Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 9 - Témoignages du 17 novembre 2014
OTTAWA, le lundi 17 novembre 2014
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 heures, pour étudier le projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (communications et services destinés au public).
La sénatrice Claudette Tardif (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Bonjour, honorables sénateurs. Je m'appelle Claudette Tardif. Je suis sénatrice de l'Alberta et présidente de ce comité. Avant de commencer nos travaux, je demanderais aux sénateurs de se présenter.
Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, sénateur du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La sénatrice Seidman : Je suis Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Suzanne Fortin-Duplessis, vice-présidente du comité. Je suis de la ville de Québec.
Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.
La sénatrice Charette-Poulin : Marie Poulin. Je représente le Nord de l'Ontario depuis 1995.
La sénatrice Chaput : Maria Chaput, du Manitoba.
[Traduction]
Le sénateur Wells : David Wells, Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
La présidente : Aujourd'hui, notre réunion comporte deux parties. En premier lieu, nous étudierons le projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (communications et services destinés au public). Ensuite, nous examinerons les rapports annuels sur les langues officielles du Secrétariat du Conseil du Trésor des trois dernières années.
Notre premier témoin est Marc Tremblay, sous-ministre adjoint par intérim, Secteur de la gouvernance, de la planification et des politiques du Secrétariat du Conseil du Trésor.
Je vous rappelle que le projet de loi, parrainé par la sénatrice Chaput, introduit la notion de qualité égale des communications et des services offerts dans chaque langue officielle par les institutions fédérales. Il précise les lieux où les institutions fédérales sont tenues d'offrir des communications et des services dans les deux langues officielles.
Monsieur Tremblay, je vous souhaite la bienvenue.
Marc Tremblay, sous-ministre adjoint par intérim, Secteur de la gouvernance, de la planification et des politiques, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Merci.
La présidente : Vous avez indiqué au greffier que vous ne souhaitiez pas faire de présentation. Nous allons donc procéder directement aux questions des sénateurs.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Je vous souhaite également la bienvenue, monsieur Tremblay, mais je vous avoue que cela me déçoit que vous n'ayez pas de présentation préliminaire, parce que j'estime que la langue française à travers le pays est vraiment très importante.
Dans le plus récent rapport annuel du Secrétariat du Conseil du Trésor, il est indiqué qu'un exercice de révision de l'application du règlement est en cours. Selon les témoignages entendus jusqu'à présent concernant le projet de loi S-205, on peut s'attendre à une diminution du nombre de bureaux désignés bilingues dans le cadre de cet exercice de révision. Pouvez-vous nous dire environ combien de bureaux et de points de service fédéraux seront affectés par le calcul de la demande importante?
M. Tremblay : Pour bien situer le comité par rapport à cet exercice de révision de l'application du règlement, il faut commencer par indiquer qu'il s'agit bien de la Loi sur les langues officielles de 1988, laquelle prévoit l'adoption d'un règlement pour établir les endroits où il y a une demande importante ou encore là où la vocation du bureau justifie la prestation de services dans les deux langues officielles. En 1991, vous le savez, un règlement a été proposé. Il est entré en vigueur en 1992. C'est ce règlement qui, sur la base des données du recensement décennal, permettra d'établir lesquels des quelque 12 000 points de service fédéraux seront assujettis à l'obligation d'offrir des services au public et de faire la prestation des communications en anglais dans certain cas, en français dans d'autres cas ou en anglais et en français dans un troisième cas.
L'exercice de révision de l'application du règlement se fonde sur les données du plus récent recensement, celui de 2011. Nous avons complété la deuxième phase de cet exercice et, dans le cas d'environ 90 p. 100 des bureaux, nous sommes donc en mesure de déterminer l'exigence linguistique qui s'y appliquera, c'est-à-dire pour 90 p. 100 des bureaux pour lesquels il sera nécessaire de faire une révision aux 10 ans. Il y a environ 2 000 bureaux qui, parce qu'ils sont liés à l'administration centrale d'une institution fédérale ou parce qu'ils sont situés dans la région de la capitale nationale, sont désignés bilingues d'office. Dans le cas des 10 000 qui restent, l'exercice en deux phases est terminé pour environ 9 000 d'entre eux. À cette étape-ci, le bilan, en termes de désignation bilingue antérieure par rapport à la désignation unilingue proposée est « positif », parce que je suis agnostique de par mon travail quant à savoir s'il est une bonne ou une mauvaise chose qu'un bureau soit désigné bilingue ou unilingue. L'exercice d'application du règlement nous demande d'appliquer des règles neutres et objectives.
À la fin de ces deux premières phases, sur les 9 000 bureaux pour lesquels le travail est terminé, 84 bureaux auront de nouvelles obligations de bilinguisme, donc des bureaux qui étaient anciennement unilingues et qui deviendront bilingues, et 10 bureaux perdront cette désignation bilingue à la fin d'une période de transition.
Les directives du Conseil du Trésor prévoient que, dans le cas d'un bureau qui était anciennement bilingue et qui, à la suite de l'application des nouvelles données du recensement, deviendra unilingue, il y aura une période de transition pour permettre la tenue de consultations auprès de la communauté visée par les services de ce bureau.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Ma deuxième question est la suivante : selon vous, y a-t-il moyen de réorganiser l'offre de services de telle sorte qu'il y aurait les mêmes résultats que ceux que vise le projet de loi, soit un plus grand respect du principe de l'égalité des services offerts dans les deux langues officielles?
M. Tremblay : Je ne suis pas certain qu'il y ait d'autres façons d'obtenir précisément les résultats qui sont visés par le projet de loi S-205. Par contre, ce que l'on est à même de constater, c'est que la prestation de services dans un univers de services en ligne, par exemple, a des retombées qui font en sorte que la présence physique d'un bureau local devienne progressivement moins importante. Au moment où on se parle, pendant qu'on mène cet exercice de révision d'application du règlement, les bureaux locaux demeurent encore importants, en termes de volume de prestations de services et de communication, mais ils le deviennent progressivement moins alors que l'on s'oriente de plus en plus vers la prestation de services automatisés en ligne ou encore par voie téléphonique. Selon les règles présentement applicables, ces services automatisés ou ces services offerts au moyen de lignes centralisées doivent être offerts dans les deux langues officielles et, sur ce plan, on constate une hausse de la disponibilité de services offerts dans la langue officielle de leur choix à davantage de Canadiens et de Canadiennes.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Merci beaucoup. J'aurai d'autres questions au deuxième tour.
Le sénateur Maltais : Bienvenue, monsieur Tremblay. Vous dites que vous avez 12 000 bureaux bilingues?
M. Tremblay : J'ai 12 000 bureaux au total.
Le sénateur Maltais : Combien d'entre eux sont bilingues?
M. Tremblay : Il y a environ 34 p. 100 de bureaux qui sont désignés bilingues. Il est difficile de parler de façon globale de mes 12 000 bureaux aujourd'hui au motif que j'en ai 1 000 qui sont encore en attente de la résolution de leur situation. Pour ceux-là, nous avons entamé la phase 3.
Il s'agit d'une mesure véritable, par opposition à une mesure par substitution. Les autres règles qui s'appliquent sont véritablement ce qu'on appellerait en anglais des proxies, soit une substitution à la demande réelle, alors que, dans le cas de ces 1 000 bureaux, nous allons procéder à la mesure de la demande sur le terrain. Il est donc difficile de déterminer combien de bureaux nous aurons à la fin de cet exercice, mais au moment où on se parle — et au 31 mars — environ 34 p. 100 de l'ensemble des bureaux fédéraux sont désignés bilingues.
Le sénateur Maltais : J'imagine que c'est le Conseil du Trésor, en collaboration avec le ministère du Patrimoine canadien, qui est responsable de l'application de la Loi sur les langues officielles. Lorsque vous décidez que tel bureau sera bilingue ou que tel autre ne le sera plus, une consultation interministérielle est-elle faite ou s'agit-il simplement d'une décision du Conseil du Trésor?
M. Tremblay : La formulation de votre question me permet de faire quelques distinctions. Je travaille au Secrétariat du Conseil du Trésor; c'est le bras administratif qui appuie la mission du Conseil du Trésor. Le règlement a été adopté à l'instance du gouverneur en conseil, donc, c'est le gouvernement, le cabinet, qui a adopté ce règlement. Nous, les administrés, n'avons fait qu'appliquer le règlement qui nous a été confié. Le ministère du Patrimoine canadien ne joue donc pas de rôle dans ce dossier et nous n'avons pas non plus de discrétion à exercer. Nous avons vraiment une espèce de machine à chiffres que nous avons programmée et dans laquelle nous incorporons des données et la liste des bureaux, et de laquelle ressort une liste de bureaux unilingues anglais, bilingues ou unilingues français.
Cela dit, nous travaillons de près avec le ministère du Patrimoine canadien compte tenu de son rôle de coordination horizontale. Même si je vous ai donné le décompte positif des nouveaux bureaux désignés bilingues par opposition aux bureaux qui perdront leur désignation linguistique bilingue, dans un village donné, quand un bureau quelconque qui était anciennement bilingue ne l'est plus, c'est une perte réelle et nette. Ainsi, compte tenu du travail important que mène le ministère du Patrimoine canadien en matière de consultation interministérielle et de consultation des communautés minoritaires, nous travaillons de très près avec lui.
