mme Wright : Lorsqu'on augmente le nombre des juges, il faut modifier la Loi sur les juges pour obtenir l'autorisation légale de verser les fonds correspondant au traitement de ces juges.
S'il y a des postes vacants, auxquels il est possible de nommer quelqu'un, pour lesquels il existe déjà une source légale de fonds, alors vous avez raison de dire qu'il n'est pas nécessaire de modifier la loi. Cela se fait uniquement lorsque la province demande une augmentation du nombre total des juges.
Le sénateur McIntyre : L'augmentation du nombre total.
Mme Wright : Oui.
Le sénateur Joyal : J'aimerais revenir sur un point qu'a soulevé le sénateur Runciman, qui poursuivait en fait un aspect que j'avais moi-même mentionné, à savoir les critères que vous appliquez. Le sénateur Runciman a utilisé le mot « modèle », mais ma formulation revient au même. Quels sont les critères que vous utilisez pour évaluer une demande émanant d'une province qui amènera celle-ci à assumer les coûts associés à un nouveau poste de juge? J'ai parlé des coûts accessoires et à mon avis, les coûts accessoires sont probablement plus élevés que le traitement du juge en question.
Lorsqu'une province demande un juge, elle a procédé à une évaluation approfondie de la situation parce que cette demande a des répercussions financières et que c'est elle qui est seule responsable de l'administration de la justice. Comme le sénateur Baker et d'autres l'ont mentionné, lorsqu'une poursuite est annulée pour le motif que le délai pendant lequel le citoyen a dû attendre de subir un procès ou d'avoir accès à un tribunal est trop long, j'accorderais à première vue une grande crédibilité à la demande provenant de cette province. Quels sont encore une fois les critères que vous appliquez pour refuser, annuler ou diviser par deux, comme dans le cas de l'Alberta et du Québec, le nombre de juges que ces provinces ont demandé. Quels sont ces critères? Pourriez-vous les énoncer clairement? C'est vous qui analysez ces demandes de sorte que vous devez les connaître. Vous vous êtes certainement dit, comme l'a fait mon collègue, le sénateur Baker : « Il y a trop de délais ou d'affaires qui ont été annulés ou il y a trop de juges surnuméraires; ils devraient travailler. » Alors, vous cochez la case. Ensuite, vous pourriez vérifier ceci et dire : « La province n'a pas mis en place de procédures d'arbitrage en nombre suffisant pour accélérer le règlement des affaires civiles. » Autre case de cochée. Je pourrais énumérer de nombreux critères qui permettraient d'évaluer les demandes et ce n'est pas moi qui fais ce genre de choses tous les jours. Pouvez-vous nous dire quels sont ces critères? Je crois que nous voulons vous les entendre dire, parce que nous voulons être sûrs que vous effectuez une analyse équitable.
Mme Wright : Les critères concernent des choses comme le nombre des affaires. Combien d'affaires sont portées devant les tribunaux et combien d'affaires sont réglées? Nous comparons les affaires nouvelles à celles qui sont dans l'inventaire — les affaires qui n'ont toujours pas été réglées —pour voir si nous constatons une augmentation. Cela consisterait à examiner, par exemple, le nombre des jours de séance consacrés à certains types d'affaires, de sorte qu'il s'agit essentiellement d'évaluer les pressions exercées sur le système.
Du côté de l'offre, nous examinons des choses comme la capacité des juges surnuméraires dans le système. Combien de jours de séance peut-on demander à un juge et quel est le nombre d'heures pendant lesquelles les juges siègent?
Cela varie énormément de province à province, et c'est fonction des données que celles-ci collectent dans leurs systèmes qu'elles peuvent alors nous fournir, parce que ces données ne sont pas uniformisées à l'échelle du pays.
Le sénateur Joyal : Je peux comprendre cela, mais vous allez certainement standardiser les renseignements que vous demandez pour en arriver à une conclusion parce qu'une province peut vous demander, à n'importe quel moment, de nommer des juges supplémentaires. Il me semble que si vous voulez respecter le mécanisme prévu, vous devriez avoir des critères bien définis. Il arrive peut-être qu'une province ne vous fournisse pas suffisamment d'information pour appliquer les critères que vous avez élaborés et je suis certain que dans un tel cas, vous allez communiquer avec la province pour lui faire savoir que vous avez besoin de renseignements supplémentaires sur tel ou tel aspect, ou que la province ne répond pas, par exemple, au seuil du nombre des juges surnuméraires qui ne travaillent pas suffisamment. Il s'établit donc un dialogue entre vous et le ministère provincial de la Justice pour en arriver à une conclusion équitable qui soit acceptée par les deux côtés. Cela me semble être la façon logique de procéder, à moins que j'aie mal compris ce qui se passe.
Mme Wright : Nous collaborons énormément avec les provinces, aussi bien avec les fonctionnaires des gouvernements provinciaux chargés de l'administration des tribunaux qu'avec ceux des tribunaux qui réunissent ce genre de données. Il me semble que c'est une façon de travailler qui est très utile pour les deux côtés. Il y a effectivement des allers-retours pour ce qui est d'obtenir des renseignements et nous faisons de notre mieux avec les données sur lesquelles nous nous entendons.
Le président : Le temps prévu est écoulé. Nous apprécions votre comparution aujourd'hui, ainsi que votre contribution à nos débats.
Pour notre deuxième groupe de témoins aujourd'hui, j'aimerais présenter Fred Headon, président et Tamra Thomson, directrice, Législation et réforme du droit, de l'Association du Barreau canadien.
Madame Thomson, je crois que vous souhaitez commencer, alors allez-y.
Tamra Thomson, directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien : En fait, c'est M. Headon qui présentera l'exposé cet après-midi.
Fred Headon, président, Association du Barreau canadien : Merci de nous avoir invités à participer à vos débats.
Il m'est agréable de pouvoir parler à certains d'entre vous qui connaissez bien ce que nous faisons. Je suis ravi d'être avec vous aujourd'hui à titre de président de l'Association du Barreau canadien et d'être accompagné, comme le président vient de le mentionner, par Tamra Thomson, notre directrice de la législation et de la réforme du droit.
Comme vous le savez peut-être, l'Association du Barreau canadien est une association professionnelle, une association de volontaires qui regroupe près de 37 000 membres d'un bout à l'autre du pays. Notre mission comprend la défense de la primauté du droit et l'amélioration de l'administration de la justice. C'est de ce point de vue que nous intervenons aujourd'hui pour appuyer les modifications à la Loi sur les juges que contient le projet de loi C-31. Ces modifications ont pour but, comme vous le savez fort bien, d'augmenter le nombre de juges des cours supérieures de l'Alberta et du Québec.
J'ai préparé quelques remarques pour vous donner une idée des motifs qui nous poussent à appuyer le projet de loi et je serais très heureux ensuite de répondre à vos questions.
L'élément essentiel de notre intervention est que nous pensons qu'il s'agit là d'un principe important : un système judiciaire efficace est un élément essentiel de notre démocratie. Nous avons besoin d'un nombre suffisant de juges pour veiller à ce que notre système puisse fonctionner et que l'accès à la justice ne soit pas retardé indûment. La nomination des juges des cours supérieures est une responsabilité constitutionnelle, comme les témoins précédents l'ont expliqué, de ce gouvernement, notre gouvernement fédéral.
