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OLLO - Comité permanent

Langues officielles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 4 - Témoignages du 3 mars 2014


OTTAWA, le lundi 3 mars 2014

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 16 h 1, pour continuer son étude sur les impacts des changements récents au système d'immigration sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire; pour étudier les meilleures pratiques en matière de politique linguistique et d'apprentissage d'une langue seconde dans un contexte de dualité ou de pluralité linguistique; et pour étudier l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.

La sénatrice Andrée Champagne (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La vice-présidente : Honorables sénateurs, je déclare cette séance du Comité sénatorial permanent des langues officielles ouverte.

Je suis la sénatrice Andrée Champagne du Québec, et la vice-présidente de ce comité. Notre présidente ne pouvait malheureusement pas être des nôtres. Des problèmes d'ordre familial l'ont retenue en Alberta. Elle sera là demain, mais je présiderai la séance d'aujourd'hui.

Nous continuons notre étude sur les impacts des changements récents au système d'immigration sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Cet après-midi, nous recevons des témoins de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. La FCFA est un organisme national à but non lucratif, qui a pour rôle de défendre et de promouvoir les droits et les intérêts des francophones à l'extérieur du Québec.

Je vous présente Mme Marie-France Kenny, ainsi que Mme Suzanne Bossé. Les sénateurs voudront peut-être prendre une seconde pour se présenter, en commençant à ma gauche.

Le sénateur Oh : Victor Oh, Ontario

La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Suzanne Fortin-Duplessis, Québec.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Chaput : Maria Chaput, Manitoba.

Le sénateur Robichaud : Bonjour. Sénateur Fernand Robichaud, Saint-Louis-de-Kent, du Nouveau-Brunswick.

La vice-présidente : Je donne donc la parole à Mme Kenny, qui sera suivie par Mme Bossé. Je suis certaine que les sénateurs auront beaucoup de questions à poser par la suite.

Marie-France Kenny, présidente, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) : Puisque votre greffier m'a dit qu'il n'y avait pas de chronomètre, j'aimerais profiter de l'occasion pour réitérer le message qu'on véhicule depuis le début de la question sur la réforme du Sénat, et l'importance de ce comité, l'importance d'un Sénat et l'importance du travail que vous faites à titre de sénateurs. Et on l'a dit à plusieurs reprises dans les entrevues, quand on comparaît devant ce comité, on peut voir qu'il est vraiment axé sur le travail et non sur les chicanes politiques, ce qui est grandement apprécié. Et s'il y a des comités qui sont dysfonctionnels à certains endroits, celui-ci ne l'est certainement pas. Je vous en remercie.

Honorables sénatrices, honorables sénateurs, je vous remercie d'avoir invité la FCFA, la Fédération des communautés francophones et acadienne, à témoigner dans le cadre de votre étude des impacts des changements récents au système d'immigration sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Comme on vous l'a dit, je m'appelle Marie-France Kenny, je suis présidente de la FCFA, et je suis accompagnée aujourd'hui de notre directrice générale, Mme Suzanne Bossé.

J'aimerais tout d'abord vous dire que les enjeux en matière d'immigration francophone au sein de nos communautés sont nombreux et complexes. Je consacrerai donc les quelques minutes qui me sont imparties à vous brosser un portrait général. Nous offrons de soumettre à ce comité d'ici le 31 mars un mémoire plus détaillé.

L'engagement de la FCFA dans le dossier de l'immigration francophone ne date pas d'hier. Depuis maintenant 14 ans, la Fédération chapeaute, au niveau national, les efforts des communautés pour attirer, accueillir, recruter, intégrer et retenir des immigrants d'expression française. Elle encadre et appuie 13 réseaux en immigration francophone qu'on appelle aussi les « RIF ». D'un bout à l'autre du pays, ces réseaux rassemblent autour de l'immigrant, de sa famille et de la communauté qui l'accueille l'expertise de quelque 250 partenaires actifs dans divers aspects de l'accueil et de l'intégration.

Depuis 2013, la Fédération assure également la coordination communautaire de deux nouvelles structures nationales, soit la Table nationale de concertation communautaire en immigration francophone et le Comité directeur de Citoyenneté et Immigration Canada - Communautés francophones en situation minoritaire, qui est coprésidé par CIC et la communauté. C'est donc dire que nous avons suivi de près, au cours de la dernière année et demie, les changements au système d'immigration du Canada. Nous avons pris acte du virage vers l'immigration économique et, à plusieurs égards, nous avons adapté nos pratiques en conséquence. J'y reviendrai plus loin.

La FCFA reconnaît volontiers que les changements au système d'immigration créent des occasions pour nos communautés. Cependant, soyons très clairs, il ne faut pas confondre « opportunité » et « impact ». Passer de l'un à l'autre requiert des ingrédients qui, à l'heure actuelle, ne sont pas toujours présents.

La première de ces occasions est liée au fait que dans le cadre de plusieurs programmes d'immigration, plus de points sont maintenant accordés à la connaissance des langues officielles que pour tout autre critère de sélection. Je note d'ailleurs que la Feuille de route pour les langues officielles prévoit une enveloppe pour l'offre de formation linguistique aux immigrants économiques, en anglais et en français. Or, cette enveloppe ne bénéficiera à nos communautés que si les immigrants qui s'y installent ont accès à de la formation linguistique systématiquement, une formation qui répond à leurs besoins spécifiques.

Le nouveau système de déclaration d'intérêts a aussi retenu notre attention en ce qu'il permet de mieux jumeler un immigrant potentiel aux besoins nationaux et régionaux en matière de main-d'œuvre. Cependant, le ministère doit veiller à ce que le mécanisme comporte une lentille pour assurer une reconnaissance des réalités et des besoins de nos communautés.

C'est d'ailleurs vrai pour plusieurs des nouvelles initiatives en matière d'immigration qui devront comporter des mesures positives supplémentaires ciblant les immigrants d'expression française et les communautés qui les accueillent.

Je tiens cependant à vous parler de l'exemption d'avis relatif au marché du travail, cet outil qui permet de faciliter et d'accélérer le recrutement de travailleurs qualifiés qui s'installeront au sein des communautés francophones en situation minoritaire et cela, nous tenons à le noter. Cela fait d'ailleurs partie des renseignements donnés aux employeurs lors des tournées de liaison visant à les informer sur les possibilités de recruter une main-d'œuvre francophone et bilingue à l'étranger. Ces tournées sont coordonnées depuis l'an dernier par la FCFA et les Réseaux en immigration francophone, en partenariat avec les ambassades du Canada à l'étranger, et plusieurs autres collaborateurs. Les deux tournées de 2013 ont permis de mobiliser quelque 370 employeurs et autres intervenants économiques, tant francophones qu'anglophones.

Voilà un exemple éloquent de la façon dont nous adaptons nos pratiques. Dans le cas des tournées, nous le faisons parce que le nouveau système d'immigration accorde un plus grand rôle aux gouvernements provinciaux et territoriaux et aux employeurs.

En conséquence, nos communautés doivent absolument être présentes pour mobiliser et accompagner ces acteurs, ainsi que d'autres intervenants comme les municipalités, afin qu'ils favorisent l'immigration francophone.

Nous prenons acte des changements au système d'immigration et nous adaptons plusieurs de nos pratiques en conséquence, mais je tiens à apporter un bémol important; tout en travaillant à l'intérieur de ce nouveau système d'immigration, nous avons la responsabilité collective de ne pas perdre de vue l'importance de l'immigration pour la pérennité des communautés de langue française en situation minoritaire.

Au cours des 14 dernières années, nous nous sommes donné conjointement des objectifs et des paramètres et nous devons travailler en continuité et non en rupture avec ceux-ci. Je pense entre autres à la cible annuelle d'au moins 4,4 p. 100 d'immigrants de langue française d'ici 2023, établie conjointement en 2006 par Citoyenneté et Immigration Canada et les communautés. Le ministère a d'ailleurs annoncé une nouvelle cible de 4 p. 100 d'immigrants économiques d'expression française d'ici 2018.

Je pense aussi aux défis précis reliés à l'accueil et à l'intégration des immigrants d'expression française qui s'installent en milieu minoritaire. Ils ont beau être des travailleurs et des investisseurs, ils sont aussi des individus, des familles, des futurs citoyens qui ont besoin de services en matière d'éducation, de culture, de santé. D'où l'importance de continuer à consolider et à renforcer la capacité des services d'accueil de langue française qui ont été mis en place dans nos communautés au cours de la dernière décennie.

Avant de clore ma présentation et de répondre à vos questions, j'aimerais proposer quatre recommandations pour le rapport qui suivra votre étude. Premièrement, qu'il y ait une approche concertée et coordonnée au niveau interministériel et intergouvernemental en matière d'immigration francophone; deuxièmement, que l'on consulte les communautés francophones en situation minoritaire par rapport aux changements au système d'immigration, tant ceux qui sont déjà en place que ceux qui restent à venir dans l'optique d'assurer le maintien d'une approche par et pour les communautés; troisièmement, veiller à ce que les nouveaux outils et mécanismes soient assortis d'une lentille de mesures spécifiques ou d'initiatives ciblées pour l'immigration francophone; et, enfin, que des mesures ciblées vers l'immigration au sein de nos communautés soient mises en place, qu'il s'agisse de l'accès à la formation linguistique, de l'évaluation des compétences linguistiques ou de la reconnaissance des titres de compétence.

Je vous remercie et je suis prête à répondre à vos questions.

La vice-présidente : Madame Bossé, désirez-vous prendre la parole?

Suzanne Bossé, directrice générale, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) : Non merci, ça va.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Madame Kenny, madame Bossé, c'est toujours un grand plaisir de vous recevoir devant notre comité. Vous avez un côté positif que j'apprécie énormément, malgré toutes les tourmentes que vous pouvez constater dans le pays.

La semaine dernière, notre comité a reçu deux groupes représentant des communautés anglophones du Québec et nous abordions le même sujet de l'immigration au sein des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Nous avons largement discuté des différences entre l'attraction et la rétention de nouveaux arrivants. Pour ce qui est de l'immigration francophone en milieu minoritaire à travers le pays, avez-vous observé une plus grande difficulté à attirer des nouveaux arrivants francophones ou avez-vous des difficultés à bien les retenir?

Mme Kenny : C'est une bonne question et je dois dire que n'étant pas sur le terrain, c'est un peu difficile pour moi d'y répondre. Il y a des défis aux deux niveaux; le défi concernant l'attraction, c'est-à-dire qu'il faut s'assurer qu'on a des emplois aussi. Il y a donc le recrutement en soi pour jumeler les travailleurs aux postes disponibles, mais il faut aussi faire comprendre aux employeurs, qui sont largement anglophones dans nos communautés, qu'un francophone qui vient s'installer chez nous parle habituellement les deux langues et que, sinon, la formation linguistique est offerte, et qu'il n'y aura donc pas de défi lié à la langue.

