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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 13 - Témoignages du 11 juin 2014


OTTAWA, le mercredi 11 juin 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-489, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le système correctionnel et la mise liberté sous condition (conditions imposées aux délinquants), se réunit aujourd'hui, à 16 h 48, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je souhaite la bienvenue à mes collègues, à nos invités et aux membres du public qui suivent la séance d'aujourd'hui du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Nous tenons aujourd'hui notre première séance sur le projet de loi C-489, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (conditions imposées aux délinquants).

Ce projet de loi obligerait un tribunal à examiner la possibilité de rendre une ordonnance interdisant à certains délinquants de se trouver à moins d'une certaine distance de leurs victimes. En outre, il prévoit que l'autorité compétente, comme la Commission des libérations conditionnelles du Canada, pourra envisager d'imposer certaines conditions aux délinquants qui bénéficient d'une libération conditionnelle ou d'office ou d'une permission de sortir, afin de protéger leurs victimes. Enfin, le projet de loi interdirait à certains délinquants de communiquer avec leurs victimes ou d'aller dans certains lieux, comme condition obligatoire de leur probation ou ordonnance de sursis.

Veuillez souhaiter la bienvenue à Mark Warawa, député de Langley, en Colombie-Britannique, qui va présenter le projet de loi. Monsieur Warawa, nous allons commencer par votre déclaration préliminaire.

Mark Warawa, député de Langley, parrain du projet de loi : Merci, monsieur le président. J'ai 10 minutes, n'est-ce pas?

Le président : Oui.

M. Warawa : Je vous remercie de me permettre de témoigner aujourd'hui devant les honorables sénateurs du Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Je suis ici pour parler du projet de loi C-489, le projet de loi sur la sécurité au foyer. Je décrirai aussi les besoins qu'il cherche à combler et la manière d'y répondre.

J'ai présenté ce projet de loi au nom des électeurs de Langley, que je représente, et des milliers de jeunes victimes au pays qui vivent dans l'angoisse et dans la crainte de leur agresseur. Leur courage et leur volonté de défendre les droits des victimes et de protéger d'éventuelles victimes m'ont inspiré. L'objectif du projet de loi correspond parfaitement au souhait des Canadiens d'avoir des rues et des collectivités sûres et de tenir compte des droits des victimes.

Comme vous le savez sans doute, ce projet de loi a reçu un appui massif à la Chambre des communes. J'espère que les membres du comité l'appuieront eux aussi, et je vous demande de faire en sorte qu'il soit adopté rapidement.

Ce projet de loi est l'œuvre des victimes et de leur famille de la circonscription de Langley qui m'ont sensibilisé à ce problème. Une courageuse famille d'une victime nous a offert d'utiliser son histoire pour nous faire comprendre la gravité du problème et pour que le Parlement soit mieux en mesure d'adopter les modifications législatives nécessaires.

Un délinquant sexuel de Langley a purgé sa peine dans sa maison, qui était située en face du domicile de sa jeune victime. Celle-ci ne se sentait pas en sécurité dans sa propre maison ni dans son quartier, des lieux où elle aurait dû se sentir en parfaite sécurité. Chaque fois que les membres de la famille voyaient l'agresseur sexuel, ils se sentaient harcelés de nouveau. Ils vivaient dans l'angoisse, ne sachant pas s'il les épiait, attendant l'occasion de récidiver ou de s'en prendre à quelqu'un d'autre. La maison et le quartier qu'ils aimaient étaient devenus des endroits qu'ils redoutaient parce que leur agresseur sexuel habitait ce même quartier. Ne pouvant plus supporter le stress et les bouleversements que cela leur causait, ils ont été contraints de déménager dans un nouveau quartier.

La mère de la jeune fille, deux ans après l'agression sexuelle de sa fille, est venue me voir en larmes et m'a demandé : « Pourquoi devons-nous quitter notre maison alors que nous sommes les victimes? » C'est une bonne question. Tout le monde devrait avoir le droit de se sentir en sécurité dans sa propre maison, et les victimes d'agression sexuelle ne font pas exception.

Les victimes pensent qu'on les oublie et qu'on ne tient pas compte de leur sécurité et de leur bien-être quand on impose les peines. Voilà ce que le projet de loi C-489 veut régler.

Monsieur le président, ce qui est arrivé dans ma circonscription n'est pas un cas isolé. Les données de Statistique Canada sur les crimes déclarés par la police en 2012 indiquent qu'il y a eu près de 4 000 cas d'agression sexuelle contre les enfants. Ces données révèlent également que les enfants étaient cinq fois plus susceptibles de subir une agression sexuelle que les adultes. Cela est vrai pour tous les types d'agression sexuelle, et pour les autres infractions sexuelles. Les enfants font partie des plus vulnérables de la société, et nous devons militer pour la justice en leur nom. Malheureusement, dans les cas d'agression sexuelle, la sécurité d'un jeune enfant est souvent compromise par une personne de son entourage.

En 2011, Statistique Canada a révélé que 50 p. 100 des infractions sexuelles contre les enfants déclarées par la police avaient été commises par un ami ou une connaissance, et que 38 p. 100 l'avaient été par un membre de la famille. Ces données font ressortir le triste fait que près de 88 p. 100 des agressions sexuelles contre les enfants et les jeunes sont commises par une personne que la victime connaissait avant l'infraction. Dans ces cas, non seulement la victime subit des conséquences émotionnelles et physiques, mais elle se sent aussi trahie. On ne peut pas imaginer les bouleversements que vivent ces enfants et ces jeunes. Lorsqu'un agresseur se voit accorder une mise en liberté sous condition, la détention à domicile, dans le quartier de sa victime, il ne faut donc pas s'étonner que la victime et sa famille se sentent harcelées de nouveau chaque fois qu'elles le voient. Or, l'une des forces du projet de loi C-489, c'est qu'il exige que les tribunaux envisagent d'imposer des restrictions géographiques à l'agresseur.

Le problème avec notre système de justice, ce n'est pas que les tribunaux n'ont pas le pouvoir d'interdire à l'agresseur de communiquer avec les personnes concernées. Les lois actuelles accordent déjà aux tribunaux le pouvoir discrétionnaire d'imposer des conditions comme une ordonnance d'interdiction à l'auteur d'une agression sexuelle contre un enfant, une ordonnance de probation, une ordonnance de sursis, un engagement de ne pas troubler l'ordre public dans le cas de l'auteur d'une agression sexuelle contre un enfant. Ils peuvent aussi imposer des conditions dans le cadre d'une ordonnance de libération sous condition rendue conformément à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Même lorsqu'on impose de telles conditions interdisant de communiquer avec les personnes concernées, le problème de notre système de justice, c'est qu'il n'exige pas que les tribunaux envisagent de les imposer. De plus, dans bien des cas, les tribunaux ne sont pas tenus de justifier le fait qu'ils n'imposent pas ces conditions. Par conséquent, les conditions interdisant de communiquer avec les personnes concernées peuvent passer à travers les mailles du filet et les victimes se demandent alors pourquoi on ne tient pas compte de leur sécurité et de leur bien-être.

L'objet du projet de loi C-489 est clair : assurer le bien-être et la sécurité des victimes, de leur famille et des témoins, les protéger contre les condamnés et accroître la confiance des victimes envers le système de justice. Grâce à ce projet de loi, les victimes sauront qu'on tient compte de leurs préoccupations en matière de sécurité. On atteindra cet objectif en exigeant que les tribunaux chargés de déterminer la peine envisagent d'imposer à l'agresseur des conditions précises pour protéger la victime, sa famille et les témoins chaque fois qu'un délinquant est reconnu coupable d'agression sexuelle contre un enfant. Grâce à ces mesures, la victime se sentira en sécurité, aura l'esprit en paix et la vue de son agresseur ne viendra plus la hanter.

Plus précisément, le projet de loi modifierait l'article 161 du Code criminel pour exiger que les tribunaux envisagent d'interdire aux délinquants de se trouver à moins de deux kilomètres de la maison de la victime ou à toute autre distance précisée par le tribunal.

Il modifie aussi les articles 732.1 et 742.3 pour exiger que les tribunaux imposent des conditions aux périodes de probation et aux condamnations avec sursis afin d'interdire aux délinquants de communiquer avec toute victime ou tout témoin précisés dans l'ordonnance ou d'aller dans un lieu mentionné dans cette ordonnance. Ces conditions seraient obligatoires, mais le tribunal pourrait, à sa discrétion, décider de ne pas les imposer lorsque la victime ou le témoin y consent par écrit ou que le tribunal conclue à des « circonstances exceptionnelles ». Quel que soit le cas, le juge serait tenu d'en consigner les motifs au dossier de l'instance afin d'expliquer ces conclusions à la famille.

Le projet de loi permettrait aussi de modifier l'engagement contracté par une personne lorsqu'on craint, pour des motifs raisonnables, qu'elle n'agresse sexuellement un enfant. Plus précisément, il propose de modifier l'article 810.1 sur l'engagement de ne pas troubler l'ordre public pour exiger que le tribunal envisage d'interdire au délinquant de communiquer avec toute personne nommée dans l'engagement ou d'aller dans un lieu mentionné dans cet engagement. Comme le juge a toute la latitude nécessaire pour imposer les conditions énumérées à l'article 810.1, et que tout cela est consigné au dossier, l'article du projet de loi C-489 ne demande pas de donner les motifs par écrit ou de mentionner les « circonstances exceptionnelles », comme dans les autres dispositions du projet de loi.

Le projet de loi C-489 propose aussi de modifier l'article 133 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Selon les lois et les politiques actuelles, la Commission nationale des libérations conditionnelles et Service correctionnel Canada peuvent imposer des conditions et des instructions particulières pour gérer le risque que représente un délinquant pour la collectivité, mais rien ne les oblige à tenir compte de l'avis des victimes au moment de fixer les conditions appropriées.

Le projet de loi C-489 vise à ce que les lois tiennent davantage compte des besoins des victimes et qu'elles insistent sur l'examen des conditions appropriées pour protéger la victime contre son agresseur. L'autorité compétente serait ainsi tenue d'imposer au délinquant les conditions raisonnables nécessaires, notamment l'interdiction de communiquer avec les personnes concernées ou des restrictions géographiques, lorsque la victime ou une autre personne fournit une déclaration à l'égard des dommages qui lui ont été causés, des effets que l'infraction a encore sur elle et des préoccupations qu'elle a quant à sa sécurité ou à l'égard de l'éventuelle libération du délinquant.

Et enfin, le projet de loi entrerait en vigueur trois mois après la date de sa sanction royale afin de permettre aux tribunaux et aux établissements correctionnels de se préparer aux modifications.

Monsieur le président, il ne fait aucun doute que le projet de loi C-489 accroîtra la confiance du public envers notre système de justice en donnant aux tribunaux de meilleurs outils pour tenir compte de la sécurité des victimes et de leur famille. J'espère que le comité contribuera à accroître la sécurité publique en tenant les criminels responsables de leurs actes, en tenant compte de l'effet des peines sur les victimes et en faisant en sorte que ces dernières se sentent en sécurité dans leur maison et dans leur quartier.

Je demande l'appui des honorables sénateurs, présents aujourd'hui, pour étudier ce projet de loi et l'adopter de sorte que les jeunes victimes et leur famille soient en sécurité dans leur foyer.

Je vous remercie.

Le président : Merci, monsieur Warawa.

Le sénateur Baker : Merci, monsieur Warawa, de l'exposé que vous nous avez présenté aujourd'hui et des efforts que vous avez mis pour rédiger ce projet de loi. J'ai une question générale, et je suppose que c'est une préoccupation relativement à un projet de loi d'initiative parlementaire.

Récemment, nous avons étudié plusieurs projets de loi d'initiative parlementaire qui cherchent à imposer des dispositions à exécution obligatoire aux tribunaux lorsque vient le temps d'établir une peine ou les conditions liées aux libérations. Donc tout récemment, nous avons remarqué que certains des projets de loi, en dépit de bonnes intentions, s'appliquent à certains articles du code, mais pas à d'autres dispositions similaires du code et que, dans certains cas, des modifications corrélatives sont omises ou négligées.

