Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 7 - Témoignages du 26 mai 2014
OTTAWA, le lundi 26 mai 2014
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 heures, pour poursuivre son étude sur les impacts des changements récents au système d'immigration sur les communautés de langues officielles en situation minoritaire.
[Français]
Daniel Charbonneau, greffier du comité : Honorables sénateurs, en tant que greffier du comité, je vous informe de l'absence forcée de la présidente et de la vice-présidente. Il est donc de mon devoir de procéder à l'élection d'une présidence intérimaire. Je suis prêt à recevoir une motion à cet effet. Y a-t-il des motions?
La sénatrice Charette-Poulin : Je propose que la sénatrice Fortin-Duplessis siège à la présidence de façon intérimaire.
M. Charbonneau : Il est proposé par l'honorable sénatrice Charette-Poulin que l'honorable sénatrice Fortin- Duplessis siège en tant que présidente suppléante. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix : Oui.
M. Charbonneau : J'invite la sénatrice Fortin-Duplessis à venir prendre place au fauteuil.
La sénatrice Suzanne Fortin-Duplessis (présidente suppléante) occupe le fauteuil.
La présidente suppléante : Honorables sénateurs et sénatrices, je déclare cette séance du Comité sénatorial permanent des langues officielles ouverte. Je suis la sénatrice Suzanne Fortin-Duplessis, du Québec, et je demande aux sénateurs de se présenter en commençant à ma gauche.
Le sénateur Rivard : Michel Rivard, sénateur du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : La sénatrice Elizabeth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
La sénatrice Charette-Poulin : Chers témoins, bienvenue au Sénat du Canada. Je suis Marie Poulin et je représente le Nord de l'Ontario au Sénat.
La sénatrice Chaput : Maria Chaput, du Manitoba.
La présidente suppléante : Nous continuons notre étude des impacts des changements récents au système d'immigration sur les communautés de langues officielles en situation minoritaire.
Le but de la réunion d'aujourd'hui est de dresser le portrait des défis et des occasions que représente l'immigration dans deux établissements postsecondaires francophones situés en milieu majoritairement anglophone.
Nous recevons aujourd'hui Pierre Riopel, président du Collège Boréal; Jean-Pierre Cantin, directeur des Services et Programmes pour le Centre-Sud-Ouest du Collège Boréal; Mildred Jean-Paul, membre du conseil d'administration du Collège Boréal; et Yvon Laberge, directeur général du Collège Éducacentre.
Aviez-vous prévu un plan pour les interventions? Ce sera Mme Jean-Paul qui débutera. Après les présentations, nous passerons à la période de questions.
Mildred Jean-Paul, membre du conseil d'administration, Collège Boréal : Merci de nous avoir invités à témoigner devant le Comité sénatorial permanent des langues officielles. Permettez-nous, tout d'abord, de vous présenter le Collège Boréal.
Le Collège Boréal d'arts appliqués et de technologie est un collège communautaire de langue française en Ontario créé en 1995 et qui célébrera l'an prochain son 20e anniversaire.
Le Collège Boréal a une double mission. Il offre une éducation personnalisée de qualité à une clientèle diversifiée et exerce également un leadership communautaire pour favoriser le développement durable de la communauté francophone de l'Ontario. Sa vision : nourrir le savoir et faire vibrer la culture.
En Ontario, les objets des collèges sont d'offrir un programme complet d'enseignement et de formation postsecondaires axé sur la carrière afin d'aider les particuliers à trouver et à conserver un emploi, de répondre aux besoins des employeurs et d'un milieu de travail en évolution et de soutenir le développement économique et social de leurs collectivités locales variées.
Pierre Riopel, président, Collège Boréal : Fort de ces objets, et avec ses 36 centres d'accès, dont 7 campus dans 27 communautés en Ontario, et un vaste territoire couvrant jusqu'à 85 p. 100 de celui de la province, le Collège Boréal offre à la communauté franco-ontarienne et aux nouveaux arrivants francophones divers services et programmes intégrés, y compris des programmes d'études postsecondaires, d'éducation permanente, d'apprentissage, de formation en entreprise; des services d'employabilité, de formation pour les adultes; et des services d'établissement et de formation langagière pour les immigrants.
Je vais céder la parole à M. Jean-Pierre Cantin, directeur des programmes et services pour le Centre-Sud-Ouest, qui vous expliquera quel rôle le Collège Boréal est appelé à jouer lorsqu'il est question du recrutement, de l'accueil et de l'intégration d'immigrants d'expression française ou d'étudiants étrangers, en particulier dans le contexte des changements récents apportés par le gouvernement fédéral et de l'accent particulier mis sur l'immigration économique.
Jean-Pierre Cantin, directeur, Services et Programmes pour le Centre-Sud-Ouest, Collège Boréal : Le Collège Boréal offre, depuis 2004, une vaste gamme de programmes de formation, ainsi que des programmes destinés à faciliter l'intégration des nouveaux arrivants francophones et francophiles au Canada, et ce, dans plusieurs de ses centres d'accès, notamment à Hamilton, London, Mississauga, Toronto et Windsor. Ces services en établissement visent à établir un cheminement harmonieux vers le marché du travail pour les immigrants francophones et à assurer leur intégration à la communauté francophone en situation minoritaire dans ces régions.
Comme le soulignait à juste titre Mme Line Pinet, directrice de la francophonie canadienne et des langues officielles au ministère des Affaires intergouvernementales du Nouveau-Brunswick, et représentante de la Conférence ministérielle sur la francophonie canadienne lors de la conférence Metropolis de 2012 :
La formation linguistique des immigrants est aussi une priorité pour leur rétention et leur intégration. [...] reconnaissant à la même occasion que l'immigration francophone est essentielle à la vitalité du fait français au Canada.
En 2010, le Collège Boréal a adopté un plan stratégique qui souligne son engagement à l'égard des immigrants francophones. Un plus grand nombre d'étudiantes et d'étudiants nouveaux arrivants fréquentent le Collège Boréal. « C'est dans un esprit pluraliste que le Collège s'ouvre aux communautés qu'il sert et que chacune et chacun prennent leur place au sein de la collectivité Boréale. »
Le Collège Boréal s'est donc engagé dans divers volets de l'établissement des immigrants, ne se limitant cependant pas à la seule formation linguistique.
Voici un aperçu de la programmation et des services offerts aux immigrants francophones par le Collège Boréal dans ses différents centres.
Tout d'abord, les programmes de formation linguistique. Le Collège Boréal offre divers programmes de formation linguistique aux immigrants francophones et francophiles des régions qu'il dessert présentement, notamment, comme je le disais, Toronto, Mississauga, Hamilton, London et Windsor.
Nous offrons des cours de langue pour les immigrants au Canada comme CLIC; ce sont des programmes offerts en français. Nous offrons également le programme LINC, qui est le programme Language Instruction for Newcomers to Canada, en anglais. Nous offrons la Formation linguistique axée sur les professions (FLAP), et Occupation-Specific Language Training (OSLT), en français et en anglais. Nous offrons en outre des programmes relais pour certaines professions réglementées ou non, en français, particulièrement en éducation en services à l'enfance pour immigrants et immigrantes francophones, ainsi qu'un programme en administration avec spécialisation en gestion de projets, comprenant des stages de 8 à 12 semaines avec des employeurs partenaires de nos programmes.
Depuis 2009, le Collège Boréal offre des services d'accueil et d'intégration aux immigrants francophones de nos régions de Windsor-Essex-Kent, de London et de Mississauga. Ces services comprennent l'accueil, l'évaluation des besoins, l'aide dans les démarches administratives, les renseignements et l'aiguillage vers les services communautaires francophones et autres au besoin, l'interprétation et les services d'accompagnement et, finalement, des ateliers et des séances d'information.
Nous offrons également des services de formation en entrepreneuriat. Le Centre d'entrepreneuriat pour immigrants et immigrantes francophones de London-Middlesex a été créé en 2012. Il a pour mission d'aider les immigrants francophones qui désirent se lancer en affaires. Cette aide va de simples ateliers de formation en entrepreneuriat jusqu'à l'appui à la rédaction d'un plan d'affaires en passant par l'aide à l'obtention de prêts.
Les services d'emplois offerts par le Collège Boréal aux immigrants francophones chercheurs d'emploi se retrouvent dans tous ses centres d'Emploi Ontario, soit 16 centres à travers la province, de Kapuskasing à Windsor. Ces services comprennent, entre autres, des services d'aide à la recherche d'emploi, l'évaluation des compétences et de l'expérience, de l'information sur le marché du travail, la rédaction des curriculum vitæ et la préparation aux entrevues, jusqu'aux programmes d'apprentissage, d'alphabétisation et de mise à niveau. Nous offrons également des placements en entreprises, avec ou sans rémunération, pouvant aller jusqu'à six mois chez certains de nos clients.
Le Collège Boréal est également très impliqué dans le dossier de l'immigration à l'échelle locale, provinciale et nationale. Le collège participe activement à plus de 15 comités, initiatives et organismes provinciaux et nationaux voués à l'immigration et à l'immigration francophone, en particulier. Ceci nous permet de nous engager afin de nous assurer que la formation de la main-d'œuvre et les programmes offerts par le collège sont bien conçus, et que le financement est adéquat pour répondre aux besoins spécifiques des immigrants et des collectivités locales.
