Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 25 - Témoignages du 4 février 2015
OTTAWA, le mercredi 4 février 2015
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été soumis l'examen du projet de loi C-479, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (équité à l'égard des victimes), se réunit aujourd'hui, à 16 h 16, pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Je souhaite la bienvenue à mes collègues, aux invités, et aux membres du grand public qui suivent les travaux du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Nous sommes ici aujourd'hui pour amorcer nos délibérations sur le projet de loi C-479, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (équité à l'égard des victimes), qui propose de donner à la Commission des libérations conditionnelles du Canada davantage de pouvoirs pour prolonger les intervalles entre les audiences de libération conditionnelle et d'office pour certains délinquants violents. Le projet de loi propose en outre d'autoriser la commission à annuler dans certains cas les audiences de libération conditionnelle.
Le projet de loi C-479 avait tout d'abord été déposé à la Chambre des communes en février 2013 par David Sweet, député d'Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, en Ontario. Le projet de loi a été rétabli par la Chambre au début de la session actuelle. Il s'agit de notre première réunion portant sur le projet de loi C-479.
Je rappelle aux téléspectateurs que les audiences du comité sont ouvertes au public et qu'elles sont aussi proposées en webémission sur le site web sen.parl.gc.ca. Vous trouverez de plus amples renseignements sur le calendrier de comparution des témoins sur le même site web sous la rubrique « Comités du Sénat ».
Dans notre premier groupe de témoins aujourd'hui, veuillez accueillir le parrain du projet de loi, David Sweet, député d'Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale. Bienvenue au comité, monsieur Sweet. Vous avez la parole pour la déclaration d'ouverture.
David Sweet, député d'Ancaster—Dundas—Flamborough— Westdale, parrain du projet de loi : Merci beaucoup, monsieur le président, et mesdames et messieurs les sénateurs, membres du comité. Je suis heureux d'être ici avec vous aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-479, Loi sur l'équité à l'égard des victimes de délinquants violents.
C'est d'autant plus émouvant que notre réunion du comité ait lieu aujourd'hui que, si vous êtes ici, vous pouvez toujours parler de l'autre endroit. Je sais que lorsque nous sommes à la Chambre, nous parlons de l'autre endroit. Étant donné que la Chambre débat aujourd'hui de la Déclaration des droits des victimes, il est d'autant plus opportun que nous débattions ici du projet de loi C-479.
Avant de commencer, monsieur le président, j'aimerais reconnaître le travail que vous avez accompli à titre de solliciteur général, de ministre des Services correctionnels et de ministre de la Sûreté et de la Sécurité publique dans le gouvernement de l'Ontario. Votre défense vigoureuse des victimes et la compassion dont vous avez fait preuve à leur égard sont très louables. C'est donc pour moi un honneur de présenter mon projet de loi devant vous.
J'aimerais aussi saluer l'honorable sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, qui représente Lasalle, au Québec. L'honorable sénateur a été pour moi un ami et une ressource précieuse à la Chambre au moment de présenter le projet de loi. En effet, il sait d'expérience les douleurs et les souffrances tragiques dont souffrent les victimes et leur famille au moment de traverser ces épreuves et de traiter avec le système de justice pénale du Canada. Je le remercie de ses conseils et de son appui, et d'avoir piloté ce dossier au Sénat.
J'aimerais également remercier Mona Lee qui m'accompagne aujourd'hui. C'est son deuxième voyage ici. Elle a évidemment vécu une tragédie dont elle témoignera avec le deuxième groupe. Je lui suis reconnaissante d'avoir fait ce voyage pour témoigner.
S'agissant bien sûr de notre ombudsman des victimes d'actes criminels, il ne vaut mieux pas que je commence à faire ses éloges, car tout mon temps y passerait. Je veux toutefois la remercier pour l'excellent travail qu'elle a accompli et l'aide qu'elle m'a apportée.
J'aimerais enfin saluer mon ancien adjoint législatif, qui se trouve derrière moi à droite, Stephan Rose, qui a piloté le projet de loi et a beaucoup travaillé à mettre au point ses diverses versions.
Je remercie tous les membres du comité pour l'intérêt qu'ils portent à ce projet de loi. Je sais que certains sénateurs ont parlé du projet de loi C-479 lors de sa deuxième lecture à la Chambre haute. Je serais donc heureux de répondre à vos questions et de réagir à vos commentaires et à vos réflexions.
Monsieur le président, depuis cinq ans que je travaille sur ce projet de loi, j'ai eu des centaines de conversations, dont bon nombre avec certains des témoins que vous entendrez cet après-midi et qui m'ont beaucoup appris. Mais, comme toujours, je dois commencer en vous exposant les circonstances qui m'ont amené à présenter ce projet de loi sous sa forme actuelle. C'était à l'été 2010. Un couple très respecté dans la collectivité que je représente m'a demandé d'assister avec lui à une audience de la Commission des libérations conditionnelles. Il voulait qu'un représentant fédéral puisse voir de ses propres yeux le déroulement de ce processus et la voix donnée aux victimes et à leur famille.
J'ai donc voyagé avec lui à Gravenhurst, en Ontario, pour assister à l'audience du beau-frère de ma commettante qui, par un acte extrêmement violent et haineux, a assassiné sa femme et ses deux jeunes enfants. Les corps de la mère et de la fille ont été trouvés par la police dans le canal Welland, mais, à ce jour, le corps du fils du meurtrier et neveu de ma commettante n'a jamais été retrouvé. Il s'agissait donc d'un crime violent et brutal.
Lorsque j'ai accepté d'assister à l'audience, monsieur le président, je savais que j'allais vivre des émotions intenses. Je pensais aussi que j'allais apprendre des choses; et c'est ce qui est arrivé.
Cela dit, monsieur le président, tant que je vivrai, je n'oublierai jamais cette journée et certains moments très particuliers que j'ai vécus. Vous pouvez bien imaginer que dans la salle, l'émotion était à fleur de peau. Avant même que l'on entende les mots familiers de la déclaration des victimes, les larmes ont commencé à couler. Les images de ce crime commis plus de 30 ans auparavant resurgissaient et les pleurs étaient inconsolables.
Monsieur le président, même si ma commettante avait consciencieusement assisté au fil des ans aux audiences de la Commission des libérations conditionnelles, elle ne pouvait pas encore s'empêcher de ressentir le sentiment profond d'être à nouveau victimisée. Même si ceux d'entre nous qui n'ont pas vécu une telle expérience ne peuvent pas entièrement appréhender la douleur, ils peuvent certainement faire preuve d'empathie. Avoir à prononcer cette déclaration année après année est cruel, frustrant et franchement — et c'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai présenté ce projet de loi — inutile dans bien des cas. En 2011 et 2013, j'ai de nouveau regardé la famille subir le même processus. Dans sa déclaration, ma commettante posait à chaque fois au meurtrier les mêmes questions : « Pourquoi as-tu tué ta famille? Qu'as-tu fait de ton fils? »
Malheureusement, elle n'a jamais eu de réponse. Le délinquant est assis et garde un air impassible parce qu'il ne ressent aucun remords. C'est cette réaction qu'a soigneusement notée la commission lorsqu'elle lui a à nouveau refusé, en 2013, la liberté conditionnelle totale.
Ayant assisté à la scène, je peux vous dire que c'est un exemple spectaculaire et tragique de revictimisation. En faisant de la recherche pour ce projet de loi, j'ai constaté qu'il y en avait d'autres exemples encore pires. C'est comme si les délinquants violents ressentaient une joie perverse de voir souffrir les victimes et leur famille. Les pires sont ceux qui attendent la dernière minute pour se soustraire au processus sans explication, comme pour se moquer du système et faire encore plus de mal aux victimes, qui sont déjà là avec leur famille, étreintes par les émotions qu'elles ont vécues en se préparant à l'audience, avec leurs valises prêtes. Voilà pourquoi, monsieur le président, il y a au cœur du projet de loi C-479 la volonté de donner à la Commission des libérations conditionnelles du Canada le pouvoir de faire ce qui est juste, les outils qui permettront au processus d'être aussi équitable pour les victimes et leur famille que pour les agresseurs.
En prolongeant les périodes d'examen obligatoire aux fins de la libération conditionnelle, la commission, qui a pour tâche de prendre des décisions avec discernement et en tenant compte de tous les faits pertinents, aura davantage d'options.
Monsieur le président, et mesdames et messieurs membres du comité, des témoins vous diront demain qu'il s'agit d'une mesure punitive et trop coûteuse. Je sais qu'il s'agit de mon allocution d'ouverture, mais permettez-moi d'aborder brièvement ces points. Je serai évidemment heureux d'en discuter pendant la période de questions.
Avec tout le respect que je leur dois, je ne suis pas d'accord avec ceux qui affirment que les dispositions du projet de loi C-479 sont punitives. Pour moi, elles relèvent de la décence, du respect, du sens commun et de l'équité pour les victimes.
Le projet de loi C-479 permet à la Commission des libérations conditionnelles du Canada d'avoir les outils nécessaires pour accomplir sa tâche à l'égard des délinquants les plus violents. C'est tout. Rien ne l'empêche d'écourter les périodes d'examens. Elle conserverait le pouvoir discrétionnaire d'en décider et nous lui faisons confiance à cet égard.
S'agissant des coûts, monsieur le président, beaucoup d'hypothèses laisseraient entendre que les délinquants les plus violents seraient incarcérés trop longtemps. À mon avis, il conviendrait de vérifier les faits. Pour vous donner un contexte, le système carcéral fédéral abrite plus de 13 000 détenus. En 2010-2011, ils étaient 13 758. La majorité d'entre eux n'ont pas commis d'infraction avec violence. Par conséquent, les changements apportés à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ne les concerneraient pas.
Mais au-delà des statistiques, posons-nous des questions de façon réaliste : est-ce que Clifford Olson aurait été libéré sous conditions, encore moins libéré plus tôt? Est-ce que le triple meurtrier de la famille de ma commettante aurait obtenu la libération conditionnelle en 2010, 2011 ou 2013? Est-ce que le meurtrier de la sœur de Mona Lee l'aurait obtenue?
Monsieur le président, on reproche aussi au projet de loi C-479 de permettre aux victimes d'avoir accès à des renseignements trop détaillés sur le délinquant. Si ces critiques affirment que les victimes n'ont pas le droit d'être informées sur les dates et les conditions de libération, et sur les déplacements d'un délinquant à proximité de la victime, encore une fois et avec tout le respect que je leur dois, je ne suis pas du tout d'accord avec eux.
S'il s'agissait de votre fils, de votre fille, de votre mari ou de votre femme, ne voudriez-vous pas savoir que le délinquant va se trouver dans votre collectivité et à quelle date? Je pense que cette information est juste et raisonnable.
Monsieur le président, et mesdames et messieurs membres du comité, j'aurais bien d'autres choses à dire sur la Loi sur l'équité à l'égard des victimes de délinquants violents. Mais pour gagner du temps, j'attendrai vos questions et commentaires.
Permettez-moi de conclure en vous demandant de garder à l'esprit, lorsque vous entendrez les témoignages et que vous examinerez le projet de loi C-479, trois points essentiels.
Premièrement et comme je l'ai fait encore remarquer aujourd'hui, le projet de loi consiste à donner à la Commission des libérations conditionnelles du Canada le pouvoir discrétionnaire dont elle a besoin s'agissant des délinquants violents. Elle lui permet, sans le lui ordonner, de prolonger les périodes d'examens.
Deuxièmement, je ferai remarquer que le projet de loi C-479 a été adopté à l'unanimité à la Chambre des communes. Autrement dit, tous les députés de la Chambre l'ont appuyé. Ils viennent de tous les horizons, de toutes les régions du pays; nombre d'entre eux sont des avocats, ou ont été ministres de la Couronne au niveau provincial et fédéral. Tous ceux qui ont appuyé le projet de loi l'on fait en faisant preuve d'indépendance d'esprit, en ayant les ressources et les capacités d'examiner avec diligence les dispositions du projet de loi, en ayant compris les recommandations que font valoir depuis des décennies le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels et les groupes de victimes. Cela témoigne sans l'ombre d'un doute du consensus selon lequel les victimes et leur famille doivent être traitées de façon équitable. Cela témoigne sans l'ombre d'un doute du consensus selon lequel il faut agir immédiatement.
Troisièmement, je continue d'insister sur le fait que le projet de loi concerne les délinquants violents. Il concerne les pires crimes commis contre les Canadiens. Il s'agit d'histoires vraies, de vies qui ont été bouleversées, d'où la nécessité d'agir dès maintenant.
Monsieur le président, et mesdames et messieurs membres du comité, les victimes ont attendu assez longtemps. Je vous prie donc de faire aboutir le projet de loi C-479 qui offrira aux victimes un minimum d'équité, de paix et de réconfort.
Le président : Merci, monsieur Sweet. Nous allons commencer la période de questions par le vice-président, le sénateur Baker.