Le sénateur Maltais : En ce qui concerne les décisions que vous prenez, vous avez dit vous fonder presque uniquement sur des chiffres; ce sont deux colonnes et on arrive à une équation à la fin de l'exercice. Cependant, parmi les autres critères que les chiffres, est-ce que le critère du nombre suffisant vous indique quelque chose?
M. Tremblay : J'aimerais apporter une précision, encore une fois, si vous me le permettez. Si j'ai dit que ce n'était que des chiffres, j'aimerais préciser que le règlement ne tient pas compte uniquement de chiffres. Le règlement établit, par exemple, certains types de services rattachés de très près — pour des raisons évidentes — au public et pour lesquels le gouverneur en conseil, dans sa sagesse, a déterminé que, peu importe le type de demande, il y aurait une prestation de services bilingues.
On parle aussi de la vocation des bureaux; en matière de sécurité et de santé du public, des règles d'application uniformes et automatiques seront nécessaires et on exigera le bilinguisme pour certains services. Il y a donc un volet qui concerne les mesures de la demande qui s'appliquent, justement, parce que le législateur et le constituant avant lui, lorsqu'il a édicté l'article 20 de la Charte, nous ont indiqué qu'on n'offrirait pas de services en anglais et en français partout au Canada, mais qu'on les offrirait là où la demande le justifierait. Le législateur nous a donc donné les mêmes consignes, le gouverneur en conseil les a établies dans le règlement et, nous, au Secrétariat du Conseil du Trésor, nous aidons les institutions fédérales à déterminer l'application de ces règles sur une base décennale, comme prévu.
Le sénateur Maltais : Si j'ai bien compris, l'expression « nombre suffisant » n'est pas celle que vous employez; il s'agit plutôt de la demande.
M. Tremblay : La demande, oui.
La sénatrice Charette-Poulin : Monsieur Tremblay, au cours des 20 ans que j'ai passés au Sénat ou presque, c'est la première fois que je me retrouve devant un témoin qui n'a pas fait de présentation. Je me sens un peu prise au dépourvu pour vous poser des questions, parce que je n'ai pas de balises devant moi. Est-ce que je peux savoir pourquoi vous avez choisi de ne pas nous donner une présentation sur le projet de loi?
M. Tremblay : Je suis ici comme témoin technique pour répondre à des questions sur l'application de la Loi sur les langues officielles et de son règlement, et pour aider le comité dans ses délibérations afin que, si vous avez des questions sur ce qui pourrait être voué à être remplacé, vous ayez les renseignements nécessaires pour prendre des décisions.
La sénatrice Charette-Poulin : Si j'ai bien compris votre rôle et vos responsabilités à titre de sous-ministre adjoint du Secteur de la gouvernance, de la planification et des politiques, comme vous le disiez plus tôt, le secrétariat facilite l'application d'un règlement. Je sais que c'est probablement un travail très compliqué, et je ne voudrais pas le simplifier non plus, mais je comprends que les grandes lignes de vos responsabilités concernent la facilitation que vous faites pour les autres ministères.
M. Tremblay : Oui, je suis sous-ministre adjoint intérimaire. Dans le cadre de mes fonctions quotidiennes, auxquelles je retournerai bientôt, je suis le directeur exécutif du Centre d'excellence en langues officielles qui est l'instance organisationnelle vouée à appuyer l'exécution de la mission du président du Conseil du Trésor qui, lui-même, appuie les fonctions du Conseil du Trésor sous la partie VIII de la Loi sur les langues officielles.
Le Conseil du Trésor et son président recommandent au gouverneur en conseil des mesures réglementaires; il en a recommandé à la suite de l'adoption de la loi en 1988, et ces règlements ont été adoptés en 1991-1992. Depuis, l'instance administrative s'occupe d'aider les institutions — parce cela fait aussi partie de nos attributions — à respecter leurs obligations. On pourrait les laisser à elles-mêmes; on pourrait laisser, au dernier compte, 191 institutions fédérales déterminer chacune leur application du règlement. Toutefois, on considère qu'il est plus efficace et plus certain d'assurer un rôle central, d'avoir une machine favorisant l'application du règlement plutôt que d'en avoir 191 et, donc, d'exercer un certain déterminisme sur l'exécution de cette mission importante.
La sénatrice Charette-Poulin : J'aimerais poser une question complémentaire à celle du sénateur Maltais. Même si vous êtes ce que j'appelle « responsable de décisions techniques », ce sont quand même des décisions qui concernent les bureaux régionaux; avez-vous un système de consultation qui puisse vous aider à prendre les bonnes décisions pour les bonnes villes?
M. Tremblay : Encore une fois, nous n'avons vraiment aucun pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l'application de ces règles. Je ne veux pas en parler avec trop de détails et vous avez peut-être pris connaissance du règlement : c'est un document qui sert non pas à aider les membres du public à déterminer là où ils peuvent aller chercher un service — parce que ce serait un travail plutôt ardu à leur imposer —, mais bien à aider l'administration à faire ce calcul. Donc, oui, il s'agit de règles techniques démographiques qui déterminent, par exemple, que, en 2011, Vancouver était une région métropolitaine de recensement de par sa population, et que telle règle s'appliquait à Vancouver de façon générale; le bureau de développement social situé au centre-ville offre tel type de services visé par telle disposition du règlement, et cetera. Le travail que nous faisons consiste donc à nous assurer d'appliquer les bonnes règles aux bons faits, mais les faits sont en quelque sorte déterminés par les circonstances.
Il y a les données démographiques et il y a les bureaux des institutions fédérales. Les institutions fédérales vont nous dire combien de bureaux elles gèrent, où ceux-ci sont situés et quel type de services y sont offerts. Il s'agit donc d'une interface double. Les ministères versent les données au sujet de leurs bureaux dans notre logiciel et nous vérifions que le travail a été bien fait. Ensuite, selon la détermination, différentes règles s'appliqueront à ces bureaux. C'est, en fait, très technique.
Nous tenons des consultations dans le sens où nous nous assurons que ceux que nous desservons — les institutions fédérales, dans ce cas-ci — savent quoi faire et puissent déterminer quel type de bureaux ils ont; ils nous posent des questions, ils veulent s'assurer de faire un bon travail et d'appliquer les bonnes règles.
À titre d'exemple, dans la phase 2, ils doivent déterminer leur aire de service. A priori, je ne sais pas trop ce que veut dire « déterminer une aire de service ». Mais dans le cas de certains types de bureaux, encore une fois déterminés par le règlement, certains types de services, leur désignation linguistique n'est pas déterminée par leur situation, mais par leur aire de service. Donc, on parle d'aire géographique pour le recensement. Ils doivent consulter une carte qu'on leur a fignolée, et ils cliquent sur les différentes aires de service, ou les différentes zones de recensement que Statistique Canada a instaurées et, au total, quand ils cliquent sur cette carte, cela leur donne le nombre de personnes qui ont comme première langue officielle parlée la langue de la minorité, ainsi que la deuxième, la troisième, la quatrième zone géographique. C'est ce chiffre qui va déterminer s'ils sont dans l'obligation d'offrir ou non les services dans les deux langues officielles.
Dans la détermination des aires à choisir, il y a une décision de prestation de services que l'institution doit faire, et de ce point de vue, elles peuvent nous consulter pour savoir quels aspects elles devraient prendre en ligne de compte. À l'occasion, il leur arrive de considérer, même de reconsidérer, de revoir le travail qu'elles ont fait. Quand le résultat qu'elles obtiennent leur paraît anodin, ou, une fois qu'elles le communiquent aux organismes locaux et nationaux de représentation de la minorité — par exemple, lorsqu'il y a une perte de la désignation linguistique —, il peut arriver que la communauté locale dise : « Oui, mais vous n'avez pas tenu compte du fait qu'entre le bureau A et le bureau B, il y a une rivière et qu'il n'y a pas de pont, ou que le pont est très loin, ce qui fait en sorte que la communauté locale ne se sert pas du bureau que vous avez désigné pour elle, et vous auriez dû compter telle ou telle aire de service dans l'aire de service d'un autre bureau. » Cela peut, dans certains cas, modifier l'application de l'aire de service pour ce bureau et modifier sa désignation linguistique.
La sénatrice Charette-Poulin : Cela aide énormément. Je ne vous cacherai pas que j'aurais aimé que vous entendiez les représentants de différents groupes au pays qu'on a reçus et qui nous ont parlé avec autant de passion du fait que, parfois, en se limitant à des chiffres, on manque des facteurs importants qu'on ne peut connaître que dans le cadre de consultations.
La sénatrice Chaput : Bienvenue, monsieur Tremblay. Nous nous sommes rencontrés à quelques reprises, en 2012, pour discuter du projet de loi S-205 que j'ai déposé en 2013.
À quelques reprises, lors de ces rencontres, vous m'aviez expliqué le travail que vous devez faire lorsqu'on parle de l'application de la Loi sur les langues officielles et de son règlement. C'est un travail que j'avais trouvé fascinant, parce qu'il est exhaustif; il y a des détails à n'en plus finir. Je me demandais si vous pouviez en parler un peu plus longuement afin que les sénateurs comprennent l'ampleur du travail.
Si j'ai bien compris, pour vous préparer à l'exercice de 2011, vous aviez déjà commencé un travail au préalable au moins deux ans auparavant. Ensuite, il y a eu le recensement de 2011; vous avez reçu les données finales en 2014. Maintenant, je présume que vous devez travailler avec les ministères en ce qui concerne l'application de ces données.
