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OLLO - Comité permanent

Langues officielles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 3 - Témoignages du 10 février 2014


OTTAWA, le lundi 10 février 2014

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 heures, pour poursuivre son étude sur les obligations de CBC/Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et de certains aspects particuliers de la Loi sur la radiodiffusion.

La sénatrice Claudette Tardif (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, je déclare cette séance du Comité sénatorial permanent des langues officielles ouverte.

Je suis la sénatrice Claudette Tardif, de l'Alberta, et la présidente de ce comité.

Je demanderais aux sénateurs de se présenter, en commençant à ma gauche avec la vice-présidente du comité.

La sénatrice Champagne : Sénatrice Andrée Champagne, du Québec.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, sénateur du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Sénatrice Suzanne Fortin-Duplessis, de Québec, et membre de l'exécutif de ce comité.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, de Dryden, dans le Nord-Ouest de l'Ontario.

[Français]

La sénatrice Charette-Poulin : Sénatrice Marie-Paul Charette-Poulin, je représente le Nord de l'Ontario au Sénat depuis 1995.

La sénatrice Chaput : Sénatrice Maria Chaput, du Manitoba

La présidente : Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur les obligations de CBC/Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et de certains aspects particuliers de la Loi sur la radiodiffusion ainsi que notre étude sur les meilleures pratiques en matière de politiques linguistiques et d'apprentissage d'une langue seconde dans un contexte de dualité ou de pluralité linguistique.

Cet après-midi, nous recevons les témoins de TV5 Québec Canada. La chaîne TV5 est la seule chaîne généraliste francophone d'envergure internationale. Son signal est disponible dans près de 200 pays. Elle est gérée par deux exploitants, TV5 Monde, dont le siège social est situé à Paris, et TV5 Québec Canada, dont le siège est à Montréal.

Les représentants de TV5 Québec Canada nous présenteront la plateforme web Francolab qui est une initiative unique au Canada et nous parlerons aussi du projet de TV5 UNIS approuvé par le CRTC en août 2013.

Permettez-moi de vous présenter Mme Suzanne Gouin, présidente-directrice générale, ainsi que M. Benoît Beaudoin, directeur, nouveaux médias. Bienvenue à vous deux.

Après la présentation, les sénateurs auront des questions à vous poser. Je donne maintenant la parole à Mme Gouin.

Suzanne Gouin, présidente-directrice générale, TV5 Québec Canada : Madame la présidente, je vous remercie de votre accueil. Lorsque nous parlons de la langue française, de ses attributs, de ses déclinaisons, l'ADN même de TV5 repose sur les différentes facettes des meilleures façons de contribuer à l'essor de cette langue.

Il nous est donc apparu important, il y a de cela quelque mois, de mettre sur pied une plateforme d'apprentissage du français, quand nous examinions les lacunes dans ce domaine en termes de matériel canadien disponible pour les professeurs de langue seconde.

Sans plus tarder, je vais demander à M. Beaudoin, directeur des nouveaux médias et véritablement l'instigateur de ce magnifique projet, de vous en présenter les grandes lignes.

Benoît Beaudoin, directeur, Nouveaux médias, TV5 Québec Canada : Merci, madame la présidente, de votre invitation.

Nous regarderons une dizaine de diapositives qui nous permettront de voir l'histoire de Francolab ainsi que l'histoire de cette pratique de fournir des outils de perfectionnement du français aux professeurs canadiens et également, l'aspect de ces plateformes dont nous parlerons tout au long de la présentation.

La plateforme Francolab est née de façon naturelle de la mission éducative de TV5. Je pense que tout le monde connaît un peu les contenus de TV5 qui sont riches autant en documentaires qu'en exemples de vie. Nous avons toujours eu cette proximité à utiliser les contenus télévisuels de TV5 pour l'enseignement. Au cours des années, nous avons identifié un besoin d'aller vers un contenu qui soit plus canadien. On connaît la mission de la chaîne de faire rayonner les contenus des chaînes publiques francophones autant d'Europe que du Canada. Nous avons voulu, à travers les contenus canadiens produits par nos producteurs canadiens, prolonger cette mission de diffusion et aller vers des accompagnements pédagogiques.

Donc, la pierre angulaire a été une étude que nous avons demandée à Canadian Parents for French (CPF), en 2010. Cette étude visait à identifier de manière plus tangible les vrais besoins des professeurs canadiens au regard de contenu vidéo numérisé disponible sur le Web et de contenu interactif. Cela a donné lieu au premier projet que nous avons fait, avant même la naissance de la plateforme Francolab qui est un projet qui s'appelle « Ça bouge au Canada », projet qui était fait sur un format exploité en France nommé « Ça bouge en France ». Vous en avez le visuel ici.

Nous avons présenté ce premier projet au congrès de l'ACPI, l'Association canadienne des professeurs d'immersion à Victoria en 2010. Nous avons connu un gros succès en partant. Cela a été très encourageant. Les professeurs ont aimé. La plateforme vise 10 régions où cela bouge, où on peut vivre des activités, des expériences sportives, riches en culture et faire des découvertes grâce à des fiches, des vidéos et des références pour explorer cette région et pratiquer son français.

Cela a été destiné à un public de jeunes adultes de 15 ans et avec la préoccupation de présenter un contenu très dynamique, très riche et très incitatif à poursuivre sa recherche. L'objectif global est d'intéresser l'apprenant et de l'amener à vouloir en savoir toujours plus, à aller vers ses propres recherches et à écouter davantage de contenus à la télé ou sur le Web.

Riches de cette première expérience, nous avons voulu consolider des objectifs d'apprentissage, des objectifs opérationnels d'une plateforme à venir.

Le but principal était de fournir des ressources éducatives et du matériel audiovisuel authentiques; de renforcer la construction identitaire grâce à l'utilisation de matériel audiovisuel riche et de références culturelles canadiennes. L'apprentissage du français langue seconde se voulait aussi une porte d'entrée pour les nouveaux arrivants, pour leur présenter un contenu qui puisse être riche en identification de valeurs canadiennes. Nous cherchions aussi à répondre aux besoins évolutifs de nos clientèles — on sait très bien que les gens, aujourd'hui, n'apprennent pas comme nous le faisions il y a 20 ans, donc pouvoir évoluer rapidement avec les nouvelles technologies dans les écoles et à la maison, et devenir une référence canadienne en matière d'apprentissage du français langue seconde.