Depuis 2008, nous vivons, comme vous le savez, un changement profond et sans précédent en ce qui a trait aux politiques qui touchent tous les aspects de l'immigration. Pour le Collège Boréal et les établissements postsecondaires francophones en général, ces changements apportent leur part d'occasions et de défis.
Parlons d'abord des occasions. En ce qui concerne les étudiants étrangers, nous espérons que les nouvelles dispositions réglementaires visant les étudiants étrangers, qui entreront en vigueur le 1er juin 2014, faciliteront leur recrutement. Ces nouvelles règles, qui autorisent automatiquement le titulaire d'un permis d'études à travailler à l'extérieur du campus jusqu'à 20 heures par semaine pendant la session, et à temps plein pendant les congés prévus au calendrier scolaire, sans qu'il doive présenter une demande de permis de travail distincte, nous faciliteront la tâche pour recruter des étudiants internationaux.
Le Collège a d'ailleurs chargé spécifiquement la directrice générale du développement stratégique du Collège d'assurer activement le recrutement d'étudiants internationaux.
La rétention des immigrants francophones dans nos communautés en situation minoritaire passe obligatoirement par l'aiguillage vers les ressources francophones institutionnelles et communautaires. Les travailleurs dans le domaine de l'établissement qui offrent ces services aux immigrants francophones se doivent de connaître les programmes et services francophones qui sont offerts dans leur collectivité, et être sensibilisés à l'importance d'aiguiller et de recommander les nouveaux arrivants francophones à ces organismes et à ces institutions. Il arrive, hélas, trop souvent que cet aiguillage laisse à désirer, ce qui représente un défi dont nous parlerons un peu plus tard. Nous sommes donc à mettre sur pied un programme de formation de consultants en immigration à l'intention des francophones qui permettra, le pensons-nous, de surmonter ce défi.
L'arrivée d'immigrants, dans le cadre du nouveau système Entrée Express, nécessitera de nouveaux programmes de formation langagière axés sur les professions et qui permettront de répondre aux besoins de formation plus spécifiques des nouveaux arrivants économiques ainsi qu'aux besoins des employeurs. Nous venons d'ailleurs de concevoir et d'offrir le programme relais en gestion de projets pour les immigrants formés à l'étranger de façon à répondre à une demande en ce sens dans les régions de Toronto, Hamilton, London et Windsor.
Permettez-moi d'aborder de plus près certains défis auxquels nous faisons face.
Pour se préparer au lancement du système Entrée Express en 2015, CIC commencera à accepter des demandes dans le cadre du Programme des travailleurs qualifiés, du Programme des travailleurs de métiers spécialisés, et de la catégorie de l'expérience canadienne, à compter du 1er mai 2014. Ces mesures assureront un flux continu de travailleurs qualifiés qui s'établiront de façon permanente au Canada et qui permettront de répondre aux besoins de la main- d'œuvre canadienne, dans les domaines où il existe une pénurie. Or, ce nouveau système ne favorise pas particulièrement l'immigration francophone. L'atteinte de la cible nationale de 4,4 p. 100 ainsi que la cible ontarienne de 5 p. 100, dont le ministre Alexander vous a parlé il y a quelques jours, demeure un problème. Même si le programme de candidats désignés des provinces représente la solution la plus souvent mise de l'avant pour atteindre cette cible, il en demeure que le quota de désignations pour 2014, établi à 2 500 pour l'Ontario, est nettement insuffisant. Le Collège entend cependant travailler en amont en sensibilisant de nombreux employeurs avec lesquels il collabore dans ses services d'emplois et ses comités consultatifs afin d'obtenir de leur part un engagement réel à embaucher des immigrants francophones, en particulier au sein des petites et moyennes entreprises.
La formation linguistique de nos immigrants francophones demeure problématique puisque, selon leur lieu de résidence, ils ne peuvent pas nécessairement avoir accès à de la formation langagière. Le Collège travaille présentement à élaborer une plateforme qui permettra d'offrir cette formation à distance à tous les immigrants francophones, où qu'ils soient en Ontario. Cette formation linguistique leur permettra d'avoir accès tant à de la formation en anglais qu'en français, dans le même continuum d'intégration sociale en situation minoritaire. De plus, nos programmes sont offerts dans un environnement francophone qui permet aux immigrants de développer un sentiment d'appartenance à la communauté francophone. En outre, ils incluent une dimension interculturelle très importante qui favorise le développement du plein potentiel de l'immigrant francophone.
Parlons finalement de notre nouveau modèle logique. Ce modèle vise à aborder le problème précis de l'aiguillage des immigrants francophones vers les fournisseurs de services francophones de leur collectivité.
Nous proposons un modèle logique des services d'établissement et de nos programmes postsecondaires sous forme de guichet unique où les services sont offerts, soit directement par le Collège, soit en partenariat avec des organismes communautaires ou institutionnels, lorsque cela est possible et réalisable, bien entendu, à partir d'un endroit commun regroupant, sous un même toit, tous les services. Cette approche, nous le croyons fermement, permettra un meilleur arrimage entre les différents fournisseurs de services francophones et donnera aux immigrants francophones un accès plus direct à nos programmes collégiaux. Une approche collaborative et intégrée, qui combine des activités, des programmes et des services offerts aux immigrants francophones, permettra d'aborder de façon holistique les différents volets des services d'établissement et facilitera leur intégration dans la communauté francophone en situation minoritaire. Nous avons présenté ce modèle lors du TESL Canada 2014 Conference, tenu à Regina, la semaine dernière, et nous vous présentons les conclusions intéressantes de la discussion qui en a découlé.
[Traduction]
Les participants de notre groupe sont parvenus à un consensus unanime. Le modèle de guichet unique semble être la seule façon de faire une connexion entre l'établissement des immigrants et les programmes collégiaux. La collaboration, la mise en place de partenariat et le regroupement de tous les services sous un même toit permettront de régler les problèmes qu'ont trop souvent les collèges, soit que les fournisseurs de services d'établissement ne sont pas au courant des programmes qu'ils offrent, qu'ils n'en connaissent par les conditions d'admission, qu'ils ne savent pas à quel point il est facile d'y entrer et qu'ils ignorent dans quelle mesure ces programmes peuvent aider les immigrants.
[Français]
Nous vous remercions de nous avoir permis de témoigner devant vous aujourd'hui, et nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Yvon Laberge, directeur général, Collège Éducacentre : Bonsoir, madame la présidente, sénatrices et sénateurs, collègues et participants présents. Au nom du conseil d'administration du Collège Éducacentre, dont je suis le directeur général, j'aimerais vous remercier de votre invitation.
Le but de cette présentation est de vous offrir mes réflexions, à titre d'administrateur d'une institution de formation des adultes dans un contexte très minoritaire francophone, sur les défis et les occasions que représente l'immigration dans les établissements postsecondaires francophones. Plus spécifiquement, je replacerai cette réflexion dans le contexte des changements récents apportés par le gouvernement fédéral et de l'accent particulier mis sur l'immigration économique.
L'avenir de la communauté francophone en situation minoritaire repose, en grande partie, sur l'immigration. La capacité d'attirer et de garder les immigrants d'expression française est essentielle au développement et à l'épanouissement de notre communauté. Dans le contexte des changements apportés à la politique sur l'immigration du gouvernement fédéral, je ferai valoir l'importance des collèges dans le recrutement et l'intégration rapide et efficace des immigrants francophones en situation minoritaire. Enfin, je conclurai ma présentation avec quelques idées qui pourraient être adoptées par le comité.
La Colombie-Britannique, et plus particulièrement la région du Grand Vancouver, est une destination de choix pour les immigrants. Des 60 000 personnes dont le français est la langue maternelle en Colombie-Britannique, 11 000, ou 20 p. 100, sont nées à l'extérieur du Canada; 70 p. 100 des immigrants sont d'origine européenne — venant surtout de la France —, 16 p. 100 sont du continent africain, et 8 p. 100 viennent des Amériques. Ces données ne comptabilisent pas les nombreux immigrants secondaires qui sont passés par le Québec et pour qui le français est la première langue officielle qu'ils ont apprise.
Le Collège Éducacentre est le seul collège francophone en Colombie-Britannique. Organisme à but non lucratif depuis 1992, il est reconnu comme un leader en éducation des adultes dans la langue de la minorité et de l'éducation à distance en Colombie-Britannique et au Canada. Afin d'atteindre les francophones partout dans la province, nos cours, programmes et services sont offerts en présentiel dans nos trois campus de Vancouver, Prince George et Victoria, ou en ligne, par l'intermédiaire de notre campus virtuel.
Chaque année, le Collège Éducacentre inscrit plus de 500 étudiants qui viennent y suivre une formation professionnelle en français. Nous comptons environ 120 employés à temps plein et à temps partiel.
Nous offrons une gamme variée de cours, de programmes et de services, y compris des programmes de niveau collégial, un service de formation continue sur mesure, de la formation de base, des services d'accès à l'emploi et de multiples services aux étudiants.
Les immigrants ont accès à l'ensemble de ces services. Le Collège Éducacentre offre également des programmes et services axés spécifiquement sur les besoins des immigrants.
Notre premier constat est le suivant : il est clair qu'en Colombie-Britannique, une intégration économique réussie passe par la maîtrise de la langue anglaise. Le Collège Éducacentre intègre donc le développement des connaissances de la langue anglaise dans ses cours et programmes. Nous proposons, par exemple, des ateliers d'intégration au marché du travail dont la formation linguistique est une composante essentielle. Nous offrons également le nouveau programme LINC, Language Instruction to Newcomers in Canada, à des cohortes francophones.