C'est un projet de loi d'initiative parlementaire. Vous n'êtes pas le gouvernement du Canada qui dépose un projet de loi au nom du ministère de la Justice, qui va tout vérifier. Je peux vous donner un exemple dans votre projet de loi, ce qui m'amènera directement à ma question.

Madame Susan O'Sullivan, l'ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels, a comparu devant le comité de la Chambre saisi de votre projet de loi. Elle a fait deux observations, qui soulignaient des omissions flagrantes dans le projet de loi, et elle a proposé des amendements, que le comité de la Chambre n'a pas examinés.

Un avocat de la défense spécialisé en droit criminel a témoigné après elle, et le comité a suivi sa suggestion d'amendement, mais il n'a pas suivi celle de l'ombudsman.

Permettez-moi de vous lire ce court paragraphe. Voici ce qu'elle a dit :

Je vous fais part enfin de deux propositions d'amendement relatives à des aspects plus techniques du projet de loi. Il y a en premier lieu le fait que l'ordonnance de surveillance de longue durée ne figure pas sur la liste des circonstances dans lesquelles il doit y avoir imposition de l'ordonnance de non-communication. L'ordonnance de surveillance de longue durée s'applique aux infractions de nature sexuelle, y compris celles commises contre les enfants.

Voici le deuxième élément :

[...] une proposition d'amendement en vue d'y inclure l'ordonnance de surveillance de longue durée.

Nous avons donc ici deux articles de la loi dont on aurait pu tenir compte pour obtenir les mêmes résultats que ce que vous avez fait avec d'autres articles.

Je me demande si vous avez tenu compte du fait que ces omissions appliquent les mêmes normes à d'autres ordonnances de mise en liberté que ce que vous avez appliqué à celles que vous venez de présenter dans votre projet de loi. Étiez-vous d'emblée conscient de ces omissions, et existe-t-il un processus dans le cadre duquel le ministère de la Justice pourrait aider les députés à s'assurer que leur projet de loi garantit une uniformité dans l'ensemble du code?

M. Warawa : Je remercie le sénateur Baker de sa question.

Il est très important de signaler que j'ai dit d'emblée que nous sommes ouverts aux amendements, et je pense que le Comité permanent de la justice de la Chambre a fait du bon travail à cet égard.

Voici ce qu'a dit Mme O'Sullivan :

[...] en affirmant mon appui à l'objet de ce projet de loi, et je salue les efforts de M. Warawa visant à faire davantage reconnaître les victimes d'actes criminels dans le système canadien.

Elle dit aussi :

[...] j'appuie l'adoption du projet de loi C-489, et je vous incite à tenir compte des points que j'ai soulevés aujourd'hui pour apporter à son libellé quelques amendements mineurs, mais importants.

Le comité en a tenu compte et, en fait, les amendements ont été appuyés par tous les partis. Comme vous le savez, chaque fois que des projets de loi sont déposés pour apporter des changements législatifs, il faut trouver un équilibre. Il y a une tension, et on ne veut pas créer un fardeau pour le système. Il faut assurer la justice, et nous avons trouvé cet équilibre avec le projet de loi C-489 tel qu'amendé. C'est pourquoi il est exceptionnel que le projet de loi C-489 jouisse de l'appui de tous les partis.

Il y a eu des propositions d'amendement supplémentaires, mais nous en sommes arrivés à un équilibre où nous avons atténué les tensions et offert un juste milieu aux victimes afin qu'elles puissent participer et où les tribunaux peuvent exercer leur discrétion afin de prendre la décision ultime, et les organismes administratifs ont aussi cette discrétion. Il faut protéger les victimes afin que leurs craintes et leurs voix soient entendues, et je pense que nous avons atteint cet équilibre.

Le sénateur Baker : Vous ne dites pas que vous nous donnez la permission d'amender le projet de loi pour y inclure des placements à l'extérieur?

M. Warawa : Non.

Le sénateur Baker : Pour inclure les éléments concernant les placements à l'extérieur et ceux liés aux permissions de sortir avec escorte et aux ordonnances de surveillance de longue durée. Les personnes trouvées coupables des mêmes crimes que vous mentionnez ici ne seront pas assujetties aux mêmes conditions, et vous estimez que ça ne pose pas problème?

M. Warawa : Oui. Je crois qu'on est arrivé à un équilibre. Vous avez parlé des permissions de sortir avec escorte et sans escorte...

Le sénateur Baker : Mais ceux qui ont une permission de sortir avec escorte ne le sont pas.

M. Warawa : C'est parce qu'il existe une nouvelle norme au sein du Code criminel en vertu de laquelle on s'attend à ce qu'une certaine distance soit maintenue entre la victime et le délinquant. Il s'agit ainsi d'une nouvelle norme, à moins qu'il n'y ait des circonstances exceptionnelles. Si un agent des services correctionnels accompagne un délinquant sexuel qui a été condamné à un rendez-vous chez le médecin lors d'une permission de sortir avec escorte, on s'attend à ce qu'il ne l'amène pas à la maison de la victime. C'est pour cette raison que nous estimions avoir atteint cet équilibre.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Lorsque vous avez présenté votre projet de loi à la Chambre des communes, vous avez reçu l'appui de l'ensemble des députés. Ne serait-ce que pour citer Mme Françoise Boivin, du NPD, elle disait que le projet de loi avait pour but de se préoccuper des victimes, non pas dans un but politique, mais bien par réel souci de les voir sur la route de la guérison.

Est-ce que je comprends que, d'emblée, l'ensemble des députés était d'accord avec votre projet de loi?

[Traduction]

M. Warawa : Oui. J'espère que personne dans cette enceinte ou qu'aucun de leurs enfants ou petits-enfants n'a été victime d'une agression sexuelle. J'ai personnellement entendu le témoignage des parents d'une victime lors d'une réunion à huis clos du Comité de la justice de la Chambre des communes. Cela m'a crevé le cœur d'entendre leur récit et les répercussions que l'agression a eues sur leur famille. Pendant deux ans et demi, les parents constataient que leur fille s'isolait de plus en plus. Ils ont ensuite découvert ce qui était arrivé. Il n'y aura aucune justice qui sera rendue pour cela. Ce qu'ils ont demandé, c'est que l'agresseur ne soit pas mis en détention à domicile. Les membres de cette famille ne faisaient pas partie du système; ils n'étaient là qu'à titre d'observateurs. Le fait que les tribunaux aient accordé une peine avec sursis et une détention à domicile à l'agresseur a détruit leur vie. Ils sont venus me voir en larmes en disant : « Pourquoi devons-nous déménager alors que nous sommes les victimes? Pourquoi serait-ce à nous de le faire? »

Le père rentrait de sa journée de travail, arrivait dans son quartier et voyait le délinquant tondre le gazon en face de sa maison et profiter de la vie. Le délinquant faisait quand même face à certaines restrictions, bien entendu. Leur fille vivait dans la peur et gardait toujours les rideaux fermés. Elle se demandait s'il la surveillait par la fenêtre. La maison d'en face était élevée, alors les membres de la famille de la victime devaient constamment fermer les rideaux, car ils avaient peur et imaginaient que le délinquant les observait. Cette situation a créé beaucoup de tension pour cette famille et empêchait la victime de guérir.

Cela a détruit l'ambiance qui régnait dans le quartier. Avant l'agression, les résidants du quartier organisaient des barbecues et avaient du plaisir ensemble. Les familles étaient proches. Cela a créé une tension terrible où ni la victime ni le délinquant ne pouvaient guérir. Cela a véritablement détruit le quartier. J'ai entendu ce que les voisins et la famille de la victime en pensaient. J'ai également entendu la famille du délinquant.

Ce qu'accomplira ce projet de loi est fort simple. Nous demandons aux tribunaux d'envisager de fixer une distance appropriée entre les deux parties afin de leur permettre à toutes les deux de guérir, et de protéger nos collectivités et nos quartiers.

Il faut donner aux tribunaux cette discrétion, et c'est précisément ce que fait ce projet de loi. Il s'agissait d'un des amendements principaux au projet de loi, qui consistait à clarifier que les tribunaux ont la discrétion de déterminer ce qu'il en est de cette distance de deux kilomètres. La première fois que j'en ai entendu parler, la distance était fixée à cinq kilomètres. Nous nous sommes rapidement rendu compte que ce n'était pas approprié. Une distance de deux kilomètres nous semblait plus appropriée, mais nous avons ensuite pris conscience que, dans des collectivités de plus petite taille, cette distance ne serait peut-être pas appropriée non plus. Le projet de loi a été ainsi amendé pour permettre aux tribunaux de pouvoir en décider.

Je crois que c'est constitutionnel. Le projet de loi résistera à une contestation judiciaire et fournit tout simplement une solution qui permettra aux victimes et aux délinquants de guérir. On pourra s'attaquer aux problèmes auxquels le contrevenant fait face.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Si j'ai bien compris votre réponse, monsieur Warawa, c'est que la victime qui croise son agresseur, évidemment, se sent victime à nouveau. C'est comme si c'était une deuxième agression, parce qu'elle voit son agresseur. Au moins, avec le projet de loi, malgré son imperfection, il y aura un rayon de deux kilomètres où elle ne se sera pas « victimisée ». Est-ce que j'ai bien compris?

[Traduction]

M. Warawa : C'est exact. La victime a indiqué que le simple fait de voir le délinquant en train de conduire une voiture, même s'il ne la regardait pas et ne passait pas intentionnellement près d'elle, la remplissait d'angoisse et de crainte. Afin de permettre aux victimes de guérir, il faut maintenir une distance appropriée entre la victime et le délinquant. Ce serait les tribunaux qui en détermineraient la distance.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie du travail que vous avez accompli en présentant ce projet de loi. Il s'agit d'un enjeu fort important. Nous venons tous les deux de la Colombie-Britannique, et vous savez que j'ai des racines à Langley également. Je suis ravie de voir que vous effectuez cet excellent travail pour nous.

J'aimerais vous demander un éclaircissement. Vous avez parlé d'une « nouvelle norme ». Est-ce que cette nouvelle norme prévoit qu'il faut veiller à ce que la victime n'ait jamais à revoir le délinquant? Je n'ai pas bien compris lorsque vous avez parlé d'une « nouvelle norme ». Je n'en avais jamais entendu parler auparavant.

M. Warawa : Madame la sénatrice, je parlais du fait que les tribunaux vont tenir compte de l'incidence que peut avoir la proximité d'un délinquant sur la victime. Il risque d'y avoir des cas où les tribunaux estiment que cette distance est appropriée, mais ils tiendront compte des répercussions sur les victimes. La nouvelle norme prévoit que les tribunaux tiendront toujours compte de ce facteur.

La sénatrice Jaffer : Donc, lorsque vous parlez de « nouvelle norme », vous faites référence à ce projet de loi?

M. Warawa : C'est exact.

La sénatrice Jaffer : Bien que j'appuie ce que vous êtes en train de faire, j'ai néanmoins des préoccupations dont j'aimerais vous faire part. Est-ce que ce projet de loi serait rétroactif?

M. Warawa : Non.

La sénatrice Jaffer : Deuxièmement, j'ai longtemps travaillé sur les enjeux liés aux délits sexuels. Nous savons que l'un des défis auquel nous nous heurtons malheureusement, c'est que ces agressions se produisent souvent au sein d'une famille. Si j'ai bien compris, 38 p. 100 des délits sexuels sont commis par un membre de la famille. Après avoir écouté votre témoignage, ai-je bien compris que vous nous dites que le juge déterminera cette distance selon les circonstances, car il se pourrait que la distance de deux kilomètres ne fonctionne pas dans certains cas? Est-ce bien ce que vous avez dit?

M. Warawa : Oui. Les tribunaux détermineront la distance appropriée à maintenir entre la victime et le délinquant.

Chaque infraction est unique. Environ 88 p. 100 des victimes connaissent leur agresseur. Comme vous l'avez mentionné, environ 38 p. 100 des agresseurs sont des membres de la famille de la victime. C'est une statistique fort triste. Les tribunaux ont besoin de jouir d'un pouvoir discrétionnaire afin de gérer adéquatement la situation. Les tribunaux entendraient tous les facteurs et s'assureraient que la victime est adéquatement protégée.

