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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 32 - Témoignages du 3 juin 2015


OTTAWA, le mercredi 3 juin 2015

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-12, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, se réunit aujourd'hui, à 15 h 32, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, nous allons dévier un peu de la procédure habituelle en ce début de séance, parce que le ministre est retenu par un vote à la Chambre. Donc avec l'accord des fonctionnaires ici présents, nous allons prendre tout de suite quelques questions. Quand le ministre arrivera, nous nous arrêterons brièvement, le temps qu'il se prépare à nous présenter son exposé.

Les fonctionnaires présents aujourd'hui sont Don Head, commissaire au Service correctionnel du Canada; Angela Connidis, directrice générale des Affaires correctionnelles à Sécurité publique Canada, et Suzanne Brisebois, directrice générale des Politiques, de la Planification et des Opérations à la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Je souligne également la présence de Kirsten Mattison, directrice intérimaire de la politique réglementaire à la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, à Santé Canada, qui est ici pour nous répondre si nous avons besoin de renseignements supplémentaires.

Nous examinons le projet de loi C-12, Loi concernant l'éradication des drogues dans les prisons. C'est notre première séance. Bienvenue à tous, particulièrement aux membres du grand public qui suivent, je l'espère, les délibérations du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Encore une fois, nous nous réunissons aujourd'hui pour commencer notre étude du projet de loi C-12, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Le projet de loi C-12 dicterait que la Commission des libérations conditionnelles annule la mise en liberté sous condition accordée à un contrevenant n'ayant pas encore été libéré, qui obtiendrait des résultats positifs à un test de dépistage de drogue ou d'alcool, dans la mesure où la commission estime que les critères imposés pour l'octroi de la mise en libération ne sont plus respectés. Le projet de loi précise également les conditions imposées aux délinquants bénéficiant d'une libération conditionnelle ou d'office ou d'une permission de sortir sans escorte relativement à la consommation de drogues ou d'alcool lorsqu'il a été établi qu'elle est un facteur de risque dans le comportement criminel du délinquant.

Je vais maintenant prendre les questions. Le vice-président va commencer.

Le sénateur Baker : Je remercie les témoins de comparaître aujourd'hui. Ils fournissent toujours d'excellents témoignages à notre comité sur les projets de loi qui nous sont renvoyés.

Ma première question s'adresse à M. Head. Ce projet de loi est intitulé Loi concernant l'éradication des drogues dans les prisons, comme le président l'a souligné. Pouvez-vous décrire au comité l'ampleur du problème? La présence et la découverte de substances désignées dans les prisons sont-elles en croissance ou en décroissance?

De même, à quoi attribuez-vous la majorité des cas? Autrement dit, d'où viennent ces substances? Viennent-elles de substances légales qui entrent dans la prison puis qui y sont transformées? Pouvez-vous décrire au comité comment les drogues illicites entrent dans nos prisons ou y sont créées?

Don Head, commissaire, Service correctionnel du Canada : Je vous remercie de cette question, sénateur. Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me permettre de prendre la parole sur ce sujet important.

Depuis quelques années, le nombre de saisies de drogues illicites dans nos institutions diminue. Cependant, cette diminution est attribuable en partie au fait que nous avons reçu depuis quelques années du financement pour bonifier nos équipes de chiens dépisteurs, ainsi que pour acquérir de nouvelles technologies, comme les détecteurs ioniques qu'on voit dans les aéroports et d'autres types de détecteurs. Grâce à cet investissement, le nombre de saisies a augmenté.

Avant, nous dépendions exclusivement des yeux, des oreilles et du nez de nos employés pour trouver tout cela. Je suis toujours impressionné du travail de mon personnel pour essayer d'éradiquer les drogues de l'établissement.

Donc, c'est toujours le même débat : nous ne savons pas si l'augmentation du nombre de saisies signifie qu'il y a plus de drogues à l'intérieur des murs ou si nous arrivons à mieux les détecter. La question se pose toujours. Je vais vous laisser, vous et les autres membres du comité, tirer vos propres conclusions.

Nous tenons compte d'autres facteurs, comme le nombre de surdoses et le nombre de fois où mon personnel interrompt des surdoses dans l'institution. Pour vous donner un exemple, au cours de la dernière année, grâce au travail fantastique du personnel, nous sommes intervenus à 43 reprises et avons réussi à arrêter des personnes en train de s'intoxiquer jusqu'à la surdose. Cela comprend des interventions des agents correctionnels de première ligne comme de mes infirmières.

Pour ce qui est de la question de savoir comment les drogues entrent dans l'institution, je laisse chacun à son imagination.

Quand je suis arrivé dans le milieu correctionnel, il y a 37 ans, nous n'avions qu'à nous inquiéter des personnes que nous soupçonnions de faire office de mules pour faire entrer de la drogue, puis il suffisait de les arrêter à l'entrée. Aujourd'hui, il faut penser à tout : aux drogues collées aux manches de flèches lancées de loin au-dessus des clôtures dans la cour d'exercice jusqu'aux lance-patates qui lancent des balles de tennis à l'intérieur. Il nous est même arrivé de trouver des oiseaux morts dont les entrailles étaient remplies de drogue, qui avaient été lancés dans la cour d'exercice. Dernièrement, on assiste au phénomène des engins télépilotés, les drones, qui transportent des paquets au-dessus de la clôture périphérique.

Ces nouvelles façons de faire présentent des défis pour nous, et nous essayons d'être toujours à l'affût des nouvelles tendances. Il faut ajouter à cela tous les moyens classiques de faire entrer de la drogue, comme les visiteurs qui essaient d'en cacher dans leurs vêtements ou leurs cavités corporelles. Il est déjà arrivé que des personnes cachent de la drogue dans la couche de bébés en visite dans l'institution. Il y a également des entrepreneurs qui sont impliqués de l'extérieur, qui se laissent influencer d'une manière ou d'une autre, qui se font convaincre de faire entrer de la drogue dans l'établissement lorsqu'ils viennent y travailler. Ils en transportent dans leur véhicule ou leur coffre à outils.

Mon personnel est toujours à l'affût et essaie de toujours s'informer sur ces nouvelles façons de faire entrer de la drogue dans nos murs.

Le sénateur Baker : Une dernière petite observation, même si je sais que vous voulez donner la parole au prochain intervenant. Je sais que nos prochains témoins viennent de Santé Canada.

Quand ce sujet a été porté à l'attention du comité, on nous a expliqué qu'on pouvait fabriquer des substances désignées avec des précurseurs ou des substances parfaitement légales. J'espère donc que nous allons comprendre des fonctionnaires de Santé Canada quelle est la réglementation concernant ces choses tout à fait légitimes qu'on peut faire entrer dans les prisons, comme l'aspirine pour bébé, qu'on peut mélanger avec une autre sorte de pilule pour le traitement des sinus pour créer de la meth, par exemple. Nous allons laisser les prochains témoins nous en parler.

Pour conclure, est-ce très courant, d'après vous? Avez-vous déjà observé des cas où des détenus auraient créé des substances désignées en prison?

M. Head : Non. C'est une bonne question, sénateur. Pratiquement toutes les drogues que nous trouvons en prison ont été fabriquées ou créées dans les rues. Nous n'observons pas beaucoup de fabrication à l'intérieur de l'établissement. En fait, les détenus sont bien meilleurs pour fabriquer de la bière que...

Le sénateur Baker : S'ils fabriquent de la bière, ils doivent bien fabriquer de la drogue.

M. Head : Ils n'en sont pas encore là. L'une des difficultés que je vais mentionner dans les secondes qui me restent, c'est que nous avons des appareils, des techniques et des chiens qui nous permettent de détecter les drogues classiques comme la marijuana, l'héroïne et la cocaïne.

L'un des défis de notre époque, toutefois, est celui des drogues synthétiques, comme le fentanyl, que nos chiens et nos détecteurs ioniques ne peuvent pas détecter. Les drogues synthétiques vont devenir un énorme problème non seulement pour nous, mais pour tous les services correctionnels du monde.

Le sénateur McInnis : J'ai une autre question à vous poser, mais avant de changer de sujet, quand j'ai commencé mes recherches sur ce projet de loi, j'ai été surpris de constater à quel point il semble facile de se procurer de la drogue en prison. Je pense que la plupart des Canadiens seraient surpris de le savoir. Il semble même qu'on ait trouvé un alambic dans l'un des établissements. J'ai été sidéré d'apprendre que cela pouvait se passer en prison et je me suis dit qu'il devait y avoir quelque chose d'encore plus sinistre. Il doit y avoir un groupe organisé à l'extérieur, un groupe criminel peut-être, qui s'occupe de l'approvisionnement. Est-ce que c'est le cas?

M. Head : Absolument, sénateur. La plupart des drogues que nous voyons viennent d'une manière ou d'une autre du crime organisé qui se passe à l'extérieur, et ces groupes utilisent diverses personnes de l'intérieur, comme les visiteurs d'autres délinquants, pour faire entrer de la drogue sans se faire prendre ni que leurs membres détenus ne se fassent prendre lorsqu'ils la reçoivent, lorsque la drogue a passé la porte.

Le crime organisé contrôle une grande partie de ces activités. L'une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés, c'est qu'il exerce de l'influence sur les membres de la famille d'autres délinquants, qu'il intimide pour qu'ils fassent entrer des choses à l'intérieur.

Chaque fois qu'un nouveau visiteur s'inscrit pour rendre visite à un délinquant de l'une de nos institutions, nous lui donnons un document sur les règles qui s'appliquent et nous les passons en revue, mais nous leur montrons aussi une vidéo sur tout ce qui peut se passer, comme l'influence qu'ils peuvent subir pour faire entrer de la drogue à l'intérieur. Nous leur disons avec qui communiquer le cas échéant, par la police ou notre propre personnel du renseignement de sécurité.

Le sénateur McInnis : Permettez-moi de prendre une autre partie du projet de loi. Nous avons beaucoup de témoins qui s'en viennent et l'une de leurs préoccupations est le traitement des personnes aux prises avec un problème de consommation de drogues et d'alcool.

Rebecca Jesseman, directrice au Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, comparaîtra demain. Elle a dit devant le Comité de la justice de la Chambre des communes que de 48 à 52 p. 100 des personnes ayant besoin de programmes de désintoxication en milieu correctionnel en reçoivent. Pourtant, quand vous avez comparu devant le même comité, vous avez affirmé que 95 p. 100 des détenus ayant besoin de ce type de traitement en recevaient.

Pouvez-vous m'expliquer qui a raison? Sommes-nous en train de parler de deux choses différentes? Comment peut-il y avoir un tel écart entre les chiffres?

M. Head : Il y a quelques facteurs en jeu. Les premiers chiffres que vous citez ressemblent aux chiffres que nous entendons sur les traitements offerts aux délinquants des établissements provinciaux et territoriaux, alors que les chiffres que je vous ai cités sont ceux des pénitenciers fédéraux. Encore une fois, les chiffres varient d'une année à l'autre en fonction des besoins des délinquants et de la disponibilité des programmes.

En ce moment, il y a deux volets à notre programme de traitement de la toxicomanie. Nous avons ce que nous appelons le programme pour délinquants toxicomanes. Il y en a une version pour les délinquantes et une autre pour les Autochtones, qui fait intervenir les aînés et divers autres aspects culturels dans la prestation de services pour interpeller les délinquants autochtones.

Tout récemment, nous avons intégré les leçons tirées du programme de traitement de la toxicomanie dans ce qu'on appelle le Modèle de programme correctionnel intégré, parce que les leçons tirées du programme de traitement de la toxicomanie lui-même s'appliquent également à d'autres programmes que nous offrons pour lutter contre la violence familiale, la violence en général et même dans une certaine mesure, l'agression sexuelle.

Bref, tous les délinquants qui entrent dans le système sont maintenant assujettis à ce que nous appelons le Modèle de programme correctionnel intégré. Au cours des 40 à 50 premiers jours, il y a ce que nous appelons l'amorce du programme, qui comprend les divers aspects du programme de traitement de la toxicomanie. Au fur et à mesure que se déploie le MPCI, nous allons commencer à comprendre non seulement le problème de toxicomanie, mais ses liens avec la violence familiale, la violence en général et tout le reste.

La sénatrice Batters : Je vous remercie infiniment d'être ici aujourd'hui et de vous être adaptés à l'horaire du comité.

Monsieur Head, dans votre discussion avec le sénateur Baker, vous avez mentionné différentes façons de faire passer de la drogue par-dessus les clôtures, jusqu'aux oiseaux morts. C'est toute une révélation, mais j'ai constaté dans votre témoignage devant le Comité de la justice de la Chambre des communes que toutes ces façons de faire entrer de la drogue par les airs, dans une cour ouverte de prison, sont de plus en plus problématiques, et je le constate dans les nouvelles que je lis et que j'entends en Saskatchewan.

Pouvez-vous nous donner plus de détails sur la façon dont vous vous attaquez au problème, surtout que vous avez mentionné que les drones sont de plus en plus accessibles.

M. Head : Tout à fait, sénatrice. Nous avons pris un certain nombre de mesures pour lutter contre ces intrusions de l'extérieur, faute de meilleure expression, dans quelques-uns de nos établissements : nous avons agrandi le périmètre extérieur, nous avons coupé les arbres qui longeaient la propriété pour créer une zone de surveillance plus claire pour notre personnel.

Nous avons testé à certains endroits des technologies différentes, comme l'observation nocturne et la détection infrarouge, pour mieux voir les personnes qui s'approchent du périmètre de sécurité pendant la nuit, après les patrouilles mobiles.

Nous avons également réalisé des premiers tests de radar pour essayer de déterminer si nous pouvons intercepter les drones. Les drones sont de plus en plus petits, mais peuvent transporter des paquets de plus en plus gros, et nous avons constaté que le radar que nous avions testé ne fonctionnerait pas.

Nous continuons d'affûter la vigilance de notre personnel à l'égard de ce genre d'activité. Nous avons augmenté le nombre de patrouilles dans les cours d'exercice avant de laisser les détenus y sortir. Le personnel ratisse la cour pour s'assurer qu'il n'y a pas d'objets étrangers avant que les détenus puissent pénétrer dans la cour.

La sénatrice Batters : J'aimerais prendre un sujet dont nous avons déjà discuté un peu, mais j'aimerais l'aborder un peu plus en profondeur. Que faites-vous pour lutter contre la toxicomanie et ses effets terribles? Je me demande si vous pouvez nous donner plus de détails sur les programmes de traitement auxquels les délinquants ont accès en prison. Diffèrent-ils en fonction du niveau de sécurité de l'établissement et s'agit-il de thérapie de groupe ou individuelle? La famille du délinquant est-elle incluse dans le plan de traitement? Quel genre de choses faites-vous?

