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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 9 - Témoignages du 8 mai 2014


OTTAWA, le jeudi 8 mai 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel ont été renvoyés le projet de loi C-394, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale (recrutement : organisations criminelles), et le projet de loi C-444, Loi modifiant le Code criminel (fausse représentation à titre d'agent de la paix ou de fonctionnaire public), se réunit aujourd'hui à 10 h 30 pour en étudier la teneur et pour l'étude de l'ébauche d'un budget.

Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Nous allons procéder un peu différemment. À moins d'objections majeures, je vais inverser l'ordre du jour et commencer par l'étude du budget. Je fais cela parce que M. Gill, qui est le parrain du projet de loi C-394, participe à un vote qui doit se tenir incessamment à la Chambre des communes. Nous espérons qu'il pourra se joindre à nous vers 11 h ou 11 h 15 et que nous pourrons commencer l'étude de ce projet de loi à ce moment-là.

Avez-vous tous une copie du budget devant vous? Veuillez s'il vous plaît la sortir de votre documentation.

Le sénateur Plett : Je n'en ai pas.

Le président : Pouvez-vous vous assurer que le sénateur Plett ait sa copie? Je vais vous laisser une minute pour jeter un coup d'œil. Vous devriez en avoir une, mais si ce n'est pas le cas, nous vous en fournirons une.

Monsieur McIntyre, avez-vous besoin d'une copie?

Le sénateur McIntyre : Oui, s'il vous plaît.

Le président : Je vais demander à notre greffière de faire un survol du document — c'est une formalité — pour voir s'il y a eu des changements depuis ce que nous avons présenté.

Shaila Anwar, greffière du comité : Nous avons demandé des fonds pour l'accueil. Si nous recevons des délégations, nous devons avoir des sous pour être en mesure de commander du café, des jus, et cetera.

Nous avons aussi prévu des fonds pour l'achat de copies du Code criminel. J'ai envoyé un courriel à tous les membres à ce sujet, en mars. Nous avons eu un problème avec le fournisseur; il n'a pas été en mesure de nous fournir le nombre de copies qu'il nous fallait. Malheureusement, l'exercice financier a pris fin, alors nous demandons des fonds additionnels pour acheter des copies du Code criminel à tout le monde. J'ai prévu une somme suffisante pour qu'il nous en reste un peu au cas où de nouveaux membres se joindraient à nous en septembre.

Les charges diverses sont pour des dépenses diverses et les coûts de messagerie, au cas où nous aurions des choses à poster aux témoins, ce qui arrive de temps à autre.

Le président : Avez-vous des questions ou des observations à formuler?

La sénatrice Jaffer : Je propose l'adoption du budget.

Le président : La sénatrice Jaffer propose que nous adoptions le budget tel que présenté.

Plaît-il aux sénateurs d'adopter le budget?

Des voix : D'accord.

Le président : Le budget est adopté.

Passons maintenant au projet de loi C-444, Loi modifiant le Code criminel (fausse représentation à titre d'agent de la paix ou de fonctionnaire public).

Plaît-il au comité de procéder à l'étude article par article du projet de loi C-444, Loi modifiant le Code criminel (fausse représentation à titre d'agent de la paix ou de fonctionnaire public)?

Des voix : Oui.

Le président : D'accord.

L'étude du titre est-elle reportée?

Des voix : Oui.

Le président : D'accord.

L'article 1 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : D'accord.

Le titre est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

Quelqu'un souhaite-t-il joindre des observations à ce projet de loi? Comme il n'y en a pas, vous plaît-il que je fasse rapport du projet de loi au Sénat?

Des voix : Oui.

Le président : D'accord.

Nous avons été efficaces. Je propose que nous suspendions la séance...

La sénatrice Jaffer : Avant que vous suspendiez la séance, pouvons-nous aussi discuter du point « travaux futurs » qui est à l'ordre du jour?

Le président : Y a-t-il quelque chose de particulier que vous souhaitiez...

La sénatrice Jaffer : Oui, si vous me le permettez?

Le président : Je vous en prie.