Il faut aussi s'assurer de mettre en place les mécanismes afin que ces employeurs qui recrutent à l'étranger sachent qu'il y a tout un réseau d'immigration francophone. Il y en a un dans chacune des provinces et des territoires; on parle donc de 13 réseaux bien installés qui offrent un accompagnement complet aux familles, que ce soit l'accès à l'emploi pour les conjoints, l'éducation et le volet culturel. Il y a souvent même des jumelages et il y a même des provinces où on va accueillir les gens à l'aéroport à leur arrivée. Ce soutien est offert dans nos communautés.

Le défi est premièrement de veiller à ce que les immigrants se joignent à nos réseaux, donc qu'on les achemine vers les réseaux francophones dans le cas des employeurs qui vont recruter à l'étranger. C'est pour ça qu'on effectue une tournée de liaisons avec les ambassades et les communautés. Les réseaux en immigration francophone sont coordonnés par la FCFA. Ils sont là pour sensibiliser les employeurs au fait que les francophones peuvent les aider et qu'en les aidant, on peut attirer quelqu'un. Nous nous assurons donc de les accompagner pour qu'ils restent.

Mme Bossé : C'est une excellente question qui comporte, comme tout le dossier de l'immigration, certaines complexités aussi. Je pense qu'on peut parler d'attraction, oui, mais l'attraction, ça suppose la promotion. Je dirais qu'au niveau de la promotion de nos communautés francophones et acadienne comme terre d'accueil, il y a encore beaucoup à faire. Quand on examine le volet interministériel, comme le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, un travail beaucoup plus étroit avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international serait requis, entre autres choses, pour que nos communautés bénéficient d'une bonne promotion en ce qui concerne les postes à l'étranger. Il y a encore beaucoup à faire de ce côté.

En ce qui a trait à la rétention, les difficultés sont souvent de deux ordres. Mme Kenny a effectivement parlé des employeurs. Les employeurs anglophones en particulier ne connaissent pas bien nos communautés et ont demandé clairement que nos Réseaux en immigration francophone, nos organismes porte-paroles, nos organismes sur le terrain, puissent accompagner les immigrants à leur arrivée, et puissent accompagner ces employeurs. Parce que si les immigrants arrivent chez nous et qu'ils ne sont pas bien aiguillés vers des services en français, ils vont partir. Les employeurs sont ceux qui investissent dans tous ces efforts de recrutement et c'est coûteux, alors ils nous ont clairement indiqué qu'ils comptaient sur les communautés pour les appuyer dans ce sens.

Bien entendu, ça suppose aussi l'existence des services en français dans nos communautés, qu'il s'agisse d'éducation, de santé, d'appui à l'employabilité. Ces services en français deviennent de plus en plus essentiels. Ils l'étaient déjà, mais au niveau de la rétention, c'est tout à fait nécessaire.

La sénatrice Fortin-Duplessis : J'aimerais poser une deuxième question.

Avez-vous constaté des raisons autres que législatives ou réglementaires qui découragent l'immigration francophone auprès des communautés en situation minoritaire?

Autrement dit, y a-t-il des raisons qui découragent l'immigration francophone au sein des communautés en situation minoritaire sur lesquelles le gouvernement n'a aucune possibilité d'agir?

Par exemple, si un Nord-Africain voulait immigrer au Canada, si on l'envoyait au Yukon il aurait de la difficulté; le froid pourrait le rebuter. C'est un exemple que je donne; je ne veux pas que vous pensiez que je suis raciste parce que je prends cet exemple.

Mme Kenny : Le défi n'est pas tant le climat, parce que lorsqu'on fait la promotion et qu'on effectue le recrutement, on avertit les gens; on leur dit qu'en Saskatchewan, chez moi, il fait -40 º l'hiver. Je dois vous avouer que c'est un peu moins froid que l'humidité d'Ottawa, mais on le leur dit néanmoins. On ne leur cache pas ces choses. On leur parle du coût de la vie et des situations dans chacune des provinces et chacun des territoires pour qu'ils puissent faire des choix éclairés. On leur dit que s'ils cherchent une qualité de vie ou un rythme de vie tels ceux de Paris, il ne faut pas aller à Ponteix en Saskatchewan; qu'il faut plutôt aller vers Toronto ou Vancouver. Nous avons ces discussions avec les gens.

L'immigration est largement régie par les provinces.

Dans chaque province, on a un programme de candidats et si la province n'offre pas le soutien à la communauté pour faire cette promotion et ce recrutement, ce n'est tout simplement pas fait. Destination Canada, une initiative de Citoyenneté et Immigration Canada, est certes un bon outil à l'ambassade de Paris. On va aussi vers Bruxelles et maintenant vers la Tunisie. Il y en a jusqu'à l'île Maurice, sauf que ce sont des employeurs, lesquels ne bénéficieront plus dorénavant des communautés pour les accompagner, ce qui amène un certain défi. Ayant moi-même participé à Destination Canada pour la fédération il y a quelques années, je me suis rendu compte, en faisant le tour des employeurs, que peu connaissaient l'aide et l'accompagnement que les réseaux en immigration peuvent fournir. C'est l'un des défis auxquels nous avons été confrontés et il nous a fallu les en informer.

L'autre problème, c'est la reconnaissance des compétences. Si les titres de compétence des gens qui veulent venir ne sont pas reconnus, ça pose un grand défi au niveau de l'emploi. Vous le savez : sans emploi, l'intégration est difficile.

Ce sont les deux éléments, je vous dirais.

L'Ontario s'est fixé une cible, le Manitoba également, mais dans les autres provinces, il n'y a pas de cible pour l'immigration francophone et il y a parfois peu ou pas de moyens. Cependant, je vous dirais que dans la majorité des provinces, il y a certains moyens pour l'immigration. La conférence ministérielle s'est d'ailleurs penchée sur tout le dossier de l'immigration. Ce sont les ministres responsables des affaires francophones dans les provinces et territoires ainsi que le ministre du Patrimoine canadien qui assistent à la conférence. Ça ne veut pas dire, par contre, qu'ils ont réglé tous les problèmes et qu'ils ont ouvert tout grand les bras à l'immigration francophone. Ils ont investi dans la recherche sur l'immigration, mais pas sur l'ouverture, si on veut.

La sénatrice Chaput : Bienvenue, mesdames. Comme vous le savez, le comité étudie présentement les impacts des changements récents au système d'immigration sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Vous avez dit, lors de votre présentation, madame la présidente, que vous suivez de près les changements récents apportés au système d'immigration en termes d'opportunités et d'impact. Seriez-vous en mesure de me donner quelques exemples, peut-être les plus importants, de ces changements en termes d'opportunités et d'impact? J'imagine que certains sont positifs et d'autres négatifs; êtes-vous en mesure de nous donner certains exemples?

Mme Kenny : Tout ce qui concerne l'exemption de l'avis relatif au marché du travail est positif. Actuellement, si vous désirez engager un immigrant anglophone, disons en Alberta, vous devez faire un avis relatif au marché, donc vous devez regarder sur le marché s'il n'y a pas déjà des gens qui peuvent répondre à ces besoins. En matière d'immigration francophone, on a une exemption; donc, dès que vous avez trouvé une personne francophone pour l'emploi, vous serez exempté de faire cette recherche.

C'est très certainement positif et ça accélère le processus pour des employeurs qui veulent embaucher des immigrants francophones dans les provinces et territoires à l'extérieur du Québec. Ceci est très certainement positif et, d'ailleurs, c'est un argument que l'on fait valoir lors de la tournée de sensibilisation des employeurs.

Maintenant, je ne vous dirais pas que c'est négatif comme tel, sauf qu'il y a encore un peu de flou dans le cadre de certains mécanismes qui doivent être mis en place. S'agissant de la déclaration d'intérêt, les mécanismes ne sont pas encore en place, donc on n'a pas d'information, Nous, évidemment, nous voulons travailler et nous travaillons très bien avec Citoyenneté et Immigration Canada. Nous avons un bon partenariat, mais comme l'outil n'est pas encore développé, nous voudrions participer à l'élaboration de l'outil pour nous assurer justement qu'il y ait une lentille francophone, et qu'on prendra en compte les besoins et les réalités des communautés.

La sénatrice Chaput : Quelle est la définition de la demande d'intérêt? Les outils, qu'est-ce que c'est exactement?

Mme Bossé : Il s'agit en fait d'une base de données qui permettra de jumeler les candidats à l'immigration avec les emplois disponibles. Donc, les employeurs, les gouvernements provinciaux et territoriaux auront accès à cette base de données pour rechercher des travailleurs qualifiés qui répondraient aux besoins en main-d'œuvre.

La sénatrice Chaput : Est-ce qu'elle est déjà élaborée, cette banque de données?

Mme Bossé : Elle est en train d'être élaborée. Elle serait activée en janvier 2015.

La sénatrice Chaput : Et qui en est responsable? Citoyenneté et Immigration Canada?

Mme Bossé : Oui.

La sénatrice Chaput : En partenariat avec les provinces? Ou en consultation?

Mme Bossé : Ce serait préférable de le leur demander directement parce que je ne suis pas certaine, mais à ma connaissance, ils doivent fonctionner avec Emploi et Développement social Canada. Il y a des consultations qui se font dans certaines villes canadiennes, les employeurs sont consultés, et j'imagine que le même travail se fait auprès des gouvernements provinciaux et territoriaux.

La sénatrice Chaput : Y a-t-il eu un impact sur les universitaires qui viennent de l'international, soit au niveau du recrutement ou de l'acceptation, à la suite de ces changements? Avez-vous entendu parler d'un processus plus élaboré ou plus compliqué?

Mme Kenny : Pas plus élaboré ni compliqué. Je vous dirais que chaque province et territoire a modifié certaines règles au fil du temps, en se rendant compte que les jeunes qui viennent étudier ici ont tendance à rester.

La sénatrice Chaput : Oui.

Mme Kenny : On leur a offert des opportunités dont ils ne bénéficiaient pas auparavant, soit en les faisant travailler sur le campus ou à l'extérieur du campus afin qu'ils puissent acquérir de l'expérience et pour leur permettre d'accumuler davantage de points lors de la demande.

L'une des choses qu'on a remarquées concernant les étudiants de l'international, et j'en parlais d'ailleurs dernièrement à l'ambassade du Canada au Sénégal, c'est que l'on n'a pas ciblé les pays de l'Afrique du Sud. On a ciblé certains pays, mais certains autres n'ont pas été ciblés. Cela n'empêche pas, néanmoins, qu'il se fait du travail. J'étais au Sénégal le mois passé pour assister à des rencontres avec l'Organisation internationale de la Francophonie et on m'a dit qu'il y avait un grand groupe de représentants d'universités et de collèges communautaires francophones de nos communautés qui venait de passer et qui se rendait en Côte d'Ivoire par la suite. Ce ne sont pas des pays ciblés comme étant prioritaires; n'empêche, il y a quand même du travail qui se fait à ce niveau.

Le sénateur Robichaud : Vous avez dit qu'il y avait une exemption pour certains immigrants, que vous n'êtes pas obligés de vérifier s'il y a vraiment un emploi pour cette personne; ai-je bien compris?

