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OLLO - Comité permanent

Langues officielles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 7 - Témoignages du 9 juin 2014


OTTAWA, le lundi 9 juin 2014

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 14 heures, pour poursuivre son étude sur les impacts des changements récents au système d'immigration sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

La sénatrice Claudette Tardif (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, je déclare cette séance du Comité sénatorial permanent des langues officielles ouverte.

Je suis la sénatrice Claudette Tardif, de l'Alberta, et la présidente de ce comité. J'invite maintenant les sénateurs à se présenter en commençant avec la vice-présidente.

La sénatrice Champagne : Bonjour. Je suis Andrée Champagne, de la province de Québec.

La sénatrice Poirier : Bonjour. Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Suzanne Fortin-Duplessis, de Québec.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Charrette-Poulin : Marie Poulin, du Nord de l'Ontario.

La sénatrice Chaput : Maria Chaput, du Manitoba.

La présidente : Aujourd'hui, c'est la dernière réunion concernant notre étude sur les impacts des changements récents au système d'immigration sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire, qui s'est échelonnée sur une période d'un an. Les témoins que nous recevons aujourd'hui s'intéressent au recrutement et à l'intégration économique des immigrants francophones.

Nous avons le grand plaisir d'accueillir, aujourd'hui, de Citoyenneté et Immigration Canada, M. Rénald Gilbert, gestionnaire du Programme d'immigration. Monsieur Gilbert comparaît depuis Paris, par vidéoconférence. J'étais justement à Paris hier. Il y faisait un temps splendide. Merci d'être avec nous, aujourd'hui, monsieur Gilbert.

Nous recevons également M. Yves Saint-Germain, directeur, Politique de programmes sur l'information, la langue et la communauté au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Je vais donner la parole aux témoins et, après leurs présentations, les sénateurs leur poseront des questions. Je tiens à avertir mes collègues que, s'il y a un problème technique avec le son, il vaudrait mieux utiliser les écouteurs pour bien entendre les propos de M. Gilbert.

Monsieur Gilbert, la parole est à vous.

Rénald Gilbert, gestionnaire, Programme d'immigration, Paris (France), Citoyenneté et Immigration Canada : Je vous remercie, madame la présidente. Mon nom est Rénald Gilbert. Je suis gestionnaire du programme d'immigration à Paris, un bureau régional offrant des services à 12 pays en Europe et en Afrique du Nord. Je suis aussi le directeur de zone pour l'Europe du Sud, le Maghreb et l'Afrique francophone. Avant d'occuper mon poste à Paris, j'étais directeur général de la région internationale à l'administration centrale de Citoyenneté et Immigration Canada.

Depuis 2003, Paris a le mandat précis, dans le cadre de la Feuille de route pour les langues officielles, d'informer des candidats francophones à l'immigration des occasions de vivre et de travailler dans les communautés francophones en situation minoritaire à travers le Canada. Une petite équipe de promotion et de recrutement a été créée à l'époque, responsable des services au public et des communications pour le bureau des visas de Paris, ainsi que des activités de promotion.

Le premier défi était d'informer les candidats de l'existence des communautés francophones hors Québec et de leur vitalité. Ceci a été accompli par l'intermédiaire de sessions d'information données par les médias et du développement de partenariats locaux.

La première édition de Destination Canada a eu lieu à Paris et à Bruxelles en 2003, avec la participation de quatre provinces : le Nouveau-Brunswick, le Québec, l'Ontario et le Manitoba. Trois cents candidats y ont participé, invités par les services publics de l'emploi spécialisés dans la mobilité internationale, qui sont toujours nos partenaires pour cette activité et d'autres. Il s'agit d'agences gouvernementales, comme Service Canada, qui ont pour mandat d'aider leurs citoyens et résidents souhaitant travailler à l'étranger, en Europe ou ailleurs. Ils aident aussi les employeurs qui souhaitent recruter en France ou en Belgique. Leurs services sont disponibles toute l'année et sans frais.

[Traduction]

Destination Canada est devenu un événement annuel, auquel toutes les provinces et tous les territoires, sauf le Nunavut, ont participé au fil des ans. Depuis 2007, un volet recrutement a été ajouté. Les agences de placement publiques présélectionnent les candidats pour s'assurer qu'ils possèdent les exigences pour les postes affichés et transmettent leur CV aux employeurs par l'entremise du site web.

Les employeurs ont différentes options : venir en personne au forum; mandater quelqu'un pour les représenter, comme un représentant de leur province ou de leur territoire, un agent de développement économique de leur région ou un représentant d'un organisme francophone qui participe au forum; ou tout simplement faire des entrevues par Skype avec les candidats présélectionnés.

Pour la 10e édition de Destination Canada en novembre dernier, plus d'une centaine d'employeurs ont affiché plus de 1 000 postes à pourvoir. Plus de 20 000 candidats ont demandé à prendre part au forum, et plus de 3 700 ont été invités à participer aux trois journées du forum à Paris et à la journée supplémentaire à Bruxelles.

Plusieurs employeurs se sont ensuite rendus à Tunis, où les agences de placement publiques ont collaboré avec le bureau des visas pour tenir deux jours de recrutement, ce qui a donné aux employeurs canadiens la possibilité de tester les compétences des candidats dans les métiers, y compris les soudeurs et les mécaniciens d'équipement lourd.

[Français]

Destination Canada est une activité financée par CIC, ce qui fait qu'il n'y a pas de frais de participation pour les candidats ou pour les employeurs. La location d'espace, le mobilier, l'électricité, le Wi-Fi, le transport du matériel de Paris à Bruxelles et le transport local sont pris en charge. Les frais de participation pour une foire commerciale semblable seraient de 10 000 $ ou plus. Les dépenses des employeurs et d'autres participants canadiens sont limitées aux billets d'avion, pour lesquels Air Canada, compagnie aérienne canadienne officielle de l'événement, offre une réduction, à l'hébergement, qui est assorti d'un forfait avantageux proposé par l'agence Megatour, et aux repas.

Je dois préciser que, depuis 2010, afin de mieux cibler les communautés francophones en situation minoritaire, les employeurs québécois sont invités à participer seulement s'ils offrent des postes dans d'autres provinces également. Depuis 2010, le bureau de l'immigration du Québec organise ses propres activités de recrutement : les Journées Québec.

Des voyages de réseautage à travers le Canada ont lieu à chaque année, coordonnés par la FCFA — Fédération des communautés francophone et acadienne du Canada —, pour informer les employeurs de l'activité Destination Canada et de l'appui au recrutement international qui disponible tout au long de l'année. En plus du faible coût de participation au forum et de la valeur ajoutée des services de présélection, les employeurs peuvent bénéficier d'un processus de recrutement accéléré en vertu du programme spécial Avantage significatif pour les francophones (ASF). Grâce à ASF, les candidats francophones qui obtiennent des postes en gestion, dans les professions, techniques ou dans les métiers spécialisés à l'extérieur du Québec n'ont pas besoin d'un Avis relatif au marché du travail. Le permis de travail sous ASF peut être valide pendant deux ans et est renouvelable. Ceci permet aux candidats de faire la transition à la résidence permanente dans la catégorie de l'Expérience canadienne ou le Programme des candidats des provinces.

[Traduction]

Je me dois de mentionner que le forum à Paris et à Bruxelles reste un forum hybride. En plus du volet recrutement et jumelage, le forum demeure une occasion d'informer les candidats des opportunités d'emploi et d'affaires, des services pour les nouveaux arrivants et de la qualité de vie dans les communautés francophones en situation minoritaire à travers le Canada.

Plusieurs provinces peuvent sélectionner des candidats dans le cadre de leur programme des candidats des provinces sans offre d'emploi, à condition de satisfaire à d'autres critères. Beaucoup de candidats sont invités à faire un voyage exploratoire qui peut mener à une nomination et à une demande de résidence permanente.

Depuis trois ans, nous avons ajouté un atelier sur la création ou la reprise d'entreprises au Canada; c'est fait en collaboration avec le service des investissements de l'ambassade à Paris et avec la participation du RDEE Canada, soit le Réseau de développement économique et d'employabilité, et d'un avocat et d'un fiscaliste canadiens à Paris.

Cet atelier supplémentaire a été créé pour répondre aux besoins de plans de relève relativement aux PME dans les communautés francophones et à un réel intérêt de la part des candidats.

[Français]

Destination Canada s'insère dans une série d'activités continues tout au long de l'année et dans plusieurs pays. C'est la partie la plus visible, celle qui permet de mobiliser les employeurs ainsi que les provinces et territoires, et qui attire le plus l'attention des médias. Depuis plusieurs années, Destination Canada fait la une des journaux nationaux télévisés en France et en Belgique, ce qui représente plus de 6 millions de téléspectateurs à chaque diffusion.

Nos autres activités comprennent des séances d'information offertes régulièrement en France, en Belgique et en Suisse, et notre participation à des salons de mobilité internationale et d'emploi. L'an dernier, nous avons rencontré plus de 8 000 candidats potentiels en dehors de Destination Canada et avons répondu à plus de 20 000 demandes d'information par courriel.

Des ressources supplémentaires dans le cadre de la Feuille de route pour les langues officielles du Canada 2013-2018 ont permis d'agrandir l'équipe à Paris pour y inclure un agent de communication stratégique. En plus, deux postes ont été créés à Dakar, au Sénégal, pour augmenter nos activités en Afrique francophone.

[Traduction]

En février, nous avons tenu notre première conférence Web avec plus de 1 100 participants et un temps de connexion moyen de 50 minutes. Nous avions des participants de l'Irlande, de la Tunisie et de pays aussi lointains que la Corée et l'Île Maurice. Nous organiserons et participerons à plus d'activités en ligne pour augmenter notre portée dans plus de pays et chercherons des opportunités d'informer les candidats au sujet de salons de l'emploi en ligne qui leur permettront de rencontrer des employeurs canadiens.

Nous comptons utiliser davantage notre compte Twitter — @DestCan — et augmenter notre présence sur d'autres médias sociaux, ainsi que les sites de CIC et des bureaux des visas afin d'étendre notre réseau. Ces outils seront très utiles pour promouvoir le nouveau système Entrée Express auprès de candidats francophones dans les prochains mois.

[Français]

Pour conclure, madame la présidente, dans le cadre de la nouvelle Feuille de route pour les langues officielles du Canada 2013-2018, nous continuerons d'organiser l'événement Destination Canada en France, en Belgique et en Tunisie, tout en ajoutant à la liste d'autres villes et pays selon les besoins des employeurs canadiens et dans le but d'augmenter le nombre d'immigrants dans les communautés francophones en situation minoritaire.

Nous continuerons aussi à augmenter le nombre d'activités afin d'informer encore davantage les candidats francophones, en personne ou par Internet, des occasions qui les attendent au Canada.

Le modèle élaboré pour Destination Canada, pour mettre en contact les employeurs canadiens et les meilleurs candidats francophones, s'arrime parfaitement avec le nouveau modèle de recrutement Entrée express mis en place actuellement, et il contribuera à l'atteinte de l'objectif commun de CIC et de EDSC d'attirer des immigrants économiques qui correspondent le mieux aux besoins du marché du travail canadien.

Je vous remercie.

La présidente : Merci, monsieur Gilbert. Avant de passer à la période des questions des sénateurs, je donne la parole à monsieur Saint-Germain.

Yves Saint-Germain, directeur, Politique de programmes sur l'information, la langue et la communauté, Citoyenneté et Immigration Canada : Merci, madame la présidente. Je n'ai pas de discours, mais je peux dire que notre ministère appuie également l'intégration économique des immigrants. Nous serons donc heureux de répondre à vos questions à ce sujet.

La présidente : Nous allons donc passer immédiatement aux questions. La première question sera posée par la sénatrice Fortin-Duplessis, suivie du sénateur Paul McIntyre.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Monsieur Gilbert, depuis que ce comité étudie la réforme de l'immigration, nous avons entendu plusieurs témoins qui la voient d'un très bon œil, en particulier les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

À moins que je ne me trompe, la réforme sera en vigueur dans six mois environ. Pouvez-vous nous dire si cette réforme de l'immigration, entre autres par l'introduction du système de déclaration d'intérêts, vous a obligés à apporter des ajustements organisationnels au sein du ministère?