La sénatrice Jaffer : Je vous ai parlé privément de l'étude sur la santé mentale d'un point de vue juridique. Sachant que notre horaire est chargé, pourrais-je demander au comité et au comité directeur d'envisager, comme le font d'autres comités, la mise sur pied d'un sous-comité qui pourrait se réunir à d'autres heures pour examiner cette question? Si nous ne procédons pas de la sorte, nous n'arriverons jamais à réaliser cette étude, car notre ordre du jour est toujours très chargé.

Le président : À moins que vous pressentiez qu'un autre comité pourrait traiter la question de façon appropriée... Avez-vous envisagé cette possibilité?

La sénatrice Jaffer : Comme vous le savez, la question a fait l'objet d'une étude exhaustive au Comité des affaires sociales, avec, entre autres, le sénateur Kirby et la sénatrice LeBreton. Après notre visite, nous envisagions la question d'un point de vue plus restreint. Alors, puis-je demander au comité directeur d'envisager la possibilité de créer un sous- comité?

Le président : Oui. Bien sûr. C'est ce que nous ferons.

La sénatrice Batters : Je veux aussi souligner que la déclaration du sénateur David Wells, hier, au Sous-comité des anciens combattants, concerne aussi les problèmes de santé mentale, l'état de stress post-traumatique et ce genre de choses.

La sénatrice Jaffer : Je remplaçais quelqu'un à ce comité, hier. L'objet particulier de ses travaux vise les anciens combattants et l'état de stress post-traumatique, ce qui est un peu différent du point de vue que nous préconiserions dans le cadre d'une étude plus vaste. J'étais là, hier, quand les membres du comité ont eu leurs échanges, alors j'ai une petite idée de quoi il retourne et, effectivement, les discussions ont surtout porté sur les anciens combattants et l'état de stress post-traumatique.

Le président : En gros, ce que vous aimeriez davantage examiner, ce sont les conséquences par rapport au système de justice, n'est-ce pas?

La sénatrice Jaffer : Je ne veux pas en dire trop. Je n'ai assisté qu'à cette réunion, mais il y aurait peut-être lieu d'évaluer nos ressources et d'autres choses de ce genre. Nous étudierions la question d'un point de vue juridique.

Je sais que notre programme est très chargé, mais c'est une question qui revient sans cesse dans nos travaux.

Le président : Je vous remercie d'avoir soulevé cette question.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Sénatrice Jaffer, est-ce que votre intervention au sujet de la santé mentale toucherait particulièrement la santé mentale par rapport au système carcéral?

La sénatrice Jaffer : Oui, absolument. C'est mon point. Merci pour votre aide. Je suis d'accord avec vous.

[Traduction]

Le président : Y a-t-il autre chose? Nous allons suspendre la séance un moment et nous reprendrons à 11 heures. Avec un peu de chance, le député ou les fonctionnaires du ministère de la Justice seront là, et nous pourrons commencer notre travail avec eux.

(La séance est suspendue.)


(La séance reprend.)

Le président : Soyez les bienvenus chers collègues, distingués invités et membres du public qui assistez aujourd'hui aux travaux du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Nous sommes réunis aujourd'hui pour commencer notre étude du projet de loi C-394, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale (recrutement : organisations criminelles). Ce projet de loi modifie le Code criminel afin d'ériger en infraction le fait de recruter une personne pour faire partie d'une organisation criminelle, de l'inviter, l'encourager ou la contraindre à en faire partie ou de la solliciter à cette fin. Il prévoit une peine pour cette infraction de même qu'une peine plus sévère pour le recrutement de personnes âgées de moins de 18 ans.

Pour présenter ce projet de loi au comité, j'ai le plaisir d'en accueillir le parrain, M. Parm Gill, député de BramptonÐSpringdale. Monsieur Gill, vous avez la parole.

Parm Gill, député de BramptonSpringdale, parrain du projet de loi : Tout d'abord, permettez-moi de vous offrir mes excuses pour ce retard. Il y avait des votes à la Chambre et, de toute évidence, je n'ai aucun contrôle là-dessus, et je crois qu'il va y en avoir d'autres. La sonnerie doit retentir à 11 h 20. Je tiens aussi à m'excuser d'avance pour l'interruption qui s'en suivra.