[Français]
Vous avez reçu, je présume, notre lettre à l'égard des dispositions dont il est question aujourd'hui, à la lumière des faits et de l'engagement de l'ABC envers un système judiciaire fonctionnel et un solide accès à la justice. Nous avons conclu l'an dernier que les demandes de l'Alberta et du Québec étaient non seulement raisonnables, mais urgentes, et nous avons exhorté le gouvernement à agir. C'est avec plaisir que nous avons constaté la présence des modifications dans le budget. Les modifications augmenteront le nombre de juges attitrés aux cours supérieures de 140 à 144 au Québec, et de 55 à 57 en Alberta, ce qui répond ainsi à l'analyse convaincante présentée par les gouvernements provinciaux en quête de juges supplémentaires pour garantir une bonne administration de la justice.
[Traduction]
Le gouvernement de l'Alberta a demandé la nomination de quatre juges supplémentaires en 2008; le Québec a présenté une demande concernant sept juges supplémentaires. Les augmentations que propose le projet de loi C-31 ne répondent pas intégralement à ces demandes, mais l'ABC estime que cette mesure est un pas dans la bonne direction.
C'est l'Alberta qui a le plus petit nombre de juges de la cour supérieure par habitant dans ce pays, et ce, malgré la croissance remarquable qu'a connue la population de cette province, croissance qui explique que les juges de cette province n'aient pas été en mesure d'assurer le règlement efficace des différends judiciaires. La dernière augmentation du nombre de juges en Alberta a été décidée en 1996 et un juge a été ajouté. Puisque nous parlons d'environ 55 juges, cela représente une augmentation d'environ 2 p. 100. Depuis 1996, la population de l'Alberta a toutefois augmenté de près de 36 p. 100. Le nombre des affaires soumises à la Cour du banc de la Reine de l'Alberta a augmenté de façon significative et le nombre des plaideurs qui se représentent eux-mêmes a également augmenté de façon très significative en Alberta, comme ailleurs, ce qui exige qu'on leur consacre davantage de temps et de ressources judiciaires.
[Français]
En 2012, l'Assemblée nationale du Québec a modifié la Loi sur les tribunaux judiciaires pour créer les postes supplémentaires de juges de la Cour supérieure. Ces nouveaux postes sont essentiels pour garantir la bonne administration de la justice. Lorsque les exigences imposées aux juges pour aider à régler les différends excèdent leurs capacités, les temps d'attente sont considérablement allongés, particulièrement devant les tribunaux du système pénal.
L'an dernier, la Cour du banc de la Reine de l'Alberta a informé le ministre de la Justice de cette province du fait qu'elle serait forcée à réduire ou à éliminer certains services en 2014 pour ne garder que les fonctions de base réalisées en fonction d'une norme minimale en raison du nombre inadéquat de juges pour cette cour.
[Traduction]
Les délais déraisonnables, comme cela a été mentionné dans la première partie de votre séance cet après-midi, portent atteinte au droit d'être jugé dans un délai raisonnable, droit qui est garanti par la Charte. Le résultat peut parfois sembler le même, au moins lorsque le procès a finalement lieu, mais une décision tardive a tendance à compromettre la qualité de la justice. La position d'une partie ou sa sécurité personnelle peut être compromise, et le préjudice qui en résulte est parfois irréparable. Les problèmes juridiques non résolus aggravent bien souvent les difficultés des plaideurs, ce qui entraîne des coûts individuels et sociaux importants. Un accès à la justice limité en raison d'un nombre de juges insuffisant entraîne des coûts très lourds non seulement pour les individus, mais également pour l'ensemble de la société.
L'année dernière, l'ABC a publié un rapport général sur la justice pour tous au Canada. En plus de fournir des cibles très générales ayant pour but de faciliter l'administration de la justice au quotidien et de réinventer la prestation des services juridiques, le rapport propose de transformer la justice officielle. La justice est toujours un bien public très cher pour tous les Canadiens. Les tribunaux et des juges impartiaux jouent un rôle essentiel dans notre système de justice publique et dans notre démocratie.
[Français]
Le système judiciaire canadien a été privé des ressources nécessaires pour garantir un règlement des litiges sans retard excessif. Les chiffres suivants illustrent parfaitement mon propos : les dépenses globales du gouvernement dans le domaine de la santé sont environ 40 fois supérieures à celles engagées au titre de la justice; les dépenses fédérales et provinciales dans les domaines de la santé et de l'éducation sont généralement stables ou augmentent légèrement ces jours-ci, alors que celles consacrées à la justice ne changent pas, voire diminuent au fil des ans.
[Traduction]
L'ABC estime que les tribunaux devraient faire l'objet d'un recentrage au sein du système judiciaire et qu'il faudrait prévoir des ressources permettant d'offrir un service public de règlement des litiges associé à des mécanismes efficaces de tri et d'aiguillage. Nous espérons que tous les gouvernements et tous les intéressés, y compris l'ABC, vont travailler de concert pour atteindre cet objectif. C'est pourquoi nous invitons le comité à appuyer les modifications à la Loi sur les juges que propose le projet de loi C-31.
Après ces commentaires, monsieur le président, je serai heureux de répondre aux questions des membres du comité.
Le sénateur Baker : Je remercie les témoins et je les remercie pour l'exposé, excellent comme toujours, qui a été présenté pour le compte de l'Association du Barreau canadien.
Je suppose que ma principale préoccupation — et je suis sûr que c'est celle de la plupart des sénateurs qui sont ici — est que, comme le ministre des Finances l'a signalé lorsqu'il a présenté ces articles dans le discours du budget, il faut que des mesures soient prises pour empêcher l'accusé d'être libéré pour la seule raison qu'il a attendu trop longtemps pour subir son procès ou qu'il a fallu qu'il attende trop longtemps pour que celui-ci démarre.
Comme vous le dites, tout cela vient de l'alinéa 11b) de la Charte. La jurisprudence comprend un arrêt que vous connaissez bien, l'arrêt Askov, et les demandes Askov. La Cour suprême du Canada a précisé la procédure et les délais dans un arrêt appelé Morin. Il a été précisé dans cette affaire qu'entre le plaidoyer et le procès devant une cour provinciale, il devait s'écouler au maximum de 8 à 10 mois et 7 à 8 mois de plus pour un procès devant la cour supérieure, et le reste. Il y a une formule qui a été élaborée pour toutes les cours supérieures du pays et sur laquelle toutes les cours d'appel se sont prononcées; c'est elle qui est utilisée comme formule standard. Le juge est tenu d'examiner le délai, de déterminer si le délai est dû à la défense, à la Couronne ou à la police. Cependant, il s'agit le plus souvent ces derniers temps de délais systémiques et institutionnels qui entraînent le rejet des accusations contre une personne contre laquelle nous détenons toutes les preuves indiquant qu'elle a commis un acte criminel, notamment dans les affaires d'agression sexuelle, de drogue, de voies de fait ayant défiguré la victime, et le reste.