Parmi les nombreux produits sur le marché à travers le Canada, peu sont gratuits et peu sont adaptés aux vrais besoins des professeurs en classe. Cela a donné lieu à la création du portail Francolab. Il s'agit vraiment d'un site axé sur les ressources, tourné vers les professeurs, vers un public d'apprenants de 15 ans et plus; donc pour les jeunes au sortir de l'adolescence, les nouveaux arrivants, et les universitaires aussi. Il est très structuré autour de contenus audiovisuels produits par TV5. Il contient donc des émissions, des capsules, des séries web, des jeux-questionnaires et énormément de fiches pédagogiques adaptées aux besoins des professeurs, pour des activités tournées vers la compréhension orale. Nous y retrouvons des vidéos, des montages audiovisuels, des fiches pédagogiques, des contenus complémentaires, des textes, des photos et des liens pour permettre aux apprenants et aux professeurs d'enrichir l'expérience de l'apprentissage et de l'enseignement.

On parle d'une approche pédagogique qui propose des thèmes porteurs, favorisant la réflexion, la recherche et la discussion. On couvre différents niveaux, soit débutant, intermédiaire, et avancé. Compte tenu du fait que le matériel développé est avant tout audiovisuel, donc des émissions de télé, quand on parle de débutant, on se réfère au terme « faux débutants », car ce sont des gens qui ont une compréhension minimale du français. On est en train de travailler sur de nouveaux projets qui visent les vrais débutants. On démarre donc avec des gens qui ont très peu de connaissances du français et des types d'activités très variées, qui visent la compréhension orale et écrite, l'expression écrite et la discussion. Le but est de devenir une référence dans le milieu éducatif. Nous voulons, par tous ces contenus, répondre aux besoins des enseignants, aussi divers soient-ils. Il peut s'agir d'enseignants de français langue maternelle en milieux minoritaires où la bonification de l'enseignement par de tels outils audiovisuels fait une grosse différence.

Nous avons aussi travaillé sur une campagne de communication pancanadienne, l'an dernier, qui a visé l'envoi de 1 000 trousses à diverses écoles et associations. Nous avons organisé le concours « Le français m'inspire », qui visait à stimuler la production d'images, de photos et de vidéos dans les classes à partir de la compréhension des jeunes d'une expression idiomatique ou d'un proverbe. Ce concours a eu un grand succès. On a réussi à faire voter les groupes et les écoles, ce qui a mené à trois gagnants, un dans chaque catégorie.

Finalement, le but est de tisser des liens beaucoup plus étroits avec les associations en place. Nous sommes très actifs au sein de l'ACPI et de l'ACPLS ou Association canadienne des professeurs de langue seconde, de l'AQEFLS, ou Association québécoise des enseignants de français langue seconde, de l'ACELF ou Association canadienne des enseignants de langue française.

Parlons des nouveaux projets. Nous poursuivons l'expérience et essayons d'aller vers un mode plus interactif qui vise l'auto-apprentissage. Nous avons mis sur pied, l'an dernier, un projet intitulé « Dans l'air du temps », qui vise la création de 180 activités. Par « activités », j'entends l'interactivité, donc une possibilité pour l'apprenant d'entreprendre des exercices par lui-même sur le Web. Ces activités tournent autour de 30 chansons francophones canadiennes tirées du grand répertoire, de la Bolduc à Tricot Machine, en passant par Daniel Lavoie et le groupe 1755. On couvre donc des chanteurs du Canada entier.

Des outils spécialement conçus pour les enseignants permettent de suivre la progression de l'élève. L'enseignant pourra donc envoyer des liens, qui seront reçus par les apprenants. À partir de ces liens, il sera possible de faire des exercices spécifiques liés aux chansons sélectionnées par le professeur. Les apprentissages seront récupérés par le professeur facilement, par la suite, ce qui permettra de diagnostiquer les problématiques. On est vraiment en mode d'auto-apprentissage.

Cette plateforme sera aussi déployée dans les salles multimédias. Plusieurs heures d'expérience enrichissante d'enseignement et de divertissement seront rendues possibles grâce à cette nouvelle plateforme « Dans l'air de temps ».

On voit sur la diapositive la page d'accueil. À chaque fois que l'étudiant arrivera sur la page d'accueil, on proposera différents artistes avec différents répertoires. Nous sommes très heureux d'avoir pu compter sur les ayants droit. La mise sur pied d'un tel projet est très compliquée en ce qui a trait aux droits d'auteur. Les droits reliés à une chanson peuvent être détenus par plusieurs maisons de publication. L'artiste a ses droits et les maisons de disques aussi. À notre grand bonheur, la SODRAC a accueilli notre projet et nous a permis d'aller de l'avant, grâce à un droit fixe raisonnable pour nous, sans lequel rien n'aurait été possible. La SODRAC a aimé le projet à un point tel qu'elle a demandé de devenir partenaire. Nous en sommes très heureux. Nous échangeons avec la Société à chaque jour, ces temps-ci, pour réussir à avoir tous ces auteurs. Nous avons vraiment de grands noms dont Félix Leclerc et Gilles Vigneault.

Parlons maintenant du futur. En plus de la plateforme « Dans l'air du temps », nous travaillons sur Francolab Junior. Avec ces nouvelles plateformes, nous voulons nous attaquer à la question du français de départ à savoir comment on présente le français à des jeunes et des moins jeunes qui ne l'ont jamais parlé ou qui l'ont très peu entendu. Francolab Junior sera destiné aux tablettes, grâce à 11 modules permettant une exploration du français de départ. D'un module à l'autre, l'élève pourra faire une acquisition plus complète du vocabulaire, développer sa capacité à faire des phrases et comprendre le français.

Francolab Télé est un projet d'expérimentation issu de notre partenaire TELUS qui, à partir de la présentation initiale que nous avons faite de Francolab Web, a manifesté l'intérêt d'obtenir pour Francolab des interfaces en anglais pour les adultes et aussi pour les familles mixtes. Dans les communautés francophones en milieu minoritaire, on retrouve des situations où un parent parle l'anglais et l'autre le français. On a identifié la possibilité, grâce aux nouvelles technologies de télédistribution IP, d'obtenir une application télévisuelle qui pourrait être vue dans le salon par les différents membres de la famille. Ceci permettrait un divertissement par l'intermédiaire d'une série dramatique, un peu comme Les Parent pour les francophones qui l'ont vue à Radio-Canada, à l'aide de fiches interactives tout en regardant la télé.

Ce sont les deux projets sur lesquels nous travaillons fort avec des partenaires d'envergure.

Je vous remercie. Ma présentation se conclut par un dernier visuel qui donne une idée des maquettes de l'application IP en gestation avec notre partenaire TELUS.

La présidente : Merci beaucoup de cette excellente présentation. La première question sera posée par la sénatrice Fortin-Duplessis.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Je suis bien contente que vous comparaissiez devant notre comité aujourd'hui. Avant de poser quelques questions, j'aimerais vous féliciter pour le magnifique travail que vous faites auprès des éducateurs et des étudiants. Vos produits d'apprentissage sont efficaces, bien faits et attirants.