Est-ce qu'il serait juste de dire que ce travail de longue haleine dure environ sept ans, soit quelques années avant le recensement et plusieurs années après?
M. Tremblay : Je vais parler un peu en bureaucrate, je suis désolé. En effet, quand on nous donne un cycle de 10 ans pour un instrument comme celui-ci, cela veut dire qu'on va s'organiser en conséquence, on va organiser son travail pour qu'il y ait une période avant, pendant et après. J'ai d'autres instruments de politique qui, par mesure de régie interne, sont étalés sur un cycle de cinq ans. Le Conseil du Trésor a adopté ces politiques en 2012, on les a diffusées, on a fourni des séances d'informations en 2013. En 2014, on commence à voir comment tout cela a été mis en œuvre, s'il y a des problèmes ou des enjeux qui font surface. En 2015, on va recommencer la série de travaux pour la modification de ces politiques.
Donc, dans un cycle de 10 ans, il y aura un peu de cela, on va faire la préparation. Dans le cas du règlement, ce qui était particulier et qui nous a pris un certain temps, c'était la technologie. Au dernier cycle, on a travaillé avec du papier. Il n'y a pas si longtemps de cela, en 2001, mais en 2001, on a travaillé avec le papier et le télécopieur.
On a des institutions comme la GRC qui évaluent leurs aires de service, qui ont plus de 200 postes éparpillés partout au pays et qui doivent faire cet exercice sur la base de cartes géographiques. Procéder par télécopieur, c'est un travail immense, sujet à l'erreur. Il fallait revérifier, reprendre, il y avait de mauvaises transmissions, et cetera. Donc, on a voulu concevoir un instrument automatisé qui faciliterait le travail et qui assurerait une plus grande qualité. Mais qui dit « instrument automatisé », malheureusement, dit « défi ». Parfois, cela va très bien, alors qu'à d'autres occasions, la programmation est plus ardue. Compte tenu de la nature des données que nous avions, le travail a été malheureusement plus ardu. Est-ce qu'il a fallu deux ans? Oui, probablement qu'il a fallu deux ans avant qu'on ait ce que j'appelle la « machine ». Une fois qu'on a eu la machine — vous avez mentionné le recensement de 2011 —, en effet, c'est en 2012, presque un an plus tard que Statistique Canada ait publié les données du recensement qui ont trait à la langue. Pour nous, c'est l'instrument, ce sont les données que l'on va mettre dans cette machine pour procéder à l'exercice, et il fallait attendre ces données.
Ensuite, on effectue des exercices de validation. On veut permettre aux institutions de prendre connaissance de leurs résultats, mais une fois qu'on reçoit la machine et les données, il faut peu de temps pour passer le logiciel. Compte tenu de la nature des droits constitutionnels en cause, on prend cela très au sérieux et on fait un travail assidu. On parle ici de la phase 1. La mesure de la demande se situe à ce niveau, soit les chiffres des données du recensement sur la première langue officielle parlée qui sont évalués.
À la deuxième phase, qui s'est échelonnée sur près de huit ou neuf mois, les institutions devaient procéder à la détermination de leur aire de service. J'ai fait allusion tantôt au logiciel qui leur permettait de le faire. Encore là, il y a du travail à accomplir.
Ce qui est hors de notre portée, c'est qu'il peut arriver que les institutions n'aient pas maintenu de liste à jour de leurs bureaux. Ils n'y voient pas nécessairement une grande utilité. Il n'y a pas d'autres répertoires. En fait, il s'agit d'une autre anomalie, mais on fait souvent appel à nous, au petit Centre d'excellence en langues officielles, pour obtenir des données sur l'ensemble des bureaux fédéraux, parce qu'il n'y a pas d'autre point central qui puisse le faire.
Cependant, si elles ne font pas ce travail, les institutions, lorsqu'on leur dit qu'elles ont X nombres de bureaux bilingues, Y nombres de bureaux unilingues français, Z nombres de bureaux unilingues anglais, nous reviennent en nous disant qu'elles en comptent moins. À ce moment-là, on leur conseille de réviser leurs listes. Il y a peut-être des bureaux qui n'existent plus, des bureaux qui ont été amalgamés; toutes sortes de situations se présentent dans l'histoire d'une institution, et cela crée certains retards et une complexité qui fait partie du travail administratif de chacune de nos organisations.
La sénatrice Chaput : Je vous remercie, je comprends mieux maintenant. Je suis contente de constater que vous commencez à utiliser un service automatisé. Le prochain recensement décennal aura lieu en 2021; quand allez-vous commencer à vous préparer pour ce recensement?
M. Tremblay : Il faudrait que je regarde notre planification pluriannuelle, mais ça devrait commencer vers 2017-2018. Comprenez que nous avons une machine électronique qui fonctionne maintenant sur la base de règles; d'ici là, il pourrait se produire toutes sortes de choses, y compris des modifications législatives, des modifications réglementaires, des modifications dans les modes de prestation de services, et cetera. Notre outil électronique pourrait ne pas être apte, ou encore, faire défaut pour d'autres raisons. On va devoir s'assurer que tout fonctionne, mais normalement, on commencerait nos préparatifs en 2017-2018 afin d'avoir tout ce dont on aura besoin le jour où — je présume en 2022 — Statistique Canada nous fournira ses données.
Cela dit, il ne faut pas penser que cela représente des ressources importantes. Une personne s'occupe de ce projet à titre de gestionnaire de trois ou quatre autres personnes, et elle a bien d'autres enjeux à régler. C'est un travail qui va s'échelonner sur une période de temps qu'on appelle, en anglais, keeping the lights on. Il y a une grande période entre deux cycles où we have to keep the lights on.
La sénatrice Chaput : Une dernière brève question. À la lueur de ce que vous venez de nous dire, quel serait le temps le plus approprié pour apporter des modifications au règlement afin que cela fasse partie du processus déjà en place? Est-ce qu'une modification au règlement devrait être faite au plus tard en 2017-2018?
M. Tremblay : C'est une question à laquelle je peux répondre seulement par analogie. Dans le contexte de la Loi sur les langues officielles, il y a deux exemples de mesures réglementaires; la première mesure concerne le règlement, la seconde vise à modifier une disposition pour faire suite à une décision des tribunaux selon laquelle le règlement, à cet égard, souffrait d'une petite lacune. Dans le premier cas, il y a eu la loi qui a été adoptée en 1988; le règlement n'a été terminé qu'en 1991. Pourquoi? Parce qu'il s'agit d'enjeux constitutionnels et quasi constitutionnels, parce que, sous l'égide de la Loi sur les langues officielles de 1988, il y a une procédure blindée, si vous voulez, pour la prise de règlements, qui inclut des consultations publiques, un certain nombre de jours de session d'étude pour chacune des Chambres du Parlement — le Sénat et la Chambre des communes — avant qu'un règlement puisse être adopté. Tout cela afin que l'on fasse un travail assidu et que l'on permette à chacun — aux parlementaires, notamment — de contribuer de façon complète au processus, et au public, aux membres des communautés minoritaires de contribuer pleinement à l'exercice.
Il a fallu trois ans la première fois et deux ans et demie la deuxième fois. Il faut comprendre que, par exemple, des situations de gouvernement minoritaire peuvent faire en sorte que les jours de session où un règlement est soumis à l'attention du Parlement se succèdent rapidement et qu'un certain temps puisse s'écouler avant qu'on ait un règlement qui ait suivi toutes les consignes applicables aux articles — de mémoire — 84 et suivants de la loi.
La sénatrice Chaput : Vous n'êtes pas en mesure de me répondre en termes d'années? Est-ce que 2017-2018 peut être envisageable?
M. Tremblay : Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a des moyens, et cela dépendra toujours de l'ampleur du règlement que l'on aurait à édicter et de l'acceptabilité du projet. Est-ce qu'il y a beaucoup de discussions de part et d'autre? En 1991, il y a eu beaucoup de discussions de part et d'autre, il y a eu beaucoup de travaux parlementaires en ce qui concerne ce comité. En fait, à cette époque, c'était un comité mixte, si ma mémoire est bonne. Il y a eu de nombreux travaux pour étudier ce projet. Tout cela est un peu hors de ma portée. C'est pourquoi je ne peux pas vous donner une évaluation de temps. Cependant, l'expérience nous dit que, dans ce domaine, il faut prévoir une période substantielle, parce que cette loi attire beaucoup d'attention, ces règlements d'application suscitent des débats qui sont, par expérience, amples.
La sénatrice Chaput : Il faudrait prévoir plutôt deux ans que six mois, alors.
Le sénateur McIntyre : Je vous remercie pour votre présentation, monsieur Tremblay. Sous le régime de la Loi sur les langues officielles, je comprends que les obligations du secrétariat touchent principalement les parties IV, V et VI de la loi. Je comprends également que vous jouez un rôle dans la mise en œuvre de la partie VII qui porte sur le développement des communautés de langues officielles en situation minoritaire et la promotion de la dualité linguistique.
À ce chapitre, le secrétariat collabore étroitement avec le ministère du Patrimoine canadien. En ce qui concerne, par exemple, la reddition de comptes, la responsabilité est partagée entre le secrétariat et le ministère du Patrimoine canadien. Le secrétariat porte surtout la responsabilité des parties IV, V et VI de la Loi sur les langues officielles, alors que le ministère du Patrimoine canadien porte surtout la responsabilité de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Quel lien ou relation entretenez-vous avec le ministère du Patrimoine canadien en ce qui a trait à la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles?