Vous avez déclaré qu'au-delà de cette demande de juges supplémentaires, nous pouvons prendre au Canada d'autres mesures pour empêcher ce genre de délai. Pourriez-vous préciser ce à quoi vous avez pensé et ce que l'Association du Barreau canadien recommande? Je crois savoir que vous avez récemment publié un document très important décrivant ces mesures.
M. Headon : Effectivement, c'est ce que nous avons fait. Nous pouvons remettre des exemplaires du rapport au comité. Il se présente sous deux formes : un rapport très gros et très long, celui que vous avez mentionné, et une forme résumée qui est plus facilement exploitable. Je vous recommande les deux versions parce que nous avons passé pas mal de temps à réfléchir à cette question et à chercher des solutions pratiques qui aideront nos tribunaux à rendre la justice plus rapidement.
Nous sommes profondément convaincus que les tribunaux doivent jouer un rôle central dans les litiges qui sont essentiellement des litiges juridiques. Par contre, si les tribunaux ne sont pas en mesure de régler le litige, il faut alors remarquer deux choses : premièrement, ils doivent être en mesure de fournir une solution holistique. Des gens nous ont dit, au cours des consultations à ce sujet : « Mais je me suis adressé aux tribunaux et ils n'ont pas réussi à résoudre le problème. » Ils sont perplexes; leur vie n'a pas vraiment changé. Nous devons travailler avec les autres organismes intéressés avec lesquels ils sont en contact pour leur donner l'appui et les solutions qu'ils souhaitent obtenir.
Nous devons également répondre au fait que, dans notre société, le rythme de la vie s'accélère. Tous les aspects de la vie des citoyens s'accélèrent. Même les lignes directrices que vous avez mentionnées dans votre question sur le déroulement d'une instance pénale sembleraient sans doute un peu laxistes à la plupart de nos citoyens d'aujourd'hui. Ils peuvent comprendre qu'il y a des aspects humains, imprévisibles et difficiles à régler lorsque l'on parle de tribunaux et de justice. Parallèlement, ils se disent : « Pourquoi ne pouvons-nous trouver des façons d'amener les tribunaux à rendre la justice plus efficacement et plus rapidement. »
Les cas extrêmes que vous avez signalés nous troublent tous parce que, dans un contexte pénal, ils peuvent avoir pour résultat qu'aucun procès ne sera tenu. Il existe un principe dans notre système de justice pénale selon lequel les gens ne devraient pas attendre trop longtemps et il y a des raisons pour cela. Il s'agit de concilier plusieurs choses, mais il demeure que la situation est très troublante pour toutes les personnes concernées.
Dans notre rapport intitulé Atteindre l'égalité devant la justice : une invitation à l'imagination et à l'action, le « recentrage » est le terme que nous avons utilisé : il faut recentrer la place des tribunaux au sein de la société. Nous voulons imaginer des façons d'aider le système judiciaire à fournir des services qui répondent mieux aux attentes des Canadiens.
À titre d'exemple, je pourrais parler de la nécessité de concevoir qu'il peut y avoir plusieurs façons de traiter une affaire soumise aux tribunaux. De nos jours, toutes les affaires semblent se retrouver dans le même entonnoir, et suivre la même procédure, que ce soit du côté civil ou pénal.
Le sénateur Baker : Les règles de pratique.
M. Headon : Que se passerait-il si nous apportions un peu de diversité dans ces domaines? Que se passerait-il si la nature du litige influençait la façon dont il serait examiné par les tribunaux? Bien sûr, il faut reconnaître et protéger ces garanties fondamentales, mais il faudrait aussi imaginer différentes façons de rendre la justice, de façons qui répondent aux besoins et aux attentes des intéressés.
Nous pourrions renforcer la gestion des cas, amener les parties à préciser davantage ce qui les oppose avant l'audience et à examiner les questions qui pourraient être résolues à l'avance, déployer des efforts supplémentaires en matière de médiation judiciaire en introduisant dans la discussion le juge qui apportera son autorité à cette discussion et lui demander de parler davantage avec les parties pour voir s'il n'y a pas des choses sur lesquelles elles peuvent s'entendre, sans être obligées de présenter des preuves, des arguments et des objections qui alourdissent le travail du tribunal.
On pourrait spécialiser davantage les tribunaux et simplifier la procédure; donner davantage de places aux autres organismes dans leur vie, un commentaire que j'ai fait il y a un instant. Est-ce que le système de santé, et en particulier, le système de santé mentale, pourrait jouer un plus grand rôle dans tout ceci? Nous savons que les problèmes juridiques ne naissent dans un néant; ils apparaissent à cause des autres choses qui se passent dans la vie des gens. Si nous ne faisons rien, ces problèmes s'aggravent. Nous savons, nous qui sommes du côté de la justice, que, lorsqu'ils s'aggravent, ils tendent à avoir des répercussions sur les autres aspects de la vie. Vous pouvez imaginer que lorsqu'une personne doit de l'argent, il peut arriver qu'elle perde sa maison et que nous soyons ensuite dans une situation où cette personne est sans logement. Ces choses peuvent s'accumuler. Travaillons avec les autres organismes et invitons-les à élaborer une solution holistique.
Le sénateur McIntyre : Dans la note de service de deux pages datée du 5 mai et dans votre exposé, vous avez parlé du rapport qu'a récemment publié l'ABC, l'égalité devant la justice, une étude approfondie de l'accès à la justice au Canada. La note de service poursuit en disant que vous êtes disposés à travailler avec tous les intéressés au sein du système de justice.
Est-ce que la définition d'« intéressés » comprend le juge en chef de la cour supérieure? J'espère que c'est le cas, et je vais vous dire pourquoi. À mon avis et avec l'expérience que j'ai acquise, pendant les 35 ans où j'ai travaillé comme avocat dans les salles d'audience du Nouveau-Brunswick, j'ai constaté que le juge en chef de la Cour supérieure jouait un rôle crucial. Il est comme un des piliers de cet immense édifice qu'est la justice.
Il joue un rôle important en établissant la charge judiciaire de chacun des tribunaux et dans les suivis, un aspect qui me paraît très important, avec les juges qui président les procès, pour veiller à ce que les juges à qui des dossiers ont été transmis tiennent des audiences de façon rapide et efficace; dans le cas contraire, cela entraîne des délais très importants dans la mise au rôle des affaires, cela crée un arriéré et il y a des affaires qui ne sont pas entendues dans un délai raisonnable.
Qu'en pensez-vous?
M. Headon : Nous serions ravis de travailler avec les juges en chef. Nous pensons qu'ils jouent un rôle central dans tout ceci. Nous avons été heureux de voir que la Cour suprême a chargé le juge Cromwell de mener une enquête qui porte sur l'égalité de l'accès à la justice. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec son comité et nous serions heureux de continuer à travailler avec les juges en chef, les avocats plaideurs, les administrateurs judiciaires. Je souscris à vos remarques au sujet du point de vue qu'ont les juges en chef sur le déroulement des instances, sur la façon dont elles aboutissent et aussi le rôle de leaders qu'ils peuvent jouer pour mettre en œuvre les solutions que nous pourrions envisager.