M. Beaudoin : Merci, madame la sénatrice.

La sénatrice Fortin-Duplessis : L'étude de notre comité porte sur les obligations de CBC/Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et certains aspects particuliers de la loi. Par conséquent, j'aimerais vous poser quelques questions à ce sujet aux fins de notre rapport.

Je pose ma question à nos deux témoins. J'aimerais connaître votre opinion concernant l'arrivée de TV5 UNIS et son impact sur les obligations de Radio-Canada.

Comme vous le savez, lors de notre étude sénatoriale, des témoins ont affirmé que l'arrivée en ondes de TV5 UNIS forcera la société d'État à respecter davantage ses obligations quant à la visibilité des communautés francophones à travers notre pays. Or, d'autres témoins se sont montrés plus sceptiques, affirmant que votre venue ferait en sorte que CBC/Radio-Canada abandonnera certaines de ses responsabilités vis-à-vis des communautés francophones et acadiennes, en particulier hors Québec.

Qu'en pensez-vous? Est-ce que TV5 UNIS stimulera CBC/Radio-Canada à offrir une programmation qui tiendra davantage compte des communautés, ou Radio-Canada risque-t-elle simplement de vous laisser le marché francophone canadien?

Mme Gouin : Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. Il est clair que, lorsque le CRTC a rendu sa décision octroyant à TV5 Québec Canada la possibilité de créer la nouvelle chaîne UNIS, ceci s'est fait non pas dans un mouvement contre Radio-Canada mais dans un mouvement visant véritablement à offrir des contenus complémentaires à tous les francophones à travers le Canada.

Le projet de TV5 s'inscrit dans cette foulée. Radio-Canada est une chaîne publique avec de multiples missions pour lesquelles il est parfois difficile de cibler parfaitement un public.

Dans le cas de la nouvelle chaîne UNIS, il est clair que notre mandat est non seulement de répondre aux aspirations des communautés francophones en milieu minoritaire, mais aussi, dans un esprit de communauté de toute la francophonie canadienne, d'offrir un nouveau véhicule de communication pour tous les francophones du Canada. Et je ne pense pas que cette nouvelle chaîne mettra en porte-à-faux Radio-Canada; je pense que c'est un instrument par lequel nous aurons plus de contenu disponible à offrir aux communautés francophones. Cela sera aussi un nouveau lieu de création francophone au Canada, ce qui est assez inédit, et qui va permettre la rétention des artisans dans leurs différents milieux d'activité. Je pense que c'est une force de ce projet.

Plus nous aurons des occasions de créer des contenus dans différentes régions du pays, mieux nous arriverons à répondre aux attentes des communautés francophones partout à travers le Canada.

Le sénateur McIntyre : Madame Gouin, monsieur Beaudoin, cela nous fait plaisir de vous accueillir ici aujourd'hui. La création d'une nouvelle chaîne de télévision consacrée aux communautés canadiennes et acadiennes est selon moi une bonne nouvelle. Décidément, TV5 UNIS est un pas vers l'avant.

Je remarque que l'ordonnance de distribution accordée par le CRTC en août dernier comprend certaines conditions, dont la création de trois bureaux régionaux, y compris un à Moncton, au Nouveau-Brunswick. En tant que sénateur du Nouveau-Brunswick, j'accueille cette annonce avec joie.

Comme vous le savez, TV5 Québec Canada opère dans un marché concurrentiel. Nous savons tous que cette concurrence s'inscrit dans un contexte où de plus en plus de consommateurs se tournent vers le Web pour visionner leurs services de programmation préférée. Comment voyez-vous votre rôle face à la montée des nouvelles technologies, face aux autres joueurs de l'industrie de la radiodiffusion?

Mme Gouin : Tout comme pour TV5 qui dispose d'outils numériques extrêmement importants et que pilote Benoît, il est évident que pour la nouvelle chaîne UNIS, ces mêmes outils seront mis à la disposition des téléspectateurs. Alors non seulement nous mettrons de l'avant un site web qui aura des fonctionnalités permettant une meilleure connaissance de la grille, permettant également de faire véritablement du visionnement des émissions qui auront été diffusées sur la chaîne, mais nous mettrons aussi à disposition une nouvelle plateforme qui a été créée pour TV5. C'est une plateforme dite de simultané, que nous avons baptisée TV5 Duo, qui vous permet, pendant que vous visionnez une émission, d'avoir de l'information complémentaire sur l'émission qui se déroule devant vous, mais qui vous permet aussi, si c'est une émission de jeu, de pouvoir répondre, en étant en compétition avec ceux qui sont en train de jouer à l'antenne.

Donc les outils que nous avons mis à disposition pour TV5 seront aussi mis à disposition pour la nouvelle chaîne.

Il est clair que, pour nous, la consommation actuelle et l'évolution de cette consommation présente de nombreux défis pour tous les diffuseurs. Mais, de façon assez surprenante, si vous regardez les chiffres de consommation de télévision, il ne s'est jamais autant consommé de télévision aux heures de grande écoute.

Alors oui, les nouvelles plateformes sont là pour rester; elles sont un outil de diffusion incontournable pour une chaîne de télévision, mais le rendez-vous devant l'écran de télévision, quand un produit de qualité est offert, demeure un rendez-vous toujours privilégié, et les chiffres de diffusion tendent à le démontrer.

En même temps, nous avons une préoccupation; nous ne sommes pas devins, nous ne savons pas ce que l'avenir nous réserve. Je dirais que, en tant que PDG de l'entreprise, la consommation des enfants de six à neuf ans est ce qui m'interpelle à l'heure actuelle. Ce sont des individus qui manipulent la tablette comme certains d'entre nous ont appris à aller à vélo. Et pour ces jeunes, qui n'ont peut-être pas nécessairement un rendez-vous de télévision de façon aussi habituelle que pour leurs parents, ce sera un défi pour nous de nous assurer que, dans la programmation que nous mettrons à l'antenne, nous puissions créer des rendez-vous familiaux qui feront en sorte que nous pourrons encourager la consommation de télévision dans un mode qui, dans nos termes actuels, peut être qualifié de « traditionnel », mais aussi dans un environnement qui sera celui des nouvelles plateformes.

La sénatrice Champagne : Madame Gouin, monsieur Beaudoin, je voudrais vous dire à quel point des gens comme moi ont été ravis lorsque cette licence vous a été finalement accordée. Nous en avions parlé beaucoup ici et j'ai eu l'occasion d'utiliser votre TV5 UNIS pour parler à des producteurs ou à des acteurs qui se plaignaient de ne pas avoir, dans leur coin du pays, un endroit où ils pouvaient obtenir de l'aide pour produire et, surtout, de ne pas trouver un diffuseur.