M. Tremblay : Il y a plusieurs éléments de réponses à cette question d'apparence simple. Tout d'abord, le Secrétariat du Conseil du Trésor est une institution fédérale. Donc, il n'y a pas d'opérations régionales. Cette institution fédérale n'a pas de programme de contributions et de subventions. C'est une agence centrale et c'est à titre d'institution fédérale que le secrétariat, comme toute institution fédérale, est assujetti à la partie VII de la loi et prend des mesures positives pour appuyer les communautés et l'égalité du statut de l'anglais et du français.
Mon équipe n'est pas l'organisation au sein du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada qui veille au respect de la coordination de cet aspect du rôle, parce que c'est ce qu'on appelle du travail ministériel, c'est l'organisation à titre d'organisation. J'ai des collègues qui s'occupent de la langue des services et des communications du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada à titre de ministère, qui s'occupent de la partie VII et d'autres enjeux de cette nature au niveau ministériel.
Donc, mon équipe s'occupe de l'aspect du travail par rapport à l'agence centrale. Dans ce domaine, le travail que l'on fait consiste, d'une part, à appuyer les autres centres de politique et les autres instances du secrétariat qui offrent des conseils au président et au Conseil du Trésor dans l'élaboration de leurs conseils.
On représente le conseiller des conseillers, le spécialiste qui avise les autres collègues du Secrétariat du Conseil du Trésor lorsqu'ils ont des conseils à donner. Dans ce contexte, nous avons veillé à ce que nos analystes-conseils du Secrétariat du Conseil du Trésor, qui examinent les présentations au Conseil du Trésor, aient des outils, un guide, une fiche d'analyse qui leur permettent de tenir compte non seulement des parties IV, V et VI, pour lesquelles mon unité joue un rôle direct d'appui au Conseil du Trésor, mais aussi de la partie VII. Nous croyions qu'il s'agissait d'une bonne politique et d'une bonne pratique que de nous assurer que nos collègues tiennent compte de ces facteurs dans le cadre de leurs conseils.
Le sénateur McIntyre : Je comprends que le Secrétariat du Conseil du Trésor et le ministère du Patrimoine canadien ont modifié leur approche en matière de reddition de comptes. Les bilans se font maintenant aux trois ans, alors qu'auparavant, ils se faisaient chaque année. Que pensez-vous de cette nouvelle approche?
M. Tremblay : On vient de terminer le premier cycle de trois ans quant à cette approche. Ce qui est nouveau, c'est le fait qu'on ait collaboré avec le ministère du Patrimoine canadien par souci de limiter le fardeau administratif des quelque 200 institutions fédérales qui doivent soumettre des rapports sur les parties IV, V et VI et sur la partie VII.
En ne leur demandant qu'une seule fois, il y a une certaine efficacité qui entre en ligne de compte. Mais ce n'est pas tout. Nous avons voulu transformer la gouvernance des langues officielles au sein des institutions.
Traditionnellement, si on remonte dans le temps, les parties IV, V et VI traitaient de ressources humaines. Lorsqu'a débuté la mise sur pied du programme des langues officielles, il fallait doter des postes. Mon univers était donc composé des directions des ressources humaines des ministères. Au ministère du Patrimoine canadien, il s'agissait des programmes, des subventions et des contributions. Tout cela s'est retrouvé dans des boîtes de politiques ou de programmes au sein des ministères.
Cela a donc créé des silos qui, souvent, ne communiquaient pas. Lorsqu'un sous-ministre recevait en novembre un rapport sur la partie VII de la Loi sur les langues officielles et qui, plus tard ou auparavant, recevait un autre rapport de la même institution pour les parties IV, V et VI, cela créait non seulement de l'inefficacité, mais aussi un manque de coordination et de vue d'ensemble de ce que l'institution pouvait faire pour respecter l'ensemble de la loi et l'esprit de la loi.
On est à la dernière année de ce cycle avec le ministère du Patrimoine canadien. On continue de croire qu'il y a eu des effets structurants, que les gens des différents silos se sont parlé davantage et que cela a permis de mettre en contact des gens qui exercent différentes responsabilités au sein des ministères au titre des langues officielles.
La présidente : Nous commençons un deuxième tour de questions. Je vous demanderais d'être précis dans vos questions, car nous disposons de peu de temps.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Monsieur Tremblay, même si les deux rapports annuels récents du Secrétariat du Conseil du Trésor mentionnent l'importance des médias sociaux comme nouveaux modes de communication et que plusieurs institutions fédérales utilisent déjà Twitter et Facebook, ces rapports n'indiquent pas si vous avez effectué une recherche formelle sur l'utilisation des médias sociaux, comme l'avait recommandé notre comité dans le rapport qu'il a déposé en octobre 2012, et qui s'intitulait Internet, nouveaux médias et médias sociaux : des droits linguistiques à respecter! Comptez-vous effectuer une recherche formelle sur l'utilisation que font les institutions fédérales des médias sociaux?
M. Tremblay : Je crois que la réponse doit tourner autour de l'utilisation du mot « formel ». Dans le cadre de nos priorités immédiates, nous ne disposons pas des ressources à consacrer à ce type de recherche, dans le sens où, pour exécuter une telle recherche, il faudrait y appliquer une méthode scientifique, avoir des experts en la matière et veiller à faire un travail rigoureux.
Or, le monde des médias sociaux change presque quotidiennement, les outils dont on fait usage changent de façon constante. Ce que nous faisons, plutôt, et d'une façon qui soit compatible avec notre mission, c'est de surveiller l'utilisation de façon générale des médias sociaux par les organisations et de demeurer à l'affût des changements pour être en mesure d'y réagir relativement rapidement.
Je le répète, les choses changent très rapidement, et des études que l'on pourrait mener sur un front deviendraient, en peu de temps, moins pertinentes.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Dans son rapport annuel de 2012-2013, le commissaire aux langues officielles recommandait au président du Conseil du Trésor de vérifier si les institutions fédérales ont mis en place une directive sur la formation linguistique et d'en faire rapport au Parlement au cours de l'exercice de 2014-2015. Est-ce qu'une telle directive a été mise en place par toutes les institutions fédérales?
M. Tremblay : Je ne saurais vous répondre. En effet, le Secrétariat du Conseil du Trésor a reçu le mandat du Conseil du Trésor de surveiller la mise en œuvre des exigences de politiques actuelles. Or, il n'y a pas d'exigences, au sein des politiques du Conseil du Trésor, qui concernent la formation linguistique. Il n'y a pas d'exigence selon laquelle chaque sous-ministre doit adopter une directive sur la formation linguistique dans son organisation.
Ainsi, pour nous, ce serait sortir des responsabilités qui nous ont été confiées que de le faire. D'ailleurs, la première recommandation du commissaire en la matière s'adresse aux administrateurs généraux qui, eux, n'ont pas indiqué quel suivi ils choisissaient ou décidaient de donner à ces recommandations.
Nous travaillons, comme agence centrale, avec ces sous-ministres, avec leurs représentants surtout, dans le cadre d'un groupe de travail sur la formation linguistique afin de déterminer s'il y aurait des suites à donner à celle-ci ou à d'autres recommandations que le commissaire a formulées dans ses rapports. Pour l'instant, les ministères et organismes sont toujours à l'étude.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Donc, vous n'avez pas tenu compte de cette directive?
La présidente : Chers collègues, je vous rappelle que nous accueillerons un deuxième groupe pour traiter des rapports annuels du Conseil du Trésor. M. Daniel Watson se joindra à Me Tremblay pour discuter de cette question. Nous allons nous concentrer sur le projet de loi S-205 pendant cette partie de la réunion.
Le sénateur Maltais : J'ai une brève question, monsieur Tremblay. Vous avez dit que vous mettiez Internet en place. Avez-vous reçu davantage de demandes d'information depuis que vous avez Internet?
M. Tremblay : Au Secrétariat du Conseil du Trésor?
Le sénateur Maltais : Oui.
M. Tremblay : Je ne peux pas dire qu'il y ait eu une augmentation significative des demandes qui nous parviennent des membres du public en ce qui a trait aux langues officielles. Est-ce qu'il y a une augmentation de l'utilisation des réseaux Internet et d'autres technologies pour l'ensemble des institutions fédérales? Je pense que la réponse est oui, évidemment. Il y a certains prestataires de services qui favorisent ce recours.
Au fur et à mesure que le temps passera, certains services, je crois, deviendront obligatoirement disponibles et offerts par voie électronique. C'est la voie de l'avenir et de la croissance par rapport à la prestation de services et de communications.
La sénatrice Charette-Poulin : Monsieur Tremblay, vous avez parlé plus tôt des services automatisés qui sont maintenant offerts. Est-ce que l'anglais et le français sont à qualité égale? Est-ce que tous les services sont offerts dans deux langues, partout au pays?
M. Tremblay : En général, le modèle utilisé est celui de la prestation de services bilingues uniformes. On pourrait prendre une application un peu plus stricte de la loi et de son règlement, et dire que, si une communication émane d'un bureau local, elle pourrait être assujettie à des règles locales. Mais, de plus en plus, les institutions fédérales se disent que, si on a fait le travail une fois, si on a préparé un outil à une fin pour une région, alors pourquoi ne pas le rendre disponible de façon plus large? La plupart de nos sites Internet ont maintenant une vocation nationale, et nous offrons ces services dans les deux langues officielles. Il y a une augmentation, à ce chapitre, des occasions d'utiliser le français et l'anglais de façon nationale.