Pour ce qui est des points de vue, je vais insister sur un point de vue qui m'a paru très convaincant lorsque j'ai lu le rapport. Je n'ai pas fait partie de ce comité; j'ai eu le plaisir de le présenter à des gens lorsque nous nous sommes déplacés dans le pays. Mais le comité a parlé de l'importance d'utiliser des cibles et des données et d'être en mesure d'évaluer les progrès par rapport à ces cibles. J'ai mentionné cet aspect aux juges en chef parce que ce sont eux qui possèdent dans les palais de justice les données dont nous avons besoin.
À l'heure actuelle, nous ne collectons pas toujours toutes ces données. L'ABC estime que la collecte des données concernant les tribunaux et le système juridique en général est mal faite. C'est une chose dont nous soulignons la nécessité si nous voulons aplanir les obstacles à l'égalité devant la justice au Canada — nous devons avoir à notre disposition les données qui nous permettent d'expliquer d'où viennent les problèmes en des termes que les personnes avec qui nous travaillons parfois dans une instance comme celle-ci, par exemple, des personnes qui ne sont pas des avocats, puissent comprendre.
Il est important d'utiliser le langage dont se servent les entreprises, le gouvernement et la société, pour bien expliquer ce que nous essayons de faire. Les juges en chef joueront un rôle clé sur ce point.
Le sénateur McIntyre : Lorsqu'un dossier n'avance pas rapidement, vous ne pouvez pas appeler le juge pour lui dire ce qu'il doit faire, mais le juge en chef peut intervenir et demander au juge d'accélérer les choses. Malheureusement, j'ai constaté qu'il n'y avait pas ce respect dans certaines provinces.
La sénatrice Jaffer : Si je peux poursuivre sur ce que disait le sénateur McIntyre, le juge en chef a un rôle administratif qui consiste à surveiller le fonctionnement des tribunaux et à participer au choix des juges. Cela fait partie de leur rôle, n'est-ce pas?
M. Headon : Oui.
La sénatrice Jaffer : Vous parliez d'un système judiciaire efficace, et cela veut dire pour moi qu'il faut donner aux juges les moyens de faire leur travail, y compris des palais de justice.
Le travail des juges est devenu très complexe de nos jours et c'est sans doute la raison pour laquelle nous avons besoin de davantage de juges. Il y a tant de personnes qui se représentent elles-mêmes et l'Association du Barreau canadien a fait beaucoup au sujet de l'accès à la justice. Pouvez-vous nous parler du fait qu'une partie du problème vient de l'autoreprésentation et que celle-ci pose des problèmes aux Canadiens?
M. Headon : Bien volontiers. C'est un problème très grave. Il nous préoccupe tous parce qu'il a bien évidemment des conséquences sur l'administration des tribunaux. Il est cause de retards. Souvent, les plaideurs qui se représentent eux- mêmes ne connaissent pas les règles de la procédure judiciaire. Ils ne savent pas toujours comment procéder. Ils ne sont pas nécessairement au courant des règles d'administration de la preuve devant être appliquées devant le tribunal.
Nous sommes nombreux à avoir pu le constater. J'en ai bien sûr fait l'expérience au cours de ma carrière et je considère qu'il est tout à fait légitime, lorsqu'on a devant soi un plaideur qui se représente lui-même, de prendre son temps et de s'assurer que cette personne comprend bien ce qui se passe et est en mesure de défendre sa cause dans les meilleures conditions. Il faut que les procès soient justes pour tout le monde. Toutefois, cela prend du temps. Dans certains cas, cela prend beaucoup de temps, et c'est à ce niveau-là que se situe le problème, car cela ralentit le rythme de travail des tribunaux et risque de les encombrer en aggravant le problème des dossiers en souffrance auquel le projet de loi C-31 s'efforce aujourd'hui de remédier.
Il y a une autre conséquence, cependant, au niveau des avocats impliqués, lorsqu'une des parties en cause est représentée par des avocats et qu'il y a par ailleurs un plaideur qui se représente lui-même. C'est un fardeau de plus pour les parties. Cela entraîne un coût supplémentaire pour la partie adverse qui doit, par exemple, se présenter à plusieurs reprises lorsque les audiences se prolongent. La procédure peut aussi en être ralentie pour cette partie. Un certain nombre de conséquences découlent de cette situation. Nos différentes sections réparties dans tout le pays nous signalent un nombre effarant de procès portés devant nos tribunaux dans lesquels l'une des parties n'est pas représentée par un avocat. Bien souvent, l'opinion publique a tendance à penser, assez injustement, que ce sont les avocats qui sont cause d'une grande partie de ces retards. En réalité, c'est dû au nombre croissant de plaideurs qui se représentent eux- mêmes devant nos tribunaux. Les avocats connaissent les règles et savent accélérer la procédure. Si, par exemple, on donnait davantage la possibilité aux juges en chef d'accélérer l'administration de la justice et de faire avancer les dossiers, nous pourrions progresser dans ce domaine. Dans la pratique, les affaires ont davantage tendance à s'éterniser lorsque les avocats ne sont pas impliqués parce que le manque de connaissances contribue à tout embrouiller.
La sénatrice Jaffer : Le sénateur McIntyre nous a parlé des juges spécialisés. Je m'inquiète surtout au sujet des tribunaux de la famille, qui sont confrontés à des situations difficiles concernant la garde et devant lesquels des plaideurs se représentent eux-mêmes alors que l'aide juridique est très insuffisante. Aux termes du droit pénal, on s'intéresse en priorité aux personnes qui font l'objet d'accusations criminelles et il ne reste que des miettes pour le droit de la famille. Quelles sont les ressources laissées à la disposition des familles qui s'efforcent de résoudre leurs difficultés? C'est très préoccupant. Est-ce que l'Association du Barreau canadien se penche sur cette question et cherche à trouver des solutions? Je vous pose ces questions parce qu'on doit partir du principe que vous acceptez les propositions du ministre et que nous n'avons donc pas la possibilité d'entendre ce que vous avez à dire, en votre qualité de président, au sujet du droit de la famille.
M. Headon : Le droit de la famille pose des problèmes particulièrement complexes et pourra servir à illustrer ce que j'essayais de vous dire tout à l'heure concernant la nécessité d'une solution holistique. Lorsqu'une famille se désagrège, comme nous le voyons constamment, il y a de nombreuses conséquences. Elles sont bien souvent de nature très différente. Nous avons, au sein de l'Association du Barreau canadien, un certain nombre de membres qui s'efforcent de régler ces questions en collaborant dans le domaine du droit de la famille. Nous avons aussi appuyé résolument différentes provinces qui réclament en la matière un système judiciaire unifié. Les responsables nationaux ont bien entendu ce message clairement exprimé, entre autres, par la Nouvelle-Écosse, à laquelle j'ai rendu visite cette année et où j'ai eu le plaisir de rencontrer des membres du barreau et de la magistrature. C'est là une mesure que cette section, comme nous-mêmes, appuie très fortement.