Mme Kenny : C'est le contraire. En fait, disons que j'ai une entreprise de traduction et que je suis à la recherche d'un traducteur. À l'heure actuelle, je dois aller vérifier s'il y a des traducteurs disponibles dans ma région. Quand on fait de l'immigration francophone, pour une situation identique, on n'a pas à faire cette vérification si on a trouvé un traducteur francophone à l'international. Nous n'avons plus besoin d'aller vérifier s'il y a d'autres traducteurs dans la région, nous allons accorder la priorité à ce traducteur parce qu'il est francophone.

Donc, quand il s'agit des francophones, à l'extérieur du Québec, on n'a pas besoin de faire cette recherche. C'est une étude pour déterminer s'il y a des gens actuellement sur le marché qui pourraient pourvoir à ce poste.

Le sénateur McIntyre : Mesdames, merci pour votre présentation. Je remarque que votre fédération a été fondée en 1975.

C'est un organisme à but non lucratif qui regroupe 21 organismes, porte-parole de neuf provinces et des trois territoires, ainsi que de neuf organismes nationaux ayant le statut de membres associés. Félicitations pour votre beau travail!

Cela dit, j'aimerais aborder avec vous la question de modifications de nature linguistique concernant la sélection des immigrants. Depuis plusieurs années, le gouvernement fédéral a annoncé plusieurs modifications concernant la sélection de ces immigrants; des modifications de nature financière, de nature linguistique ou de nature générale.

En ce qui concerne les modifications de nature linguistique, je remarque que le gouvernement met l'accent de façon plus importante ou plus accélérée sur la maîtrise d'au moins une des deux langues officielles. Le projet de loi C-24, présenté à la Chambre des communes en février dernier et qui en est présentement à l'étape de la première lecture à la Chambre des communes, est un projet de loi ayant pour but de modifier la Loi sur la citoyenneté.

Je lisais dernièrement qu'on retrouve au projet de loi deux modifications. Pour ce qui est de la première modification, le projet de loi propose d'exiger aux demandeurs de la citoyenneté qu'ils démontrent, dans l'une des deux langues officielles, leur connaissance du Canada, des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté. Dans la deuxième modification, le projet de loi propose d'étendre aux personnes de 14 à 64 ans l'exigence concernant la connaissance suffisante de l'une des langues officielles. Comme vous le savez, cette exigence est présentement imposée aux résidents de 18 à 54 ans qui désirent obtenir leur citoyenneté.

Selon vous, les changements apportés par le gouvernement à l'égard de l'évaluation des compétences linguistiques dans la sélection des immigrants sont-ils une bonne chose pour nos communautés francophones et acadienne en situation minoritaire?

Mme Kenny : C'est un très bon point qu'il faille démontrer la connaissance de l'une ou l'autre des deux langues officielles. Il n'y a pas plus de points accordés selon qu'on parle anglais ou français; c'est vraiment égal. Évidemment, si on parle les deux langues, c'est encore mieux. L'accès à la formation linguistique est l'un des défis. Dans le cadre de la Feuille de route sont consacrés, je crois, 121 ou 126 millions de dollars pour la formation linguistique relative à l'immigration.

On sait que les nouveaux arrivants francophones auront besoin de formation en langue anglaise dans nos provinces puisqu'ils devront aller à la banque et aller à l'épicerie en anglais, et cetera. Mais on sait aussi qu'il faut s'assurer d'offrir systématiquement la formation en français, que ce soit aux anglophones ou aux gens qui ne parlent pas déjà français, parce que sinon, ce ne sont pas des sommes d'argent qui vont profiter à l'ensemble de nos communautés. Si on doit offrir une formation linguistique et qu'on veut vraiment qu'elle profite aux communautés francophones et acadienne dans nos communautés, il faut s'assurer que cette formation soit donnée par l'entremise des institutions en place, que ce soit pour la formation en anglais ou en français. Il est toutefois certain qu'avec ce changement, si on ne parle que français et qu'on veut aller en Alberta ou en Colombie-Britannique, on a le même nombre de points qu'un anglophone qui veut aller en Alberta ou en Colombie-Britannique.

Le sénateur McIntyre : J'aimerais poser une deuxième question. J'aimerais aborder la question de la stratégie provinciale en matière d'immigration francophone. Je comprends que des provinces ont déjà élaboré une stratégie provinciale dans ce sens. Je comprends également que le Manitoba et, plus récemment, l'Ontario se sont fixé une cible de 7 p. 100 et de 5 p. 100, respectivement, en matière d'immigration francophone. Je comprends également que le Nouveau-Brunswick, ma province natale, travaille présentement à l'élaboration d'une stratégie à cet égard, mais que les autres provinces et territoires n'en ont pas. D'ailleurs, je remarque également qu'en novembre 2012, si je ne m'abuse, votre association a déploré ce fait. Y a-t-il eu des changements depuis cette date, donc depuis novembre 2012?

Mme Kenny : Non, il n'y en a pas eu. Certaines des provinces ou certains des territoires ont des stratégies, mais personne d'autre ne s'est fixé une cible. On n'a pas de stratégie nationale, non plus. Le gouvernement fédéral peut se donner des cibles, ce qui est très louable et c'est ce qu'on vise, sauf que lorsque des provinces telles l'Alberta, la Saskatchewan ou l'Île-du-Prince-Édouard ne se sont pas dotées de cibles et qu'on sait que le premier point d'entrée est le programme des candidats dans les provinces et territoires, ce n'est pas évident.

Il y a une ouverture dans certaines provinces. Je ne vous cacherai pas qu'il y a de plus grandes ouvertures dans certaines provinces que dans d'autres, mais c'est un défi pour nous qu'il n'y ait pas de stratégie nationale, intergouvernementale ou une stratégie provenant de l'ensemble des gouvernements provinciaux et territoriaux.

La sénatrice Poirier : Merci pour votre présentation. J'ai quelques questions à vous poser. J'imagine que plusieurs des défis qui se présentent à travers le Canada sont semblables. Il doit toutefois y avoir certains endroits ou certaines communautés pour lesquels, en ce qui a trait à l'immigration, quand vient le temps d'aller chercher des immigrants et de les retenir, certaines de ces communautés ou de ces provinces ont plus de succès que d'autres et jouent un rôle, en somme, de leadership dans ce domaine. Pourriez-vous partager avec nous ce qu'ils font de différent?

Mme Kenny : C'est difficile parce que chaque réseau en immigration répond aux besoins de sa communauté. Ça fonctionne différemment dans chacune des provinces et dans chacun des territoires. On parlait tantôt des Territoires du Nord-Ouest; les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon sont des provinces qui réussissent à attirer des immigrants à cause de la nature et des gens qui veulent faire l'expérience de cette nature. Le Manitoba connaît un franc succès depuis le début de son programme d'immigration. Mais on voit de plus en plus des provinces comme la Saskatchewan se démarquer parce qu'elles ont compris qu'elles ne pouvaient pas aller juste à Paris. Parce que Paris, ce n'est pas tout à fait la Saskatchewan, on s'entend. Elles ont donc décidé d'aller à d'autres endroits et elles ont établi des partenariats avec des régions comme l'île Maurice. Chaque province ou territoire obtient son lot de succès. Le Nouveau-Brunswick est doté d'un ministère ou d'un programme au sein d'un ministère qui ne s'occupe que de l'immigration francophone et il est certain que ça a un impact; on se rend jusqu'en Roumanie et partout. Dans certaines autres provinces, c'est une ou deux personnes qui, parfois, travaillent à l'immigration au sein des ministères provinciaux et territoriaux à temps partiel. Il est certain que dans ces cas, ça n'a pas le même impact qu'au Nouveau-Brunswick. En Ontario, on est très fort aussi au niveau de la composante francophone au sein du ministère responsable de l'immigration. Ça dépend aussi de la volonté du gouvernement provincial de travailler avec sa communauté. Et s'il y a des défis à certains endroits, je vous dirais que pour la grande majorité on remarque des avancées. Le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, l'Ontario, la Saskatchewan, c'est bon; le Yukon réussit à aller chercher un bon pourcentage d'immigrants justement grâce à ce grand et vaste territoire et grâce à la nature. C'est la même chose pour les Territoires du Nord-Ouest.

La sénatrice Poirier : Au cours des dernières années, compte tenu du nombre d'immigrants qui viennent au Canada et du nombre de migrants qui sont au Canada et qui se déplacent d'un endroit à l'autre, où diriez-vous que ça bouge le plus?

Mme Kenny : Au niveau de l'immigration ou de la migration? Parce qu'on voit les deux phénomènes, particulièrement dans l'Ouest, par exemple à Fort McMurray. Il y a la Saskatchewan; effectivement, la Saskatchewan connaît un boom économique. J'ai pris l'avion pour Edmonton cet automne et je vous dirais que les deux tiers des passagers de l'avion étaient des francophones qui partaient à bord d'un vol Montréal-Edmonton. Quand je repars chez moi, c'est la même chose. Il y a ce phénomène de migration des travailleurs vers l'Ouest canadien où il y a ce boom économique dans des provinces comme la Saskatchewan, ainsi qu'au Manitoba, de plus en plus. On l'entend dans les avions et on le voit.

Il y a ce phénomène dans les provinces de l'Ouest, au niveau de l'Ontario, très certainement, et au niveau de l'Alberta, beaucoup — pas juste de la migration mais de l'immigration.

La sénatrice Poirier : Je suis certaine que la création d'emploi qui a lieu dans cette partie du pays attire des francophones de l'est du Canada, y compris du Québec, qui migrent vers cette région; cela aura certainement un impact dans les années à venir également.

Mme Bossé : Je voudrais ajouter que, en fait, un des défis actuels liés à la migration est que nous avons beaucoup de travailleurs temporaires et d'étudiants internationaux dans nos communautés, et il faut savoir que ces personnes n'ont pas accès à l'ensemble des services d'établissement. Il y a des catégories qui y ont accès, d'autres pas. Maintenant, ce qui est très positif pour nous c'est que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration est en train actuellement d'explorer la possibilité d'ouvrir l'accès à ces services. Il y a eu une grande conférence nationale en novembre dernier, qui avait pour titre Vision 2020, pour déterminer comment et pourquoi il serait important d'ouvrir l'accès à ces services. Il est certain que, de notre côté, cela fait des années que nous demandons à ce que les travailleurs temporaires et les immigrants temporaires de toutes catégories puissent y avoir accès, car c'est aussi une façon de les retenir, et il est plus facile de les retenir que de les recruter.

La sénatrice Charette-Poulin : Mesdames, merci d'être ici. C'est une discussion drôlement intéressante et importante pour l'avenir de nos communautés francophones. Madame Kenny, vous avez parlé du boom. Ça m'a fait penser au développement du nord de l'Ontario, car mes grands-parents et mes parents m'ont souvent parlé du boom du début du XXe siècle, justement, quand tous les migrants du Québec se sont vraiment installés dans le Nord de l'Ontario et en ont fondé une communauté francophone aussi vivante, telle qu'à ce jour, grâce justement à ce boom, dû à l'exploitation des ressources naturelles dans les domaines forestier et minier. Je pense que d'étudier les booms économiques aujourd'hui est très important.

Selon vos études, quelles sont les industries au pays qui sont à la recherche du plus grand nombre d'immigrants possible pour, justement, remplir les postes disponibles dans les 9 provinces, je dirais même dans les 10 provinces et territoires? Je n'ai pas vu ces données, je me demandais si vous y aviez accès.