Je veux remercier tous mes distingués collègues de me donner la chance de venir présenter ce très important projet de loi au comité.

Je veux commencer mon exposé en mettant en relief certaines des applications pratiques du projet de loi. Je poursuivrai avec la présentation de certaines recherches appuyant la démarche avant de conclure sur des arguments personnels qui expliquent pourquoi j'estime que cette mesure législative est nécessaire.

Ce projet de loi cherche d'abord et avant tout à protéger nos jeunes et nos collectivités en rendant criminel le recrutement mené par les gangs. Deuxièmement, il veille à ce que les forces de l'ordre et nos systèmes de justice — et notamment les procureurs — aient les outils voulus pour s'attaquer aux problèmes associés aux gangs et, en particulier, au problème du recrutement qui touchent certaines collectivités d'un peu partout au pays.

Chacun de nous et tous les Canadiens s'entendent pour dire que c'est la jeunesse qui définira la trajectoire que prendra notre pays, et que la définition même de cette trajectoire dépend des perspectives qui lui seront offertes. Les jeunes Canadiens d'aujourd'hui sont quelque peu vulnérables, et je crois que tous mes distingués collègues ici présents s'entendront pour dire qu'il faut les aider à se prémunir contre cette vulnérabilité.

Aux termes de cette nouvelle modification, quiconque invite ou encourage une personne à faire partie d'une organisation criminelle — ou la sollicite à cette fin — dans le but d'accroître la capacité de celle-ci est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans. Qui plus est, le projet de loi prévoit une peine minimale obligatoire de six mois d'emprisonnement quand la personne recrutée, sollicitée ou invitée est âgée de moins de 18 ans. Ces modifications permettront à notre système de justice de traiter de façon appropriée avec ceux qui font du recrutement et de les rendre responsables de leurs actions.

J'aimerais maintenant présenter certaines recherches qui ont aidé à justifier l'élaboration de ce projet de loi.

En 2008, une publication de la GRC rapportait que les tactiques de recrutement des gangs de rue au Canada devenaient de plus en plus agressives. Dans une tendance on ne peut plus troublante, certaines de ces organisations ont commencé à cibler des jeunes de 12 ans, voire de 8 ans.

Il y a plusieurs raisons qui expliquent l'acharnement de ces gangs impitoyables sur nos jeunes. Les gangs savent qu'un jeune de cet âge ne peut être accusé formellement d'une infraction criminelle. Elles savent aussi que nos jeunes peuvent facilement être incités à prendre part à toutes sortes d'activités criminelles. Nos concitoyens les plus candides et les plus vulnérables sont manipulés parfois sous l'effet de la contrainte et même de la force à adhérer à un style de vie auquel nul Canadien ne devrait être contraint.

En 2006, le Service canadien du renseignement estimait à environ 11 000 le nombre de membres de gangs de rue qui n'avaient pas 30 ans. Le rapport s'accompagnait d'une mise en garde affirmant que ce nombre allait augmenter rapidement au cours des années subséquentes.

Dans la région de Peel, où ma famille et moi avons vécu, le nombre de gangs a explosé au cours des quelques dernières années. À titre d'exemple, dans notre voisinage, les gangs de rue sont passés de 39, en 2003, à plus de 110 maintenant. Cela signifie que les gangs visent de plus en plus les jeunes et que leurs méthodes sont de plus en plus violentes.

En 2002, une enquête policière sur les gangs de jeunes au Canada a été menée à la demande du ministère du Solliciteur général. C'était la première enquête de ce type au pays. Cette étude marquante a permis de dégager certaines statistiques surprenantes dont j'aimerais vous faire part.

Des 264 services de police canadiens qui ont été sondés, 57 p. 100 estimaient que le problème des gangs de jeunes s'aggravait. Ce qui est encore plus préoccupant, c'est que 44 p. 100 des services interrogés affirmaient que les membres des gangs de jeunes avaient noué des liens avec des groupes de plus grande envergure du crime organisé.