Je voudrais savoir où vous en êtes rendus quant à la mise sur pied de ces bureaux régionaux qui permettront aux réalisateurs ou aux producteurs d'aller vous présenter des projets d'émission.

Mme Gouin : En réponse aux conditions de licence qui nous ont été imposées, nous avons ouvert trois bureaux régionaux et nous avons comblé les postes dans ces bureaux régionaux à Moncton, Toronto et Vancouver. Les gens sont au travail depuis le tout début de janvier. Nous avons donc vraiment lancé la machine à plein régime pour que les gens des bureaux puissent véritablement recevoir des projets.

Mais, bien avant la création des bureaux, et certains d'entre vous connaissent sûrement le domaine du financement des émissions de télévision, vous savez que les producteurs francophones en milieu minoritaire bénéficient d'une enveloppe distincte du Fonds des médias pour laquelle il y a deux dépôts : un dépôt au mois d'octobre et un au mois d'avril. Si nous voulions avoir des productions le plus rapidement possible en ondes, nous devions nous assurer que véritablement il y ait un plus grand nombre de dépôts qui se fassent à l'échéance d'octobre.

Nous avons donc émis un appel de projets; la décision a été communiquée le 8 août et je pense que deux jours après nous avions fait un appel de projet auprès de tous les producteurs francophones à l'extérieur du Québec.

Je suis très heureuse de vous dire que sur les 13 ou 14 projets déposés au Fonds des médias, il n'y en a qu'un qui n'a pas été accepté, et c'était pour une question d'ordre technique. Alors pour nous, véritablement, le travail d'amorce est un travail qui a été fait et lancé, et nous retrouvons des projets de l'Atlantique, de l'Ontario, du Manitoba et de Vancouver, des projets qui viennent véritablement de tous les horizons, que ce soit en production de documentaire unique ou de série documentaire. Pour l'instant, nous sommes très heureux et nous continuons de nous activer. Pierre Gang, directeur des programmes, était la semaine dernière dans l'Ouest canadien et il a rencontré le milieu de la production de l'Alberta, du Manitoba et de la Colombie-Britannique pour susciter encore de nouveaux projets.

Ces rencontres faisaient suite à une autre condition de licence que le CRTC nous a demandée, c'est-à-dire la création d'un comité consultatif sur la programmation, comité que nous avons créé après avoir sollicité des appels de candidatures partout au Canada. Nous avons tenu la première réunion de ce comité le 1er février dernier à Calgary, où pendant une journée nous avons, avec les membres du comité, déterminé quels seraient les indicateurs de performance sur lesquels nous voulions nous entendre dès maintenant pour évaluer le succès de cette nouvelle chaîne.

La sénatrice Champagne : Je vais parler d'un autre sujet. Je suis tellement contente qu'il y ait des producteurs et des auteurs canadiens qui auront droit à une autre chance.

Je voudrais parler un peu de votre Francolab. Si on parlait de distribution obligatoire de Francolab aux animateurs de télévision français, ce serait invraisemblable. Ils pourraient peut-être apprendre qu'il y a un mot français pour jackpot, ainsi que pour buzzer. On s'obstine à envoyer des e-mel ou des mails, pourtant le mot « courriel » est accepté par l'Académie française.

J'écoutais TV5 la semaine dernière, alors que j'étais en réunion à Rabat, au Maroc. En écoutant cette chaîne, j'avais l'impression d'être un peu chez nous, surtout que nos nouvelles étaient à une heure raisonnable. À d'autres endroits, les nouvelles du Canada sont à 5 heures du matin ou autre.

Je ne sais pas à qui il faudrait s'adresser pour que cela bouge en France aussi, pas juste au Canada. J'entendais l'autre jour l'animateur de télévision Nagui dire qu'il n'y avait que les Canadiens et les Québécois pour vouloir tout traduire. Nous prenons les mots anglais et cela va bien, disait-il, mais ils ne sont pas dans une situation où leur langue est en danger. S'ils étaient chez nous, entourés d'anglophones, ils seraient peut-être un peu plus prudents avec la langue. C'est Gilles Vigneault qui avait dit un jour, messieurs les Français, prenez soin de votre langue, elle est aussi la mienne.

Si on pouvait faire une distribution obligatoire de Francolab à ces animateurs, peut-être que le français y gagnerait.

Mme Gouin : Il est évident, sénatrice Champagne, que la dynamique de nos collègues à TV5 Monde, particulièrement dans un univers où le positionnement de la langue est très différent du nôtre, diffère. Nous avons beau parfois, lors des simples réunions que nous tenons avec eux, les reprendre sur certaines terminologies utilisées, mais on se fait parfois regarder avec un sourire en coin. Il est évident que nous avons une sensibilité que nos collègues européens n'ont pas. Le poids démographique leur permet ou leur donne la permission, sinon ils la prennent, de ne pas utiliser la langue française avec tous les atouts qu'elle comporte.

Ce qu'il faut regarder, c'est la force de ce que nous faisons ici. On peut espérer que, éventuellement, cela fasse un peu tache d'huile et qu'ils y voient un avantage à mieux parfaire et utiliser la langue française dans leur quotidien. Effectivement, nous le faisons à TV5 Québec Canada auprès de nos animateurs. Nous nous assurons de la qualité de la langue.

Il est évident qu'au Québec et ailleurs au Canada nous avons cette grande sensibilité quant à l'utilisation de la langue française. Malheureusement, vous dire que nous arriverons à influencer nos collègues européens serait présomptueux. On espère que c'est par l'exemple que nous y arriverons.

La sénatrice Champagne : Qu'ils disent que les Canadiens et les Québécois veulent tout traduire, moi, j'en suis fière. Au moins, nous essayons de parler français. Merci.

La sénatrice Charette-Poulin : Madame Gouin, monsieur Beaudoin, vos feuilles de route respectives sont tellement impressionnantes qu'on ne peut pas faire autrement que de vous admirer. Vous avez eu beaucoup de goût, madame Gouin, en allant chercher M. Beaudoin comme directeur des nouveaux médias. J'ai remarqué que trois de vos productions, monsieur Beaudoin, s'étaient mérité des Gémeaux en 2006, 2008 et 2013. C'est beau.

M. Beaudoin : Merci.

La sénatrice Charette-Poulin : Étant donné qu'on est en train de bâtir un pont vers le futur, le mandat du comité consiste à étudier les obligations de la Société Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles, mais aussi certains aspects particuliers de la Loi sur la radiodiffusion.

Étant donné que TV5 est née en 1984 — j'ai assisté à la réunion où TV5 est née —, pourriez-vous résumer pour toutes les personnes qui sont à l'écoute les jalons importants de TV5 qui nous ont amenés à aujourd'hui et à ce dont on discute aujourd'hui avec Francolab?