Quant à la qualité des services, il est certain qu'il y a, comme en toute chose, des moments d'inégalité dans la prestation. Il arrivera, et la Cour suprême en avait parlé, des occasions où le service en anglais comme celui en français ne sera peut-être pas à la hauteur de nos attentes. D'autres fois, la version française d'un texte pourrait ne pas avoir été préparée avec tout le souci qui est requis. Chacun peut faire des erreurs, surtout à l'ère de la rapidité d'exécution qui fait maintenant partie aussi des attentes du public. Donc, dire qu'il n'y a pas, à l'occasion, de tels écarts serait ne pas donner tout à fait l'heure juste. L'objectif est d'atteindre une situation dans laquelle, lorsqu'on offre un service qui est de qualité en anglais, on l'offre au même niveau de qualité et avec la même rapidité d'accès en français. Les conseils et les guides que nous offrons aux institutions visent à faire en sorte que cet aspect est vérifié.
On parle, par exemple, de lignes 1-800; il y a des moyens pour les institutions de veiller à ce que l'attente ne soit pas plus longue pour obtenir un service en français que pour un service en anglais. Si on offre un système de ligne spécialisée, la ligne attribuée au service en français n'aura pas un temps d'attente plus long. Vous savez, le français qui est utilisé pour répondre aux appels dans le cadre d'un tel service, c'est le français qui est parlé par nos francophones d'une mer à l'autre. C'est le plus souvent une prestation de services dans la langue première du prestataire de services, puisque le recours à ces outils nous permet de distribuer le travail aux endroits où il y a une capacité d'offrir ce service. Il y a donc des avantages importants, qu'on n'a pas fini de découvrir, à ces types de prestation de services.
La sénatrice Charette-Poulin : Merci.
La sénatrice Chaput : Je veux vous parler brièvement du coût de l'exercice de réapplication du règlement. Nous savons que votre secrétariat a un budget pour surveiller l'exercice de réapplication du règlement. Si je comprends bien, chaque ministère est responsable de mener son propre exercice en se servant de vos outils. Donc, les ressources attribuées à cet exercice sont distribuées parmi tous les ministères et toutes les institutions qui offrent des services au public. Ce serait à peu près la réalité.
Avez-vous une idée du montant global qui est dépensé par l'ensemble des ministères et des institutions, y compris le Secrétariat du Conseil du Trésor, pour gérer cet exercice?
M. Tremblay : Non, nous n'avons pas de décompte. Il serait très difficile de le faire. Dans la plupart des ministères, selon nos politiques, il y a un poste désigné nommé « personne responsable des langues officielles »; dans certains grands ministères, la personne responsable des langues officielles est peut-être unique, mais elle gère une plus grande équipe. Dans beaucoup de plus petites organisations, il y a une personne qui s'occupe de cela et qui a d'autres responsabilités également.
Il est donc difficile, à ce moment-là, de déterminer quelle part du travail est faite, à moins de se servir d'un système de comptabilisation du temps, qui existe dans certaines organisations, mais pas dans toutes. Même au sein de mon équipe, personne ne s'occupe à temps plein de cet exercice-là. Aux dernières nouvelles, il y a six personnes qui travaillent présentement dans l'équipe responsable du règlement, mais qui ont plusieurs autres fonctions, donc qui ont un rapport indirect avec l'exercice du règlement. Il est donc difficile de comptabiliser, au sens où le vérificateur général du Canada l'entendrait, les dépenses qui ont trait à cet exercice.
La sénatrice Chaput : C'est ce que je croyais, mais je voulais l'entendre. Si nous proposions — c'est ma marotte, veuillez m'en excuser — un nouveau règlement, votre secrétariat serait chargé de développer les outils nécessaires, et tous les autres ministères qui ont déjà des employés responsables du dossier des langues officielles seraient chargés d'appliquer le nouveau règlement au lieu de l'ancien. C'est simpliste, mais est-ce que ce ne serait pas à peu près la réalité?
M. Tremblay : Ce serait à peu près la réalité, mais ce ne serait pas là les seuls coûts de transition liés à une telle démarche. Pour l'instant, nous n'avons pas de projet de modification du règlement. Donc, aucune équipe chez moi n'a la tâche de modifier, ou encore, d'adopter de nouveau règlement. Il faudrait passablement de ressources, et j'ai fait allusion tantôt à deux ou trois ans de travail pour arriver à ces fins. Ensuite, il y a les coûts que peut générer la mise en œuvre d'exigences liées à de nouveaux bureaux bilingues, puisque l'objectif du projet de loi serait de désigner, on le présume, davantage de bureaux bilingues et non moins.
La sénatrice Chaput : Ou alors, l'objectif pourrait être de se servir des services automatisés de façon encore plus efficace aux quatre coins du Canada, de sorte que tous nos bureaux fédéraux puissent offrir des services dans les deux langues officielles partout au Canada, sans que cela ne génère de coûts additionnels. On ne le sait pas, n'est-ce pas?
M. Tremblay : La vocation du règlement est autre. En effet, ce que vous décrivez comme situation idéale existe déjà dans une certaine mesure. Le service automatisé, le service de ligne 1-800, est déjà offert à tout le monde. Tout le monde au Canada a accès à des services en ligne. Il n'y a pas une seule personne au Canada qui n'ait pas accès à des services dans sa langue officielle. Ce dont il est question dans le règlement, c'est que, lorsqu'on veut se rendre au bureau local de l'institution fédérale, il peut y avoir des situations — et c'est ce que prévoit la loi et son règlement — où le service ne sera pas disponible dans les deux langues au comptoir ou lorsqu'on appelle la ligne locale de ce bureau.
La sénatrice Chaput : Merci de cette précision, c'est très apprécié.
La présidente : Vous avez présenté, avec beaucoup de précision, le fait que, dans votre rôle, vous veilliez à ce que le règlement soit respecté et appliqué par tous les ministères. Est-ce que, dans le cadre de vos responsabilités en tant que sous-ministre adjoint, vous conseillez le ministre par rapport au projet de loi S-205?
M. Tremblay : Mes conseils au président sont visés par la confidentialité du cabinet; je ne suis donc pas en mesure de répondre à cette question.
La présidente : Je ne vous ai pas demandé votre évaluation du projet de loi, maître Tremblay, mais si, dans vos responsabilités, vous avez ce rôle.
M. Tremblay : Dans le cadre de mes responsabilités, je suis le premier conseiller du président, de manière générale, au chapitre les langues officielles, évidemment.
La présidente : Merci. Y a-t-il d'autres questions? S'il n'y a pas d'autres questions, je vous remercie, maître Tremblay, d'être venu nous apporter ces précisions et ces explications. Nous allons prendre une pause de cinq minutes afin de préparer le prochain groupe de témoins.
(La séance est suspendue.)
(La séance reprend.)
La présidente : Honorables sénateurs, maintenant, nous nous penchons sur la question des trois plus récents rapports annuels déposés par le Secrétariat du Conseil du Trésor au Parlement. Sous le régime de la Loi sur les langues officielles, le Secrétariat du Conseil du Trésor est chargé de l'élaboration et de la coordination générales des principes et programmes fédéraux d'application de la langue de service, selon la partie IV; de la langue de travail, selon la partie V; et de la participation équitable des Canadiens d'expression française et anglaise, selon la partie VI, dans les institutions fédérales.
Je suis très heureuse, au nom du comité des langues officielles, d'accueillir Daniel Watson, dirigeant principal des ressources humaines et, encore une fois, Marc Tremblay, sous-ministre adjoint par intérim, Secteur de la gouvernance, de la planification et des politiques.
J'invite M. Watson à commencer sa présentation.
Daniel Watson, dirigeant principal des ressources humaines, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Merci beaucoup, madame la présidente et membres du comité. Comme vous le savez, je suis accompagné de M. Marc Tremblay, sous-ministre adjoint par intérim du Secteur de la gouvernance, de la planification et des politiques au sein du Secrétariat du Conseil du Trésor. Je commencerai par vous parler du rôle du Secrétariat du Conseil du Trésor en matière de langues officielles.
Nous aidons environ 200 institutions fédérales assujetties à la Loi sur les langues officielles à respecter leurs obligations linguistiques en vertu des parties IV, V et VI de la loi.
[Traduction]
Ces trois parties ont trait respectivement aux communications avec le public et à la prestation de services, à la langue de travail et à la participation des Canadiens d'expression anglaise et des Canadiens d'expression française. Notre aide consiste, entre autres, à donner aux institutions les conseils, les services de coordination et les outils dont elles ont besoin pour se conformer à la Loi sur les langues officielles.
Comme vous le savez, nos constatations et nos observations sur les progrès que font les institutions fédérales figurent dans le Rapport annuel sur les langues officielles. Notre dernier rapport pour l'exercice 2012-2013 a marqué le 25e anniversaire du Rapport annuel sur les langues officielles, ainsi que l'entrée en vigueur en 1988 de la nouvelle Loi sur les langues officielles. Cette étape importante nous a permis de repenser à tout le chemin que nous avons parcouru.
[Français]
En effet, en 1988, un employé sur trois au gouvernement était bilingue. Aujourd'hui, la fonction publique possède un bassin d'employés bilingues qui représente 45 p. 100 de son effectif. Cela a permis au gouvernement de communiquer avec les Canadiens et de les servir plus efficacement dans la langue officielle de leur choix. Aujourd'hui, la grande majorité des Canadiens ont accès à des services fédéraux dans la langue officielle de leur choix, par un moyen ou un autre.