Le sénateur Baker : Je tiens à remercier David Sweet qui, depuis des années, déploie de vigoureux efforts pour faire adopter cette loi ou une loi semblable. Comme il l'a mentionné, le projet de loi a été adopté à l'unanimité par la Chambre des communes. Il a aussi suscité l'unanimité des voix lors des audiences en comité de la Chambre des communes.
Monsieur Sweet, vous en êtes désormais aux dernières étapes de l'adoption du projet de loi. De nombreuses parties en ont été modifiées par amendement, à la fois en comité et à l'étape du rapport à la Chambre des communes. Comme dans le cas d'autres projets de loi d'initiative parlementaire dont a été saisi le comité, quelquefois, les amendements apportés ne venaient pas de vous, mais du comité et de ses membres, amendements qui suscitent certains problèmes par rapport à la loi.
Je me demande si quelqu'un pourrait remettre à M. Sweet la partie du document élaboré par le comité permanent, dans lequel l'amendement a été fait. Je vais simplement lire une partie de cet amendement qui a été intégré à votre projet de loi.
L'article 7(3) du projet de loi se rapporte à certains paragraphes dudit projet qui :
[...] s'appliquent aux délinquants même s'ils ont été condamnés ou transférés au pénitencier avant la date d'entrée en vigueur du présent article.
Je vous ai transmis les raisons qui ont motivé cet amendement. Je vais vous les lire. La raison de cet amendement est que les délinquants purgeant actuellement une peine seront couverts par le projet de loi; dans son précédent libellé, il ne se serait appliqué qu'aux délinquants qui n'avaient pas encore été condamnés au moment où la loi a été changée. En fait, ce n'aurait été que de nombreuses années après que les effets de la loi se seraient concrétisés.
Vous n'avez pas commenté ce texte et je ne pense pas que d'autres députés en aient parlé, peut-être parce qu'il n'avait pas été examiné à fond après son adoption.
Le sénateur Joyal demande qui a proposé l'amendement. C'est Mme Roxanne James. Monsieur Sweet, Mme James n'est-elle pas la secrétaire parlementaire du ministre de la Justice?
M. Sweet : Du ministre de la Sécurité publique.
Le sénateur Baker : De la Sécurité publique. Que pensez-vous de ce texte et de ce qu'elle a dit à propos de l'intention de cette disposition selon laquelle, sous sa forme précédente, le projet de loi ne se serait appliqué qu'aux délinquants qui n'avaient pas encore été condamnés au moment où la loi a été changée et qu'en fait, il aurait fallu attendre des années avant que le projet de loi ne porte ses fruits? Que pensez-vous de l'intention de cet amendement particulier?
M. Sweet : Je tiens tout d'abord à vous remercier, sénateur, de vos bons mots et de votre préambule. Je vous en sais gré. Cette mesure a suscité énormément de travail et de nombreuses consultations auprès des victimes. Mais ce qui est encore plus important, c'est que les victimes attendent que le projet de loi se concrétise. Je vous remercie donc beaucoup.
Le sénateur Baker : Vous avez témoigné devant la Commission des libérations conditionnelles, n'est-ce pas?
M. Sweet : Oui, à de nombreuses reprises. S'agissant de l'amendement — et vous en êtes conscient de par votre expérience, sénateur —, de par sa nature même, la loi n'est pas rétroactive. Je croyais que l'amendement dans son ensemble — si vous le lisez, il comporte trois paragraphes — visait à ce que l'examen prévu pour quelqu'un déjà condamné relève encore des dispositions habituelles de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, dans sa forme actuelle. À l'occasion de l'examen suivant cependant, la Commission des libérations conditionnelles du Canada pourrait alors disposer des pouvoirs discrétionnaires prévus par le projet de loi. Je pense donc qu'il s'agit d'un amendement judicieux qui permettrait à ceux qui doivent suivre le processus de la commission, à savoir les victimes et leur famille, d'éprouver un certain réconfort en sachant que la Commission des libérations conditionnelles du Canada a désormais ce pouvoir discrétionnaire.
Je ne l'ai pas mentionné dans mes observations liminaires, mais ce que j'ai constaté d'après mon expérience de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, c'est qu'elle est composée de gens très bien formés et professionnels. Je me rappelle en particulier de la première personne que j'ai rencontrée. M. Rallo avait été surpris d'avoir déjà eu à faire à elle trois audiences auparavant. Cette personne disposait d'une montagne de dossiers, qui constituait la mémoire institutionnelle et qui lui permettait de traiter le cas avec circonspection et en connaissance de cause, ce que n'aurait peut-être pas pu faire un nouveau membre. J'imagine que ces membres seraient vraiment capables de se servir de ces outils dans le cas d'un délinquant violent ayant prouvé pendant son incarcération son intention de se réformer, de se préparer à réintégrer la collectivité, d'être un citoyen productif et de s'amender. En l'occurrence, les membres auraient toujours l'option d'examiner le cas plus tôt, si le délinquant en fait la demande. Pour cette raison, j'ai pensé que l'amendement était équitable, représentant un bon équilibre pour les victimes qui seraient en mesure de profiter du projet de loi d'une part et pour les délinquants qui pourraient avoir leur prochain examen selon le calendrier habituel d'autre part.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je vous remercie d'avoir accepté de témoigner devant le comité. Je vous félicite pour ce projet de loi que j'ai l'honneur de parrainer au Sénat au nom de toutes les victimes.
Par le passé, des victimes ont été fréquemment harcelées par leurs criminels. Il arrivait souvent que des criminels aient décidé de ne pas se présenter devant la Commission des libérations conditionnelles et qu'ils recommençaient à harceler leurs victimes. Le cas le plus pathétique est celui d'Olson. Pendant son incarcération, il a négligé de se présenter une dizaine de fois, alors que les familles des victimes étaient avisées quelques heures seulement avant l'audience. Ce sont des pressions énormes que doivent subir les familles en plus de la perte d'un être cher, souvent dans des conditions horribles. Je suis donc entièrement en faveur de ce projet de loi.
J'ai quelques questions un peu plus techniques à vous poser. Lorsque j'ai rédigé la présentation que je ferai au Sénat à l'étape de la troisième lecture, je me demandais si les victimes seraient informées... Au moment où un criminel reprendra sa liberté, est-ce que les renseignements seront transmis à la victime dans les 14 jours suivant la libération du délinquant? Est-ce exact?
[Traduction]
M. Sweet : C'est exact.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je rencontre fréquemment des victimes, et ce qu'elles souhaitent, surtout, c'est d'être informées avant que le criminel soit remis en liberté. Dans de nombreux cas, des victimes rencontrent leur criminel dans une place publique, dans un centre commercial ou dans la rue, entre autres, alors qu'elles n'étaient pas au courant de leur remise en liberté. Je me demande pourquoi on n'avertit pas les victimes avant la remise en liberté des criminels?
[Traduction]
M. Sweet : Merci de votre question, sénateur. Je suis entièrement d'accord avec vous sur le fond de la question. Plus tôt les victimes disposent de ces informations, le plus elles se sentent en sécurité et peuvent sans tarder prendre des mesures au cas où la personne se trouverait à proximité et qu'elles décident de prendre certaines initiatives pour se sentir davantage en sécurité.
Cela dit, et comme je l'ai fait remarquer dans mes notes, plus je me penche sur le sujet, plus je constate qu'il peut être compliqué d'obtenir ces renseignements, quelquefois pour des raisons de sécurité, quelquefois à cause de la nature complexe des rapports entre le Service correctionnel du Canada et la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Mais je crois que le message a été très clair : on veut que l'information soit divulguée le plus rapidement possible, sauf dans le seul cas prévu dans la loi, à savoir que cette divulgation mettrait en péril la sécurité du délinquant libéré.
Habituellement, je n'aime pas faire des hypothèses, mais à titre d'exemple pour le comité, si le délinquant a commis une infraction en compagnie de plusieurs autres personnes et qu'il est appelé à témoigner contre elles, sa libération pourrait l'exposer à des représailles. En l'occurrence, la loi permet la non-divulgation de cette information, faute de quoi le délinquant serait exposé à de graves dangers. On pourrait probablement penser à des centaines d'exceptions du genre, mais en voilà une.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : C'est la victime qui est placée dans une situation de danger grave. Il y a eu quelques cas, notamment celui de la policière de Québec, Sandra Dion, où le criminel incarcéré la menaçait en affirmant qu'il l'agresserait de nouveau une fois qu'il serait remis en liberté. Notre système ne prévoit presque pas de mesures pour protéger les victimes lorsque des criminels sont remis en liberté. Nous disposons de très peu de moyens pour protéger nos victimes.
Donc, si on libère des criminels à risque et que les victimes en sont avisées après coup, est-ce que cela ne représente pas un plus grand danger pour ces dernières?
[Traduction]
M. Sweet : Nous nous assurons qu'il y ait une période minimale qui n'était pas prévue jusqu'à maintenant. Nous voulons certainement nous assurer que tout est fait pour les aviser et les garder en sécurité. J'ai estimé que cette disposition, qui n'était pas prévue jusqu'à maintenant, donnerait à la Commission des libérations conditionnelles du Canada et au Service correctionnel du Canada suffisamment de temps pour mettre de l'ordre dans leurs affaires et aviser les victimes, mais je suis de tout cœur avec vous, sénateur. En évaluant ces éléments, vous devez vous pencher non seulement sur la complexité technique de la relation qui existe entre le Service correctionnel du Canada et la Commission des libérations conditionnelles du Canada, mais aussi sur les éléments que vous pouvez intégrer dans un projet de loi, la portée de ce dernier et ses conséquences, et ce qui sera acceptable. Comme je vous l'ai dit, je suis de tout cœur avec vous et j'aurais moi-même aimé qu'on puisse aller plus loin.
Le sénateur Joyal : Merci de votre exposé, monsieur Sweet. Je pense que ce projet de loi présente certainement des avantages. Toutefois, j'ai une question à propos de l'amendement qui a été présenté à l'autre endroit. Comme l'a fait remarquer mon collègue, le sénateur Baker, l'amendement a été proposé par la secrétaire parlementaire du ministre de la Sécurité publique. Lorsque le projet de loi a été débattu et amendé, c'était, à ce que je sache, avant le verdict rendu par la Cour suprême pris dans l'affaire Procureur général du Canada c. Whaling. Le connaissez-vous?
M. Sweet : Non.
Le sénateur Joyal : Le problème que je vois est simple. Lorsque l'amendement a été présenté, il avait pour conséquence d'accorder un effet rétroactif au projet de loi, ce qui était l'objet de l'amendement, comme vous l'avez affirmé vous-même. Je ne cite pas textuellement vos propos, car je n'ai pas eu le temps de tous les prendre en note. Mais vous dites qu'en l'état actuel des choses, pour ceux qui sont incarcérés, le projet de loi aura un effet immédiat. Or, pour que le projet de loi ait un effet immédiat, il doit être rétroactif. Autrement dit, il doit s'appliquer à ceux qui ont été condamnés avant son entrée en vigueur. Je vois que vous hochez de la tête. Malheureusement, on n'en fait pas état dans le procès-verbal du comité, mais je pense que vous pouvez me dire si, d'après ce que vous dites, mon interprétation est bonne.
M. Sweet : Sénateur, j'ai dit que le prochain examen se déroulera pour le délinquant conformément aux conditions actuelles de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Tout examen ultérieur serait régi par l'amendement qui a été apporté au projet de loi, s'il fait l'objet de la sanction royale et qu'il devient loi. Cela dépendra évidemment de vous et de la troisième lecture au Sénat.
Le sénateur Joyal : Toutefois, le problème que je vois est que la Cour suprême a clairement retenu, dans une décision rendue publique au printemps dernier, après que l'amendement ait été présenté, le principe d'application rétrospective concernant les décisions de la Commission des libérations conditionnelles.
Je vais vous citer la décision de la Cour suprême au paragraphe 8, à la page 399. Je ne sais pas si vous l'avez sous la main, mais la greffière pourrait vous la remettre.
Le paragraphe 8 de la décision de la Cour suprême se lit comme suit :
La Cour doit déterminer si l'augmentation rétrospective du temps d'épreuve pour l'admissibilité à la semi-liberté à l'égard des détenus condamnés et punis avant l'abrogation des dispositions créant la PEE porte atteinte au droit des intimés, garanti par l'al. 11h) de la Charte, de ne pas être punis de nouveau pour les infractions commises.
La décision se poursuit au paragraphe 9 et je cite :
Le présent pourvoi permet à la Cour de réexaminer l'objet de l'al. 11h) et d'en définir la portée. Pour les motifs qui suivent, je conclus que l'al. 11h) s'applique au grief des intimés. L'augmentation rétrospective du temps d'épreuve pour l'admissibilité à la semi-liberté porte atteinte au droit des intimés, garanti par l'al. 11h), de ne pas être « puni[s] de nouveau ». Cette atteinte n'est pas justifiée au regard de l'article premier de la Charte.
La décision a été rendue par le juge Wagner au nom de la cour et elle a été prise à l'unanimité.