L'aide juridique, toutefois, est un problème crucial, très certainement dans le domaine du droit de la famille, mais aussi de manière plus générale. Nous considérons que son financement est insuffisant depuis un certain temps. La plupart des ressources, nous l'avons nous aussi constaté, ont tendance à être affectées aux dossiers criminels, ce qui est bien entendu tout à fait justifié étant donné leur gravité, mais il nous reste beaucoup à faire parce que nous ne sommes pas encore en mesure d'offrir une représentation juridique à tous ceux qui en ont besoin.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Madame et monsieur, je vous remercie beaucoup pour votre présentation. Je suis relativement pessimiste au fait que les nominations de ces juges puissent apporter des solutions aux questions de retards. Je donne à titre d'exemple le système de la santé où on a investi des milliards et où les retards dans les urgences n'ont jamais été aussi longs. Il y a quelque chose de vicié dans le système de justice qui fait qu'il s'est gorgé d'une lourdeur. En tout cas, je regarde du côté des victimes. Je constatais les délais au Québec pour traiter un cas d'agression sexuelle; les délais entre le moment du dépôt de la plainte et le procès sont de cinq ans; le délai dans les cas d'alcool au volant est de quatre ans; les délais dans les cas de meurtre, de trois ans.
Souvent, en examinant les raisons pour lesquelles il y a eu des retards, dans la majorité des cas, c'est la défense qui demande des reports. Je connais le cas d'une dame qui a été violée, et 39 fois la défense a demandé un report, 39 fois! Je me dis que, oui, les criminels sont très bien protégés par la Charte des droits et libertés, et souvent les délais les favorisent. Ces délais les favorisent de deux façons : souvent, le temps de détention dans l'attente d'un rapport présentenciel est compté en double, en triple, on l'a vu. Souvent, les délais déraisonnables font en sorte qu'on aboutit à une décision comme celle du juge Brunton, qui va libérer des gens; 31 membres des Hells Angels libérés d'accusation de meurtre.
J'aimerais que vous m'expliquiez comment l'addition de quatre juges au Québec va favoriser les victimes de façon à ce qu'elles puissent avoir des procès dans des délais raisonnables?
On libère des criminels en fonction de délais raisonnables mais on n'examine pas le côté raisonnable des victimes. Comment peut-on arriver à dire que cela va régler certains problèmes alors qu'il y a un manque de discipline évident au criminel, si on compare la situation avec celle des cours civiles où il y a plus de discipline dans le respect des délais. Au criminel, c'est comme si cela faisait partie du jeu d'étirer les délais.
M. Headon : En ce qui concerne la question précise à savoir que peuvent faire deux ou quatre juges de plus, je pense que chaque juge supplémentaire constitue un pas dans la bonne direction. Ce n'est pas suffisant, je suis d'accord, mais il est évident que la charge de ces juges — les juges actuels du Québec et de l'Alberta — excède la capacité des juges qui font déjà partie des cours supérieures de ces deux provinces. Pour alléger le fardeau, il faut plus de juges. C'est un pas dans la bonne direction, et il faut, au début, indiquer que c'est comme cela qu'on perçoit la situation.
On aurait préféré que les quatre ou sept juges demandés par les provinces soient nommés. Toutefois, nous croyons qu'il faut appuyer les mesures proposées par le gouvernement pour nommer au moins les deux ou les quatre juges qui sont proposés. Ce n'est pas suffisant. Je crois qu'on pourrait faire davantage quant au nombre de juges; cependant, on peut peut-être tirer une leçon du système médical et s'interroger sur ce qu'on pourrait faire pour modifier la façon dont les cours fonctionnent pour qu'elles soient plus efficaces, pour que les auditions aient lieu dans un délai plus court et pour qu'on puisse avoir le sentiment que justice a été rendue de façon plus efficace.
Le sénateur Boisvenu : Par exemple, est-ce qu'on ne devrait pas accompagner la nomination des juges de critères, qui seraient imposés à la défense et à la Couronne — mais souvent à la défense —, liés au nombre raisonnable de remises de causes?
J'ai vu la semaine dernière un cas d'alcool au volant, dont la cause avait été remise 19 fois et dont le récidiviste avait récidivé une vingtaine de fois. C'est pour cela que je dis que je suis relativement pessimiste de mettre 4 juges sur 144. J'ai peur qu'on vienne noyer ces nominations dans un système qu'il faut repenser, qu'il faut revoir, pour faire en sorte que l'administration de la justice soit efficace.
M. Headon : Je pense qu'en termes de codes de procédure, qui sont le fondement juridique par lequel les demandes de remises sont articulées, il s'agit d'une question qui vise plusieurs gouvernements. C'est une question qui prendra une réforme plus large que celle dont nous discutons aujourd'hui, mais c'est une réforme que l'on devrait envisager.
Je connais pas bien les cas spécifiques que vous avez cités. Je peux cependant imaginer que c'est peut-être une question de ressources. Si, par exemple, la Couronne n'a pas les moyens de faire sa part pour divulguer la preuve, cela peut retarder le procès, et la défense a le droit d'avoir accès à la preuve. Il pourrait y avoir plusieurs raisons, mais je ne suis pas en mesure de parler de tous les cas spécifiques que vous citez. Nous convenons qu'il faut un système qui réponde mieux aux attentes des victimes, des accusés et de la société en général.
Le sénateur Joyal : Bienvenue, madame Thomson et monsieur Headon.
Je dois vous dire candidement que je suis un peu étonné de votre réaction à l'égard de la décision du ministère de la Justice de couper en deux la demande du Québec et de l'Alberta.
Je crois, comme vous, que si le juge en chef d'une province arrive à la conclusion que, compte tenu de la gestion quotidienne dont il est responsable, il nécessite un certain nombre de juges additionnels, il faut une très grosse preuve pour arriver à la constatation que sa conclusion est erronée. Comme l'a dit le sénateur Boisvenu, le retard défavorise également les victimes qui veulent en finir, tourner la page et passer à autre chose. Cela fait partie du processus normal de guérison psychologique sur laquelle une personne qui doit faire face au système de justice, et qui n'est pas un professionnel de la justice, doit pouvoir compter.
Je trouve que votre commentaire est à la fois positif et négatif, dans un certain sens. Vous dites : « Merci beaucoup, c'est très bien, on va le prendre et passons à autre chose. » Je crois que, au contraire, il y a d'énormes questions par rapport au système auxquelles il faut répondre. Lorsqu'on remarque le nombre de gens qui se représentent eux-mêmes, je peux vous dire — et je vais parler de la corde dans la maison du pendu — que c'est, entre autres, parce que les frais d'avocats sont exorbitants. Je peux vous dire que faire face à une procédure judiciaire, pour des gens qui ne peuvent avoir recours à l'aide juridique parce qu'ils ont un revenu moyen, n'est pas à la portée de toutes les bourses.
Je sors personnellement d'une procédure à la Cour suprême dont j'ai dû personnellement assumer les frais, et je me suis demandé comment un individu moyen pouvait aller devant la Cour suprême s'il n'a pas des revenus qui sont au- dessus de la moyenne. Cela ne devrait pas exister. À ce moment-là, les gens décident de se représenter eux-mêmes s'ils veulent aller au bout du processus.
Je crois que les avocats ont aussi un examen de conscience à faire. Je m'excuse de vous le dire — je suis avocat moi- même, je suis membre du barreau —, mais cela fait partie du régime, et il ne faut pas avoir peur de le dire.