Le cas échéant, est-ce que votre organisation est prête pour l'entrée en vigueur de la réforme?

M. Gilbert : Merci. Malheureusement, je ne pense pas pouvoir répondre pour le ministère. Je peux certainement aborder la partie qui concerne le recrutement à l'étranger, qui relève davantage de mon mandat en ce qui concerne l'aspect francophone et le recrutement à l'étranger.

Je crois que le fait que nous puissions faire connaître un système où on recommence à zéro nous offre une bonne occasion d'élargir les bassins d'immigration, parce que, pendant très longtemps, nous avions énormément de demandes en traitement, qui allaient jusqu'à plusieurs centaines de milliers à un moment donné. Nous sommes maintenant à un point où nous pouvons recommencer et remettre le système à zéro.

Pour le moment, nous avons l'occasion de faire connaître, du côté des francophones, le fait que nous avons maintenant une équipe. Ici, à Paris, et à Dakar, à l'étranger, mais aussi avec l'aide de nos collègues à Ottawa, nous pouvons faire connaître ce nouveau système et expliquer aux candidats comment ils pourraient être choisis.

On a également la responsabilité de veiller à ce que les communautés francophones puissent s'assurer que les employeurs vont repêcher des gens de ce bassin. Cela vient donc des deux côtés. Nous essayons de réunir le maximum de francophones dans le bassin, et les communautés font des efforts pour aller les repêcher.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Dans le premier paragraphe de votre présentation, à la page 7, vous avez mentionné que plusieurs candidats sont invités à faire un voyage exploratoire qui peut mener à une nomination et à une demande de résidence permanente par la suite. Est-ce que ce mécanisme est déjà en place? Et savez-vous si des immigrants sont venus au Canada et sont repartis immédiatement?

M. Gilbert : C'est plus souvent le cas du côté de l'Europe, je dois avouer. Avant de prendre la décision de quitter leur pays, la France par exemple — c'est une décision tout de même très sérieuse —, les gens veulent voir sur place si le Canada est un endroit où ils veulent vivre. Ils en ont entendu parler de la part d'amis, de la famille, de collègues, mais ils veulent aller voir sur place. Dans bien des cas, ils établissent des contacts pour voir s'il y a des possibilités pour eux de travailler. C'est toujours la première question que les gens se posent : « Est-ce qu'il y a une possibilité d'emploi pour moi? » Très peu de gens sont prêts à recommencer à zéro sans possibilité d'emploi à court terme, dans les bassins qu'on examine ici, par exemple, pour l'Europe.

Ainsi, beaucoup le font, et plusieurs le font aussi par l'intermédiaire des programmes de mobilité des jeunes. Par exemple, en France, ce sont 14 000 jeunes par année qui vont au Canada. La Belgique et la Suisse ont aussi des programmes semblables. Les gens partent pour le Canada pour plusieurs mois, pour un an, et sur place, ils peuvent voir si cela les intéresse vraiment et s'ils peuvent établir des contacts pour pouvoir se trouver un emploi afin d'y rester plus longtemps.

Le sénateur McIntyre : Merci, madame la présidente. Monsieur Gilbert, c'est un vrai travail de moine que vous faites avec Destination Canada. La raison pour laquelle je le dis, c'est que plusieurs des témoins qui ont comparu devant nous au cours de la dernière année ont rappelé l'importance d'agir auprès des immigrants avant leur arrivée au pays, c'est-à-dire avant leur arrivée au Canada. Plus ceux-ci seront au courant des réalités économiques et linguistiques du Canada avant leur départ, plus leurs chances de réussite en sol canadien seront élevées. Pour ce faire — comme vous l'avez mentionné, et je vous en félicite —, il y a plusieurs étapes à suivre, notamment des salons de l'emploi, des activités de promotion, de recrutement et de sélection pour finalement en arriver à l'établissement à long terme des nouveaux arrivants.

Je remarque que, depuis une dizaine d'années, Destination Canada fait la promotion des communautés francophones et acadienne à l'échelle internationale en ciblant surtout certains pays, comme la France, la Belgique et la Tunisie.

Maintenant, dans un rapport publié en novembre 2010, le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes recommandait que le programme Destination Canada soit offert dans un plus grand nombre de pays de la francophonie de façon à dépasser les frontières de l'Europe occidentale et de l'Afrique du Nord pour rejoindre les Antilles et le Moyen-Orient, et qu'il soit offert aussi en Amérique latine. Que pensez-vous de ce rapport?

M. Gilbert : Il est vrai que si on veut élargir le bassin possible des francophones, il ne faut pas regarder seulement en Europe, mais il faut regarder ailleurs. Destination Canada participe aussi à des activités au Maroc et en Tunisie, par exemple, de façon assez régulière.

Au Sénégal, c'est plus récent. On retrouve les plus grands bassins de population francophone en croissance en Afrique de l'Ouest, au Congo, au Cameroun, au Sénégal et en Côte d'Ivoire. Dans ces pays, Destination Canada - Foire d'emploi n'est pas un format que l'on peut transposer dans le même sens. On n'a pas de partenaires locaux, par exemple, qui font une présélection de candidats. Ce n'est que depuis quelques mois que l'on a des employés à Dakar, qui peuvent faire la tournée des services gouvernementaux privés et offrir de l'aide pour trouver des personnes intéressées pouvant bien s'intégrer au Canada. C'est pourquoi nous voulons entreprendre des démarches pour être plus présents par le truchement de conférences web. Nous venons à peine de commencer. On en fera une en juillet et une autre en septembre dans le but d'atteindre les gens qui ne sont pas nécessairement présents là où on a des bureaux et des employés.

Jusqu'à l'an dernier, nous n'avions qu'un employé à temps plein qui s'occupait de tout cela. Ce n'est qu'une partie de notre travail qui consiste à sélectionner des immigrants au sens plus large du terme. Maintenant, nous avons plus de personnes, donc plus de moyens pour aller dans de nouveaux bassins comme en Afrique de l'Ouest et à Haïti. Nous avons plusieurs contacts avec l'Île Maurice. Des représentants de l'Île Maurice sont venus à Destination Canada la dernière fois, et des représentants du service d'emploi du Maroc y étaient.

Petit à petit, on accroît les bassins, mais il faut un certain temps pour le faire.

Le sénateur McIntyre : Monsieur Saint-Germain, je note que vous êtes directeur de la Politique de programmes sur l'information, la langue et la communauté. On parle ici du recrutement et de l'intégration économique des immigrants francophones, tant au niveau international que dans les communautés. J'aimerais parler avec vous de la situation dans les communautés.

En ce qui concerne l'intégration économique des immigrants en situation minoritaire, l'un des gros défis demeure la reconnaissance des types de compétences ou l'intégration au marché de l'emploi des nouveaux immigrants. Les témoins qui ont comparu devant nous ont mentionné à plusieurs reprises qu'il est vrai que des progrès ont eu lieu, mais qu'il reste encore beaucoup à faire. Heureusement, certaines institutions postsecondaires francophones ont déjà commencé à offrir aux immigrants francophones de la formation d'appoint, de la formation linguistique ainsi que des services liés à la recherche d'emploi.

Pouvez-vous nous parler de ce défi? On entend souvent le même défi, c'est-à-dire la reconnaissance des types de compétences.

M. Saint-Germain : La reconnaissance des titres de compétences est un enjeu très important pour les immigrants qui arrivent au Canada. Il ne suffit pas d'être sélectionné. Il faut pouvoir adhérer à une profession.

Citoyenneté et Immigration Canada est conscient de ce problème. Nous offrons des services prédépart avec des organismes à but non lucratif. L'Association des collèges communautaires du Canada (ACCC) offre des séances qui permettent aux immigrants de déterminer, pour une profession réglementée, quel serait le parcours idéal pour obtenir une reconnaissance de leurs titres. Lorsqu'on entame un processus d'aide à l'étranger, cela permet aux immigrants de comprendre les défis, à savoir les formations requises et où les obtenir.

L'ACCC, avec son réseau pancanadien de collèges, d'universités et de partenaires universitaires, peut orienter les immigrants vers les formations offertes. Le CIC finance différentes formations pour ces immigrants, certaines axées sur les professions, d'autres de nature linguistique. Dans la mesure où ces immigrants sont dans des professions ciblées par le processus de reconnaissance d'un an avec les provinces et territoires, le processus peut avancer plus rapidement. Nous faisons un travail important sur cet aspect.

La sénatrice Poirier : Ma question s'adresse à M. Gilbert. Vous faites, à l'échelle internationale, la promotion des communautés francophones et acadienne. Avez-vous des statistiques qui démontrent, par exemple, le pourcentage de nouveaux arrivants qui demeurent au Canada ou la proportion qui retourne dans son pays d'origine?

M. Gilbert : C'est une question que l'on nous pose souvent. Malheureusement, nous n'avons pas de données pour y répondre. On sait quand les gens arrivent, mais on ne sait pas quand ils quittent le Canada, le cas échéant, après un certain temps.

Est-ce que certaines personnes s'en retournent? Oui. Je rencontre régulièrement des gens qui ont vécu au Canada 5, 10 ou 15 ans, et qui sont revenus s'occuper de leurs parents ou relever d'autres défis professionnels. Nous n'avons pas de données sur les départs. Il est donc difficile d'évaluer cet aspect. Cependant, les données de Statistique Canada révèlent que les communautés grossissent. On remarque donc qu'une bonne proportion de gens demeure au Canada.

Malheureusement, je n'ai pas de réponse à votre question.

La sénatrice Poirier : Faites-vous un suivi auprès de ceux et celles qui ont bénéficié de votre programme une fois que vous savez qu'ils sont partis? Établit-on un contact avec ces personnes par la suite?

M. Gilbert : Nous gardons des banques de données sur les personnes qui nous ont déjà contactés et à qui on a délivré des visas. Cependant, ils n'ont pas l'obligation de nous répondre. Une fois qu'ils sont établis au Canada, ils ne nous recontacteront pas nécessairement. Une fois la phase de recrutement terminée, leur préoccupation principale est de s'intégrer au Canada. Nous n'avons donc pas nécessairement de contacts sur une base régulière. Un certain nombre de personnes communiquent avec nous pour demander des services. Sinon, il n'y a plus nécessairement de contact.

Monsieur Saint-Germain pourrait sans doute en dire plus à ce sujet.

M. Saint-Germain : Le programme d'établissement est celui qui finance les services d'intégration partout au pays. Nous menons, sur une base régulière, des sondages auprès des immigrants. Nous sommes d'ailleurs en train de préparer le prochain sondage où l'on demande aux immigrants quels sont les facteurs qui font en sorte qu'ils demeurent dans une communauté. L'emploi ressort comme le facteur le plus important, mais aussi les racines communautaires. Dans certains cas, le fait d'avoir un milieu de vie et des compatriotes dans une communauté contribue beaucoup à la rétention des immigrants.

Nous nous servons de ces données pour orienter nos programmes et nos politiques, et aussi pour ajouter aux appels d'offres des éléments supplémentaires, qu'il s'agisse de programmes de mentorat ou d'aide aux immigrants, pour les mettre en contact avec des employeurs.

La sénatrice Poirier : Y a-t-il une région du Canada plus populaire qu'une autre qui attire les immigrants faisant partie de votre programme? Dans l'affirmative, qu'elles en sont les raisons? Quel genre de promotion faites-vous pour les attirer vers certaines parties du Canada, par exemple, au Nouveau-Brunswick, seule province officiellement bilingue? Quels exercices de promotion faites-vous?

M. Gilbert : Une grosse partie de notre responsabilité est de faire connaître l'existence des communautés francophones. À beaucoup de francophones dans le monde, il faut expliquer qu'il existe une autre ville que Montréal au Canada. Notre premier défi est de faire connaître le reste du Canada à l'extérieur de Montréal.

On essaie d'abord de leur faire comprendre que beaucoup de francophones vivent à l'extérieur du Canada et que des communautés existent. On utilise beaucoup la carte de la FCFA, qui indique le nombre de francophones qui vivent un peu partout, entre autres au Nouveau-Brunswick. On leur fait connaître les endroits là où il y a des possibilités. Cependant, on ne peut pas diriger leur choix. La plupart du temps, leur choix est motivé par les possibilités d'emploi. C'est vraiment le facteur numéro un. Avant qu'une personne prenne la décision de déraciner sa famille, elle se penche tout d'abord sur les possibilités d'emploi dans son domaine. Si des possibilités d'emploi existent dans son domaine en Colombie-Britannique, elle choisira d'y aller. Si c'est au Nouveau-Brunswick, elle se dirigera vers le Nouveau- Brunswick. C'est de loin le facteur principal.