Mme Kenny : Je vous dirais que, quand on accompagne les employeurs à des foires comme Destination Canada, ce qui est en demande se sont tous les métiers : soudeurs, plombiers, mécaniciens, électriciens. Quant aux métiers, il y a évidemment des professionnels, que ce soit en gestion, en informatique, en comptabilité. Dans nos communautés, nos garderies, nos écoles, on a également besoin de professeurs, d'éducateurs francophones, et on ne réussit pas à en avoir assez. Donc c'est certain qu'on se tourne vers l'immigration.

Dans une des garderies, chez moi, à part trois éducateurs sur une vingtaine, ce sont tous des immigrants.

La sénatrice Charette-Poulin : Vous avez deviné ma deuxième question. Vous avez parlé de reconnaissance des compétences, et on sait justement, si ma mémoire est fidèle que la reconnaissance des compétences exige une collaboration avec les associations professionnelles, que ce soit en soins de santé, dans le domaine judiciaire, en génie, en comptabilité, en informatique, en éducation, bref dans tous les domaines.

Sentez-vous qu'il y a eu du progrès au cours des 25 dernières années au chapitre de la reconnaissance des compétences? Deuxièmement, est-ce qu'il y a des programmes gouvernementaux qui aident les individus à répondre aux exigences, par exemple s'il s'agit d'un francophone qui veut aller travailler à Sudbury comme ingénieur en infrastructure? Est-ce qu'il y a des programmes gouvernementaux qui facilitent cette démarche?

Mme Kenny : À ma connaissance, honnêtement, et je m'y connais très peu, je ne penserais pas. Il y a certains programmes qui visent à mettre certains éléments à niveau mais pas à amener la personne complètement jusqu'au niveau. Suzanne peut très certainement en dire plus.

Mme Bossé : Le ministère de l'Emploi et du Développement social, auparavant le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, a investi beaucoup de temps et d'efforts pour travailler avec les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi qu'avec les associations professionnelles. Entre autres choses, ce ministère a également appuyé le consortium national de formation en soins de santé pour que des formulaires, des questionnaires soient traduits en français, pour que les candidats à des postes dans nos hôpitaux ou dans nos centres de santé puissent justement présenter leur candidature en bonne et due forme, car ils ne pouvaient pas le faire en anglais. Il y a des programmes, mais très, très peu. Par contre, celui-ci a très bien fonctionné.

La sénatrice Charette-Poulin : Est-ce qu'il y a eu une évolution au cours des 25 dernières années?

Mme Bossé : Les associations professionnelles sont aussi difficiles à percer dans nos communautés qu'au Québec. C'est toujours un énorme défi. Et, très certainement, nos interventions portent davantage chez Emploi et Développement social Canada de sorte que les professions visées répondent aussi aux besoins dans nos communautés : le domaine scolaire entre autres, les soins de santé; ça c'est très important.

D'autres programmes peuvent aussi y contribuer, comme des programmes d'Industrie Canada dans les agences régionales de développement économique, qui peuvent appuyer des groupes, par exemple, de femmes immigrantes qui se rassemblent et créent une coopérative en Nouvelle-Écosse. C'est un exemple.

Au Manitoba, autre exemple, il y a un très grand besoin de garderies francophones professionnelles. Reconnaissant ce besoin, les organismes se sont associés à l'Université du Manitoba pour créer un programme de formation s'adressant aux professionnels qui travaillent dans les garderies. C'est donc davantage à la pièce que systématique, selon les besoins reconnus dans chaque province et territoire.

Le sénateur Robichaud : Au chapitre de l'accueil donné par les communautés canadiennes, quelle sorte de coopération recevez-vous lorsqu'il s'agit d'entrer dans tout ce processus d'intégration des personnes immigrantes?

Mme Kenny : D'abord, quand on sait qu'une personne va arriver dans notre communauté, évidemment on établit ce premier contact avant même qu'elle arrive. Si la personne a été recrutée dans le cadre de Destination Canada, par exemple, on sait qu'elle va venir, donc on échange nos coordonnées. Souvent, dans certaines provinces, comme je vous le disais, j'ai moi-même été accueillir des gens à l'aéroport. Il y a tout un accompagnement pour les aider à trouver un logement. Parfois ils vont loger chez des gens dans la communauté en attendant. On va les jumeler à une famille semblable à la leur — une famille qui a des enfants, s'ils ont des enfants eux-mêmes — pour cet accompagnement. On va essayer de trouver un emploi au conjoint, appuyer l'inscription des enfants à l'école. Il y a tout ce qui est culturel également. Cet accompagnement se fait pendant plusieurs mois. Ce n'est pas du genre : « on vous accueille, on vous installe dans un logement et au revoir ». On va les faire participer à des activités communautaires, leur faire rencontrer des gens de la communauté. Dès l'inscription des enfants à l'école, il se crée tout un réseau, chez les enfants, les parents des enfants, et cetera. Donc, il y a un accompagnement très présent quand on sait qu'ils sont là.

Mme Bossé : Effectivement, les services d'accueil et d'établissement existent dans nos communautés. Par contre, ils ont un très grand besoin d'être renforcés. Nous nous investissons dans les enjeux de l'immigration seulement depuis le début des années 2000; il s'agit d'un dossier assez récent pour nous. Il y a également l'importance du « par et pour » : par nos communautés, pour nos communautés, dans le sens où il est très important que les investissements du gouvernement canadien, des gouvernements provinciaux et territoriaux soient dirigés vers nos organismes, nos centres d'accueil et d'établissement plutôt que pour l'embauche d'une personne bilingue dans un centre d'accueil qui existe déjà pour nos collègues anglophones. Renforcer ces centres d'accueil et d'établissement sera certainement pour nous une priorité dans les mois à venir. C'est une chose de recruter les immigrants, mais c'est autre chose de les accueillir, de nous assurer qu'ils sont bien intégrés sur le plan économique et social et qu'ils vont demeurer dans nos communautés. Il existe des collaborations à l'arrivée des immigrants dans certaines de nos communautés où des centres d'accueil anglophones vont orienter les immigrants francophones vers nos centres à nous. Par contre, encore là, cela ne se fait pas suffisamment de façon systématique. Nous avons du travail à faire pour nous assurer que nos communautés soient informées de l'arrivée de ces immigrants et que nous serons en mesure de bien les accueillir et de bien les accompagner.

Mme Kenny : Nous parlions des travailleurs temporaires tout à l'heure. Les travailleurs temporaires n'ont pas accès à tous ces services parce qu'ils ne sont pas financés par le gouvernement. Ils ont déjà une expérience de travail, mais ils n'ont pas accès à la formation linguistique en anglais pour améliorer leurs compétences en anglais ni à toute cette gamme de services tant qu'ils ne seront pas résidents. Et avant que cela ne se fasse, ils se sont souvent tournés vers les milieux anglophones pour obtenir ces services et nous les perdons. Si je peux me permettre une recommandation, les travailleurs temporaires devraient être intégrés et on devrait leur permettre l'accès aux services. Cela aiderait énormément.

Le sénateur Robichaud : Vous parlez d'une tout autre catégorie d'immigrants, n'est-ce pas?

Mme Kenny : En fait, non. Ils viennent pour travailler. Nous allons les recruter pour travailler. Ce sont des travailleurs qu'on appelle « temporaires », mais souvent, après six mois, nous voudrons les garder. Nous allons commencer le processus d'immigration et au moment où ce sera fini, ils se seront tournés vers la majorité anglophone pour recevoir des services d'accompagnement. Ils auront été dans une institution anglophone pour parfaire leur anglais et pour ce qui est de leur intégration sociale, ils se seront fait un réseau social anglophone et on les perdra dans les communautés francophones. Ce sont des gens qui font partie du programme d''immigration ou qu'on recrute, sauf qu'on n'est pas en mesure de leur offrir les services une fois qu'ils sont rendus ici.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Merci, madame Kenny et Suzanne Bossé. Je participe à cette discussion sur les minorités en étant moi-même membre d'une minorité.

Citoyenneté et Immigration Canada finance le programme Cours de langue pour les immigrants au Canada. Avez- vous des observations à faire concernant le programme linguistique pour les immigrants, que ce soit au sujet de son accessibilité ou de son efficacité?

Mme Kenny : Il y a 121 millions de dollars qui sont consacrés à la Feuille de route pour les langues officielles du Canada. Ce financement sert notamment à la formation linguistique, en anglais ou en français. Nos collectivités n'en profiteront pas si la formation n'est pas systématiquement offerte à tous les immigrants, qu'ils soient francophones ou anglophones. Par exemple, en Colombie-Britannique, un grand nombre d'élèves en immersion et d'élèves d'écoles francophones privées sont asiatiques. Ces gens qui arrivent en Colombie-Britannique se rendent compte qu'ils sont dans un pays bilingue où la dualité linguistique est valorisée. Ils décident donc d'apprendre les deux langues officielles. Si nous n'offrons pas de cours de français aux immigrants anglophones, et si nous ne proposons pas de cours d'anglais aux francophones pour qu'ils améliorent leurs compétences linguistiques, ça ne servira à rien. Il faut aussi veiller à ce que cette formation linguistique soit offerte dans le cadre de nos programmes. Nous avons des institutions. Nous avons des collèges. Nous avons des programmes d'éducation postsecondaire, d'éducation universitaire, d'éducation aux adultes et de formation continue. Dans nos collectivités francophones, il y a des institutions et des programmes qui offrent également des cours d'anglais. Nous voulons donc que cette formation linguistique soit offerte par nos institutions.

Le sénateur Oh : Croyez-vous que la première génération est habituellement celle qui éprouve le plus de difficulté? Le Canada ne se bâtit pas seulement avec la première génération; la deuxième génération joue aussi un rôle important.

Mme Kenny : Absolument.

Le sénateur Oh : Mon père peut seulement employer un langage courant, mais je crois que la deuxième génération apporte une contribution encore plus importante au pays.

Mme Kenny : Absolument.

[Français]

La vice-présidente : Avant de mettre fin à cette partie de notre réunion, je voudrais faire un commentaire si vous me le permettez.

Je dois vous avouer, madame Kenny, lorsque j'ai lu le communiqué de presse la semaine dernière qui traitait de cette nouvelle tournée de liaison que la FCFA a mise sur pied dans une dizaine de villes de l'Ontario, que ma première réaction a été plutôt négative. Vous avez corrigé mon impression. Je croyais que la FCFA travaillait de son côté et qu'Immigration Canada travaillait de l'autre, et qu'il n'y avait pas de lien comme celui que vous venez de nous expliquer et qui est très important.

Si vous travaillez chacun de votre côté, pourquoi justement ne pas mettre vos efforts en commun et faciliter l'accueil, le recrutement de nouveaux immigrants et leur rétention, surtout une fois qu'ils sont là et qu'on les aide à apprendre une ou deux langues officielles? Aussi bien les garder chez nous.

Je vous remercie beaucoup de votre visite aujourd'hui. Je ne suis sûrement pas la seule à avoir appris comment cela fonctionne. C'est très positif. Nous continuerons d'échanger, comme nous le faisons depuis plusieurs années.