Cependant, je reviens au problème de base auquel nous sommes confrontés. Prenons l'exemple d'un juge d'une cour supérieure, comme celle du Québec, qui fait face à des mégaprocès à la suite d'enquêtes sur le crime organisé, et qui devra probablement faire face à de multiples procès lorsque la commission Charbonneau aura terminé ses audiences, qui devraient se terminer au cours de l'année.
Il est fort probable que ces procès — qui seront suivis à la lettre par des avocats professionnels payés à très gros salaires — vont accaparer des ressources qui, pendant ce temps-là, vont mettre de côté les causes qui sont peut-être moins urgentes et moins médiatisées.
Alors, il y a cette question dans le système actuel. Je serais porté à donner le bénéfice du doute aux demandes provenant du ministre de la Justice du Québec, qui fonde essentiellement ses Conclusions sur les rapports qu'il reçoit du juge en chef des cours supérieures du Québec, avant de leur dire : « On va prendre cela et on vous rappellera dans quelques années pour vous en demander plus. »
Là, je vous parle comme avocat. Je me sens mal à l'aise par rapport à la situation à laquelle nous sommes confrontés, et que vous semblez accepter comme si c'était business as usual.
M. Headon : Si c'est ainsi que cela a été perçu, je vous remercie de me donner l'occasion de rectifier le tir. On remercie pour les deux et les quatre juges, évidemment. C'est un pas dans la bonne direction, mais ce n'est qu'un pas. Il y a plusieurs autres pas qui doivent suivre, selon l'Association du Barreau canadien.
Nous ne connaissons pas non plus les critères utilisés par le ministère pour arriver à sa conclusion que deux et quatre juges étaient suffisants.
Toutefois, les représentants de nos membres ont eu l'occasion de débattre de la question lors d'une assemblée de notre conseil; notre conseil, c'est le regroupement des délégués qui adoptent la position officielle de l'Association du Barreau canadien. La résolution était claire selon laquelle nous demandions au gouvernement fédéral de nommer les quatre et les sept juges qui étaient demandés par les provinces. C'est notre position officielle. Cependant, face à un projet de loi qui nous offre deux et quatre juges, nous allons les accepter. Mais ce n'est certainement pas suffisant. On ne passe pas à autre chose, on va suivre le dossier de près. Nous pensons que l'analyse qui a été faite par le juge en chef et les provinces de l'Alberta et du Québec devrait être prise au sérieux par le gouvernement.
Je pense également qu'il y a d'autres choses qu'on pourrait faire. On a parlé de quelques solutions dans le cadre de la question posée par votre collègue, le sénateur Baker, et par la suite, également, avec d'autres. Mais l'élément de votre question qui touche à la responsabilité des avocats quant au problème des coûts liés au système judiciaire, c'est une question qu'on se pose également.
Nous avons présentement deux projets prioritaires qui procèdent en parallèle; le premier vise l'accès à la justice — dont j'ai déjà parlé —, mais les questions qui se posent dans le cadre de l'accès à la justice impliquent plusieurs parties, entre autres les avocats. Mais je suis très content, comme président, de pouvoir dire que les avocats se posent eux- mêmes ces questions.
Le deuxième projet prioritaire vise l'avenir de la profession juridique au Canada. Nous demandons aux avocats de réfléchir sur les attentes de leurs clients. On a fait la recherche sur ce à quoi s'attendent les clients. Ce ne sera pas une surprise pour personne dans la salle aujourd'hui d'apprendre que les clients aimeraient payer moins cher pour les services juridiques.
On encourage maintenant nos membres, à l'aide de recommandations qui seront déposées au mois d'août, lorsque notre réponse sera présentée au congrès annuel de l'Association du Barreau canadien, de penser aux solutions qui pourraient, à la fois, réduire les coûts des services juridiques au Canada et mieux répondre aux attentes quant à la forme que prennent ces services juridiques.
Nous avons entendu les clients dire qu'ils veulent jouer un rôle plus dynamique, par exemple. C'est une réflexion très vaste. Je pourrai vous en parler plus tard peut-être, parce que nous avons dépassé le temps de parole qui est accordé aujourd'hui, mais je peux vous assurer que nos membres sont conscients du rôle que jouent les coûts et que l'association va les aider à trouver les moyens pour les réduire.
[Traduction]
Le président : Excusez-moi, mais tout cela a pris beaucoup de temps. Puisqu'il est question de temps, le sénateur Dagenais est le prochain intervenant.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci, madame Thomson et monsieur Headon.
J'aimerais revenir sur les critères de nomination des juges à la Cour supérieure, et je vous en soumettrai quelques-uns sur lesquels j'aimerais avoir vos commentaires.
Je pense que, lorsqu'on nomme un juge à la Cour supérieure, on doit tenir compte de la composition démographique de la société dans laquelle il vit et de la diversité. Cela devrait être l'un des critères. Je pense aussi qu'il faut tenir compte de la race, du sexe, de la langue et même de l'âge.
J'ai siégé au comité de la nomination des juges pendant trois ans. Lorsque vous nommez un juge dans une partie du Québec, par exemple, vous devez tenir compte du fait que celui-ci peut avoir à juger des personnes de langue anglaise et de langue française; il doit donc être bilingue.
J'aimerais que vous nous parliez des critères que j'ai énumérés et que vous nous fassiez part d'autres critères que vous auriez à ajouter à la liste, en tant que président de l'Association du Barreau canadien.
M. Headon : La position de l'Association du Barreau canadien sur cette question, c'est que le profil démographique des juges au Canada devrait faire l'objet d'une réflexion de la société, de façon plus générale.
Le manque de diversité sur le banc à travers le pays nous inquiète déjà depuis un certain temps pour les motifs que vous avez exprimés — par exemple, la capacité de communiquer dans les deux langues —, mais également pour rassurer la population quant au fait que, effectivement, toutes les perspectives sont entendues et comprises. C'est un important geste de notre part qui vise la confiance que nos concitoyens ont envers le système judiciaire.
Par exemple, pour aider la situation, nous avons demandé d'augmenter la quantité des données disponibles pour faire ces analyses. Vous avez entendu les réponses des témoins qui m'ont précédé aujourd'hui selon lesquelles on dispose de très peu de données sur les juges nommés actuellement. On propose de suivre l'exemple de la Colombie- Britannique, qui demande et recueille maintenant toutes sortes de données sur les gens à l'étape de la demande pour devenir juge ainsi que sur les juges effectivement nommés.
À ce moment-là, on serait mieux placé pour faire état du progrès ou du recul, le cas échéant, de façon à pouvoir déterminer où se trouvent les blocages dans le système en ce qui a trait à la nomination d'un nombre de juges qui reflètent la diversité de la population en général.
[Traduction]
Le sénateur McInnis : Vous avez fait allusion au tribunal de la famille unifié en Nouvelle-Écosse et je vous recommande, la prochaine fois que vous parlerez à LouAnn Chiasson, de lui demander de pousser davantage à la roue — elle comprendra ce que je veux vous dire — parce que la situation est injuste.