M. Head : Le programme de traitement de la toxicomanie classique que nous offrons existe depuis de nombreuses années. Nous avons exporté notre modèle dans divers services correctionnels du monde. La recherche prouve qu'il contribue beaucoup à réduire le taux de récidive chez les contrevenants. Il y a une réduction du taux de récidive d'au moins 17 p. 100 en général, mais il peut descendre de 65 p. 100 pour ce qui est de la violence utilisée pour perpétrer des crimes.

C'est un programme très positif.

Le programme diffère non pas en fonction du niveau de sécurité, mais en fonction du niveau d'intensité. Donc selon qu'il s'agit d'un programme d'intensité moyenne ou élevée, il peut durer de 8 à 12 semaines. Il s'agit habituellement de thérapie de groupe. On met beaucoup l'accent sur la réflexion cognitive pour aider les délinquants à mieux comprendre comment faire de bons choix dans leur vie plutôt que de mauvais choix.

Nous ne travaillons pas tellement avec les familles en tant que telles. Nous cherchons à tisser des liens avec les services communautaires lorsque le délinquant sort en semi-liberté, en libération conditionnelle totale ou en libération d'office, mais pendant l'incarcération, nous ne passons pas beaucoup de temps à travailler avec les familles.

Le sénateur White : Je remercie tous les témoins d'être ici. J'ai visité l'établissement de Warkworth, et je sais que vous y offrez un programme de méthadone, par exemple. Vous y avez du personnel médical, de sorte que les détenus ont accès à des drogues licites en toute légalité, mais d'après ce qu'on entend dire, ils y auraient également accès illégalement.

Les détenus sont-ils soumis à des tests de dépistage lorsqu'ils sont libérés et le cas échéant, quels sont les chiffres sur les résultats de tests problématiques jusqu'à maintenant, sans cette loi?

M. Head : Il y a diverses choses qui se passent en ce moment pour ce qui est des drogues licites. La méthadone, comme vous l'avez souligné, sénateur, est utilisée depuis quelques années déjà dans nos établissements.

Le sénateur White : Oui, avec beaucoup de succès.

M. Head : L'un des problèmes, avec la méthadone, c'est qu'il y a parfois des délinquants qui vont revendre leur méthadone après l'avoir ingéré. Il y a pour cela un terme médical en anglais que j'ai appris quand je suis allé en Saskatchewan, soit « emesis » ou « vomissement », qui consiste à vomir la substance et à la revendre à d'autres contrevenants. Nous avons des mécanismes pour essayer de prévenir le phénomène, nous surveillons les délinquants pendant 20 minutes après qu'ils l'aient prise, par exemple.

Au sujet des tests généraux que nous faisons, nous testons 10 p. 100 de la population chaque mois. Les membres du personnel peuvent en tout temps demander un test d'urine lorsqu'ils ont des motifs raisonnables de soupçonner quelqu'un d'avoir ingéré une substance intoxicante ou illégale. De même, pour certaines libérations, la Commission des libérations conditionnelles peut imposer une condition d'abstinence, auquel cas il y aura des tests périodiques pendant que la personne est dans la population générale.

Nous observons depuis quatre ou cinq ans que le nombre de résultats positifs à ces tests diminue. Ainsi, les tests positifs sont passés d'environ 7,5 p. 100 à 6 p. 100, ce qui est bon, et il y a également une diminution du nombre de refus.

Quand une personne refuse de fournir un échantillon d'urine pour analyse, nous la traitons, à des fins disciplinaires, comme si elle avait obtenu un test positif. Nous avons donc constaté aussi une diminution du nombre total de refus.

Il y a cinq ans, la combinaison des tests positifs et des refus représentait environ 20 p. 100 des cas. Elle ne représente plus qu'environ 13 p. 100 des cas.

Le sénateur White : J'ai remarqué qu'il est question d'échantillons d'urine dans le projet de loi. Il y a d'autres tests potentiellement plus efficaces pour détecter la consommation de drogues. Les lois et règlements en place nous autorisent-ils à effectuer beaucoup d'autres tests, outre les analyses d'urine, comme des analyses de sang ou de follicules pileux, pour détecter la cocaïne?

M. Head : En ce moment, nous sommes essentiellement limités à l'analyse d'urine. Tous les autres tests comme les alcootests, que vous avez bien connus, sénateur, pendant votre première carrière, ne peuvent que nous servir d'indicateurs, mais l'analyse d'urine est notre seul outil de dépistage pour l'instant.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J'ai lu le projet de loi, et j'ai été surpris. Je croyais que, dans le cadre du suivi que nous faisons auprès des criminels qui ont des problèmes de consommation, nous mettions déjà en œuvre les mesures contenues dans le projet de loi. Donc, je m'aperçois que nous avons été très laxistes dans le passé. On sait que 80 p. 100 des prédateurs sexuels ont des problèmes de consommation.

Ainsi, lorsque je lis le projet de loi, celui-ci s'adresse strictement à ceux qui sont en libération conditionnelle, n'est-ce pas?

[Traduction]

M. Head : Nous avons le pouvoir de réaliser des tests à l'intérieur.

[Français]

Mais aussi dans la collectivité.

[Traduction]

Le sénateur Boisvenu : Mais ce projet de loi vise des personnes qui se trouvent hors de vos établissements, n'est-ce pas?

M. Head : Oui.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Donc, quand je lis qu'un criminel peut refuser une analyse d'urine, je sais que l'analyse nous indique si un criminel a consommé dans un certain temps donné, par exemple, cela peut être détecté en moins d'une semaine. Donc, ce que je comprends de la situation actuelle, c'est que lorsque les criminels s'objectaient à une prise d'urine auparavant, il ne s'agissait pas d'un motif de réincarcération. Est-ce bien ce que je comprends?

[Traduction]

M. Head : Oui. Si nous demandons un échantillon d'urine à une personne en libération et qu'elle refuse de nous le fournir, nous en avisons immédiatement la Commission des libérations conditionnelles. Celle-ci détermine ensuite si les motifs qui ont éveillé nos soupçons suffisent pour suspendre la libération de la personne. Il y a ensuite toute une procédure qui comprend d'autres analyses et éventuellement, des recommandations.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Donc, avec le projet de loi actuel, cela sera plus expéditif?

[Traduction]

M. Head : Dans une grande mesure, le projet de loi réaffirme la procédure déjà en place. Il vient codifier ce que nous faisons déjà habituellement. Je pense qu'il vise à faire comprendre aux personnes en période de libération qui pourraient être tentées de consommer de la drogue la gravité de la chose, mais dans une grande mesure, ce qui se trouve dans le projet de loi se fait déjà maintenant.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Ainsi, si je comprends bien, dans le fond, ce projet de loi fait preuve de gros bon sens?

[Traduction]

M. Head : J'aimerais croire que tous les projets de loi relèvent du gros bon sens, sénateur, mais chose certaine, celui-ci reflète l'importance de cet enjeu.

Il renforce la position du Service correctionnel du Canada. Je ne parlerai pas au nom des représentants de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, mais je suis sûr qu'ils seraient d'accord avec moi. Le projet de loi démontre toute l'ampleur du problème, c'est-à-dire la consommation de drogues chez les délinquants, autant dans les établissements correctionnels qu'au sein de la communauté.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Ma question s'adresse à la Commission des libérations conditionnelles. On sait qu'il y a deux institutions qui libèrent des criminels au Canada. Monsieur Head, aux deux tiers de la sentence, c'est vous qui avez la responsabilité de les libérer, ou lorsqu'il s'agit d'un crime à caractère économique, au sixième de la sentence, vous pouvez libérer les gens directement du pénitencier. La Commission des libérations conditionnelles a la responsabilité de l'ensemble des autres libérations.

Lorsque vous faites face à des gens qui ont des problèmes de consommation et qui sont réinsérés dans la collectivité, est-ce que vous suivez les mêmes critères pour faire en sorte de contrôler ces gens, ou s'agit-il de deux systèmes différents qui font que les criminels peuvent échapper aux mailles du filet? Est-ce que vous travaillez en fonction des mêmes critères que M. Head pour contrôler ces gens s'ils consomment une fois sortis du pénitencier?

[Traduction]

Suzanne Brisebois, directrice générale, Politiques, planification et opérations, Commission des libérations conditionnelles du Canada : En ce qui a trait aux critères, le projet de loi est très précis. En fait, l'amendement se rapporte aux alinéas 102a) et b), en vertu desquels la Commission des libérations conditionnelles peut accorder une libération si elle est d'avis qu'une récidive du délinquant ne présentera pas un risque inacceptable pour la société et que cette libération contribuera à la protection de celle-ci en favorisant sa réinsertion sociale en tant que citoyen respectueux des lois. Ces critères demeurent en vigueur.

En ce qui concerne la semi-liberté et la libération conditionnelle totale, la commission examinera tous les renseignements disponibles et pertinents au dossier. Lorsqu'on parle de libération conditionnelle totale, les exigences sont très précises. Encore une fois, sachez que la libération d'office est prévue par la loi; elle n'est pas discrétionnaire. La commission pourrait imposer des conditions propres à une libération d'office, mais les critères dont on parle ici se rapportent à une libération discrétionnaire.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Mais il s'agit de deux systèmes différents. C'est ce que vous dites?

[Traduction]

Mme Brisebois : Je ne le décrirais pas nécessairement comme cela. Ce sont différents types de libération. Il y a un certain nombre de libérations prévues dans la loi. Nous travaillons étroitement avec le Service correctionnel du Canada. Grâce à cette collaboration, nous sommes en mesure de recevoir et d'examiner toute l'information pertinente sur les délinquants, peu importe le type de libération.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Selon moi, monsieur le président, c'est la définition de « compliqué ».

[Traduction]

Le président : J'aimerais faire suite aux questions posées par le sénateur Boisvenu. Monsieur Head, vous avez indiqué que si vous avez une raison de croire qu'une personne dans la communauté a un problème, vous pourriez exiger une analyse d'urine. De quel type de contrevenants parle-t-on ici? S'agit-il des gens qui ont recours aux services des organismes tels que la Société John Howard et l'Armée du Salut? Est-ce le type d'individus dont vous parlez?

M. Head : Ou cela peut simplement être quelqu'un dans la rue. En effet, nous avons la capacité de réaliser une évaluation et de recueillir un échantillon d'urine.

Le président : Les organismes dont j'ai parlé — la Société John Howard et l'Armée du Salut — ont des contrats en fonction du nombre de lits occupés, n'est-ce pas?

M. Head : Pour la plupart, oui.

Le président : Sont-ils tenus de signaler les manquements?

M. Head : Oui. Nous avons un système en place à cette fin.

Le président : Est-ce un système ou un engagement contractuel? Il me semble qu'il y a ici conflit d'intérêts.

M. Head : Tout à fait. Il s'agit d'une bonne précision, monsieur le président. Ces organismes sont tenus de signaler les manquements à l'agent des libérations conditionnelles chargé de la surveillance qui, de son côté, évaluera le cas et prendra une décision relativement aux mesures qui s'imposent, y compris la suspension de la libération.

Le sénateur McIntyre : Monsieur Head, vous avez parlé du Modèle de programme correctionnel intégré. Si j'ai bien compris, le SCC a utilisé ce modèle dans les régions de l'Atlantique et du Pacifique, soit dans deux des cinq régions, au cours des deux dernières années. Selon ce qu'on m'a dit, les délinquants admis dans des établissements de ces régions ont entrepris ces programmes préparatoires dans les 90 premiers jours de leur incarcération. Autrement dit, durant cette période, les délinquants subissent une évaluation professionnelle. Pourriez-vous me dire ce qu'englobe cette évaluation?

M. Head : C'est une bonne question, sénateur. L'évaluation englobe plusieurs choses, notamment les antécédents sur le plan social, de la toxicomanie, de l'éducation et de l'emploi. Elle couvre tous les aspects dont nous devons tenir compte pour élaborer un plan correctionnel nous permettant de cibler les facteurs criminogènes du délinquant.

Le sénateur McIntyre : Je crois savoir que divers programmes sont offerts dans les pénitenciers. Vous en avez énuméré quelques-uns, par exemple, les programmes de lutte contre la toxicomanie, les programmes de prévention de la violence, les programmes cognitivo-comportementaux, les programmes de lutte contre l'abus de l'alcool et des drogues chez les Autochtones, les programmes pour les délinquantes, les programmes d'éducation et les programmes de développement des compétences pour l'emploi.

Pourriez-vous nous en dire davantage au sujet de ces programmes, en particulier du programme cognitivo-comportemental?

M. Head : Le programme cognitivo-comportemental a été intégré à tous nos programmes. Il s'agit de l'un des programmes de base que nous avons mis en place il y a quelques années. D'après les études, il est essentiel d'enseigner aux délinquants les habilités de raisonnement et de résolution de problèmes si on veut corriger leur comportement criminel. Ces éléments fondamentaux, que nous appelons les éléments cognitivo-comportementaux, figurent maintenant dans l'ensemble de nos programmes.

Les autres programmes misent également sur l'aspect cognitif. Il y a ensuite les programmes plus spécialisés qui traitent, par exemple, de la délinquance sexuelle, de la violence familiale, de la violence en général et de la toxicomanie. Quoi qu'il en soit, ces programmes renforcent constamment la nécessité de se pencher sur les problèmes, de les régler différemment et de trouver des solutions de rechange aux décisions que les gens s'apprêtent à prendre.

Le sénateur McIntyre : Madame Brisebois, combien de décisions la Commission nationale des libérations conditionnelles rend-elle par année, et dans combien de cas impose-t-elle une condition spéciale interdisant aux délinquants de consommer, de se procurer ou de posséder de l'alcool?

Mme Brisebois : La commission a mené plus de 17 000 examens l'an dernier. En ce qui a trait au nombre de conditions — et encore une fois, de multiples conditions peuvent avoir été imposées au même délinquant —, on parle de plus de 20 000 conditions imposées. En ce qui a trait à l'interdiction de consommer, je n'ai pas les chiffres exacts pour le moment, mais je pourrais vous les fournir par écrit ultérieurement.

Le sénateur McIntyre : Très bien.

Le sénateur Baker : Monsieur Head, je réfléchissais aux questions liées à la Charte pour une personne à l'extérieur de la prison. Évidemment, en prison, il existe peu d'attentes en matière de protection de la vie privée. On peut faire pratiquement tout ce qu'on veut.