Je m'excuse auprès de mes collègues. Il ne reste que deux minutes et nous avons une autre séance à faire après celle- ci.

Donc, madame Kenny, madame Bossé, merci 1 000 fois. Chers collègues, merci de vos questions très intéressantes. Je suspends notre séance pendant quelques minutes.

Honorables sénateurs, nous recevons dans cette deuxième partie de notre rencontre la ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles, qui a déposé son rapport annuel au Parlement, un rapport en deux volumes, sur les questions relevant de sa mission en matière de langues officielles.

Le rapport annuel de 2010-2011 a été déposé au Sénat et à la Chambre des communes en août 2012 et le rapport annuel de 2011-2012 a été déposé le 8 novembre 2013.

Nous sommes très heureux de recevoir madame la ministre, l'honorable Shelly Glover, pour discuter de ce rapport et des deux autres études que le comité a entamées cette session.

Elle est accompagnée de M. Hubert Lussier, sous-ministre adjoint, Citoyenneté et patrimoine, et de M. Jean-Pierre C. Gauthier, directeur général, Direction générale des langues officielles.

Madame la ministre, vous avez la parole et je suis convaincue qu'il y aura beaucoup de questions de la part de mes collègues sénateurs par la suite. Nous vous écoutons.

L'honorable Shelly Glover, C.P., députée, ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles : Merci à tous les sénateurs. Je tiens à vous dire, premièrement, à quel point je suis contente d'être parmi vous aujourd'hui. Je dis cela parce que je n'aurais jamais, au grand jamais, pensé qu'un jour la petite anglophone de Saint-Boniface, qui a appris la langue française dans les écoles d'immersion, serait un jour ministre des langues officielles. C'est un grand honneur pour moi et cela me tient tellement à cœur. Je suis là pour vous aider et pour aider à faire le travail que le premier ministre m'a confié. Sans plus tarder, je vous partage mon petit discours.

Je vous remercie de m'accueillir pour la première fois à titre de ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles. Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Hubert Lussier, sous-ministre adjoint, Citoyenneté et patrimoine, et de M. Jean-Pierre C. Gauthier, directeur général, Direction générale des langues officielles.

La vitalité de nos langues nationales me tient à cœur en tant que ministre, mais également à titre de députée de Saint- Boniface. J'ai l'honneur de représenter cette dynamique communauté francophone et francophile à Ottawa depuis presque six ans.

Nos langues nationales sont un atout indéniable pour notre pays. C'est pourquoi notre gouvernement a maintenu, dans le budget déposé le 21 mars 2013, son appui destiné à les soutenir. Une semaine plus tard, nous présentions la Feuille de route pour les langues officielles du Canada 2013-2018, accompagnée d'un budget de 1,1 milliard de dollars sur cinq ans. Il est important de noter que toutes les initiatives de la feuille de route sont financées sur une base permanente.

Comme vous le savez, avant de renouveler la feuille de route, nous avons mené une vaste consultation. Nous avons visité une vingtaine de villes et les citoyens ont fait connaître leurs opinions sur Internet. Les commentaires recueillis nous ont permis de cibler trois domaines prioritaires : l'éducation, l'immigration et les communautés.

Parlons d'abord d'immigration. C'est un sujet clé lorsqu'on traite du développement des communautés minoritaires. Chaque année, 250 000 immigrants arrivent au Canada. La grande majorité n'a ni le français ni l'anglais comme langue maternelle. Nos immigrants s'intègrent en partie à notre société par la porte des langues officielles. Même si 20 p. 100 des Canadiens ont une autre langue maternelle, plus de 98 p. 100 de notre population parle français ou anglais ou les deux langues. Il n'y a pas de doute, nos langues officielles sont un outil d'intégration et de cohésion pour notre société. C'est pourquoi notre gouvernement mise sur la formation linguistique des nouveaux arrivants. Nous veillons aussi à intégrer des immigrants au sein des communautés francophones en situation minoritaire.

Mon collègue, le ministre de l'Immigration et de la Citoyenneté, pourra venir vous parler davantage de l'impact des changements au système d'immigration sur les communautés de langues officielles.

[Traduction]

L'éducation est un autre pilier de la feuille de route. Le gouvernement appuie l'éducation des minorités linguistiques en collaboration avec les provinces et les territoires. Ainsi, on aide plus de 240 000 élèves des collectivités minoritaires à étudier dans leur propre langue.

Nous continuons également d'appuyer l'enseignement de la langue seconde. Pas moins de 2,4 millions de jeunes apprennent l'anglais ou le français comme langue seconde, et de ce nombre, plus de 340 000 sont en immersion.

J'ai appris le français à l'école, dans un programme d'immersion. Le français m'a permis de m'engager dans ma collectivité, de faire progresser ma carrière, et surtout, de mieux comprendre mon pays et ceux qui y vivent.

J'aimerais remercier votre comité de l'étude qu'il a menée au sujet des pratiques exemplaires en matière d'apprentissage de la langue seconde. Ma comparution aujourd'hui me permet d'expliquer les mesures qui sont prises par Patrimoine canadien dans ce domaine.

Sur le marché du travail, le bilinguisme est un atout de taille. L'apprentissage de l'anglais et du français nous fait découvrir une autre culture et élargit nos horizons. Bien des Canadiens le comprennent. Il n'est donc guère surprenant que l'inscription dans les écoles d'immersion ait bondi de 12 p. 100 au cours des dernières années. Des cours de français intensifs sont maintenant donnés partout au pays. Dans le système scolaire du Nouveau-Brunswick, ce genre de cours est répandu. De nouvelles mesures d'enseignement intensif sont également prévues dans d'autres provinces.

Au cours des cinq dernières années, nous avons également appuyé des projets pilotes pour mesurer les compétences en langue seconde des élèves. Ces projets ont motivé les élèves. En sachant où ils en étaient dans leur connaissance de la langue seconde, ils ont pu déterminer où ils devaient concentrer leurs efforts pour améliorer leurs compétences. Cependant, il reste encore des défis à relever.

Pour offrir un plus grand nombre de cours de français intensifs, il faut embaucher des enseignants qualifiés. Pour améliorer l'immersion, il faut offrir l'option à tout le monde, y compris les élèves ayant des besoins particuliers, rendre l'apprentissage de la langue seconde plus dynamique, et proposer plus d'activités culturelles.

Ce qui me préoccupe le plus depuis le passage de mes propres enfants dans des écoles d'immersion, c'est l'absence de méthodes appropriées pour mesurer les compétences linguistiques ou le niveau de compétence en français en vue de préparer les élèves au marché du travail.

Cela dit, notre collaboration intergouvernementale en matière d'éducation a porté fruit, et il faudra maintenir le cap.

D'ailleurs, j'ai écrit aux provinces et aux territoires pour leur dire que j'attends leurs plans d'action concernant la mise en œuvre de projets permettant de mesurer l'acquisition de compétences linguistiques.

Nous avons aussi renouvelé, en août 2013, notre entente de collaboration avec le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada. Le protocole que nous avons signé avec le conseil prévoit un investissement fédéral de 1,3 milliard de dollars sur cinq ans.

[Français]

Je viens de vous présenter certains résultats obtenus dans le domaine de l'éducation, en matière d'appui aux communautés et de promotion de notre dualité linguistique. Les gestes que pose Patrimoine canadien donnent aussi des résultats. J'en fais d'ailleurs état dans les rapports annuels sur les langues officielles de 2010-2011 et de 2011-2012. Nos programmes appuient notamment l'offre de services par les provinces et les territoires dans la langue de la minorité dans des secteurs comme la justice, la culture et la santé. Les exemples de succès ne manquent pas.

Nos jeunes sont importants pour moi et je suis fière que nous ayons pu offrir en 2011-2012 des bourses à 7 800 étudiants.

Grâce à ces bourses, ces étudiants peuvent enrichir ce qu'ils ont appris en classe. En côtoyant des francophones ou des anglophones au quotidien, ils améliorent leurs compétences dans leur langue seconde.

Nous avons aussi créé près de 700 emplois d'été ou de courtes durées pour de jeunes Canadiens bilingues. Ces emplois leur donnent une expérience de travail concrète tout en leur permettant de mettre en pratique leurs connaissances du français et de l'anglais.

Les récents rapports annuels rendent également compte de mon rôle de coordination de l'appui aux langues officielles parmi les institutions fédérales.

Patrimoine canadien a adopté une approche élargie de coordination en 2011-2012 pour uniformiser la reddition de compte de quelque 170 institutions fédérales.

Au terme des trois années d'application de cette approche, les Canadiens obtiennent un portrait complet des efforts déployés à l'échelle du pays en faveur du français et de l'anglais.

Par souci d'efficacité, nous avons aussi entamé en 2013 l'examen de notre appui aux organismes des communautés de langues officielles. Avec cet examen, nous voulons nous assurer que les mesures qui sont en place répondent vraiment aux besoins des communautés. Notre investissement demeure le même et nous voulons maximiser les résultats. Tous ces gestes que nous posons pour améliorer nos façons de faire sont importants et ils s'inscrivent dans la volonté de notre gouvernement de gérer efficacement les fonds publics. Ils sont en ligne directe avec notre volonté d'obtenir des résultats pour les Canadiens. Je vous remercie de votre attention et je suis prête à répondre à vos questions.

La vice-présidente : Merci beaucoup, madame la ministre. La première question sera posée par la sénatrice Fortin- Duplessis.

La sénatrice Fortin-Duplessis : C'est un véritable plaisir de vous recevoir enfin à notre Comité sénatorial permanent des langues officielles. Tout d'abord, j'aimerais vous poser une question d'ordre général.

Vous êtes entrée en fonction il y a moins d'un an et vous avez certainement amené avec vous un dynamisme renouvelé et un enthousiasme total. J'aimerais connaître votre opinion concernant les défis que vous avez à relever.

Quel est le plus important défi auquel vous devez faire face en matière de langues officielles?

Mme Glover : C'est une très bonne question et je vous en remercie. J'aime bien travailler avec les autres. Je vous dirais que mon défi prioritaire est de travailler non seulement avec les provinces et les territoires qui ont comme juridiction l'éducation, par exemple, mais aussi avec tous les parlementaires des deux chambres et les organismes sur le terrain dans les 10 provinces et territoires.

C'est tout un défi de faire tout cela quand on est à Ottawa quatre jours à chaque semaine. J'essaie de plus en plus de prendre le temps de visiter les communautés, de partager mes opinions, mes priorités, d'écouter les priorités et les opinions de ceux que je visite, mais je n'ai jamais assez de temps dans une journée pour tout faire.

Je crois que le temps travaille contre mon équipe qui travaille très fort, tout comme moi. C'est, je crois, le défi le plus difficile à résoudre. Le pays est vaste et beaucoup de gens s'intéressent aux langues officielles et au patrimoine de notre pays.

Si jamais vous aviez du temps pour m'aider avec cela, il me fera plaisir de vous inviter à participer à certaines de nos tables rondes et appels en téléconférence. Plus il y aura de personnes qui y travailleront, plus le fait français, francophone, francophile, bilingue de notre pays avancera.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Je suis issue du monde de l'éducation, et l'avenir des jeunes Canadiens me préoccupe beaucoup. Vous avez mentionné que votre ministère a distribué des bourses à des étudiants et que vous leur avez offert des stages afin qu'ils soient plus performants et qu'ils apprennent un peu plus l'autre langue officielle.