Comme vous le savez, les administrateurs généraux des institutions fédérales ont la responsabilité première de la mise en application de la loi au sein de leur organisation, notamment la conception et la mise en œuvre efficace du Programme des langues officielles. Nos examens annuels de leurs activités et progrès sont maintenant effectués selon un cycle de trois ans. Chaque institution doit donc faire l'objet d'un examen au moins tous les trois ans, ce qui nous aide à réduire les exigences en matière de rapports et contribue à une meilleure affectation des ressources.
Cette approche est conforme aux recommandations du vérificateur général et du Comité consultatif sur la fonction publique nommé par le premier ministre, qui ont demandé aux organismes centraux responsables de la gestion des ressources humaines de simplifier et d'intégrer la collecte des données.
En 2011-2012, nous avons aussi commencé à coordonner la collecte des données et de l'information avec le ministère du Patrimoine canadien, qui est responsable de la partie VII de la loi. Ainsi, on s'assure que les institutions ne remplissent qu'un seul questionnaire, et il s'agit là d'une mesure positive qui vise une application plus uniforme et plus intégrée de toutes les parties de la Loi sur les langues officielles.
[Traduction]
Nos rapports annuels indiquent des progrès dans plusieurs domaines. En ce qui concerne la formation, ils montrent que la majorité des institutions offrent de la formation linguistique pour l'avancement professionnel et pour satisfaire aux exigences des postes. Elles offrent aussi un milieu de travail propice à l'utilisation et au maintien des compétences en langue seconde pour les employés qui ont suivi une formation linguistique.
Pour ce qui est des communications avec le public, nos rapports montrent que la grande majorité des institutions ont pris des mesures efficaces. Par exemple, presque toutes les institutions interrogées pour le rapport de 2012-2013 ont déclaré que leurs communications électroniques et le contenu de leur site web sont dans les deux langues officielles, que leur publication se fait simultanément et que les versions anglaise et française sont presque toujours et très souvent de qualité égale.
Les institutions ont aussi indiqué systématiquement qu'elles ont pris des mesures efficaces pour accueillir le public au téléphone dans les deux langues officielles et lors de l'utilisation de présentoirs, d'affiches et de messages enregistrés.
Toutefois, elles reconnaissent également qu'elles doivent continuer à améliorer leurs résultats en ce qui concerne l'offre active de services bilingues en personne. À cette fin, un grand nombre ont mis en place des vérifications par téléphone ou en personne dans certains bureaux.
En ce qui a trait à la langue de travail, la plupart des institutions ont indiqué que les documents peuvent être rédigés dans la langue officielle de choix de l'employé et que des mesures efficaces sont prises pour créer un milieu de travail qui favorise l'utilisation des deux langues officielles.
[Français]
Nos examens indiquent aussi que les anglophones et les francophones sont bien représentés dans l'ensemble des institutions fédérales assujetties à la loi. Selon le rapport annuel de 2012-2013, le taux de participation des anglophones dans les institutions fédérales était de 73,3 p. 100, alors que celui des francophones était de 26,6 p. 100. Ces chiffres correspondent très étroitement aux dernières données du recensement selon lesquelles l'anglais est la première langue officielle de 75 p. 100 de la population canadienne, et le français, celle de 23,2 p. 100 de la population.
Nous travaillons aussi avec les institutions pour les aider à mettre à jour les obligations linguistiques de leurs bureaux fédéraux qui pourraient changer à la suite de la publication des données linguistiques du recensement de 2011 par Statistique Canada. Cet exercice de révision de l'application du Règlement sur les langues officielles est en cours, et quelque 10 000 bureaux fédéraux examinent et rajustent leurs obligations linguistiques. Pour vous donner une idée de comparaison, je pense qu'il y a deux fois et demie de plus de points de services qu'il y a de Tim Hortons au Canada.
Les résultats préliminaires indiquent qu'il n'y aura pas de répercussions importantes sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Dans les semaines et les mois qui viennent, mon bureau continuera à donner des conseils et de l'aide aux institutions qui doivent prendre des mesures à la suite des résultats du recensement. Nous continuerons aussi d'aider les institutions à s'adapter au contexte des communications instantanées d'aujourd'hui qui est en évolution rapide, particulièrement au chapitre de l'utilisation des médias sociaux. Par exemple, notre nouvelle série de politiques sur les langues officielles, entrée en vigueur en novembre 2012, tient compte des nouvelles technologies.
[Traduction]
Dans l'ensemble, la nouvelle série de politiques offre aux administrateurs généraux les outils dont ils ont besoin en clarifiant les obligations liées aux langues officielles, ce qui leur donne la latitude nécessaire pour mettre en place les pratiques et les procédures adaptées à leurs institutions et au public qu'elles servent.
Depuis la publication du premier rapport annuel sur les langues officielles, beaucoup de choses ont été réalisées. Des défis demeurent. Mais les institutions montrent un engagement ferme à respecter leurs obligations découlant de la loi.
[Français]
C'est ainsi que se conclut ma présentation. Nous serons maintenant heureux de répondre aux questions du comité. Merci.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Watson. La première question sera posée par la sénatrice Chaput, suivie du sénateur Maltais.
La sénatrice Chaput : Monsieur Watson, je vais vous poser une question concernant les institutions fédérales qui font appel à des tiers pour réduire leurs coûts d'exploitation, qu'il s'agisse de sous-traitance, de partenariat ou de privatisation. Je prends l'exemple de Postes Canada qui, pour les services au comptoir, signe maintenant une entente avec un tiers qui, souvent, est une entreprise privée locale qui offre aussi les services de Postes Canada.
Tout dernièrement, un autre comité sénatorial, dont je suis membre, a étudié la question des prisons pour lesquelles les services d'aumôniers seront maintenant offerts par une entreprise privée, qui fournira des aumôniers pour offrir les services aux prisonniers.
Il est difficile d'assurer les services dans les deux langues officielles; c'est le cas, par exemple, pour le Manitoba, en français, et c'est beaucoup plus difficile lorsqu'on passe par l'entremise de tiers, parce qu'il est question d'une disposition linguistique.
Si je comprends bien, vos politiques indiquent que, lorsque des services sont fournis par des tiers, il doit y avoir une disposition linguistique. Comment fait-on respecter cette disposition linguistique si elle ne l'est pas? Qui a cette responsabilité? Parce qu'il s'agit là d'une faiblesse. Vous avez refait vos politiques; certaines ont beaucoup plus d'envergure, mais quant à l'aspect de la sous-traitance, il y a réellement une faiblesse assez importante qui se manifeste souvent au niveau local dans les plus petites collectivités.
M. Watson : C'est une excellente question. En vertu de la loi, c'est l'administrateur général qui est responsable de la prestation des services et des programmes et, peu importe les modalités de la prestation des services et des programmes, l'administrateur demeure responsable. Que ce soit fait par des fonctionnaires ou des gens employés sur la base d'un contrat, les responsabilités de l'administrateur général, en vertu de la loi, ne changent pas du tout. Lorsqu'on négocie un contrat avec une tierce partie pour la prestation de services et de programmes, oui, afin de répondre à ses obligations, l'administrateur général s'assurera que les dispositions seront intégrées au contrat.
Nous avons toutes sortes de types de contrats au gouvernement fédéral qui doivent gérer toute une série de choses. Nous avons sans doute plus de contrats que n'importe quel autre employeur ou entité au Canada. Les mesures comprises dans ces contrats sont des mesures très bien connues par tous et toutes dans le domaine. C'est par l'intermédiaire de ces contrats que le sous-ministre s'assure que le groupe offrant la prestation de services et de programmes répond aux exigences, et les pénalités ou les modalités prévues en cas de non-respect à cet égard s'y retrouvent également.
La sénatrice Chaput : Avez-vous déjà eu à imposer des pénalités en raison du non-respect d'un contrat? Est-ce le Conseil du Trésor qui impose ces pénalités ou est-ce l'administrateur général qui serait le ministère en question?
M. Watson : On en revient au fonctionnement de la loi. La loi impose l'obligation à l'administrateur général de veiller au service au sens de la loi. Si un contrat que signe un administrateur général ne respecte pas ce qui y est stipulé, c'est ce dernier qui entreprendrait les mesures correctives.
La sénatrice Chaput : Concernant l'administrateur général, dans le cas d'un service donné par un tiers, comme Postes Canada, est-ce ce ministère qui serait responsable ou est-ce plutôt le Conseil du Trésor qui est l'administrateur général dans ce cas?
M. Watson : C'est toujours la même personne à laquelle a été assignée la responsabilité en vertu de la loi.
La sénatrice Chaput : Au sein d'un ministère.
M. Watson : Dans ce cas, ce serait l'administrateur général de l'entité qui aurait la responsabilité d'assurer le service en question. Mon collègue, M. Tremblay, aurait peut-être quelque chose à ajouter à ce sujet, mais, essentiellement, c'est ainsi que ça fonctionne.
La sénatrice Chaput : Ce serait alors l'entité ou le ministère en question qui serait responsable.