Le ministre fait maintenant son entrée. Je vais vous poser ma question en attendant, mais c'est probablement lui qui va y répondre.

L'honorable Steven Blaney, C.P., député, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile : Il est bien meilleur que moi.

Le sénateur Baker : M. Head possède de nombreuses années d'expérience, monsieur le ministre, mais j'estime que vous accomplissez un travail exceptionnel à la Chambre des communes. Depuis que vous êtes en poste, vous avez fait honneur au gouvernement du Canada. Vous pourriez donc nous expliquer l'importance du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.

M. Blaney : Absolument. Je vous remercie de votre question.

Tout d'abord, je tiens à m'excuser pour mon retard. Nous avions une série de votes. Nous devrions en avoir une autre plus tard, mais quoi qu'il en soit, je suis heureux de pouvoir passer du temps avec vous. Bien entendu, vous êtes entourés de personnes très compétentes, tel que Don Head, à qui vous posiez vos questions.

Je pourrai donc répondre à votre question et, si le président me le permet, j'aurais une déclaration à faire.

En gros, nous voulons éradiquer les drogues de nos établissements. Nous sommes conscients que c'est un défi de taille. Nous savons que tous les pays modernes sont confrontés au même problème. Nous avons pris des mesures par le passé, mais nous voulons aller de l'avant en incitant les détenus à s'abstenir de toute consommation et en réduisant le trafic de drogues dans les établissements.

Cela dit, si vous me le permettez, monsieur le président, je vais faire ma déclaration.

Le président : Allez-y, je vous prie.

M. Blaney : Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.

Comme je le disais, je vais vous parler du problème de la drogue et de la toxicomanie dans les établissements correctionnels et le mettre en contexte. C'est une réalité. Il est choquant de constater que la consommation de drogues est un grave problème qui touche toutes les facettes de la société canadienne, y compris les prisons. Pourquoi? Parce que 75 p. 100 des criminels admis dans le système correctionnel sont aux prises avec des problèmes de toxicomanie. Cela représente trois détenus sur quatre. C'est donc une situation avec laquelle le commissaire Head doit composer.

Au cours de la dernière année, nous avons réalisé plus de 2 400 saisies de drogues dans les établissements fédéraux. Durant la même année, 848 détenus ont été inculpés d'une infraction liée aux drogues.

De quelle façon les drogues sont-elles introduites dans nos prisons? C'est un défi constant auquel on fait face pour lutter contre la consommation de drogues dans les prisons, tant sur le plan de l'offre que de la demande. Les experts qui m'accompagnent en ont peut-être parlé avant mon arrivée.

[Français]

À tous les jours, des centaines de personnes entrent dans une institution et en ressortent. Il peut s'agir de membres du personnel, d'administrateurs, de bénévoles, de personnes chargées de services tels que la restauration, la lessive et le courrier. Les membres de la famille peuvent aussi avoir un contact direct avec un détenu. Le personnel correctionnel fait de son mieux, mais il est extrêmement difficile d'attraper tous ceux qui apportent de la drogue dans les pénitenciers.

Il y a de la contrebande, et les contrôles de sécurité aux entrées des institutions sont rehaussés, mais cela représente un défi additionnel, en plus des personnes qui peuvent essayer d'entrer dans les pénitenciers avec de la drogue.

[Traduction]

Comme nous l'avons entendu dans le cadre de notre étude du projet de loi dans l'autre chambre, on fait preuve de beaucoup de créativité lorsqu'il s'agit d'introduire de la drogue dans les prisons fédérales. On peut lancer une balle de tennis remplie de drogues par-dessus la clôture ou utiliser une technologie plus sophistiquée tel qu'un drone contrôlé à distance. Les gens sont très créatifs.

Lorsque des gens essaient par tous les moyens d'introduire de la drogue dans les prisons, cela crée un environnement dangereux pour les gens à l'intérieur.

[Français]

Les drogues entraînent des problèmes de comportement et des actes violents, elles alimentent les activités criminelles et compromettent la sécurité, et elles menacent la réussite des programmes de réadaptation. On voit les problèmes en chaîne qu'entraîne l'introduction de substances illicites dans nos centres, puisque cela va à l'encontre de l'objectif de nos services pénitenciers, qui est la réhabilitation.

Évidemment, nous avons mis en place des mesures. En 2008, notre gouvernement a versé 122 millions de dollars sur cinq ans pour renforcer la lutte contre le trafic de stupéfiants dans les pénitenciers. Nous avons donc connu une baisse de 20 p. 100 du nombre de personnes qui ont obtenu un résultat positif de la présence de drogue dans leur organisme. C'est donc un pas dans la bonne direction, mais nous devons continuer.

Qu'avons-nous fait? Nous avons investi pour élargir le programme de chiens détecteurs, renforcé la capacité en matière de collecte de renseignements de sécurité, solidifié les liens avec les forces de l'ordre et les services correctionnels et amélioré le périmètre de sécurité des institutions.

[Traduction]

Cet investissement s'inscrit dans une série de mesures que notre gouvernement a mises en place pour lutter contre la drogue dans les prisons, que ce soit une augmentation du nombre d'analyses aléatoires pour détecter la présence de substances illégales ou l'imposition d'une peine minimale obligatoire de deux ans pour le trafic ou la possession de drogues dans les prisons ou sur le terrain des établissements.

Il faut miser sur la détection et l'interdiction. Nous devons également réduire la demande de drogues par des programmes efficaces de traitement de la toxicomanie. Il faut s'assurer que le système correctionnel est en mesure de corriger le comportement criminel et de favoriser la réhabilitation.

Quatre-vingt-quinze pour cent des détenus qui ont des problèmes de toxicomanie inscrits à leur plan correctionnel reçoivent le traitement dont ils ont besoin avant la date d'expiration de leur mandat.

J'aimerais remercier le commissaire, qui veille à ce que les détenus qui ont besoin d'une thérapie y aient accès en temps opportun.

[Français]

Le Service correctionnel du Canada a élaboré des programmes de traitement de la toxicomanie pour aider les détenus à éviter les comportements criminels, et à composer avec des situations difficiles et stressantes sans consommer de drogue ou d'alcool. C'est donc une approche en trois volets par rapport aux drogues : prévention, traitement et exécution. C'est ce qui se fait dans les institutions.

Lorsque les détenus obtiennent une libération conditionnelle de jour, par exemple, la Commission des libérations conditionnelles du Canada peut les obliger à s'abstenir de consommer de la drogue ou de l'alcool. Il y a cinq ans, environ 5 p. 100 de cette catégorie de détenus en liberté conditionnelle violait la condition d'abstinence. Ce taux a chuté à 2,8 p. 100 l'année dernière. Il y a une amélioration du nombre de détenus qui s'engagent à ne pas consommer lorsqu'ils quittent l'établissement, et nous avons des résultats encourageants.

[Traduction]

Pourquoi avons-nous besoin de cette loi sur l'éradication des drogues dans les prisons? Cette mesure législative fait fond sur l'approche de notre gouvernement à l'égard du problème de la drogue dans les prisons. D'une part, elle accorde des pouvoirs législatifs explicites à la Commission des libérations conditionnelles du Canada et, d'autre part, elle accroît la responsabilité des délinquants.

Comme je l'ai dit plus tôt, nous réalisons un plus grand nombre d'analyses aléatoires pour détecter la présence de drogues chez les détenus. Nous allons encore plus loin. Un certain délai s'écoule entre le moment où la libération conditionnelle est accordée et le moment où le détenu sort physiquement de l'établissement. On pourrait donc découvrir, par exemple, que le prisonnier a consommé de la drogue la veille de sa libération.

[Français]

Les modifications proposées dans le projet de loi vont inciter les criminels à accepter, dans une plus grande mesure, la responsabilité de leurs actes. Pourquoi? Parce que la Commission des libérations conditionnelles du Canada aura le pouvoir sans équivoque d'annuler la libération conditionnelle si le contrevenant a été en contact avec des substances illicites lorsqu'il était détenu. Plus précisément, par l'intermédiaire du projet de loi présenté, le Service correctionnel du Canada transmettra automatiquement à la Commission des libérations conditionnelles les renseignements liés au fait qu'un détenu admissible à une libération conditionnelle a consommé des substances illicites.

Ainsi, la commission sera informée qu'un contrevenant ayant reçu une libération conditionnelle aurait échoué à un contrôle d'échantillon d'urine ou refusé de s'y soumettre avant sa libération d'une institution.

La Commission des libérations conditionnelles, grâce au projet de loi, pourra réexaminer sa décision. Si, selon cette information, on déterminait que la libération du contrevenant pourrait présenter désormais un risque indu pour la collectivité, la commission pourrait annuler la libération conditionnelle du contrevenant.

[Traduction]

Le fait que la consommation de drogues pourrait mettre en péril leur libération va inciter fortement les détenus à rester sobres. C'est d'ailleurs le but de ce projet de loi : permettre aux détenus qui se comportent bien d'avoir accès plus facilement à une libération conditionnelle.

De plus, le projet de loi permettrait à la Commission des libérations conditionnelles d'imposer une condition spéciale relativement à la consommation de drogues ou d'alcool. Après avoir étudié les antécédents et le comportement criminel du prisonnier, la commission pourrait imposer une condition spéciale selon laquelle le délinquant doit éviter de consommer des drogues ou de l'alcool. Si la condition n'est pas respectée, la commission pourrait prendre des mesures comme révoquer la libération conditionnelle.

[Français]

Le but recherché est de contribuer à empêcher que les contrevenants reprennent les mauvaises habitudes qui ont donné lieu à leur incarcération initialement. On se souvient que dans 75 p. 100 des cas, il y avait un problème de consommation. Ainsi, nous augmentons les chances de réussite de la réadaptation dans la collectivité, ce qui est notre objectif à tous.

Monsieur le président, les mesures dont nous sommes saisis aujourd'hui visent la création, pour les contrevenants, d'incitations efficaces à l'abstinence, autant dans les derniers jours de leur incarcération qu'après leur libération conditionnelle, ce qui favoriser leur réhabilitation dans les collectivités et contribue à rendre nos rues et collectivités plus sécuritaires.

[Traduction]

Moins il y aura de drogues au sein de nos collectivités, plus elles seront sûres.

Sur une note un peu plus politique, j'aimerais souligner que nous ne sommes pas d'accord avec l'opposition officielle, le Nouveau Parti démocratique, qui réclame la mise en place d'un programme d'échange de seringues dans les prisons. Notre but est d'éradiquer la drogue dans les prisons, pas d'encourager la dépendance. Cette mesure ne favorise aucunement la réhabilitation et ne contribue pas à rendre nos rues plus sécuritaires.

Il y a aussi une question de sécurité qui entre en ligne de compte. Nous appuyons la position des gardiens de prison selon laquelle ce n'est peut-être pas une bonne idée de donner des objets en métal pointus à des criminels violents. Selon nous, on accroît les risques.

Évidemment, la consommation de drogues ne constitue pas un avantage pour la société. Nous savons que M. Trudeau est en faveur de la légalisation de la marijuana. Nous ne partageons pas cet avis. Nous considérons que les Canadiens méritent mieux. Ces drogues sont illégales parce qu'elles ont des effets néfastes sur les consommateurs et la société, en particulier les jeunes. Voilà pourquoi nous empruntons cette voie qui consiste à éradiquer les drogues dans nos établissements.

Cela dit, je serais heureux de me joindre à la conversation qui avait lieu avant mon arrivée et de répondre à vos questions, avec l'aide de mes collaborateurs du ministère et du Service correctionnel.

Merci, monsieur le président, et comme j'aurais dû le dire au début de mon discours, bonjour.

Le président : Merci, monsieur le ministre. Je vais maintenant céder la parole à notre vice-président, le sénateur Baker.

Le sénateur Baker : Monsieur le président, la dernière fois que le ministre a comparu, si vous vous souvenez bien, il a dit que ce serait probablement la dernière fois qu'il témoignerait devant le comité. Monsieur le ministre, croyez-vous comparaître de nouveau avant l'ajournement? Peut-être?

M. Blaney : Je l'apprécie.

Le sénateur Baker : Je peux très bien comprendre pourquoi on a présenté ce projet de loi. Vous avez dit qu'on a réalisé 3 400 saisies de drogues dans nos pénitenciers fédéraux.

M. Blaney : Tout à fait.

Le sénateur Baker : C'est incroyable. Vous avez indiqué que l'un des partis politiques, ou peut-être les deux, s'était opposé à certaines dispositions du projet de loi à la Chambre des communes. On a notamment critiqué le fait que si une personne refusait de se soumettre à une analyse d'urine, elle serait reconnue coupable de l'infraction. Je ne comprends pas leur argument car, comme M. Head l'a dit avant votre arrivée, cela reflète exactement les dispositions actuelles du Code criminel. Si vous refusez de vous soumettre à un alcootest, vous serez reconnu coupable d'une infraction en vertu de l'article 254.5 du Code criminel. Par conséquent, je ne peux pas concevoir qu'on critique cet article du projet de loi. Quoi qu'il en soit, je vous félicite pour cette mesure législative. Je n'ai pas de questions à vous poser, alors si vous souhaitez en profiter pour revenir sur ce que j'ai dit, n'hésitez pas à le faire. J'estime que vous faites de l'excellent travail, monsieur le ministre.

M. Blaney : Merci, sénateur. Je dirais que certains jours, j'ai l'impression que nous sommes du même côté. Chose certaine, aujourd'hui, nous partageons le même objectif.

J'aimerais revenir sur l'analyse d'urine. On a recueilli 16 500 échantillons d'urine auprès des détenus, ce qui est presque...

Le sénateur Baker : Sur une période de combien de temps?

M. Blaney : Un an. Il y a en fait plus d'analyses que de détenus. De ce nombre, 1 000 ont reçu des résultats positifs et 1 100 ont refusé de s'y soumettre. Nous en arrivons donc au chiffre de 2 300, qui est assez élevé, mais cela nous indique que 13 p. 100 de la population de détenus a échoué aux tests.

Le sénateur Baker : Avez-vous dit 13 p. 100?

M. Blaney : Oui. C'est un pourcentage encore très élevé. C'est pourquoi nous devons prendre des mesures additionnelles.

Le sénateur McInnis : Vu les commentaires du vice-président, je suis presque prêt à proposer l'ajournement du comité.

Monsieur le ministre, votre projet de loi est excellent. Cela ne fait aucun doute. Cependant, des témoins à venir croient que nous insistons trop ou presque exclusivement sur la réduction de la toxicomanie au moyen de chiens renifleurs, de la sécurité du périmètre et de l'analyse d'urine administrée au hasard. Ils diront que nous faisons peu de cas de l'influence de la maladie mentale sur la toxicomanie et que les programmes n'existent pas ou, s'ils existent, que leur financement est insuffisant. Que leur répondez-vous?