Ces chiffres montrent qu'il est important de reconnaître l'existence de ce problème au Canada et de faire tout ce que nous pouvons en tant que parlementaires pour aider les organismes d'application de la loi à assurer la sécurité dans nos collectivités et pour nos jeunes.

Lorsque j'ai commencé à élaborer ce projet de loi, j'ai pris le temps de me rendre aux quatre coins de notre grand pays pour consulter de nombreux intervenants de ministères et d'organismes œuvrant auprès des jeunes qui font partie de gangs. Au fil de ces consultations, j'ai pu prendre connaissance de la dure réalité à laquelle ces jeunes doivent faire face au jour le jour. La grande majorité de ceux que j'ai rencontrés m'ont dit qu'ils quitteraient volontiers le gang s'ils trouvaient un moyen légitime de refaire leur vie et qu'ils n'auraient jamais choisi ce style de vie s'ils avaient pu faire autrement.

Un de ces jeunes m'a dit qu'il frayait avec les gangs depuis plus de sept ans, et il n'avait que 19 ans. Au lieu de l'école, des amis, de la famille et des sports, il employait ses jours à voler les fournisseurs de drogues, à attaquer les membres de gangs rivaux et à vendre de la drogue dans les rues.

Ce jeune était très efficace au sein de son organisation criminelle parce que c'était la seule vie qu'il connaissait. Je ne peux m'empêcher de penser que la rigueur dont il faisait preuve lui aurait assurément permis de mener une vie honnête extrêmement réussie. Si cette mesure législative avait été en place au moment où ce jeune a été recruté, ses recruteurs auraient peut-être été dissuadés d'agir ainsi et sa vie aurait peut-être pris une orientation plus prometteuse.

Durant mes consultations, j'ai rencontré le président-directeur général de l'organisme Clubs Garçons et Filles de Winnipeg. Cet homme m'a raconté une histoire qui, je le crois, démontre bien pourquoi ces mesures sont nécessaires.

Pour ceux qui l'ignorent, Clubs Garçons et Filles est un organisme pancanadien qui travaille avec les jeunes en difficulté des régions urbaines. La nature même du travail de cet organisme l'amène souvent à entrer en contact avec des jeunes qui font partie de gangs.

Le PDG m'a dit que des membres d'un gang attendaient dans le stationnement situé directement en dessous des locaux de l'un de leurs clubs du centre-ville dans le seul but de lier la conversation avec les jeunes qui sortaient de l'immeuble et de les recruter pour leur gang.

Ce n'est qu'un petit exemple des tactiques utilisées pour cibler nos jeunes, et nous devons fournir tous les outils possibles à nos organismes d'application de la loi et à nos tribunaux pour assurer que nos jeunes soient protégés et que ces personnes qui tentent de les recruter soient tenues responsables de leurs actes.

Ce projet de loi a été lu pour la première fois à la Chambre des communes le 13 février 2012. Depuis cette date, il y a eu à l'échelle du pays un nombre incalculable d'incidents violents attribuables aux gangs. Que ce soit à Vancouver, Edmonton, Winnipeg, Toronto ou Montréal, les incidents de la plus extrême violence peuvent invariablement être attribués aux gangs.

Je presse le comité d'examiner les avantages que ce projet de loi procure pour l'amélioration de l'avenir et du bien- être de nos jeunes et de nos collectivités.

Je veux une fois de plus remercier le comité de m'avoir invité à faire cet exposé. Sachez du reste que je suis impatient de discuter de ce projet de loi avec vous et de répondre à toutes les questions que vous souhaiterez me poser.

Monsieur le président, j'aimerais aussi profiter de cette occasion pour remercier le sénateur Plett d'avoir parrainé ce projet de loi au Sénat et pour tout le soutien qu'il m'a apporté au fil des ans. Je tiens à souligner qu'il a toujours été là pour me donner des conseils et des suggestions quand j'en ai eu besoin, et notamment lors de la compilation des renseignements qui ont permis la mise au point de ce projet de loi. J'estime grandement son soutien ainsi que celui de tous les membres de ce comité.