La sénatrice Jaffer : J'ai une autre préoccupation qui se rapporte à bon nombre de ces projets de loi. Auparavant, la détermination de la peine était laissée à la discrétion des juges. Dans ce cas-ci, on indique que les juges ont toujours cette discrétion, mais qu'ils devraient tenir compte de toutes les circonstances. Mais en imposant cette distance de deux kilomètres, n'ajoute-t-on pas une punition supplémentaire à la peine qu'infligerait le juge? Cela n'irait-il pas à l'encontre de la Charte?

M. Warawa : Merci de votre question. Cela aurait pu être le cas si nous n'avions pas modifié le projet de loi afin que les tribunaux déterminent la distance qu'ils jugent appropriée.

Dans certains cas, une distance de deux kilomètres serait adéquate. Cela fournit une certaine orientation aux tribunaux, mais ils ne sont pas tenus d'imposer une distance. On exige que les tribunaux tiennent compte de la possibilité d'imposer une distance. Si les tribunaux estiment qu'il est souhaitable de le faire, elle n'a pas besoin de se limiter à deux kilomètres. Ils peuvent fixer la distance à cinq kilomètres ou à un demi-kilomètre. Les tribunaux bénéficieraient de la discrétion absolue de déterminer la distance appropriée dans chaque cas. À mon avis, cela résisterait à une contestation constitutionnelle, car les tribunaux jouiraient de ce pouvoir discrétionnaire.

Je conviens qu'il faut confier ce pouvoir discrétionnaire aux tribunaux. On ne parle pas de peine minimale obligatoire. On exige que les tribunaux tiennent compte de l'incidence sur les victimes. Ils ont toujours eu ce pouvoir, mais avec le projet de loi C-489, on exigerait qu'ils tiennent compte de l'incidence de la détermination de la peine sur les victimes, ce qu'ils ne faisaient pas auparavant.

Le sénateur Plett : Je vous félicite, monsieur Warawa, d'avoir présenté ce projet de loi fort important. Vous avez répondu à bon nombre de mes questions, mais je vais quand même vous les poser, car j'aimerais avoir plus de précisions afin de bien comprendre.

J'aimerais revenir sur des questions que Michael Spratt vous a posées à votre comité. Michael Spratt a comparu devant notre comité à maintes reprises. Il a également comparu au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. J'ai été déçu, quoique cela ne m'ait pas surpris, qu'il émette des réserves et qu'il s'oppose au projet de loi. En fait, je ne l'ai jamais vu appuyer un projet de loi. Les néo-démocrates, les libéraux et les conservateurs l'ont tous appuyé, mais pas Michael Spratt.

Il a soulevé des préoccupations qui sont néanmoins légitimes. La première portait sur la restriction géographique à un rayon de deux kilomètres. Il trouvait étrange que nous donnions aux juges le pouvoir discrétionnaire de déterminer s'ils allaient imposer ou non une restriction géographique, sans leur donner la discrétion de déterminer le rayon qui serait imposé. Il a soulevé les distinctions entre les quartiers ruraux et urbains.

Vous avez expliqué que les juges auront une beaucoup de latitude. Mais qu'adviendra-t-il si un juge souhaite imposer un rayon autre que celui de deux kilomètres, qu'il s'agisse d'un kilomètre ou de cinq? Que devra-t-il faire? Est-ce que le juge devra fournir des motifs écrits pour expliquer pourquoi il ne serait pas approprié d'imposer une distance de deux kilomètres? De plus, vous avez indiqué que vous aviez envisagé une distance de cinq kilomètres, mais que vous aviez décidé d'aller de l'avant avec un rayon de deux kilomètres. Comment avez-vous déterminé quelle serait la distance appropriée?

Bien entendu, je viens d'une région rurale au Manitoba. Je connais sans doute tout le monde qui se trouve à un rayon de deux kilomètres de ma maison à Landmark. J'habite désormais à Winnipeg, mais j'habitais dans cette ville auparavant. Maintenant, je ne connais même pas les gens qui habitent dans mon immeuble. Il y a bien entendu des distinctions à faire entre ces régions. On met l'accent sur les distances. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet, s'il vous plaît?

M. Warawa : C'est une excellente question. Je l'apprécie.

Comme je l'ai mentionné auparavant, au départ, le rayon envisagé n'était pas de deux kilomètres, mais de cinq. On a conclu que ce pouvait être trop contraignant et on a fixé la distance à deux kilomètres, qui pourrait être modifiée pour donner plus de pouvoir discrétionnaire aux tribunaux.

M. Spratt a indiqué qu'il estimait que l'intention et l'objectif de projet de loi étaient louables. Il voulait que l'on clarifie le libellé du projet de loi et que l'on envisage d'avoir recours à une discrétion judiciaire.

Il a témoigné avant que l'on amende le projet de loi. Après l'avoir amendé, on a conservé le rayon de deux kilomètres, mais on a ajouté que ce serait « à une distance jugée appropriée par les tribunaux ».

Une autre préoccupation portait sur le fardeau additionnel que cela imposerait au système judiciaire, car il faudrait fournir des motifs écrits. Dans les circonstances exceptionnelles où les tribunaux n'imposeraient pas de distance, on avait exigé qu'ils en fournissent les motifs par écrit. Cette exigence a été retirée et les motifs sont maintenant consignés dans les archives judiciaires.

Notre raisonnement voulait que les familles puissent connaître les motifs, que les tribunaux seraient tenus de leur fournir. Maintenant, peu importe ce qui arrive, les familles sont avisées et les motifs sont consignés sans pour autant créer un fardeau supplémentaire pour les tribunaux.

Encore une fois, il faut trouver un équilibre afin de fournir à la famille l'information dont elle a besoin et un endroit sécuritaire pour la victime, pour que la victime n'ait pas à voir le délinquant, et je crois que le projet de loi C-489 tel qu'amendé, et tel que présenté aujourd'hui, permet effectivement d'atteindre cet équilibre.

J'apprécie vos questions.

Le sénateur Plett : En réponse aux remarques de la sénatrice Jaffer, vous venez de parler des 88 p. 100 des agressions sexuelles perpétrées contre des enfants par quelqu'un qu'ils connaissent. Est-ce que c'est ce que l'on vise? De quelle façon ce projet de loi est-il important pour les victimes, qui souvent connaissent leur agresseur?

M. Warawa : Comme vous le soulignez, la vaste majorité, c'est-à-dire 88 p. 100 des victimes d'une agression sexuelle, connaissent leur agresseur. Donc, le délinquant sait, dans la plupart des cas, où ses victimes habitent.

Le sénateur Plett : Si le lieu de résidence est à plus de deux kilomètres, et que le délinquant sait où habite la victime, de quelle façon ce projet de loi vient-il en aide aux victimes?

M. Warawa : Il incombait aux tribunaux de déterminer la distance appropriée. Le délinquant va peut-être devoir déménager si le tribunal l'exige. Si le délinquant reçoit une peine avec sursis ou est mis en détention à domicile, le tribunal devrait considérer la possibilité d'imposer une distance de deux kilomètres ou une autre distance qu'il considère appropriée, afin que la victime — qui connait le délinquant et a perdu confiance en lui — ait l'esprit tranquille. Mais il incomberait aux tribunaux de déterminer la distance appropriée.

Certains disent que ce n'est pas cette proportion de 88 p. 100, mais plutôt les autres 12 p. 100, qui ne sont pas connus par leurs victimes, qui seraient des délinquants à plus haut risque. Ces agresseurs ne recevraient pas une peine avec sursis, ne seraient pas mis en détention à domicile et ne relèveraient pas du système provincial. Puisque ce sont des délinquants à haut risque, tels que des gens qui se cachent dans les bois pour kidnapper quelqu'un, ils posent un risque beaucoup plus élevé pour nos collectivités et purgeraient donc leur peine dans des pénitenciers fédéraux.

Il s'agit donc de personnes qui ont agressé sexuellement des enfants. Des gens à qui ces enfants faisaient confiance et en ont profité, et donc ces enfants et leurs parents ou leurs tuteurs ont besoin de mettre de la distance entre eux et le délinquant pour qu'ils puissent guérir.

Le sénateur Joyal : J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit au sujet des juges qui devraient consigner leurs motifs au dossier du tribunal. Est-ce que cela pourrait faire partie d'un appel? Si la victime n'est pas satisfaite des motifs consignés par le juge, est-ce que ces motifs pourraient faire l'objet d'un appel, puisque c'est de cela qu'il s'agit?

M. Warawa : Je ne suis pas avocat. D'après ce que je comprends, tout peut faire l'objet d'un appel. Je ne sais pas si l'appel serait reçu, mais je crois que le but de notre système judiciaire est de rendre justice, de protéger les victimes et de fournir de l'information aux victimes. Je crois que les motifs pour toute décision rendue par le tribunal ne créent pas de fardeau supplémentaire, mais rend par contre justice aux victimes, qui en ont besoin.

Le sénateur Joyal : Donc vous répondez que cela pourrait faire partie d'un appel ou pourrait servir de motif d'appel?

M. Warawa : Oui.

Le sénateur Joyal : C'est parce que vous créez maintenant une condition supplémentaire précise qui, évidemment, est accessible même à la victime. C'est ainsi que j'interprète le projet de loi, mais je voulais entendre vos commentaires parce que c'est vous qui avez songé au projet de loi, à ses résultats et à la façon dont il sera interprété par les tribunaux. À mon avis, les conséquences pour le système judiciaire doivent être prises en compte, vous le comprendrez.

J'ai une autre préoccupation au sujet de la distance précise de deux kilomètres. J'ai écouté vos réponses précédentes, et je me suis demandé pourquoi vous n'avez pas augmenté la distance tout en donnant le pouvoir aux juges de l'évaluer. Voici ce que je proposerais. Si vous prenez le premier alinéa du projet de loi a.1), il prévoit « de se trouver à moins de deux kilomètres... »

Avez-vous songé au libellé « de se trouver à une distance pouvant aller jusqu'à cinq kilomètres »? Cela voudrait dire que le juge pourrait fixer la distance à deux, trois, quatre ou cinq kilomètres, ou même à un kilomètre, selon les conditions de logement de la victime et du délinquant.

À mon avis, cela permettrait de maintenir la discrétion du juge de décider du nombre de kilomètres. On élargirait le périmètre de protection, de non-contact entre la victime et le délinquant, tout en répondant à votre objectif de vous assurer que la victime n'est pas en contact ou exposée à son agresseur.

Je me demande si cette distance de deux kilomètres répond à votre objectif, ou s'il serait préférable de fixer une plus grande distance tout en confiant un pouvoir discrétionnaire au juge. Je ne sais pas si je me fais comprendre.

M. Warawa : Sénateur, merci de la question. Comme je l'ai dit plus tôt, lorsque nous avons commencé avec une distance de cinq kilomètres, nous nous sommes rendu compte que ce ne serait peut-être pas approprié. Ce pourrait être trop restrictif, alors nous l'avons réduit à deux, mais ensuite nous nous sommes rendu compte que cela ne confierait pas aux tribunaux le pouvoir discrétionnaire dont ils ont besoin.

Si nous avions décidé d'établir cette distance à un maximum de cinq kilomètres, les tribunaux pourraient décider que ce n'est pas une bonne distance parce que peut-être 10 ou 6 kilomètres seraient plus appropriés.

Je crois que nous avons trouvé le juste équilibre en prévoyant deux kilomètres ou ce que le tribunal estime nécessaire. Ce pourrait être 10, 20, 100, ou même un demi-kilomètre. Cela dépend de chaque situation. Alors, pourquoi deux kilomètres?

Afin qu'une jeune personne puisse sortir et se promener à vélo, aller au parc ou au dépanneur dans un milieu urbain, la distance de deux kilomètres lui permet de se sentir en sécurité. Dans bien des cas, cette distance est acceptable et fournit une certaine orientation aux tribunaux.