Vous semblez avoir adopté une stratégie à deux volets. Vous semblez mettre en œuvre les programmes, d'après ce que nous entendons et d'après ce que nous avons entendu avant votre arrivée. Vous visez la plus grande réduction possible des toxicomanies. C'est un défi énorme. Que leur répondez-vous? A-t-on raison de déplorer les programmes inexistants et les interventions velléitaires contre la toxicomanie dans les prisons?

M. Blaney : Je vous remercie pour ces observations. D'entrée de jeu, je dirai que la toxicomanie aggrave le problème de santé mentale. Nous essayons de régler ce problème dans les pénitenciers, bien que, d'après nous, il faille traiter les malades dans un établissement médical approprié. Ces malades profiteront certainement de la réduction de la présence de drogues dans les prisons.

Nous avons consacré, et le commissaire Head pourra en dire plus à ce sujet, 10 millions de dollars aux programmes de lutte contre les toxicomanies dans nos pénitenciers. Ce montant s'inscrit dans une enveloppe plus importante de 100 millions de dollars, qui vont aux thérapies offertes aux détenus.

Je tiens à vous rassurer, comme je l'ai dit dans mon exposé : 95 p. 100 des détenus chez qui on a constaté la présence de drogue bénéficient d'une thérapie. Elle se fonde sur une gamme de programmes de lutte contre les toxicomanies reconnus à l'échelle internationale, qui s'adressent aux contrevenants dont la toxicomanie est un facteur de leurs comportements criminels. Le programme est une réussite. Le programme national a donné d'excellents résultats. Par rapport aux détenus qui ne s'en sont pas prévalus, ceux qui le suivent sont 4,5 fois plus susceptibles de se faire accorder la libération conditionnelle et peuvent être jusqu'à 63 p. 100 moins susceptibles de retourner en prison après la commission d'une nouvelle infraction avec violence. Nous connaissons la relation entre la toxicomanie et l'activité criminelle à laquelle elle conduit pour, essentiellement, se procurer des drogues.

Je suis d'accord avec vous. Nous devons réduire la présence des drogues, mais nous avons mis ces programmes en place pour les toxicomanes.

Le sénateur McInnis : J'essaie d'imaginer l'atmosphère dans une prison, en ce qui concerne la sécurité — celle des agents correctionnels et celle des détenus qui veulent de changer de vie, sortir de prison et exercer un emploi gratifiant. À quoi ressemble-t-elle? Voilà la signification de ce que vous essayez de faire pour éliminer les drogues. À quoi cela ressemble-t-il? Quel est le défi?

M. Blaney : C'est une excellente question pour le commissaire Head.

M. Head : Les membres de mon personnel, je peux notamment l'affirmer en toute confiance, sont des professionnels qui ont deux objectifs : transformer la vie des contrevenants et protéger les Canadiens. Chaque jour, ils se présentent au travail avec l'idée d'empêcher l'entrée de drogues en prison tout en cherchant des moyens pour aider les contrevenants à commencer une autre vie.

Certains de mes employés les plus dévoués participent à la mise à exécution des programmes. Mes agents correctionnels ont pour rôle de les appuyer, sur le plan de la sécurité, mais aussi d'aider les contrevenants dans leur apprentissage en classe avec les agents chargés de l'exécution des programmes et les enseignants. Bien sûr, parfois, en certains endroits, certains individus présentent des difficultés plus grandes qu'ailleurs, mais cette stratégie à deux volets dont le ministre a parlé et que vous avez reconnue permet de maintenir la paix dans l'établissement. Le fait d'y empêcher l'entrée de drogues et de répondre aux besoins des contrevenants y assure l'équilibre nécessaire au maintien du bon climat.

Le sénateur White : Est-ce que cette mesure englobe aussi les détenus qui seront libérés d'office? Y a-t-il moyen, pour nous, d'empêcher leur libération; pas seulement conditionnelle, mais aussi d'office?

M. Blaney : La spécialiste qui m'accompagne vous répondra.

Angela Connidis, directrice générale, Affaires correctionnelles, Sécurité publique Canada : En principe, la libération d'office suit son cours, mais si le détenu présente un risque important, le Service correctionnel du Canada peut le reconnaître et demander la tenue d'une audience en vue de son maintien en incarcération. Au cours de cette audience, la Commission des libérations conditionnelles évaluera ce risque et décidera s'il y a lieu de lui faire purger toute sa peine.

M. Head : Je préciserai seulement que 80 p. 100 des contrevenants libérés d'office doivent se plier à une clause d'abstinence d'alcool ou de drogues. Cela dépend de leurs antécédents. Cette clause, si nous avons des motifs raisonnables d'en soupçonner le non-respect, nous permet de demander un échantillon d'urine. S'il se trouve qu'ils participent à un programme qui exige aussi cette abstinence, nous pouvons aussi obtenir cet échantillon.

Presque tous nos contrevenants libérés d'office doivent respecter cette condition, et le contrôle en incombe à notre personnel. Toute violation nous amène à suivre le processus habituel avec la Commission des libérations conditionnelles.

Le sénateur White : Merci, monsieur le commissaire, je crois comprendre que la libération d'office est d'habitude précédée d'un long délai d'attente, de 30 ou de 60 jours d'après ce qu'on me dit. Si l'échantillon donne une réaction positive au test avant la sortie du détenu, n'est-ce pas que la loi est impuissante dans ce cas?

M. Head : En effet, compte tenu du libellé actuel du projet de loi.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J'aimerais revenir au rapport de 2012. Il y a eu un rapport qui notait des améliorations par rapport à toute la problématique de l'intoxication dans les prisons. Je l'ai dit plus tôt, lorsque vous étiez absent : 80 p. 100 des criminels qui sont condamnés pour des crimes à caractère sexuel, c'est-à-dire des agressions sexuelles, des viols, de la pédophilie — surtout les agressions sexuelles, je vais exclure les pédophiles — ont des problèmes de toxicomanie. Il est certain que la gestion de la toxicomanie commence à l'intérieur des murs et se poursuit à l'extérieur.

M. Blaney : Oui.

Le sénateur Boisvenu : Lorsque je regarde le budget qui est lié à la lutte contre la toxicomanie — si on parle d'autres programmes, tels la spiritualité et le macramé, il y a de tout dans les prisons —, dans les pénitenciers, on ne consacre que 2 p. 100 des programmes au traitement de la toxicomanie, alors que 80 p. 100 des gens qui commettent des crimes à caractère sexuel ont des problèmes de toxicomanie. Je trouve que notre système manque de fermeté.

Plus tôt, je posais la question à savoir si le système correctionnel traite de la même façon les gens qui refusent les tests d'alcoolémie que ne le fait la Commission des libérations conditionnelles. Nous sommes toujours devant deux systèmes qui ne travaillent pas de la même façon.

Ce projet de loi, monsieur le ministre, êtes-vous d'accord qu'il fait preuve de gros bon sens, qu'il présente le minimum qu'il faut atteindre? Surtout puisque nous savons que les gens qui sortent de prison souffrent encore de toxicomanie et qu'il y a des risques élevés qu'ils y retournent. C'est comme une espèce de porte tournante, comme le dit Yves Thériault dans son livre sur les prisons du Québec.

Ce projet de loi n'aurait-il pas pu aller plus loin en termes de contrôle de la toxicomanie, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur des murs? Il me semble que le problème fondamental d'une grande partie de la criminalité, c'est la toxicomanie.

M. Blaney : J'irais dans le sens des efforts que nous mettons en place depuis 2008 : nous avons investi 122 millions de dollars et nous avons assisté à une réduction de 20 p. 100 des tests positifs dans nos pénitenciers. Cela veut dire 20 p. 100 de détenus qui n'ont pas obtenu un résultat positif de présence de drogue.

Nous parlions des problèmes de santé mentale; vous avez parlé des troubles de comportement des prédateurs sexuels. Chaque dollar investi dans la lutte contre la consommation de drogue réduit l'amplification des autres problèmes qui y sont associés. Par contre, j'aimerais revenir sur une statistique : les Services correctionnels consacrent de 2 à 5 p. 100 de leur budget de fonctionnement total aux principaux programmes correctionnels, notamment en matière de toxicomanie.

J'ai évoqué le montant de 10 millions de dollars plus tôt, mais c'est une enveloppe d'environ 100 millions de dollars. C'est une portion tout de même considérable qui est consacrée aux enjeux liés à la toxicomanie. Chaque dollar investi en faveur de la lutte contre la toxicomanie donne des résultats favorables qui sont liés également à la réputation des Services correctionnels. Je prendrai bonne note de votre commentaire à savoir qu'on peut accroître les efforts en matière d'accompagnement dans le cadre des programmes de prévention. Nous savons que les détenus ont accès aux programmes, mais il faut réduire la présence de drogues. C'est notre objectif aujourd'hui. Nous avons examiné ce qui se faisait ailleurs, et tous les pays occidentaux sont aux prises avec des problèmes de toxicomanie semblables. Nous voulons donc garder une position définie dans ce domaine-là.

Le sénateur McIntyre : Merci, monsieur Blaney, d'être avec nous aujourd'hui. Votre projet de loi propose deux modifications destinées à offrir des outils législatifs supplémentaires à la Commission des libérations conditionnelles du Canada.

Je comprends également que ces outils législatifs s'ajoutent à d'autres mesures législatives importantes qui ont déjà été prises par votre ministère afin de responsabiliser davantage les contrevenants. Pourriez-vous préciser ces mesures?

M. Blaney : Oui, et je vous remercie de votre question, sénateur. Le projet de loi est très simple. Il nous permettra d'augmenter le nombre de tests qui seront faits au hasard sur les détenus. Cela nous permettra de tester l'ensemble des détenus dans nos établissements carcéraux, au cours d'une même année, pour la présence de drogue. De plus, il nous donne un outil pour nous attaquer au comportement des détenus, afin de leur donner des encouragements, de leur permettre de prendre en main leurs problèmes de consommation et de les responsabiliser en vue du jour où ils quitteront les établissements pénitenciers.

Je tiens à vous remercier de l'appui que vous manifestez envers le projet de loi, parce qu'il fera en sorte de responsabiliser les détenus. Ceux qui se font prendre en obtenant un résultat positif de présence de drogue resteront en tôle; c'est le message de ce projet de loi. C'est un message puissant, parce qu'on donne le pouvoir maintenant à la Commission des libérations conditionnelles du Canada de suspendre une libération si la présence de drogues ou de substances illicites a été identifiée lors des tests d'urine.

C'est un incitatif puissant, et je crois que nous continuerons ainsi de réduire la présence de drogues en nous attaquant à la demande. On l'a vu dans le cas des mesures mises en place depuis 2008 — j'ai eu l'occasion de visiter des établissements en Ontario qui utilisent des chiens pisteurs, et ceux-ci sont en mesure de dépister des quantités de drogue très faibles. J'ai vu les équipements qui ont été mis en place pour détecter les gens qui essaieraient d'introduire des substances illicites au moyen de leurs cavités internes.

Dans toutes les méthodes, les gens semblent faire preuve de créativité, et ils utilisent toutes les manières possibles, mais le Service correctionnel a eu les ressources nécessaires pour faire face à la menace. Comme le disait plus tôt le sénateur Baker, il y a encore trop de saisies de drogues illicites dans nos établissements. C'est pourquoi nous devons continuer à déployer des efforts en ce sens.

Sait-on jamais, j'aurai peut-être la chance de revenir pour vous proposer d'autres mesures.

[Traduction]

La sénatrice Batters : Je suis heureuse de vous revoir, monsieur le ministre. J'ai quelques questions pour vous.

D'abord, est-ce que les modifications que renferme le projet de loi s'appliquent aux contrevenants déjà condamnés avant l'entrée en vigueur de cette mesure et, dans l'affirmative, pourquoi est-ce si important?

M. Blaney : Permettez-moi de vérifier.

Mme Connidis : Oui, elles s'appliquent.

La sénatrice Batters : Et pourquoi sont-elles si importantes dans ce qui arrive?

M. Blaney : Nous tenons à lancer un message sans équivoque, celui que nous nous attaquons à la demande et à l'offre de drogues. Plus nous pourrons les réduire, mieux ce sera, pour autant que nous respections les droits des détenus. Voilà pourquoi nous avons choisi de le faire.

La sénatrice Batters : Quelles sortes de drogues décelez-vous par les analyses en prison? Détecte-t-on de nouvelles tendances dans la nature des substances qui y sont introduites?

M. Blaney : C'est une excellente question. Je laisse au commissaire Head le soin d'y répondre.

M. Head : Merci, monsieur le ministre. Merci, madame la sénatrice. Nous détectons les drogues traditionnelles, comme je l'ai dit plus tôt — THC, marijuana, cocaïne, héroïne. Les amphétamines posent un problème inquiétant. Comme je l'ai dit, notre sujet de préoccupation le plus récent est les drogues de synthèse, qu'il nous est actuellement presque impossible à déceler par les techniques actuelles, des substances comme le fentanyl. Dans l'Ouest, tout récemment, nous venons d'observer une série de surdoses. Nous collaborons très étroitement avec la police pour essayer de trouver la source de cette drogue, pour l'arrêter, parce qu'elle ne constitue pas un risque seulement pour nos établissements, mais elle en crée aussi un, important, pour les jeunes, dans la collectivité.

La sénatrice Batters : Je pense que l'un de vos agents a fait allusion, plus tôt, au lien entre la consommation de drogues en prison et le crime organisé — les gangs, peut-être. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous en dire un peu plus sur ce lien et sur l'efficacité d'une mesure comme celle-là pour essayer de détruire ce lien autant qu'il est possible pour nous de le faire?

M. Blaney : Tout d'abord, le trafic de drogues est illégal dans notre pays. Alors, dès qu'on en parle, on parle de crime organisé. C'est le genre de comportement qu'on tient à corriger dans un pénitencier.

La présence de drogues dans notre système va absolument à l'encontre de l'objectif de ce système, la réadaptation. Peut-être que le commissaire Head pourra vous en dire un peu plus à ce sujet.

M. Head : Comme le laisse entendre M. le ministre et comme je l'ai fait remarquer plus tôt, le trafic de drogues est relié au crime organisé, et toute mesure visant à combattre l'introduction de drogues dans les prisons contribue à combattre la participation du crime organisé dans leur distribution.