En reconnaissant que les parcours des immigrants sont multiples, nous offrons toute une gamme de services qui servent de ponts et de passerelles et qui mènent l'immigrant aux points d'accès dont il a besoin.
Dans le passé, par exemple, nous avions un conseiller en établissement sur place. Son rôle s'est avéré indispensable pour attirer les immigrants dès leur arrivée et les aiguiller vers les autres services du collège ou de la communauté.
Au Collège Éducacentre, un nouvel arrivant peut être redirigé vers un conseiller à l'emploi, une personne responsable de l'orientation scolaire et professionnelle, un programme d'insertion à l'emploi pour les jeunes et, bien sûr, tel que je l'ai mentionné plus tôt, toute la gamme de programmes et de services.
Notre approche globale et intégrée semble résonner auprès de la population immigrante. Depuis 2011, le nombre d'inscriptions à tous nos programmes et services n'a cessé de croître, et la part relative des clients qui utilisent les services du Collège Éducacentre et qui sont nés à l'extérieur du Canada dépasse le seuil de 50 p. 100, ce qui représente une croissance d'environ 20 p. 100 depuis 2011.
Les changements actuels et futurs à la politique d'immigration auront, par conséquent, un impact important sur le Collège Éducacentre et les autres collèges francophones en situation minoritaire.
Le système de déclaration d'intérêts qui sera mis en place dès janvier 2015 par le gouvernement fédéral aura pour effet de permettre un jumelage entre le candidat potentiel à l'immigration et un employeur canadien. Ce système présuppose un niveau élevé de connaissance d'une des deux langues officielles. Mais dans un contexte très minoritaire comme en Colombie-Britannique, le candidat à l'immigration devra démontrer une connaissance de la langue anglaise, ce qui rend le recrutement de candidats francophones plus difficile.
De plus, à long terme, nous anticipons dans ce système une baisse du besoin de formation linguistique. Par ailleurs, nous estimons que la catégorie de l'expérience canadienne aura un impact majeur. Cette catégorie permet désormais aux travailleurs étrangers temporaires et aux étudiants étrangers qui satisfont à certaines exigences de présenter une demande de résidence permanente au Canada. À partir du 1er juin 2014, un étudiant étranger pourra travailler un maximum de 20 heures par semaine et à temps plein durant les périodes de vacances. Cette initiative devrait permettre de faciliter le recrutement d'étudiants étrangers.
Or, la catégorie de l'expérience canadienne facilitera le processus d'immigration des jeunes Français et Belges qui viennent au Canada à l'aide d'un permis vacances-travail ou PVT et que nous appelons les PVTistes. Le Canada accueille 7 000 PVTistes français chaque année, dont de 1 500 à 2 000 choisissent de s'établir à Vancouver.
Le Collège Éducacentre a été historiquement un lieu de convergence pour ces PVTistes qui venaient utiliser nos services d'aide à l'emploi. Nous constatons que certains d'entre eux s'inscrivent dans nos programmes collégiaux afin de trouver un emploi et de faire une demande de résidence permanente. Ces jeunes possèdent, pour l'essentiel, une très bonne formation et représentent un bassin important de recrutement de francophones candidats à l'immigration. En revanche, il n'existe pas, au sein des différents paliers de gouvernement, de programmes d'appui à l'intégration de ces PVTistes.
Il est clair, à la suite des changements récents apportés par le gouvernement fédéral au dossier de l'immigration, et plus spécifiquement, compte tenu de l'accent mis sur l'immigration économique, que les collèges jouent désormais un rôle encore plus important dans le recrutement et l'intégration des immigrants. Les liens traditionnels qui existent entre les employeurs et les collèges seront essentiels afin de faciliter la liaison entre les employeurs et les immigrants. Ce mariage peut passer par un lien direct lors de l'arrivée de l'immigrant ou au moyen de services à l'emploi ou de formation. Surtout, cela peut passer par le recrutement d'étudiants internationaux.
Mais afin d'être en mesure d'appuyer la mise en œuvre de ces nouvelles politiques, nous souhaitons que votre comité recommande au gouvernement canadien de reconnaître le rôle essentiel des collèges dans le recrutement et l'intégration des immigrants francophones en situation minoritaire.
Nous souhaitons également que votre comité recommande d'appuyer et de financer le renforcement des capacités et des infrastructures des collèges en situation minoritaire afin qu'ils puissent mieux servir les populations immigrantes et les étudiants internationaux. Ce renforcement passe par une reconnaissance du bien-fondé du modèle global et intégré de l'immigration au sein de la structure collégiale.
Il s'agit aussi de nous donner les outils qui nous permettront de faciliter une intégration économique rapide et efficace, en plus d'encourager la participation des immigrants dans la communauté francophone. Plus spécifiquement, nous avons besoin d'améliorer les services d'accueil des immigrants, de développer la disponibilité et l'accessibilité des services en orientation en français, de continuer de financer les programmes de formation linguistique en français et en anglais, soit les programmes CLIC et LINC, et de soutenir des activités de recrutement en offrant une place privilégiée aux collèges au sein de Destination Canada et dans les foires de recrutement organisées par les consulats et ambassades canadiens.
Enfin, il est important que le gouvernement canadien encourage les divers ministères, plus spécifiquement Citoyenneté et Immigration Canada, à privilégier les demandes des collèges d'offrir des services d'intégration directe. Encore une fois, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui, et il me fera plaisir de répondre à vos questions.
La présidente suppléante : Merci à vous tous pour vos importantes présentations qui nous ont fait connaître les services que vous offrez.
La sénatrice Charette-Poulin : C'est un honneur pour moi de vous accueillir à notre comité permanent. Lors de nos précédentes séances, j'ai eu l'occasion de citer en exemple les succès du Collège Boréal, ce que j'ai fait avec énormément de fierté.
Ce qu'il y a de frappant dans vos présentations, c'est qu'il y a définitivement concomitance. Vous mettez vraiment l'accent sur les besoins, les formules à succès, mais aussi sur les besoins additionnels. Vous dites que, pour que nos communautés continuent à s'épanouir, que ce soit dans le Nord de l'Ontario ou en Colombie-Britannique, elles dépendent de plus en plus de l'immigration, d'où l'importance de l'application réussie des nouvelles politiques.
Pourriez-vous nous parler des succès de vos deux institutions en ce qui concerne le travail que vos diplômés réussissent à trouver en ce moment?
M. Cantin : Effectivement, avec le système d'intégration que nous avons proposé et mis en place, nous avons constaté qu'il est beaucoup plus facile maintenant pour nos immigrants de trouver du travail. Pourquoi? Parce que nous leur apprenons, au sein de ces collectivités en situation minoritaire, à acquérir une qualité d'anglais qui leur permette de trouver un emploi.
Mais ce n'est pas suffisant. Il faut également que ces gens aient accès à des services qui leur permettent de trouver un emploi. Ainsi, l'intégration de nos services à l'emploi, auxquels ils ont accès et dont ils bénéficient, leur permet justement d'aller chercher avec beaucoup plus de confiance un emploi rémunérateur.
Nous avons constaté que cette intégration leur permet non seulement de trouver un emploi, mais aussi, par exemple, si jamais il leur manquait de l'alphabétisation ou que leur diplôme d'études secondaires n'était pas reconnu ici, que nous pouvons les aider à cheminer dans ce sens et faire en sorte qu'une fois la capacité langagière acquise, ils se retrouvent dans une situation où ils peuvent avoir accès à des ressources qui leur donnent accès également à un groupe d'employeurs qui sont à la recherche de ces gens.
Nos conseillers en emploi mettent beaucoup d'accent sur cet aspect, et lorsque nous recevons un immigrant, nous faisons une véritable analyse de ses compétences, de ses besoins et surtout du domaine dans lequel il désire travailler.
Parfois, il est impossible pour lui de travailler directement dans le domaine où il était, mais nous tentons, dans la mesure du possible, de lui trouver un emploi dans un domaine connexe qui lui permette de bien gagner sa vie et de s'épanouir dans notre société.
Les immigrants qui arrivent dans l'une de nos collectivités en situation minoritaire viennent souvent de pays d'Afrique, ce qui représente pour eux un double défi d'intégration. Ils doivent non seulement s'intégrer à la communauté au grand complet, mais aussi à la communauté francophone en situation minoritaire. Nous les aidons donc à s'intégrer à ces deux paliers.
La sénatrice Charette-Poulin : Monsieur Laberge, aimeriez-vous ajouter quelque chose?
M. Laberge : Je pourrais vous donner l'exemple du cheminement d'un immigrant dans un contexte institutionnel qui utilise une approche globale et intégrée. Le 12 décembre 2012, deux immigrants sont arrivés ensemble. Ils ont rencontré notre conseiller en établissement. Le conseiller en établissement a tout de suite vu qu'ils cherchaient un logement et un emploi. Il a travaillé avec eux pour leur trouver un logement puis les a référés à notre conseiller à l'emploi.
La conseillère à l'emploi, après les avoir évalués, a constaté que l'un des deux était admissible au programme Jeunes au travail. Elle l'a intégré à ce programme qui permet l'insertion des jeunes au moyen d'un processus systématique pour leur offrir une première expérience de travail au Canada.