En plus de ces bourses d'études et de ces stages, qu'est-ce que votre ministère fait pour les jeunes?

Mme Glover : Je peux partager avec vous, madame la sénatrice, à quel point les professeurs ont un effet positif sur nos jeunes. Je sais que vous avez à cœur les jeunes et l'éducation.

Je ne serais pas bilingue aujourd'hui sans mes professeurs. Je remercie donc mes professeurs du Manitoba qui m'ont aidée. Les jeunes profitent des investissements du gouvernement du Canada qui aide les provinces et les territoires par le biais de fonds, afin que ces derniers puissent offrir des programmes dans nos communautés en situation minoritaire dans la langue minoritaire. Environ 265 millions de dollars sont accordés chaque année par l'entremise d'ententes avec les provinces et les territoires.

Les langues secondes sont aussi essentiellement appuyées par ces fonds. En plus, il existe des programmes qui offrent des occasions à nos jeunes de circuler à travers le pays pour vivre des expériences dans leur langue de minorité.

Nous avons des fonds d'appui pour SEVEC, pour EXPLORE et pour ODYSSEY. Vous savez que ces programmes sont très importants pour les moniteurs d'éducation. Cela leur donne l'occasion de vivre vraiment dans la langue de minorité hors de leur région.

Nous finançons aussi, à travers d'autres ministères, plusieurs programmes. Je pense au ministre Kenney, dont le portefeuille comprend une stratégie d'emploi qui aide nos jeunes à entrer sur le marché du travail, et aux programmes liés au portefeuille de la ministre Leitch, responsable de la Condition féminine.

Comme je l'ai dit, il y en a plusieurs qui relèvent de mon portefeuille, mais cela ne se termine pas là pour les jeunes. Cela continue dans les autres ministères parce que ce sont des jeunes qui vont nous remplacer un jour, et il faut les former et les aider autant que possible.

La sénatrice Fraser : Je vous présente mes excuses. Je suis arrivée en retard. Vous savez, au Sénat, nous courons d'une réunion à l'autre. Je vous prie encore une fois de m'excuser. Ce n'était pas voulu.

[Traduction]

Madame la ministre, je vous souhaite la bienvenue au Sénat et au comité. J'ai deux questions et un bref commentaire. Selon vos observations et les notes que nous avons reçues de la bibliothèque, la feuille de route prévoyait un investissement de 1,1 million de dollars sur cinq ans.

Mme Glover : Milliard.

La sénatrice Fraser : C'est ce que je voulais vérifier. Merci.

Pouvez-vous me dire ce que fait votre ministère à la lumière des modifications au système d'immigration qui ont été apportées, et qui sont d'ailleurs toujours en cours? Que fait votre ministère pour évaluer les effets de ces modifications sur les minorités linguistiques, et pour atténuer tout effet négatif, au besoin?

Mme Glover : Merci beaucoup de la question. Je suis désolée. Je n'ai pas vraiment besoin de traduction, mais j'ai remarqué que je commence à avoir de la difficulté à entendre. Je crois que c'est à cause de mes origines métisses et de tous ces coups de feu tirés lors de parties de chasse et lorsque j'étais policière. Voilà pourquoi je m'excuse.

La sénatrice Fraser : Je ne suis pas métisse, et je n'entends rien non plus.

Mme Glover : Merci. La question de l'immigration est très importante, en particulier pour les collectivités minoritaires comme celle dont je fais partie, à Winnipeg. Je crois que le ministre Alexander témoignera le 24 mars, ce qui est très important à la lumière de cette étude.

Je puis vous assurer que cette question nous préoccupe tous, puisque nous vivons dans un pays commerçant. Le gouvernement actuel a contribué à notre essor commercial. Nous avons signé plusieurs accords commerciaux avec d'autres pays, et nous avons récemment annoncé que notre entente commerciale avec l'Union européenne progresse. Bien entendu, pour ce qui est de l'immigration dans ces collectivités minoritaires, en particulier l'immigration francophone, nous nous tournons vers certains pays très importants.

Lorsque j'ai assisté à la rencontre des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la francophonie, à Winnipeg, nous avons abordé ce sujet et invité des professionnels, dont certains spécialistes en la matière. Un expert indépendant, M. Bissoeau, a produit un rapport que j'ai apporté. Je vais seulement vous lire la conclusion de ce rapport. Il s'agissait d'un examen indépendant détaillé sur les modifications au système d'immigration qui ont été proposées par le gouvernement. Je cite le rapport, en français :

[Français]

Notre conclusion : la réforme du système canadien aura un effet global positif sur les communautés de la francophonie canadienne. Les communautés devront s'adapter.

Les communautés devront passer d'un mode réactif d'accueil et d'intégration d'immigrants qui se présentent aux portes des organismes et des établissements de la communauté à une stratégie en amont pour mettre en œuvre de nouvelles stratégies à l'étranger et au Canada.

La réforme fera passer le travail des communautés d'une base sectorielle (éducation, économie, santé, établissement) à une base géographique (municipalités, villes ou villages, régions, selon le cas). D'où l'accroissement de l'importance du rôle des réseaux de soutien à l'immigration francophone.

[Traduction]

Rien ne démontre qu'il y a des effets négatifs sur nos collectivités. Certaines opinions ont été formulées, mais elles ne sont pas fondées sur des faits. Cet homme a étudié en détail ces modifications au système d'immigration, et il est persuadé que les employeurs, les provinces, les territoires et même le système d'éducation postsecondaire seront les moteurs du changement, et qu'ils pourront tirer parti des mesures adoptées pour améliorer la situation au sein de nombreuses collectivités dans l'ensemble du pays.

Je vous remercie de cette question.

La sénatrice Fraser : Je suis une Québécoise anglophone. Vous avez parlé des effets sur les minorités francophones, ce qui est, bien sûr, extrêmement important. Vous êtes-vous penchée sur la situation des immigrants aux Québec dont la langue maternelle est l'anglais, ou dont la langue officielle est l'anglais? Pour ajouter à ma question, en général, avez- vous des chiffres sur le temps et le budget consacrés à l'anglais au Québec?

Mme Glover : Commençons par la première question. En fait, c'est Citoyenneté et Immigration Canada qui se charge de la recherche au sujet des effets sur les minorités, mais vous avez tout à fait raison. Les minorités anglophones au Québec sont aussi importantes que les minorités francophones à l'extérieur du Québec. Voilà pourquoi je suis très fière que la feuille de route cible les immigrants économiques. La feuille de route accorde 120 millions de dollars, et elle ne met l'accent ni sur les minorités anglophones, ni sur les minorités francophones. Elles sont aussi importantes les unes que les autres. Lorsqu'on me demande pourquoi je parle d'immigrants économiques, et si nous ne devrions pas plutôt cibler les francophones, je réponds que nous avons deux langues nationales d'égale importance. Je suis donc fière que le gouvernement continue de promouvoir les deux langues.

Pour répondre à votre autre question, il est important que le ministre Alexander puisse vous communiquer les résultats de cette recherche. Je le laisserai donc répondre à cette question.

La sénatrice Fraser : Quel est le budget de votre ministère?

Mme Glover : Vous voulez savoir quel est précisément le budget de mon ministère? Nous pouvons vous en informer. Hubert ou Jean-Pierre ont peut-être cette information.

Jean-Pierre C. Gauthier, directeur général, Direction générale des langues officielles, Patrimoine canadien : Nous devrons vous communiquer les détails et les chiffres ultérieurement.

La sénatrice Fraser : J'en serais ravie.

Mme Glover : Patrimoine canadien collabore avec plusieurs organisations, dont QCGN et ELAN.

[Français]

Ils travaillent fort au sein de la communauté et nous les félicitons pour les efforts qu'ils déploient au Québec.

La vice-présidente : La semaine dernière, des représentants de Quebec Community Groups Network (QCGN) ont comparu devant notre comité et ils semblaient très contents de la façon dont cela fonctionne en ce moment.

La sénatrice Charette-Poulin : Madame la ministre, vous avez toute une responsabilité et votre enthousiasme pour le statut des deux langues officielles au Canada est très touchant. Je vous en félicite. C'est toute une responsabilité dans un environnement où l'immigration joue un rôle tellement important pour notre avenir.

Mme Glover : Je vous remercie.

La sénatrice Charette-Poulin : Je ne sais trop comment vous poser ma question. Parmi vos responsabilités ministérielles, il y a le dossier de la Société Radio-Canada.

Mme Glover : Oui.

La sénatrice Charette-Poulin : Je vous avoue mon parti pris : j'ai été responsable de l'ouverture de tous les services de Radio-Canada dans le nord de l'Ontario et, par la suite, de toute la radio et de la télévision régionale au pays, y compris le Québec. Ce que j'ai eu l'occasion d'apprécier, en plus de nos différences régionales au pays — chaque semaine, j'étais dans une région différente —, c'est le rôle essentiel que Radio-Canada jouait en ce qui concerne la diffusion et la qualité de la langue française dans toutes les régions du pays, ainsi que de la langue anglaise. Au cours de ces années, de multiples concours étaient mis sur pied par Radio-Canada et la CBC; par exemple, des concours d'écriture, de pièces de théâtre et de nouvelles. Le nombre de concours a été réduit de façon importante en raison des compressions budgétaires. Comment percevez-vous le rôle du radiodiffuseur public national du pays en tant qu'outil clé en ce qui concerne le respect des langues officielles au Canada?

Mme Glover : Merci pour la question. Radio-Canada et la CBC sont essentielles pour certaines communautés, notamment au nord du pays, qui n'ont pas accès à d'autres formes de radiodiffusion. Je pense certainement aux communautés francophones. Elles n'ont pas accès à d'autres formes de radio et de télévision dans leur langue.

Lorsque M. Hubert Lacroix a comparu devant vous, je crois qu'il avait mentionné le pourcentage de 97 ou 98 p. 100, ce qui est très élevé, mais il n'y a pas d'autres choix dans certaines de ces communautés, sauf Radio-Canada.

Alors, c'est important qu'on donne accès à ces personnes qui n'ont pas accès à d'autres formes de diffusion. On accorde 1,1 milliard de dollars à Radio-Canada et c'est pour la télédiffusion, c'est aussi pour appuyer nos communautés, partager les nouvelles et le contenu canadien. Il est essentiel que nos Canadiens aient accès non seulement à de la musique canadienne, mais aussi à des nouvelles du Canada et qu'ils puissent visionner des films canadiens.

Alors, Radio-Canada joue ce rôle grâce aux fonds qu'on leur accorde. Ce sont des fonds qui proviennent des contribuables. Les concours utilisaient peut-être ces fonds auparavant, mais nous offrons aussi le même type de concours que vous avez mentionné.

Pour la fête du Canada, on offre à nos étudiants dans les écoles secondaires l'opportunité de prendre une photo et de nous l'envoyer pour célébrer cette journée. Les étudiants peuvent aussi rédiger un mot sur l'importance du Canada, ou bien ils peuvent créer une affiche. C'est un concours lancé à travers le pays et il y a des prix à gagner, dont l'un des prix est une visite à Ottawa pendant la fête du Canada.