Le président : J'ai quelques petites questions pour M. Head. D'après le projet de loi, vous devrez informer la Commission des libérations conditionnelles du refus d'un détenu à qui on a accordé la libération conditionnelle de subir le test de dépistage ou de la réaction positive de ce test avant sa libération conditionnelle. Est-ce que tous les détenus à qui on accorde la libération conditionnelle doivent passer par ce processus? En quoi consistera-t-il?

M. Head : Avant leur libération, si elle a été accordée, il n'y aura pas de contrôle automatique des contrevenants. Si, ensuite, ils donnent une réaction positive à un test administré au hasard avant leur sortie, nous en avertirons la commission. Nous l'avertirons aussi, et elle en aura déjà été avertie, des résultats de tout autre test administré au hasard avant qu'on ait accordé la semi-liberté ou la libération conditionnelle totale au détenu.

Le président : Alors elle en aurait été avertie avant qu'on accorde la libération conditionnelle? C'est ce que vous dites?

M. Head : Du refus, de la réalisation d'un test et de son résultat, positif comme négatif.

Le président : Vous avez parlé, plus tôt, en réponse à une question avant l'arrivée du ministre, de la possibilité d'exiger une analyse d'urine pour des individus dans la communauté qui encourent des soupçons. Si, dans la communauté, un individu en libération conditionnelle donne un résultat positif à un test ou refuse qu'on le lui administre, la loi ne vous oblige pas, je suppose, à en informer la Commission des libérations conditionnelles. Ce n'est pas prévu. Que ferez-vous dans ces circonstances?

M. Head : Jusqu'ici, on comptait sur le jugement professionnel des agents de libération conditionnelle. Désormais, il est clair que l'intention du projet de loi est de s'assurer que la Commission des libérations conditionnelles est mise au courant de ces résultats, et c'est ce que nous ferons, dans le cadre de nos procédures.

Le président : Heureux de l'entendre.

Merci, monsieur le ministre. Nous savons que vous devez retourner à la Chambre. Je suppose que les fonctionnaires qui vous accompagnent peuvent rester et que certains de leurs collègues se joindront à eux pour la poursuite de la discussion.

M. Blaney : Je vous remercie beaucoup de la souplesse que vous avez montrée pour m'accueillir et me laisser partir. Je vous souhaite bonne chance, en sachant que je vous laisse entre de très bonnes mains. S'il vous plaît, n'hésitez pas à demander toutes les précisions nécessaires, et nous examinerons toutes vos recommandations. Merci.

Le président : Je suis sûr que nous nous reverrons bientôt.

La représentante de Santé Canada, Mme Kirsten Mattison, directrice intérimaire, Politique réglementaire, Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, et le représentant du Service correctionnel du Canada, M. Michel Laprade, avocat principal, Services juridiques, se joignent aux fonctionnaires déjà présents. Soyez les bienvenus.

Revenons aux questions, en commençant, encore une fois, par le vice-président, le sénateur Baker.

Le sénateur Baker : Merci. Je souhaite la bienvenue aux nouveaux témoins de Santé Canada. Je dois dire que vous faites de l'excellent travail pour le Canada, dans les postes que vous occupez. Je sais, grâce à la jurisprudence et ainsi de suite, que vous êtes très actifs dans votre domaine.

Pour que vous compreniez la question qui me tourmente, nous avons entendu un témoignage, il y a quelques années, du syndicat des gardiens de prison. Nous en avons entendu un autre, ensuite, sur le même sujet, l'emploi de précurseurs dans la fabrication des drogues. Ai-je raison de croire, pour commencer, que les substances contrôlées, au sens de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, sont celles qui figurent dans les annexes 1 à 5 de la loi?

Kirsten Mattison, directrice intérimaire, Politique réglementaire, Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, Santé Canada : Oui, c'est exact.

Le sénateur Baker : Est-ce que les drogues qui figurent dans l'annexe 6 sont en fait constituées de précurseurs?

Mme Mattison : Oui, c'est exact.

Le sénateur Baker : Ensuite, vous avez le règlement concernant l'utilisation des précurseurs.

Mme Mattison : Oui.

Le sénateur Baker : Et on trouverait ces précurseurs dans les produits ménagers de tous les jours, comme dans un réfrigérateur, une armoire de produits de nettoyage ou dans le gâteau qu'on fait cuire ou son crémage. Ai-je raison de dire que certains de ces précurseurs, qu'il est illégal d'avoir en sa possession en certaines quantités fixées par la loi, se trouvent dans des produits ménagers parfaitement ordinaires?

Mme Mattison : Oui. Précisons cependant, sur la possession légale, qu'on distingue la possession des précurseurs de leur production, vente, importation ou exportation. La loi n'interdit pas ce que nous appellerions la possession simple de précurseurs.

Le sénateur Baker : Non.

Mme Mattison : L'interdiction de la possession de précurseurs est liée à l'intention, l'intention d'exporter, de produire une substance contrôlée ou quoi que ce soit. Que le nom figure ou non dans la liste de l'annexe 6, il est interdit d'en posséder dans l'intention de fabriquer, plus particulièrement, de la méthamphétamine ou ecstasy, encore appelée MDMA.

Le sénateur Baker : Tout règlement comporte une exception.

Mme Mattison : C'est vrai.

Le sénateur Baker : Un article est réservé aux exceptions. Quel article comprendrait les exceptions? Quel est-il?

Mme Mattison : L'article 5 énumère des exceptions générales, mais elles ne s'appliquent pas à la possession.

Le sénateur Baker : Très bien. Alors il s'agit des substances de l'article 5. S'y trouverait-il alors un pourcentage qu'il serait légal de posséder d'un précurseur de la substance, que vous possédez, que vous vendez, peu importe? Est-ce exact?

Si j'ai bien compris, voilà sur quoi porte l'accusation selon laquelle des produits normaux, légaux, qu'on peut se procurer dans le commerce sont les substances désignées comme précurseurs dans le règlement — non comme substances contrôlées, lesquelles sont visées par les autres articles. En tout cas, les précurseurs sont utilisés avec d'autres produits. Par exemple, le comité s'est fait dire que l'aspirine pour bébé servait à fabriquer de la méthamphétamine.

Pouvez-vous expliquer au comité comment l'article 5 vous permet de protéger les Canadiens contre la possibilité d'invoquer les exceptions à cette fin, et l'article 5 soustrait-il la substance à l'effet de tous les autres articles du règlement, oui ou non?

Mme Mattison : Veuillez m'excuser. Je m'arrête un instant, parce qu'il semble que vous faites aussi allusion aux mélanges. Ils sont visés par les articles 3 et 4. On y énumère des types très particuliers de mélanges...

Le sénateur Baker : Les articles 3 et 4 du règlement, oui.

Mme Mattison : ... que Santé Canada a évalués. Par exemple, l'un des précurseurs est utilisé dans les arômes, les parfums, les produits alimentaires et les cosmétiques. Il existe une liste particulière de ces mélanges dont on autorise la vente et la distribution au Canada. Une évaluation scientifique a déterminé que, dans telle quantité et tel mélange, non seulement ils présentent un faible risque en soi, mais aussi que leur extraction est difficile. Il est chimiquement difficile d'employer ces substances.

Donc chacun des mélanges de la liste a fait l'objet d'une évaluation dont la conclusion est qu'il est difficile de l'utiliser, à des fins illicites pour...

Le sénateur Baker : Des grammes, par exemple.

Mme Mattison : Exactement. Et cela dépend du libellé particulier de l'élément de l'énumération.

Revenons à l'article 5, qui constitue l'exemption la plus générale qui vous préoccupe particulièrement. Cet article exempte la vente et la fourniture, et c'est relié aux conditions énoncées dans l'annexe — c'est-à-dire tant que la vente ne se fait pas à une société uniquement chimique, tant qu'elle se fait au détail et tant qu'elle respecte les limites maximales énoncées dans l'annexe.

Encore une fois, si on revient à la possession qui n'est pas permise, l'exemption s'applique à la vente au détail. C'est ce qui autorise, par exemple, votre quincaillier ou votre pharmacien à vendre des réactifs communs qui ne pourraient jamais servir à fabriquer des produits illicites en grande quantité. Les interdictions générales continuent toutefois de s'appliquer à tous, soit l'interdiction de possession dans le but de fabriquer une substance désignée ou l'interdiction dans le but de fabriquer des méthamphétamines ou de l'ecstasy. Il est interdit d'en posséder en quelque quantité que ce soit.

Le sénateur Baker : L'article 5 vous exclut de tout le reste, si c'est en ces quantités.

Mme Mattison : C'est exact.

Le sénateur Baker : Qu'en pense le conseiller juridique?

Michel Laprade, avocat-conseil, Services juridiques, Service correctionnel du Canada : Je vais m'en remettre à Santé Canada sur ce point.

Le sénateur Baker : Excellent.

Mme Mattison : Mais la possession est interdite.

Le sénateur Baker : Oui.

Le sénateur McInnis : J'aimerais revenir sur un point de la discussion. J'ai lu que plus de 80 p. 100 des personnes incarcérées — j'ai oublié le pourcentage exact — ont eu un problème ou un autre de toxicomanie. J'ai lu également qu'un grand nombre d'entre eux ont fait de très mauvais choix, bien sûr, mais qu'ils ont des compétences qu'ils pourraient développer, ou qu'ils ont cessé de développer en raison de leur dépendance à la drogue ou à l'alcool.

Les agents correctionnels sont sur le terrain, ils sont en contact avec les détenus. Quelle formation ont-ils pour discuter avec eux, souvent sur une base individuelle, de ce qu'ils veulent faire?

Je sais que le nombre de détenus présente pour eux tout un défi, mais je pense que c'est une façon très utile d'aider. Reçoivent-ils une formation adéquate en travail social ou en counseling, et cetera?

M. Head : C'est une excellente question, sénateur. Cela relève en fait des agents de libération conditionnelle en établissement, qui reçoivent une formation approfondie en counseling et en technique d'entrevue de motivation. Ce sont eux qui vont établir le plan correctionnel pour le détenu et suivre ses progrès en termes de participation, de formation et de développement de ses compétences professionnelles. Ils vont discuter avec les agents correctionnels sur le terrain et d'autres membres du personnel avec qui le détenu est en contact pour procéder aux évaluations en continu. Puis, lorsqu'il est remis en liberté, ce sont les agents de libération conditionnelle dans la communauté qui le supervisent.

Nos agents de libération conditionnelle en établissement reçoivent une formation continue pour peaufiner leurs compétences sur la façon de susciter la participation des détenus. Un volet de la formation initiale obligatoire porte sur le développement de ces compétences. Puis, chaque année, ils doivent suivre ce qu'on appelle le programme de formation continue, dans le cadre duquel ils se familiarisent avec les nouvelles techniques qui sont utilisées pour faire participer les détenus ou pour évaluer leurs besoins ou leurs progrès. Ces agents reçoivent donc une formation initiale et une formation continue.

Le sénateur McInnis : Quel est le taux de succès?

M. Head : Le succès se mesure au cheminement des détenus dans le système.

Le sénateur McInnis : Ou à leur retour en prison.

M. Head : Ou à leur retour en prison. Je dois dire que nos taux de récidive sont encore relativement bas par rapport à la majorité des autres services correctionnels dans le monde. Pendant la période de supervision, c'est-à-dire lorsqu'ils retournent dans la communauté, moins de 3 ou 4 p. 100 récidivent. Deux ans après que leur mandat est venu à expiration, moins de 10 p. 100 — 9,6 ou 9,7 p. 100 — récidivent et sont renvoyés dans un établissement fédéral. Après cinq ans, le pourcentage est d'environ 18 ou 19 p. 100.

Ceux qui reviennent ont un lourd passé. On sait toutefois que si ces gens ne bénéficient pas du bon soutien et des bons services, notamment de programmes qui se poursuivent après l'expiration de leur mandat d'incarcération, ils sont à risque de rechute.

Nos taux de récidive sont parmi les plus bas au monde. Nous avons encore des pays qui viennent nous voir pour examiner nos méthodes pour faire participer les détenus à nos programmes et leur offrir le soutien dont ils ont besoin.

Le sénateur McInnis : Vous êtes relativement satisfait.

M. Head : Oui.

Le sénateur McInnis : Vous ne le serez jamais tout à fait.

M. Head : Non, c'est vrai. Il y a toujours place à l'amélioration. Mon personnel continue d'examiner les nouvelles techniques, les nouvelles recherches et les nouvelles tendances, et il continue de travailler avec le groupe de recherche sur la sécurité publique pour réduire ces taux.

Nous visons, idéalement, des prisons sans drogue et un taux de récidive nul. Est-ce possible? Peut-être. Est-ce qu'on y parviendra au cours des deux ou trois prochaines années? Certainement pas. Mais nous n'abandonnerons pas. Nous allons continuer de viser la perfection.

Le sénateur McIntyre : Je crois savoir qu'il y a deux approches de sécurité publique avec les détenus. La première est prise par la commission, et la deuxième, par le Service correctionnel. L'approche utilisée par la commission est basée sur l'évaluation des risques. Est-ce exact?

Mme Brisebois : Oui, c'est exact, mais nous collaborons très étroitement. La commission est un tribunal administratif indépendant, alors nous sommes responsables des décisions de mise en liberté initiales.

Le sénateur McIntyre : Vous êtes un tribunal indépendant.

M. Brisebois : C'est exact. Nous sommes responsables des décisions de libération conditionnelle, alors que le Service correctionnel est chargé de la gestion des détenus tout au long de leur emprisonnement, soit pour ce qui est des programmes, de l'incarcération et de la supervision. Nous sommes deux organisations qui travaillent à l'accomplissement du même mandat.

Le sénateur McIntyre : L'approche adoptée par le SCC au moment de la libération d'un détenu est celle de la supervision basée sur les risques. Ma question est donc la suivante : Diriez-vous que c'est une combinaison de ces deux approches qui donnent des résultats?

M. Head : Vous avez entièrement raison, sénateur. Nos évaluations reposent sur les mêmes recherches qu'utilise la commission au moment de prendre ses décisions. Nous examinons les risques de récidive du détenu.

Tout notre travail pour préparer le plan et pour faire participer le détenu aux interventions, aux programmes, à la formation, et cetera, sert de base aux recommandations que nous présentons à la commission. La commission utilise ensuite ses procédures et ses outils décisionnels, qui reposent sur les risques, pour évaluer les progrès du détenu et les chances qu'il ne présente plus un risque pour la communauté.