Mme Gouin : Sachez que c'est véritablement un consortium qui a mis sur pied TV5 Québec Canada qui, à l'époque, était formé par les gouvernements du Québec, du Canada, de la France, de la Belgique et de la Suisse, qui ont eux- mêmes délégué des représentants de leur télévision publique pour créer cette nouvelle chaîne où on retrouverait aussi des partenaires de l'entreprise privée, de la diffusion privée, incluant l'ONF qui faisait partie de cette grande famille.

L'objectif principal était d'offrir à la francophonie canadienne ce qui se faisait de mieux à l'international et de permettre, par des échanges, d'offrir ce qui se faisait de mieux dans la production canadienne pour qu'elle se retrouve sur les antennes de notre collègue TV5 Monde. Il y a eu une évolution très importante. Il y a eu la création de TV5 États-Unis et Amérique latine dont, jusqu'en 2001, TV5 Québec Canada gérait le signal. Il y a eu une restructuration des opérations à cette époque qui a fait en sorte que l'opération canadienne a été recentrée autour de TV5 Québec Canada pour permettre la diffusion la plus large possible sur le territoire canadien avec sensiblement la même mission de refléter la francophonie internationale et la francophonie canadienne.

Je suis arrivée en poste en 2002, et ce que j'ai vu lorsque je suis entrée en poste, c'est la capacité de cette chaîne d'aller beaucoup plus loin, et non seulement par ses produits télévisuels qui devaient être ancrés dans la réalité francophone canadienne, parce qu'à l'époque on était loin de ce qu'on connaît des produits nouveaux médias comme on les connaît à l'heure actuelle. La venue des nouvelles technologies m'apparaissait être un véhicule privilégié pour nous assurer d'aller chercher des auditoires qui n'étaient peut-être pas nécessairement à TV5.

Au fil des ans, on a fait progresser la chaîne et multiplié les occasions d'aller chercher des contenus très novateurs et complémentaires aux autres chaînes canadiennes. Il est aussi important de souligner que TV5 Québec Canada est une entreprise privée, mais à mission publique dans un rôle d'organisme à but non lucratif.

On ne verse pas de dividendes à la fin de l'année, mais on réinvestit tous les surplus que nous pourrions avoir dans de nouveaux projets. C'est par cette création que la division nouveaux médias est née. Francolab est née de cette même capacité que nous avions de générer des nouveaux revenus. Ensuite, il nous est apparu évident que notre mission étant la francophonie internationale et la francophonie canadienne. Nous devions revenir vers le CRTC pour présenter, en complémentarité du projet de TV5, un projet de nouvelle chaîne qui s'adresserait à la francophonie canadienne. C'est le projet de la chaîne UNIS.

Pour nous, non seulement tout cela permet véritablement de faire en sorte que la francophonie soit extrêmement présente, mais que sa force, qui est à l'instar de la société canadienne, se retrouve véritablement partout, dans chacune des provinces canadiennes.

La sénatrice Charette-Poulin : Madame la présidente, j'aurais une question supplémentaire. La distribution de Francolab se fait vraiment par Internet?

Mme Gouin : Effectivement, c'est gratuit, par Internet. Je laisserai Benoît vous donner un peu plus d'information.

M. Beaudoin : En ce moment, Francolab est un site Internet à accès gratuit, disponible pour les professeurs et les apprenants, structuré autour de fiches pédagogiques. Vous allez retrouver sur Francolab près d'une centaine de fiches en PDF dont chacune peut compter jusqu'à 20 pages et permet de redynamiser le contenu vidéo, le contenu quiz, les échanges et les activités qui peuvent se produire en classe, tout en permettant de les structurer autour d'objectifs d'apprentissage.

Maintenant, on veut aller vers des déclinaisons qui soient justement plus innovatrices sur le plan des plateformes en visant la tablette et l'application IP en distribution avec des télédistributeurs pour permettre de cibler d'autres modes d'accès au contenu.

La sénatrice Charette-Poulin : Quel est votre plan de mise en marché?

M. Beaudoin : C'est une bonne question. Francolab étant disponible gratuitement aujourd'hui, les applications qui sont vraiment développées selon des besoins d'apprentissage identifiés par des parents et des professeurs d'enfants âgés de 6 à 9 ans seront disponibles sur un mode payant. Une application qu'on retrouve dans l'App Store ou dans Google Play est disponible moyennant des frais qui sont ceux du marché. On a des produits comparables dans le milieu de l'apprentissage du français parce qu'il y a plusieurs produits qui existent déjà.

Toutefois, on vise un mode de distribution qui permette un coût vraiment réduit pour les écoles. Donc on vise à cibler un besoin d'apprentissage très bien défini à la maison avec une valeur ajoutée et un accès plus libre, à moindre coût pour les écoles. Pour ce qui est de l'application IP, on examine différentes approches avec TELUS, mais on vise aussi à rendre l'application payante en fonction de l'accès par l'utilisateur.

La sénatrice Charette-Poulin : J'aimerais figurer sur la liste du deuxième tour s'il vous plaît.

La présidente : Oui, bien sûr.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Bienvenue et merci d'être ici aujourd'hui. Je voudrais que nous parlions du financement que vous avez reçu de Patrimoine canadien. S'agit-il d'un montant annuel ou bien d'une subvention ou d'un prêt? Pourriez- vous nous parler un peu de la nature du financement?

[Français]

Mme Gouin : TV5 Québec Canada fait partie du programme TV5 pour lequel Patrimoine canadien a une enveloppe qui lui est allouée. C'est une enveloppe sur un programme de cinq ans, donc le programme se terminera en 2014. Sans connaître quelle enveloppe nous sera allouée dans le prochain budget, nous connaissons l'intérêt de Patrimoine canadien pour le programme de TV5 et pour les retombées des productions francophones qui se retrouvent sur les chaînes de notre partenaire TV5 Monde.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Comment le financement a-t-il été prévu au départ? Avez-vous fait une demande de financement ou le ministère du Patrimoine canadien vous l'a-t-il tout simplement alloué? Y avait-il des conditions qui y étaient rattachées?

[Français]

Mme Gouin : Chaque année nous déposons à Patrimoine canadien un plan d'affaires. Dans la dernière année, nous avons déposé le plan stratégique 2014-2016, dans lequel nous inscrivons de façon très claire quelles sont les orientations que nous allons prendre. Les orientations que vous voyez là, la question de l'apprentissage et les questions de nouvelles plateformes et de la diversification de nos revenus font partie intégrante de cette planification stratégique.