Le problème est que nous avons désormais une décision de la Cour suprême du Canada concernant le principe même de rétroactivité s'agissant des demandes présentées à la Commission des libérations conditionnelles. À mon avis, l'article 7(3) de votre projet de loi est inconstitutionnel aux termes de cette décision. Je peux comprendre l'objectif de l'amendement, que vous avez précisé, mais il va à l'encontre d'une décision de la Cour. Je pense que si nous sommes appelés à approuver ce projet de loi dans sa forme actuelle, je ne suis pas en mesure d'appuyer cet article du projet de loi, étant donné la décision prise par la Cour suprême après que le projet de loi ait été adopté par le comité de la Chambre des communes.
L'une des fonctions du présent comité est d'examiner le caractère constitutionnel des projets de loi en regard des divers articles de la Charte. Or, dans ce cas, on constate à mon avis un empiétement évident sur un principe dont l'application a été retenue par la cour en regard des conditions de la Commission des libérations conditionnelles. Pourriez-vous commenter cette observation?
M. Sweet : Sénateur Joyal, je vous remercie de me donner l'occasion de commenter. Comme je ne connais pas tous les détails de l'affaire, ni tous les détails du jugement que vous venez de citer, je serais mal avisé de commenter. Mais il incomberait certainement au comité de décider si le fond de l'affaire et le fond du jugement se rapportent directement à ce qui nous intéresse, après quoi, vous prendrez évidemment vos décisions par rapport au projet de loi dont vous êtes saisis.
L'amendement a été libellé de façon circonspecte, mais je remets les décisions entre vos mains.
Le sénateur Plett : Merci, monsieur Sweet. Loin de moi l'idée de ne jamais appuyer en connaissance de cause un amendement du NPD, mais il est vrai que le NPD a proposé un amendement à l'autre endroit. On faisait allusion au fait que si une victime ne peut pas assister à l'audience, on pourrait l'autoriser à le faire par vidéoconférence, ou quelque chose comme ça, et je crois que la police de Toronto appuie plus ou moins cette proposition. Pouvez-vous me donner une raison pour laquelle les gens de l'autre endroit n'ont pas voulu accepter cet amendement?
M. Sweet : Non. Je ne pense pas avoir jamais parlé au nom d'un comité et je ne parlerai pas au nom de celui-ci. Je sais que les comités ont leurs propres orientations et en sont les maîtres, mais je crois au bien-fondé de la Déclaration des droits des victimes qui fait actuellement l'objet d'un débat. Et ce sont sur ces thèmes que le gouvernement se penchera au cours des prochains jours.
Le sénateur Plett : Nous allons entendre le témoignage de M. McCormack, qui y voyait un autre problème. Peut-être que vous pourrez en parler. Peut-être était-ce seulement en comité où l'on y voyait un problème. Je comprends donc que vous ne puissiez pas parler au nom du comité.
Le témoignage était le suivant et je cite :
Nous appuyons aussi le paragraphe 140(11), mais nous avons tout de même une observation à faire. Si la victime ne peut pas se présenter à une audience, elle « peut » présenter une déclaration écrite ou un enregistrement vidéo ou les deux à la commission. Or, vous devriez peut-être envisager d'ajouter que la commission recevra la déclaration comme preuve...
En a-t-on discuté ailleurs qu'au comité, je veux parler de l'autre endroit? Savez-vous quoi que ce soit à ce sujet?
M. Sweet : Non. Je le répète, d'après mon expérience avec la commission, le libellé utilisé permettrait le recours à d'autres technologies. Franchement, la commission va sans doute examiner les possibilités d'utiliser différents types de technologie.
J'ai été témoin à trois reprises des audiences de la Commission des libérations conditionnelles et j'ai constaté à ces occasions que ses moyens sont plutôt rudimentaires. Je suis donc certain qu'elle devra se mettre à jour en s'équipant d'Internet à haute vitesse et de la technologie connexe. Et je pense qu'elle sera ouverte à ces progrès.
Le sénateur Plett : Je n'en débattrai pas et terminerai sur cette observation : l'une des raisons pour lesquelles nous voulons resserrer les lois, tel que ce bon projet de loi que vous présentez ici, est que nous ne voulons pas laisser aux gens la capacité de prendre une décision en pensant que ce sera la bonne. Merci.
M. Sweet : Je suis d'accord avec vous.
Le sénateur McIntyre : Merci de votre exposé, monsieur Sweet. Si j'ai bien compris, votre projet de loi comprend deux volets essentiels. Le premier consiste à donner plus de voix aux victimes de crimes violents. Le deuxième, à modifier les dates de libération conditionnelle et d'examen de la détention. D'après ce que je comprends, votre projet de loi propose des changements qui sont entrés en vigueur dans d'autres juridictions, tels que la Californie, le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande. Pourriez-vous, s'il vous plaît, élaborer à ce sujet?
M. Sweet : C'est exact. Si vous avez entendu mon témoignage au comité de l'autre endroit, vous saurez que j'ai cité certains des travaux menés en Nouvelle-Zélande, en Australie et au Royaume-Uni concernant les mêmes mesures envisagées, qu'il s'agisse de donner plus de voix aux victimes ou de disposer de certains pouvoirs sur la façon dont un délinquant gère sa propre réhabilitation. Vous avez donc raison, nous ne sommes pas les seuls à nous orienter dans cette voie. Il y a eu beaucoup de recherches, beaucoup de pratiques, beaucoup de pratiques exemplaires et beaucoup de balises sur lesquelles nous pouvons faire enquête et voir celles qui sont les mieux adaptées aux délinquants qui sont libérés.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je vous remercie de votre présentation, monsieur Sweet. Je veux vous parler de la latitude dont dispose la Commission des libérations conditionnelles, qui a tendance à prolonger les intervalles entre les audiences. Est-ce que le fait de prolonger les intervalles entre les audiences modifie le comportement des détenus, et pourrait même modifier l'environnement carcéral?
[Traduction]
M. Sweet : je pense que la Commission des libérations conditionnelles aura d'autres possibilités. Prenons l'exemple d'un détenu qui n'a aucunement l'intention de se réformer ou de se réhabiliter — par exemple Clifford Olson que l'on a cité — qui a publiquement et à maintes reprises nargué la victime en se servant des médias. Nous disons à ces gens : « Si vous n'allez pas assumer la responsabilité élémentaire d'essayer de vous réformer pour devenir un citoyen productif, quelle est l'utilité d'entendre quelqu'un à qui nous allons de toute façon dire non? » Cela offre d'autres options. Plutôt que de faire venir témoigner une famille tous les deux ans, on peut prolonger la période jusqu'à cinq ans au besoin.
La sénatrice Fraser : Je vous prie de m'excuser d'être arrivée en retard, monsieur Sweet, mais je voulais lire votre projet de loi. Je vous suis très reconnaissante d'avoir entendu votre point de vue.
J'aimerais revenir sur la décision Whaling que vous avez devant vous. Au paragraphe 38 de la décision, la cour parle de peine — à savoir le fait de limiter l'accès à la libération conditionnelle — peine infligée sans les garanties qu'offre un procès. Elle compare ce qui a été fait pour la semi-liberté dans les dispositions contestées et débattues dans ce jugement, et déclare également qu'il s'agit d'une peine infligée sans les garanties qu'offre un procès.
Dans quelle mesure pensez-vous que votre projet de loi évitera d'être interprété comme imposant une peine infligée sans les garanties qu'offre un procès? Je ne vous demande pas de vous substituer à la Cour suprême. Je vous demande votre opinion à titre de parrain du projet de loi.
M. Sweet : Merci. Je suis content que vous ne me demandiez pas cela, car je me mettrai certainement en péril en allant aussi loin.
Je pense qu'il est important pour moi de revenir sur le fait que, ne connaissant pas tous les détails de l'affaire ou du jugement, je ne pourrais pas le commenter, mais je peux dire ceci : en aucun cas, nous ne voulions que le projet de loi inflige une peine. Pas le moins du monde. L'intention du projet de loi — son libellé — vise à donner à la Commission des libérations conditionnelles du Canada des outils pour traiter les délinquants les plus violents. Je vous en ai donné déjà quelques exemples et je pourrais vous en donner d'autres. En fait, l'un de nos précédents témoins à la Chambre des communes, Terri Prioriello, faisait face au danger de voir sa sœur assassinée par un délinquant extrêmement violent, qui en fait, a déclaré sa sœur, l'a menacée pendant l'audience même de la Commission des libérations conditionnelles, précisément à la fin de l'audience, lorsque les gens ne prêtaient pas attention.
On parle de gens qui ont décidé d'être les pires délinquants qui soient et qui le resteront. L'objet principal du projet de loi est de permettre à la Commission des libérations conditionnelles du Canada de décider de différer un examen, simplement. Je vous dirais également, étant donné le paragraphe que vous venez de lire, que la Commission des libérations conditionnelles du Canada procède maintenant à des examens sans audience. L'issue est parfois négative, parfois positive. Les familles sont informées ultérieurement; on leur envoie une lettre indiquant que le dossier a été examiné. En fait, dans un cas que je connais très bien, le délinquant s'est vu accorder une libération conditionnelle partielle après l'examen de son dossier. La famille en a été informée, mais n'a pu assister à l'audience.
Donc, la Commission des libérations conditionnelles procède de diverses façons actuellement. Cette modification n'a pas été apportée dans un but punitif, mais pour donner à la Commission des libérations conditionnelles les outils adéquats pour le traitement des dossiers dont elle est saisie et des dossiers dont elle a pris connaissance avant même la tenue d'une audience.
La sénatrice Fraser : Très bien. Je n'insisterai pas sur ce point.
La sénatrice Batters : Merci d'être venu au comité pour parler de votre important projet de loi. Je me demande si vous pourriez nous dire, aux fins du compte rendu, à quelle date vous avez présenté votre projet de loi à la Chambre des communes. Avez-vous cette information? Je crois savoir que c'était le 27 février 2013. Est-ce exact, selon vous? Si vous n'êtes pas certain, vous pourriez...
M. Sweet : Je suis désolé. C'est ce qui arrive sur la Colline; tout s'embrouille, en quelque sorte.
La sénatrice Batters : Tout se fond ensemble, en effet.
M. Sweet : Cela dit, je serais heureux de retrouver cette information et de la fournir au comité.
La sénatrice Batters : Cela nous serait certes très utile. Merci.
Je m'intéresse à la partie du projet de loi qui permettrait aux victimes et à leur famille d'avoir accès à la transcription des audiences de libération conditionnelle. Je me demande si vous pourriez nous dire en quoi c'est important, selon vous, et nous parler de l'origine de cette idée.
M. Sweet : Certainement. Je suis très heureux que vous posiez la question. Actuellement, la Commission des libérations conditionnelles du Canada ne procède qu'à l'enregistrement audio.
La sénatrice Batters : Pardon; seulement quoi? L'enregistrement audio?
M. Sweet : On n'enregistre que le son. L'intention était notamment d'envoyer le message qu'en tant qu'organisme quasi judiciaire, dans le contexte de l'évolution juridique, la commission devrait avoir une transcription officielle. Ces audiences sont des procédures extrêmement importantes. J'espère sincèrement qu'on leur accordera autant d'importance qu'aux lois, à tout autre document juridique et à tout genre de transcription d'un procès, et que la victime y aura accès, ce qui n'est pas le cas actuellement. Il faudrait évidemment retirer toute information qui pourrait mettre en danger une personne innocente qui participerait à l'audience et dont le témoignage pourrait être enregistré. Il faut assurer la protection de ces tierces parties.
La sénatrice Batters : Très bien. Pourriez-vous nous parler brièvement des outils discrétionnaires que l'on accorde à la Commission des libérations conditionnelles dans le projet de loi?
M. Sweet : Essentiellement, le projet de loi accorde à la commission le pouvoir de prolonger les intervalles entre les audiences de libération conditionnelle dans le cas des dossiers qu'elle connaît bien. Encore une fois, je tiens à vous rappeler que l'on parle des délinquants les plus violents. On ne parle pas de vols mineurs ou de choses du genre. Ce sont des actes criminels graves et violents. On donne à la commission la possibilité de reporter l'audience si rien n'en indique la nécessité. On parle d'une prolongation de cinq ans, d'une période de cinq ans.
Encore une fois, je rappelle au comité que si l'intéressé est assidu et veut se réadapter et devenir un citoyen productif, j'estime que la Commission des libérations conditionnelles le reconnaîtra; elle peut tenir une audience beaucoup plus tôt. Dans le cas d'une procédure ordinaire, la période est de cinq ans. Dans le cas d'une personne dont la demande de libération conditionnelle a été rejetée parce qu'elle a récidivé pendant qu'elle était en sortie, le délai est de quatre ans.
Le sénateur McInnis : Nous devrons étudier la décision Whaling que notre collègue d'expérience, le sénateur Joyal, nous a présentée cet après-midi. Nous en avons entendu parler, mais ne l'avons pas encore lue. Elle semble être pertinente, d'après ce qu'il a dit, mais ce n'est pas le sujet que je voulais aborder aujourd'hui.