Par contre, en milieu rural, cette distance pourrait être trop restrictive. Le village en entier pourrait habiter dans ce périmètre de deux kilomètres et donc, il ne serait plus possible pour le délinquant et la victime d'habiter la même collectivité.

Je pense qu'on a trouvé le juste équilibre avec les amendements au projet de loi qui prévoient deux kilomètres ou la distance que le tribunal estime nécessaire.

Le sénateur Joyal : En ce qui concerne le consentement des personnes responsables pour quelqu'un qui est mineur, soit le père, la mère ou un tuteur, selon mon interprétation du projet de loi, il me semble que le consentement doit être donné au moment où le tribunal est en train de considérer la peine. Serait-ce possible, à une date ultérieure, pour le père, la mère ou le tuteur de revoir ce consentement et de l'adapter selon l'évolution de la situation, ou est-ce un consentement final qui se donne au moment où la peine est prononcée?

M. Warawa : Merci de la question.

J'imagine que des renseignements additionnels pourraient être reçus de la part du parent ou du tuteur, ou de la victime elle-même. Si la victime était mineure au moment de l'acte criminel et qu'elle est ensuite devenue adulte durant la détermination de la peine, des renseignements additionnels pourraient être présentés à l'organisme administratif si, lors de la détermination de la peine, l'affaire est devant les tribunaux. Durant le mandat, c'est maintenant les organismes administratifs, la Commission des libérations conditionnelles du Canada ou les commissions de probation provinciales qui traitent les dossiers. Elles ont des obligations, et les agents de libération conditionnelle pourraient recevoir des renseignements additionnels.

Je crois qu'il y a ici une certaine flexibilité, mais le tribunal sera tenu de mettre en place des normes au moment de la détermination de la peine.

Le président : On m'informe que M. Warawa doit quitter dans 10 minutes puisqu'il y a un vote à la Chambre.

Quatre sénateurs désirent poser des questions. Je leur demanderais de s'assurer que leurs questions sont concises et je demanderais que notre témoin réponde de manière succincte.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Monsieur Warawa, tout d'abord, j'aimerais vous féliciter pour votre projet de loi.

Cela fait une dizaine d'années que je me bats pour faire adopter le principe selon lequel le droit de distance devrait appartenir à la victime. C'est cette dernière qui devrait établir la distance qu'il devrait y avoir entre son agresseur et elle. Malheureusement, notre système de justice fait en sorte que c'est le criminel qui en décide. Cela m'apparaît tout à fait absurde, du moins en ce qui concerne le droit des victimes.

Selon moi, votre projet de loi représente le minimum qu'on peut faire; on devrait aller encore plus loin. Ma préoccupation est que la cour n'établit pas cette distance. Le criminel fait trois, quatre ou cinq années de prison; il est toujours dangereux. Est-ce que ce pouvoir, dans le Code criminel, ne devrait pas aussi appartenir à la Commission des libérations conditionnelles qui pourrait établir cette distance parce que le criminel est encore dangereux?

On l'a vu dans le cas de Sandra Dion, dernièrement, où on a décidé de loger son agresseur à quelques centaines de mètres de sa résidence, alors même qu'il avait dit qu'il agresserait à nouveau une policière — Mme Dion était policière. Il a fallu qu'elle parle aux médias, qu'elle se batte contre le système pour que la Commission des libérations conditionnelles infirme la décision du système carcéral afin d'établir une distance raisonnable.

Donc, on le voit, il faut que les victimes se battent encore et toujours pour avoir ce droit à une distance entre l'agresseur et la victime.

Dans l'amendement au projet de loi proposé, qui est un minimum pour moi, est-ce que ce pouvoir ne devrait pas aussi appartenir à la Commission des libérations conditionnelles qui, elle, pourrait établir de façon automatique une distance entre l'agresseur et sa victime lorsqu'un criminel est libéré qui est encore à risque?

[Traduction]

M. Warawa : On exigerait des organismes administratifs qu'ils tiennent compte des directives des tribunaux et qu'ils s'assurent que la distance appropriée qui a été fixée est respectée. Les tribunaux fourniraient des directives aux organismes administratifs, à savoir Service correctionnel du Canada, la Commission des libérations conditionnelles du Canada ou les commissions provinciales de probation.

Si, à l'expiration du mandat, il y a des inquiétudes concernant des risques additionnels que pourrait présenter le délinquant et des préoccupations pour la victime ou sa famille, ces derniers peuvent demander qu'un engagement de ne pas troubler l'ordre public soit imposé en vertu de l'article 810.1. Les tribunaux auraient la responsabilité de décider si ces conditions devraient être imposées sous forme d'engagement de ne pas troubler l'ordre public.

Le sénateur McIntyre : Merci de votre exposé. Si j'ai bien compris, pour toute probation et peine avec sursis en vertu du code, ce projet de loi exigerait qu'un tribunal impose deux conditions, l'ordonnance de non-communication et les restrictions géographiques. Cependant, la cour détient le pouvoir discrétionnaire de décider si une telle condition devrait être imposée dans le cas de circonstances exceptionnelles.

Le projet de loi propose aussi d'inclure des conditions d'interdiction de contact semblables pour les engagements de ne pas troubler l'ordre public imposés en vertu de l'article 810 aux agresseurs sexuels d'enfants présumés. Cependant, on ne parle pas de circonstances exceptionnelles à l'article 810. Je me demande pourquoi. L'objectif du projet de loi est-il d'assurer la cohérence et d'éviter toute confusion dans les tribunaux, puisque le juge a le pouvoir discrétionnaire d'imposer n'importe quelle condition prévue à l'article 810?

M. Warawa : La cour conserve le plein pouvoir discrétionnaire. Ce qui change, c'est que les juges doivent tenir compte d'autres facteurs. Ils ne sont pas obligés d'imposer des ordonnances de non-communication ou des restrictions géographiques. Cependant, ils sont obligés d'en tenir compte. S'ils décident de le faire, ils auront aussi le pouvoir discrétionnaire de décider d'une distance appropriée.

La sénatrice Batters : Merci, monsieur Warawa. Je vous remercie de comparaître devant notre comité aujourd'hui et je vous félicite pour tout votre travail acharné qui porte ses fruits.

Premièrement, je dois noter que j'aime le nom de votre projet de loi, le projet de loi sur la sécurité au foyer, qui en explique bien l'intention. Je tiens aussi à vous féliciter pour l'amendement intelligent apporté par le comité de la Chambre en ce qui a trait aux motifs consignés au dossier plutôt qu'écrits, puisque nous ne voulons pas augmenter les retards judiciaires, qui peuvent poser problème partout au pays. Il s'agit donc d'un amendement intelligent.

Voici ma question : le tribunal qui prononce la peine peut déjà imposer au délinquant les restrictions énumérées dans ce projet de loi. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous jugez important que ces dispositions soient obligatoirement envisagées par le tribunal?

M. Warawa : L'exemple de Langley que j'ai fourni illustre que cela s'est produit. Les tribunaux sont très achalandés. Il faut leur rappeler de tenir compte de l'effet qu'aura la peine sur la victime. Comme il a été souligné, on parle beaucoup de l'effet de la peine sur le délinquant et de sa réadaptation pour en faire un citoyen productif de la société, et on oublie la victime dans le processus. Les victimes sont là à titre d'observateurs et sont oubliées.

Cette modification exigerait que les tribunaux tiennent compte de l'effet qu'aura la peine sur les victimes. D'après moi, il s'agit d'un changement très important et très nécessaire, au point où tous les témoins qui ont comparu nous ont félicités de l'effort et ont appuyé l'intention du projet de loi C-489. Il est rare que toutes les parties prenantes, y compris les témoins de Justice Canada, s'entendent pour dire qu'un bon projet de loi est bon.

Le sénateur McInnis : Merci d'être venu. Il s'agit, à mon avis, d'un excellent projet de loi.

En me préparant pour cette réunion, j'ai lu quelques statistiques. Je ne les répéterai pas toutes, mais j'ai été étonné de constater qu'à l'heure actuelle, il y a près de 9 000 délinquants sous surveillance communautaire au pays. Pour l'instant, les délinquants doivent respecter une variété de conditions obligatoires et discrétionnaires imposées par les autorités.

Tout d'abord, ce nombre élevé vous a-t-il étonné? Étiez-vous au courant? On peut facilement voir comment les tribunaux pourraient oublier d'imposer une condition si elle n'était pas obligatoire et si elle continuait d'être discrétionnaire.

M. Warawa : Oui, il y a beaucoup plus de victimes que de délits signalés. Pour les statistiques que nous avons entendues et tous ceux condamnés de ce délit, il existe bien plus de victimes. Elles ont peur de signaler l'acte criminel. Elles ont peut-être été intimidées et craignent de nuire à leur famille ou à d'autres, alors elles vivent dans le silence.

Le projet de loi C-489 fournira aux victimes une voix. Elles sauront que si elles dénoncent leur agresseur et racontent leur histoire, elles seront protégées. Cela rendra notre société plus sécuritaire. Ceux qui sont atteints de ce genre de problème, plutôt que de continuer à commettre ces délits et à faire plus de victimes, pourront se faire traiter. Cela rendra nos communautés plus sécuritaires.

Le président : Merci, monsieur Warawa, d'avoir comparu aujourd'hui. C'est très apprécié. Nous vous permettons maintenant d'aller voter.

M. Warawa : Merci.

Le président : Chers membres, nous avons dû reporter la rencontre avec notre témoin de la Commission de libérations conditionnelles du Canada. Nous espérons savoir plus tard ce soir qui pourra comparaître à notre réunion de demain matin. Nous passons maintenant au troisième groupe de témoins prévu à l'ordre du jour.

Heidi Illingworth, directrice générale du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes comparaît de nouveau devant notre comité. Nous recevons également Kim Pate, directrice générale de l'Association canadienne des sociétés Élizabeth Fry. Alain Fortier, président du groupe VASAM, se joint à nous également. Nous attendons aussi Catherine Latimer, et nous espérons qu'elle pourra se joindre à nous avant la fin de l'audience.

Je crois savoir que vous avez tous préparé des déclarations liminaires. Madame Illingworth, vous avez la parole.

Heidi Illingworth, directrice générale, Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes : Merci de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-489.

Le Centre canadien des ressources pour les victimes de crimes a été fondé en 1992 pour donner une voix dans le système de justice pénale aux victimes ou aux personnes blessées lors d'un délit grave. Nous défendons les droits de nos clients partout au Canada et leur fournissons des ressources, de l'information et du soutien psychologique. Notre conseil d'administration se compose de membres de la famille de victimes d'homicide.

Je me limiterai à quelques commentaires, mais notre agence est en faveur de ce projet de loi. Nous en appuyons l'objectif, soit d'imposer des conditions aux délinquants qui sont libérés dans la communauté, afin de limiter leur capacité de communiquer avec les victimes contre leur gré. Le projet de loi soulève cependant quelques préoccupations, comme nous vous les avons communiquées par écrit.

Tout d'abord, le projet de loi propose de modifier l'article 161 de sorte à obliger le tribunal d'envisager l'imposition d'une ordonnance d'interdiction qui empêcherait un délinquant de se retrouver à moins de deux kilomètres de distance de la résidence de la victime ou de tout autre emplacement que le tribunal juge approprié. Nous craignons que si un tribunal précise la zone de deux kilomètres, cela révélera directement l'emplacement ou l'adresse de la victime dans certains cas, particulièrement dans les régions rurales ou les petites communautés, mais dans toutes les communautés à vrai dire. Nous recommandons que le tribunal évalue chaque cas individuellement, puisqu'il impose une distance appropriée selon la situation, lorsque le souhaite la victime.

Dans les articles modifiant les dispositions 732.1 et 742.3 relatives aux ordonnances de probation et aux peines avec sursis respectivement, les interdictions de communiquer deviennent obligatoires à moins que le tribunal ne juge qu'il existe des circonstances exceptionnelles, ou que la victime accorde son consentement par écrit. Nous craignons que, puisque tant d'actes criminels se produisent au sein de familles ou entre des gens qui se connaissent, la victime ne voudra pas toujours couper tous les ponts avec l'accusé ou le délinquant. Nous trouvons donc qu'il est très important que les décideurs respectent les demandes des victimes, qui devraient être consultées dès le départ, plutôt que d'essayer de faire modifier ou de supprimer une condition après l'émission d'une ordonnance.