Notre travail et le processus décisionnel sont donc essentiellement liés. Pour vous donner un exemple, quelques-uns de mes employés ont assisté à la réunion organisée dernièrement, à Moncton je crois, par des membres de la commission dans le but de revoir les avancées dans les approches et les outils basés sur les risques qui sont utilisés pour évaluer les détenus et pour prendre les décisions de libération.

Le sénateur McIntyre : Je crois savoir que le SCC offre des programmes de divers niveaux d'intensité, et vous en avez parlé un peu plus tôt. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la différence entre le programme à niveau d'intensité élevée et celui à niveau d'intensité modérée, de même que sur le programme communautaire de maintien des acquis?

M. Head : Il y a quelques éléments qui sont différents. Le premier a trait au nombre de séances auxquelles le détenu participe.

Le sénateur : Combien de semaines?

M. Head : Un programme à niveau d'intensité modérée dure normalement environ de 8 à 10 semaines, alors que celui à niveau d'intensité élevée peut durer de 12 à 16 semaines, selon la nature du programme. Il y a de plus la participation au suivi entre les séances avec les agents de programme.

Le programme de maintien des acquis est expressément destiné aux détenus qui sont sur le point d'être remis en liberté pour les aider à maintenir ou à continuer de développer les compétences acquises dans les programmes offerts en prison.

La sénatrice Batters : Madame Mattison, je m'inquiète du lien entre la santé mentale et la toxicomanie. Souvent, les gens qui souffrent de problèmes de santé mentale se soignent avec de l'alcool et de la drogue. Que pensez-vous du lien entre ces deux éléments et de la façon d'aborder ce problème dans les programmes de traitement en prison?

Mme Mattison : Je suis navrée, mais c'est une question qui ne relève pas du tout de ma compétence, qui porte sur le cadre réglementaire de la loi.

La sénatrice Batters : Monsieur Head, pouvez-vous répondre?

M. Head : Oui, je peux répondre à votre question. Certes, un grand nombre de nos détenus qui ont des problèmes de santé mentale ont aussi de multiples autres problèmes, notamment la toxicomanie. Nous devons nous attaquer à divers problèmes en même temps.

Dans le cas de ceux qui ne souffrent pas d'un problème de santé mentale grave, nous essayons de les intégrer dans nos programmes de traitement de la toxicomanie généraux. Quant à ceux qui ont un problème grave, la toxicomanie fait partie de leur traitement, mais ce n'est pas nécessairement le premier élément auquel on s'attaque.

Comme vous l'avez souligné, madame la sénatrice, la plupart des délinquants avec des problèmes de santé mentale ont de multiples problèmes qu'ils ont depuis très longtemps, et nous devons déterminer ceux sur lesquels nous agirons en priorité pendant leur court séjour.

La sénatrice Batters : Monsieur Head, la Société John Howard a fait valoir précédemment que certains détenus peuvent ne pas être médicalement à même de fournir un échantillon d'urine, en raison de problèmes de prostate ou rénaux, par exemple. Y a-t-il une façon de remédier à ce problème?

M. Head : Oui. Ces cas sont très rares. Nous avons différentes façons de contourner le problème. Il n'est pas toujours facile pour quelqu'un de produire un échantillon d'urine sur demande, par exemple. Nous avons donc établi des protocoles qui consistent à absorber du liquide pendant un laps de temps pour accélérer le processus.

Lorsque la personne souffre de troubles médicaux graves, nous en sommes informés longtemps d'avance, et nous les prenons en considération. Nous allons voir s'il n'y a pas d'autres façons de procéder lorsque la personne a des inquiétudes, principalement par l'observation.

Le président : J'ai une question qui me vient des émissions de télévision. Avez-vous des problèmes avec les faux tests, des gens qui vendent leur urine, par exemple, en vue d'un test?

M. Head : Au début, oui. Nous avons dû mettre en place des procédures très rigides à l'égard des salles, des personnes qui recueillent les échantillons, du temps requis, et des fouilles avant l'entrée dans la salle.

Certains faits dans les films sont exacts, mais la plupart ne le sont pas. C'était un de nos problèmes au début, mais ce ne l'est plus depuis une bonne dizaine d'années.

Le sénateur Baker : Pour être certain d'avoir bien compris, madame Mattison, les règles en place régissent les précurseurs utilisés dans la vie quotidienne. La possession de ces précurseurs, à moins qu'il s'agisse d'une quantité infime, serait illégale, et ce le serait pour la vente au détail si cela ne répondait aux exigences dans la section des exemptions, soit l'article 5. Si cela ne répondait pas aux exigences, ce serait illégal de vendre ou vendre au détail le produit.

Il y a une chose que je ne comprends pas. Vous avez parlé d'une préparation en deçà d'une certaine quantité, puis vous répétez que la possession est illégale. Êtes-vous en train de dire qu'il est illégal de posséder la préparation qu'on trouve à l'épicerie?

Mme Mattison : Seulement si vous avez l'intention de l'utiliser pour produire une substance désignée ou de produire de la méthamphétamine ou de l'ecstasy, ou de l'exporter.

Le sénateur Baker : Vous avez dit que le gouvernement du Canada a établi des restrictions plus sévères, si j'ai bien compris, sur la quantité dans les préparations que celui des États-Unis. Je ne parle pas au niveau des États. Je parle au niveau fédéral. À moins de s'en tenir à la fabrication ou la vente à la quantité mentionnée, c'est illégal. Si on s'en tient à cette quantité infime, on tombe alors sous le coup des exemptions prévues à l'article 5 du règlement.

Mme Mattison : C'est exact, sénateur. Le Règlement sur les précurseurs est très long.

Le sénateur Baker : Oui.

Mme Mattison : Ce que cela permet, c'est si quelqu'un veut utiliser, à des fins légitimes, ces substances pour la production, la vente ou la possession, il peut soumettre une demande de licence à Santé Canada.

Le sénateur Baker : C'est-à-dire si cela ne fait pas partie des exemptions.

Mme Mattison : Exactement. L'exemption les soustrait au contrôle de Santé Canada.

Le sénateur Baker : De tout le règlement.

Mme Mattison : Au-delà, c'est le régime de licences et de permis qui prend le relais.

Le sénateur Baker : Ils ne sont pas assujettis au règlement si le produit contient moins que la quantité limitée, la quantité mentionnée, dans la préparation. Il est illégal de le vendre si cela va au-delà des restrictions mentionnées à l'article 5.

Mme Mattison : De le vendre ou de le distribuer, oui.

Le sénateur Baker : Oui. Vous n'êtes pas assujetti au règlement. Nous savons maintenant qu'on exerce un contrôle rigoureux. Il y a beaucoup de choses illégales, monsieur le président, mais le gouvernement du Canada les couvre dans son règlement.

Votre ministère et vous faites un excellent travail, madame Mattison, et nous vous en félicitons.

Le président : Merci à tous nos témoins de leur présence et de leur participation à nos délibérations. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Avant de présenter notre prochain témoin, je veux simplement informer les membres du comité que j'aimerais avoir une brève séance à huis clos après son témoignage pour discuter de l'horaire des réunions la semaine prochaine. Il y a quelques complications. Je vous saurais gré de bien vouloir rester un peu.

Notre prochain témoin est Catherine Latimer, directrice exécutive de la Société John Howard du Canada. Madame Latimer, vous avez, comme vous le savez, cinq minutes pour faire votre exposé. Si vous en avez un, allez-y, s'il vous plaît.

Catherine Latimer, directrice exécutive, Société John Howard du Canada : Je suis heureuse d'être avec vous encore une fois. Comme vous le savez, la Société John Howard est un organisme de charité qui fait la promotion d'interventions humaines, justes et efficaces pour faire face aux causes et aux conséquences de la criminalité. Nous avons plus de 60 bureaux au pays qui offrent des services pour promouvoir la sécurité dans nos collectivités.

Bon nombre de nos clients sont aux prises avec des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale, et souvent les deux. Nous reconnaissons que la toxicomanie est un problème difficile et nous sommes prêts à collaborer pour nous y attaquer. Nous avons un programme en cinq points et établi des priorités pour améliorer les services correctionnels, et la lutte contre la toxicomanie en fait assurément partie.

Comme vous le savez, le projet de loi C-12 vise à éliminer la drogue dans les prisons fédérales en exigeant de la Commission des libérations conditionnelles qu'elle annule une libération si la personne fournit un échantillon d'urine positif à l'égard d'une drogue, ou si elle refuse ou est incapable de fournir un tel échantillon avant d'être remise en liberté. Un toxicomane peut donc voir sa libération conditionnelle révoquée.

Mon bref exposé portera sur deux éléments. L'un est le projet de loi comme tel, et l'autre est les stratégies pour remédier aux problèmes complexes de la toxicomanie en prison.

Le projet de loi C-12 respecte les pouvoirs actuels en matière de libération conditionnelle. Je pense que la plupart des gens qui connaissent la loi diront qu'il n'y a rien dans le projet de loi qui n'est pas possible dans la loi actuelle.

Lorsque j'ai fait mon exposé devant le comité de la Chambre des communes, j'étais assise à côté d'un représentant syndical, et il me disait qu'il pourrait y avoir de sérieux problèmes à mettre le projet de loi en œuvre parce que le laps de temps est très court et qu'il faut parfois trois semaines pour obtenir les résultats d'un test d'urine. Cela peut prendre moins de temps. À ce moment, la personne admissible à une libération conditionnelle serait déjà dans la rue. Il faudrait donc agir après les faits.

Le projet de loi C-12 pourrait aussi présenter un risque pour la sécurité publique si plus de prisonniers aux prises avec une dépendance demeurent en prison jusqu'à la fin de leur peine et qu'ils ne peuvent pas compter sur de la supervision et du soutien au sein de la communauté dans le cadre d'un programme de libération graduel.

Aux termes du projet de loi C-12, l'omission de fournir un échantillon d'urine équivaut à un résultat positif. Comme la sénatrice Batters l'a indiqué, nous avons des préoccupations à cet égard. Certains troubles médicaux peuvent empêcher un délinquant de fournir un échantillon d'urine au moment opportun, si tant est qu'il puisse le faire.

Nous aimerions aussi souligner qu'il existe des stratégies antidrogue qui donnent d'excellents résultats quant à la réduction de la consommation de drogue dans les prisons, et nous ne pensons pas que ce projet de loi permettra d'éliminer les problèmes liés à la drogue. Étant donné la surpopulation croissante dans les prisons fédérales et la diminution du nombre de programmes de travail et de réadaptation, nous croyons que la demande de drogues est probablement à la hausse.

La lutte antidrogue dans les prisons fédérales canadiennes a beaucoup été axée sur la réduction de l'offre par la répression et l'imposition de sanctions. Tous les nouveaux investissements dans le Service correctionnel du Canada par l'intermédiaire de la stratégie nationale antidrogue visaient la répression — des chiens renifleurs, le renforcement de la sécurité, et cetera. Toute stratégie antidrogue efficace, y compris celles dans les prisons, doit aussi être axée sur la réduction de la demande. Cela englobe la prévention, les traitements et la réduction des dommages.

Un récent rapport de l'enquêteur correctionnel révèle que le SCC consacre moins de ressources aux programmes de lutte contre la toxicomanie. Des programmes intégrés ont été mis en place pour lutter contre une multitude de problèmes, y compris la toxicomanie, mais leur efficacité n'a pas vraiment été évaluée. Nous ne savons pas s'ils connaîtront autant de succès que les programmes qui ont été évalués. Cela suscite des préoccupations.

Nous savons pertinemment que certains programmes fonctionnent très bien. Les services correctionnels de la Colombie-Britannique et la Société John Howard de Nanaimo constatent que leur programme, Guthrie House, est un succès remarquable. Il s'agit d'un programme de communauté thérapeutique pour les gens qui ont des problèmes de dépendance et qui sortent de prison.

Même si nous saluons l'objectif de faire des prisons des établissements sans drogue, nous reconnaissons qu'il est peu probable d'atteindre cet objectif grâce à ce projet de loi, malgré l'ambition que sous-tend son titre. La Société John Howard du Canada croit qu'il existe des moyens plus efficaces d'assurer la sécurité de nos collectivités et de réduire la toxicomanie que de redoubler d'effort pour réduire l'offre dans nos prisons.

La Cour suprême et les professionnels de la santé considèrent la toxicomanie comme une maladie, et nous devons nous assurer que tous les Canadiens ont accès au traitement dont ils ont besoin, y compris les personnes incarcérées. La majorité des délinquants en prison retourneront dans la collectivité. Certains d'entre eux pourraient avoir contracté l'hépatite C ou d'autres maladies pendant leur incarcération. Ce n'est pas en gardant des toxicomanes le plus longtemps possible derrière les barreaux et en les remettant en liberté dans la collectivité sans traitement ou soutien que nous rendrons nos collectivités plus sûres.

La Société John Howard demande une stratégie plus exhaustive en vue de lutter contre la présence de drogues dans les prisons et d'assurer la sécurité de nos collectivités. Soulignons, par exemple, que le Centre for Social Justice, au Royaume-Uni, a publié en mars 2015 un rapport dans lequel on étudie l'enjeu de la drogue dans les prisons selon une perspective plus globale. C'est une tendance que nous encourageons. Merci beaucoup.

Le sénateur Baker : Je remercie notre invitée, car grâce aux nombreux témoignages qu'elle a faits au comité au fil des ans, elle nous a permis d'apporter un équilibre à notre examen de diverses mesures législatives. Je tenais à ce que nos remerciements à cet égard figurent au compte rendu.

En ce qui concerne l'exigence de fournir un échantillon d'urine, il n'est pas inhabituel, en tant que condition de libération, d'exiger qu'une personne libérée fournisse un échantillon d'urine à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, selon les conditions de mise en liberté provisoire ou de libération conditionnelle qui lui ont été. M. Head a parlé de motifs raisonnables et le président a évoqué la notion de soupçons, mais si je me souviens bien, ce n'est pas nécessaire. L'exigence de fournir un échantillon d'urine à n'importe quel moment demeure une condition de mise en liberté. Je vois que vous acquiescez de la tête; cela signifie donc que vous êtes d'accord pour dire que c'est exact. Cela n'a rien d'inhabituel.