Le président : Merci, monsieur Gill.

Le sénateur Baker : Nous souhaitons la bienvenue au comité à notre témoin et le félicitons de son travail dans le domaine. Je constate que le procureur général du Canada a aussi annoncé que le gouvernement appuie votre projet de loi et a publié un communiqué de presse à ce sujet.

Pour ceux d'entre nous qui siègent au comité et au Parlement depuis un certain temps, il faut tout d'abord préciser que vous n'utilisez pas le mot « gang » dans votre projet de loi, mais bien « organisation criminelle ». Le Code criminel traite abondamment des organisations criminelles, et il en va de même dans la jurisprudence.

J'ai seulement une question. Je vais citer la ministre qui a présenté l'alinéa 467.11(2)b) du Code criminel devant notre comité le 21 novembre 2000. Je précise qu'une « infraction grave » en vertu des définitions de l'article 2 du Code criminel se définit ainsi : « Aux articles 467.11 à 467.13, le fait de commettre une infraction comprend le fait de participer à sa perpétration ou de conseiller à une personne d'y participer ».

Dans l'arrêt R. c. Beauchamps, 2009, Carswell, Ontario, 4197, le juge Smith de la Cour de l'Ontario a dit au paragraphe 18 :

Lorsque la ministre de la Justice, Anne McLellan, a comparu devant le comité sénatorial permanent le 21 novembre 2000, elle a donné une gamme d'exemples de types d'activités criminelles que font les organisations criminelles que vise la mesure législative.

Ensuite, au paragraphe 63, on peut lire :

La ministre de la Justice, Anne McLellan, a fait la déclaration suivante, ce qui indiquait que le gouvernement avait l'intention de criminaliser le comportement suivant : le fait de prendre part aux activités d'une organisation criminelle, même si cette participation ne constitue pas en soi une infraction, sera dorénavant considéré comme un crime, si cela a pour but d'aider l'organisation criminelle à commettre des actes criminels ou à en faciliter la perpétration.

La ministre de la Justice, Anne McLellan, a ensuite ajouté que ceux qui agissent à titre de recruteurs pour les organisations criminelles contribuent à l'atteinte de ces objectifs, lorsqu'ils font du recrutement pour l'exécution de crimes particuliers, mais aussi pour simplement accroître le capital humain dont dispose l'organisation.

Étant donné que la ministre a dit que le recrutement faisait partie de l'infraction, lorsqu'elle a présenté l'alinéa en question du Code criminel, et que la jurisprudence — ce n'est pas dans tous les cas, mais dans certains — montre qu'on a eu recours à cet alinéa pour intenter des poursuites contre ceux qui font du recrutement, pourquoi croyez-vous que votre projet de loi est nécessaire? Je présume qu'on vous a déjà posé cette question.

M. Gill : Merci de votre question. Comme vous êtes à même de le comprendre, je ne peux pas me prononcer sur ce qu'a dit la ministre de l'époque lorsqu'elle a présenté le projet de loi en question. Par contre, je peux vous assurer que, dans le cadre de mon processus, j'ai notamment consulté le ministre responsable à l'époque, son personnel et le ministère de la Justice.

Le Code criminel ne traite pas actuellement du recrutement. J'en ai été assuré par le personnel du ministre ou le ministère de la Justice, ainsi que les services juridiques de la Chambre des communes qui m'ont en fait aidé à rédiger le projet de loi. J'ai consulté de nombreux autres personnes, intervenants et organismes d'application de la loi. Aucun d'entre eux ne croit que l'article auquel vous faites référence, sénateur, couvre le recrutement.

Mon projet de loi permettra aux organismes d'application de la loi et aux tribunaux d'intenter des poursuites contre ceux qui recrutent des Canadiens dans des organisations criminelles. Évidemment, en ma qualité de père de trois jeunes enfants et d'oncle de plusieurs neveux et nièces, je suis extrêmement inquiet de la manière dont les gangs envahissent nos collectivités et ciblent nos jeunes.