L'autre individu n'était pas admissible au programme, mais les deux ont rencontré la conseillère en orientation.
La conseillère en orientation a perçu, chez l'un des individus, deux problèmes liés à l'insertion sur le marché du travail : le premier était qu'il ne parlait pas anglais, et le deuxième, qu'il ne pouvait ni lire ni écrire. Cette personne a donc été inscrite au programme LINC ainsi qu'à notre programme d'alphabétisation. Cela fait 18 mois qu'il est ici, il est toujours inscrit aux deux programmes, son anglais s'est amélioré, il a trouvé un emploi à temps partiel et il continue à utiliser les services du collège.
La sénatrice Charette-Poulin : Selon les témoignages que nous avons entendus jusqu'à maintenant, il semblerait qu'il y ait concomitance entre les témoins pour dire que les chances de succès des immigrants sont plus élevées quand ils arrivent en tant qu'étudiants dans des établissements postsecondaires que lorsqu'ils arrivent directement dans le milieu du travail. Il semble que les systèmes d'accueil, dont vous parliez si bien, M. Cantin et M. Laberge, offrent des services très personnalisés aux étudiants et investissent dans leur avenir, tandis que les employeurs n'ont peut-être pas ces infrastructures pour accueillir, diriger et soutenir les immigrants.
Auriez-vous des recommandations à faire au gouvernement pour que, à long terme, le Canada s'assure que les politiques d'immigration augmentent les chances de succès au lieu d'augmenter les risques d'échec?
M. Cantin : Oui, je crois que la solution passe par ce que je vous décrivais tout à l'heure. Il est vrai que les étudiants qui arrivent peuvent profiter de tous les services que nous offrons normalement aux étudiants. C'est plus facile pour eux.
Ils ont des conseillers en orientation, et tous les services sont intégrés. Je suis d'accord avec mon collègue ici quand nous parlions d'intégration. La présentation que j'ai faite à Regina, il y a deux semaines, portait sur le lien entre les services d'établissement et les programmes collégiaux; or, le lien, parfois, ne se fait pas.
Lorsque nous offrons des services d'établissement, c'est automatique. Ainsi, lorsque nous offrons des services d'établissement aux immigrants en même temps que le reste, ils ont accès, comme nos étudiants internationaux, à tous les services du collège. Cela fait partie du continuum d'intégration que nous offrons.
Ce n'est pas toujours possible, cependant, parce que Citoyenneté et Immigration Canada préfère parfois donner des services d'établissement. Je ne commente pas cela, c'est leur choix; les services d'établissement leur appartiennent et, parfois, ils préfèrent les transférer à des organismes communautaires qui n'ont pas cette sensibilité, cette connaissance de tous nos programmes. Effectivement, nous en échappons parfois. Lorsque nous échappons un immigrant, croyez- moi, il est très difficile ensuite de le récupérer.
C'est pour cela que, lorsque nous offrons ces services d'intégration et d'établissement, nous n'en échappons pas un seul, si possible. Nous faisons en sorte qu'ils demeurent chez nous, qu'ils profitent de tous nos services, et surtout, qu'ils soient intégrés à cette communauté francophone vivante et vibrante qui existe, mais qu'ils ne connaissent souvent pas si on ne les sensibilise pas à l'existence de tous ces services qui sont là pour eux.
M. Laberge : J'abonde dans le même sens que mon collègue. Nous croyons fermement qu'il devrait y avoir plus de portes d'entrée aux services que de portes de sortie. Je crois qu'en travaillant tous ensemble et qu'en dirigeant les immigrants vers des services globaux et intégrés, les possibilités de portes de sortie sont amoindries. Comme M. Cantin l'a dit, le fait d'accueillir les immigrants dans une situation où on peut leur donner de la formation, non seulement technique et professionnelle, mais aussi de la formation et de l'information sur la façon de travailler au Canada, par exemple, lorsqu'ils intègrent le système économique, le marché du travail, leur donne plus de chance de réussir.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Je sais que vos deux institutions existent déjà depuis plusieurs années. On peut donc présumer que vous avez des programmes à l'intention des étudiants étrangers. Étant donné les changements apportés au système de l'immigration, nous pouvons aussi présumer que vos démarches se feront en fonction du système actuel. Je sais que vous avez parlé des autres choses que vous aimeriez faire.
À l'heure actuelle, d'où viennent vos étudiants étrangers? Je pense que quelqu'un a dit que la majorité d'entre eux venait d'Afrique. Est-ce exact? Accueillez-vous aussi des étudiants d'Haïti? Pouvez-vous me donner une idée de la provenance de vos étudiants étrangers et de leur nombre?
M. Laberge : Je n'ai pas les chiffres exacts avec moi en matière de provenance, mais la majorité de nos étudiants étrangers vient de l'Afrique du Nord, et principalement de la Tunisie, de l'Algérie et du Maroc. Nous en avons aussi quelques-uns de la République démocratique du Congo — de plus en plus, en fait — et de l'île Maurice.
Nous voyons aussi de plus en plus de PVTistes français. Même s'ils ont l'équivalent d'un baccalauréat, on les voit s'inscrire à certains de nos programmes du niveau collégial, car ils cherchent à décrocher un certificat ou un diplôme quelconque qui pourra leur ouvrir des portes sur le marché du travail canadien.
La sénatrice Marshall : En ce qui concerne l'augmentation prévue, je présume que l'accent sera mis sur ces pays.
M. Laberge : Oui. Sur la France et l'Afrique du Nord, mais aussi sur l'Afrique de l'Ouest, de plus en plus. Je crois que le Sénégal pourrait être un marché important, ainsi que la Côte-d'Ivoire. Ce sont des endroits où nous pourrions recruter des étudiants.
La sénatrice Marshall : Est-ce la même chose pour le Collège Boréal?
M. Riopel : Nous avons environ 25 étudiants étrangers à l'heure actuelle.
La sénatrice Marshall : D'où proviennent-ils?
M. Riopel : Comme pour le Collège Éducacentre, ils viennent surtout du Congo, du Maghreb. Nous participons également aux initiatives du ministère de l'Éducation et du ministère de la Formation pour l'Ontario, ainsi qu'à diverses campagnes de recrutement en Afrique de l'Ouest. Il y a deux mois, nous étions en Côte-d'Ivoire et au Sénégal. En novembre, nous étions en Tunisie, au Maroc et en Algérie. Avec nos collègues des établissements postsecondaires francophones de l'Ontario, nous planifions une mission en France et en Belgique, à la fin de juin. Nous élargissons...
La sénatrice Marshall : Et vous grandissez.
M. Riopel : Oui, nous grandissons. Tout à fait.
La sénatrice Marshall : Vous existez depuis un certain temps — 20 ans, je crois... Faites-vous le suivi des étudiants qui passent par chez vous? Où aboutissent-ils? J'aimerais savoir s'ils se retrouvent à vivre dans des collectivités de la Francophonie, mais aussi s'ils y travaillent. Finissent-ils par travailler dans des environnements où le français est la langue principale? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ces deux aspects?
M. Riopel : D'après ce que j'en sais, de nombreux étudiants étrangers sont allés travailler dans des grands centres, comme Toronto, par exemple. Ils étudient à Sudbury, puis s'en vont dans les grands centres ou s'en retournent dans leur pays. Je n'ai pas de données concrètes ou de chiffres pour vous, mais c'est ce que j'ai entendu dire.
La sénatrice Marshall : Restent-ils attachés à une communauté francophone ou finissent-ils dans des milieux anglophones? Étant donné tous les efforts qui leur sont consacrés, je suis curieuse de savoir où ils aboutissent.
M. Riopel : M. Cantin a mentionné tantôt que l'intégration se déroule en fait presque à deux niveaux, puisqu'ils sont des francophones dans un milieu à majorité anglophone. Il y a donc un attachement à la communauté francophone de la région où ils sont — que ce soit Hamilton, London ou Toronto —, mais ils doivent aussi s'intégrer aux communautés anglophones plus vastes.
La sénatrice Marshall : Est-ce que la plupart des étudiants qui arrivent sont unilingues, bilingues ou multilingues?
M. Cantin : C'est une très bonne question, car ils parlent souvent plusieurs langues, mais pas nécessairement le français et l'anglais. Ils parlent beaucoup de langues de leur pays, ce qui s'avère parfois être un avantage pour eux. Il arrive que nous en embauchions certains comme conseillers pour l'établissement des immigrants puisqu'ils sont en mesure de parler, par exemple, les langues des immigrants africains qui arrivent ici, ce qui constitue un avantage.
Mais en général, les étudiants étrangers que nous accueillons de pays francophones parlent le français. C'est leur langue principale, mais ils peuvent en avoir plusieurs autres.
La sénatrice Marshall : M. Cantin ou M. Laberge a parlé de la création de partenariats avec certaines organisations. Pouvez-vous nous parler des organisations avec lesquelles vous concluez des partenariats et nous dire s'il vous arrive d'en conclure avec des établissements d'enseignement?
M. Laberge : Oui, merci. C'est une très bonne question. Qu'ils soient officiels ou non, je crois que les partenariats sont essentiels.
La sénatrice Marshall : Je suis d'accord.