Dans le cadre du travail exhaustif que vous avez fait — et cette question pourrait très bien s'adresser à la représentante du Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels également... Un accusé est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie devant les tribunaux. Toutefois, il y a un long processus judiciaire entre le moment où une accusation est portée et celui où le contrevenant présumé a franchi toutes les étapes du système judiciaire. Je pourrais en oublier, mais il y a le plaidoyer — non coupable, habituellement —, la préparation en vue du procès, la réunion de preuves, la déclaration de la victime, le procès, la divulgation des preuves extrêmement troublantes, la détermination de la peine, et cetera.
On parle d'un processus qui s'étend sur au moins deux ans, probablement, si la décision est portée en appel, et peut-être même plus. Donc, dans vos recherches au sujet des victimes et sur ce qu'elles doivent traverser, a-t-on réfléchi au fait de les tenir informées? J'en ai souvent vu dans les salles d'audience des tribunaux; elles sont là, et rares sont ceux qui leur prêtent attention. Parfois, les gens des médias leur parlent, mais c'est tout. Avez-vous abordé cet aspect dans le cadre de vos recherches?
M. Sweet : J'aimerais d'abord, au nom des victimes, vous remercier d'avoir soulevé la question. La réponse est non; je me suis surtout concentré sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, mais nous avons eu de nombreux entretiens avec des victimes. Certains services de police offrent d'excellents services aux victimes, des services très bien adaptés, et d'autres, non. J'ai entendu beaucoup de témoignages à cet égard.
Le sénateur McInnis : On laisse entendre que les victimes devraient être avisées du retour du délinquant au sein de la collectivité. Dans certains cas, le délinquant s'est réadapté, et je peux comprendre qu'on espère qu'il ne retournera pas dans la même collectivité, dans un secteur précis. À titre d'exemple, prenez une grande ville comme Toronto. Personne ne voudrait qu'ils se retrouvent dans le même secteur que les victimes. Êtes-vous d'accord pour dire qu'il devrait y avoir des restrictions? Évidemment, à la divulgation de toutes ces informations — qu'il s'agisse d'un plan correctionnel, son contenu et ce genre de choses — s'ajoutent les médias sociaux et l'effet indésirable qu'ils peuvent avoir. En avez-vous tenu compte?
M. Sweet : Beaucoup. J'ai notamment reconnu, d'après les cas que j'ai étudiés de près et les témoignages que j'ai entendus, que tous les cas sont différents. Chaque cas a des particularités qui lui sont propres.
Si je ne l'ai pas déjà fait, j'aimerais remercier la Commission des libérations conditionnelles du Canada de son travail, car étudier chaque dossier et composer avec toutes les particularités qui s'y rapportent, comme l'état du délinquant, les préoccupations des victimes, les préoccupations plus générales de la collectivité et la capacité d'obtenir les services offerts est un travail extrêmement difficile.
Nous sommes très au fait d'une situation qui s'est produite au centre-ville de Hamilton, où l'on trouve un établissement de libération. Un des délinquants qui venait d'être libéré a traversé la rue pour se rendre au centre commercial de Jackson Square et a poignardé une femme 17 fois. Décider de l'endroit où ira un délinquant qui a purgé sa peine et le faire de façon à lui offrir du soutien tout en protégeant la collectivité en général et les victimes est extrêmement difficile.
En fait, j'ai pour ainsi dire cité un document de 1998 dans lequel on explique pourquoi la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition a été adoptée. Le but était d'établir un équilibre par rapport à tous ces éléments extrêmement difficiles à conjuguer.
Le sénateur Baker : Ma seule question — c'est plutôt une observation, je suppose —, c'est que la modification qui préoccupe le sénateur Joyal, dont nous avons discuté, a évidemment été étudiée dans les dernières étapes des délibérations du comité. Il en a été question à la fin du processus, mais le sujet n'a pas été abordé par la suite. Elle ne faisait pas partie de la version initiale du projet de loi. Je tenais à dire, aux fins du compte rendu, que cela ne faisait pas partie du projet de loi que vous avez présenté, qu'il s'agit d'un ajout et le libellé qui indique que cela s'applique « aux délinquants même s'ils ont été condamnés » ne faisait pas partie de la version initiale du projet de loi.
Cela dit, je vous félicite encore une fois. Vous avez fait un travail formidable à cet égard au fil des ans. En passant, vous avez commencé en 2011, pour répondre à la question d'un sénateur.
M. Sweet : Vous avez été très rapide. J'allais mentionner que la première version a été présentée le 10 février 2011. Donc, c'est exact. La version actuelle remonte au 27 février 2013.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Vous étudiez actuellement une pièce magistrale à l'autre endroit, soit la Charte des droits des victimes, laquelle, nous l'espérons, sera adoptée cette semaine.
Je pense que ce projet de loi représente une étape importante vers l'adoption de la Charte des droits des victimes, car notre objectif est de nous assurer que les victimes sont bien protégées et qu'elles font partie du processus de remise en liberté des criminels, alors que, historiquement, elles étaient complètement écartées du processus. Comment voyez-vous cette complémentarité entre le projet de loi et la Charte des droits des victimes, qui devrait être adoptée sous peu?
[Traduction]
M. Sweet : Je vous remercie de la question. Je pense aussi qu'il y a une complémentarité. Merci du compliment. J'espère manifestement qu'il s'agit d'une des étapes vers l'atteinte des objectifs et de la vision qui sous-tendent la Charte des droits des victimes.
La sénatrice Fraser : Je pense que cette question n'exige qu'un oui ou un non comme réponse. Lorsqu'elle a présenté cette modification, Mme James a indiqué que le gouvernement proposait de modifier le projet de loi en faisant ceci et cela. Habituellement, les projets de loi émanant du gouvernement traitant d'enjeux liés au système de justice font l'objet d'un examen constitutionnel par le ministère de la Justice. Savez-vous si le ministère de la Justice a vérifié la constitutionnalité de cette modification?
M. Sweet : Non; cette modification a été apportée à l'étape du comité. Je peux vous dire que lors de la rédaction des éléments de fond du projet de loi C-479, j'ai collaboré avec un groupe d'avocats. Comme c'est sans doute aussi le cas au Sénat, nous avons la chance de compter des avocats parmi nos membres. En fait, certaines des questions qui ont été posées aujourd'hui étaient au centre des discussions relatives à mes objectifs et à leur constitutionnalité. Certaines limites que j'ai dû m'imposer découlent du fait qu'il fallait également prendre en compte la constitutionnalité de chacune des dispositions du projet de loi C-479.
Monsieur le président, me reste-t-il du temps pour...
Le président : Un autre groupe d'experts est assis derrière vous. Si vous voulez faire un bref commentaire, allez-y.
M. Sweet : J'en ai un. Je tiens à remercier une famille qui a combattu de longues années. Nous avons le même patronyme, mais il n'y a aucun lien de parenté. Je tenais à le mentionner. Le représentant de la Toronto Police Association en parlera peut-être plus longuement, mais si vous pouviez m'accorder trois ou quatre minutes...
Le président : Non; deux minutes.
M. Sweet : Je dirai simplement que le gendarme Michael Sweet a été assassiné le 14 mars 1980. Il a été assassiné par les deux frères Munro; c'était un crime haineux. M. Sweet était un policier dévoué qui se trouvait par hasard près d'un magasin que les deux frères étaient en train de cambrioler et où ils avaient pris des otages. Ils ont fait feu sur Michael Sweet et l'ont regardé mourir au bout de son sang pendant que des policiers du Service de police de Toronto essayaient de négocier avec eux et les suppliaient de permettre à des ambulanciers d'aller chercher le policier blessé.
Pour revenir à un point qui a été soulevé plus tôt, les crimes des frères Munro et de tout autre criminel sont des actes publics. Leur arrestation est publique. Leur procès est public. Tous ont accès aux preuves, et leur condamnation est publique. Leur seule demande était que tout soit mis en œuvre afin que, pendant leur incarcération, le public sache qu'ils font un effort concerté pour se prendre en main et se réadapter. Une partie de ce projet de loi — la communication de renseignements relatifs au plan de réadaptation aux victimes — a été incluse pour la famille de Michael Sweet, pour que ces gens aient la certitude que les personnes incarcérées font des efforts sincères en vue de leur réadaptation. Je vous remercie de votre indulgence, monsieur le président.
Le président : Je crois comprendre que cet aspect sera au centre de la présentation de la Toronto Police Association.
Avant de conclure cette partie, je tiens à dire qu'on m'a avisé que — je l'ai lu quelque part aujourd'hui, mais je n'arrive pas à le retrouver — le paragraphe 63 de la décision Whaling pourrait être utile aux membres du comité qui ont des préoccupations par rapport à la constitutionnalité. Merci, monsieur Sweet. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir comparu et d'avoir présenté un exposé au comité.
J'ai le plaisir de vous présenter notre deuxième groupe d'experts de la soirée. Nous accueillons Mme Sue O'Sullivan, l'ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels, du Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels; Mmes Marie-Claude Gendron et Mona Lee, qui témoignent à titre personnel, et M. McCormack, qui est président de la Toronto Police Association.
Madame O'Sullivan, voulez-vous commencer?
Sue O'Sullivan, ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels, Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels : Je vous remercie de m'avoir invitée ici aujourd'hui pour parler du projet de loi C-479, la Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (équité à l'égard des victimes). J'aimerais commencer par vous donner un aperçu du mandat de mon bureau. Créé en 2007, le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels aide les victimes principalement en deux manières : individuelle et collective. Nous aidons les victimes de manière individuelle en leur parlant au quotidien, en répondant à leurs questions et en traitant leurs plaintes. Nous aidons les victimes de manière collective en étudiant des questions importantes et en présentant au gouvernement fédéral des recommandations sur la façon d'améliorer ses lois, ses orientations et ses programmes, afin de mieux soutenir les victimes d'actes criminels.
J'aimerais d'abord remercier M. Sweet pour son travail relatif au projet de loi, ainsi que pour avoir reconnu le rôle important que doivent jouer les victimes dans le système canadien de justice pénale. Il m'apparaît clair que le projet de loi C-479 vise à rendre le système correctionnel et de mise en liberté sous condition plus prévenant et inclusif à l'égard des victimes d'actes criminels.
Le projet de loi présente des changements utiles à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition qui amélioreraient considérablement le traitement et la prise en considération des victimes au cours des audiences, et j'appuie entièrement ces aspects du projet de loi.
Un grand nombre de ces changements concordent avec des recommandations formulées par notre bureau. Je me réjouis également de voir que certaines des recommandations que nous avons présentées au Comité de la sécurité publique et nationale ont été incorporées dans la Charte des droits des victimes.
Cela dit, il y a des modifications mineures qui renforceraient davantage le projet de loi, et j'aimerais en faire part au comité aujourd'hui.
Le projet de loi C-479 donne aux victimes un plus grand accès aux renseignements sur l'individu qui leur a causé du tort en leur permettant d'obtenir les données concernant le plan correctionnel du délinquant, et par la modification de l'article 142 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
Bien que j'appuie ces deux changements, ces nouvelles mesures pourraient être renforcées de deux manières.
Premièrement, malgré les changements à l'article 142 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition exposés dans ce projet de loi, la communication de certains renseignements aux victimes demeure à la discrétion de la commission. Compte tenu de mes recommandations précédentes, j'exhorte les membres à envisager de modifier le projet de loi de manière à ce que tous les renseignements actuellement énumérés comme étant discrétionnaires au titre de l'article 142 soient divulgués à la victime automatiquement, sauf s'ils risquent de compromettre la sécurité publique.
Deuxièmement, de nombreuses victimes ont exprimé le désir d'être informées par la commission de toute nouvelle infraction au Code criminel commise par le délinquant pendant qu'il est sous la surveillance de Service correctionnel Canada.
Nous recommandons que le projet de loi soit modifié de façon à ce que les victimes reçoivent ces renseignements, soit dans le cadre du plan correctionnel ou d'une manière jugée appropriée.
S'il est essentiel de veiller à ce que les victimes soient bien informées, il est tout aussi important de leur permettre de participer au processus et d'établir un environnement qui favorise cette participation. Cela signifie qu'il importe d'offrir aux victimes des choix et des options quant à la façon dont elles peuvent participer au système de justice pénale, afin qu'elles ne se sentent pas intimidées ou craintives et que leur vie et leur situation financière ne soient pas bouleversées. Un bon exemple à cet égard réside dans l'audience de libération conditionnelle.
Dans le système actuel, la seule façon dont une victime peut obtenir l'information la plus complète possible sur le délinquant qui lui a causé un préjudice et les progrès qu'il a accomplis consiste à assister à l'audience de libération conditionnelle. Pour certaines victimes, il est important, voire nécessaire, de confronter le délinquant en personne, alors que, pour d'autres, cette idée est intimidante ou généralement indésirable. Ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que les victimes peuvent demander à assister à l'audience par vidéoconférence ou par un système de télévision à circuit fermé.
Le projet de loi C-479 vise à corriger cette lacune. Il propose que, lorsque la commission refuse qu'une victime ou un membre de sa famille assiste à une audience, elle doit lui permettre d'observer le déroulement de l'audience par tout autre moyen qu'elle estime indiqué.