J'ai notamment inclus une peine minimale obligatoire de six mois pour ceux qui recrutent des jeunes de moins de 18 ans pour envoyer un message très fort et très clair aux criminels qui ciblent nos jeunes, à savoir que, s'ils posent de tels gestes, ils devront répondre de leurs actes.

Le sénateur Plett : Merci, monsieur Gill, d'être présent et d'avoir pris l'initiative de rédiger votre projet de loi. Je vous remercie de vos commentaires, et j'essaye bien entendu de vous soutenir.

Comme nous le savons tous, les peines minimales obligatoires existent depuis longtemps au Canada et sont imposées pour des crimes que la population trouve particulièrement odieux et répréhensibles. Je suis tout à fait d'accord avec vous que le recrutement d'enfants dans une organisation criminelle est particulièrement odieux et répréhensible, parce que cela signifie souvent leur arrêt de mort.

Vous et moi avons rencontré, en grande partie, les mêmes personnes au pays au sujet du présent projet de loi, y compris des policiers. J'en ai discuté à Toronto et à Winnipeg, et vous avez visité Winnipeg et Toronto, évidemment.

À de nombreuses reprises, l'Association des policiers de Winnipeg s'est dite évidemment très favorable à votre projet de loi. Le problème des gangs est un grave problème dans notre ville, en particulier le recrutement d'enfants pour perpétrer des crimes odieux; Winnipeg a probablement le plus grand nombre de gangs au Canada par habitant. Les membres de gangs utilisent parfois des drogues pour rendre les enfants dépendants et les forcer à demeurer au sein des gangs en échange de la promesse de drogues ou d'argent pour s'en procurer.

Les policiers de Winnipeg et de Toronto ont reconnu que votre projet de loi est un outil très utile en vue de prévenir le recrutement dans des gangs et de donner les moyens aux jeunes de dénoncer ceux qui essayent de les recruter dans des gangs.

Pourriez-vous nous dire ce que vous avez l'impression que les forces de l'ordre au pays pensent de votre grand projet de loi?

M. Gill : Merci de votre question. Lors des consultations, j'ai bien entendu eu l'occasion de discuter avec divers organismes d'application de la loi et des services de police de notre grand pays — comme vous l'avez dit, à Winnipeg, à Vancouver, à Toronto et dans d'autres villes. J'ai reçu beaucoup de félicitations et de soutien, parce que les organismes d'application de la loi considèrent cela comme un problème.

Dans mon exposé, j'ai notamment donné l'exemple qu'on m'a raconté lorsque j'ai visité les Clubs Garçons et Filles de Winnipeg.

Voici un petit exemple pour vous démontrer l'ampleur du problème. Des membres d'organisations criminelles — ou de gangs, selon votre préférence — attendent à l'extérieur à quelques pieds de la porte d'entrée et ciblent les jeunes qui sortent de l'édifice. L'organisme et les policiers sont bien entendu au fait de cela, mais il n'y a pas d'outil ou de mécanisme dans notre Code criminel qui permet aux policiers de les arrêter pour leurs gestes. Ils ne peuvent rien faire, parce que ce n'est pas actuellement une infraction.

Le projet de loi donnera aux organismes d'application de la loi les outils nécessaires pour que ces personnes répondent de leurs actes. J'ai reçu beaucoup de soutien de la part des organismes d'application de la loi au pays, et je les en remercie énormément. J'espère vraiment que mon projet de loi sera rapidement adopté par le Sénat, recevra la sanction royale et deviendra loi.

Le sénateur Plett : En plus des organismes d'application de la loi, vous avez aussi rencontré de nombreux intervenants. Vous avez eu des rencontres partout au pays avec des électeurs et des Canadiens. Dans l'ensemble, qu'est- ce que les intervenants pensent du projet de loi? Dans vos déplacements au pays, avez-vous senti que la majorité des gens appuyaient le projet de loi?

M. Gill : Je n'ai pas rencontré un seul intervenant, électeur ou Canadien lors des consultations, ou depuis, qui n'appuie pas mon projet de loi.