M. Laberge : Selon nous — et compte tenu de notre expérience —, il importe de s'associer à des entités de la communauté francophone, mais aussi à l'extérieur de cette communauté. Par exemple, il y a une grande concentration d'immigrants francophones à Surrey, et nous avons créé un partenariat avec un organisme anglophone de services aux immigrants, lequel fonctionne extrêmement bien. Cette association nous a permis d'élargir de bien des façons nos services aux immigrants. Alors, oui, les partenariats sont essentiels.
La sénatrice Marshall : Très importants.
M. Laberge : Nos relations avec les établissements d'enseignement vont dans tous les sens; nous avons des protocoles d'entente, non seulement en Colombie-Britannique, mais aussi avec les établissements comme le Collège Boréal, la Cité Collégiale et un certain nombre d'autres à travers le pays.
La sénatrice Marshall : Est-ce que c'est la même chose pour les gens du Collège Boréal? Vous n'êtes pas dans la même région, mais faites-vous la même chose?
M. Cantin : Nous faisons la même chose, mais nous participons aussi à divers comités. Par exemple, nous sommes membres du National Language Advisory Body, qui a été mis sur pied par CIC. C'est une initiative importante de ce ministère.
Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec la Cité Collégiale, qui partage nos opinions en matière d'intégration. Notre modèle logique se nomme La VOIE Boréal. Le leur s'appelle Le Parcours Francophone, ce qui rend exactement la même idée. Nous faisons partie des mêmes comités, nous travaillons ensemble et nous collaborons l'un avec l'autre. Par l'entremise d'une nouvelle initiative appelée l'Alliance des établissements postsecondaires de la francophonie canadienne, nous tentons de collaborer avec tous les collèges et toutes les universités francophones de partout au Canada qui offrent des services aux immigrants. En fait, M. Laberge et moi faisons partie de ce projet d'alliance.
La sénatrice Marshall : Il y a donc de multiples partenariats.
M. Cantin : Tout à fait.
La sénatrice Marshall : Ma dernière question porte sur l'aspect financier. M. Cantin ou M. Laberge a parlé du financement accordé par le gouvernement fédéral. Comment êtes-vous financés? Le gouvernement fédéral vous procure-t-il du financement ou si vous ne comptez que sur les droits de scolarité des étudiants? J'aimerais que chaque institution nous dise de quoi il retourne pour elle.
M. Laberge : Bien sûr. Tout d'abord, il y a un manque de financement, comme toujours, mais nous obtenons notre financement de multiples sources, y compris du gouvernement provincial, par l'entremise du ministère de l'Éducation. Certains programmes sont financés en partie par CIC, Service Canada et un certain nombre d'autres ministères. La liste est longue.
Pour nous rendre le plus autonome possible sur le plan financier, on nous encourage de plus en plus à mettre au point des activités qui généreront des revenus, mais ces activités demandent habituellement beaucoup de travail et rapportent peu.
La sénatrice Marshall : Un rendement très modeste. Je comprends.
Est-ce la même chose pour le Collège Boréal?
M. Cantin : C'est à peu près la même chose, mais je tiens à mentionner que nos services aux immigrants sont financés par Citoyenneté et Immigration et par le MACI, qui est le ministère des Affaires civiques et de l'Immigration de l'Ontario. Par exemple, les programmes de relais sont financés par le gouvernement provincial.
Cependant, nous devons composer avec une réduction du financement de CIC, ce qui représente un défi très sérieux, puisqu'on nous demande d'offrir les mêmes services avec moins de ressources, de faire plus avec moins. Et c'est ce que nous faisons, mais il devient extrêmement difficile d'y arriver.
La sénatrice Marshall : Surtout si le financement diminue et que le nombre d'étudiants augmente; c'est un peu comme une corrélation renversée.
M. Cantin : Oui, exactement.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Lorsque vous dites que vous recevez du financement gouvernemental dans le cadre d'un programme d'immigration, à quel pourcentage ce financement équivaut-il par rapport au programme que vous offrez?
M. Cantin : Lorsqu'on parle du programme de formation langagière LINC, ou CLIC, 100 p. 100 de ce programme est financé par le gouvernement. Il en va de même pour le programme d'établissement, qui est financé à 100 p. 100 par Citoyenneté et Immigration Canada. Cependant, dans le cas des programmes relais, financés par le ministère des Affaires civiques et de l'Immigration de l'Ontario, on nous demande une contribution. Ainsi, le gouvernement financera environ 70 p. 100 du programme, et nous devrons absorber 30 p. 100 des coûts à partir de nos ressources. Cette contribution n'est parfois pas évidente à assumer. Toutefois, nous y contribuons volontairement, parce que le programme d'éducation aux services à l'enfance pour la région de London-Middlesex est absolument essentiel; nous vivons, en Ontario, une crise liée aux éducateurs et éducatrices à la petite enfance. Ce programme est donc essentiel, et nous avons investi les ressources nécessaires pour faire en sorte qu'il puisse aller de l'avant.
Le sénateur Robichaud : Est-ce la même chose de votre côté?
M. Laberge : C'est exactement la même chose. Nous devons travailler à des activités génératrices de revenus pour compenser les autres éléments. Nous recevons moins de financement de la province. En matière d'immigration, nous ne recevons rien. Tous les fonds proviennent de CIC en ce qui concerne le programme LINC. Nous n'avons présentement aucun conseiller en établissement qui est financé.
Donc, on cherche par tous les moyens possibles à assurer que ces services sont disponibles. Nous intégrons les services aux immigrants à tous les autres services. Toutefois, nous le faisons tant bien que mal avec les ressources disponibles.
Le sénateur Robichaud : Bravo!
Le sénateur Rivard : J'aimerais revenir aux étudiants étrangers. Vos deux collèges accueillent des étudiants étrangers. Le Québec et les autres provinces canadiennes attirent des étudiants étrangers, car dans leur propre pays, ceux-ci ont de la difficulté à se trouver un emploi à temps partiel. On connaît le taux de chômage en Belgique et en France. Or, au Canada, même si ce n'est pas le plein emploi, il existe plus d'opportunités. Une fois leurs études complétées et leur diplôme obtenu, nous souhaitons, bien entendu, que ces étudiants demeurent ici, car ce sont des personnes qualifiées et elles représentent pour nous un actif important.
Vous ne pourrez peut-être pas répondre à mes questions avec exactitude. Toutefois, à votre connaissance, le nombre d'étudiants originaires de vos provinces qui vont étudier en France ou en Europe est probablement beaucoup moins important que les étudiants que l'on accueille. Vous ne disposez sans doute pas de données statistiques pour vos provinces, mais accueillez-vous, dans vos provinces, beaucoup plus d'étudiants qu'on ne compte d'étudiants de l'Ontario ou de la Colombie-Britannique qui vont étudier en Europe?
M. Laberge : Je n'ai pas les données avec moi. Toutefois, il y a davantage de PVTistes français qui viennent ici que de PVTistes canadiens qui vont en France. Le quota des PVTistes cette année a été atteint en 30 minutes. Or, le quota canadien, à ma connaissance, n'a pas encore été atteint.
Pour ce qui est du nombre d'étudiants internationaux canadiens qui vont en France, je n'ai pas la réponse à cette question.
Le sénateur Rivard : Malheureusement, beaucoup plus d'étudiants français viennent au Québec, bien que les frais de scolarité des études universitaires soient beaucoup plus élevés pour un étranger. Les frais seront également plus élevés pour une personne de l'Ontario qui viendra étudier au Québec que pour une personne du Québec.
Les frais de scolarité des études universitaires, dans vos provinces respectives, sont-ils du simple au double ou du simple au triple pour un étudiant étranger?
M. Riopel : Je ne le sais pas.
Le sénateur Rivard : Mes autres questions ont déjà été posées, et vous y avez très bien répondu. Alors je vous félicite, et je souhaite que de plus en plus d'étudiants européens, africains et autres viennent dans vos provinces. Il y aura ainsi encore plus de francophones. Le pays essaie d'être de plus en plus bilingue.
Je vous souhaite le meilleur des succès, même si le Québec est en compétition pour attirer les meilleurs étudiants — c'est une saine compétition.
M. Cantin : C'est le vœu de Citoyenneté et Immigration Canada. D'ailleurs, les règles ont changé et doivent entrer en vigueur d'ici quatre ou cinq jours. Le vœu du ministre Alexander est de les retenir ici. Il dit que nous les accueillons et les formons. Pourquoi ne les gardons-nous pas?
Le sénateur Rivard : On se doit de saluer l'initiative du gouvernement qui, à compter du 1er juin, permettra à ces étudiants de travailler, dans le but de les aider à vivre. Or, on n'a pas cette même réciprocité avec la France. Il est extrêmement difficile pour un étudiant francophone québécois qui veut faire un stage en France de survivre. Celui-ci aura énormément de difficulté. Nous travaillons très fort présentement pour nous assurer qu'il y ait réciprocité et que l'on puisse accueillir autant d'étudiants qu'on n'en envoie outre-mer.
La sénatrice Chaput : J'aimerais que vous nous parliez un peu plus longuement de la cible nationale, cette fameuse cible de 4,4 p. 100 qui pose problème. Cette cible est-elle réaliste? Peut-être que d'autres actions pourraient être entreprises pour l'atteindre. Est-elle suffisante? Pourriez-vous nous parler davantage de cette cible, qui est si importante?
M. Laberge : C'est une très bonne question. La cible de 4,4 p. 100 est-elle réalisable? Je ne pourrais pas vous le dire. Toutefois, étant originaire de l'Alberta, je sais qu'il était, à l'époque, très difficile d'y attirer des immigrants francophones. La situation s'est améliorée, mais la difficulté reste.