La sénatrice Chaput : Ma première question s'adresse à M. Gilbert. L'initiative Destination Canada est devenue maintenant un événement annuel. Elle est appuyée financièrement par le ministère de Citoyenneté et Immigration Canada par l'entremise de la Feuille de route pour les langues officielles 2013-2018.

Citoyenneté et Immigration Canada, comme plusieurs autres ministères, a dû procéder à l'examen stratégique de son fonctionnement. Selon ce qu'on m'a rapporté, Destination Canada a été touchée par certaines compressions. Êtes- vous en mesure de nous dire si ces compressions ont eu un impact sur les capacités des communautés à participer à Destination Canada et à faire du recrutement?

M. Gilbert : Je suis toujours un peu embêté de répondre à cette question, parce que notre budget à l'étranger pour l'événement Destination Canada n'a pas diminué; au contraire, il a augmenté et il n'y pas eu d'impact en ce qui a trait aux réceptions à l'étranger et aux activités que nous organisons.

L'aspect auquel vous faites allusion tient surtout au fait que le ministère ne rembourse pas les frais de voyage des membres des communautés ou des employeurs qui veulent participer à l'événement Destination Canada, une foire d'emploi ayant lieu en novembre et liée de plus près à cet événement. Je ne peux pas vraiment établir un lien entre les deux, parce que ce n'est pas le budget de l'événement Destination Canada qui n'est plus disponible pour eux, mais plutôt le budget de CIC qui leur était octroyé pour leur participation à l'événement Destination Canada.

J'aimerais ajouter que l'événement Destination Canada est une foire d'emploi qui a lieu pendant une semaine chaque année, mais que nous tenons des activités 52 semaines par année et que nous rencontrons beaucoup plus de candidats à l'extérieur de l'événement Destination Canada que pendant ce dernier. Nous rencontrons à l'occasion des gens des communautés qui ne viennent pas nécessairement pendant cet événement, mais plutôt lors de voyages qu'ils font pour différentes raisons à Paris ou à Dakar; je sais que, récemment, les gens de la FCFA étaient à Dakar, et nous les y avons justement rencontrés.

La sénatrice Chaput : Ceci corrobore ce qu'un des témoins nous a dit, soit qu'il n'avait pu se rendre à Destination Canada cette année à cause de compressions budgétaires; il doit s'agir de ce dont vous venez de parler, à savoir que leur déplacement n'est plus remboursé s'ils veulent se rendre à l'événement.

M. Gilbert : Pour venir à l'événement Destination Canada ou pour participer à d'autres événements, le ministère ne rembourse pas de frais de voyage.

La sénatrice Chaput : Dans le cadre de l'une de vos réponses aux questions de la sénatrice Poirier au sujet du Nouveau-Brunswick, à savoir si, par exemple, des immigrants choisissent le Nouveau-Brunswick, vous avez répondu que vous ne pouviez pas diriger leur choix, que les immigrants choisissent la destination et la province où ils désirent immigrer. Ne serait-il pas d'autant plus important qu'il y ait des représentants pour chacune des provinces intéressées, afin qu'ils puissent « vendre leur salade » et parler avec ces immigrants pour les attirer chez eux?

M. Gilbert : Oui, et presque toutes les provinces étaient présentes à Destination Canada lors du dernier événement. L'Alberta n'était pas présente pour des choix qui lui sont propres; le Nouveau-Brunswick, cette semaine, est en France et il a participé à un événement la semaine dernière organisé par le journal Le Monde. Les provinces de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick et les Territoires du Nord-Ouest étaient présents. Plus de 5 000 personnes se sont présentées, et nous avons mené des entrevues individuelles avec près de 400 personnes. J'y ai fait deux présentations auxquelles ont assisté, chaque fois, plus de 300 personnes avec les représentants du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario et des Territoires du Nord-Ouest.

Des occasions s'offrent aussi à l'extérieur de l'événement Destination Canada et, dans ce cas, c'est avec leurs propres budgets qu'ils sont venus faire de la promotion et procéder, dans le cas du Nouveau-Brunswick, à la sélection d'immigrants, parce qu'ils peuvent faire la sélection des nominations provinciales.

C'est à titre d'exemple que je le mentionne, parce que cela se fait plusieurs fois au cours de l'année.

La sénatrice Chaput : Outre l'événement Destination Canada, combien d'autres activités annuelles de recrutement offrez-vous auxquelles les différentes communautés peuvent participer?

M. Gilbert : Nous organisons une quarantaine d'événements au Centre culturel canadien à Paris; c'est très limité, mais nous participons à des foires d'emploi ou à des salons étudiants qui ont lieu à différents endroits, pour un total d'environ 90 événements au cours de l'année.

Si on parle d'événements tel celui que je viens de vous décrire, d'une aussi grande envergure et pour lequel des milliers de personnes participent à des salons d'expatriation, il n'y en a que deux ou trois par année.

Toutefois, toutes les deux semaines a lieu une présentation au Centre culturel canadien; la capacité d'accueil est d'environ 100 personnes. Habituellement, nous invitons environ 110 personnes et à peu près 90 personnes se présentent. On essaie d'obtenir le maximum de participation sans dépasser la capacité d'accueil. Il s'agit de présentations pour lesquelles nous sommes sur place. Cette semaine, par exemple, quelqu'un fait une tournée avec le Nouveau-Brunswick et ils se rendent à Lyon, Toulouse, Genève, Bruxelles et Paris. De plus, l'une de mes collaboratrices se trouve actuellement dans l'Ouest canadien pour encourager des employeurs de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique à participer à l'événement Destination Canada lors de la prochaine session.

Nous faisons ces voyages environ trois fois par année, une fois dans chaque région. En tout et partout, on peut parler d'environ 90 événements, mais l'ampleur est très différente pour chacun; quelques fois, il y a 30 personnes ou, dans le cas de Destination Canada, près de 4 000. C'est donc très différent.

La sénatrice Chaput : Le Manitoba fait-il partie de ce dont vous venez de parler? Je vous demande cela parce que je suis du Manitoba.

M. Gilbert : Quelques provinces sont présentes à tous les événements depuis 2003, et plusieurs y sont presque toujours; le Manitoba et le Nouveau-Brunswick ont habituellement toujours de très grandes délégations. L'Ontario, la dernière fois en particulier, avait une grosse équipe. Il est important, lorsqu'il y a un événement où des centaines de personnes se trouvent dans des kiosques, de pouvoir répondre aux questions. Lorsqu'il n'y a qu'une seule personne, c'est difficile de le faire.

Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, au cours des dernières années, presque chaque année, toutes les provinces et tous les territoires, sauf le Nunavut, ont été présents; il manque souvent une province ou deux. L'Île-du-Prince- Édouard était présente il y a deux ans et l'Alberta était présente l'an dernier. La présence varie souvent selon les budgets et les disponibilités.

La sénatrice Chaput : J'aimerais voir mon nom inscrit pour le deuxième tour, afin que je puisse poser une question à M. Saint-Germain.

La présidente : Bien sûr.

La sénatrice Champagne : J'oserai dire, en me souvenant de ce qu'un témoin nous racontait la semaine dernière, qu'un de vos partenaires, presque en tout temps, est le Manitoba. Il gère un programme intitulé Exploration et grâce auquel il invite des gens qui pourraient être intéressés à venir s'installer à Saint-Boniface pendant un mois ou quelque chose comme cela, afin de voir vraiment comment la vie s'y passe et de façon à ce qu'ils constatent qu'il y a effectivement beaucoup de francophones dans cette région du Manitoba.

Le problème est que, comme nous le disait un témoin la semaine dernière, ces gens peuvent être des francophones au départ, ou bien ils ont pu apprendre la langue et continuent à l'apprendre, mais ils se rendent compte que, pour vivre à Winnipeg, à un moment donné il faut apprendre la deuxième langue officielle du Canada et il faut être capable de fonctionner en anglais également. Cela peut devenir un problème dans la rétention des nouveaux arrivants. Ils vont venir, et ils aiment bien cela, mais après un petit moment, ils ont de la difficulté à se faire comprendre ou à communiquer pour les besoins de tous les jours, à l'extérieur du secteur francophone. Est-ce un élément dont vous parlez à Destination Canada? C'est merveilleux si on connaît la langue française ou si on est prêt à l'apprendre, mais il faut aussi se préparer au fait que, en immigrant au Manitoba, par exemple, on devra aussi apprendre la deuxième langue du pays.

M. Gilbert : J'aurais dû décrire auparavant comment nous procédons lors d'une journée Destination Canada. La première chose que nous faisons est une présentation. Nous faisons venir un groupe d'environ 400 personnes à la fois et nous faisons une présentation d'environ une demi-heure ou 40 minutes sur les réalités du Canada. Nous établissons des comparaisons entre l'endroit où nous sommes, que ce soit la Belgique, la France ou la Tunisie, et le Canada, à savoir quelles sont les différences en ce qui concerne le marché de l'emploi et les attentes que les gens pourraient avoir. Aussi, entre autres, nous soulevons la question de la langue, à savoir comment fonctionnent le système des congés, les salaires, le mode de vie. Les gens au Canada pensent souvent d'abord à l'hiver, mais ils se rendent compte qu'il y a beaucoup plus de différences qui existent qu'on ne le croit.

Pour ma part, ayant fait le chemin inverse, je m'aperçois que nous sommes beaucoup plus des Nord-Américains parlant français que des Français.

Ensuite, nous avons une personne qui a immigré au Canada et qui y a vécu une douzaine d'années, et qui décrit sa propre expérience, ainsi que celle de personnes qu'elle connaît, entre autres pour ce qui est de s'intégrer, de se faire des amis, de la façon d'acheter des biens, et ce genre de choses.

On présente cet aspect, puis chaque province fait une courte présentation sur les avantages d'aller y vivre, par exemple, au Nouveau-Brunswick ou au Yukon. C'est un peu un « Talent Show »; les gens essayent de vendre leur salade en disant : « chez nous c'est plus beau, le taux de chômage est plus faible, nous avons les meilleurs croissants, et cetera ».

Une fois cette partie terminée, les 400 personnes se déplacent dans une salle voisine où sont présents des employeurs, avec leurs kiosques; des provinces sont également représentées, mais aussi des services d'emplois de la France, par exemple, qui aident les gens à faire le lien entre un employeur et leurs compétences. Donc, les gens se promènent dans cet espace pendant que nous recevons le deuxième groupe dans la salle d'à côté.

L'aspect linguistique est soulevé plus souvent que moins, parce qu'on sait que c'est souvent la chose qui pose problème pour beaucoup de gens, entre autres pour les Français; c'est moins le cas dans d'autres bassins, mais ici, il est encore étonnant de constater le nombre de jeunes Français qui s'expriment peu dans une autre langue que le français. On leur dit qu'ils doivent savoir, avant d'arriver, qu'il leur faut une base, qu'ils vont sans doute pouvoir vivre en français, mais que pour travailler, une connaissance de l'anglais serait très souhaitable, voire parfois indispensable.

M. Saint-Germain : Pour ajouter aux propos de M. Gilbert, sur le site web de l'immigration francophone de CIC, on explique un peu les conditions d'intégration au Manitoba et dans les autres régions du Canada. C'est pour cela que CIC finance, par le truchement du programme d'établissement, la formation linguistique gratuite, depuis 1992, aux immigrants. Donc, les immigrants francophones peuvent prendre des cours d'anglais, sous la bannière du programme LINC, le programme de formation linguistique. Ce sont des cours gratuits qui peuvent durer des mois, le temps qu'ils veulent, il n'y a pas de limite. Cela permet de les préparer aussi au marché du travail, de créer des liens avec les employeurs. Ces services sont offerts de concert avec les organismes communautaires, et nous travaillons étroitement avec la société franco-manitobaine, sur le terrain, avec le Manitoba.