Je pense cependant que le point que vous avez soulevé concernant le libellé du projet de loi peut être pertinent. Vous dites qu'il est possible qu'une personne ne puisse fournir un échantillon et que le refus équivaut à une déclaration de culpabilité. Autrement dit, de façon concrète. Ce n'est pas inhabituel, car en vertu du paragraphe 254(5) du Code criminel, si on vous intercepte sur la route, qu'on vous demande de fournir un échantillon d'haleine, de sang ou d'urine et que vous refusez de fournir l'échantillon demandé, vous êtes alors reconnu coupable en vertu de cet article. Je crois savoir que le libellé utilisé est « sans excuse raisonnable ». En ce qui concerne l'échantillon d'haleine, une personne asthmatique qui pourrait prouver qu'elle utilise un inhalateur, par exemple, aurait une excuse légitime ou raisonnable. Cette mesure législative ne contient pas un tel libellé.

Voici le libellé du projet de loi : « refuse [...] de fournir un échantillon d'urine exigé au titre de l'article 54 ». Les mots « sans excuse raisonnable » n'y figurent pas. Je crois que c'est le point que vous soulevez, n'est-ce pas? Pour que cette mesure législative soit conforme aux dispositions actuelles du Code criminel portant sur des mesures similaires liées à d'autres infractions, il faudrait y inclure les mots « sans excuse raisonnable ». Est-ce exact?

Mme Latimer : Oui. Le commissaire Head a parlé de la latitude qu'avait le SCC jusqu'à maintenant pour les personnes ayant un problème d'ordre médical, mais comme on utilise « en informe », je ne pense pas que le commissaire puisse nécessairement, en vertu de cette mesure législative, avoir le même pouvoir discrétionnaire qu'il a utilisé — à juste titre — lorsque quelqu'un avait un problème médical ou une incapacité. Cela soulève des préoccupations.

Le sénateur Baker : Toutefois, vous devez admettre que lorsqu'on regarde le fonctionnement des prisons, la réglementation est plus exhaustive que les lois du Parlement.

La réglementation est modifiée de temps à autre. On les appelle des « lignes directrices »; elles sont parfois modifiées aux semaines, ou aux mois, mais elles sont plutôt volumineuses.

Mme Latimer : En effet.

Le sénateur Baker : J'imagine que ce qu'il citait provenait des lignes directrices, n'est-ce pas?

Mme Latimer : Cela provenait soit des lignes directrices, soit des politiques qui ont été mises en place au fil du temps, probablement sur recommandation du personnel médical des prisons.

Le sénateur McInnis : Nous commençons à bien vous connaître, ce qui est bien. Nous vous félicitons de votre travail, car se retrouver en première ligne au quotidien est très difficile. Nous respectons toujours votre point de vue. Nous pourrions être en désaccord, mais nous respectons certainement votre point de vue.

Je sais que vous êtes préoccupés par les programmes liés à la santé mentale et à d'autres enjeux, mais que vous ne remettez pas en question l'idée d'essayer de réduire les services.

Mme Latimer : Non, en effet.

Le sénateur McInnis : Je crois que vous étiez là lorsque M. Head a dit, si je me souviens bien, que nous sommes parmi les chefs de file à l'échelle mondiale pour ce qui est des programmes de traitement et de l'accès aux traitements.

Donc, vous êtes d'accord pour dire qu'il s'agit d'une approche à deux volets. Vous pouvez faire un commentaire à ce sujet, mais vous venez de dire qu'il existe d'autres stratégies complètes en matière de lutte contre la toxicomanie. J'aimerais savoir en quoi cela consiste.

Êtes-vous d'accord avec cela? Êtes-vous d'accord pour dire qu'ils s'en sortent assez bien, qu'ils sont relativement satisfaits?

Mme Latimer : Les taux de récidive au Canada sont plus faibles que dans d'autres pays. À la Société John Howard, ce qui nous préoccupe, c'est que les réductions du financement et d'autres facteurs ont entraîné une importante compression des programmes, ce qui, à mon avis, nuit à la capacité du SCC de maintenir les programmes spécialisés reconnus mondialement dont il assurait la prestation.

Sommes préoccupées par l'inclusion, dans un programme intégré, d'un programme de traitement de la toxicomanie reconnu pour ses succès. Je ne sais pas s'il vous en a parlé, mais il regroupe actuellement trois ou quatre programmes pour en faire un seul, qui sera offert aux détenus plus tôt pendant leur incarcération. Toutefois, le programme n'aura pas une aussi longue durée, et ne sera pas nécessairement adapté aux besoins de chaque détenu.

Une personne pourrait très bien avoir un problème de toxicomanie sans pour autant avoir un problème de maîtrise de la colère ou un problème de violence familiale. Or, maintenant, les détenus suivent tous le même programme conçu pour toute une série de problèmes. Cela n'a pas été évalué. Nous suivrons les résultats à cet égard avec grand intérêt.

Quant à votre deuxième question visant à savoir s'il existe ou non des mécanismes efficaces pour réduire la consommation de drogue, il ne fait aucun doute que la toxicomanie est un programme très grave dans le système carcéral canadien et pour les détenus qui retournent dans la collectivité. La capacité de mener une vie exempte de crime est l'une des principales préoccupations des gens. Nous devons mettre tout en œuvre pour régler ces problèmes de toxicomanie. Ils peuvent être réglés, et il existe de bons exemples à cet égard.

L'exemple que j'ai mentionné plus tôt — Guthrie House, à Nanaimo, un programme des services correctionnels de la Colombie-Britannique en collaboration avec la Société John Howard du Canada — est un succès remarquable sur le plan de l'appui par les pairs. Comme vous le savez, on observe d'importants problèmes de toxicomanie en Colombie-Britannique.

Il existe d'excellents exemples de programmes qui pourraient être étudiés et qui pourraient connaître beaucoup de succès. Le SCC fait preuve d'une grande ouverture à cet égard. La question est de savoir si l'organisme a les ressources et la capacité nécessaires.

Le sénateur McInnis : Les gens de SCC n'ont pas évoqué de problèmes de ressources. Mon impression était qu'ils étaient relativement satisfaits des mesures prises par le gouvernement.

Mme Latimer : Je pense qu'il est important d'étudier le récent rapport du vérificateur général, dans lequel on examine la capacité du SCC de préparer les délinquants à leur mise en liberté. On parle des progrès réalisés par les délinquants par rapport à la préparation et au respect de leur plan correctionnel avant leur mise en liberté dans la collectivité. C'est très préoccupant. Il existe d'excellents programmes correctionnels, mais les progrès réalisés par les délinquants avant leur mise en liberté dans la collectivité ne sont pas suffisants. S'ils n'ont pas eu accès à des services de réadaptation et de soutien pendant qu'ils étaient en détention ou en liberté conditionnelle, cela devient alors un problème d'application de la loi qui relève des services de police.

Actuellement, la plupart des gens sont libérés après avoir purgé une bonne partie de leur peine, en vertu d'une libération d'office et non par l'intermédiaire d'un mécanisme discrétionnaire comme la Commission des libérations conditionnelles. Plus de la moitié des délinquants obtiennent leur libération en vertu de la loi et non dans le cadre d'une libération conditionnelle, ce qui n'est pas utile en raison du manque de souplesse sur les plans du soutien et de la supervision.

Le sénateur McInnis : Vous avez employé le terme « maladie », je pense. Ce n'était peut-être pas vous, mais êtes-vous satisfaite des traitements qu'obtiennent les détenus après leur libération? Les agents de libération conditionnelle font-ils un suivi à cet égard?

Mme Latimer : Oui, et de toute évidence, des organismes comme le nôtre — la Société John Howard du Canada — tentent d'aiguiller les personnes qui ont des problèmes de toxicomanie vers des services de soutien dans la collectivité. Il pourrait s'agir de Narcotiques anonymes ou d'autres programmes de traitement, mais quoi qu'il en soit, nous essayons de les inciter à participer à ces programmes afin qu'ils aient une certaine stabilité à leur sortie des services correctionnels. L'objectif est de leur donner une occasion réelle de vaincre leur dépendance — ce qui leur est extrêmement difficile —, et de mener une vie exempte de crime à leur retour dans la collectivité. Donc, la réponse est oui.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup. Je réitère les propos du sénateur McInnis quant au travail remarquable que vous faites. Il faut le souligner. Ma préoccupation concerne les cas de récidive. Tout criminel a le droit à une première chance, mais à la deuxième, troisième ou quatrième récidive, il s'agit d'autre chose, surtout lorsqu'il a des problèmes de toxicomanie, car la difficulté est liée tout d'abord à la volonté nécessaire pour arrêter de consommer. Dans le cas de certains types de crimes, plus particulièrement ceux à caractère sexuel, 85 p. 100 des personnes reconnues coupables ont des problèmes de toxicomanie.

Le ministre nous disait que 95 p. 100 des gens qui demandent d'avoir accès, à l'intérieur des murs, à des programmes de désintoxication y sont admis. C'est un chiffre très élevé. Or, c'est dans le cas des criminels à caractère sexuel que l'on retrouve le taux de récidive le plus élevé.

Est-il normal de traiter ces gens de la même façon qu'un honnête citoyen qui s'est fait arrêter par des policiers, car ils ont eu un doute sur sa conduite automobile, et qui veulent lui faire passer un test d'alcoolémie? Lorsqu'on sait que quelqu'un a des problèmes de toxicomanie, qu'il a déjà commis un crime et que sa toxicomanie l'incitera à récidiver, n'est-il pas normal que si cet individu refuse d'obtempérer à une demande d'analyse sanguine, qu'il soit reconnu coupable d'une infraction et que, en ce sens, on le ramène en prison?

Si on le compare à un citoyen honnête qui, refusant de subir de test d'alcoolémie, commet une infraction, peut-on faire la même chose pour un criminel qui a des problèmes de toxicomanie?

[Traduction]

Mme Latimer : Je pense qu'il y a une distinction à faire entre refuser et être incapable de fournir un échantillon d'urine, et c'est là que...

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Le projet de loi parle de refus — s'il refuse, et non s'il lui est impossible d'obtempérer. Je comprends que s'il est impossible de prendre un échantillon, il est difficile de le reconnaître comme étant un refus, mais le projet de loi stipule que si le délinquant refuse l'analyse sanguine, il s'agit d'une infraction.

[Traduction]

Mme Latimer : C'est avec plaisir que je le vérifierai. Je suis aussi prête à vous envoyer les taux de récidive pour les délinquants sexuels, qui...

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Ce n'est pas là ma question, mais plutôt celle-ci : n'est-il pas normal qu'un honnête citoyen intercepté par un policier et qui refuse de passer un test d'alcoolémie commette une infraction au sens de la loi? Par contre, un criminel qui a été libéré — on sait qu'il a commis un crime —, qui a des problèmes de toxicomanie et qui refuse qu'on prenne un échantillon de son sang doit être considéré comme avoir commis un crime. Il n'est pas normal d'utiliser les mêmes critères entre un citoyen honnête qui se fait arrêter pour conduite en état d'ébriété et un criminel, dont on sait que l'alcool l'incite à la criminalité, qui refuse de faire une prise de sang, et que cela ne soit pas reconnu comme étant une infraction.

[Traduction]

Mme Latimer : De toute évidence, un refus catégorique devrait être pris très au sérieux, comme c'est le cas pour un alcootest. Ma préoccupation est de savoir si on prévoit une certaine latitude pour tenir compte de circonstances où cela pourrait ne pas être possible. Je reçois beaucoup de plaintes de détenus qui affirment que leur incapacité de fournir un échantillon d'urine est considérée comme une infraction, comme s'ils avaient obtenu un résultat positif à un test de dépistage de drogue.

La sénatrice Batters : Madame Latimer, plus tôt, vous avez indiqué que ce projet de loi n'accorde pas au Service correctionnel du Canada la discrétion nécessaire dans le cas d'une personne qui serait dans l'impossibilité de fournir un échantillon, mais devant le comité de la Chambre des communes, vous avez indiqué que le projet de loi est conséquent avec les pouvoirs actuels de la Commission des libérations conditionnelles d'examiner les circonstances d'un délinquant. Je cite le compte rendu de la réunion du 29 janvier 2015. Vous avez dit ce qui suit :

Étant donné que le projet de loi C-12 semble être conséquent avec les pouvoirs actuels de la Commission des libérations conditionnelles, y compris la possibilité d'évaluer l'incidence sur le plan correctionnel d'un délinquant et le risque qu'il contrevienne aux règlements en consommant des produits de contrebande, la mesure législative ne nous pose pas vraiment problème. Cependant, nous aimerions souligner que ce n'est pas toute consommation d'alcool ou de drogue qui indique un problème de dépendance nécessitant un traitement ou qui accroît le risque de récidive. Nous sommes particulièrement satisfaits que le projet de loi accorde un certain pouvoir discrétionnaire à la Commission des libérations conditionnelles en vue d'examiner les circonstances et la signification d'une infraction donnée.

Pouvez-vous nous en dire davantage?

Mme Latimer : Nous apprécions le fait que l'on laisse à la Commission des libérations conditionnelles la possibilité de déterminer qu'un test positif ne va pas nécessairement à l'encontre des motifs pour lesquels la libération conditionnelle a été accordée au départ. À titre d'exemple, si un détenu célèbre sa libération conditionnelle en buvant un peu de bagosse ou d'une autre de ces concoctions alcoolisées que l'on peut produire en prison, et si la consommation d'alcool n'est pas un facteur pouvant déclencher une récidive ou le placer dans la catégorie des individus présentant un risque élevé, alors la Commission des libérations conditionnelles aurait assurément une certaine marge de manœuvre. Il demeurait obligatoire pour les services correctionnels de signaler le test positif à la commission, mais celle-ci pourrait décider qu'il n'est pas justifié dans les circonstances de révoquer la libération conditionnelle déjà accordée à cet individu, étant donné les grands avantages d'une réinsertion avec surveillance et soutien au sein de la communauté. C'est cette latitude que nous apprécions.

La sénatrice Batters : Je vois ce que vous voulez dire, et je vous remercie.

Est-ce que votre organisation offre des programmes de traitement de la toxicomanie pour les contrevenants libérés et, le cas échéant, pouvez-vous nous parler de ces programmes?

Mme Latimer : Nous aiguillons nos clients vers les services d'aide aux toxicomanes offerts dans la collectivité, et certaines de nos filiales offrent directement de tels services. J'ai mentionné tout à l'heure la démarche thérapeutique communautaire avec le soutien des pairs en Colombie-Britannique surtout en raison du fait que son caractère novateur et son efficacité ont été reconnus par un prix du lieutenant-gouverneur. Nous nous intéressons beaucoup à ce modèle de soutien par les pairs qui semble très bien fonctionner.

Il existe d'excellents moyens de composer avec les problèmes de consommation de stupéfiants, et nous souhaitons voir un plus grand nombre de programmes intégrer des composantes thérapeutiques. Il n'est pas chose facile de s'affranchir d'un problème de toxicomanie, surtout pour les gens qui seront marginalisés pour d'autres raisons également. C'est un véritable défi.