On peut parler de la cible, mais aussi des stratégies gagnantes qui nous permettront d'attirer et de retenir les immigrants francophones. Le nerf de la guerre se retrouve justement dans le recrutement et la rétention. En tant que collège, la politique visant à permettre aux étudiants internationaux de travailler hors campus est très importante. C'est un moyen d'attirer les gens. Peut-être que dans deux ou trois ans, et je le souhaite, nous parlerons d'un réel succès en ce sens.
Par contre, pour nous qui sommes en situation très minoritaire, et je l'ai souligné dans ma présentation, c'est un plus grand défi d'attirer des francophones vers l'économie, car cette discipline exige la connaissance de l'anglais. Compte tenu de la nouvelle politique et de l'accent que l'on met sur l'intégration économique, j'espère qu'on ne va pas contrebalancer le succès et le nombre de personnes qu'on pourra attirer par l'intermédiaire des étudiants internationaux.
La sénatrice Chaput : Dans une situation minoritaire et une province majoritairement anglophone comme la mienne — car je viens du Manitoba également — il est difficile de retenir les immigrants francophones s'ils n'ont pas appris l'anglais et ne se sont pas trouvé un emploi, puisqu'ils doivent travailler en anglais. Qu'on aime le dire ou pas, c'est la réalité, n'est-ce pas?
M. Laberge : Vous avez tout à fait raison. De plus, nous constatons que certains immigrants francophones, ou soi- disant francophones, viennent de pays francophones. Or, il arrive que leur parcours scolaire ait été perturbé par la guerre, par exemple, et qu'ils aient dû se réfugier dans un pays voisin qui est anglophone. Je pense à l'Afrique spécifiquement et au Congo, par exemple. Ces personnes arrivent et sont souvent « semilingues ». Elles connaissent un peu le français et l'anglais, mais ne maîtrisent ni l'un ni l'autre. Nous devons nous pencher sur cette question et trouver le moyen de mettre sur pied un programme combiné LINC/CLIC pour aider ces personnes à améliorer leur bilinguisme.
Ce n'est qu'une réflexion. Ces gens ne sont pas nombreux, mais ce serait peut-être un moyen d'en retenir davantage.
M. Cantin : Je répondrai en deux temps. Je parlerai d'abord de la cible de 4,4 p. 100. Je la trouve optimiste, voire audacieuse, mais j'espère qu'elle sera atteinte.
Lorsque le ministre Alexander a comparu, il y a 15 jours, il vous a parlé de cette cible. Il vous a dit, par exemple, qu'on n'avait pas atteint le niveau de 1,8 p. 100; or, nous venions tout juste de l'atteindre. Il a fallu des années avant d'arriver à 1,8 p. 100, et maintenant nous voulons atteindre 4,4 p. 100 en 2018. Croisons-nous les doigts. Avec le nouveau système Entrée Express, nous avons certaines craintes. La capacité langagière exigée des candidats sera surtout l'anglais, parce que les employeurs feront une certaine sélection.
Vous parlez de communautés, et c'est la même chose pour London, Hamilton, Niagara, Barrie et les autres : les employeurs exigeront principalement un anglais de niveau 7 pour certains immigrants et de niveau 5 pour d'autres.
Jumelons donc cela à la cible de 5 p. 100 en Ontario, qui est encore plus audacieuse, et espérons mettre en place tous les systèmes qui nous permettront de l'atteindre. Ces systèmes peuvent être des candidats des provinces. Parfait! Cela donnerait alors à la province l'occasion de choisir certains candidats, mais encore faut-il que l'on augmente les quotas, parce qu'ils sont insuffisants en ce moment. Quand on parle de 2 500 immigrants pour toute la province, on ne parle pas seulement de francophones, ici. L'expérience canadienne peut également être très intéressante sur ce plan.
Concernant les formations langagières, le ministre vous a dit l'autre jour lors de son témoignage, que j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt, que les deux langues officielles devraient être apprises par les immigrants. Il a dit que nous devrions apprendre parfaitement une langue officielle, et il a rajouté que l'apprentissage parfait des deux langues officielles serait plus avantageux pour tout le monde. Il a aussi dit que, pour le moment, ce n'était pas dans toutes les régions qu'on pouvait donner cette formation dans les deux langues, mais que cela s'en venait. Je l'espère, parce que nous demandons depuis plusieurs années d'offrir les formations en français et en anglais. Malheureusement, cela a toujours été refusé pour des raisons budgétaires et non pas politiques. Cependant, nous avons fait un gain exceptionnel, quant à moi, récemment. En 2012, à l'aide de la feuille de propositions, nous avons réussi, à Toronto, à obtenir le CLIC français en même temps que le LINC anglais.
Bientôt, me dit-on, ce n'est pas encore officiel, ces silos disparaîtront, à savoir qu'un étudiant qui s'est inscrit dans un programme LINC ne puisse plus s'inscrire dans un programme CLIC, et vice versa. Cette barrière étant levée, nous avons beaucoup d'espoir de pouvoir offrir ce genre de programme double non seulement en Ontario, mais partout au Canada, où les immigrants pourront apprendre les deux langues si telle est l'exigence à laquelle ils doivent répondre pour obtenir un emploi satisfaisant.
La sénatrice Chaput : Cela pourrait aider aussi les immigrants anglophones qui arrivent au Canada et qui voudraient apprendre le français, parce qu'on parle souvent et toujours d'apprendre l'anglais à ceux qui parlent déjà le français, mais ceux qui ne parlent que l'anglais quand ils arrivent au Canada devraient aussi avoir accès à cette formation pour qu'ils puissent parler l'autre langue.
M. Cantin : C'est ce que nous offrons à Toronto maintenant. Cependant, on exige que ces gens aient quand même un certain niveau de français. On commence au niveau trois selon les niveaux de compétence linguistique canadiens. Nous pouvons tout de même leur donner à ce moment une formation langagière qui leur permet d'atteindre un niveau de confort dans la langue française qui, sans nécessairement atteindre un niveau de bilinguisme total, leur permet de fonctionner dans un milieu de travail.
La sénatrice Chaput : Cela pourrait être une bonne recommandation à faire?
M. Cantin : Tout à fait, vous nous feriez grand plaisir.
[Traduction]
Le sénateur Oh : Merci, messieurs.
Combien de nos immigrants ou de nos étudiants restent ici et demandent leur citoyenneté canadienne, et à quel groupe d'âge appartiennent les étudiants que vous faites venir au pays? Vous avez bel et bien dit que certains n'avaient aucune notion de français ou d'anglais...
M. Cantin : Oui. Je ne saurais trop insister là-dessus, mais j'ai l'impression — et c'est ce que je constate — que la plupart des immigrants qui viennent dans nos centres veulent obtenir la citoyenneté canadienne. C'est ce qu'ils veulent et ce qu'ils visent.
Toutefois, certains retardent ce processus, sachant qu'ils ne seront plus admissibles à nos programmes CLIC/LINC s'ils deviennent citoyens canadiens. Je dirais cependant que la majorité souhaite obtenir la citoyenneté.
Pour ce qui est de l'âge, disons que nous les prenons à partir de 12 ans et jusqu'à... Nous accueillons actuellement deux octogénaires chinoises. Elles sont charmantes et ne parlent pas un mot de français ou d'anglais. Elles assistent à nos cours du programme CLIC, et c'est un honneur de les avoir parmi nous. C'est tout à fait croquant de les voir apprendre, petit à petit. Il faut du temps.
Le sénateur Oh : Vous savez probablement que l'âge limite de notre système sera relevé. Jusqu'ici, les personnes de 55 ans et plus pouvaient devenir citoyens canadiens sans avoir à passer le texte de français ou d'anglais. Or, cet âge charnière passera à 65 ans.
M. Cantin : Exactement.
Le sénateur Oh : Croyez-vous qu'il sera plus difficile pour beaucoup de gens d'apprendre une nouvelle langue à cet âge? On espère tous parler couramment et sans accent. Même moi, j'ai encore un accent.
M. Cantin : Oui, assurément. De fait, l'examen pour obtenir la citoyenneté est assez difficile. L'autre jour, j'ai entendu un ministre avouer — je ne me rappelle plus qui c'était — qu'il échouerait à l'examen s'il avait à le passer aujourd'hui. C'est donc dire à quel point il est difficile.
Le sénateur Oh : J'ai entendu dire que le gros de vos étudiants venait du continent africain. Accueillez-vous aussi des étudiants du Cambodge, du Vietnam, du Laos? Ce sont tous des pays où l'on parle français.
M. Cantin : Nous avons environ 1 200 étudiants par an. Si vous venez dans nos centres, vous allez vous rendre compte que c'est un peu comme les Nations Unies; notre clientèle vient de tous les coins du monde.
Le sénateur Oh : Vous les accueillez en tant qu'étudiants et non en tant qu'étudiants étrangers, c'est bien cela?
M. Cantin : Nous avons les deux. Certains arrivent comme étudiants étrangers, mais dans nos programmes d'établissement et de formation linguistique, ce sont des immigrants.
Le sénateur Oh : Quel pourcentage réussit à devenir citoyen? En avez-vous une vague idée?