La sénatrice Champagne : Vous serez d'accord avec moi si je dis que mieux ils sont préparés avant de venir, meilleures seront nos chances de les retenir au pays. Il faut qu'ils s'attendent à avoir à composer avec ces deux langues. Les Belges savent ce que c'est que de vivre avec au moins deux langues, mais pour les gens qui viennent d'ailleurs, ça peut être nouveau.

Le jeune homme qui nous parlait la semaine dernière est originaire du Sénégal. Il est responsable d'un groupe francophone à Saint-Boniface, et il dit : « Je ne suis pas considéré comme francophone par le gouvernement du Canada, parce que, lorsque je réponds au formulaire du recensement, on me demande ``Quelle est votre langue maternelle?''. Je ne peux pas répondre que c'est le français, parce que j'ai d'abord parlé une des langues qui se parlent au Sénégal ». Mais il est celui qui, une fois arrivé ici, a travaillé le plus afin que les nouveaux arrivants se sentent accueillis et ne se sentent pas seuls.

Le dernier aspect que je voudrais soulever, quelqu'un d'autre l'a fait tout à l'heure, ce sont les problèmes que nous avons à faire reconnaître les compétences acquises ailleurs.

Rien ne me met plus en colère que de prendre un taxi et de parler à quelqu'un qui était médecin dans son pays, quand moi-même je ne puis prendre un rendez-vous avec mon médecin ici. C'est le cas des ingénieurs et des gens d'autres métiers. Je pense que nous avons beaucoup de travail à faire — et j'ai beaucoup de chagrin, parce que je quitte le Sénat dans moins d'un mois — pour essayer de faire en sorte que les différents gouvernements, fédéral et provinciaux, arrivent à un point où il sera plus facile de reconnaître les compétences, et que, ainsi, un médecin qui arrive d'ailleurs n'aura pas à refaire cinq ou six ans d'étude pour pouvoir pratiquer la médecine dans l'une de nos provinces.

Est-ce que c'est l'une des questions qui vous sont posées? Pouvez-vous mieux y répondre que je ne peux le faire?

M. Saint-Germain : On sait que la reconnaissance des diplômes n'est pas un dossier simple. Le ministère essaie, d'une part, de mieux informer les immigrants potentiels sur les barrières qui peuvent se présenter quant à la reconnaissance des titres. Ce qu'on essaye de faire aussi, pour simplifier la vie des immigrants, c'est de permettre l'évaluation des titres de compétences à la sélection plutôt qu'après, ce qui fera en sorte que les gens se verront donner l'heure juste et sauront, s'ils veulent devenir médecins au Canada, quelles sont les exigences.

Ce que nous essayons de faire avec les provinces et les territoires, c'est de créer, pour l'ensemble des professions, un processus qui fait en sorte que, en l'espace d'un certain nombre de mois, un an au maximum, on ait une évaluation complète des titres avec un parcours clair en ce qui concerne, par exemple, la mise à niveau pour les compétences et les stages. À ce moment-là, l'immigrant peut décider que cela vaut la peine pour lui parce que la barrière n'est pas trop difficile à surmonter, sinon il peut choisir une autre carrière. Par exemple, un médecin peut travailler dans le domaine des sciences de la santé, qui est un domaine relié. Il est donc important de donner aux immigrants l'ensemble des choix.

La sénatrice Charette-Poulin : J'avoue que la sénatrice Champagne vient de poser exactement la question que je voulais poser. La reconnaissance des compétences, ainsi que le sénateur McIntyre le mentionnait, demeure une réalité tragique pour plusieurs de nos immigrants qui arrivent ici déjà formés et expérimentés.

En fin de semaine, j'ai eu l'occasion d'entendre parler du cas d'un médecin gynécologue du Bénin qui est ici depuis huit ans et qui ne peut pas se trouver un travail, même dans le domaine de la santé.

Est-ce que le gouvernement fédéral joue un rôle de facilitateur non seulement pour permettre aux immigrants de connaître les exigences, mais aussi pour s'assurer que la reconnaissance se déroule selon un processus établi?

Est-ce que le gouvernement fédéral intervient aussi auprès des associations professionnelles, que ce soit pour les médecins, les avocats, les ingénieurs ou les comptables?

M. Saint-Germain : Merci pour cette question. Effectivement le gouvernement fédéral a un rôle de facilitateur à jouer en travaillant en collaboration étroite avec les provinces, les territoires et les organismes de réglementation, afin de cerner les exigences, pour chaque type de profession, et de s'assurer d'une harmonisation des façons par lesquelles les titres de compétence seront évalués.

C'est un travail colossal en raison du nombre d'organismes de réglementation qui existent au pays dans chacune des professions. On essaie de travailler avec ces organismes pour simplifier les choses, chaque année.

On ajoute chaque année à la liste des professions un processus simplifié, et lorsqu'une profession est ajoutée à cette liste de processus simplifié, un immigrant est à même, en moins d'un an, de connaître les exigences liées à l'exercice de sa profession selon ses titres et ses diplômes.

Nous avons aussi mis en place un mécanisme pour reconnaître les diplômes obtenus à l'étranger. Nous travaillons étroitement avec un organisme qui permet d'évaluer les diplômes obtenus à l'étranger pour déterminer dans quelle mesure ils sont comparables aux titres canadiens. Cette évaluation entrera maintenant dans notre processus de sélection.

Nous pourrons donc transmettre l'information aux immigrants, à savoir dans quelle mesure leur diplôme vaut un diplôme canadien ou pas, et quel en est l'écart. Si l'écart est petit, l'immigrant peut considérer qu'il vaut la peine d'immigrer au Canada; sinon, peut-être que le choix ne sera pas le même.

La sénatrice Charette-Poulin : Les nouvelles politiques d'immigration facilitent-elles le travail que vous faites avec les associations professionnelles?

M. Saint-Germain : Tout à fait. Déjà, nos politiques liées au Programme fédéral des travailleurs qualifiés et au Programme fédéral des métiers spécialisés permettent et facilitent cette évaluation des compétences en ce qui concerne les diplômes. Comme M. Gilbert l'a mentionné, avec l'arrivée du système d'Entrée express à partir de janvier 2015, on pourra mieux sélectionner les gens qui vont intégrer une banque de candidats potentiels. On saura si ces gens sont à même de respecter les exigences minimales liées à une profession. Le processus de reconnaissance simplifié couvre déjà 70 p. 100 des professions. C'est déjà une belle avancée.

La sénatrice Charette-Poulin : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Merci, madame la présidente. Merci également aux témoins de nous avoir aidés à mieux comprendre la question.

Monsieur Gilbert, j'aimerais avoir vos commentaires. Vous avez parlé de faire l'épicerie, et cela m'a rappelé ce que bon nombre de nos témoins nous ont dit, à savoir que des tâches banales, comme faire l'épicerie, se déplacer, rencontrer des amis, socialiser et trouver des gens qui partagent les mêmes valeurs et les mêmes croyances, sont titanesques pour les nouveaux arrivants.

Les provinces communiquent-elles avec vous? Quelles sont les provinces qui, selon vous, le font le mieux, et comment pouvons-nous mettre en place des pratiques exemplaires dans les autres?

M. Gilbert : Je ne suis pas certain que je peux vous nommer une province qui le fait plus efficacement. Très souvent, ce n'est pas nécessairement la province; c'est davantage la communauté et le groupe qui aide les gens à s'établir. Ce sont les amis et la famille, le cas échéant, qui aident les immigrants à s'établir.

Par contre, les nouveaux immigrants ont souvent tendance à écouter davantage les membres de leur propre communauté que le gouvernement. Nous réalisons maintenant moins d'entrevues avec des immigrants, alors que nous en faisions des milliers auparavant. Je me rappelle qu'au moment de leur apprendre que leur demande était approuvée les gens ne nous écoutaient plus du tout lorsque nous leur disions qu'ils devaient se préparer à faire telle et telle chose avant de partir. C'était rendu très difficile à ce moment-là.

Je ne peux pas nommer une province en particulier qui le fait plus efficacement que les autres, mais nous devons répéter continuellement à tous les échelons et à toutes les étapes du processus qu'il faut être prêt, parce que, même si vous n'êtes ici qu'à titre de visiteur, la vie ici n'est pas la même qu'ailleurs.

Parallèlement, j'ai vécu dans de nombreux pays. Lorsqu'on va ailleurs en touriste, c'est une chose, mais c'est une tout autre histoire lorsque vous devez faire vos propres choses, en particulier lorsque vous ne maîtrisez pas la langue.

M. Saint-Germain : En ce qui a trait à la politique d'intégration et aux pratiques exemplaires en la matière, des initiatives intéressantes sont mises en œuvre partout au pays. Nous n'avons qu'à regarder la manière dont le Manitoba intègre les immigrants en étant très accueillant, en les accueillant à l'aéroport, en essayant de répondre à leurs besoins, en leur trouvant des logements et en les aidant dans les premiers temps. Il s'agit de pratiques prometteuses. Cependant, du point de vue du Canada, nous avons des partenariats locaux en matière d'immigration, et ces partenariats évaluent l'accueil qu'une ville ou une communauté précise réserve à ses immigrants et les aspects que nous devrions améliorer dans nos communications auprès des immigrants : voici où trouver des services et voici comment trouver de l'aide.

Dans l'ensemble de l'Ontario et maintenant du Canada, nous cherchons par ces partenariats locaux en matière d'immigration à essayer d'élaborer des stratégies de communication. Comme Rénald l'a mentionné, il faut collaborer avec les familles et les amis, mais également les organismes établis en vue de soutenir les initiatives à l'emploi, de trouver des stages et des ressources pour mieux appuyer le maintien des immigrants et l'accueil des collectivités.

La sénatrice Beyak : Merci.

[Français]

La présidente : Nous avons le temps de permettre une seule courte question, car nous devons terminer cette partie de la séance à 15 heures. Sénatrice Chaput, vous avez la parole.

La sénatrice Chaput : Cette question, monsieur Saint-Germain, vient faire suite à plusieurs questions déjà posées par mes collègues sur le sujet de la reconnaissance des compétences et de l'évaluation des diplômes. On sait que cela doit se faire de concert avec des organismes de réglementation. Vous avez mentionné que vous vous en occupiez et que c'était l'une de vos responsabilités.

Comment ciblez-vous les professions, puisqu'il y en a des milliers? Par où commencez-vous?

M. Saint-Germain : D'abord, ce travail consiste en une collaboration fédérale-provinciale, au sens que cela demande la collaboration et du gouvernement fédéral et des provinces et des territoires, en plus de la participation des organismes de réglementation. Il y a un groupe de travail qui est coprésidé par le Réseau de développement économique et d'employabilité (RDEE) et nous-mêmes. Dans ce comité, on revoit l'ensemble des secteurs professionnels et on identifie des professions, conjointement avec les provinces, qui font l'objet d'une analyse rigoureuse pour harmoniser le processus de reconnaissance des titres.

On établit avec les organismes de réglementation un plan de travail. Selon ce plan, on établit les barrières sur lesquelles on va travailler et on essaie d'adopter une approche pancanadienne.

C'est ce que CIC et RDEE cherchent à faire. Ainsi, on arrive avec des professions supplémentaires chaque année. Cela vient combler l'ensemble du recrutement de travailleurs qualifiés, parce qu'on couvre déjà 70 p. 100 de toutes les professions réglementées par ce processus.

La sénatrice Chaput : Faites-vous ce travail? Depuis quand le comité existe-t-il?

M. Saint-Germain : Depuis une dizaine d'années.

La sénatrice Chaput : On commence à voir les résultats?

M. Saint-Germain : Oui.

La sénatrice Chaput : Merci.

La présidente : Il n'y a plus de temps pour d'autres questions. Monsieur Gilbert, auriez-vous d'autres renseignements à partager rapidement avec le comité, une recommandation ou un dernier commentaire?

M. Gilbert : J'aimerais simplement vous remercier de l'attention que vous portez à ce sujet. Je vois que tous les membres sont très impliqués dans la discussion. Je suis très heureux de voir le degré d'intérêt que vous portez envers les communautés dans le cadre de votre travail.