Ce projet est déposé et débattu lors d'une rencontre que nous avons avec les représentants de Patrimoine canadien et, sur recommandation faite aux différentes autorités à Patrimoine canadien, une enveloppe nous est allouée.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Je pense qu'il doit y avoir une entente entre TV5 et Patrimoine canadien. Un autre sénateur a posé la question tout à l'heure, et je crois que vous avez mentionné les indicateurs de performance. Seraient-ils inclus dans l'entente? Vous parlez d'une entente de cinq ans; je pense que le gouvernement s'attend à ce que vous présentiez quelque chose au cours de cette période. Pourriez-vous nous en parler un peu? Quelles sont les attentes? D'après ce que vous dites, vous vous attendez à une autre enveloppe pour cinq ans.

Mme Gouin : Nous l'espérons.

La sénatrice Marshall : Je pense que cela dépend de la réalisation de ce qui était prévu dans l'entente précédente. Pourriez-vous nous parler un peu de vos indicateurs de performance?

Tout à l'heure, au début de nos discussions, nous disions que l'on ne s'attend pas à ce que vous remplaciez Radio- Canada, mais que vous fournissiez en quelque sorte un service complémentaire. Pourriez-vous nous parler des indicateurs de performance de haut niveau qui seraient précisés dans l'entente?

[Français]

Mme Gouin : L'entente de contribution que nous signons annuellement avec Patrimoine canadien contient effectivement des indicateurs de performance. Il est très important de noter que l'entente de contribution ne vise que la chaîne TV5 et non pas la chaîne UNIS. Je pense que c'est très important de le préciser.

Au sujet des indicateurs de performance que nous devons rencontrer, nous avons des indicateurs très précis au niveau de nos parts de marché, au niveau de la fréquentation de nos sites et de nos différentes plateformes. Nous devons aussi fournir des éléments comparatifs de performance avec des chaînes spécialisées comparables qui font partie de l'environnement d'évaluation de Patrimoine canadien. Chaque année, nous devons fournir un rapport très détaillé sur la performance de la chaîne selon ces indicateurs.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Nous achevons le cycle de cinq ans, et vous n'attendez pas la fin de l'entente pour examiner vos indicateurs de performance. Sans dévoiler de secrets d'État, pouvez-vous nous dire si vous êtes satisfaits? Vous devez surveiller les résultats. Êtes-vous satisfaits des chiffres que vous voyez jusqu'à maintenant?

[Français]

Mme Gouin : Madame la sénatrice, je pense que nous n'aurions pas de la part du gouvernement actuel les appuis que nous recevons si de façon annuelle nous n'avions pas pu améliorer de façon significative ces indicateurs. Sans dévoiler des succès d'entreprise, je peux vous dire que les argents qui sont remis à TV5 Québec Canada pour appuyer le développement de la chaîne TV5 font en sorte qu'au cours des dernières années, sur le plan de la visibilité et des contenus de la chaîne, ce sont des occasions uniques de renouvellement et de positionnement du gouvernement canadien dans son rayonnement des produits francophones, non seulement ici au Canada, mais aussi à l'extérieur du pays, grâce à notre partenariat avec TV5 Monde.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Durant les cinq années où vous avez reçu du financement, avez-vous reçu le même montant chaque année ou le montant a-t-il progressivement diminué ou augmenté?

[Français]

Mme Gouin : Avec Patrimoine canadien, nous bénéficions d'une enveloppe fixe de 2,3 millions de dollars, qui nous est remise à tous les ans. À la lumière du plan stratégique, il nous est possible de déposer des projets complémentaires pour lesquels il pourrait y avoir un intérêt de la part de Patrimoine canadien à nous appuyer dans la démarche d'exploration de faisabilité de ces projets. Donc nous avons reçu à des occasions des sommes supplémentaires qui visaient des projets complémentaires.

La sénatrice Chaput : On a déjà répondu à ma première question. Elle s'adressait à Mme Gouin. Cependant, je tiens quand même à mentionner que j'allais vous demander en quoi votre engagement envers les communautés francophone et acadienne est exceptionnel. Laissez-moi vous dire que vos réponses m'ont démontré qu'en effet, il est exceptionnel. Vous respectez le plan stratégique que vous avez présenté, vous respectez le fait qu'il y ait maintenant des bureaux régionaux pour nous, le comité que vous aviez mentionné est à être mis sur pied — si ce n'est pas terminé. J'ai rencontré une dame du Manitoba qui m'a dit qu'elle avait décidé de faire partie de ce comité. Vous nous dites aujourd'hui avoir reçu 14 projets dont 13 ont été acceptés. Le seul et unique qui a été refusé l'a été à la suite d'un simple détail technique. Je défends les droits des communautés de langue officielle en situation minoritaire depuis très longtemps et j'ai rarement été témoin d'une histoire à succès comme la vôtre. Non seulement cet engagement est exceptionnel, mais je tiens à vous dire publiquement que vous êtes une personne exceptionnelle, et je vous remercie.

Mme Gouin : Je vous remercie. Vous savez à quel point ce projet me tient à cœur. Pour moi, la francophonie canadienne n'est pas une vue de l'esprit, j'y crois profondément. Toute l'équipe de TV5 m'appuie inconditionnellement pour faire en sorte que ce projet se matérialise à la satisfaction de tous les intervenants.

La sénatrice Chaput : Ma deuxième question s'adresse à M. Beaudoin et elle a trait au site web Francolab, que je trouve fort intéressant, mais plus particulièrement au volet des enseignants. Ce service est présentement offert gratuitement sur Internet. À travers le Canada, certains collèges communautaires ou universités ont des ententes avec le gouvernement fédéral pour la formation en français des employés fédéraux. Croyez-vous que Francolab pourrait répondre à ces besoins également?

M. Beaudoin : Tout à fait.

La sénatrice Chaput : Est-ce disponible?

M. Beaudoin : Absolument. Notre équipe est petite, mais on a rencontré le maximum d'intervenants dans les dernières années par l'entremise des congrès organisés par l'ACPI ou l'Association des professeurs de langue seconde. On y croise entre autres des associations, des organisations et des collèges qui offrent ces programmes et, entre nous, on se fait des présentations pour stimuler l'utilisation de Francolab. On le propose comme étant une bonne ressource.

Dans nos stratégies de mise en marché, on travaille présentement à un plan directeur pour les prochains trois ans. Nous voulons présenter Francolab auprès de champions d'organismes ayant un besoin réel des produits Francolab. Nos produits sont disponibles gratuitement sur Internet. Nous voulons aussi faire connaître les produits payants que l'on veut rendre disponibles dans les prochaines années. L'exemple que vous mentionnez est à l'origine même de la création du centre de ressources Francolab.ca.

La sénatrice Chaput : Cela ne va-t-il pas permettre une certaine cohérence, si je peux m'exprimer ainsi, dans l'enseignement du français langue seconde à travers le Canada?