Ce sont les provinces qui présentent les demandes et qui déterminent en grande partie les besoins en juges. Vous nous avez indiqué que les frais de santé et d'éducation ont augmenté de 40 p. 100. Aux yeux de l'opinion publique et d'un point de vue pratique et politique, je peux vous dire que la santé et l'éducation prennent largement le pas sur la justice. En Nouvelle-Écosse, par exemple, les crédits qui y sont consacrés représentent plus de 70 à 75 p. 100 du budget total.
Nous devons mieux soutenir la justice. Le public doit être davantage conscient de son importance. Ce n'est pas le cas et il reste beaucoup à faire en la matière. Voici ce que je propose ou ce que j'exige — il est possible que vous le fassiez régulièrement et il est indéniable que les associations locales du barreau le font parce qu'il y a généralement des rencontres organisées entre les juges, les représentants du barreau et le ministre de la Justice. Il faut faire davantage pression sur les juges pour corriger d'une certaine façon ce problème.
La lutte est très inégale, les budgets sont limités, mais il est important qu'on nous rappelle aujourd'hui l'existence de ces arriérés; la situation ne changera pas tant que l'on n'aura pas pris conscience des difficultés que rencontrent tous les jours nos tribunaux. C'est mon avis, mais vous pouvez commenter la chose.
M. Headon : Je vous remercie, sénateur. Certains travaux que nous avons effectués à cet égard sont susceptibles de vous encourager. Nous avons nous aussi constaté que les modalités de financement de la justice retenues par le passé par les pouvoirs publics ne donnaient plus vraiment satisfaction.
J'ai parfois répondu très longuement à certaines questions, mais lorsque vous considérez ces magnifiques bâtiments abritant nos anciens tribunaux, vous pouvez voir quelle était l'utilisation des fonds publics. Aujourd'hui, certains de nos tribunaux sont dans un état alarmant, et nous n'investissons pas comme nous le devrions dans la technologie.
Pour résoudre ce problème, il va falloir que tout le monde s'y mette. J'ai demandé à nos membres, lorsqu'ils rencontrent des gens comme vous, ou encore des députés, des membres des assemblées provinciales ou des représentants de l'administration, de parler la même langue que ces responsables, de communiquer l'information, de les familiariser avec les statistiques que nous avons recueillies — ainsi, les études qui montrent que dans les pays occidentaux, chaque fois que l'on consacre un dollar à la Justice, on économise six dollars au titre des autres postes de dépenses des finances publiques en raison de l'effet combiné de l'ensemble, et d'orienter la conversation, conformément à ce que réclame le rapport sur la justice, sur les moyens de retrouver un niveau de financement qui nous paraît nécessaire.
Je conclus simplement en vous disant que j'ai estimé que c'était 40 fois, ce qui nous ramène au chiffre que vous avez retenu; 40 fois plus de crédits consacrés à ces postes de dépenses qu'aux différents portefeuilles de la Justice.
La sénatrice Batters : Merci d'être venu aujourd'hui. Je voudrais aborder un certain nombre de questions déjà évoquées par mon collègue, le sénateur Joyal.
Tout d'abord, j'aimerais que vous nous donniez des précisions sur les demandes que nous ont présentées ces deux provinces, elles n'émanent pas des juges en chef des tribunaux mais des ministères de la Justice provinciaux; c'est bien ça?
M. Headon : Oui, c'est ce que j'ai compris.
La sénatrice Batters : Les affaires pénales que nous évoquons ici, et celles qui sont susceptibles de faire l'objet d'un non-lieu en raison de la longueur de l'attente du procès, sont portées devant les cours supérieures des provinces au sein desquelles les juges sont nommés par le fédéral, et non pas devant les autres tribunaux provinciaux qui sont saisis de la grande majorité des affaires pénales entendues par les provinces; ai-je raison?
M. Headon : Je pense que les retards se produisent dans les deux types de tribunaux.
La sénatrice Batters : Bien sûr, mais les juges dont nous parlons ici et qui contribuent aux efforts faits par le gouvernement du Canada pour apporter une solution, exercent simplement leurs activités au sein des cours supérieures des provinces, et nous n'avons rien à voir avec les tribunaux provinciaux qui sont saisis de la grande majorité des affaires pénales; c'est bien ça?
M. Headon : Oui, c'est bien ça.
La sénatrice Batters : Au sujet de l'encombrement des tribunaux dans les affaires pénales, et je me réfère au rapport exhaustif que vous avez publié, que je n'ai pas eu le temps de consulter, ce que je me propose cependant de faire, pouvez-vous nous indiquer quelles sont les mesures qui ont déjà été prises, indépendamment de la nomination de juges en plus grand nombre, pour abréger les délais judiciaires?
Je suis sûre que vous avez entendu parler, dans les différentes provinces qui y ont recours, de différentes innovations en matière de gestion des cas. Pouvez-vous nous décrire quelques-unes d'entre elles?
M. Headon : C'est peut-être bien en matière de gestion des cas que l'on innove depuis le plus longtemps. On s'efforce de plus en plus de recourir à la médiation. Les juges y prennent part plus volontiers et non plus seulement les médiateurs professionnels. Chacun a ses qualités, mais les juges s'impliquent progressivement davantage.
J'ai été intrigué par le fait que le juge en chef Rolland, de la Cour supérieure du Québec, a signalé que cela n'avait pas entraîné une diminution du nombre des affaires donnant lieu à un procès; il y a donc quelque chose qui fait que les juges s'impliquent, qu'on leur demande de le faire, sans toutefois que cela ait les effets souhaités.
La technologie devrait pouvoir nous aider. Si les parties étaient en mesure de communiquer plus facilement avec les tribunaux par Internet, si l'on pouvait s'informer plus rapidement grâce à la technologie, il y aurait moyen de trouver des solutions plus efficaces et plus rentables pour accélérer la procédure indépendamment du recours à un plus grand nombre de juges.
La sénatrice Batters : Je sais qu'en Saskatchewan, on fait appel aux vidéoconférences pour réduire les coûts et les délais de communication avec les régions éloignées du nord de la province.
[Français]
Le sénateur Rivest : Je voudrais intervenir, à la suite des questions posées par les sénateurs Joyal et Boisvenu au sujet des délais. Je suppose que l'Association du Barreau canadien s'y intéresse au-delà de la responsabilité propre des avocats. Il reste qu'il y a beaucoup d'éléments qui causent des retards et qui relèvent de l'administration même de la justice et des autres intervenants.
Étant donné que cela relève essentiellement des provinces, j'imagine que le rythme et les préoccupations varient d'une province à l'autre. Est-ce que vos sections provinciales mènent une action sur le terrain à cet égard? Ce serait ma première question.
Ma deuxième question porte sur le choix des juges. Ce sont les ministres ou le gouvernement qui les nomment, le barreau et diverses associations. Il y a des comités de sélection au Québec. Vous savez qu'on avait un système, et qu'il y a eu un problème avec une intervention, mais qu'il y a beaucoup d'autres critères. Est-ce que, d'une façon générale, le barreau est satisfait de l'encadrement ou des services que l'on donne au ministre qui s'apprête à faire une nomination, de façon à ce que, non seulement il puisse nommer un nombre suffisant de juges pour satisfaire aux besoins, mais que, deuxièmement, il puisse nommer la bonne personne?