M. Cantin : C'est difficile à dire. Je n'ai pas les chiffres ou les statistiques sous la main, mais je dirais que la plupart d'entre eux réussissent à obtenir leur citoyenneté. Ils travaillent fort, et lorsqu'ils arrivent au niveau 4, 5 ou 6, ils réussissent le test sans problème.
Le sénateur Oh : Les étudiants d'âge moyen et les plus vieux qui n'ont jamais appris le français ou l'anglais peuvent avoir des difficultés. Il est très difficile d'apprendre à parler une nouvelle langue. L'entrevue avec le juge de la citoyenneté leur donne beaucoup de fil à retordre.
M. Cantin : Tout à fait.
Le sénateur Oh : Certains juges de la citoyenneté ont eux aussi un accent, ce qui n'arrange rien à la chose.
M. Cantin : Je crois que cela va devenir plus difficile pour les immigrants âgés et les personnes d'un certain âge.
[Français]
La présidente suppléante : Je voudrais revenir sur les activités liées au recrutement des étudiants étrangers. Monsieur Cantin, vous avez mentionné que vous aviez une directrice générale qui s'occupait de cela. Vous avez aussi mentionné qu'il y avait plus de 20 postes de recrutement pour les étudiants étrangers. Ces 20 postes de recrutement sont situés en dehors ou à l'intérieur du Canada? Avez-vous ciblé des pays?
M. Riopel : Je suis en poste depuis le début du mois de septembre. Lorsque j'ai examiné les dossiers du collège, il m'a semblé qu'il serait très intéressant et pertinent pour le collège de faire cette offre de programme ailleurs que dans notre province ou que dans notre pays.
Effectivement, tout à l'heure, je vous ai mentionné qu'au mois de novembre, il y a eu une mission au Maghreb, et au mois de janvier, un ou deux employés se sont rendus à la Côte d'Ivoire et au Sénégal, où ils ont rencontré des étudiants potentiels. Je pense à un exemple pertinent. Nous avons eu des pourparlers avec des représentants du gouvernement de la Côte d'Ivoire qui cherchait une expertise dans le domaine minier. À Sudbury, on connaît les mines. Nous avons eu un excellent dialogue avec eux et nous sommes en voie de signer une entente pour cibler certains jeunes hommes, cinq ou six, qui viendraient faire une formation sur mesure en fonction des besoins de leur pays. Voilà les initiatives que nous avons mises en œuvre à l'échelle internationale au cours des sept ou huit derniers mois.
La présidente suppléante : Vous procédez par délégation?
M. Riopel : Oui.
La présidente suppléante : Monsieur Laberge, vous qui êtes de Vancouver, en Colombie-Britannique, faites-vous du recrutement dans les pays de l'Asie-Pacifique?
M. Laberge : Pas présentement. On fait peu de recrutement à l'extérieur du Canada, parce qu'on n'a pas encore les ressources pour le faire. On a participé à plusieurs reprises à Destination Canada. Cela nous a permis de recruter certains étudiants au moyen du processus ou des visas de voyage-travail. Cela nous a permis de créer des liens et des partenariats avec des institutions françaises. Entre autres, un groupe de Tourcoing est venu chez nous l'an passé; une douzaine d'étudiants français ont fait un séjour de six mois. Des 12 qui sont venus, 2 sont restés et sont, je crois, encore ici. Le nouveau système facilitera le recrutement des étudiants internationaux. J'y crois fermement. Il est de notre intention d'optimiser nos stratégies de recrutement à l'extérieur du pays.
M. Cantin : Effectivement, le recrutement des étudiants internationaux est quelque chose de nouveau pour les établissements francophones postsecondaires. Les collèges anglophones le font depuis plusieurs années. Il est certain qu'il est très important pour nous de recruter ces étudiants, parce qu'on veut qu'ils viennent enrichir notre communauté, mais qu'ils restent chez nous et qu'ils contribuent à l'économie canadienne.
Cependant, le défi est de faire en sorte que, lorsqu'ils arrivent ici, ils puissent également apprendre l'anglais, parce qu'ils vont travailler normalement dans des collectivités surtout en situation minoritaire où l'anglais est essentiel. Nous avons, avec CIC, réussi à avoir un LINC postsecondaire à Toronto. Le programme est donc offert à nos étudiants qui sont des immigrants; ils ont accès à ce cours de LINC, Language Instruction for Newcomers to Canada. Donc, on leur donne la possibilité d'améliorer leurs capacités langagières en anglais en même temps que de suivre le cours postsecondaire grâce auquel ils ont choisi de faire leur vie ou leur avenir.
La présidente suppléante : Je ne devrais peut-être pas vous poser cette question, mais pouvez-vous nous dire si les étudiants étrangers sont meilleurs, équivalents ou moins bons que les étudiants canadiens?
M. Cantin : Si nous étions aux États-Unis, j'invoquerais le cinquième amendement. En deux mots, je vous dirais que cela dépend.
La présidente suppléante : Ils ont la volonté d'étudier. Quand ils viennent ici, ils veulent réussir.
M. Cantin : Vous savez, ils paient un prix important; ils sont très motivés.
Le sénateur Robichaud : Monsieur Cantin, vous avez dit quelque chose qui m'intrigue. Vous parlez de deux programmes; pour le côté anglais, c'est LINC, et pour le côté français, qu'est-ce que c'est?
M. Cantin : CLIC. Le Cours de langue pour immigrants au Canada.
Le sénateur Robichaud : Vous dites qu'il s'agit de deux silos. On travaille dans l'un, on travaille dans l'autre.
M. Cantin : Oui.
Le sénateur Robichaud : Vous dites que, à un moment donné, on pourra passer de l'un à l'autre. Cela m'énerve un peu parce qu'on a déjà beaucoup de difficulté à retenir les gens dans la communauté francophone. Si j'étais immigrant et que j'avais la chance d'apprendre l'une ou l'autre langue, j'irais vers l'anglais si j'étais dans une collectivité où les emplois se trouvent dans un milieu anglophone.
De quelle façon cela va-t-il aider la communauté francophone?
M. Cantin : Beaucoup de gens qui se sont inscrits à nos cours de LINC viennent de pays africains et ont besoin, malgré tout, d'approfondir leur connaissance du français. Dans certains pays africains, le système d'éducation est francophone, mais la qualité du français est parfois déficiente. Ils auraient besoin d'un peu d'appui, atteindre un niveau cinq, six ou sept pour répondre aux exigences du programme CLIC. Pour le moment, ils sont limités à apprendre l'anglais et ils ne peuvent plus améliorer leurs compétences en français, ce dont ils auraient besoin. Ils ont besoin de cette amélioration. Ensuite, cela permet également à des gens qui veulent apprendre le français, à des francophiles, une fois qu'ils ont appris le français, de venir enrichir nos communautés francophones. Je dis que c'est gagnant-gagnant. Les immigrants francophones qui apprennent l'anglais, mais qui ont besoin d'appui au niveau du français, pourront le faire, alors que ce n'est pas permis présentement.
Cette bonne nouvelle nous a été donnée le 29 janvier 2014 au National Language Advisory Body où CIC nous a présenté, si vous voulez, un type de politique à venir intitulée Supporting a framework for language minority communities. Dans le cadre de cette présentation, il y avait cette phrase qui nous a ravis où on nous a dit : « Bientôt, on ne sait pas quand, mais bientôt, vous allez pouvoir offrir les deux programmes sans que ce soit des silos. » Cela va bénéficier à la fois à l'immigrant francophone qui a besoin d'améliorer son français et à l'immigrant anglophone qui veut apprendre le français, parce qu'il en a besoin pour son cheminement professionnel.
Le sénateur Robichaud : Je ne suis pas contre, comprenez-moi bien.
M. Cantin : Je ne crois pas que vous soyez contre, non plus.
Le sénateur Robichaud : Comme on dit chez nous : « tant plus tant meilleur ». Plus il y aura de gens qui apprendront à parler français et qui apprendront les deux langues, mieux on s'entendra.
Monsieur Laberge, vous avez terminé votre présentation en disant que vous souhaiteriez que les autorités privilégient l'intégration directe. Vous avez dit tous les deux qu'il y avait différentes composantes dont sont responsables différents groupes ou institutions, et que vous perdiez des gens. Y a-t-il une résistance à cette intégration directe et quelle est-elle? Vous favorisez cela tous les deux, n'est-ce pas?
M. Laberge : Nous avons soumis dernièrement une proposition visant de multiples services en immigration à Citoyenneté et Immigration Canada. Nous allons offrir la formation LINC. Nous n'avons pas eu la possibilité d'avoir un conseiller en établissement. Je ne connais pas les raisons de cette décision, mais j'aimerais préciser que nous ne considérons pas les institutions de formation postsecondaire dans le contexte de l'immigration seulement comme des pourvoyeurs de services de formation. Je crois que nous avons un rôle important à jouer pour faire le lien entre l'employeur et l'immigrant, parce que notre travail est en lien avec le marché du travail. Les formations que nous offrons, surtout au niveau collégial, mènent à une profession.
Je crois que la même chose peut s'appliquer en matière de services d'établissement. Je vous ai donné, tantôt, l'exemple des deux personnes qu'on a réussi à retenir et qui sont encore avec nous. Je crois que c'est un élément clé : on doit communiquer notre désir ainsi que la capacité des collèges à livrer des services directs dans le domaine de l'établissement.