M. Watson : Oui, parce que c'est la loi même qui assigne cette responsabilité à cet administrateur général.
La sénatrice Chaput : Votre responsabilité se termine-t-elle lorsque vous avez élaboré la politique? On parle d'une disposition linguistique et, ensuite, votre responsabilité au Conseil du Trésor se termine à ce moment-là? Disons que ce n'est pas noir ou blanc...
M. Watson : Bien, notre travail n'est jamais terminé.
La sénatrice Chaput : Oui, je comprends.
M. Watson : Ce qu'on ferait, dans ce cas, c'est de développer des outils et une bonne connaissance, développer des réseaux afin d'aider les gens qui sont responsables dans les diverses agences et entités afin qu'ils se rassemblent pour partager les meilleures pratiques et être bien informés à ce sujet.
Nous produisons aussi des rapports. Par exemple, en ce qui concerne le rapport dont on parle aujourd'hui, si quelqu'un manquait à ses responsabilités, on l'identifierait. La loi confère la responsabilité à l'administrateur général en question, et nous l'aidons afin qu'il soit beaucoup plus probable que la personne réponde de façon satisfaisante à ses obligations.
Le sénateur Maltais : Bienvenue, monsieur Watson.
Vous avez indiqué dans votre mémoire, à l'instar de M. Tremblay, que les institutions interrogées sont les services gouvernementaux, et les différents ministères ont déclaré que les communications se faisaient beaucoup plus rapidement par l'entremise du site web.
Donc, si les communications se font davantage par l'intermédiaire des nouveaux services électroniques — services qui n'existaient pas il y a cinq ou six ans —, est-ce que cela veut dire que les différents bureaux au Canada ont maintenant besoin de moins de personnel? Si les gens travaillent plus souvent à partir de leur domicile plutôt que de se déplacer au bureau, est-ce que nous avons moins besoin de bureaux régionaux?
M. Watson : Je ne suis pas expert dans le design ou la conception de services et de programmes. Je ne connais pas de recherche qui indique un lien étroit entre ces deux faits. Les Canadiens et Canadiennes se présentent toujours dans les bureaux malgré l'arrivée de l'Internet et des services en ligne. Cependant, il est clair que, dans le cas de plusieurs services, les gens utilisent des services en ligne. Un bon exemple est l'Agence du revenu du Canada qui a annoncé, je crois, qu'environ 84 p. 100 des gens transmettent maintenant leur déclaration de revenus de façon électronique. Il y a 10 ans, presque personne ne le faisait.
Ceci étant dit, je ne sais pas si quelqu'un est arrivé à la conclusion que cela permettait de réduire le nombre de bureaux. Je ne suis pas vraiment l'expert dans ce dossier.
Le sénateur Maltais : Que ce soit en 2012 ou 2013, est-ce que plusieurs des demandes de services bilingues que vous avez reçues des communautés à travers le Canada sont à l'étude ou en suspens, que ce soit pour des raisons administratives ou pour toute autre raison? Est-ce que vous avez beaucoup de ces demandes qui sont en suspens?
M. Watson : Disons que, chaque fois que nous avons fait la révision — donc en 1991, en 2001, et celle que nous avons commencée en 2011 —, nous avons constaté une augmentation, parfois sensible et parfois minime, dans le nombre de bureaux qui ont finalement été désignés bilingues. Je trouve que cela démontre la nature robuste des règlements qui ont été mis en place afin de gérer les changements importants, qu'ils soient géographiques ou démographiques, survenus au cours des derniers 25 ans. Mais cela démontre tout de même une croissance dans le nombre de bureaux bilingues au Canada, même à l'intérieur des régions. Ce n'est pas comme si tous les bureaux bilingues s'étaient déplacés vers une seule région. À l'échelle du Canada, nous voyons non seulement une bonne stabilité, mais une certaine croissance.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Le commissaire aux langues officielles est d'avis que la décentralisation des activités en matière de langues officielles a eu des effets sur le respect des droits des fonctionnaires fédéraux en ce qui concerne la langue de travail. Je parle autant des fonctionnaires qui ont le français comme langue maternelle que ceux dont la langue maternelle est l'anglais.
Il a noté dans son rapport annuel de 2012-2013 qu'aucun acteur central ne surveille ni n'évalue les effets de cette décentralisation. Il a parlé de plafonnement en ce qui concerne la langue de travail. Quelles interventions faites-vous auprès des institutions qui ne respectent pas leurs obligations linguistiques? Et quelles mesures concrètes avez-vous prises au cours des dernières années pour améliorer le respect des droits linguistiques des fonctionnaires fédéraux?
M. Watson : Merci beaucoup. En effet, nous avons mis sur pied plusieurs mesures. Nous comprenons que l'enjeu de la langue au travail, tout comme le fait d'avoir une fonction publique bilingue et des institutions que les Canadiens et les Canadiennes peuvent consulter en sachant qu'ils peuvent utiliser la langue de leur choix, est très important. Nous savons que c'est très important, et il faut le démontrer au quotidien.
Dans le cadre des mesures mises sur pied, on retrouve la nouvelle politique et les trois nouvelles directives de 2012, qui rassemblaient de façon beaucoup plus cohérente ce qui, auparavant, était éparpillé un peu partout.
De plus, nous avons mis à la disposition des institutions une plateforme électronique qui s'appelle « Clearspace ». Dans ce monde de décentralisation et dans celui des capacités technologiques de communication qui n'existaient pas auparavant, on a réuni dans cette plateforme des fonctionnaires d'un bout à l'autre du pays afin qu'ils puissent partager leurs meilleures pratiques, ou simplement s'encourager, afin de développer des solutions à des défis particuliers à certaines institutions.
Donc, cette plateforme est utilisée par beaucoup de gens, mais elle est surtout utilisée par un groupe qu'on appelle « COLOC » qui comprend 237 membres, émanant de 90 institutions, qui continuent de travailler ensemble dans un but d'entraide. Nous faisons partie de ce groupe et nous appuyons ces institutions et ces membres.
Nous tenons aussi des événements, des séances de sensibilisation et des rencontres pour promouvoir de bonnes pratiques. Nous organisons, par exemple, une conférence annuelle de tous les champions des langues officielles des ministères à l'échelle du gouvernement.
Nous avons aussi modifié certaines questions de gouvernance dans le domaine de ces politiques pour rendre les processus plus clairs et atteindre ainsi une meilleure compréhension de l'impact de nos décisions.
Je trouve donc que ce sont des mesures qui visent non seulement à clarifier les normes et les attentes, mais aussi à appuyer les gens et à les encourager à atteindre ces normes.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Avez-vous quelque chose à rajouter, monsieur Tremblay?
M. Tremblay : Je rajouterais peut-être deux exemples du type d'intervention qui peut être menée.
Le premier exemple concerne les sondages menés auprès des fonctionnaires, par l'intermédiaire du réseau des champions auquel on vient de faire allusion. M. Watson est également responsable de ce sondage auprès des fonctionnaires qui a lieu tous les trois ans. Ce groupe est intervenu auprès de nous pour s'assurer, tout d'abord, que l'on maintiendrait les questions de nature linguistique qui avaient été posées dans le cadre du dernier sondage, afin que ces cinq questions soient maintenues. Le groupe a en fait milité pour que des questions soient ajoutées, notamment une question qui vise la langue utilisée lors des réunions, qui est l'un des enjeux qui font en sorte que les fonctionnaires sentent que leur droit de travailler dans leur langue n'est pas toujours respecté. Cet outil va donc nous donner, encore une fois, un portrait plus juste des impressions des employés quant à la possibilité qu'ils ont d'utiliser leur langue en milieu de travail. Ces renseignements viennent ensuite appuyer l'élaboration de plans de travail par les responsables pour le premier chef de leurs obligations, c'est-à-dire les premiers dirigeants, les administrateurs généraux.
L'autre exemple, ce sont les travaux que notre ancien greffier a lancés pour développer une vision autour de ce qu'on appelle maintenant « Destination 2020 ». Il s'agissait d'une vaste discussion entre les fonctionnaires par voie des médias sociaux, qui n'était pas contrôlée, qui n'était pas arbitrée, et qui donnait à chacun l'occasion de mettre sur la table ses points de vue ou ses griefs.
Dans ce contexte, il y a eu bon nombre de discussions à connotation linguistique, et cela a généré chez le greffier le souhait de nous voir faire certaines démarches pour améliorer la situation et répondre aux préoccupations que les employés nous avaient exprimées.
L'École de la fonction publique s'est engagée à prendre certaines mesures pour améliorer la disponibilité d'outils de formation linguistique. L'une des plaintes des employés concernait la difficulté à accéder à la formation linguistique, particulièrement dans les régions.
Ce sont deux exemples de mesures additionnelles que nous avons prises afin de réagir à certains de ces points plus faibles.
La présidente : Monsieur Watson, si je comprends bien, la Feuille de route pour les langues officielles du Canada 2013-2018 ne contient pas d'engagement spécifique à l'égard des langues officielles dans la fonction publique. De plus, les fonds consacrés auparavant au Centre d'excellence en langues officielles et à la gouvernance de cette initiative horizontale ont disparu. À quel moment le gouvernement rendra-t-il public le cadre horizontal de gestion et de responsabilisation par rapport à la feuille de route de 2013-2018?