Je recommanderais deux amendements à cette proposition : le texte devrait être modifié de façon à permettre aux victimes non seulement d'« observer » le déroulement de l'audience, mais d'y participer en lisant les déclarations qu'elles ont préparées; et, la possibilité d'observer le déroulement d'une audience de libération conditionnelle ou d'y participer par tout autre moyen devrait être offerte à toutes les victimes, que leur présence à l'audience ait été autorisée ou non.
Il ne faut pas oublier que, pour certaines victimes, le travail, le soin des enfants, de parents âgés ou d'autres membres de la famille, les contraintes financières ou l'angoisse qu'elles ressentent à l'idée de se trouver à proximité du délinquant peuvent les empêcher d'assister à l'audience.
Ce manque d'options pour assister à une audience de libération conditionnelle ne serait pas aussi problématique si une victime qui n'a pas assisté à l'audience avait des choix et des options pour examiner la procédure à une date ultérieure. Le projet de loi C-479 reconnaît cette lacune et tente d'y remédier en proposant que la transcription d'une audience, lorsqu'effectuée, soit fournie à la victime ou à un membre de sa famille.
Malheureusement, bien que cette disposition vise à répondre aux besoins des victimes, notre bureau croit comprendre qu'il arrive rarement que des transcriptions soient effectuées. La pratique consiste plutôt à conserver l'enregistrement audio à titre de registre de l'audience de libération conditionnelle.
Sachant qu'aucune transcription n'est produite, j'avais déjà recommandé que les victimes puissent écouter, sans les conserver, les enregistrements sonores des audiences de libération conditionnelle, et que des fonds soient prévus pour que les victimes puissent se rendre, au besoin, là où les enregistrements sont conservés.
Je suis heureuse de voir que cette mesure se trouve dans la Charte des droits des victimes. Cependant, elle n'a été incorporée dans la Charte qu'en partie, puisqu'elle donne accès aux renseignements sonores seulement aux victimes qui n'ont pas assisté à l'audience de libération conditionnelle.
Par conséquent, je continue à recommander de rendre accessibles les enregistrements sonores aux victimes, qu'elles aient ou non assisté à l'audience.
En conclusion, je tiens à réitérer mon appui à l'égard du projet de loi C-479 et me réjouit des efforts déployés pour combler certaines des lacunes de notre système quant à l'information, ainsi qu'à la participation et à la prise en considération des victimes d'actes criminels.
Cela dit, je crois qu'en apportant les modifications que je propose aujourd'hui, le projet de loi pourrait considérablement améliorer le traitement des victimes d'actes criminels au Canada.
Je vous remercie de votre temps et serai heureuse de répondre à vos questions.
Le président : Je demanderais aux témoins de respecter, dans la mesure du possible, les cinq minutes qui leur sont accordées, compte tenu du nombre d'exposés que nous devons entendre aujourd'hui. Nous voulons avoir suffisamment de temps pour les questions des sénateurs.
Madame Lee, vous avez la parole.
Mona Lee, à titre personnel : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour. Merci beaucoup de me donner l'occasion de m'exprimer au nom des victimes et de leurs familles en appui au projet de loi C-479, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous caution, équité à l'égard des victimes.
Je tiens encore une fois à remercier M. Sweet et son personnel des efforts qu'ils ont déployés afin que ce projet de loi se rende à cette étape et de son appui à l'égard des victimes d'actes criminels au Canada.
J'aimerais également remercier Sue O'Sullivan, ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels, pour ses présentations sur ce projet de loi et de son appui à l'égard des victimes canadiennes d'actes criminels.
Pour vous situer, j'aimerais que ce ne soit pas le cas, mais, malheureusement, en raison de mon expérience personnelle, je suis devenue une spécialiste de bon nombre des questions abordées dans ce projet de loi. En octobre 1997, ma sœur a été victime d'un meurtre brutal. Son meurtrier a plaidé coupable à une accusation de meurtre au deuxième degré, car il avait modifié la scène de crime pour laisser croire qu'il s'agissait d'un vol. Il a été condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 12 ans.
Nous n'avons pas eu à endurer le supplice d'un long procès. Toutefois, ce n'est que six ans plus tard, en 2003, que j'ai eu la force émotionnelle nécessaire pour trouver où il était incarcéré. À ce moment, je me suis mise à intervenir dans ce système et suis devenue une victime inscrite avec tous les droits que cela procure.
Depuis 2004, seulement sept ans après la condamnation du meurtrier de ma sœur, ma famille et moi avons enduré toute la souffrance et la douleur que vivent les victimes qui participent au système de libération conditionnelle canadien. La première demande de semi-liberté du meurtrier a été rejetée en juin 2007. À ce jour, nous avons subi six audiences de liberté conditionnelle et fait six déclarations de la victime et subi toute la torture que cela inflige. Je ne parle pas ici, mesdames et messieurs, d'une audience tous les deux ans. Certaines de ces audiences ont eu lieu à six mois d'intervalle — vous m'avez bien entendu, six mois.
Si vous me le permettez, j'aimerais vous lire quelques extraits de mes déclarations de la victime pour vous montrer à quel point ces audiences sont troublantes et vous donner une idée de ce que les familles des victimes doivent endurer. Le premier extrait date de septembre 2008, soit un an seulement après le refus de la première demande de semi-liberté. Voici, en partie, ce que j'ai lu aux membres de la Commission des libertés conditionnelles.
J'aimerais que vous imaginiez à quel point j'ai été dégoûtée en rentrant chez moi de trouver une nouvelle lettre de la Commission des libérations conditionnelles m'informant que le meurtrier de ma sœur avait présenté une autre demande de semi-liberté. En juillet dernier, on m'a dit qu'il devrait attendre deux ans — en 2009 —, soit après avoir purgé sa peine minimale de 12 ans, avant de pouvoir présenter une autre demande. On me dit maintenant qu'il s'agit d'un cas particulier et qu'une décision rapide a été demandée.
Je poursuis en parlant de la pétition, qui remonte à cette époque, adressée au gouvernement fédéral demandant à ce que le délai passe de deux à cinq ans. Cette pétition stipule, en partie, que « les familles des victimes de meurtre ne jouissent d'aucun allègement de leur souffrance et ne bénéficient d'aucun répit des audiences répétées de libération conditionnelle qui ont un impact négatif considérable sur les familles des victimes qui doivent revivre continuellement ces crimes. »
En septembre 2009, il a obtenu une autre audience pour une libération conditionnelle totale, demande qui lui a été refusée. Puis, moins d'un an plus tard, en avril 2010, il a finalement obtenu sa libération conditionnelle totale. Mais, comme c'est le cas pour bon nombre de ces meurtriers, l'histoire ne se termine pas là.
En juillet 2013, j'ai reçu un appel au beau milieu de la nuit m'informant qu'il avait été arrêté et que sa libération conditionnelle avait été révoquée. Il est de retour en prison, au moins jusqu'à ce que recommence le processus de libération conditionnelle.
Après son arrestation, on m'a demandé de faire une déclaration de la victime. J'ai déclaré, en partie, à quel point il peut être démoralisant d'entendre le téléphone sonner au beau milieu de la nuit. Vous pouvez donc vous imaginer à quel point j'ai été bouleversée d'apprendre, à 3 h 30 du matin, qu'un autre mandat avait été émis pour son arrestation. Malgré tous mes efforts, je n'ai pas pu savoir ce qu'il avait fait pour être de nouveau arrêté. Pourtant, on me demandait de faire une déclaration de la victime. Tour à tour, les gens m'ont dit : « Je suis désolé, mais il a son droit à la vie privée. Je ne peux vous dire ce qu'il a fait. » Je vous demande : est-ce que c'est juste? Comme je l'ai demandé dans mes déclarations précédentes, qu'en est-il de mes droits? Qu'en est-il des droits de ma famille?
Il n'est pas étonnant que les parlementaires aient appuyé le projet de loi C-479, puisqu'à chaque audience, les gens sont de nouveau victimes. Nous devons revivre les événements qui ont entraîné la mort brutale de nos êtres chers.
J'aimerais également souligner quelques faits au sujet des audiences, dont certains sont abordés dans ce projet de loi. Puisqu'elles avaient lieu dans une autre ville — c'est la raison pour laquelle je n'ai jamais été confrontée au meurtrier de ma sœur —, j'ai choisi de livrer ma déclaration de la victime par voie audio et ensuite par voie vidéo. J'ai vécu de nombreux événements frustrants alors que je prononçais mes déclarations dans le cadre de ces audiences. Une fois, par mégarde, j'ai oublié la dernière partie de la transcription écrite. On m'a interrompu au beau milieu de ma déclaration. Il était question du droit au meurtrier de voir la personne qui fait la déclaration et ma voix n'a pas été entendue. Une autre fois, on ne disposait pas de l'équipement nécessaire pour présenter ma déclaration vidéo. Je n'ai même pas pu montrer une photo de ma sœur dans ma déclaration vidéo. On m'a dit que l'audience était à propos du meurtrier, et non à propos de ma sœur, si vous pouvez le croire.
Comme je l'ai souligné, ce n'est que grâce à la gentillesse d'un membre d'un groupe de victimes qui participait aux audiences en mon nom que j'ai pu découvrir la vraie nature de ces audiences.
Pour le moment, tout ce que nous recevons, c'est une version aseptisée du registre de décision. Des faits pertinents sont masqués afin de protéger le droit à la vie privée du meurtrier. Les dispositions de ce projet de loi visant à fournir une copie des transcriptions aux victimes, lorsque ces transcriptions sont disponibles, permettraient de régler, en partie, ce problème. Mais, j'encourage tous ceux qui participent à cette étude à poursuivre les efforts pour que les victimes qui le demandent — pas uniquement celles à qui l'on refuse une demande d'assister à l'audience — aient accès à la téléconférence et à la vidéo en circuit fermé. Nous devons être en mesure de nous faire entendre et nous devons être en mesure d'entendre.
Je vous demande également de donner le droit aux victimes de voir une photo de l'accusé une fois que celui-ci obtient une libération conditionnelle totale. On m'a dit que cela brimait le droit de l'accusé à la vie privée. Cet homme aurait pu se présenter chez moi et je ne l'aurais pas reconnu. Les droits de ce meurtrier primaient sur ma sécurité et celle de ma famille.
Plus nous avons d'informations, mieux nous serons préparés pour intervenir dans ce système.
En terminant, je tiens à vous remercier de votre attention. Ce projet de loi constitue un excellent pas dans la bonne direction pour aider les victimes de crimes violents. J'encourage tous les partis et les sénateurs à poursuivre leur collaboration pour nous permettre de nous faire entendre.
Le président : Merci.
Mike McCormack, président, Toronto Police Association : Bonjour. Mon nom est Mike McCormack. Je suis le président de la Toronto Police Association. Je tiens à vous remercier de m'avoir invité à témoigner au nom des quelque 8 000 membres du Service de police de Toronto. Je sais que mon temps de parole est limité. C'est pourquoi j'ai également fourni au comité un document plus détaillé.
M. Sweet y a fait allusion plus tôt, mais j'aimerais vous expliquer pourquoi notre association appuie ce projet de loi. Il est triste de constater que le meurtre de Michael Sweet est une étude de cas où le système s'est complètement détraqué et où tout a mal tourné.
Je vais vous donner un peu de contexte. Le 14 mars 1980, Mike a été tué par Craig Munro. Il a été victime d'un meurtre brutal et sauvage, torturé et laissé sur place pour mourir au bout de son sang. Il n'avait que 30 ans. Mike a laissé dans le deuil son épouse âgée de 29 ans et ses trois enfants âgés à l'époque de 6, 4 et 1 an. Comme je l'ai dit, tous les meurtres sont brutaux, mais celui de Mike fut particulièrement brutal et cruel. Les membres de la famille Sweet ne jouissent d'aucun allègement de leur souffrance.
Munro avait déjà un long casier judiciaire au moment du meurtre de Mike. C'était un homme très dangereux et violent. Il a été accusé et reconnu coupable de meurtre au premier degré et a reçu une peine d'emprisonnement à perpétuité. La perpétuité, c'est la perpétuité. Par contre, après 25 ans, il était admissible à une libération conditionnelle. Toutefois, cela ne change rien à la perpétuité; ça ne fait que diminuer les conséquences de ses gestes et de sa peine.
Selon nous, justice doit être rendue et le système de justice pénale doit en faire la démonstration s'il veut avoir le respect du public. Le système de libération conditionnelle fait partie intégrante du système de justice pénale. Il ne s'agit pas d'un recours privé, mais bien d'un recours public, et le système de libération conditionnelle doit être aussi transparent que l'ensemble du système de justice pénale. Les droits à la vie privée d'un meurtrier ne peuvent être supérieurs à ce qu'ils étaient au moment de son procès. Au contraire; il doit avoir moins de droits, car au moment de son procès, il était présumé innocent. Une fois condamné, ce n'est plus le cas.