M. Beaudoin : Oui. Il y a un modèle européen de reconnaissance des niveaux, si vous voulez. Le cadre européen de référence fait en sorte que chaque personne ayant une connaissance intermédiaire du français sera évaluée et reconnue de la même façon. On pourra appliquer des tests normalisés. Francolab est développé dans ce sens pour faire en sorte que ces agences ou les collèges communautaires puissent utiliser Francolab dans un cadre qui est le leur.

La sénatrice Chaput : Je vous remercie.

La présidente : J'aimerais vous poser une question avant de passer au deuxième tour. Lorsque le CRTC vous a accordé cette licence pour TV5 UNIS, il a imposé certaines conditions de licence. Une des conditions est que vous devez consacrer 75 p. 100 de votre programmation à la distribution d'émissions canadiennes. Comment envisagez-vous cette exigence?

Mme Gouin : Cette exigence vient avec un privilège exceptionnel; ce ne sont pas toutes les chaînes qui ont la possibilité d'être en mode de distribution obligatoire. Avec cette obligation nous vient aussi une exigence sur laquelle nous travaillons de façon assidue à l'heure actuelle pour faire en sorte que, lorsque nous allons entrer en ondes, au début de l'automne 2014, nous puissions répondre à cette exigence. La barre est haute, on le sait, mais lorsque vous regardez les résultats de TV5 jusqu'à présent, nous avons toujours nous-mêmes mis la barre très haute dans toutes nos activités. Nous l'avons toujours dépassée et nous atteindrons cet objectif du CRTC de 75 p. 100 de contenu original canadien en langue française.

La présidente : Afin de respecter la diversité régionale, quel pourcentage de cette programmation sera consacré aux programmes à l'extérieur du Québec?

Mme Gouin : Tel que nous l'avons exprimé au CRTC, nous avons émis des seuils qui vont varier entre 40 et 60 p. 100 d'ici la fin de la licence de contenus qui seront soit produits ou coproduits, soit sur des sujets ou directement en production qui vont émaner de producteurs à l'extérieur du Québec tout au long des conditions de licence. Cependant, quand je vous dis de 40 à 60 p. 100, c'est important de tenir compte de la décision du CRTC; TV5 et TV5 UNIS doivent avoir 50 p. 100 de contenu canadien, nous devons consacrer 55 p. 100 de nos revenus à des contenus canadiens et c'est à la suite de cela que vous avez des déclinaisons sur la façon dont seront calculés les montants qui vont aller à la production à l'extérieur du Québec. Je ne veux pas vous ennuyer avec les détails, mais c'est très clair en termes des pourcentages qui iront à la production d'émissions produites à l'extérieur du Québec.

La présidente : Est-ce que ces pourcentages sont inscrits dans la décision du CRTC?

Mme Gouin : Oui, c'est très clair. Cela fait partie de la décision.

La présidente : Je vous remercie.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Au cours de notre étude sur les obligations de CBC/Radio-Canada, on a régulièrement entendu des citoyens et des organismes se plaindre que la société d'État n'était vraiment pas à l'écoute des besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire quant à la programmation qu'elle offrait. Je voudrais savoir si vous avez l'intention de consulter régulièrement, de consulter soit de manière formelle ou informelle les communautés francophone et acadienne en dehors du Québec?

Mme Gouin : Déjà, nous avons mis sur pied le comité consultatif qui s'est rencontré le 1er février, comité auquel nous avons déjà présenté les premières émissions sur lesquelles les producteurs sont en train de travailler. Déjà, une consultation se fait à ce niveau-là. De façon générale, sachez que tous les deux ans, si on ne parlait que de TV5, pour vraiment comprendre quelle est la réceptivité de nos produits, nous faisons des sondages et des groupes « focus » pour prendre le pouls à l'extérieur du Québec, le pouls de satisfaction. On le faisait déjà pour les opérations de TV5 et on va le refaire.

Je me suis engagée à rencontrer la présidente de la Fédération des communautés francophone et acadienne de façon ponctuelle pour la tenir au courant, elle aussi, de l'évolution de ce que nous faisons pour le projet de nouvelle chaîne.

Il est évident que je ne suis pas amateur de hockey. Si, une de mes priorités de visionnement de la chaîne était d'avoir des émissions de hockey, il est certain que nous allons déplaire à un certain pourcentage de téléspectateurs.

La nouvelle chaîne UNIS veut véritablement avoir un contenu généraliste, avec deux exceptions : il n'y aura pas de bulletin de nouvelles parce que c'est le mandat de Radio-Canada et de RDI — ce n'est pas du tout l'essence de la nouvelle chaîne UNIS — et il n'y aura pas de sport professionnel. Ce n'est pas parce que je n'aime pas le hockey, mais tout simplement parce que les droits sont prohibitifs. Si vous regardez la dernière entente signée entre la Ligue nationale de hockey et Rogers, il est évident que nous serions incapables d'aller de l'avant avec du sport professionnel.

Toutefois, à l'intérieur de cette chaîne spécialisée en termes de contenu, vous trouverez du contenu pour enfants parce que dans le sondage que nous avions déposé auprès du CRTC pour notre demande, il est clair que les parents veulent, pour l'apprentissage de la langue, avoir des contenus pour les jeunes, pour les tout-petits. Nous avons prévu consacrer deux heures de programmation jeunesse pour nous assurer que nous puissions satisfaire à ce besoin.

Il est certain que si vous aimez beaucoup l'économie, peut-être que nous ne vous satisferons pas avec deux heures d'émission pour enfants. Mais nous essayons de faire une grille qui soit la plus large possible en termes de disponibilité de contenu pour essayer de plaire à un large public de consommateurs de contenus et de télévision. Nous faisons de la télé pour des gens comme vous. Nous voulons vous intéresser par ce que vous aimez, vous êtes curieux et vous voulez apprendre. C'est fondamentalement la mission de la nouvelle chaîne UNIS comme c'est la mission de la chaîne TV5.

La sénatrice Charette-Poulin : Vous dites qu'un de vos mandats importants est la formation, mais ce n'est pas le mandat de Radio-Canada qui en est un d'information, de développement et de divertissement. Avez-vous des collaborations avec la Société Radio-Canada?

Mme Gouin : Il est évident que nous aurons des collaborations, mais à ce stade, il est très important de créer une signature distinctive de cette nouvelle chaîne UNIS. Je pense que tous les partenaires actuellement, qu'importe la chaîne, regardent à quoi va ressembler cette nouvelle chaîne.

Comme et TV5 et UNIS seront en distribution obligatoire à la base chez les télédistributeurs, il est très important qu'à ce stade, on ne retrouve pas des projets ou des émissions qui pourraient aussi se retrouver sur Radio-Canada. Dans un premier temps, c'est primordial. Quel serait l'intérêt des téléspectateurs de nous regarder et des télédistributeurs de nous donner des redevances pour des produits qui pourraient facilement se retrouver sur d'autres chaînes, mais dans un laps de temps très court?