Nous faisons déjà certaines choses pour encourager la pleine participation des élèves, en français et en anglais, à la promotion de leur pays. Je ne peux pas faire de commentaires sur les concours qui n'ont plus lieu, mais je sais que Radio-Canada fait son travail dans les communautés.

La sénatrice Chaput : Ma question concerne le financement du gouvernement fédéral en faveur de l'apprentissage des langues officielles, donc les dépenses dans le domaine de l'éducation. Si j'ai bien compris, vous nous avez indiqué que vous venez de renégocier ou de signer le protocole d'entente avec le conseil des ministres?

Mme Glover : Cela s'est fait en août. Une des premières choses que j'ai faites en tant que ministre a été de signer le protocole, et j'ai encouragé les provinces à négocier les ententes, dont près de la moitié ont été conclues. Alors, vous verrez dans les prochaines semaines des annonces sur ces ententes. On a presque terminé de conclure les autres ententes mais on est encore en négociations avec certaines provinces.

La sénatrice Chaput : Plusieurs de nos témoins nous ont indiqué leurs préoccupations justement sur la nature des dépenses effectuées par les provinces et les territoires lorsqu'ils reçoivent de l'argent du gouvernement fédéral pour l'apprentissage des langues officielles. Ils nous ont aussi mentionné qu'ils aimeraient beaucoup que soient prévus dans le nouveau protocole des mécanismes, des objectifs qui permettraient une plus grande transparence de la part des provinces et des territoires, tout en reconnaissant que c'est très délicat. Les provinces et les territoires n'aiment pas nécessairement se faire imposer des conditions.

Madame la ministre, vous remettez beaucoup d'argent pour l'éducation. Est-ce que ce nouveau protocole, lorsque vous aurez terminé vos négociations, permettra une plus grande transparence de la part des provinces et des territoires? Est-ce que les objectifs seront un peu plus précis à l'égard des dépenses, que ce soient pour le français langue seconde ou le français enseigné aux minorités?

Mme Glover : Comme je l'ai dit dans mon discours au début, j'en suis préoccupée moi aussi. Je veux m'assurer, en collaboration avec les provinces et les territoires, que ces fonds ont des retombées dans le domaine de l'éducation et que nos enfants soient prêts à intégrer le marché du travail.

Chaque entente répond à un besoin selon lequel les provinces et les territoires soumettent un rapport. Lors des négociations, on discute des plans d'action. On demande aux provinces et aux territoires de venir présenter leur plan d'action qui énonce clairement ce qu'ils vont accomplir et quelle est leur cible. Et le rapport explique exactement où ils en sont et qu'est-ce qu'ils ont fait avec l'argent.

En outre, j'avais envoyé une lettre aux ministres des provinces et des territoires pour les inviter à se pencher sur l'idée d'élaborer un plan pour mesurer la compétence linguistique de nos élèves.

La sénatrice Chaput : Lors de leurs discussions avec votre ministère, est-ce que les provinces et les territoires consultent les communautés qu'ils représentent lorsqu'ils établissent leurs objectifs? Est-ce qu'il y a une consultation avec les communautés ou est-ce que les provinces et les territoires, à votre connaissance, le font par eux-mêmes?

Madame la ministre, plusieurs témoins nous ont dit que certains d'entre eux n'étaient à peu près pas consultés, et que lorsqu'ils tentaient de connaître les résultats du plan, ils n'y avaient pas accès et que c'était difficile d'obtenir cette information. Est-ce qu'il y a moyen de résoudre ce dilemme pour votre ministère?

Mme Glover : Le protocole demande des consultations et ce n'est pas toujours obligatoire. On le leur demande puisque ce sont les provinces et les territoires qui ont comme juridiction l'éducation. Mais enfin, ce n'est pas forcé. Nous faisons nos propres consultations même si ça ne relève pas de nos compétences.

Lors des consultations, par exemple, sur le 150e anniversaire de la Confédération qui s'en vient, certains ont mentionné l'éducation pendant et cela nous a aidés. Je voulais aussi dire que le commissaire aux langues officielles a fait des démarches pour évaluer la transparence de ces ententes et nous a donné une note « très bien ». Il n'avait aucun souci quant à la façon dont ces rapports sont soumis.

La sénatrice Chaput : Le souci n'est pas du tout du côté de Patrimoine canadien qui remet l'argent et qui signe les accords. Le souci vient plutôt de savoir comment on peut assurer une meilleure transparence des dépenses qui se font au niveau de la province à l'égard de l'éducation. Je voulais juste essayer de voir si on pouvait aller un peu plus loin.

Mme Glover : On pourrait encourager les premiers ministres des provinces et des territoires à fournir plus d'information. On peut les encourager.

Le sénateur McIntyre : Madame la ministre, merci pour votre présence et pour votre présentation. Décidément, il y a plusieurs sujets d'intérêt que le comité sénatorial pourrait aborder avec vous, que ce soit le rapport annuel sur les langues officielles et les récents changements au système d'immigration ou l'apprentissage d'une langue seconde. Les sujets sont très intéressants et d'actualité.

Cela étant dit, j'aimerais aborder avec vous le sujet des récents changements au système d'immigration. Je remarque que depuis 2012, le gouvernement fédéral a annoncé une série de modifications de nature linguistique concernant la sélection des immigrants. Je remarque également qu'on a davantage mis l'accent sur la maîtrise d'au moins une des deux langues officielles. Il y a par exemple le projet de loi C-24, qui a été présenté à la Chambre des communes en février dernier. Je comprends que ce projet de loi en est présentement à l'étape de la première lecture à la Chambre des communes, ayant pour but de modifier la Loi sur la citoyenneté. Pourriez-vous nous parler un peu de ce projet de loi?

Mme Glover : D'abord, quant au français et à l'anglais, qui sont nos deux langues nationales assujetties à la Loi sur les langues officielles, je pense qu'il faut les promouvoir, pas seulement à l'intérieur du pays mais aussi à l'extérieur.

On veut vraiment s'assurer que nos immigrants s'intègrent comme il faut dans notre pays. C'est pourquoi notre gouvernement a quadruplé les fonds investis pour intégrer les immigrants.

Avant que le gouvernement ne soit au pouvoir, le fonds d'intégration au Manitoba se montait à 8 millions de dollars. Or, nous en sommes à 39 millions de dollars par année — ce qui est incroyable. Nous voyons de quelle façon les immigrants nous enrichissent. Ils apportent avec eux des outils dont nous avons besoin. La connaissance du français ou de l'anglais les aidera à s'intégrer à notre marché du travail, mais également à nos communautés. Le fait d'exiger d'un immigrant la maîtrise du français ou de l'anglais n'est pas seulement dans l'intérêt des Canadiens, mais dans leur intérêt également.

Pour ce qui est des autres sujets contenus dans ce projet de loi, encore une fois, étant donné que c'est un autre ministre qui gère ce dossier, ce serait donc à lui d'expliquer en détails les changements au fur et à mesure qu'ils seront mis en place.

Le sénateur McIntyre : Je crois comprendre que Patrimoine canadien siège à la table du comité directeur de Citoyenneté et Immigration Canada pour les communautés francophones en situation minoritaire. Pourriez-vous nous parler un peu de la structure et du mandat de ce comité? Tout d'abord, le comité existe-t-il toujours?

Mme Glover : Nous siégions auparavant à cette table. M. Lussier pourra le confirmer, mais on comptait 50 personnes à la table. Or, nous n'y siégeons plus. Encore une fois, ce serait une bonne question à adresser au ministre Alexander. Je peux toutefois demander à M. Lussier de le clarifier.

Hubert Lussier, sous-ministre adjoint, Citoyenneté et patrimoine, Patrimoine canadien : La seule chose que j'ajouterais à ce qu'a dit la ministre, c'est que les changements que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration a faits l'ont été avec le plein accord et en consultation avec les communautés francophones. Celles-ci profitent de ce mécanisme de consultation, qui était estimé trop lourd. Le ministère a donc voulu le simplifier et le rendre plus efficace.

Le sénateur Robichaud : Madame la ministre, bravo pour votre deuxième langue!

Mme Glover : Merci bien.

Le sénateur Robichaud : Au tout début de votre allocution, vous avez parlé des langues nationales et l'avez répété à deux reprises. Pour moi, les langues officielles et les langues nationales ne sont pas la même chose. Pouvez-vous m'éclairer à savoir ce que ces notions représentent pour vous? Y a-t-il une différence entre elles ou non?

Mme Glover : J'ai travaillé très fort pour apprendre une deuxième langue. Je comprends donc très bien les portes qu'un tel apprentissage a ouvertes pour moi à travers le pays, d'un océan à l'autre.

Je suis très fière du fait que, au Canada, depuis la naissance de notre pays, nous ayons deux langues, soit le français et l'anglais. Nous retenons donc ces deux langues nationales. Je suis fière de ces deux langues nationales qui font partie de nos deux langues officielles, dans la Loi sur les langues officielles.

Le fait de dire que ce sont des langues officielles ou nationales revient un peu à la même chose. J'ai la fierté de connaître les deux langues nationales. Elles feront toujours partie du Canada. Elles sont ici depuis le début. J'aime célébrer le fait que nous avons ces deux langues nationales.

Il est certain que nous aurons toujours la Loi sur les langues officielles et j'en suis fière.

Le sénateur Robichaud : Je comprends votre fierté. Je le suis également. Toutefois, lorsque vous dites que les deux langues étaient là depuis le tout début, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous, car les langues autochtones étaient ici bien avant nous et le sont encore. C'est la raison pour laquelle je vous ai posé la question. Je ne voudrais pas, lorsqu'on parle de langues nationales, que l'on exclue les langues autochtones. Je crois que nous devrions faire beaucoup plus d'efforts de ce côté.

Mme Glover : Patrimoine canadien a, dans le cadre de son portefeuille, des initiatives pour retenir ces langues autochtones. Je crois qu'il existe 86 langues autochtones dans les provinces et les territoires. Or, le français et l'anglais sont parlés partout. Prenons l'exemple du Yukon. Au Yukon, 13 p. 100 des personnes parlent le français et l'anglais. Le Yukon est la troisième province en termes de personnes bilingues. C'est incroyable!

C'est pourquoi je parle de langues nationales dans ce contexte. Ce n'est pas pour dire que les autres langues ne sont pas importantes. Des milliers de personne parlent aussi le Tagalog, et des milliers de personne parlent d'autres langues. Toutefois, depuis le début de la Confédération, on a respecté les deux langues, soit le français et l'anglais. J'espère que cela continuera pour toujours. Je suis très contente d'appuyer les langues autochtones, mais elles ne sont pas parlées partout dans la nation.

Le sénateur Robichaud : Nous avons une différence d'opinion. J'ai une autre très courte question. Quelle est la langue de travail au ministère du Patrimoine?

Mme Glover : On travaille dans les deux langues.

La sénatrice Poirier : Madame la ministre, merci d'être ici. C'est un grand plaisir de vous revoir.