M. Munro a obtenu trois audiences de libération conditionnelle : en février 2009, en mars 2010 et en mars 2011. Une quatrième était prévue en août 2012, mais les privilèges de M. Munro ont été révoqués au cours de ce mois, car il n'a pas rempli les conditions de ses permissions de sortir sans escorte. Craig Munro aura une nouvelle audience devant la Commission des libérations conditionnelles en août prochain.
Voici pourquoi il est essentiel pour les victimes d'obtenir une transcription des audiences. Tout comme la veuve et les enfants de Michael Sweet, nous avons été stupéfaits de voir à quel point Craig Munro modifiait son témoignage à chaque audience devant un groupe différent de membres de la Commission des libérations conditionnelles. Cela a mené la commission à formuler des conclusions contradictoires accélérant le processus de libération de Craig Munro. S'il avait respecté les conditions de ses permissions de sortir sans escorte, il aurait déjà obtenu sa libération. Ses mensonges et tromperies étaient évidents pour les victimes, mais pas pour les différents membres de la commission. Il n'y a aucune transcription des audiences, aucun document. Chaque fois qu'il se présentait devant un groupe différent de membres de la commission, ces derniers n'avaient aucune idée de ce qui avait été dit lors des audiences précédentes. Sans les efforts des victimes, des membres de la famille Sweet et des représentants de l'association, puisqu'il n'y a aucune transcription, nous n'aurions jamais su ce qui s'est dit lors de ces audiences et nous n'aurions jamais remarqué les irrégularités dans le témoignage de M. Munro.
Nous n'avons jamais vu la transcription d'une audience de la Commission des libérations conditionnelles. Nous savons que les audiences sont enregistrées et que toutes nos demandes pour obtenir copie des enregistrements audio des audiences de libération conditionnelle de M. Munro devant la commission ont été refusées sous prétexte que cela violerait le droit à la vie privée de Munro. Il est question ici d'audiences publiques, et des représentants des médias ont assisté à certaines de ces audiences. Nous appuyons la modification proposée, mais à notre humble avis, l'article proposé pourrait être amélioré par un amendement pour faire en sorte qu'il soit possible d'obtenir une copie de l'enregistrement audio de l'audience lorsqu'une transcription n'est pas disponible. Le nouvel article 140.2 nous préoccupe également parce qu'il confère à la commission le pouvoir de retrancher d'une copie de la transcription tout renseignement personnel concernant le délinquant. Nous ne comprenons pas pourquoi c'est nécessaire puisque de telles considérations ne sont pas présentes dans un procès criminel.
Les examens annuels des délinquants reconnus coupables de meurtre au premier degré sont extrêmement pénibles pour les proches des victimes. Aussitôt qu'une audience de libération conditionnelle est terminée, les victimes doivent se préparer pour la prochaine. Nous croyons qu'à moins d'un changement important de situation, les individus condamnés à perpétuité pour meurtre au premier degré ne devraient pas avoir droit à une nouvelle audience dans les cinq ans suivant la première audience de libération conditionnelle, laquelle arrive après 25 ans d'emprisonnement. À tout le moins, cette période d'attente ne devrait pas être de moins de trois ans.
De plus, nous appuyons pleinement le paragraphe 140(11), mais nous avons tout de même une observation à faire. Si la victime ne peut pas se présenter à une audience, elle peut présenter une déclaration écrite ou un enregistrement vidéo ou les deux à la commission. Or, vous devriez peut-être envisager d'ajouter que la commission recevra la déclaration comme preuve, ce qui laissera le choix à la victime de soumettre ou non une telle déclaration. Toutefois, si la victime choisit de présenter une déclaration, la commission sera tenue de la recevoir comme preuve, ce qui aura l'avantage d'en souligner l'importance.
C'est particulièrement important pour nous parce que Karen Fraser, la veuve de Michael Sweet, a assisté à chaque audience de libération conditionnelle. L'an dernier, elle a eu un malencontreux accident pendant qu'elle était en Floride. Elle est tombée et s'est fracturé le cou. Elle doit se déplacer en fauteuil roulant. Nous avons bon espoir qu'elle retrouvera l'usage de ses membres à nouveau, mais elle se déplace en fauteuil roulant et on peut voir en quoi cela peut devenir un problème.
Permettez-moi de terminer en vous disant que certains opposants au projet de loi s'interrogent sur le rôle qu'ont les victimes à une audience de libération conditionnelle. Je tiens à dire clairement ceci : aucune personne n'a voulu être une victime. C'est le condamné qui a décidé d'en faire une victime. Le point de vue de la victime doit être entendu. Ce n'est peut-être pas déterminant, mais c'est nécessaire et c'est un point de vue dont il faut tenir compte. C'est très clairement dans l'intérêt public.
Comme je l'ai dit, j'ai déjà remis au comité une version écrite de mon témoignage, qui contient plus de détails. Je veux vous remercier de me donner l'occasion de comparaître devant vous.
[Français]
Marie-Claude Gendron, à titre personnel : Je me nomme Marie-Claude Gendron. Je m'adresse à vous pour que vous preniez connaissance d'incidents de harcèlement criminel dangereux que j'ai subis de la part d'un délinquant dangereux récidiviste qui me fait toujours craindre pour ma vie et ma sécurité. Mon agresseur sera probablement remis en liberté en février 2017, selon ce que décidera la Commission des libérations conditionnelles. Le 17 février 2010, il a été déclaré coupable de menaces de mort et d'agression armée au couteau, et il a écopé de deux ans moins un jour d'incarcération et de trois ans de liberté surveillée. Le 11 janvier 2013, il récidive en s'introduisant chez moi par infraction dans le but d'y commettre un crime. Il purge actuellement une peine de cinq ans moins 10 mois.
Depuis cette introduction par infraction, j'ai la certitude que Bastien a toujours l'intention de mettre fin à ses jours et de m'emmener dans la mort avec lui. Pour appuyer cette déclaration, je vous fais part d'autres incidents où j'ai été victime d'agressions, mais, faute de preuves et hors de tout doute, elles n'ont été judiciarisées qu'à moitié.
Le 5 décembre 2008, il a été accusé de menaces de mort et de m'avoir causé des lésions. Par crainte qu'il se venge, j'ai eu très peur, et j'ai retiré ma plainte. Par contre, le procureur lui a ordonné des conditions formelles, soit de s'abstenir de consommer toute boisson alcoolisée et de faire usage de stupéfiants, et de suivre des traitements psychiatriques, ce qu'il n'a jamais fait. Alors qu'il me menaçait de me faire flamber avec lui à la suite d'une dispute, je m'étais réfugiée à l'intérieur de mon auto. Il a défoncé la vitre et a essayé de me sortir par les épaules. Je lui ai laissé la chance de se réhabiliter en lui demandant de suivre une thérapie pour hommes violents, qu'il a naturellement abandonnée. Je suis très déçue.
Un an plus tard, le 9 janvier 2010, il me séquestre pendant deux heures au deuxième étage de ma maison, me menaçant d'un couteau à la gorge. Il m'informe que, soir-là, il va m'ouvrir de bas en haut, mais qu'en attendant, il allait s'amuser avec moi. Lorsque je pleurais, il voyait la terreur dans mes yeux, il souriait et disait : « Là, tu commences à avoir de beaux yeux. »
Finalement, dans un moment d'inattention, je me suis jetée en bas du deuxième étage et j'ai cherché de l'aide. Je savais que j'avais affaire à un psychopathe. De la prison, il a essayé de me reconquérir avec deux douzaines de roses, une lettre d'amour remplie de promesses qu'il ne tient jamais, mais surtout, en avouant qu'il m'avait fait subir des horreurs. J'ai remis la lettre d'aveu au procureur. Il a alors été obligé de plaider coupable. Je crois que, depuis ce jour, il m'en veut à mort et n'arrête plus de me poursuivre.
Dans une lettre de la Commission des libérations conditionnelles datée du 8 novembre 2010, on indique que Bastien cherche encore à m'écrire. Les agents rapportent des comportements inadéquats, des menaces de suicide, des tendances à se déresponsabiliser qui démontrent qu'il n'est pas conscient de ses problèmes, dont la toxicomanie, son attitude favorable à la criminalité, ainsi que ses comportements antisociaux.
La commission considère qu'il représente un risque très élevé de récidive et que les besoins sont élevés. Il n'est donc pas recommandé pour la libération. Par la suite, il a encore réussi à m'écrire une lettre par l'intermédiaire du père Noël. J'observe que Bastien maintient toujours des pensées et des intentions à long terme à mon endroit, surtout lorsqu'il écrit qu'il aimerait me retrouver, regagner ma confiance, et que j'accepte de l'épouser.
Quatre jours avant sa sortie de prison, la responsable provinciale des victimes m'annonce qu'il s'était fait tatouer les mots « justice » et « vengeance » sur les deux avant-bras. Le 8 mars 2011, on essaie de me rassurer en me disant qu'il sera sous surveillance accrue. Le 9 mars, je prenais l'avion pour la République dominicaine. Je ne voulais pas rester chez moi, j'avais trop peur qu'il récidive.
Le 17 mars 2011, toujours en République dominicaine, j'apprends des policiers que ma porte-fenêtre au deuxième étage a été défoncée, que des traces de pas mènent jusqu'à ma chambre et qu'il y a des traces de doigts sur mes portes de garde-robe. Invraisemblablement, rien n'a été volé. Je savais très bien que c'était lui.
De plus, j'avais fait émettre une ordonnance de quadrilatère dans mon quartier à la suite de l'information transmise par la responsable des victimes. Malgré tout cela, rien ne l'a empêché de venir tenter de me tuer quelques jours après sa sortie. À mon retour de voyage, j'ai demandé à un homme de venir habiter chez moi.
Le 2 novembre 2011, je suis allée conduire mon colocataire. En revenant, j'étais seule; Bastien m'a encore séquestrée et s'est servi d'un calibre 12. Pendant quatre heures, il m'a suppliée de le reprendre. Il m'a expliqué comment il a surveillé mes allées et venues pendant un mois de l'autre côté de la rivière. Lorsqu'il s'est introduit par infraction dernièrement, le 11 novembre 2013, il était habillé de façon à simuler une grosse personne pour tromper les caméras de surveillance, s'il y en avait eues. Il m'a aussi expliqué qu'il avait écrit d'avance une lettre de suicide de huit pages au cas où on le retrouverait dans les parages.
Menacée du calibre 12, j'ai fait semblant de vouloir le reprendre, mais que j'avais besoin de temps pour y réfléchir. Je me suis réfugiée dans une maison d'hébergement et...
[Traduction]
Le président : Madame Gendron, je suis désolé, mais je dois vous interrompre. Le temps dont nous disposons pour poser des questions est limité. Pourriez-vous conclure votre exposé?
[Français]
Mme Gendron : Je suis terrorisée juste à l'idée de sa sortie, sachant qu'aucune loi ni aucun système de contrôle ne garantit le respect des ordonnances judiciaires comme celles des délinquants récidivistes qui sont sommés d'une interdiction de consommer alcool ou drogue, où on pourrait, par exemple, prélever des échantillons d'urine, de salive ou de sang sur demande. J'ai vraiment peur que la prochaine fois soit la dernière. Voilà des actes posés par une victime désespérée qui est maintenant devenue fugitive pour sauver sa vie.
En conclusion, j'aimerais dire qu'un détenu récidiviste violent qui sort de prison avec les mots « justice » et « vengeance » tatoués sur les bras me fait craindre le pire. Il me semble qu'un bracelet électronique rassurerait la personne que je suis devenue, me donnerait une chance de redevenir celle que j'étais. On en met un aux chiens pour les retrouver. L'accusé en porterait un pour rester à distance de moi. Faites en sorte qu'il se tienne loin de moi avant que n'arrive le pire. Malgré toutes mes remises en question du système judiciaire, il me reste encore une petite étincelle de vie. Aidez-moi à la maintenir, à ne plus avoir peur. Que feriez-vous à ma place? Merci à vous. Une victime désespérée.
[Traduction]
Le président : Merci. Il ne nous reste pas beaucoup de temps pour poser des questions. J'encourage les membres du comité à en tenir compte lorsque ce sera leur tour. Je demande aux témoins de répondre aux questions de la façon la plus concise possible; cela nous aiderait. Tous les sénateurs qui veulent poser une question peuvent le faire. C'est le vice-président du comité, le sénateur Baker, qui commence.
Le sénateur Baker : Je serai très bref et je ne poserai qu'une question. Je remercie les témoins des exposés extraordinaires qu'ils ont livrés.
Ma question porte sur un point qu'ont soulevé l'ombudsman, Mona Lee et M. McCormack. Comme elle l'a dit dans son exposé, l'ombudsman aimerait qu'un changement soit apporté dans le projet de loi. Soit on modifie le projet de loi, soit on y intègre une mesure visant à concrétiser ce que vous avez décrit : faire en sorte que la victime ou le membre de sa famille puisse observer — comme on l'indique dans le projet de loi — le déroulement de l'audience par tout moyen que la commission juge approprié. L'ombudsman a dit qu'elle recommande deux modifications : le texte devrait être modifié de façon à permettre aux victimes non seulement d'« observer » le déroulement de l'audience, mais d'y participer en lisant les déclarations qu'elles ont préparées; et, la possibilité d'observer le déroulement d'une audience de libération conditionnelle ou d'y participer par tout autre moyen devrait être offerte à toutes les victimes. Vous dites également que pour certaines personnes, il y a des contraintes financières ou elles peuvent ressentir de l'angoisse à l'idée de se trouver à proximité du délinquant.