M. Cantin : C'est une excellente question. Si vous me le permettez, je vais répondre en 30 secondes. C'est une question qui me passionne, en fait, parce que nous avons constaté que — et nous l'avons demandé en 2012, justement pour cette raison —, parfois, par méconnaissance, je dirais, certains organismes qui offrent les services d'établissement ne nous recommandent pas les immigrants. Parfois, c'est parce qu'ils ne connaissent pas nos programmes ou bien ils ne sont pas sensibilisés à notre réalité. Il peut même arriver qu'ils recommandent tout simplement à l'immigrant francophone d'aller au collège Fanshawe en lui disant que, de toute façon, il se débrouille déjà pas mal et qu'il sera intégré sans problèmes. Cela nous heurte énormément.
On parlait plus tôt de la double mission du collège. Il ne s'agit pas seulement d'éducation, mais également de la vitalité de nos communautés francophones. On couvre 85 p. 100 de l'Ontario; imaginez les communautés en situation minoritaire auxquelles on offre nos services. C'est incroyable. Si on perd un immigrant qui vient enrichir nos communautés francophones, on perd quelque chose de vraiment important. Souvent, on ne pourra pas le récupérer. On le perd, il est parti.
Nous, en offrant directement ces services — et nous avons l'occasion de le faire dans trois centres : à Mississauga, à Windsor-Essex-Kent et à London-Middlesex —, curieusement, nous avons maintenant beaucoup plus d'aiguillages vers nos programmes en alphabétisation, nos programmes postsecondaires, nos programmes de services d'emplois, et cetera. On n'en perd pas un, parce que, une fois qu'on les accueille, on les dirige vers les institutions francophones ou les programmes dont ils ont besoin.
Rassurez-vous; si nous croyons qu'il leur serait plus avantageux, pour leur cheminement, de s'inscrire dans un programme anglophone, nous ne nous gênons pas pour le faire. Cependant, nous ne le ferons qu'en dernier recours si nous voyons que, ultimement, nous ne pouvons pas les servir.
C'est ce qui nous a poussés, si vous voulez, à aller dans ce sens avec le soutien de Citoyenneté et Immigration Canada, qui était un peu incrédule; cependant, les résultats sont extraordinaires. Je pense que l'on peut dire que nous avons augmenté de beaucoup le nombre d'inscriptions et d'aiguillages, non seulement dans nos programmes, mais également dans les organismes et institutions francophones de la collectivité, qu'il s'agisse des centres communautaires, d'autres institutions qui s'occupent de services de santé, et cetera.
C'est pour cela qu'Yvon et moi, nous en parlons souvent. C'est un peu notre cheval de bataille. Nous espérons que CIC nous appuiera en ce sens.
Le sénateur Robichaud : Y a-t-il une recommandation que vous aimeriez voir paraître dans notre rapport?
M. Cantin : Yvon en avait. J'aime beaucoup votre question. La sénatrice Champagne a posé la même question au ministre Alexander et il a répondu ceci : « Oui, la formule du succès. La formule de succès, pour nous, c'est celle-là ».
Le sénateur Robichaud : Les mots du ministre.
M. Cantin : Oui, les mots du ministre, comprenez-vous? La formule du succès, pour nous, c'est un peu ce qu'on propose, c'est-à-dire que les services d'intégration soient offerts sous un même toit à l'aide de cette formule de guichet unique. Pas nécessairement par nous uniquement; on veut aussi que les partenaires communautaires y participent. Lorsque les efforts sont regroupés, la sensibilisation peut se faire, parce qu'il y a une synergie entre les organismes communautaires. On ne parle plus de compétition, on parle de collaboration, de partenariat.
M. Laberge : Je suis tout à fait d'accord avec mon confrère. Je crois fermement au modèle holistique et au modèle intégré. Je ne suis peut-être pas tout à fait d'accord avec le fait que cela se fasse sous un même toit, mais je crois en une structure capable de livrer les différents niveaux de services de façon intégrée pour que ce soit fluide pour l'immigrant, si je peux m'exprimer ainsi.
Le sénateur Robichaud : Est-ce que vous auriez les moyens d'offrir ces services actuellement?
M. Cantin : Les services intégrés?
Le sénateur Robichaud : Oui.
M. Cantin : Nous les offrons.
Le sénateur Robichaud : Vous avez parlé de trois communautés.
M. Cantin : De trois communautés, et nous serions prêts à les offrir dans toutes les communautés que nous servons, facilement. C'est une question de budget, cependant; bien sûr, c'est une question d'argent. Si nous avions le financement nécessaire comme nous l'avons actuellement pour ces trois régions, nous pourrions offrir les services sans problèmes. Oserais-je dire que cela ne coûterait pas nécessairement une fortune?
M. Laberge : Si l'argent était offert, pour emprunter l'expression anglaise, nous serions ready, willing and able.
La sénatrice Chaput : À la suite des transformations récentes au système d'immigration, vous êtes devenu, par la force des choses, que vous le vouliez ou non, un acteur clé dans le système d'immigration. Je parle des universités et des collèges communautaires. Il y a plusieurs acteurs. Auriez-vous une recommandation à nous proposer afin d'assurer une meilleure collaboration entre tous les acteurs du système d'immigration et vous? Une recommandation.
M. Laberge : C'est une bonne question. Si vous avez une réponse, j'aimerais y réfléchir.
M. Cantin : Je vais revenir à ce que j'ai dit tout à l'heure. La recommandation que nous ferions, c'est de nous permettre d'avoir un système intégré d'établissements qui répondent à la fois aux besoins de l'immigrant, aux besoins également de formation, et surtout, aux besoins des communautés francophones qui comptent sur ces immigrants pour leur vitalité. L'expression « guichet unique » irrite parfois. Cela n'a pas toujours été populaire comme idée, mais les résultats parlent d'eux-mêmes. Je vous suggère de recommander une plus grande collaboration entre les diverses instances, par cette formule de guichet unique, participatif et associatif — j'aime bien le dire. On ne veut pas nécessairement toute la tarte, mais on voudrait que la tarte se mange à la même table.
M. Laberge : J'abonde dans le même sens. D'ailleurs, comme je l'ai mentionné plus tôt, je pense qu'il est important de fournir plusieurs portes d'entrée aux immigrants pour leur permettre d'accéder à des services. Il serait important de se rassembler, de travailler ensemble pour ouvrir autant de portes que possible.
Ceci étant dit, je crois aussi qu'il est important de reconnaître qu'il s'agit de répondre aux besoins d'individus. Ce ne sont pas des statistiques ni des clients; ce sont des individus qui ont des familles, qui sont à la recherche d'une vie meilleure au Canada. Il faut faire valoir cet élément et voir de quelle façon on peut offrir les meilleurs services possible à ces gens.
Je souligne le mot « service », parce que ce n'est pas donné à tout le monde d'offrir des services ou de bien offrir des services. Il faut miser davantage sur les institutions dans la francophonie qui ont cette expérience et cette capacité, et qui l'ont démontrée dans le passé.
La présidente suppléante : J'aurais une dernière question, et elle s'adressera à Mme Jean-Paul.
Dans votre présentation, vous avez parlé d'aider les immigrants à se trouver et à conserver un emploi. J'aimerais que vous nous parliez un peu des difficultés ou encore des gros succès que vous avez pu observer en la matière.
Mme Jean-Paul : J'en suis à ma deuxième année au sein du conseil d'administration du Collège Boréal. L'exemple que je peux citer est le programme Compétences Boréal. C'est une initiative élaborée sous forme de guichet unique et qui prêche par l'exemple et par des situations uniques. Elle vise à permettre à chacun des étudiants et aux nouveaux immigrants d'acquérir les compétences pour se chercher de l'emploi. On les aide dans la rédaction de leur curriculum vitae et dans la pratique des entrevues. La façon dont on se présente est une compétence à acquérir pour décrocher un emploi. Ce programme a vraiment attiré mon attention lorsque j'ai commencé mon mandat au sein du conseil d'administration.
J'ai constaté le changement démographique dans la région du centre-sud. Je suis domiciliée à Toronto. Cette immigration francophone et la nouvelle démographie sont présentes. Je l'ai vu lorsque je suis déménagée du Québec, il y a environ six ans. Il est intéressant de marcher dans le centre-ville de Toronto et d'entendre parler français. Il se produit vraiment quelque chose de particulier.
À titre d'institution d'enseignement, il faut être en mesure d'offrir des services qui vont plus loin encore que la simple éducation. Il faut aider ces immigrants à développer les compétences et les outils qui leur permettront de réussir leur intégration et de devenir des citoyens à part entière au sein de notre pays.
C'est l'expérience que j'ai vécue, que j'ai vue et observée. Il y a quelques semaines, alors que nous étions en réunion de planification stratégique avec le conseil d'administration, c'était beau de voir les commentaires que le personnel, les étudiants et les immigrants du collège ont offerts à nos représentants et à nos professeurs. Il s'agit maintenant de voir comment, en tant que cadre et en tant qu'administration, cela se traduira en de nouveaux programmes et services qui seront offerts prochainement. Ce sera, en fait, un succès qui, je l'espère, se répétera.
La présidente suppléante : Madame et messieurs, je vous remercie beaucoup de vos présentations. Ce fut fort intéressant. Vous apportez des éléments qui seront utiles à l'élaboration de notre rapport ainsi que de belles recommandations.
Je tiens à vous remercier, encore une fois.
(La séance est levée.)