J'ai une question sur le Nouveau-Brunswick. Le Nouveau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue au Canada. Dans vos discussions, dans le cadre de vos programmes et dans votre travail, votre ministère voit-il les choses différemment quand il s'agit du Nouveau-Brunswick, compte tenu du fait que c'est la seule province officiellement bilingue? Dans le reste du Canada, que ce soit du côté francophone ou anglophone, on retrouve d'avantage de petites communautés minoritaires. Y a-t-il une différence dans le genre de travail que vous faites auprès de la province du Nouveau-Brunswick?

Mme Glover : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. J'ai devant moi une carte géographique que j'ai fait préparer au début de mon mandat. Je voulais savoir où se situent les provinces, en termes d'anglophones, de francophones et de personnes bilingues. J'estimais que c'était très important. J'ai aussi un attachement au Nouveau- Brunswick, puisque plusieurs personnes sont venues du Nouveau-Brunswick pour s'installer à Saint-Boniface. Je trouve très intéressant le fait que ces personnes soient complètement bilingues et que ce soit accepté, parce que j'aimerais voir la normalisation du français partout. Normaliser voudrait dire qu'on n'est pas surpris d'entendre le français.

Au Nouveau-Brunswick, on n'est pas surpris. Le français est partout. Dans les tables rondes auxquelles j'assiste, le français est normalisé. Le Nouveau-Brunswick est vraiment une province clé pour démontrer aux autres que c'est possible.

Nous ne les traitons pas différemment. Nous travaillons très bien avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick. Tout dépend des personnes en place. Pour ma part, je ne réagis pas différemment qu'il s'agisse du Nouveau-Brunswick ou des autres provinces.

Je regarde cette carte géographique et je vois, en termes de bilinguisme, le Nouveau-Brunswick en deuxième position, le Québec en première position et le Yukon en troisième position. Je regarde ensuite le Manitoba et je constate qu'il est huitième. Or, je croyais que le Manitoba était assez bilingue. Je croyais que nous étions à la hauteur. Je constate qu'il nous reste un peu de travail à faire. Nous sommes huitièmes en termes de bilinguisme.

J'adore cette carte géographique. J'aimerais que ma province soit au même rang que le Nouveau-Brunswick, où 33,2 p. 100 des personnes sont bilingues.

La sénatrice Poirier : Vous dites que le Québec est au premier rang. Est-ce par habitant?

Mme Glover : Exactement. Pour le Québec, 42,6 p. 100 des gens sont bilingues; 85,5 p. 100 sont francophones et 13,5 p. 100 sont anglophones.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Madame la ministre, à titre de coordonnateur des mesures du gouvernement en matière de langues officielles, Patrimoine canadien participe à diverses initiatives concernant l'immigration et les langues officielles chez les minorités. Comment évalueriez-vous le bilan de Citoyenneté et Immigration Canada en ce qui concerne l'application de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles?

Mme Glover : C'est une question intéressante, car c'est en fait le ministre Alexander qui assume la plupart des responsabilités en matière d'immigration. Comme je l'ai dit au sénateur McIntyre, nous ne siégeons plus à cette table. Ce sont d'autres personnes qui y siègent. À l'origine, 50 personnes y siégeaient, mais ce n'est plus notre cas. Vous devriez probablement poser certaines de ces questions au ministre Alexander.

Chaque ministre de la Couronne doit veiller au respect de la Loi sur les langues officielles dans son ministère. Évidemment, le Conseil du Trésor a des obligations particulières aux termes de la Loi sur les langues officielles. J'ai plusieurs obligations aux termes de la partie VII, et le ministère de la Justice a des obligations également. Nous devons tous veiller à ce que notre ministère offre des services dans les deux langues officielles, et faire en sorte que les employés puissent travailler dans la langue de leur choix.

Comme je l'ai dit, vous devriez probablement poser la question au ministre de l'Immigration. Je continue de parler avec lui régulièrement, notamment au sujet de la nécessité de se consulter. Je suis ravie de dire que le ministre Alexander et moi avons l'intention de tenir ensemble des tables rondes chez des minorités linguistiques afin que nous puissions comprendre leurs préoccupations, voire leurs craintes, concernant les modifications au système d'immigration. Je veux en apprendre autant que lui afin que nous travaillions en collaboration pour servir les collectivités.

Le sénateur Oh : Si j'étais ministre du Patrimoine, j'aimerais beaucoup vivre dans un village mondial dès maintenant. J'aimerais voir plus de jeunes apprendre différentes langues, car c'est un atout au Canada. C'est un atout pour le commerce international. Je crois que c'est important pour l'avenir. Je crois que c'est ce que fait l'Australie en ce moment.

Mme Glover : Ce serait merveilleux. Je crois, honorable sénateur, que l'apprentissage de plusieurs langues nous offre de nombreuses possibilités. Je sais que le choix de l'immersion fut très difficile pour mes parents anglophones. Ce n'était pas facile. Il y avait beaucoup de résistance dans la collectivité. La communauté francophone ne voulait pas que nous apprenions le français, mais de nombreuses personnes dans cette communauté nous ont appuyés en disant que c'était une bonne chose non seulement pour ces enfants, mais aussi pour notre collectivité et notre pays. Je remercie les enseignants francophones et les gens qui ont réclamé et appuyé cette initiative.

Nous pourrions apprendre d'autres langues. Dans plusieurs collectivités, des élèves suivent des cours d'espagnol et de mandarin. C'est merveilleux, et nous devrions nous en réjouir. Cela ne pose aucun problème dans d'autres pays; nous devrions donc nous en réjouir et encourager cela. Je crois que c'est bon pour nos enfants et notre pays.

La vice-présidente : Merci, madame la ministre. Voilà ce sur quoi nous sommes vraiment d'accord. Vous voyagez en Europe. Pourquoi un jeune Suisse ne pourrait-il pas obtenir son diplôme d'études secondaires même s'il ne parle pas une langue étrangère? Les jeunes Canadiens ne sont pas moins intelligents. C'est une question d'écoute et d'apprentissage. Au cours des prochains mois, le comité se penchera notamment sur la façon dont on devrait enseigner une autre langue.

[Français]

Le meilleur mode d'apprentissage d'une nouvelle langue, c'est d'aller voir un peu partout. L'immersion est une chose, mais on va essayer d'étudier de quelle façon on peut vraiment améliorer cela.

Mme Glover : Ah oui!

La vice-présidente : On ne peut que féliciter deux personnes comme vous et le ministre Alexander qui sont probablement les deux personnes les plus bilingues de tout le Cabinet; le ministre Alexander parle aussi très bien le français.

Je dois vous dire que j'ai été très fière alors que se terminaient nos Jeux olympiques de voir nos jeunes athlètes pouvoir s'exprimer dans une langue ou dans l'autre, et dire qu'ils sont heureux ou tristes dans une langue ou dans l'autre. C'était des anglophones qui venaient de l'Ouest qui arrivaient à le dire en français, des francophones qui venaient du bas du fleuve au Québec qui arrivaient à le dire en anglais. Je trouve que Sport Canada fait un travail extraordinaire en s'assurant que ceux qui nous représentent à l'étranger puissent le faire dans les deux langues.

Au cours de cette étude que nous entreprendrons en fin de session, après Pâques, est-ce qu'on va trouver des gens qui vont nous faire part de secrets pour faciliter l'apprentissage d'une deuxième, troisième ou quatrième langue par les jeunes Canadiens? J'imagine que vous qui avez vécu cela avec une deuxième langue, madame Glover, vous serez d'accord avec nous. Nous irons peut-être frapper à votre porte pour voir si nous ne pourrions pas nous aider mutuellement à faire en sorte que nos Canadiens soient, sinon polyglottes, au moins peut-être trilingues ou bilingues au minimum.

Mme Glover : Concernant ce que vous venez de dire, j'avais des frissons, en parlant des olympiens canadiens; le Canada était tellement présent avec eux. On se sentait faire partie de l'équipe. Ils ont tellement bien fait ça.

La vice-présidente : Et dans les deux langues.

Mme Glover : Dans les deux langues. De voir Alexandre Bilodeau et les sœurs Dufour-Lapointe réagir en français et en anglais, et parfois en même temps, c'était incroyable. Cela me donne des frissons parce que c'est le Canada. Ce sont des représentants du Canada et cela fait rayonner le Canada à l'échelle mondiale. Nos deux langues nationales étaient représentées. Je ne pourrais pas être plus fière.

J'aimerais aussi dire que j'ai des opinions très fortes par rapport à la manière dont on peut aider nos jeunes à apprendre les langues. Je faisais partie d'une des premières classes d'immersion, madame la présidente. À l'époque, si on parlait en anglais, les professeurs nous disaient : « Non, non, non, parlez en français. »

On avait un système de billets composé de trois billets. Si on parlait en anglais, on recevait un billet d'un professeur. Cela voulait dire qu'il nous fallait aller voir le directeur. Le directeur nous demandait pourquoi on parlait en anglais alors qu'il s'agissait d'une classe d'immersion. Au deuxième billet, on allait voir le directeur et on appelait les parents. Au troisième billet, on rencontrait les parents et l'élève et on nous demandait à quelle école on voulait aller; parce que si on ne voulait pas parler en français, pourquoi devrait-on fréquenter un programme d'immersion.

Les parents ont poussé les provinces à retirer ce système, et les provinces ont changé les règles. Il n'y a plus de pratique de la langue. Lorsque j'entre dans les écoles francophones ou d'immersion, j'entends la langue anglaise partout.

Si vous faites une étude sur l'apprentissage, il faut mesurer le niveau du français parce que nos étudiants sont en train d'apprendre le français dans les écoles d'immersion ou dans les écoles francophones et ils pensent qu'ils ont un niveau suffisant pour accéder à des emplois dans la fonction publique, par exemple. Mais lorsqu'ils se présentent pour postuler à un emploi, certains ne réussissent pas les tests. Ils sont en train de nous échapper; c'est pour cette raison que j'encourage les provinces à mettre en place un système de mesure du niveau de français.

Il ne faut pas faire défaut à nos enfants. Il faut qu'on leur permette de pratiquer leur français et qu'on évalue leur français, pour leur donner de bonnes chances de trouver du travail. Entrer sur le marché du travail, c'est déjà difficile, mais si on passe 13 ans à apprendre le français et que, en sortant, on n'est pas apte à réussir l'examen, c'est que notre système faillit à ses obligations envers nos enfants.

La vice-présidente : Merci beaucoup, madame la ministre. Espérons que les résultats de notre étude pourront être utiles, autant chez vous que dans les provinces. Voyons ce que les spécialistes sauront nous dire, ce que les parents nous diront, ce que des jeunes qui sont en train d'apprendre l'une ou l'autre de nos deux langues officielles nous diront. C'est l'une des études que nous ferons d'ici l'été.

Merci mille fois, madame la ministre, d'être venue nous voir aujourd'hui. Monsieur Lussier, on a l'impression que nous nous connaissons bien, depuis le temps que nous nous voyons; monsieur Gauthier, merci à vous aussi.

[Traduction]

Parlons dans les deux langues. Les deux sont officielles.

Merci.

(La séance est levée.)


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