Enfin, pour ce qui est de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, plus particulièrement l'article 133, où la commission envisage l'imposition de restrictions géographiques ou d'une interdiction de communiquer, nous sommes d'avis que cela ne devrait pas se limiter aux cas où une déclaration de la victime a été soumise. Certaines victimes ne soumettent pas de déclaration, mais peuvent communiquer leurs préoccupations et faire savoir qu'elles ne veulent avoir aucun contact avec le délinquant à un agent régional des communications ou à un agent de services aux victimes, ou même envoyer une lettre à la commission par l'entremise d'une agence comme la nôtre. D'ailleurs, nous le faisons souvent pour des membres de la famille; nous communiquons leurs préoccupations. L'autorité compétente, à notre avis, devrait pouvoir tenir compte de toute information fournie par la victime, et non seulement celle comprise dans une déclaration soumise par la victime. Merci.

Kim Pate, directrice générale, Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry : Merci de nous avoir invités à comparaître. Notre organisme œuvre auprès de femmes et de filles victimisées, marginalisées, criminalisées et institutionnalisées partout au pays. Je suis ravie d'être accompagnée de plusieurs membres de notre association. Puisque notre assemblée générale annuelle se déroulera au cours des cinq prochains jours, ma présidente Cathie Penny m'accompagne, ainsi que deux représentantes de notre région de l'Atlantique, qui sont ici pour se préparer pour nos rencontres.

J'aimerais commencer par vous dire que nous nous employons à protéger les gens contre la victimisation. Étant donné que 91 p. 100 des femmes autochtones et 80 p. 100 de toutes les femmes détenues dans des prisons fédérales — selon certains, le taux est encore plus élevé dans les prisons provinciales — ont été victimes de violence avant de devenir criminalisées et institutionnalisées, l'objectif de prévenir la victimisation est très important pour notre organisation.

Ce projet de loi nous préoccupe, car ces types de projets de loi créent souvent un faux sentiment de sécurité. De plus, nous estimons que tous les objectifs qui ont été proposés par le député sont déjà remplis dans les conditions liées à la libération sous caution dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, les peines avec sursis, les conditions des libertés conditionnelles et les ordonnances de surveillance à long terme, qui ont été soulevés lorsque l'on a posé des questions au député.

Ce qui nous préoccupe, c'est que nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire de procéder ainsi. Les projets de loi de ce genre semblent indiquer que l'on ne prend pas au sérieux la violence commise à l'endroit des femmes et des enfants et que l'on y fournit une approche générale qui fait en sorte que les familles et les gens ne se trouveront pas dans une situation de victimisation ou dans une situation où ils auront besoin d'être protégés.

De plus, bien que ce soit présenté comme étant restreint aux infractions d'ordre sexuel, nous pouvons voir comment, comme cela a été le cas avec bon nombre d'autres projets de loi, cela pourrait être élargi, car la mesure législative proposée n'est pas limitée aux infractions d'ordre sexuel.

Troisièmement, c'est non seulement inutile, mais on craint que l'on refile à la victime ou aux parents ou tuteurs de la victime la responsabilité de déterminer si une telle disposition devrait être mise en œuvre et comment la modifier une fois qu'une ordonnance judiciaire a été émise s'ils changent d'avis. Heidi a notamment souligné que ce pourrait être le cas.

Enfin, et cela touche plus particulièrement les petites collectivités et les gens qui vivent dans les réserves, étant donné la surreprésentation des Autochtones, des femmes et des enfants parmi les victimes et les gens criminalisés, on peut se demander comment on va mettre en œuvre certaines de ces dispositions sans avoir les ressources nécessaires pour le faire dans les collectivités.

J'ai hâte de répondre à vos questions. J'ai moi-même peut-être davantage de questions que de réponses en ce moment.

Le président : Merci. Souhaitons la bienvenue à Mme Catherine Latimer, directrice générale de la Société John Howard du Canada.

Catherine Latimer, directrice générale, Société John Howard du Canada : Comme vous le savez, la Société John Howard du Canada est un organisme caritatif communautaire qui a pour mission d'appuyer les interventions justes, efficaces et humaines pour gérer les causes et les conséquences de la criminalité.

La société compte plus de 60 bureaux de première ligne au pays et offre de nombreux programmes et services destinés à aider les victimes de crimes en leur offrant des services directs, des services de justice réparatrice et des services de médiation victime-contrevenant. Presque tous nos bureaux régionaux ou locaux contribuent à la prévention en travaillant avec ceux qui risquent de récidiver ou qui l'ont déjà fait. Nos activités renforcent la sécurité des collectivités.

Je vous remercie de m'avoir aimablement invitée à venir vous parler du projet de loi C-489, qui ferait en sorte que l'on inclue des conditions pour interdire le contact entre les victimes et ceux qui purgent des peines dans la collectivité ou qui interdirait le contact avec certaines personnes désignées conformément aux ordonnances de l'article 810.

Mes observations seront brèves. En règle générale, les gens qui purgent des peines sont privés de liberté proportionnellement à la gravité de l'infraction qu'ils ont commise et à leur degré de responsabilité. Bien que la Société John Howard du Canada soulève bon nombre de préoccupations au sujet de la voix des victimes au sein du système de justice criminelle, en particulier en ce qui a trait à la déclaration des droits des victimes qui a été présentée à la Chambre des communes, nous n'avons aucun problème à limiter les contacts entre les victimes potentielles et les délinquants, si c'est ce que souhaite la victime.

Nous ne nous opposons pas du tout au projet de loi. Je partage en revanche les préoccupations de Kim Pate, car il y a très peu de choses dans ce projet de loi que l'on ne peut pas déjà accomplir. Notre seule réserve, c'est qu'on y ajoute une exigence judiciaire dans laquelle il faudrait expliquer pourquoi les ordonnances de non-communication avec la victime ont été imposées. Nous croyons que cela pourrait ralentir un système judiciaire déjà surchargé alors que ce n'est pas véritablement nécessaire.

En revanche, j'apprécie le fait que ce projet de loi offre une souplesse judiciaire adéquate pour tenir compte des circonstances précises et ne pas imposer des conditions de non-communication avec la victime dans certains cas compliqués. En effet, on se heurtera à des cas compliqués. Par exemple, j'ai parlé avec un contrevenant qui purgeait sa peine dans un établissement fédéral. En état d'ébriété, il a tué son meilleur ami qui était, en passant, le fiancé de sa sœur. Alors que sa famille a hâte que l'on entame le processus de justice réparatrice avec lui pour qu'il rentre à la maison, sa sœur, qui y habite encore, est préoccupée et, comme vous pouvez l'imaginer, éprouve encore du ressentiment et n'en est pas à la même étape de guérison.

Cela va mener à des désaccords au sein de la famille, alors qu'ils sont tous des victimes. Il y aura des conflits en ce qui a trait à l'imposition ou non d'ordonnances de non-communication avec la victime et au fait de lui interdire de venir à la maison.

J'apprécie le fait qu'on ait accordé une souplesse judiciaire suffisante à cet égard. J'espère que les juges tiendront compte de la complexité des liens entre les victimes et les délinquants dans certains cas.

Les dispositions de l'article 810 me préoccupent quelque peu. Une personne ne doit pas forcément avoir été déclarée coupable d'une infraction et il peut s'agir tout simplement d'un cas que l'on fait valoir devant les policiers. Je pense que cela apportera son lot de défis. Mais, en règle générale, nous ne sommes pas tellement préoccupés par l'objet de ce projet de loi. J'estime qu'il est légitime que l'on impose des conditions si les victimes sont préoccupées lorsqu'une personne purge une partie ou la totalité de sa peine dans la collectivité.

Le président : Monsieur Fortier?

[Français]

Alain Fortier, président, Victimes d'agressions sexuelles au masculin (VASAM) : Merci pour l'invitation de comparaître devant vous. Je m'appelle Alain Fortier, président de Victimes d'agressions sexuelles au masculin (VASAM). À ses débuts, VASAM était une initiative personnelle. Avec le temps et une demande grandissante, plusieurs victimes ont décidé de se réunir afin de créer un organisme à but non lucratif.

La mission de notre organisme est de conscientiser la population et les instances politiques sur la problématique des agressions sexuelles perpétrées sur les hommes durant leur enfance, de les orienter et de les guider vers des ressources appropriées. Notre organisme a pour but d'aider les victimes à survivre aux traumatismes et aux problèmes de santé qui les accompagnent longtemps après que le crime ait été commis. Il vise aussi à encourager les hommes de tout âge qui ont été victimes d'agressions sexuelles à demander de l'aide pour briser le silence et reprendre le contrôle de leur vie.

Voici les raisons qui motivent notre organisme à appuyer sans réserve le projet de loi C-489 déposé à la Chambre des communes et maintenant à l'étude au Sénat.

Dans un premier temps, VASAM appuie les objectifs de ce projet de loi, qui sont très clairs. Le projet de loi C-489 vise à assurer le bien-être et la sécurité des victimes et de leur famille, ainsi que des témoins, en les protégeant contre les délinquants reconnus coupables. Il a aussi pour but d'accroître la confiance des victimes à l'égard du système de justice. Cette confiance a été trop souvent entachée par certaines décisions des tribunaux qui imposent souvent très peu de conditions aux délinquants.

Grâce à ce projet de loi, les victimes recevront un message clair. Leurs préoccupations quant à leur sécurité pourront être entendues et prises en compte autant devant la cour de justice que devant la Commission des libérations conditionnelles du Canada.

Afin d'atteindre cet objectif, le projet de loi obligera les tribunaux à considérer l'imposition de restrictions précises aux délinquants reconnus coupables d'une infraction sexuelle à l'endroit d'un enfant afin de protéger la victime et sa famille, ainsi que les témoins. Ces mesures renforceront la sûreté et la tranquillité d'esprit des victimes en leur permettant de ne plus revivre de moments aussi difficiles, notamment le fait de croiser leur agresseur.

Permettez-moi maintenant de vous donner trois raisons importantes de voter en faveur de l'adoption de ce projet de loi dans sa forme actuelle. Premièrement, les tribunaux et la Commission des libérations conditionnelles du Canada devront prendre plus au sérieux la question des contacts entre les délinquants et leurs victimes. Ils devront prendre les mesures nécessaires et raisonnables pour protéger les victimes. VASAM applaudit particulièrement l'adoption de la disposition 1 du projet de loi qui permettra au juge d'interdire à un délinquant de se trouver à moins de deux kilomètres ou à moins de toute autre distance prévue dans l'ordonnance, ou de toute autre habitation où réside habituellement la victime nommée dans l'ordonnance, ou de tout autre lieu mentionné dans l'ordonnance.

D'une part, l'environnement familial, soit le lieu de vie, de travail ou l'établissement scolaire, deviendra un facteur pertinent et reconnu qui sera pris en considération par les juges. L'imposition d'un périmètre permettra à la victime de se sentir davantage en sécurité.

D'autre part, il faut percevoir l'imposition du périmètre de sécurité comme une mesure de prévention, qui permettra de réduire les risques de récidive et les tensions entre la victime et le délinquant. Comme vous le savez, en ce qui concerne les pédophiles, les risques de récidive sont élevés. Les victimes ont aussi droit à la vie et à la sécurité.

De plus, la Commission des libérations conditionnelles du Canada devra prendre en compte la réalité des victimes lors de la remise en liberté des délinquants. En effet, si une victime indique dans sa déclaration qu'elle craint pour sa vie, sa sécurité ou celle des membres de sa famille, un commissaire aux libérations conditionnelles devra en prendre note. Ce dernier devra aussi justifier sa décision advenant le cas où il ne prendrait pas en compte les craintes de la victime. Nous croyons que cela favorisera un meilleur dialogue entre les victimes et la Commission des libérations conditionnelles du Canada, en plus d'encourager les victimes à rédiger une déclaration et à demander que leur sécurité soit prise en considération.