M. Headon : Je vais commencer par votre deuxième question si vous me le permettez. Effectivement, il y a un processus et nous faisons souvent partie de ces comités. Comme dans tout processus, il y a moyen de s'améliorer. Par exemple, récemment, nous avons proposé qu'il y ait davantage de diversité au sein des comités qui examinent la question de la diversité à l'égard des juges qui sont nommés. Les gens qui évaluent les candidatures peuvent aussi avoir une plus grande diversité.
Je pense qu'il y a possiblement d'autres moyens d'aider à accroître la diversité sur le banc. Quant à votre première question concernant les délais...
Le sénateur Rivest : Vous pourriez faire des suggestions pour nommer les juges à la Cour suprême aussi.
M. Headon : On pourrait en parler peut-être une autre fois. Sur le terrain, sur la question des délais, effectivement, il y a plusieurs de nos membres qui y sont impliqués. À plusieurs niveaux, nous avons des sections de droit qui examinent les litiges au civil et au criminel. L'association a des représentants qui siègent au sein de divers comités avec les juges pour parler des problèmes vécus des deux côtés et pour trouver des solutions pour que le système fonctionne de façon plus efficace. Ils sont prêts, parfois, à tester des projets pilotes et autres.
Effectivement, nos membres sont impliqués tout en ayant une perspective très pratique sur les questions des délais sur le terrain.
[Traduction]
Le président : Trois sénateurs ont fait savoir qu'ils voulaient poser une question supplémentaire. Il ne nous reste que quelques minutes. Si les questions restent courtes et si l'on y répond rapidement, nous nous efforcerons de faire passer tout le monde.
Le sénateur Baker : Très rapidement, pour répondre à la sénatrice Batters, qui nous dit que ces retards sont causés avant tout par les tribunaux provinciaux, lorsqu'une personne est accusée d'un acte criminel, elle a le choix de passer devant un tribunal provincial, un juge seul de la Cour supérieure ou encore un juge de la Cour supérieure siégeant avec jury. Tous les appels des décisions prononcées par les tribunaux provinciaux sont entendus par la Cour supérieure, et sont portés ensuite devant la Cour d'appel. Parfois, on peut s'adresser directement à la Cour suprême du Canada. Voyez la jurisprudence — c'est ce que j'ai fait pour la Saskatchewan sur les six derniers mois — la Cour d'appel de la Saskatchewan a confirmé deux jugements ayant rejeté des accusations portant sur des actes criminels très graves, et je ne crois pas qu'on puisse dire par conséquent que les tribunaux provinciaux sont les premiers responsables. Je ne sais pas si vous souhaitez commenter la chose. Vous devez convenir avec moi qu'en droit civil, alors que vous avez une longue expérience du droit du travail, celui qui perd sa cause doit payer les dépens.
M. Headon : C'est généralement la règle, sénateur; toutefois, elle aussi a tendance à évoluer en raison de certaines réformes récentes visant à supprimer les dépens.
La sénatrice Jaffer : Je crois savoir que vous avez 37 000 membres et que leur nombre a considérablement évolué. Beaucoup de femmes et de représentants des diverses communautés en font partie. Que comptez-vous faire pour apporter davantage de diversité chez les juges? Il est indéniable que cette diversité est moindre que chez vos membres.
M. Headon : Nous avons fait un certain nombre de choses au sein de l'association pour renforcer cette diversité et ce sera encore une priorité pour mon conseil d'administration lorsque nous nous réunirons en juin. Nous nous sommes par ailleurs dotés d'un certain nombre d'outils de fonctionnement qui doivent nous permettre d'aider les cabinets juridiques à accroître la diversité en leur sein ce qui, à mon avis, entraînera alors...
La sénatrice Jaffer : Non, je parle des juges.
M. Headon : On se dotera ainsi d'un réservoir de candidats qualifiés, expérimentés et prêts à assumer les fonctions de juge, progressant ainsi du bas jusqu'en haut de la hiérarchie. Au cours des années, nous avons par ailleurs demandé à un certain nombre de reprises que l'on apporte davantage de diversité chez les juges, organisant des campagnes pour sensibiliser l'opinion publique. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, en demandant davantage de diversité au sein du Comité consultatif de la magistrature fédérale, on espère que cette question sera mise à l'ordre du jour avec des statistiques à l'appui. Au niveau des cours provinciales de votre province la Colombie-Britannique, il semble que l'on ait obtenu de bons résultats en se dotant d'un réservoir de candidats d'origines plus diverses qui sont appelés ensuite à être juges.
Le sénateur Joyal : Sur cette même question, lors de votre assemblée annuelle qui a eu lieu à Saskatoon les 17 et 18 août 2003, vous avez adopté la résolution suivante : procéder à des nominations au sein des comités consultatifs de la magistrature fédérale en tenant compte de la diversité de la population canadienne; demander au commissaire à la magistrature fédérale de publier des statistiques annuelles au sujet de la répartition entre les femmes et les hommes ainsi que du nombre de candidats identifiés comme autochtones ou appartenant à des minorités ethniques, visibles ou autres; enfin, nommer les juges en tenant compte de la diversité de la population canadienne.
Afin de respecter les souhaits de vos membres et de tenir compte de la diversité qui caractérise actuellement le Barreau, quelles sont les mesures supplémentaires que compte prendre dans les mois à venir votre organisation sous votre présidence? Vous assistiez peut-être à l'assemblée de Saskatoon. Quelles sont les autres initiatives que vous comptez prendre dans les mois ou au cours de l'année à venir sous votre présidence pour faire en sorte que l'objectif que vous semblez partager soit bien atteint?
M. Headon : Au sujet des juges?
Le sénateur Joyal : Oui.
M. Headon : Cela reste la grande priorité de notre association. J'ai vu avec plaisir que les médias se sont intéressés à la question et nous en avons parlé dans les médias pour en souligner l'importance. En adoptant des résolutions comme celle que vous venez de citer — j'étais présent lors du débat et je l'ai résolument appuyée — nous avons attiré l'attention non seulement de nos membres sur la question, mais aussi, bien sûr, celle des ministres de la Justice de tout le pays. Nous ne manquerons pas en l'occurrence de nous appuyer sur ces résolutions lors de nos entretiens avec les autres intervenants. C'est une chose qui préoccupe particulièrement nos membres, qui leur tient à cœur. Même si je voulais m'en désintéresser, ce qui n'est évidemment pas le cas, ils ne m'en laisseraient pas le loisir.
Le président : Je remercie très chaleureusement les témoins — qui ont apporté une contribution très intéressante à nos délibérations. Nous vous remercions d'être venus aujourd'hui.
Sénateurs, nous allons lever la séance et reprendre demain avec l'examen du projet de loi C-394 concernant le recrutement des organisations criminelles. Nous entendrons le parrain de ce projet de loi et nous passerons ensuite à l'étude du projet de loi C-444 s'appliquant à une fausse représentation à titre d'agent de la paix. Nous nous sommes penchés sur cette question il y a quelque temps et nous procéderons demain à l'étude article par article. Nous espérons aussi avoir le temps d'étudier un certain nombre de questions diverses qui intéressent le comité. Je remercie tout le monde. La séance est levée.
(La séance est levée.)