La présidente : C'est nous qui vous remercions d'être avec nous, monsieur Gilbert, surtout qu'il est presque 23 heures à Paris. Merci d'avoir pris le temps d'être avec nous. Pardon, il est 21 heures. Je suis de l'Alberta, alors j'ajoute toujours deux heures de plus.

Un grand merci à M. Gilbert ainsi qu'à M. Saint-Germain. Vos commentaires ont été fort appréciés et ils nous seront très utiles pour notre étude. Merci d'avoir pris le temps de nous rencontrer.

Nous allons suspendre la séance quelques minutes, le temps de nous préparer pour recevoir nos prochains témoins. Bonne fin de soirée.

(La séance est suspendue.)

(La séance reprend.)

La présidente : Honorables sénateurs, nous reprenons notre séance. Nous terminons notre étude sur les impacts des changements récents au système d'immigration sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Nous accueillons maintenant M. Jean Johnson, président du conseil d'administration de l'Association canadienne- française de l'Alberta (ACFA), qui est avec nous par vidéoconférence, accompagné de Mme Ida Kamariza, coordonnatrice du Réseau en immigration francophone de l'Alberta de l'Association canadienne-française de l'Alberta. Également, nous accueillons ici même en personne Mme Roukya Abdi Aden, gestionnaire, de la Concertation nationale au Réseau de développement économique et d'employabilité.

Nous écouterons vos exposés et, par la suite, les sénateurs vous poseront des questions.

Jean Johnson, président, Conseil d'administration, Association canadienne-française de l'Alberta : Honorables sénateurs, bonjour à vous tous. Je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir invité l'ACFA à comparaître dans le cadre de votre étude sur les impacts des changements récents au système d'immigration sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Je ne nous présenterai pas puisque notre amie Claudette l'a déjà fait de façon éloquente.

Depuis 1926, l'ACFA est l'organisme porte-parole de la francophonie albertaine. Nous sommes donc ici au nom de 238 000 Albertaines et Albertains composant la collectivité de langue française en Alberta.

Depuis 2001, cette société francophone plurielle et très diverse a adopté plus de 10 000 immigrants directs ainsi que plusieurs milliers de francophones issus de l'immigration par l'intermédiaire d'autres provinces et territoires, notamment le Québec.

En 2003, le gouvernement fédéral a mis en place le cadre stratégique pour favoriser l'immigration au sein des communautés francophones en situation minoritaire, afin de permettre à ces communautés de profiter des avantages économiques et sociaux de l'immigration au cours des années à venir.

Cinq objectifs à long terme consistant à accroître le nombre d'immigrants d'expression française dans lesdites communautés et à les y retenir sont visés. En ce sens, plusieurs actions de collaboration entre le ministère responsable de la citoyenneté et de l'immigration et les communautés francophones en situation minoritaire ont eu lieu. Cependant, force est de constater que nous sommes encore loin de l'objectif visé qui était d'accueillir 4,4 p. 100 d'immigrants francophones au sein de toutes nos communautés, soit de 9 à 10 000 nouveaux arrivants francophones par année. Présentement, au niveau national, nous sommes encore à 1,8 p. 100, ce qui est très loin du pourcentage ciblé.

Quels seront alors les impacts des récentes réformes? Permettront-elles de conserver les acquis et d'atteindre ces objectifs?

Nous saluons l'engagement du gouvernement du Canada réitéré dans la Feuille de route pour les langues officielles du Canada 2013-2018 en vue de maintenir la vitalité communautaire francophone hors Québec, et ce, par l'entremise de l'immigration. Cependant, nous demeurons inquiets quant aux impacts des récents changements au système canadien d'immigration sur nos communautés, principalement concernant la catégorie de l'immigration économique.

Notre intervention traitera donc uniquement de cette catégorie puisqu'elle constitue la majeure partie des prévisions en immigration et que les impacts des changements pour les autres catégories d'immigrants semblent être les mêmes, tant pour la communauté majoritaire que pour les communautés francophones en situation minoritaire. En ce sens, j'aimerais vous partager quelques observations relatives à l'immigration permanente et à l'immigration temporaire en lien avec votre étude.

Je vais commencer avec le volet de l'immigration permanente. La modernisation qui motive lesdits changements donne une empreinte fortement économique à l'immigration. Celle-ci passera d'une immigration fondée sur l'offre des immigrants qui souhaitent s'installer au Canada à une immigration là où le Canada invitera les immigrants à venir au Canada. Cette nouvelle orientation est fondée sur l'implication accrue des employeurs, comme l'a clairement annoncé le ministre Chris Alexander dans son communiqué du 8 avril dernier. Je le cite :

Le système Entrée express permettra aux employeurs de jouer un rôle clé dans la sélection des immigrants économiques et de formuler des conseils à l'intention du gouvernement du Canada.

Selon nos observations, le rôle majeur proposé aux employeurs dans la sélection des immigrants, doublé de la grande responsabilité offerte aux provinces et aux territoires dans ce dossier, tous non soumis aux obligations linguistiques, risquent de diluer les engagements du gouvernement fédéral envers les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Nous reconnaissons les avantages économiques reliés à l'immigration que vise notre gouvernement. Cependant, nous sommes inquiets de savoir que le volet de la vitalité de nos communautés souffrira si des mesures d'accompagnement ne sont pas adoptées.

De plus, le Plan d'action économique de 2014 précise ce qui suit :

Le système de déclaration d'intérêt (renommé Système d'Entrée express) permettrait au gouvernement du Canada, aux provinces et aux territoires, ainsi qu'aux employeurs, de cibler activement des immigrants hautement qualifiés dans le cadre des principaux programmes d'immigration économique, dont le Programme des travailleurs qualifiés (fédéral), le Programme des travailleurs de métiers spécialisés (fédéral) et la Catégorie de l'expérience canadienne.

Il poursuit ainsi :

À l'avenir, le gouvernement explorera avec les provinces, les territoires et les employeurs des approches en vue de la création d'un bassin de travailleurs qualifiés, prêts à commencer à travailler au Canada.

Il est à noter que toutes les consultations relatives à la mise en place de ce programme, qui débutera en janvier 2015, se font avec les provinces, les territoires et les employeurs, mais sans la participation et la contribution des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Nous sommes inquiets, car nous ne pensons pas que ces acteurs clés mettront de l'avant la vitalité des communautés francophones comme étant une priorité. Bien que la connaissance d'une des langues officielles du Canada soit l'un des critères de sélection, nous doutons que les immigrants unilingues francophones soient sélectionnés.

Les statistiques, qui sont des éléments tangibles d'analyse, montrent bien les bassins sources des immigrants économiques, catégorie qui compte aujourd'hui pour près de 65 p. 100 de toute l'immigration du Canada. Si l'on considère la catégorie des résidents permanents, les pays de l'Asie et du Pacifique sont les principaux pays sources pour la catégorie de l'immigration économique. Les immigrants en provenance des Philippines, de la Chine et de l'Inde comptent pour près de 45 p. 100 de toutes les admissions de résidents permanents des volets économiques en 2011. Cette observation devient très intéressante lorsqu'on sait que les employeurs ne changeront pas leurs tendances du jour au lendemain.

Il ne faut pas perdre de vue qu'au niveau international, le grand bassin de la francophonie se trouve principalement en Afrique. Or, parmi les pays qui sont favorisés par les employeurs pour l'immigration économique, cette partie du monde n'y figure pas. Selon une présentation faite à la journée préconférence Metropolis, à Ottawa, en mars 2013, par Jean-Pierre Corbeil, spécialiste en chef de la section des statistiques linguistiques chez Statistique Canada, la vision d'avenir de l'immigration francophone suppose que la source principale des immigrants francophones proviendra de l'Afrique, et plus précisément, de l'Afrique subsaharienne. Malheureusement, les récents changements proposés mettent en place des politiques qui, de façon inconsciente, risquent d'éliminer cette partie de l'Afrique comme bassin source d'immigration.

Enfin, le nouveau système de points pour les travailleurs qualifiés fédéraux détermine que les diplômes étrangers seront évalués par deux types d'organismes : les organismes ayant une expertise en matière d'authentification et d'évaluation des diplômes obtenus à l'étranger et les organisations professionnelles dont l'évaluation des titres de compétence étrangers est reconnue par au moins deux organismes de réglementation provinciaux ou territoriaux.

Ces deux types d'organismes seront désignés pour authentifier les diplômes étrangers et attester leur équivalence aux diplômes canadiens. Pour nous, il est évident que ce mode d'évaluation aura des impacts sur l'immigration francophone, car les systèmes d'enseignement des pays où se trouve le plus grand bassin de francophones sont régis par le système français, dont les standards sont différents de ceux du Canada.

J'aimerais maintenant partager avec vous quelques observations relatives à l'immigration temporaire. Selon les récentes réformes, l'immigration temporaire, constituée essentiellement des travailleurs étrangers temporaires et des étudiants internationaux, sera privilégiée pour le passage à l'immigration permanente.

L'impact majeur sur les communautés francophones dépendra donc des pays sources pour ce qui est de la catégorie des travailleurs étrangers temporaires. À l'exception de la France, peu de pays francophones comptent parmi les bassins d'immigration temporaire. Par ailleurs, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration reconnaît que les employeurs ont une influence sur les pays sources et les profils de compétence des immigrants.

Si on ne considère pas uniquement la catégorie des travailleurs étrangers temporaires, bien que la France fasse partie des cinq principaux pays sources, les pays de l'Amérique du Nord et de l'Europe prédominent dans ce volet. En fait, les États-Unis, le Mexique, le Royaume-Uni et l'Australie sont les quatre principaux pays sources de travailleurs étrangers temporaires pour le Canada. Avec ceux provenant de la France, ils comptaient pour plus de 46 p. 100 de toutes les entrées de travailleurs étrangers temporaires en 2011.

Les communautés francophones déploient des efforts pour sensibiliser les employeurs afin qu'ils recrutent des immigrants dans les pays francophones. Cependant, nous constatons une sorte de contradiction. Alors que le gouvernement du Canada supprime tout le financement des activités de promotion à l'étranger, il promet en même temps, dans la feuille de route, d'augmenter les dépenses consacrées aux activités à l'étranger afin d'élargir le mandat de Destination Canada et d'inclure plus de salons de l'emploi et d'activités de promotion et de recrutement visant les employeurs.

Enfin, la catégorie des étudiants étrangers sera privilégiée par le nouveau système d'immigration. Cependant, ici encore, des inquiétudes peuvent être soulevées. La disparité des coûts payés par les étudiants étrangers dans les différentes institutions d'enseignement aura un impact majeur sur l'attraction des étudiants dans certaines régions du pays. À titre d'exemple, l'Université d'Ottawa vient de prendre une décision permettant aux étudiants étrangers qui suivent trois cours en français de payer le même coût que les étudiants canadiens ou les résidents permanents.

Nos observations démontrent que, bien que nous soyons en faveur d'une immigration économique, nous avons de sérieuses inquiétudes quant à l'atteinte de la cible de 4,4 p. 100 d'immigrants francophones au sein de nos communautés, en vue de répondre aux besoins de vitalité des communautés francophones vivant en situation minoritaire.

J'aimerais donc conclure ma présentation en formulant sept recommandations :

1. Associer les communautés francophones aux consultations en cours pour la préparation du démarrage du programme d'Entrée express;

2. Mener une étude comparative des standards de formation des systèmes français et anglo-saxons, ce qui permettrait d'envisager les chances de qualification dont disposeraient les francophones en vertu de la politique actuelle;

3. Mettre en place des services prédépart en français pour une meilleure préparation des francophones qui choisissent de venir s'établir au Canada;

4. Évaluer le programme de promotion et de sensibilisation en place qui constitue la filière principale pour faire venir les francophones qualifiés bilingues sur une base temporaire;

5. Consacrer des ressources aux actions de promotion dans les pays francophones;

6. Inclure un volet francophone dans la stratégie globale en matière d'éducation internationale pour le Canada, qui vise actuellement six marchés prioritaires, soit le Brésil, la Chine, l'Inde, le Mexique, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, ainsi que le Vietnam;

7. Même si nous n'avons traité essentiellement que des questions liées à la catégorie économique de l'immigration, la catégorie humanitaire reste d'un grand intérêt pour nous. Pour cette raison, nous recommandons que des personnes déjà intégrées dans nos communautés francophones, qui ne font pas l'objet de mesures d'ordre sécuritaire, puissent bénéficier de la résidence pour des considérations humanitaires plutôt que d'être déportées après plusieurs années d'attente de statut.