Finalement, nous croyons que le projet de loi réduira de façon importante la possibilité de « revictimisation » ou de stress post-traumatique chez les victimes, puisqu'elles ne risqueront plus de rencontrer leur agresseur par hasard. En effet, croiser à nouveau son agresseur est souvent une source d'inquiétude importante pour la victime. Cette dernière ne sait pas comment l'agresseur va réagir lorsqu'il sera en liberté. Va-t-il tenter de l'intimider? De se venger? De l'agresser à nouveau? Nous croyons que plus nous protégerons les victimes, plus elles auront tendance à dénoncer leur agresseur, ce qui nous permettra, en tant que société, de rendre nos rues plus sécuritaires.

Au nom de VASAM, j'aimerais remercier M. Warawa d'avoir déposé ce projet de loi. Ce texte de loi permet aux victimes de se faire entendre et de faire part de leurs préoccupations aux parlementaires. Ce projet de loi servira non seulement les victimes de la circonscription de M. Warawa, mais également des milliers d'autres personnes qui font face à un crime chaque année.

[Traduction]

Le président : Merci. Nous allons entamer la série de questions avec le sénateur Baker, vice-président du comité.

Le sénateur Baker : J'aimerais remercier tous les témoins qui ont fait des déclarations aujourd'hui.

J'aimerais poser une question à Mme Pate et à Mme Latimer, car leur travail consiste presque quotidiennement à lire les jugements du tribunal ainsi que les conditions de libération. Elles connaissent les conditions de libération ainsi que les restrictions géographiques et les ordonnances de non-communication avec la victime.

J'aimerais vous demander, après avoir lu les jugements de la cour et les conditions de libération des gens qui seront touchés par ce projet de loi, comprend-il une condition qui n'existe pas déjà à l'heure actuelle?

Mme Pate : Comme je l'ai mentionné dans mes remarques liminaires, sénateur Baker, nous estimons que ces conditions existent déjà et que, dans la plupart des cas, on les impose déjà. En fait, les ordonnances de non-communication avec la victime sont souvent imposées, qu'il s'agisse de co-accusés, d'autres membres de la famille ou d'une personne qui pourrait être perçue comme posant un risque pour la victime. Il ne s'agit pas, à notre connaissance, d'un problème qui soit survenu, en tout cas pas en ce qui a trait aux femmes.

Il y a eu des problèmes où l'on se demandait si les crimes avaient été pris au sérieux ou non. Mais cela n'a pas tendance à se produire à l'étape de la libération conditionnelle. Une fois qu'une personne a été déclarée coupable et purge une peine dans un pénitencier fédéral, ces problèmes semblent se présenter beaucoup plus tôt dans le processus pour ce qui est de déclarer les enjeux que vous connaissez comme, par exemple, les femmes tuées et portées disparues. Il s'agit plutôt de savoir si la violence est quelque chose que l'on prend au sérieux d'entrée de jeu.

Mme Latimer : Je suis d'accord avec Mme Pate. Je ne crois pas que ce projet de loi contienne quoi que ce soit qui n'existe pas déjà dans le cadre juridique actuel. Je ne pense pas que nous ayons forcément besoin de ce projet de loi afin d'imposer des ordonnances de non-communication avec la victime.

Le sénateur Baker : Lorsque vous lisez les jugements de détermination de la peine du tribunal quotidiennement et examinez les peines — que ce soit en prison, à la maison ou dans la collectivité —, conviendrez-vous que les conditions de libération déterminées par les tribunaux sont nombreuses et variées? En fait, elles ont augmenté au fil du temps. Je n'arrive pas à penser à quelque chose qui ne soit pas résolu dans les jugements habituels de détermination de la peine.

Mme Latimer : En fait, je vous dirais que l'on impose peut-être trop de conditions pour les ordonnances de probation, de cautionnement et probablement aussi de libération conditionnelle. Ce qui nous préoccupe le plus, ce sont les conditions qui vouent une personne à l'échec. S'il existe un motif légitime, où, par exemple, le juge est préoccupé par le fait que la victime puisse se sentir mal à l'aise ou en danger si on libère une certaine personne, il est alors très habituel que l'on émette une ordonnance de non-communication avec la victime, particulièrement en ce qui a trait aux ordonnances de libération conditionnelle et de mise en liberté sous condition.

Le sénateur Baker : Vous nous dites que certaines de ces conditions font en sorte qu'une personne ne pourra pas respecter les conditions de sa libération?

Mme Latimer : Je vous dirais que c'est très fréquent dans le cas des conditions de cautionnement. J'aimerais revenir à ce que Kim a souligné. Il y a des petites collectivités où il y a des problèmes d'alcoolisme. On demande aux contrevenants de s'abstenir de se trouver à proximité d'un endroit où il y a de l'alcool ou de se présenter régulièrement à un endroit alors qu'il n'y a pas de transport en commun pour s'y rendre. Il sera très difficile pour une grande partie de la collectivité de respecter ces conditions.

Le sénateur Baker : Ou on leur demande de ne pas avoir de contact avec une personne qui a un dossier criminel, alors que toute sa famille a un dossier criminel.

Mme Latimer : Oui.

Le sénateur Baker : Tout à l'heure, quelqu'un a observé que certaines ordonnances de surveillance à long terme ne sont pas couvertes par ce projet de loi de même que les placements à l'extérieur. En d'autres termes, il y a des formes de libération qui sont couvertes par le projet de loi, mais, si vous êtes assujetti à une ordonnance de surveillance à long terme dans votre collectivité, ce ne sera pas couvert par le projet de loi. Vous ne trouvez pas un peu décourageant de voir qu'il n'existe pas de mécanisme sur la Colline pour veiller à ce que les projets de loi d'initiative parlementaire soient exhaustifs et que le ministère de la Justice puisse au moins émettre un avis à cet effet? Cela ne devrait pas seulement porter sur la constitutionnalité du projet de loi. De toute façon, le ministère n'émet pas d'avis à cet endroit. Le ministère a refusé de comparaître devant le comité sur des projets de loi d'intérêt privé. C'est quelque peu fragmentaire. Êtes-vous d'accord?

Mme Latimer : Je trouve qu'il est assez curieux de vouloir présenter une déclaration des droits des victimes qui soit exhaustive et d'avoir en même temps une série de plus petits enjeux associés aux victimes, mais qui ne sont pas abordés dans un texte d'ensemble cohérent. Je pense qu'en conséquence, on va perdre de vue certaines choses, il y aura des contradictions et la structure sera incohérente. Il vaudrait mieux s'atteler aux enjeux des victimes d'une matière exhaustive plutôt que d'avoir une série de projets de loi sans lien les uns avec les autres.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J'aimerais premièrement remercier nos témoins d'être avec nous aujourd'hui. Je profite de l'occasion pour saluer Mme Illingworth avec qui j'ai siégé au conseil d'administration pendant plusieurs années.

Comme on l'a mentionné dans le projet de loi, un crime d'agression sexuelle, ce n'est pas un vol dans un dépanneur, d'autant plus que les risques de récidive sont souvent importants. Il devient donc impératif de protéger les victimes. Ce projet de loi donne un pouvoir discrétionnaire aux juges. L'un des buts du projet de loi vise le respect et la compassion pour les victimes, entre autres en tenant compte de leur point de vue.

Croyez-vous que ce projet de loi va accroître la confiance du public envers le système de justice? Ma question s'adresse à vous quatre.

[Traduction]

Mme Illingworth : Oui, dans une certaine mesure. Malheureusement, la plupart des membres du public ne sont pas particulièrement préoccupés au sujet des enjeux liés à la justice criminelle jusqu'à ce que quelque chose arrive à un être cher. Ensuite, ils se sentent plus interpellés et commencent à examiner le système et se rendent compte qu'il existe bon nombre d'injustices en ce qui a trait aux droits des victimes par rapport aux protections que l'on accorde aux accusés. Mais, oui, je crois que la plupart des membres du public appuieraient une mesure qui demanderait au juge de songer à la sécurité de toutes les victimes.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Y a-t-il d'autres commentaires?

[Traduction]

Mme Pate : Je suis du même avis. Vous posez la question : « Allons-nous veiller aux besoins des victimes ou non? » Cela a l'air simpliste, mais c'est vraiment présenté de cette manière parfois. Et je dirais que c'est un peu la même chose ici.

On peut déjà tenir compte de ces questions. Le fait qu'elles ne l'ont pas été jusqu'ici relève d'un problème plus grave que seule la loi actuelle, comme j'essayais de le dire et que d'autres témoins l'ont mentionné. Quand on ne pense pas sérieusement à aider les gens à se sortir d'une situation où ils sont victimisés ou marginalisés, et qu'ensuite on les soumet à toute la rigueur de la loi quand ils commettent une infraction, cette manière de faire nous donne l'illusion d'une solution, alors que ce n'est pas le cas. Cela ne règle en rien le problème à la source.

Personne ici ne dit, « Ne protégez pas les victimes; n'assurez pas leur protection ». Mais nous disons que prétendre que ce projet de loi va réussir à les protéger ne fait que créer une illusion de sécurité. Si la protection des victimes était tout ce qui comptait, le système serait moins nuancé et beaucoup plus accessible. Pour revenir à l'une des questions soulevées plus tôt, nous observons que de plus en plus de restrictions sont imposées, comme des conditions relatives aux relations. Du côté des femmes, nous avons remarqué un nombre accru de conditions qui les empêchent de tisser des relations, de se promener dans certains quartiers ou de se trouver en présence d'individus possédant un dossier criminel, alors que, comme nous l'avons dit, bon nombre des membres de leur famille en ont un.

En 1990, uniquement en Alberta, quand on a examiné le cas de tous les hommes autochtones de la province, on a observé que 90 p. 100 de ceux âgés de 30 ans possédaient un dossier criminel. Cela crée un énorme désavantage pour les femmes parce que ces hommes-là font partie de leur famille.

Tout dernièrement, nous avons demandé à la Commission des libérations conditionnelles et à Service correctionnel Canada combien de femmes se voyaient imposer des conditions régissant leurs relations, sans aucun lien avec leur infraction. Le nombre était tellement élevé qu'ils étaient incapables d'en faire le compte. Ils nous ont dit qu'il leur faudrait sept ans et que les coûts seraient faramineux pour dénicher cette information. Tout cela alourdit le système et donne la fausse impression que nous accomplissons quelque chose alors que dans les faits, nous avons de plus en plus de personnes sous supervision sans avoir les moyens requis pour nous assurer qu'ils sont en sécurité et, par conséquent, que nous le sommes aussi.

Le président : La réponse de Mme Pate a été un peu longue. Si les autres témoins veulent répondre, ils doivent le faire brièvement.

Mme Latimer : Je ne dirai pas que ce projet de loi va nécessairement accroître la confiance des gens envers le système pénal. Ce dernier est accablé de problèmes graves, comme les longs délais, l'impossibilité d'avoir accès à l'aide juridique, des dispositions discriminatoires selon la classe sociale qui ont un effet disproportionné sur les pauvres, une surpopulation carcérale importante et des ratés dans la réadaptation des gens dans le système et les services correctionnels. Ce projet de loi ne s'attarde pas du tout à ces enjeux critiques.

Le président : Monsieur Fortier, voulez-vous répondre?

[Français]

M. Fortier : De mon côté, je ne crois pas que ce projet de loi va modifier le système de justice au point où la confiance des victimes va s'amplifier énormément. Par contre, je crois qu'il s'agit d'un pas de plus dans la bonne direction afin de rassurer les victimes. Ayant été victime d'agression sexuelle moi-même, je sais que l'une des hantises des victimes est la crainte de rencontrer leur agresseur. Nous nous questionnons sur notre réaction si un tel cas devait se présenter. C'est un stress énorme. Un tel projet de loi viendra délimiter certaines conditions, ce qui se traduira probablement par un sentiment de sécurité accru pour les victimes, puisqu'elles auront l'impression d'être mieux considérées dans le cadre du processus. Les victimes ont été peu consultées dans le monde judiciaire jusqu'à maintenant, et je crois que ce projet de loi améliorera la situation quelque peu. Est-ce un projet de loi miracle? Non. Cependant, c'est un bon projet de loi, et c'est pour cette raison que nous l'appuyons.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : J'aimerais remercier tous les témoins de leur exposé. Dans le temps qui me reste, j'aimerais avoir l'avis de Mme Pate et de Mme Latimer. Nous savons tous ce que l'on entend par ordonnance de non-communication. En revanche, vous communiquez directement avec les gens assujettis à une telle ordonnance. J'aimerais que vous définissiez les ordonnances de non-communication.