Lors des consultations, j'ai envoyé un sondage à tous les ménages de ma circonscription pour avoir leurs opinions. Les résultats vont vous surprendre; environ 90 p. 100 de mes électeurs ont appuyé le projet de loi. Ils croient que c'est une mesure législative qu'il faut adopter pour protéger nos jeunes.

J'utilise aussi l'exemple de la région de Peel, où nous avions environ 39 gangs en 2003, selon les renseignements du service de police régional de Peel; or, nous en avons maintenant plus d'une centaine.

C'est un problème croissant. Il faut nous y attaquer de front, sans quoi la situation deviendra incontrôlable. Au final, le problème influe sur notre avenir, nos jeunes, nos quartiers et nos collectivités qui sont terrorisées par ces gangs. J'ai vraiment hâte que le projet de loi soit adopté.

La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup, monsieur Gill, de votre exposé. Je suis de Vancouver; c'est donc évidemment un problème avec lequel nous devons composer sur une base régulière.

Ma question va dans la même veine que celle du sénateur Baker. Je suis d'avis que le Code criminel couvre déjà l'infraction en question, mais vous y avez déjà répondu; je vais donc passer à une autre question.

Des peines minimales obligatoires ne sont pas imposées en ce qui concerne les trois autres éléments dans le Code criminel qui traitent du recrutement dans des gangs. Pourquoi pensez-vous que c'est vraiment important d'imposer des peines minimales obligatoires seulement pour les gens qui font du recrutement?

M. Gill : Voici pourquoi. Comme je l'ai dit, lors de l'élaboration du projet de loi, je me suis promené partout au pays et j'ai rencontré de nombreux intervenants : des personnes qui travaillent avec les jeunes en difficulté, des organismes, des conseils scolaires, des organismes d'application de la loi, des citoyens canadiens et bien entendu mes électeurs. Tout le monde convenait de la nécessité d'envoyer un message très clair aux criminels ou aux gangs, à savoir que s'ils posent de tels gestes il y aura de graves conséquences et qu'ils devront répondre de leurs actes.

Il faut envoyer un signal très clair. Voilà le message que j'en ai compris, et c'est notamment pourquoi j'ai inclus une peine minimale obligatoire de six mois pour ceux qui sont arrêtés et reconnus coupables d'avoir recruté une personne de moins de 18 ans, et la peine peut évidemment aller jusqu'à cinq ans; c'est laissé à la discrétion du juge.

La sénatrice Jaffer : Je comprends bien ce que vous dites au sujet des gangs de rue et des gangs de jeunes, et j'ai lu le projet de loi. J'ai peut-être mal vu, mais vous ne définissez pas « gang de rue » et « gang de jeunes ». De plus, il y a évidemment des adultes qui font du recrutement. Avez-vous décidé, à la suite de vos consultations, qu'il n'était pas nécessaire de les définir? Il n'est pas nécessaire d'avoir une définition, mais j'aimerais savoir si des gens vous ont conseillé de ne pas inclure de définitions dans le projet de loi.

M. Gill : Comme vous le savez, le Code criminel est très complexe. La définition d'une « organisation criminelle », comme vous le savez probablement, se trouve dans le Code criminel. Si nous voulions inclure des définitions, comme vous êtes à même de le comprendre, cela rendrait encore plus complexe le projet de loi.

Je tenais à m'assurer de traiter du problème du recrutement pour ce qui est au moins des organisations criminelles, au sens où on l'entend déjà dans le Code criminel. Je comprends que nous pouvons faire bien des choses pour améliorer notre Code criminel et le système.

Lorsque je présente un projet de loi d'initiative parlementaire, je dois également être conscient de mes limites. Je dois évaluer l'appui que je peux obtenir et les éléments que je peux présenter sans crainte à la Chambre, puis au Sénat en vue de faire adopter mon projet de loi.

Comme vous le savez, les projets de loi d'initiative parlementaire sont rarement adoptés. Ils deviennent rarement des lois. Je tenais à m'assurer de respecter mes limites. Je tenais à tirer le plus possible de l'occasion qui m'était offerte.