C'est avec beaucoup de respect que nous vous soumettons ces observations et ces recommandations dans l'espoir qu'elles sauront amener des changements importants au bénéfice de la vitalité de la collectivité de langue française en Alberta.

Je vous remercie de votre attention. Nous sommes disposés à répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Johnson. Je cède maintenant la parole à Mme Roukya Abdi Aden.

Roukya Abdi Aden, gestionnaire, Concertation nationale, Réseau de développement économique et d'employabilité : Merci beaucoup, madame la présidente.

Honorables sénateurs, membres du comité, bonjour. Mon nom est Roukya Abdi Aden. Je suis la gestionnaire responsable de la Concertation nationale du Réseau de développement économique et d'employabilité, RDEE Canada.

J'aimerais vous remercier de me recevoir cet après-midi. Je remplace M. Gilles Lanteigne, président du conseil d'administration, qui est retenu au Nouveau-Brunswick, ainsi que le directeur général, Jean Léger, qui participe à une conférence à Montréal en ce moment.

Quand on m'a dit que je devais témoigner et parler d'immigration et de changements, je me suis demandé par où commencer, car le dossier est complexe. J'ai travaillé 10 ans à la FCFA à titre de directrice adjointe dans ce dossier et 2 ans au RDEE Canada. Je tenterai de me circonscrire le plus possible au mandat du RDEE.

Je commencerai mon témoignage en présentant notre réseau. Je présenterai ensuite les interventions et réalisations du réseau en ce qui concerne l'intégration économique. Je poursuivrai en abordant l'impact des modifications récentes au système de l'immigration. Je conclurai avec quelques recommandations au comité dans le but de faciliter le recrutement et l'intégration économique des immigrants d'expression française.

Le RDEE Canada a été créé en 1997 avec comme objectif d'organiser le développement économique dans l'ensemble des communautés francophones et acadienne du pays, à l'exclusion du Québec. Aujourd'hui, le RDEE Canada est le point d'ancrage national de ses 12 membres provinciaux et territoriaux. Il assure la mobilisation, la collaboration et la cohérence des actions dans le but d'amener les communautés francophones et acadienne à contribuer pleinement à la prospérité économique du Canada.

Au cours de la période 2009-2012, les membres du réseau ont généré près de 96 millions de dollars d'investissement et contribué à la création de 3 708 emplois directs et indirects. Ils ont appuyé directement l'élaboration de 935 plans d'affaires, plans de développement communautaire et plans stratégiques, qui n'auraient pu être réalisés sans leur accompagnement.

Les membres du RDEE Canada ont également réalisé plus d'une centaine de projets de recherche qui ont contribué de façon significative au développement économique de leur communauté. En 2012, le réseau et ses membres se sont donné les moyens d'agir plus efficacement en créant des groupes de travail sur quatre enjeux prioritaires assortis de stratégies et d'actions précises à accomplir. Le premier enjeu prioritaire est la francophonie économique canadienne, dans le but d'appuyer le démarrage et le développement d'entreprises francophones, et ce, afin de contribuer au développement économique des communautés francophones et à la prospérité économique du Canada.

Le deuxième enjeu prioritaire, le tourisme, a pour objectif d'accroître l'offre et la commercialisation de produits touristiques et bilingues à la fois au Canada et sur la scène internationale.

Le troisième enjeu prioritaire est l'économie verte, dont le but est d'explorer et de mettre en œuvre des initiatives qui permettent l'amélioration du bien-être humain et l'équité sociale, tout en réduisant de manière importante les risques environnementaux et la pénurie de ressources humaines.

Finalement, celui qui nous réunit aujourd'hui est l'immigration économique, dont le but est de sensibiliser les employeurs canadiens à l'embauche d'immigrants francophones.

Le RDEE Canada et ses membres constituent un lien privilégié avec les employeurs, les immigrants et les communautés francophones. Ils offrent une large gamme de services. Par exemple, presque tous nos membres sensibilisent des employeurs francophones et anglophones à l'embauche de nouveaux arrivants d'expression française. Non seulement nous les aidons à comprendre les avantages liés à l'embauche d'immigrants francophones et bilingues, mais nous les aidons dans le processus de recrutement.

En ce qui concerne les immigrants, une fois arrivés au Canada, nous les soutenons dans leur démarche d'intégration économique. Entre autres, nous aidons les travailleurs qualifiés et temporaires à se trouver un emploi dans leur domaine d'expertise et nous les appuyons dans leur transition vers la résidence permanente. Nous aidons aussi les immigrants à envisager l'entrepreneuriat par l'entremise de services adaptés.

Pour favoriser l'intégration économique et la rétention des nouveaux arrivants, nous aidons les employeurs dans l'optimisation et la gestion de la diversité au sein de leurs entreprises. Nous soutenons également les travailleurs immigrants dans leur intégration sociale et culturelle au sein de leur nouvel emploi.

J'aimerais vous donner quelques exemples de résultats obtenus par les membres du réseau en 2013. Le RDEE Ontario a aidé 220 immigrants francophones qui ont été personnellement aiguillés, guidés et placés en entreprise grâce au programme La Bonne affaire.

En Alberta, un projet pilote a permis de placer 23 travailleurs français, dont 10 stagiaires spécialisés et qualifiés en aménagement paysager, pour répondre aux besoins ciblés de l'entreprise Greentree Landscapes. Sept autres travailleurs qualifiés, venus de France, ont été placés dans six autres entreprises.

En Saskatchewan, 133 chercheurs d'emploi immigrants francophones ont été embauchés par l'intermédiaire des foires d'emploi organisées par le Conseil de la coopération de la Saskatchewan.

J'aimerais maintenant prendre quelques minutes pour parler des impacts des récents changements au système d'immigration. Comme vous le savez, ces nouveaux changements reposent sur les quatre piliers que sont l'économie, l'efficience, l'autorisation à l'accréditation et la sécurité. En ce qui concerne le pilier de l'économie, le nouveau système vise à créer un lien très étroit entre les besoins de main-d'œuvre et la venue au Canada d'immigrants qualifiés à titre de résidents permanents et de travailleurs. C'est le pilier qui nous interpelle principalement au RDEE Canada.

Assurer le mariage entre les candidats francophones ou bilingues qualifiés compétents et les besoins en main- d'œuvre des employeurs fait déjà partie des actions que nous entreprenons depuis 2009. Cette approche que nous avons développée repose essentiellement sur les deux axes suivants : connaître et cerner les besoins du marché du travail dans les différentes provinces et les territoires. De cette façon, nous cherchons avant tout à cerner les besoins actuels et les anticipations du marché du travail canadien, et à connaître spécialement les secteurs qui auront une forte demande de personnel.

Une fois les besoins du marché connus, nous mobilisons et sensibilisons les employeurs représentant les secteurs où il existe une forte demande en main-d'œuvre, soit grâce à l'embauche d'immigrants d'expression française déjà installés au Canada, soit par l'intermédiaire du recrutement à l'international s'ils ne parviennent pas à pourvoir leurs postes avec la main-d'œuvre disponible au Canada. Toutefois, malgré une stratégie bien établie et des histoires à succès, notre réseau est confronté à plusieurs défis en matière de recrutement et d'employabilité des immigrants francophones. Par exemple, nous notons que les besoins du marché du travail évoluent rapidement. Ils sont très difficiles à suivre. C'est tous les six mois qu'il faut revoir et analyser le tout pour replacer les actions.

Les petites et moyennes entreprises constituent 98 p. 100 des entreprises au Canada et ne disposent pas de services de ressources humaines. Leurs offres d'emplois ne sont donc pas affichées. Finalement, il existe une prudence excessive chez certains employeurs à l'égard du recrutement à l'international, en raison de démarches fastidieuses, et de la peur de l'abus et de représailles.

Nous estimons que les changements récents au système de l'immigration pourront être avantageux pour les communautés francophones et acadienne, à condition que des mesures adéquates soient mises en place et que des ressources humaines et financières soient investies pour leur mise en œuvre.

Je terminerai en formulant quelques recommandations afin de travailler en amont dans le domaine de la francophonie canadienne. Premièrement, il serait primordial de disposer des ressources nécessaires pour cerner les secteurs de l'industrie ayant un fort potentiel en recrutement de main-d'œuvre par l'entremise de partenariats avec les différents ordres de gouvernement et les intervenants clés.

Deuxièmement, de nombreux employeurs n'ont pas acquis d'expérience en matière de recrutement dans les pays sources d'immigration. Comme M. Johnson l'a mentionné, c'est le cas surtout en Afrique. On remarque aussi qu'ils ne sont pas enclins à recruter dans ces pays. Il faudrait donc accroître la mobilisation des employeurs canadiens pour les inciter à embaucher dans les pays bassins d'immigration. Il faudrait également leur offrir un accompagnement dans le processus de recrutement et d'intégration des immigrants d'expression française.

Ma troisième recommandation porte sur la nécessité de s'assurer que les candidats francophones qualifiés aient toutes les chances de leur côté pour être sélectionnés par les employeurs canadiens, surtout dans le cadre de la mise en place de l'Entrée express, afin de réussir leur intégration économique au Canada. Ainsi, des services prédépart intégrés devront être élaborés pour appuyer le recrutement. Ils permettront aux immigrants francophones d'avoir les outils, les renseignements et l'accompagnement nécessaires pour être retenus par un employeur.

L'employeur sera celui qui aura le pouvoir d'aller chercher la personne qui répond le mieux au poste offert. De tels services existent déjà, par exemple, en Inde, en Chine aux Philippines et dans d'autres pays, mais ils sont peu ou pas existants dans les pays sources d'immigration.

Finalement, une étude récemment menée par RDEE Canada démontre que plusieurs entreprises francophones sont confrontées aux défis reliés à la relève entrepreneuriale. Or, le gouvernement fédéral, en mars 2014, a aboli la catégorie des entrepreneurs.

Nous considérons que les entrepreneurs immigrants francophones sont une source d'immigration pour nos collectivités et qu'il faudrait poursuivre leur recrutement par le truchement, notamment, d'une instruction ministérielle. Je vous remercie. Je suis prête à répondre à vos questions.

La présidente : Je vous remercie grandement, madame. Je cède maintenant la parole à la sénatrice Fortin-Duplessis.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Monsieur Johnson, j'aimerais vous remercier de votre présentation. Je vous remercie également pour vos sept recommandations très intéressantes. Toutefois, je ne sais pas si je me trompe, mais j'ai cru comprendre que vous ne croyiez pas que l'octroi de points supplémentaires à la connaissance des langues officielles faciliterait l'intégration des immigrants au sein des collectivités francophones en Alberta.

Mes questions concernent l'intégration et la rétention. Êtes-vous en mesure de nous dire quel est le taux de rétention des immigrants francophones en Alberta? Et croyez-vous qu'une meilleure sélection au sein de l'immigration, telle que le propose la réforme, aura un impact positif sur ce taux de rétention?

M. Johnson : Il y a une série d'éléments dans votre question. En ce qui concerne la question des langues officielles, il n'y a pas de traitement paritaire ou égal. Premièrement, et je vous donne un exemple, l'immigrant qui parle les deux langues officielles, le français et l'anglais, lorsqu'il arrive au Canada, est considéré comme un anglophone et il est traité comme tel. Alors, notre communauté accède difficilement à ces gens parce qu'on les oriente vers les services en anglais plutôt que vers ceux de nos collectivités. Pour moi, c'est un facteur qui pose problème.

Deuxièmement, lorsqu'on parle de l'immigrant francophone qui voudrait aller vers l'Alberta dans le contexte de ce nouveau programme, la difficulté tient du fait qu'on se sert des méthodes d'évaluation qui sont complètement différentes de celles qui sont offertes à l'immigrant qui est d'expression anglaise et française. Il y a donc un élément d'iniquité. De plus, la personne qui arrive d'un pays étranger en tant qu'immigrant anglophone bénéficie de la possibilité d'un raccourci vers un emploi au Canada.