Mme Pate : Les ordonnances de non-communication sont utiles lorsque quelqu'un a été tenu responsable de ses gestes. La plupart des femmes avec lesquelles nous travaillons ont été victimes et très peu de gens, s'il y en a, ont été tenus responsables de cette victimisation, surtout en ce qui a trait à une victimisation sexuelle et physique. Dans les cas où il s'agit d'un membre de la famille, surtout lorsqu'ils sont jeunes, on exerce énormément de pression pour qu'ils n'aillent pas jusqu'au bout du processus. Plus il y a de limites plutôt que des mesures de soutien, plus il y a de chances que la famille exercera des pressions pour que l'on ne rapporte pas le crime. Je vous dirais que dans ces cas-là, si le membre de la famille offre un soutien financier, et pour en revenir à la réponse très succincte de Mme Latimer à la dernière question, cela crée un énorme désavantage pour les gens marginalisés, et plus particulièrement les pauvres, les Autochtones et les gens qui dépendent de l'État.

Mme Latimer : Je suis d'accord. Je pense que les gens ne sont parfois pas au courant de l'ampleur des infractions de nature violente au sein d'une famille. Cela va vraiment fragmenter la famille, car bon nombre des membres de la famille voudront continuer à communiquer avec l'agresseur, alors que d'autres ne souhaiteront pas le faire. Cela va diviser le ménage, avec des gens qui seront pour et d'autres qui seront contre. Cela crée de véritables problèmes.

La sénatrice Jaffer : Ce qui me préoccupe véritablement c'est qu'il s'agit d'un excellent projet de loi. Les intentions sont louables. Mais cela ne changera rien, car s'il s'agit d'un bon projet de loi, il n'est pas assorti des ressources et des mesures de sensibilisation adéquates. Je crois que ce projet de loi crée des attentes qui resteront sans lendemain. Ai-je raison, madame Pate?

Mme Pate : Je crois que cela sera le cas. C'est pour cela que je parle d'un faux sentiment de sécurité où l'on croit que quelque chose se produira alors que ça ne sera pas forcément le cas.

Mme Illingworth : Je pense que la déclaration qui vient d'être faite est contradictoire. On dit que les tribunaux émettent souvent des ordonnances de non-communication, mais on dit également que cela ne changera rien. Si, lorsque ce projet de loi sera adopté, on impose aux tribunaux d'envisager cette possibilité, s'agit-il alors de quelque chose de redondant ou de nécessaire? Est-ce une bonne chose de veiller à ce qu'un juge ou la Commission des libérations conditionnelles procède à des contre-vérifications? Oui. Je pense que c'est important.

[Français]

M. Fortier : D'un autre côté, est-ce qu'un projet de loi comme celui-ci crée un faux sentiment de sécurité? C'est difficile à savoir. Mais au moins, à la base, on sait que 90 p. 100 des gens ne dénoncent pas les crimes sexuels parce qu'ils ont peur des représailles. Un tel projet de loi contribuera peut-être à rassurer quelques victimes. Est-ce que ce sera encore le cas à long terme? Il faudra voir avec les années. L'adoption de ce projet de loi crée un sentiment de sécurité chez les victimes et vise à les encourager à dénoncer davantage leurs agresseurs.

Dans certaines familles, parfois c'est le beau-frère ou l'oncle qui est l'agresseur. À ce moment-là, ce sera à la famille de décider si elle souhaite lever ou non l'interdiction. Par contre, ce qui est intéressant, c'est qu'à partir du moment où le projet de loi sera adopté, le juge pourra considérer le point de vue de la victime et de sa famille. Je pense qu'il s'agit d'une avancée majeure en faveur des victimes.

[Traduction]

Mme Latimer : Je serais en faveur d'investir davantage dans les services aux victimes plutôt que de se contenter d'imposer des conditions supplémentaires. Je pense qu'un processus de guérison doit prendre place et il serait logique de l'appuyer.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Monsieur Fortier, d'abord, je vous félicite pour votre action. Vous avez en quelque sorte transformé un événement malheureux que vous avez vécu en processus d'aide à d'autres victimes, en leur permettant d'avoir une voix. C'est ce qui manquait à notre système de justice, c'est-à-dire des voix comme la vôtre. Alors, je vous dis bravo!

Encore aujourd'hui, vous me corrigerez, monsieur Fortier, si je me trompe, les plaintes les plus fréquentes concernent les victimes qui ne sont pas informées du lieu de résidence de leur agresseur, entre autres, et de la distance qui les sépare. C'est encore un aspect qui est appliqué de façon très libérale. Dans votre mémoire, vous mentionnez que ce projet de loi permettra de donner un sentiment de sécurité aux victimes. Selon vous, est-ce qu'on devrait aller plus loin?

M. Fortier : Il est sûr que l'approche est libérale en ce qui concerne le jugement, à savoir la problématique liée aux victimes. L'idéal, ce serait d'imposer un rayon de cinq ou dix kilomètres. Il ne faut pas imposer de distance maximum. Deux kilomètres en région c'est une grande distance, alors que deux kilomètres au centre-ville de Montréal, ce n'est presque rien. Ce sera au juge de trancher. Pour l'instant, une distance de deux kilomètres est le minimum qui doit être considéré. On souhaite aller plus loin, mais on verra à long terme comment le projet de loi évoluera et s'il est nécessaire d'augmenter la distance. Pour l'instant, le minimum de deux kilomètres est correct. Mais, on souhaitera peut-être l'augmenter.

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que les modifications qui seront apportées à l'article 810, au moment où l'agresseur sera remis en liberté, permettront aux juges d'élargir des éléments de ce projet de loi? Est-ce que cela vous satisfait?

M. Fortier : Oui, pour l'instant cela nous satisfait. Ce qui importe, c'est qu'on sache que la victime a une place dans le système judiciaire. Le pire cauchemar pour une victime c'est de se retrouver devant son agresseur. Cela créé un stress post-traumatique. Enfin, ce projet de loi représente vraiment une bonne base en ce qui concerne la protection des victimes.

[Traduction]

Le sénateur Joyal : Je vous souhaite la bienvenue. J'aimerais vous parler du fait qu'il y a beaucoup d'Autochtones qui se retrouvent dans les prisons. Certains vivent dans les réserves où les liens de famille sont très étroits. Il y a également des Autochtones urbains qui ont tendance à se regrouper et à habiter ensemble. Quelle incidence est-ce que ce projet de loi aura sur ces collectivités?

J'ai l'impression que l'on pense toujours au projet de loi en fonction des 12 p. 100 des gens qui sont inconnus de leur victime, mais dans la majorité des cas, ce sont des membres de la famille. Statistique Canada et le parrain du projet de loi l'ont mentionné, dans plus de 38 p. 100 des cas, il y a des liens familiaux. Quand il s'agit d'agression sexuelle, on parle essentiellement de crime familial.

J'essaie de comprendre de façon pratique comment cela sera mis en œuvre dans une petite collectivité où tout le monde se connaît et où la stigmatisation nuit à la réhabilitation. Il s'agit ici de mineurs, et ces délinquants ne sont pas libres de leurs mouvements. Ils sont plus ou moins coincés dans leur collectivité et ils vont y vivre presque toute leur vie. Comment un projet de loi comme celui-ci se met-il en application de façon pratico-pratique dans ces collectivités?

Mme Pate : Je suis d'accord. Je pense que vous avez essentiellement répondu à votre propre question, en effet, oui, c'est très difficile.

Selon nos expériences, bien souvent, cela signifie que le particulier n'est pas en mesure de retourner dans sa collectivité immédiatement si on impose ces conditions, parce que c'est là qu'il peut bénéficier d'un appui, mais c'est aussi là que peuvent se trouver d'autres victimes ou même des coaccusés. En fonction de la personne qui est libérée la première ou s'il existe déjà une interdiction de fréquenter certaines personnes, il pourrait être impossible qu'elle puisse rentrer chez elle. Je pense que ces craintes persistent. Elles existent déjà et elles continueront d'exister.

Mais pour répondre à la question qui a été soulevée, à l'heure actuelle, la Commission des libérations conditionnelles peut imposer, au même titre qu'une ordonnance en vertu de l'article 810, un périmètre de plus de deux kilomètres. Cela peut s'appliquer précisément à un particulier ou à une zone géographique.

Comme Mme Latimer l'a déjà dit, sans les ressources sur le terrain, les personnes qui sont déjà à risque deviennent encore plus marginalisées et plus à risque, et c'est vrai tant pour ceux qui ont été victimisés si elles vivent dans la collectivité et qu'elles n'ont aucun appui que pour ceux qui ont purgé leur peine ou qui reçoivent une libération conditionnelle.

Mme Latimer : Je pense que vous cernez un véritable problème. Je parlais justement à un agent de liaison inuit qui travaille à Service correctionnel Canada.

Bien souvent, les personnes ne seront pas les bienvenues dans leur collectivité en raison d'une série d'ordonnances, y compris des ordonnances de non-communication. Par conséquent, afin d'offrir un appui et une certaine sécurité à la victime dans la collectivité d'appartenance, cette personne devra déménager dans une autre collectivité, et ce, sans appui. Si l'ancien délinquant n'a pas d'appui dans la collectivité, la probabilité qu'il récidive augmente. Si l'on songe aux répercussions générales sur les victimes, on protégerait probablement les victimes antérieures, mais, ce faisant, on mettrait d'autres personnes à risque de victimisation. C'est difficile de déterminer ce qui serait pour le mieux.

Les victimes qui craignent un délinquant particulier devraient recevoir une certaine protection, mais la façon dont cela peut se faire dans les petites collectivités peut aussi entraîner toute une autre série de problèmes.

[Français]

Le sénateur Joyal : Vous avez des commentaires, monsieur Fortier, à ce sujet? Dans les endroits où les gens se connaissent très bien, et surtout quand ce sont des membres de la même famille, comme on l'a entendu plus tôt aujourd'hui, la majorité des agressions sexuelles contre les jeunes sont perpétrées soit par un membre de la famille ou par une personne que le jeune connaît déjà. Dans les cas où il s'agit de petites collectivités, le problème du non-contact et le problème de donner le consentement et ensuite de le retirer est beaucoup plus lourd que dans une communauté, comme vous l'avez dit, en ville, où les gens ne se connaissent pas ou ne connaissent pas leurs voisins. Cependant, ce n'est pas ce dont il est question. On dit que 88 p. 100 des personnes responsables de ces crimes sont des gens connus de la victime et qui peuvent avoir encore accès à la victime.

M. Fortier : Effectivement. Dans ce cas, on dit que 88 p. 100 des gens sont de l'entourage proche ou sont connus. Or, il ne s'agit pas que de la famille. Il peut s'agir, par exemple, d'équipes sportives.

Je ne connais pas la situation dans les communautés autochtones. Toutefois, dans les petites collectivités, il sera sans doute plus difficile d'appliquer cette loi. Par contre, il reviendra à la victime de concevoir la façon de faire. N'oublions pas que ce n'est pas la victime qui a commis le crime, mais l'agresseur.

De dire à l'agresseur de changer de communauté constitue peut-être un bon signe d'empathie envers la victime et les séquelles qu'elle a subies. Si l'agresseur décide par lui-même de sortir de sa communauté ou d'aller à l'extérieur, peut-être cela soulèvera-t-il pour lui de nouvelles préoccupations. Par contre, cela fera preuve d'une volonté de sa part à se réhabiliter et d'un respect envers la victime et ses choix. N'oublions pas que cette personne n'a jamais cherché à être victime de ce crime. C'est pourquoi il faut vraiment considérer la victime.