Nous sommes très sensibles actuellement à créer une identité pour la nouvelle chaîne UNIS, avec des contenus qui seront vraiment pour l'instant des contenus originaux, mais il est clair que les budgets ne sont pas illimités. Vous retrouverez peut-être des émissions qui auront été diffusées sur d'autres chaînes, mais cela ne sera pas l'apanage de Radio-Canada. Ce seront des émissions qui n'auront pas été vues ou possiblement vues par l'ensemble des francophones et des francophiles partout à travers le pays.

La sénatrice Charette-Poulin : Monsieur Beaudoin, quand vous avez présenté le projet de Francolab, j'ai regardé attentivement la carte géographique du Canada et j'aimerais prêcher un peu pour ma paroisse.

M. Beaudoin : Allez-y.

La sénatrice Charette-Poulin : Je retrouve dans votre projet « Ça bouge au Canada » une absence complète dans le nord de l'Ontario. C'est pour quand, le Nord de l'Ontario?

M. Beaudoin : Effectivement. En fait, nous avions la possibilité d'aller vers une dizaine de régions. Malheureusement, nous n'avons pas pu tout couvrir. Ce n'est que partie remise.

Ce que je peux vous dire par contre, c'est que nous visons à avoir une quantité de contenu assez importante à travers nos productions pour être capables de couvrir toutes les régions. À travers le Fonds TV5, nous ne pourrons pas parler de toutes les initiatives de TV5 Québec Canada ici, mais le Fonds TV5 finance de jeunes créateurs en développement de séries web. C'est un fonds unique au Canada que nous avons lancé; nous en sommes à la sixième édition.

La première année, nous avons eu la chance d'avoir un projet qui s'appelait « Au nord de la Transcanadienne » présenté par une jeune créatrice de Toronto qui s'est tournée entièrement dans la ville de Hearst où elle a grandi, et cela a été un grand succès. Francolab a repris cette série. Elle est offerte accompagnée de fiches pédagogiques et cela comble le manque du projet « Ça bouge au Canada ».

La sénatrice Charette-Poulin : Je vous invite à aller faire un tour dans le nord de l'Ontario le plus tôt possible pour y découvrir toute sa richesse.

M. Beaudoin : Oui, c'est certain.

Le sénateur McIntyre : Madame Gouin, j'abonde dans la même direction que la sénatrice Chaput. Vous prenez votre travail très au sérieux et faites un excellent travail.

Je vous rassure immédiatement, ma question n'est pas une question piège, mais a plutôt pour but d'apporter certains éclaircissements concernant des craintes ou des préoccupations exprimées par d'autres corporations ou fédérations à la suite de la création de TV5.

Mme Gouin : De UNIS ou de TV5?

Le sénateur McIntyre : De TV5, TV5 UNIS.

Je comprends que deux projets ont été présentés devant le CRTC en août dernier pour la création d'une nouvelle chaîne, celle de TV5, TV5 UNIS et celui de la corporation ACCENTS. C'est finalement le vôtre qui a été approuvé. À la suite de cette annonce, dans une lettre adressée au CRTC, le président de la corporation ACCENTS a remis en question le choix du CRTC. De plus, je note que la conseillère du CRTC s'est montrée en désaccord avec l'ordonnance de distribution obligatoire annoncée à TV5 Québec Canada. Selon elle, ces services ne répondent pas aux critères de distribution obligatoire.

Je comprends également que la Fédération culturelle canadienne-française, mieux connue sous le nom de FCCF et l'Alliance des producteurs francophones du Canada (APFC) ont exprimé des craintes surtout de nature financière.

Comment réagissez-vous à ces craintes ou à ces préoccupations?

Mme Gouin : Je ne connais pas les fondements de la décision du CRTC. Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous en avons lu le résultat, résultat avec lequel nous travaillons d'arrache-pied — et quand je dis d'arrache-pied ce n'est peut-être pas le bon terme — pour nous assurer véritablement d'être en mesure de livrer un produit de qualité.

Il est évident que dans la décision du CRTC, nous avions demandé une redevance qui ne nous a pas été octroyée à la hauteur de ce que nous voulions. Elle représente un manque à gagner de cinq millions de dollars par année.

Nous avions un plan qui avait été déposé au CRTC. Nous avons revu tous nos processus, toutes nos façons de travailler pour minimiser nos dépenses pour que toutes les sommes que nous allons recevoir, les redevances de télédistribution, puissent être réinvesties dans le produit, à la production de l'émission et à sa mise en marché parce que c'est très important. On a beau faire de bonnes émissions, mais si personne n'est au courant, c'est un coup d'épée dans l'eau.

Vous allez me permettre une expression anglophone « the proof is in the pudding ». Le « pudding », nous sommes à le préparer et il devrait être prêt pour le début septembre.

Je ne peux pas, à ce stade-ci, continuer de me demander comment je vais répondre aux critiques.

Je pense que la meilleure preuve de ce que nous faisons, c'est la qualité de ce que nous allons mettre en ondes et la façon de le faire, c'est-à-dire toujours dans le respect des individus, le respect du milieu de la production et de sa capacité de le faire, et avec comme objectif principal de nous assurer véritablement que nous aurons des téléspectateurs qui seront ravis — peut-être d'autre moins — mais qui seront quand même heureux d'avoir cette nouvelle chaîne mise à leur disposition. Quand je parle des téléspectateurs, je parle des francophones, mais je vise aussi les francophiles, parce que, pour moi, c'est l'identité dans laquelle nous nous inscrivons.

La présidente : Madame Gouin, monsieur Beaudoin, au nom de tous les membres de ce comité, j'aimerais vous remercier de votre témoignage et de votre participation, lesquels seront certainement considérés dans l'avancement de nos travaux.

Je tiens à vous féliciter pour ce beau projet qu'est Francolab. Je suis allée le consulter sur le site web il y a quelques semaines. J'ai trouvé le contenu dynamique et intéressant. Il saura sûrement motiver l'apprenant et sera certes très apprécié des enseignants. Bravo!

Merci aussi d'avoir présenté votre vision de cette nouvelle chaîne TV5 UNIS. On sent votre passion, votre engagement et votre détermination à ce que ce projet soit une réussite. Nous vous souhaitons beaucoup de succès et espérons que vos projets auront un impact très positif sur nos communautés francophones partout au Canada.

Merci beaucoup de votre présentation ici aujourd'hui.

Mme Gouin : Merci, madame la présidente, mesdames les sénatrices, monsieur le sénateur.

La présidente : Honorables sénateurs, avec votre consentement, nous prendrons une courte pause pour poursuivre ensuite à huis clos.

(La séance est suspendue.)


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