Mon personnel vient de m'avertir que le timbre se fait entendre. Je peux rester encore cinq minutes, mais je devrais ensuite prendre mes jambes à mon cou et retourner à la Chambre.

Le sénateur McIntyre : Merci, monsieur Gill, de votre exposé. J'ai examiné les articles 467.11, 467.12 et 467.13. Je suis d'accord avec vous que le Code criminel traite des organisations criminelles, mais il ne touche pas au recrutement. Par conséquent, la création d'une infraction distincte vise à préciser la loi.

En ce qui concerne les peines minimales et les peines cumulatives, corrigez-moi si j'ai tort, mais il me semble que cela ne s'applique pas aux jeunes contrevenants en vertu de l'article 50 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Il en va de même pour les enquêtes sur remise en liberté et les libérations conditionnelles, soit des éléments qui ont leurs propres règles lorsqu'il est question de jeunes contrevenants. Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que votre projet de loi est conforme aux autres dispositions, comme les articles 467.11, 467.12 et 467.13?

M. Gill : Oui. Comme vous le savez probablement et êtes à même de le comprendre, je ne suis pas avocat de profession. Par contre, j'ai pris soin de consulter le ministère de la Justice et les services juridiques de la Chambre des communes pour m'assurer que le projet de loi respecte les diverses dispositions et ne nuit pas ou ne contrevient pas à l'une d'entre elles. On m'a assuré que tout était en ordre. Je les crois donc sur parole.

Le sénateur McIntyre : Bref, l'article 50 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents traite des jeunes contrevenants.

M. Gill : Oui.

Le sénateur Joyal : J'aimerais d'abord commencer par ce qui semble être un détail, mais j'aimerais discuter avec vous de l'article 6 du projet de loi qui propose de modifier l'alinéa 196(5)a) de la loi. Avez-vous une copie de la loi avec vous?

M. Gill : Non.

Le sénateur Joyal : D'accord. Je crois qu'il y a peut-être un petit oubli. Le Code criminel contient le nouvel alinéa 196.1(5)a), qui a été ajouté en 2013. Selon moi, lorsque le projet de loi a été rédigé, l'autre projet de loi n'avait pas encore été adopté par le Parlement. Pour être cohérent avec l'alinéa 196(5)a), vous devriez aussi modifier l'alinéa 196.1(5)a) du Code criminel. Pourriez-vous vérifier le tout avec vos conseillers? Il faudrait faire un tel ajout pour que votre projet de loi soit cohérent. Cela semble peut-être un détail, mais cela ne modifie en rien l'objectif de votre projet de loi; au contraire, je crois que cela le renforce. Cependant, il faudrait faire cet ajout pour modifier de manière cohérente le Code criminel tel que nous l'avons modifié l'an dernier. C'est le premier point que je voulais vous signaler.

Le président : Monsieur Gill, je sais que certains sénateurs veulent vous poser des questions. J'espère que vous pourrez revenir la semaine prochaine ou avant que nous passions à l'étude article par article du projet de loi et ainsi permettre aux sénateurs de vous poser leurs questions.

M. Gill : J'en serai ravi, monsieur le président.

Le président : Nous communiquerons donc avec vous. Merci beaucoup.

M. Gill : Merci beaucoup. J'aimerais encore une fois prendre le temps de remercier tous mes collègues qui siègent au comité de leur excellent travail sur le projet de loi, en particulier le sénateur Plett, le parrain du projet de loi.

Le président : Chers collègues, j'aimerais discuter d'un autre élément avant de lever la séance. Le comité directeur a rédigé un projet de rapport sur notre étude préliminaire sur la Loi sur les juges. Je propose d'examiner le tout à huis clos. S'il n'y a pas de commentaires à ce sujet, le comité veut-il poursuivre la séance à huis clos pour discuter du projet de rapport?

Des voix : D'accord.

Le président : D'accord.

Le comité autorise-t-il le personnel à rester?

Des voix : D'accord.

Le président : Le comité veut-il garder une transcription, comme c'est normalement le cas?

Des voix : D'accord.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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