Je vais poser ma question. Les gens peuvent maintenant témoigner par vidéoconférence en cour. Nous avons inscrit cela dans le Code criminel il y a des années. Partout au pays, il est même possible d'utiliser ce moyen pour un accusé qui est en prison et qu'on ne veut pas voir comparaître dans la salle d'audience pour son enquête préliminaire ou son plaidoyer, et cetera. Pourquoi ne l'autoriserions-nous pas pour les victimes?
Mme O'Sullivan : Merci. Je vous remercie infiniment. Je répondrai seulement qu'à mon avis, c'est une question de choix et qu'il s'agit de s'assurer, pour la sécurité des victimes, leurs préoccupations à cet égard et les répercussions, qu'elles ont un moyen de s'exprimer et que la commission peut prendre cela en considération. M. McCormack a parlé d'une personne dont la capacité de se déplacer est restreinte.
Cela ne devrait pas dépendre de la volonté d'un organisme. Dans notre pays, on devrait donner des choix aux victimes d'actes criminels, qui devraient pouvoir décider la façon dont elles veulent participer. Je peux vous dire qu'aujourd'hui, j'ai parlé à une victime qui m'a dit qu'elle ne peut s'absenter de son travail pour participer à des audiences de libération conditionnelle, et qu'elle ne peut pas se le permettre. Je suis d'accord avec vous. Nous devons faire en sorte que notre société donne le droit aux victimes de choisir la façon dont elles souhaitent participer.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup à nos témoins. Je constate qu'il y a encore beaucoup à faire pour donner aux victimes un statut égal dans le système des libérations conditionnelles. On y va par petits pas, évidemment.
C'est un système d'envergure que nous tentons de changer, alors c'est majeur. Il ne faut pas rater notre coup. Je comprends votre impatience et je comprends que vous ayez des attentes très élevées, mais je pense que notre stratégie est de procéder en modifiant ce qu'on peut modifier de façon assurée. Au lieu de vouloir faire un grand pas et de le rater, on fait des petits pas et on les réussit.
En tout cas, je vous remercie beaucoup de vos témoignages. Ils vont dans le sens de ce que nous croyons, du moins de ce côté-ci, mais sans doute aussi du côté de nos amis d'en face.
Madame Gendron, je sympathise avec vous. Il est inacceptable, dans une société qui se veut civilisée, de laisser une dame dans la situation où vous vous trouvez. Inacceptable. La seule question que je vous poserais est celle-ci : est-ce que le système carcéral vous a bien informée du comportement de cet individu? Est-ce que le système carcéral vous a bien protégée? Est-ce que la Commission des libérations conditionnelles a d'abord considéré vos intérêts avant de considérer ceux du criminel? C'est ce que je constate de votre témoignage.
Mme Gendron : Non, ils n'en ont pas tenu compte. C'était au palier provincial, et je crois que le système des libérations conditionnelles à ce palier n'est pas le même qu'au palier fédéral. On ne m'a jamais consultée; on m'a simplement avisée qu'il sortait à telle date et que, à telle date, il avait tatoué ces mots-là sur ses bras. À ce moment-là, je me suis prise de panique et j'ai demandé un quadrilatère à la juge. Je me suis enfuie, car je n'avais pas d'information.
Le sénateur Boisvenu : Ce que nous pouvons vous assurer, c'est que nous allons tout faire au cours des prochaines années pour faire en sorte que les victimes soient parties prenantes de ce système à part entière, car cela n'a aucun sens.
Je vous remercie de vos témoignages. Ils sont très révélateurs des corrections qu'il faut apporter.
Le sénateur Joyal : Merci pour votre présentation, mesdames.
[Traduction]
Merci, monsieur McCormack. Ma première question s'adresse à Mme O'Sullivan. Vous avez proposé des amendements au projet de loi. Avez-vous eu l'occasion de les proposer lorsque vous avez comparu devant le comité de la Chambre des communes qui a étudié le projet de loi?
Mme O'Sullivan : Oui. Je lui ai également remis la version écrite de mon exposé. Je le souligne dans une annexe. Nous avons fait trois recommandations. Deux d'entre elles ont été prises en compte dans la Charte canadienne des droits des victimes, et on a donné suite à l'autre de façon partielle. Oui, j'en ai eu l'occasion.
Le sénateur Joyal : Les membres du comité vous ont-ils expliqué pourquoi ils n'acceptaient pas d'apporter les autres amendements? Y a-t-il eu un débat, une étude sur les répercussions qu'auraient ces amendements, soit le poids administratif, les incidences financières qu'elles auraient ou d'autres raisons qu'on pourrait devoir prendre en considération avant d'accepter un amendement comme celui que vous avez vous-même proposé?
Mme O'Sullivan : J'ignore quel processus ils ont suivi par la suite. Comme vous le savez et comme je l'ai dit aux membres de ce comité, bon nombre de nos recommandations proviennent des victimes et des plaintes qu'elles nous ont demandé d'examiner. Si je suis d'avis qu'il est important que les victimes puissent s'exprimer et participer, c'est qu'il y a un lien direct entre cela et la confiance des Canadiens envers le système de justice pénale. Un système qui garantit aux victimes qu'elles peuvent exprimer leur point de vue suscitera davantage la confiance des Canadiens.
Les données sur la confiance nous indiquent que lorsqu'il est question de libération conditionnelle et de service correctionnel et probablement en grande partie de leur rôle dans la société, plus nous en ferons pour nous assurer qu'une victime peut exprimer son point de vue et qu'on le prend en considération, meilleure sera la confiance des Canadiens envers le système. Je ne peux donc pas vous dire avec exactitude quelle recherche ils ont faite ou quels calculs financiers ils ont faits à cet égard, mais quand on y pense, si l'on donne des choix aux victimes d'un point de vue financier, pour les nombreuses raisons que j'ai données, un grand nombre de victimes choisiront peut-être de participer en utilisant les solutions de rechange. Tout au long de ma carrière, j'ai constaté que lorsqu'on dit à une personne qu'elle doit faire quelque chose, cela se produit. Nous vivons à une ère technologique. Je peux vous dire que d'autres pays ont des systèmes d'information et d'avertissements automatisés. En d'autres termes, certaines victimes obtiennent par leur appareil ce dont les mesures législatives traitent. Nous devons donc nous tourner vers la technologie pour répondre aux besoins des victimes. Il faut cependant que ce soit leur choix. Les victimes ont besoin qu'on les informe des options qui leur sont offertes afin qu'elles puissent faire un choix.
Le sénateur Joyal : Je suis entièrement d'accord avec vous, surtout quand je lis un passage du mémoire de M. McCormack qu'il n'a pas présenté dans son exposé. En particulier, il parle d'une victime qui a été appelée à témoigner. La victime vivait à Toronto et le condamné était incarcéré dans une prison de la Colombie-Britannique. Il est ridicule qu'on puisse croire qu'une personne peut réserver un billet d'avion, s'absenter du travail, réorganiser sa vie familiale, et cetera. Comme vous le dites, la technologie existe. Ce serait tellement plus facile pour la personne de recourir à la vidéoconférence. Il arrive régulièrement que des témoins comparaissent devant notre comité à partir de la Colombie-Britannique ou d'ailleurs au Canada. Je suis surpris que nos collègues de l'autre endroit ne considèrent pas que cela tombe sous le sens.
M. McCormack : Je crois que c'est un point très important, et je suis ravi que vous l'ayez relevé. Souvent, les gens ne sont pas incarcérés dans la province où la victime habite. Comme je l'ai dit, la cause de M. Sweet est un microcosme de tout ce qui peut ne pas bien fonctionner. Munro est en Colombie-Britannique. Encore aujourd'hui, certains membres de la famille de Mike ne peuvent pas se rendre sur place pour les audiences — comme sa plus jeune enfant, car elle a encore peur. Ce moyen lui permettrait de participer au processus.
Qui plus est, dans le cas de Munro, ce qui se passait, c'est qu'on fixait une date d'audience, et il l'annulait. Les victimes changeaient leur horaire, partaient en vacances, peu importe.
Le sénateur Joyal : Parfois, c'est simplement pour que les gens continuent à vivre du stress.
M. McCormack : Oui. Ils sont prêts, puis il se retire. Ils se demandent alors quand l'audience aura lieu.
Le sénateur Joyal : À l'autre endroit, vous a-t-on donné des raisons pour lesquelles on n'accepte pas les changements que vous proposez?
M. McCormack : Non. On ne nous a pas donné de raisons. Dans le cadre du processus auquel j'ai participé, en fait, avec les membres de la famille Sweet, je les ai rencontrés chaque fois, et nous passions par les étapes du processus. Nous nous heurtions constamment à un obstacle lié aux droits à la vie privée des détenus. On ne parlait que des droits à la vie privée et des droits du détenu. En ce qui nous concerne, la personne qui demandait une libération conditionnelle avait abandonné ces droits lorsqu'elle a commis son meurtre. C'est là-dessus que nous devrions nous pencher. Je suis tout à fait d'accord avec Sue. Les victimes ont un rôle très important à jouer, mais ces gens jouent un rôle important en donnant confiance au public et en faisant la lumière sur le processus. La priorité de notre association, c'est la transparence.
Le sénateur McIntyre : Je vous remercie tous de vos exposés. Monsieur McCormack, je crois que vous avez indiqué clairement qu'il faut qu'un changement important soit apporté avant que la date de l'audience de la Commission des libérations conditionnelles suivante soit fixée. J'en suis absolument convaincu.
Il me semble que comme vous l'avez dit, le principal défaut du système actuel, c'est le manque de transparence, surtout pour les victimes qui suivent le processus. On communique peu de renseignements aux victimes. Par exemple, je crois comprendre que les victimes n'ont pas accès aux transcriptions, une situation que le projet de loi devrait corriger.
Êtes-vous d'accord avec moi au sujet du manque de transparence?
M. McCormack : Il y a un manque total de transparence, et les transcriptions constituent un élément essentiel. Comme je l'ai dit, les membres de la famille Sweet y allaient chaque année. Ils voyaient le témoignage incohérent livré au nom de Munro lors de chaque audience, mais c'était une audience différente. Il y avait un nouveau groupe de personnes, et Munro ne faisait que changer l'histoire toutes les fois. Il modifiait légèrement son histoire et disait ceci : quelles choses fausses ai-je dites? Or, ce qui était aussi très frustrant pour nous, c'est que nous avions été informés qu'il y a eu des problèmes liés au comportement de Munro pendant son incarcération. Nous avons essayé d'obtenir l'information à ce sujet pour savoir ce qui n'allait pas pendant qu'il était en prison, mais nous ne pouvions même pas l'obtenir. Ce que j'ai trouvé vraiment intéressant concernant le cautionnement et la libération conditionnelle, les gens de ROPE — un témoin d'un des autres groupes qui a comparu avant nous a fait une observation selon laquelle la plupart des délinquants en liberté conditionnelle se font arrêter pour une violation technique, comme la consommation de drogues et d'alcool, et non pour la récidive. J'aimerais que vous preniez en considération le fait que dans le cas de Munro, l'alcool et la drogue ont un effet de déclencheur sur lui. On peut donc estimer que sa consommation d'alcool ou de drogue constitue une violation technique, mais cela fait partie des éléments déclencheurs. C'est ce qui a été soulevé au procès lorsqu'il a été condamné pour avoir sauvagement assassiné Michael Sweet. Il faut donc que les choses soient transparentes à cet égard également.
Ce qui nous préoccupe beaucoup, c'est la définition de « renseignements personnels » et le fait que la Commission des libérations conditionnelles pourra retrancher des transcriptions tout renseignement personnel si le projet de loi est adopté. Nous faisons face à un dilemme. Que signifie « renseignements personnels »? Qu'est-ce que cela suppose? Dans quelle mesure la commission peut-elle retrancher des renseignements des transcriptions? Il vous faut prendre cet aspect en considération.
Le sénateur McIntyre : En 2010, votre bureau a publié un rapport et je me souviens qu'on y a recommandé que le délai entre les audiences soit porté à cinq ans dans le cas des délinquants purgeant une peine d'emprisonnement à perpétuité ou une peine d'une durée indéterminée, si leur demande de libération conditionnelle est refusée. Diriez-vous que dans l'ensemble, le projet de loi se base sur les recommandations que votre bureau a faites?
Mme O'Sullivan : Nous avons effectivement formulé ces recommandations. Elles portaient sur les cas d'homicide et les peines à perpétuité. Ce projet de loi va plus loin en incluant les infractions qui figurent à l'annexe I, ce qui va dans le sens des deux premières recommandations au sujet des cas d'homicide et des peines à perpétuité.