Dans un monde idéal, comment pourrions-nous outiller les communautés pour mieux répondre aux besoins des immigrants qui ont les compétences nécessaires, mais qui doivent être évalués de façon différente? De plus, pourquoi ne pourrions-nous pas créer un système qui nous permettrait de les encadrer et de leur donner la formation nécessaire pour intégrer le marché du travail en ce qui a trait à la langue de travail, qui est l'anglais, quand il est question de l'Alberta?

Je ne sais pas si je réponds à vos questions. Selon moi, les langues officielles ne sont pas un obstacle; il s'agit plutôt de la façon dont on traite les deux côtés.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Votre réponse est très intéressante et nous apporte un élément que l'on n'avait pas encore vu.

Lors de notre étude, on a constaté que, lorsque les gens arrivaient au Québec pour s'y installer, dès la première occasion, on apprenait qu'ils s'en allaient ailleurs.

Vous nous avez dit qu'il y avait une différence importante en immigration lorsque la personne sait parler l'anglais et le français et que le système n'était pas égal. En Alberta, lorsqu'un francophone d'ailleurs dans le monde vient s'y établir, avez-vous constaté la même chose que ce que nous avons constaté au Québec, soit qu'il se servait de l'endroit comme point d'entrée avant de filer ensuite vers une autre province pour essayer d'y faire sa vie?

M. Johnson : Je dois vous demander pardon tout de suite avant de commencer, car, essentiellement, le tremplin du Québec vers d'autres provinces sert souvent pour venir chez nous. Une fois que les gens viennent s'établir chez nous, ils ont tendance à bien s'enraciner parce que le facteur économique en Alberta est très favorable quant à l'accès à l'emploi. Ces personnes doivent faire la gymnastique de l'apprentissage de la langue du mieux qu'ils peuvent. Cela nous pose des défis, parce que souvent, les gens auront été reçus comme immigrants au Québec. Ils auront passé quelques années au Québec et viendront vers l'Alberta parce que, pour eux, déménager 4 000 kilomètres vers l'ouest est un petit bond pour eux, comme ils ont déjà fait un très grand trajet pour se rendre au Québec. Pour eux, ce n'est rien de venir s'établir ici, mais on doit recommencer le processus et les traiter comme de nouveaux arrivants qui viennent juste d'arriver au Canada. Souvent, on n'a pas les ressources pour ce faire. C'est un défi pour nous, mais nous sommes heureux de relever ce défi et nous sommes constamment à la recherche de solutions pour mieux servir cette clientèle.

Le sénateur McIntyre : Je vous remercie de votre présentation, monsieur Johnson. Il est évident que votre organisme fait un travail gigantesque. Je remarque qu'il en est à sa 80e année d'existence. Vous travaillez avec plusieurs organismes francophones en Alberta qui œuvrent dans différents secteurs : l'éducation, la justice, la santé, les arts et la culture, l'immigration, et cetera. Je remarque également que vous avez l'appui de plusieurs points de services répartis à travers la province. De plus, vous vous êtes dotés de structures d'accueil. Vous avez un site web, Destination Alberta, un plan d'engagement communautaire pour appuyer l'immigration francophone en Alberta. Vous nous en avez d'ailleurs parlé tout à l'heure.

Si j'ai bien compris ce plan, il a énoncé une cible annuelle d'environ 1 000 nouveaux arrivants francophones, qui augmentera graduellement de 200 en 2010 à 1 000 à compter de 2025.

Il y a deux cibles : la vôtre et celle du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral s'est fixé une cible de 4 p. 100 d'immigrants économiques qui s'installeront d'ici 2018 dans les communautés francophones en situation minoritaire. Ma question est la suivante : comment la cible du gouvernement fédéral s'arrime-t-elle avec la cible que vous avez fixée pour le territoire albertain? J'ajouterais une autre question : est-ce que le gouvernement albertain vous appuie dans vos démarches?

M. Johnson : Je vais demander à ma collègue de m'aider à répondre à cette question. On avait fait un projet d'étude avec un consultant, M. Ronald Bisson. On s'inspirait du pourcentage. Ici, on compte de 9 à 10 000 immigrants qui compteraient pour 4,4 p. 100 au Canada. On ne voulait pas être trop avares dans nos besoins, mais on a essayé de faire un jumelage de deux éléments. Quelle partie du 4,4 p. 100 national pourrait-on considérer aller chercher et comment pourrait-on vraiment faire un arrimage qui contrecarrerait le facteur d'assimilation dans nos communautés? C'est une gymnastique des nombres, ce qui nous a amenés au nombre de 1 000, qui, dans le contexte actuel, est une cible très difficile à atteindre.

On n'est pas différent. Si ce n'était de l'immigration secondaire — les gens qui arrivent au Québec et qui viennent s'établir en Alberta par la suite —, on serait très loin de cette cible.

Le sénateur McIntyre : Sentez-vous un appui du gouvernement albertain?

M. Johnson : Il y a de plus en plus de facteurs politiques en Alberta présentement. On est en train de capitaliser sur un renouveau en ce qui concerne nos relations avec le gouvernement. Il y a présentement une course à la chefferie du Parti conservateur, en Alberta, et il y trois candidats qui font une course assez serrée. On est en pleine mobilisation de la communauté, on livre des messages et on parle aux aspirants chefs du Parti conservateur. C'est une occasion en or de nous assurer que les gens nous entendent et nous comprennent.

On a un sentiment toujours positif qui nous vient peut-être de notre nature, parce que cela fait plusieurs décennies que nous sommes des survivants en Alberta. On se sent maintenant épaulés, et l'Alberta reconnaît la croissance de la communauté francophone dans les dernières années, qui se chiffre à 18 p. 100 annuellement. C'est beaucoup, et l'Alberta subit exactement, au niveau de la société civile albertaine, le même type de croissance.

Cela nous donne un point de repère de discussions intéressant. Bref, oui, mais je crois qu'on a encore besoin d'un coup de pouce du gouvernement fédéral.

La présidente : Mme Kamariza, vous vouliez ajouter quelque chose?

Ida Kamariza, coordonnatrice, Réseau en immigration francophone de l'Alberta, Association canadienne-française de l'Alberta : Ce que je voulais ajouter, c'était par rapport aux cibles communautaires que nous avions établies dans notre plan d'engagement communautaire.

L'honorable sénateur a demandé comment cela s'arrimait avec la cible nationale. Pour établir la cible communautaire, nous nous étions basés sur la vitalité démographique du moment, donc celle de 2010. Si on pouvait atteindre le chiffre de 1 000 immigrants par année, cela nous permettrait de garder le niveau démographique francophone qu'on avait en 2010. Quant à savoir comment cela s'arrime avec la cible nationale, c'est un peu difficile à dire parce que, comme M. Johnson le précisait, l'immigration que nous recevons est essentiellement de l'immigration secondaire, qui est difficile à planifier. Nous ne savons pas quand ces immigrants arrivent et nous ne savons pas quelles ressources nous devons planifier. Mais nous devons quand même nous réjouir que, pour le moment, nous soyons parmi les rares provinces qui atteignent le chiffre de 4,4 p. 100. Mais si demain, par exemple, nous ne recevions plus d'immigrants du Québec — qui est la province de laquelle nous recevons le plus d'immigrants secondaires —, il serait difficile de conserver cette cible de 4,4 p. 100.

Je vous remercie.

La sénatrice Chaput : Ma première question s'adressera à M. Johnson.

Je vous remercie, monsieur Johnson, pour votre présentation et vos recommandations. Comme vous le savez, le comité recherche des éléments de solution pour s'assurer que ce qui se fait contribue au développement et à l'épanouissement de nos communautés de langue officielle.

Vous avez mentionné que l'obstacle, ce n'est pas les langues officielles, mais c'est plutôt la façon dont on traite les deux. Vous avez donné un exemple qui nous a permis de mieux comprendre.

Y a-t-il d'autres exemples que vous pourriez nous donner qui nous aideraient à mieux comprendre et à faire de meilleures recommandations? À titre d'exemple, y a-t-il des incitatifs qu'on pourrait offrir aux employeurs pour les encourager à recevoir — dans votre province et la mienne, par exemple, toutes deux majoritairement anglophones — des immigrants qui parlent le français et très peu l'anglais? Peut-on penser que c'est possible chez nous?

M. Johnson : J'ai travaillé longtemps dans le domaine de l'éducation des adultes, et je considère qu'une des parties de la solution est qu'on doit outiller ces gens pour qu'ils s'intègrent mieux dans la société.

Par rapport au programme, si on considère le facteur unilingue francophone de l'immigrant, ou de la personne qui veut immigrer au Canada, et qui se situe, par exemple, dans un pays subsaharien, il est complètement désavantagé pour venir chez nous, dans nos deux provinces respectives.

Je me demande pourquoi, dans le contexte d'un pays qui fait la promotion de ses valeurs canadiennes de diversité... Et cette partie fonctionne très bien, mais en ce qui a trait à la dualité linguistique, cela va moins bien, parce que l'on considère que le facteur linguistique est un obstacle. Je retourne toujours à la notion que cela n'est pas nécessaire. Est- ce au pays d'origine d'offrir un processus d'encadrement, de formation ou est-ce au pays d'accueil? Vous serez d'accord avec moi quand je dis que dans un contexte d'immersion, on apprend la langue d'autant plus rapidement.

Il y a des moyens pour nous, et ce sont les communautés francophones qui devraient s'investir dans les programmes de formation d'anglais langue seconde, de façon à s'assurer que les gens développent une appartenance et gravitent toujours vers nous. Au lieu de bâtir une communauté où les gens viennent au Canada pour s'assimiler, on bâtit une communauté qui grandit.

C'est peut-être le seul commentaire que j'aurais.

La sénatrice Chaput : Lorsque vous parlez du programme de formation pour apprendre l'anglais, disons, à nos immigrants francophones, l'inverse est-il aussi vrai, apprendre le français aux immigrants anglophones qui arrivent chez nous?

M. Johnson : Je serais un champion de cette notion, sénatrice Chaput. J'apprécie votre commentaire.

La présidente : Sénatrice Chaput, j'aimerais avoir une clarification. Est-ce que votre question portait sur la façon de mieux outiller les candidats ou l'employeur? J'ai cru que votre question concernait l'employeur, mais je crois que M. Johnson l'avait interprétée davantage du côté du candidat.

La sénatrice Chaput : J'ai demandé s'il y avait des incitatifs pour l'employeur, mais par la suite, on s'est penché sur la formation. Mais ma question portait sur les incitatifs pour l'employeur.

Je ne sais pas si M. Johnson pourrait nous dire de quelle façon on peut inciter les employeurs. Y a-t-il quelque chose qu'on pourrait leur offrir?

M. Johnson : Je vais passer la parole à Mme Kamariza, qui semble avoir une réponse à ce sujet.

Mme Kamariza : Ce que j'ajouterais à la réponse de M. Johnson c'est que, oui, il y a des incitatifs qu'on peut mettre en place pour inciter les employeurs à recruter des candidats francophones.

Tout à l'heure, Mme Abdi Aden parlait de l'accompagnement des employeurs pour ce qui est du recrutement et de l'embauche. Ce serait un incitatif extrêmement intéressant. Il y a un incitatif qui existe déjà, l'avantage significatif francophone, qui permet aux employeurs qui recrutent dans les bassins francophones d'embaucher des travailleurs qualifiés, des travailleurs temporaires avec l'exemption de l'avis du marché du travail, mais cela concerne seulement trois catégories professionnelles. Si on pouvait étendre les catégories visées par cette exemption de l'avis sur le marché du travail, ce serait un incitatif extrêmement intéressant pour aider les employeurs à voir l'avantage significatif francophone.

Mme Abdi Aden : Sur le terrain, on voit très clairement que, pour amener les employeurs à recruter des candidats francophones, il faut vraiment les appuyer, les accompagner, comme je le disais, dans le processus de recrutement pour les aider à trouver le bon candidat.

De plus, une fois arrivés ici, il faut les accompagner dans la rétention par rapport à l'emploi. Lorsque l'employeur a un nouvel employé qui a des difficultés, le RDEE Ontario fait tout ce travail et réussit très bien en lui offrant ses services.