Dans les petites collectivités, il reviendra au juge de décider. À mon avis, la mesure pourra tout de même s'appliquer.

[Traduction]

Le sénateur McIntyre : Ce projet de loi ne contient que six articles. L'un stipule que, en cas de circonstances exceptionnelles, le juge n'a pas à consigner ses raisons par écrit, toutefois, il doit justifier sa décision dans le dossier. Préféreriez-vous que le juge consigne sa décision par écrit ou êtes-vous satisfait si elle figure uniquement au dossier?

Je devrais peut-être préciser que l'exigence selon laquelle les motifs de la décision doivent être donnés par écrit pourrait exercer énormément de pression sur les ressources des tribunaux. Voilà peut-être la raison. On pourrait éventuellement obtenir les mêmes résultats en énonçant les motifs afin qu'ils soient consignés au dossier de l'instance.

Mme Latimer : Tant qu'il s'agit d'une cour d'archives — ce qui est le cas la plupart du temps — on aurait accès aux motifs de la décision même s'ils avaient simplement été énoncés par le juge, plutôt que donnés par écrit, ce qui requiert davantage de temps. Je crois qu'on peut atteindre les mêmes objectifs en énonçant les motifs pour qu'ils soient consignés.

Le sénateur McIntyre : Au dossier?

Mme Latimer : Oui.

Mme Pate : Voilà justement l'un des points que nous essayons de faire valoir, car nous sommes frustrés par tout le temps consacré à des projets de loi comme celui dont nous sommes saisis, alors que ces conditions pourraient déjà être imposées, au lieu de consacrer les ressources dans la collectivité.

Notre organisation, et je dirais qu'il en va de même pour toutes les organisations présentes, accorde énormément d'importance à la mise en place de ressources afin d'aider les gens et de prévenir la victimisation. Mais plus nous concentrons notre énergie sur des projets de loi à répétition, sur l'imposition de conditions supplémentaires afin d'atteindre le même objectif, le reste de notre travail en souffre.

Le sénateur McIntyre : Tout à fait. Il est beaucoup plus simple d'énoncer les motifs de la décision afin de les consigner au dossier de l'instance plutôt que de devoir rendre une longue décision par écrit, et d'attendre quelques mois avant de la soumettre aux parties.

Le sénateur McInnis : Le parrain du projet de loi nous a parlé de victimes qui auraient subi de graves préjudices en devant se trouver en présence du délinquant — je crois qu'il a dit que cela s'était produit à Langley, en Colombie-Britannique. Je crois qu'il a également évoqué la revictimisation.

Ma question est la suivante : qui est responsable de cet échec à l'égard des victimes de Langley, échec qui aurait pu être évité grâce aux conditions inscrites dans ce projet de loi?

Madame Latimer, en réponse à une question du sénateur Baker portant sur le fait que les conditions peuvent déjà être imposées à l'heure actuelle, la différence est qu'elles ne sont pas pour l'instant obligatoires, et le seraient à l'avenir. Les conditions pouvaient être imposées, à la discrétion des autorités compétentes. Ce projet de loi obligerait à envisager cette condition. Voilà la distinction.

Le projet de loi porte sur cette question, et aurait permis d'éviter certaines autres situations. Je n'entrerai pas dans les détails de la Charte canadienne des droits des victimes, mais je vous invite à la lire, car on ne fait qu'apporter des modifications au Code criminel et à d'autres lois. En effet, on y dicte une charte des droits des victimes, c'est une première au pays — certaines provinces en ont déjà — et ce texte de loi sera fort valable.

Le président : Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

Le sénateur McInnis : Je voulais simplement bien faire comprendre que ces mesures dont déjà prévues par le Code criminel — je ne remets pas cela en question — mais ne sont pas appliquées de manière uniforme. Les autorités compétentes peuvent se tromper ou omettre certains éléments. Ça s'est vu par le passé.

Le président : Y a-t-il des réactions? Très bien, poursuivons.

La sénatrice Batters : En ce qui concerne ce que je crois être la dernière réponse donnée par M. Fortier, je vous remercie de souligner l'importance de penser aux victimes dans de telles circonstances. Ces personnes n'ont pas choisi de se retrouver dans une telle situation.

Pendant le tour de parole du sénateur Joyal, on aurait pu donner l'impression aux personnes qui écoutent cette séance de comité qu'il s'agit d'un projet de loi qui s'applique à la plupart des délinquants, mais ce projet de loi ne s'applique qu'aux délinquants sexuels dont les victimes sont des enfants. J'aimerais que le comité se concentre sur cet aspect de la question.

Madame Latimer, je voulais justement vous poser une question à cet égard. Premièrement, je trouve encourageant de vous entendre dire que vous ne vous inquiétez pas de ce projet de loi et que vous reconnaissez qu'il y a certaines circonstances dans lesquelles ce genre de conditions sont pleinement justifiées. Merci de le dire.

Tout à l'heure, vous nous faisiez remarquer qu'on a la Déclaration des droits des victimes, qui vient d'être déposée par le gouvernement, et qu'en plus on a d'autres projets de loi portant sur les questions des victimes, mais qui n'ont aucun rapport avec la déclaration. La raison en est que la déclaration est un projet de loi proposé par le gouvernement, déposé par le ministre de la Justice, tandis que les autres projets de loi — et notamment celui dont on discute aujourd'hui — sont des projets de loi d'initiative parlementaire, c'est-à-dire qu'ils sont présentés par de simples députés en réaction à une expérience personnelle, ou à l'expérience de l'un de leurs commettants qui se sont retrouvés dans des circonstances regrettables. Ils déposent donc un projet de loi en vue d'essayer d'améliorer le droit pénal. C'est bien là ce qu'est la démocratie, à savoir que n'importe qui peut s'adresser au Parlement fédéral afin de faire améliorer les lois pénales ou autres. C'est ce que je voulais vous dire. C'est la raison pour laquelle il y a toute une gamme de projets de loi qui semblent n'avoir aucun rapport entre eux et qui portent tous sur le même sujet.

Tout à l'heure, vous avez dit que vos préféreriez que l'on octroie davantage d'argent aux services destinés aux victimes. Bien entendu, un projet de loi d'initiative parlementaire ne peut pas engager de dépenses sans une recommandation royale. Je voulais le signaler pour savoir si vous avez des observations à cet égard.

Mme Latimer : Je sais qu'il y a certaines limites aux projets de loi d'initiative parlementaire et qu'il faut qu'ils soient cohérents avec les autres mesures législatives proposées. Étant donné que la question des victimes en général et la déclaration de leurs droits, qui est actuellement devant la Chambre, auront des répercussions importantes, comme l'a bien dit le sénateur McInnis, je pense qu'il serait sage de s'assurer qu'il n'y ait pas d'incohérence flagrante entre les projets de loi d'initiative parlementaire et les autres. Voilà ce qui m'importe.

Étant donné que le gouvernement met l'accent sur les victimes, il serait particulièrement opportun d'y consacrer d'autres ressources. En réponse à une question, j'ai dit qu'il serait plus utile d'attribuer des ressources à une vaste initiative en faveur des victimes plutôt que de se contenter de durcir les conditions d'interdiction de contact.

Nous n'avons rien contre les conditions d'interdiction de contact comme telles, surtout si celles-ci peuvent rassurer les victimes. S'il y a lieu de croire qu'un contrevenant continue d'en vouloir à qui que ce soit, ce genre de conditions devraient certainement être imposées.

Le président : Il nous reste un peu de temps. Je crois que les témoins pourront rester jusqu'à 19 heures.

Le sénateur Joyal : Avant que l'on vous invite à vous exprimer sur l'octroi et le retrait du consentement, j'avais une question à cet égard. Pensez-vous que ce projet de loi reconnaît que ce genre de situation se produit bel et bien? Par exemple, une victime peut être très jeune. Dans ce cas-là, les parents pourraient préférer que cette victime ne communique pas avec quelqu'un de la famille, mais, plus tard, lorsque la victime est à l'âge adulte, elle pourra souhaiter reprendre le contact afin de pouvoir tourner la page.

Comment gérerions-nous une telle évolution de la situation qui, selon moi, pourrait se produire?

Mme Pate : J'ai soulevé cette question. Je ne sais pas comment on pourrait aborder cette situation autrement que par le processus d'appel habituel. Sinon, il faut attendre la fin de la peine, s'il ne s'agit pas d'une peine d'emprisonnement à perpétuité. Je me pose une autre question : à part le processus d'appel et à moins qu'on puisse convaincre la Couronne d'interjeter appel, comment procéder à l'examen de décisions judiciaires? Je ne connais pas la réponse.

Le sénateur Joyal : Selon votre expérience, quand la cour invite une victime à faire un exposé et à exprimer son point de vue, on pourrait prendre en considération ce qu'a dit la victime au moment de déterminer la peine, mais à un moment donné, les événements peuvent être perçus différemment. Comment le système doit-il tenir compte de ces situations tout en s'assurant qu'il atteint son objectif visant à réinsérer les gens afin qu'ils puissent avoir une vie et une vie de famille normale?

Mme Pate : Nous convenons qu'il faut en tenir compte, tout en reconnaissant que le mécanisme ne doit pas être utilisé à des fins plus oppressives pour la personne, comme c'est parfois le cas avec les ordonnances préventives obligeant par exemple à ne pas troubler l'ordre public.

Mme Latimer : Vous soulevez une question intéressante. Certaines victimes peuvent cheminer vers la guérison et ce qu'elles ressentent immédiatement après le délit ne correspond pas forcément à ce qu'elles ressentiront plus tard. Il peut être contraignant pour elles de se retrouver coincées par une ordonnance judiciaire qu'elles avaient peut-être souhaitée auparavant. Les victimes doivent avoir la possibilité de réfléchir au retrait ou non d'une ordonnance de non-communication si elles souhaitent entreprendre des démarches de réparation ou d'autres démarches qui les amèneraient à communiquer avec le contrevenant.

Mme Illingworth : Tout dépend de la peine imposée à l'origine. S'il s'agit d'une agression sexuelle d'enfants, il est probable que l'enfant décide éventuellement de communiquer avec un parent ou avec la personne qui l'a agressé, mais à un jeune âge, les enfants doivent être protégés de ceux qui les ont agressés.

À propos des décisions imposées ultérieurement par la Commission des libérations conditionnelles, les victimes auront certainement le droit, au moment où elles sont adultes et peuvent participer au processus de libération conditionnelle, d'affirmer qu'elles n'ont pas besoin d'ordonnance de non-communication.

Le sénateur Joyal : Merci.

Le président : D'autres sénateurs veulent-ils poser des questions? Puisqu'il n'y en a pas, je remercie les témoins. Merci d'avoir participé à notre séance de ce soir et merci pour votre contribution.

Avant d'ajourner, chers collègues, je vous rappelle que nous nous rencontrons demain matin. Nous allons entendre le président de la Commission nationale des libérations conditionnelles.

Nous allons étudier le projet de loi C-37, actuellement au Sénat, sur le changement de nom des circonscriptions, mais nous ne savons pas exactement quand. Éventuellement vendredi ou lundi. Cela dépendra du moment où le ministre et le leader du gouvernement à la Chambre peuvent témoigner.

Le sénateur Joyal : Monsieur Baker m'a dit qu'un projet de loi porte sur les agressions de chauffeurs d'autobus. Pourriez-vous nous dire si nous en serons saisis?

Le président : Il est inscrit à l'ordre du jour de demain. Demain, nous entendrons le président de la Commission des libérations conditionnelles et nous souhaitons être en mesure de passer à l'étude article par article de ce projet de loi, le C-489. Ensuite, nous aurons l'occasion, pendant environ une heure, d'étudier le projet de loi C-221.

La sénatrice Jaffer : Nous avons également une réunion à 12 h 30 demain. Il y a un conflit d'horaire. Aurons-nous terminé à 12 h 30?

Le président : C'est l'heure prévue. Nous devrions pouvoir nous en tenir à l'horaire. D'autres interventions? Puisqu'il n'y en a pas, la séance est levée.

(La séance est levée.)


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