La sénatrice Batters : Tout à fait. Dans ce contexte, convenez-vous également qu'il existe un lien entre la toxicomanie et le comportement criminel en général?

Mme Latimer : Si vous parlez des détenus bénéficiant d'une libération conditionnelle, il est vrai que la drogue a généralement un rôle à jouer dans les infractions qu'ils ont commises. Soit qu'ils ont agi sous l'influence de la drogue ou de l'alcool, soit qu'ils ont perpétré des vols ou d'autres infractions contre les biens pour pouvoir se procurer de la drogue. C'est un cercle vicieux dont il est difficile de se sortir. Il ne faut donc pas sous-estimer ce lien.

Le sénateur McIntyre : Merci, madame Latimer, de votre présence aujourd'hui. Comme le disait le sénateur McInnis, nous respectons tout à fait votre point de vue.

Mme Latimer : Merci.

Le sénateur McIntyre : J'aimerais simplement revenir sur quelques points dont vous avez vous-mêmes traité. Je pense, par exemple, à la Guthrie House où les toxicomanes peuvent bénéficier d'une démarche thérapeutique communautaire à leur sortie de prison. Cette maison n'est-elle pas située sur le site même d'un établissement carcéral?

Mme Latimer : Oui.

Le sénateur McIntyre : Pouvez-vous nous en parler brièvement?

Mme Latimer : Je vais m'efforcer de vous transmettre tout ce que j'ai pu retenir d'une présentation à ce sujet. Il s'agit d'unités de logement situées sur le site d'un établissement où certains détenus présélectionnés peuvent bénéficier du soutien de leurs pairs. C'est dans l'un des centres de détention provinciaux de la Colombie-Britannique. Tous les participants ont des problèmes de toxicomanie et s'entraident pour en venir à bout.

Le sénateur McIntyre : C'est à Nanaimo.

Mme Latimer : Oui, Nanaimo. On continue de les appuyer même à leur retour dans la collectivité lorsqu'ils quittent l'établissement carcéral. Les toxicomanes peuvent donc continuer à bénéficier du soutien de leurs pairs pour s'affranchir de leur dépendance à l'issue de leur expérience carcérale.

Le sénateur McIntyre : Qu'en est-il de l'hépatite C et des autres maladies pouvant être contractées en prison? Est-ce que la Société John Howard du Canada brosse un tableau très sombre de la situation?

Mme Latimer : Encore là, je pourrai vous transmettre certains chiffres à ce sujet. D'après les dernières données dont je me souvienne, le nombre de maladies ainsi contractées aurait augmenté de 25 p. 100. Les détenus sont beaucoup plus nombreux à quitter un établissement carcéral avec l'hépatite C qu'à y être entrés avec cette maladie, une situation souvent attribuable à l'utilisation de seringues souillées. Comme c'est une maladie contagieuse transmissible par le sang, les pratiques de consommation de drogue en milieu carcéral sont propices à sa propagation.

Le sénateur McIntyre : Vous arrive-t-il de visiter des détenus dans certains de nos établissements pénitentiaires?

Mme Latimer : Oui, je le fais.

Le sénateur McIntyre : Le faites-vous régulièrement?

Mr Latimer : Pas aussi souvent que je le souhaiterais, mais je visite effectivement des détenus.

Le sénateur McIntyre : La Société John Howard du Canada a des bureaux dans plus de 60 localités canadiennes où elle offre ses services dans le but de rendre nos communautés plus sûres. Est-ce que tous les bureaux s'entendent bien sur les moyens à prendre pour atteindre cet objectif ou est-ce que les différends ne manquent pas?

Mme Latimer : Il y a bien des approches différentes, mais je ne dirais pas qu'il y a vraiment mésentente. Nous tenons régulièrement des conférences où les responsables des différents bureaux présentent les approches les plus prometteuses, car ce qui fonctionne à Moose Jaw n'est pas nécessairement efficace à Moncton. Nous mettons donc en commun les démarches qui se sont révélées bénéfiques à différents endroits. À titre d'exemple, l'approche Logement d'abord a produit d'excellents résultats dans certaines localités, et tout le monde devrait pouvoir en bénéficier.

Il y a toutes sortes de solutions que nous pouvons proposer en fonction des problèmes locaux. Notre organisation est en quelque sorte mue à partir de la base; dans chaque collectivité, nous essayons de voir comment nous pouvons régler les problèmes qui se présentent au moyen des outils disponibles localement. Il y a toutefois des thèmes communs. Nous avons le même ensemble de valeurs et nous visons les mêmes grands objectifs, mais la démarche peut prendre différentes formes sur le terrain.

Le sénateur White : Merci de votre présence aujourd'hui. Il me fait plaisir de vous voir.

Je suis persuadé que votre société s'efforce d'obtenir les meilleurs résultats possible auprès de la clientèle qu'elle dessert. J'ai visité de nombreux bureaux de la Société John Howard au pays. Je pense que vous conviendrez avec moi que la vaste majorité des cas de récidive sont attribuables aux mêmes facteurs qui ont poussé l'individu à commettre une infraction au départ. Dans une large mesure, c'est ce que nous pouvons observer ici même avec les toxicomanes qui commettent des crimes pour pouvoir consommer ou du fait qu'ils sont intoxiqués.

J'essaie de comprendre les raisons pour lesquelles vous ne seriez pas favorable à une mesure législative comme celle-ci. Elle aura probablement pour effet d'améliorer les chances de réussite des contrevenants qui sont libérés et dont une certaine proportion tout au moins a recours à vos services.

Mme Latimer : Je trouve intéressant que vous avanciez une chose pareille. Ce projet de loi aurait pour effet de garder les toxicomanes actifs en détention jusqu'à la fin de leur peine. Ils pourraient même se rendre jusqu'à l'expiration de leur mandat pour être libérés et se retrouver dans la collectivité sans supervision et sans soutien.

Nous constatons que les détenus qui quittent un établissement sont généralement très motivés à ne pas y retourner et à prendre le droit chemin, mais le moment décisif survient à leur retour dans la collectivité lorsqu'ils sont confrontés à différents défis et peuvent avoir accès à de l'alcool et des drogues. C'est là où ils ont vraiment besoin d'orientation et de soutien.

À notre avis, ce sont ceux qui courent les risques les plus élevés qui ont le plus besoin de soutien et de supervision dans la collectivité. Si on les garde en détention jusqu'à la fin de leur peine, c'est la police qui va se retrouver avec un problème sur les bras.

Le sénateur White : Je suis tout à fait en faveur de la libération conditionnelle, mais nous voulons justement que les détenus soient très motivés lorsque vient le temps de décider de devenir sobre, par exemple. Je sais que leur motivation est très élevée à l'aube d'une audience devant la Commission des libérations conditionnelles lorsque l'abstinence est une condition essentielle à leur sortie. Je dirais donc que la mesure proposée ici aurait tout au moins pour effet de les inciter à essayer de s'abstenir de consommer, plutôt que le contraire.

J'aurais un autre point à vous soumettre. Je ne pense pas que vous serez d'accord avec moi, mais c'est tout à fait votre droit. Il m'est arrivé de me faire corriger par des toxicomanes auxquels j'avais dit qu'ils commettaient de quatre à huit crimes par jour pour se procurer de la drogue. Ils m'ont dit qu'ils en commettaient entre 20 et 30.

Je dois dire que je ne peux pas être favorable à la libération anticipée d'individus qui ont commis des crimes, en sachant que ce qui les a incités à mal agir au départ va maintenant les pousser à récidiver. Je pense que nous créons les conditions propices à leur échec, plutôt qu'à leur réussite. Je ne m'attends pas à ce que vous soyez du même avis, mais j'aimerais bien savoir ce que vous en pensez.

Mme Latimer : Ce projet de loi est une mesure d'application extrêmement limitée et, comme je l'ai indiqué, la plupart des détenus ne bénéficient pas d'une libération conditionnelle. Il y en a maintenant une majorité qui quitte leur établissement carcéral lorsqu'ils obtiennent leur libération d'office. Ce projet de loi ne s'appliquerait donc pas à eux, étant donné...

Le sénateur White : C'est vrai. C'est un point faible de ce projet de loi.

Mme Latimer : Oui, c'est problématique. Bien des détenus, sachant qu'ils ne réussiront pas les tests de dépistage ou qu'ils ne sont tout simplement pas prêts, renoncent à leur audience de libération conditionnelle pour attendre leur libération d'office.

Le sénateur White : Vous n'êtes pas obligée d'être d'accord avec moi.

Mme Latimer : Je ne dirais pas qu'il y a pour eux une incitation à rester sobre. Mais on note au sein des collectivités une collaboration intéressante entre la police, les services correctionnels et des organisations comme John Howard qui partagent l'objectif commun de voir ces gens-là reprendre le droit chemin. Il y a donc une grande coopération. Nous voulons qu'ils respectent leurs conditions de libération. Nous ne voulons pas qu'ils consomment. Si c'est l'une des conditions qui leur sont imposées, nous croyons qu'il devrait y avoir des conséquences en cas de consommation.

Nous voulons rester auprès d'eux pour les aider, même s'ils retournent en détention pendant un certain temps, avant de revenir dans la collectivité. Nous voulons être présents à leurs côtés pour vraiment essayer de les inciter à refaire leur vie en espérant qu'ils auront appris quelque chose du fait qu'ils ont eu des comptes à rendre à certains égards.

Le sénateur White : Avez-vous pris connaissance de l'étude menée — je crois que c'est en Norvège, mais c'était peut-être en Suède — au sujet de l'abstinence forcée avant la libération? Si vous vous rendez coupable d'un crime, vous avez deux options : un traitement de désintoxication immédiat en résidence pour une période d'au moins 90 jours ou l'incarcération et l'abstinence forcée avant la libération. Ils font valoir que certains bons résultats sont obtenus avec l'abstinence forcée. Ils soutiennent que si vous n'êtes pas prêt, vous ne le serez jamais. Selon eux, il faut donc prendre les moyens pour que vous soyez prêt. Nous devons commencer à nous intéresser à ce qui se fait ailleurs car, en toute franchise, nos méthodes ne fonctionnent pas.

Mme Latimer : Je suis d'accord avec vous. J'aimerais bien pouvoir prendre connaissance de cette étude...

Le sénateur White : Je vais vous envoyer des documents.

Mme Latimer : ... et particulièrement en ce qui concerne les interventions de première ligne. Des mesures comme les tribunaux spécialisés dans les stupéfiants ont permis certaines avancées. Si nous pouvons réaliser des actions au départ en motivant ces individus à suivre certaines étapes pour ne pas retourner en prison, je crois que c'est une bonne chose.

Le président : Vous avez indiqué que la plupart des détenus qui quittent nos établissements carcéraux bénéficient d'une libération d'office, plutôt que d'une libération conditionnelle.

Mme Latimer : C'est exact.

Le président : La Société John Howard offre de l'hébergement dans différentes résidences?

Mme Latimer : Oui.

Le président : Est-ce que vous y accueillez uniquement des détenus en libération conditionnelle?

Mme Latimer : C'est le cas de bon nombre de nos résidences. Nous en avons d'autres types également. Il y en a quelques-unes qui accueillent des toxicomanes et des personnes ayant des problèmes de santé mentale. Nous en avons une pour les jeunes femmes et une pour les jeunes hommes. Tout dépend.

Le président : Je vais m'en tenir aux personnes bénéficiaires d'une libération conditionnelle, car c'est le sujet de ce projet de loi. J'ai l'impression qu'avec cette nouvelle loi et ses tests aléatoires, il y aura encore des détenus qui vont passer entre les mailles du filet, si je puis m'exprimer ainsi. Je ne sais pas si vous avez pu entendre la question que j'ai posée à M. Head concernant les ententes avec des tierces parties comme John Howard, mais il a indiqué qu'il avait eu une obligation contractuelle de signaler les cas où l'on croyait qu'un détenu n'avait pas respecté les conditions et se retrouvait encore dans une situation problématique.

Il me semble que cela va quelque peu à l'encontre du point de vue que vous exprimez quant aux lacunes de l'approche utilisée. J'aimerais simplement savoir comment les choses se passent dans ces résidences. Avez-vous une idée de la fréquence à laquelle des problèmes sont constatés et signalés aux services correctionnels? Il a indiqué que même si le SCC n'était pas tenu de mettre la Commission des libérations conditionnelles au courant, il le faisait systématiquement.

Mme Latimer : Les dispositions contractuelles convenues avec le SCC sont assurément respectées. Je pourrais vous parler de quelques incidents qui ont été portés à ma connaissance. Il y a une femme qui a appelé à l'une de nos maisons de transition parce qu'elle s'inquiétait du fait que son frère cherchait de l'argent de façon un peu agressive. Ils ont fouillé sa chambre et découvert une pipe à crack. Ils ont appelé immédiatement le SCC.

Nous voulons que nos clients restent dans le droit chemin et respectent les conditions de leur libération. Nous respectons nous-mêmes nos obligations contractuelles auprès du SCC. Nous voulons assurer la sécurité des collectivités et nous collaborons avec ces gens-là dans le but de tendre vers ce grand objectif.

Le sénateur Baker : J'aurais juste une correction à apporter, madame Latimer. Dans le cas d'un contrôle routier, le paragraphe 254(5) prévoit ce qui suit pour ce qui est des échantillons d'urine, d'haleine ou de sang :

[...] sans excuse raisonnable, omet ou refuse d'obtempérer à un ordre...

Et nous pouvons lire maintenant dans ce projet de loi :

[...] omet ou refuse [...] de fournir un échantillon d'urine...

Les deux mesures sont identiques à l'exception, comme vous l'avez indiqué, de la précision « sans excuse raisonnable » qui figure dans la partie du Code criminel traitant des contrôles routiers, mais qui n'apparaît pas dans ce projet de loi. Vous aviez donc raison.

Mme Latimer : Merci.

Le sénateur White : Si je puis me permettre une précision, il peut y avoir des accusations criminelles dans un cas, mais pas dans l'autre.

Le président : Merci, madame Latimer, pour toutes vos comparutions devant notre comité. Nous vous sommes reconnaissants pour l'aide que vous nous avez apportée dans l'étude de ce projet de loi.

Je vous rappelle, chers collègues, que j'ai besoin d'une motion pour que nous poursuivions nos travaux à huis clos. La sénatrice Batters en fait la proposition. Est-ce que tout le monde est d'accord?

Des voix : D'accord

(La séance se poursuit à huis clos.)


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