Les employeurs reviennent parce que, ayant connu ce service, ils redemandent à recruter dans ces pays de la francophonie. Je crois aussi que l'avis d'exemption constitue un incitatif très important, et c'est notre façon de les aborder. Cela fait en sorte que l'employeur ira recruter dans les pays francophones plutôt qu'ailleurs. C'est vraiment en leur présentant cette carte et en leur disant qu'avec cet avis d'exemption, ils n'ont pas besoin de faire telle démarche du processus. Automatiquement, ils voient la tâche s'alléger et disent qu'ils envisagent de le faire. Mais ça ne s'arrête pas là. Il faut les accompagner et les aider.

Je disais tout à l'heure qu'on faisait affaire avec beaucoup de petites entreprises qui n'ont pas de ressources humaines. Donc, si on apporte cet appui, ça peut vraiment contribuer au processus de recrutement d'immigrants francophones.

La sénatrice Chaput : Est-ce qu'il y a du financement qui est prévu pour ce genre d'initiative, pour l'appui aux employeurs?

Mme Abdi Aden : Il y en a très peu en ce moment. Je dirais que tout l'aspect de l'accompagnement, une fois l'immigrant arrivé, se situe à hauteur de 1 p. 100. Nous, les francophones, nous pouvons capitaliser en offrant à ces employeurs cette valeur ajoutée, mais il existe très peu de financement pour cette initiative en ce moment.

La présidente : Pour les gens qui nous écoutent à la télévision, pouvez-vous en dire davantage au sujet de l'avis d'exemption?

Mme Abdi Aden : L'avis d'exemption signifie que les employeurs doivent passer par le ministère de l'Emploi et du Développement social pour obtenir un avis avant de recruter à l'étranger. Ceux qui veulent aller dans les pays de la Francophonie ne sont pas obligés de passer par ce processus qui dure de trois à six semaines environ, et qui coûte de l'argent. Ils sont donc exemptés grâce à cet avis d'exemption.

La sénatrice Champagne : Monsieur Johnson, tout à l'heure vous avez dit une phrase qui m'a surprise. Vous disiez que les nouveaux arrivants bilingues sont automatiquement considérés comme des anglophones et qu'ils sont donc redirigés vers des services en anglais. Je voudrais savoir qui prend la décision et pourquoi la personne bilingue est automatiquement dirigée vers les services anglophones.

M. Johnson : À ce que je sache, l'autorité en matière d'immigration demeure Citoyenneté et Immigration Canada. C'est ce ministère qui catégorise les citoyens de cette façon. Si tu es bilingue et que tu arrives au Canada, tu es considéré comme anglophone et tu es dirigé vers les services en anglais. Pour nous, il s'agit d'un élément de frustration.

Je vais vous donner un exemple. On a des gens qui arrivent de l'Île Maurice et qui sont bilingues. Dans notre bureau régional de Grande Prairie, on fait du recrutement avec des employeurs. Ces gens ont toutes sortes d'excellentes compétences. On les amène donc au Canada et il y a déjà un emploi qui les attend. On leur donne un numéro d'assurance sociale et on leur donne une mise à niveau pour faire l'examen du Sceau rouge. Une fois le Sceau rouge terminé, ils sont traités comme des journaliers. Ils gagnent de 40 $ à 50 $ l'heure, tout dépendant du métier.

Mais ils sont traités et considérés comme des anglophones. Dieu merci, nous avons un groupe local qui travaille très fort pour recruter ces gens, pour travailler avec eux et faire des suivis, mais ce n'est pas à travers les services qu'on les redirige. On est donc obligés de faire notre gymnastique.

La sénatrice Champagne : J'ai envie de vous exposer quelque chose de totalement hypothétique. Disons que mon mari et moi sommes en ce moment à la retraite et nous arrivons nous installer chez vous. Moi je parle français et anglais. Mon mari français, anglais, italien et allemand. Dans quel groupe vont-ils placer mon mari, d'après vous? C'est un professeur de musique et il peut enseigner dans ces quatre langues facilement. Vont-ils le mettre automatiquement chez les anglophones?

M. Johnson : Jusqu'aux dernières nouvelles, vous seriez traités comme des anglophones. Vous seriez redirigés vers les services en anglais.

La sénatrice Champagne : Je ne suis pas certaine qu'on va aller s'installer chez vous. On va y penser à deux fois.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : J'aimerais rester dans la même veine et me faire l'avocat du diable. De nombreux témoins nous ont raconté que les services sont automatiquement meilleurs en anglais, parce que l'anglais est la langue universelle et la langue des technologies. Les arrivants sont ainsi catégorisés pour leur donner les services qu'ils veulent. C'est une sorte de compromis.

Personne ne souhaite que cela fonctionne plus efficacement que moi. J'aimerais vous entendre à ce sujet. Au lieu de chercher des coupables, comment pouvons-nous y remédier?

[Français]

M. Johnson : Je pense qu'on devrait traiter avec respect le citoyen qui arrive avec la connaissance des deux langues. On devrait lui donner au minimum le choix de pouvoir se greffer aux services en français. Pour moi c'est une question de respect.

Je ne voudrais pas prêter de mauvaises intentions à quiconque, mais ce que je trouve maladroit, dans la construction d'une société d'expression française en Alberta, c'est qu'on nous lie les mains. Il y a certainement des solutions à apporter. Il faut réexaminer la question du recrutement et permettre à l'unilingue anglophone qui est d'origine des pays subsahariens d'avoir accès aux mêmes services et points d'entrée que l'anglophone de Grande-Bretagne ou d'ailleurs.

Le sénateur McIntyre : Ma question est très brève. Votre organisme a cerné quatre enjeux économiques pour les communautés francophones : l'entrepreneuriat, le tourisme, l'immigration économique et l'économie verte. Je comprends que ces enjeux sont tous prioritaires, mais est-ce que certains le sont plus que d'autres?

Mme Abdi Aden : Non. On essaie vraiment de les mettre au même pied d'égalité, mais celui qui demande le plus de travail est certainement celui qui est relié à l'immigration économique, parce qu'il y a beaucoup d'écueils et de défis qui y sont reliés. Nous sommes toujours en contact avec l'employeur. Je me présente à l'employeur et je lui propose la possibilité d'aller recruter sur place des immigrants francophones déjà installés au Canada. Les employeurs n'ont pas l'habitude de travailler avec ces gens et ils se posent des questions. Il faut vraiment les rassurer.

Il y a toute une préparation reliée à l'immigrant lui-même de sorte qu'il puisse s'intégrer. Ces gens sont formés, ils ont toutes les compétences et la connaissance linguistique aussi. Parfois, ils connaissent bien l'anglais, mais c'est que le jumelage ne se fait pas aussi facilement que s'ils venaient d'un pays du Commonwealth. Alors, imaginez maintenant, avec tous les changements qui s'en viennent, le défi que cela va représenter quand on leur dit d'aller recruter des gens dans d'autres pays d'Afrique alors qu'ils ont l'habitude de travailler avec des gens des Philippines.

Un de mes collègues au Manitoba disait que, dans sa province, le bus du recrutement s'en va toujours aux Philippines. Il va falloir dire à cette province que l'autobus peut aussi aller dans d'autres pays de la Francophonie. Cependant, il y a aussi tous les problèmes liés à la reconnaissance des acquis. Monsieur Saint-Germain parlait tout à l'heure de cela.

Comment va-t-on faire si on n'arrive pas à régler les problèmes vécus ici. On va demander au candidat francophone de faire valider ses diplômes et de faire reconnaître ses compétences, et vous connaissez tous les problèmes liés aux ordres professionnels et le fait qu'il n'y a pas de services qui les appuient avant de faire ce cheminement.

On ne donne pas ce service parce que, quelquefois, le chiffre n'y est pas; on est souvent confronté à une question de chiffres, parce qu'il n'y a pas assez de personnes et qu'on ne peut alors financer une telle démarche, et cela nous cause un sérieux problème.

Dernièrement, nous avons participé à une rencontre avec les gens du conseil sectoriel des télécommunications et de l'information qui nous ont présenté une base de données où est établi un lien entre les employeurs et les immigrants, ici, au Canada, mais aussi à l'échelle l'internationale. Ils nous disaient qu'à l'échelle internationale, c'était très difficile pour eux; ils ne sont pas uniquement confrontés à des questions linguistiques. Malgré qu'ils aient une personne installée là- bas, en Inde, qui aide ces immigrants à faire leur curriculum vitae et leur donne des journées de formation, ils ont de la difficulté avec certains employeurs. Nous, les francophones, ne bénéficions même pas de ces services.

C'est bien beau de dire qu'on va faire la promotion, qu'on va approcher l'employeur, qu'on va le convaincre de recruter, mais si on ne trouve pas le candidat là-bas qui est prêt, qui a eu cet appui et qui va prendre le travail, l'employeur, lui, ce qui l'intéresse, c'est la personne compétente et le fait qu'elle réponde à tous ses besoins. Si nous n'avons pas tous ces services au préalable, même si ce n'est que pour quelques personnes, au début, et que nous n'avons pas d'histoires à succès avec certains employeurs, nous n'y parviendrons pas.

La présidente : J'aimerais poser quelques questions à la suite de la question du sénateur McIntyre concernant la certification des diplômes. Dans le cadre de ce qui est actuellement proposé, des associations professionnelles ou certains organismes nommés par le gouvernement pourront étudier les diplômes et attester le fait que les candidats répondent ou non aux exigences du Canada. Toutefois, lorsqu'un candidat présente un diplôme d'un système scolaire français, quels sont les obstacles qui se présentent lorsqu'on ne comprend pas le système scolaire français, pour une association ou un groupe indépendant mandaté de faire la vérification de ces diplômes?

Mme Abdi Aden : Je dirais qu'on va donner une évaluation en deçà du diplôme. Quand on ne connaît pas le système et que l'on n'est pas en mesure d'établir la comparaison avec les exigences établies au Canada, on va donner des notes et avoir, peut-être, plus d'exigences par rapport à des candidats de l'Afrique. Vous parlez du système français, mais il y a certains pays où il ne s'agit même pas du système français, mais d'un système particulier à ce pays. Comment faire la comparaison avec celui-là si on n'est pas en mesure de comprendre tout ce que ça représente? On va donner des points qui seront peut-être moindres, et on va peut-être demander aux candidats de passer par plus d'étapes qu'il ne serait nécessaire. Monsieur Saint-Germain parlait de la reconnaissance du diplôme; on peut reconnaître un diplôme, mais il y a aussi toute la reconnaissance des acquis. Dans le cas d'un médecin, même si son diplôme est reconnu et qu'il a été formé en France, il doit repasser certains examens.

Dernièrement, on a fait un travail en Nouvelle-Écosse où certains services ne sont même pas traduits pour les francophones dans des ordres professionnels. Par exemple, un candidat a son diplôme et il sait qu'il doit repasser des examens, mais il ne peut même pas recevoir l'information en français pour suivre le cheminement, et les examens sont donnés en anglais. Il peut faire l'examen, mais ç'aurait été beaucoup plus facile pour lui de le faire en français s'il avait été disponible, et il aurait eu beaucoup plus de chances de le réussir. Il est capable de s'exprimer en anglais et de travailler en anglais, mais je dirais que ce n'est pas équitable. Il y aurait encore de l'iniquité.

La présidente : Monsieur Johnson, abondiez-vous dans le même sens lorsque vous avez parlé, dans votre deuxième recommandation, de mener une étude comparative des standards de formation des systèmes français et anglo-saxon, ce qui permettrait de voir les chances de qualification dont disposeraient les francophones en vertu de la politique actuelle?

M. Johnson : Absolument. Ça fait aussi partie de la réponse à une question précédente selon laquelle c'est plus facile parce que l'anglais est la langue où on facilite la technique. C'est une fausse évaluation que de dire cela. C'est la raison pour laquelle l'étude comparative est essentielle. On parle du contenu, de la formation et des compétences comme étant des paramètres égaux si on se sert des moyens comparatifs.

La présidente : Je tiens à vous remercier, monsieur Johnson, madame Kamariza, madame Abdi Aden. Merci beaucoup. Je pense que certains de vos commentaires ont eu un effet-choc, dans le bon sens. Cela nous portera à réfléchir aux recommandations que nous allons inclure dans notre étude. Merci de nous avoir présenté vos réflexions, vos recommandations et vos expériences, ainsi que votre expertise. C'est fort apprécié.

(La séance est levée.)


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