La sénatrice Fraser : J'ai une question à poser à Mme O'Sullivan. Le projet de loi contient essentiellement deux parties. La première porte sur le report de l'audience de libération conditionnelle, et la deuxième vise à rendre davantage possible la participation des victimes et à faire en sorte qu'elles soient mieux informées. Il s'agit là de deux parties bien différentes.
Si vous aviez à choisir, laquelle de ces deux parties contribuerait d'après vous le plus à aider les victimes?
Mme O'Sullivan : Selon moi, chaque victime est unique, comme on l'a dit, mais si je dois énumérer ce qui est important pour les victimes, je dirais qu'elles ont besoin d'être informées de leurs droits et du rôle qu'elles peuvent jouer au sein du système de justice pénale et qu'elles doivent obtenir des renseignements au sujet du délinquant qui leur a causé du tort. On ne doit pas oublier les victimes tout au long du processus judiciaire. Il faut les protéger et les soutenir. Il n'y a pas de choix à faire. Nous devons veiller tout au long du processus judiciaire à ce que les victimes soient traitées avec compassion et dignité.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma question s'adresse à Mme Lee et elle sera très brève. J'aimerais que vous nous parliez de vos contacts avec la Commission des libérations conditionnelles. Lorsque vous deviez communiquer avec les représentants de la commission, étiez-vous bien reçue ou aviez-vous l'impression de les déranger?
[Traduction]
Mme Lee : Comme je l'ai dit à M. Sweet tout à l'heure, je pense qu'on a commencé à me craindre au bout d'un moment parce que j'étais très insistante. Je tenais à ce que mes déclarations soient lues et entendues et j'ai tenu mon bout jusqu'à ce que cela se produise. Lorsqu'une audience devait avoir lieu, on se disait « Ah! C'est encore elle », et la commission devait faire les choses correctement. Je crois que je suis différente de bien des victimes. Beaucoup de gens sont intimidés par le système, car c'est un système très lourd.
Je me sentais dépassée au début et je le suis encore, mais plus on s'emploie à aider les victimes à se faire entendre, plus les choses évolueront, car autrement, la commission continuera ses façons de faire. Si on ne les met pas en doute, rien ne changera. J'espère que ce projet de loi sera adopté très bientôt parce qu'il aidera bien des gens. Toutefois, la commission dispose toujours d'un large pouvoir discrétionnaire. Il y a encore ce que la commission appelle les situations spéciales, alors cette mesure législative ne réglera pas tous les problèmes, mais il est certain qu'elle contribuera à améliorer les choses.
Le sénateur Plett : Je vais poser mes deux questions rapidement et en même temps.
Madame Lee, vous venez tout juste de compléter votre réponse à la question du sénateur Dagenais en disant que vous espérez que ce projet de loi sera adopté très rapidement.
Mme Lee : Oui.
Le sénateur Plett : J'ai soulevé la question de la vidéoconférence auprès de M. Sweet, comme vous le savez, et j'ai été déçu de ne pas entendre une bonne raison expliquant pourquoi l'amendement n'a pas été adopté. Peut-être qu'il y en a une, et je crois que nous devrions l'obtenir.
Si nous essayons de modifier ce projet de loi, toutefois, il y a fort à parier qu'il ne sera pas adopté au cours de la présente législature. Préférez-vous donc que nous adoptions ce projet de loi tel quel durant la présente législature et que nous essayions de l'améliorer à l'aide d'autres mesures législatives ultérieurement? Voilà ma première question.
Monsieur McCormack, vous avez parlé de la suppression de renseignements personnels dans les comptes rendus, notamment. Dans le projet de loi, il est écrit que la commission peut supprimer dans un compte rendu tout renseignement personnel au sujet d'une personne autre que le contrevenant, la victime ou un membre de la famille de la victime, probablement une personne qui a témoigné.
Avez-vous bien lu ou est-ce que cela vous pose encore un problème? Soit dit en passant, ce n'est pas la suppression des renseignements au sujet du contrevenant que j'approuve. J'aimerais obtenir une réponse à ces deux questions, s'il vous plaît.
Mme Lee : Je peux répondre à la première. Nous travaillons là-dessus — je dis « nous », mais il s'agit en fait de M. Sweet, de son bureau et de l'ombudsman qui travaillent sur ce projet de loi depuis longtemps. Si on le renvoie à la Chambre avec des ajouts, il ne sera pas adopté. J'aimerais bien que la vidéoconférence soit possible. Elle m'aurait été très utile, mais on m'a dit — sans toutefois me le promettre — que ce sera mis en place.
Le sénateur Plett : Alors vous êtes prête à mettre cela de côté pour que le projet de loi soit adopté?
Mme Lee : Oui.
M. McCormack : Je vais devoir relire le projet de loi, mais je sais que, dans le passé, le fait de supprimer des renseignements personnels au sujet du contrevenant nous a posé des problèmes.
Le sénateur Plett : J'en conviens, mais ce n'est pas ce dont il est question dans le projet de loi.
M. McCormack : Alors je suis d'accord, oui.
La sénatrice Batters : Je vous remercie tous pour les témoignages utiles que vous avez livrés aujourd'hui. Vous nous avez très bien démontré pourquoi nous avons besoin au pays de ce projet de loi et de la Charte des droits des victimes.
Madame Lee, dans votre déclaration liminaire, vous avez dit qu'il serait utile d'avoir la photo du contrevenant. On m'a dit que c'est ce que prévoit la Charte des droits des victimes, alors vous pouvez être certaine que cela sera mis en application.
Madame Lee, pouvez-vous m'expliquer dans quelle mesure les audiences fréquentes de libération conditionnelle que vous avez décrites dans le menu détail ont eu une incidence sur vous et votre famille et de quelle manière selon vous les changements contenus dans le projet de loi aideront votre famille et d'autres victimes d'actes criminels.
Mme Lee : Cette mesure aidera bien des gens qui se trouvent dans la même situation que moi. À l'époque, mes enfants ne savaient même pas ce qu'avait vécu leur tante. Ils étaient très jeunes et je ne leur en avais pas parlé parce que c'était trop horrible. J'ai dû faire ces enregistrements vidéo et audio très souvent, à six reprises en l'espace de ces sept ans, et chaque fois c'était très difficile. Cela remonte à très loin, mais vous pouvez constater que cela m'affecte encore; et ce sera toujours le cas. Cette mesure évitera aux gens d'avoir à revivre l'événement, à être victimisés à nouveau tous les deux ans ou plus fréquemment encore. Elle offre une option à la commission dans des cas comme celui relaté par M. Sweet et le mien. Le meurtrier n'avait pas changé. Rien n'avait changé. En fait, il est de nouveau derrière les barreaux, mais il a renoncé à son droit de demander une libération conditionnelle. Il sait qu'il ne pourra pas être libéré.
La loi disait qu'il fallait faire cela parce que c'était leur droit. Ce projet de loi constitue une amélioration pour les gens comme moi et leur famille.
La sénatrice Batters : Je vous remercie. Monsieur McCormack, vous en avez parlé brièvement lors de votre exposé devant le Comité de la justice de la Chambre des communes, et vous en avez parlé davantage lorsque vous avez dit que, dans des cas comme celui de Craig Munro, les droits à la protection de la vie privée ne peuvent pas être plus importants lors des audiences de libération conditionnelle qu'ils ne l'étaient durant le procès et l'audience de détermination de la peine. Ils doivent effectivement être moindres parce que, lors du procès, M. Munro était présumé innocent. Lors d'une audience de libération conditionnelle, cette présomption n'existe pas, c'est plutôt le contraire. Il a été reconnu coupable de meurtre, ce qui est tout à fait différent.
D'après votre expérience, pouvez-vous nous dire quels sont les renseignements qui ne sont pas divulgués aux victimes durant les audiences de libération conditionnelle qui devraient l'être selon vous et dans quelle mesure estimez-vous que ces renseignements seraient utiles?
M. McCormack : Premièrement, comme je l'ai dit, nous avons appris que M. Munro éprouvait des problèmes de discipline au sein de l'établissement carcéral. Lorsqu'on a demandé d'obtenir des renseignements à ce sujet, pour savoir quels étaient ces problèmes, on a rejeté notre demande. On a invoqué ses droits à la protection de la vie privée et on nous a dit que son dossier général et son dossier de comportement ne pouvaient pas nous être transmis.
Il était question d'accorder une libération conditionnelle à cet homme qui est un meurtrier violent. L'alcool et les drogues sont des déclencheurs de sa violence, et nous avions appris que ses problèmes de discipline étaient liés à l'usage de ces substances. On parle de réadaptation des criminels, mais ce qui est préoccupant, non seulement pour la famille de M. Sweet, mais pour le public en général, c'est qu'on envisage d'accorder une libération conditionnelle à un homme qui est censé être derrière les barreaux et, par conséquent, ne pas avoir accès à ces substances, mais nous savons qu'il en fait usage en prison. Pourquoi ne pas divulguer entièrement ce genre d'information?
Le sénateur McInnis : Je comprends très bien que de nombreuses victimes estiment que le système de justice doit être plus punitif et que le fait d'être plus sévère constitue la solution. En général, c'est ce qu'on croit parce qu'on souhaite que personne n'ait à subir ce que vous avez subi.
J'aimerais vous demander dans quelle mesure le système de justice réussit-il à trouver un équilibre entre la lourdeur des peines et la réadaptation des criminels en vue d'accroître la sécurité du public? Personne ne veut que ces crimes horribles se produisent, mais, en veillant à la réadaptation des criminels pendant qu'ils sont incarcérés, on contribue à tout le moins à empêcher les récidives. Quelle est votre opinion au sujet du système de justice à cet égard?
Mme Lee : Si je me fie à mon expérience, ça n'a pas très bien fonctionné. Il a suivi tous les programmes de réadaptation. Il s'est même fiancé pendant qu'il était incarcéré. Il a ensuite été libéré puis il a récidivé. Voilà ce qui se passe dans notre système de justice. Si nous étions aux États-Unis, il n'aurait jamais été remis en liberté.
Nous sommes passés de la peine capitale aux peines minimales. Je ne sais pas quelle est la solution.
Mme O'Sullivan : Vous avez parlé d'un système plus punitif. Je traite avec des victimes de partout au pays, et je peux vous dire que pour certaines d'entre elles, la peine imposée revêt une grande importance, tandis que pour d'autres, c'est la justice réparatrice. Quand je parle de choix et d'options, c'est parce que je veux qu'on s'assure que les victimes qui se font entendre obtiennent l'information qu'elles demandent, notamment l'information dont Mike a parlé, dont une partie est maintenant disponible, comme vous le savez, car il est maintenant possible de consulter le plan correctionnel. Les victimes veulent savoir quels sont les risques de récidive et comment ces risques sont gérés. Elles veulent savoir quels progrès le contrevenant a effectués sur le plan de sa réadaptation.
Pourquoi est-il si important que les victimes obtiennent cette information tout au long du processus? J'ai parlé à des victimes qui, pendant 20 ans, n'ont obtenu aucune information à ce sujet, particulièrement s'il s'agissait d'actes criminels graves. Elles ne savent pas si le délinquant fait un effort sincère pour se réadapter. Je peux vous dire que certaines des victimes pour lesquelles la peine imposée était extrêmement importante au début souhaitent à un moment donné, car, comme vous l'avez dit, il y a un très long cheminement à faire, avoir recours au service de médiation et de réconciliation entre la victime et le délinquant. Les victimes ne peuvent pas demander ce service si elles ne sont pas au courant de son existence. Elles ne peuvent pas le faire si elles n'obtiennent pas l'information, et elles veulent certes savoir comment le délinquant progresse vers la réadaptation, le cas échéant. Elles veulent savoir s'il fait des efforts.
Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles je parle de la transparence et de l'importance de permettre aux victimes de se faire entendre.
Le sénateur McInnis : Les victimes ont accès au plan correctionnel?
Mme O'Sullivan : Oui, en partie, mais elles auront accès à une plus grande partie de son contenu. Le Service correctionnel du Canada m'a expliqué que, comme vous pouvez l'imaginer, certains renseignements, je ne dirai pas ceux obtenus par les psychologues entre autres, peuvent être personnels, mais on peut savoir si le délinquant participe au programme. Les victimes veulent toutefois en savoir davantage. Est-ce qu'il participe activement? Est-ce qu'il fait des progrès? Est-ce qu'on s'occupe des facteurs de risque? Est-ce qu'on gère ces facteurs? Mike a parlé des déclencheurs de la violence. Les victimes veulent savoir si le délinquant fait des efforts sincères et s'il progresse sur la voie de la réadaptation.
Le président : Je remercie tous les témoins. Nous vous sommes très reconnaissants pour votre comparution et vos témoignages.
Je tiens à remercier spécialement Mme Lee et Mme Gendron. Je crois qu'il est très important pour le comité d'entendre des victimes d'actes criminels qui doivent, comme Mme O'Sullivan l'a dit, faire un long cheminement. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir comparu devant nous et d'avoir livré vos témoignages.
(La séance est levée.)