M. Watson : Mon collègue est un expert en ce qui concerne la feuille de route même; je vais donc lui céder la parole dans quelques minutes. Nous utilisons déjà plusieurs outils pour mesurer les impacts et les résultats. L'un de ces éléments est le rapport que nous faisons annuellement, grâce auquel nous faisons des suivis auprès de chacune de ces institutions au cours d'un cycle de trois ans. L'autre, c'est la question du sondage auprès des fonctionnaires, qui est le deuxième plus grand sondage de Statistique Canada dans l'ensemble de ces travaux; or, on vient tout juste de le terminer. On pose toutes sortes de questions. On en a même ajouté une qui touche ce sujet. La troisième chose que je soulignerais, c'est ce qu'on appelle le Cadre de responsabilisation de gestion, par lequel on rentre très clairement dans les opérations des ministères pour voir exactement ce qu'ils font dans plusieurs domaines, y compris en ce qui concerne certaines questions de langues officielles qui sont très importantes. Nous démontrons, par ces trois mesures, des progrès et des résultats qui sont très importants dans le contexte des langues officielles dans la fonction publique.
En ce qui a trait spécifiquement à la feuille de route, l'approche a été un peu différente cette fois-ci par rapport aux questions qui y ont été abordées, et pour entrer dans les détails, je vais céder la parole à M. Tremblay.
M. Tremblay : M. Watson vous a parlé surtout de mesures qui sont dans notre champ à nous, au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, donc liées aux parties IV, V et VI dont on parle depuis quelque temps. La feuille de route, pour des raisons issues du processus consultatif qui l'a animée, est tributaire d'exercices tout de même vastes de consultations menées auprès des communautés minoritaires qui n'ont pas, finalement, nommé d'enjeux liés à la fonction publique parmi les enjeux et priorités qui les préoccupaient. La feuille de route est le reflet de ces souhaits exprimés par le truchement des consultations. Cela ne signifie pas qu'il y ait eu — et je tiens à le préciser — une quelconque diminution du financement qui est disponible pour le soutien de ces enjeux qui sont les nôtres au Secrétariat du Conseil du Trésor. Ils ne font tout simplement plus partie de cette vitrine qui s'appelle la feuille de route, mais nous disposons toujours des ressources nécessaires pour assurer le travail que nous faisons.
Quant au cadre de responsabilisations auquel vous avez fait allusion et que le commissaire — si ma mémoire est bonne, je crois que c'était là votre question — nous a suggéré, c'est le ministère du Patrimoine canadien, à titre de coordonnateur de la feuille de route, qui va assurer le suivi à ce chapitre. Cependant, je n'ai aucune indication, de par nos travaux collaboratifs, qu'il n'y aura pas de tel cadre. Il devrait suivre, et il y aura les mêmes imputabilités qu'il y avait dans le cadre de la feuille de route précédente.
La présidente : Concernant les institutions fédérales qui ne sont pas incluses dans la feuille de route de 2013-2018, avez-vous remarqué s'il y avait une différence dans le respect de leurs obligations linguistiques par rapport aux institutions fédérales qui sont incluses dans la feuille de route?
M. Watson : Je n'ai rien remarqué du genre du tout. Au contraire, lorsque nous soulevons des questions de langues officielles auprès de nos collègues sous-ministres, par exemple, nous remarquons toujours un très grand respect de ces questions. Lorsque nous avons fait nos recherches dans le contexte du rapport, il était clair que chaque institution à qui nous avions parlé avait mis beaucoup d'efforts sur la question des langues officielles dans le contexte de son travail.
Malgré les changements assez importants qui sont survenus quant à la taille de la fonction publique au cours des trois dernières années, on remarque que le pourcentage d'employés et de postes bilingues non seulement n'a pas diminué, mais qu'il a augmenté. Ce n'est pas par hasard; c'est parce que les gens ont vraiment pris cela en compte.
Le sénateur McIntyre : J'aimerais aborder la question des obligations. Les obligations du secrétariat à l'endroit des institutions fédérales touchent principalement les parties IV, V et VI de la Loi sur les langues officielles, alors que les obligations du ministère du Patrimoine canadien touchent la partie VII de la Loi sur les langues officielles. À l'exception du Sénat, de la Chambre des communes, de la Bibliothèque du Parlement, du Bureau du conseiller sénatorial en éthique et du Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique, en ce qui concerne les langues officielles, y a-t-il un suivi?
M. Watson : Le but de notre rapport, c'est de revoir l'ensemble de ces institutions sur un cycle de trois ans afin de constater dans quelle mesure elles répondent à leurs obligations et de rendre compte de la situation. Même si nous n'avons pas la responsabilité d'assurer la prestation des services et programmes suivant la première question, nous avons la responsabilité d'en faire rapport. Nous avons la responsabilité d'offrir des outils pour aider les gens à arriver aux conclusions que l'on souhaiterait tous et toutes, et nous avons l'obligation de créer les normes, essentiellement, les attentes et les politiques connexes à cela. C'est notre rôle à l'intérieur de cet environnement, mais ce sont les administrateurs généraux qui, au sein de leur propre institution, ont la responsabilité d'assurer le respect des obligations en vertu de la loi.
Le sénateur McIntyre : Donc, le suivi se fait par les administrateurs généraux et le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.
M. Watson : Justement. L'administrateur général serait responsable de s'assurer qu'il a bel et bien répondu à toutes les exigences en vertu de la Loi sur les langues officielles en ce qui concerne son institution, et nous en ferions rapport également.
M. Tremblay : Je peux peut-être apporter une précision. Les organismes que vous avez mentionnés, qui sont, finalement, soustraits au pouvoir du Conseil du Trésor le sont parce que ce sont des instances parlementaires. Donc, il serait inapproprié d'assujettir les organismes qui sont soit des entités parlementaires — le Sénat, la Chambre des communes, la Bibliothèque du Parlement — ou des entités qui sont appelées des « agents du Parlement » dans le jargon populaire, comme le conseiller sénatorial en éthique. Celles-ci ont trois maîtres : vous, le comité sénatorial et le comité de la Chambre des communes; le commissaire aux langues officielles, qui a le mandat de mener des enquêtes et qui l'a fait à l'endroit des comités parlementaires à l'occasion; et les tribunaux, qui peuvent, évidemment, intervenir lorsque des violations aux droits linguistiques sont alléguées.
M. Watson : J'ai mal compris votre question. Je parlais des institutions pour lesquelles nous avions des responsabilités. Si vous parliez des autres, je m'excuse; j'ai mal répondu à votre question.
Le sénateur McIntyre : Vous et M. Tremblay avez bien répondu à ma question. Merci.
La présidente : Deuxième tour de questions.
La sénatrice Chaput : Ma question s'ajoute à celles posées par la sénatrice Fortin-Duplessis, mais elle s'intéresse à un angle différent. Ma question traite des incidences des compressions budgétaires sur la capacité des institutions fédérales à respecter les obligations linguistiques.
Le commissaire aux langues officielles, dans son rapport de 2012-2013, a traité des plaintes qu'il a reçues à cet égard, et il a dit qu'il allait faire une vérification auprès du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Il était question que soient ajoutés les bilans que vous demandez aux institutions fédérales de vous fournir. Il pourrait y avoir de nouvelles questions pour évaluer s'il y avait bel et bien des incidences.
Présentement, avez-vous les moyens de mesurer l'incidence des compressions budgétaires sur l'exécution du Programme des langues officielles?
M. Watson : De nouveau, les administrateurs généraux dans les ministères et les institutions sont responsables d'assurer le respect de toutes leurs obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles. Ensuite, nous en faisons rapport, pour l'ensemble des institutions, suivant un cycle de trois ans. Dans le contexte de ce qu'on appelle le Cadre de responsabilisation de gestion et dans le contexte de nos travaux avec les divers réseaux où sont rassemblés les champions des langues officielles, nous tenons des discussions formelles et informelles au sujet des défis que vivent les ministères et sur les moyens de répondre à ces défis.
Je dois dire que, dans le contexte des compressions qui ont eu lieu, la question de la capacité de faire la prestation de tous les services et programmes était considérée en profondeur par les ministères et les agences en question, y compris, plus particulièrement, la question des langues officielles. De nouveau, je reviens au fait que non seulement il n'y a pas eu de diminution du pourcentage de postes bilingues, mais que, en fin de compte, il y a eu une très légère augmentation dans le pourcentage de ces postes. Or, on n'arrive pas à cette situation sans avoir mis énormément d'efforts à considérer la façon de maintenir cette capacité de respecter nos obligations.
La sénatrice Chaput : Alors, votre outil de référence, ce sont les rapports que vous demandez aux ministères fédéraux?
M. Watson : Ce sont les rapports, mais ce sont aussi les sondages menés auprès des fonctionnaires et les discussions informelles que nous avons avec les champions des langues officielles, par exemple. Si jamais nous apprenions qu'une plainte avait été déposée auprès du commissaire aux langues officielles, ce qui nous préoccupe beaucoup, nous analyserions la situation pour voir s'il y aurait une leçon à en tirer, et cela, parfois, même avant que le rapport ne soit publié. Ce sont les faits saillants à ajouter.
M. Tremblay : Certaines des données ne font pas partie des bilans. C'est simplement une précision à apporter; il y a des données qui sont recueillies systématiquement, comme certains de nos indicateurs sur la santé d'un programme, qui font partie de nos rapports annuels depuis de nombreuses années et qui figurent dans les tableaux statistiques qui sont généralement joints à la fin de ce rapport. Tout cela est extrait des systèmes de paie des ressources humaines et est recueilli annuellement pour l'ensemble des institutions.
La sénatrice Chaput : Ces données peuvent-elles être utilisées pour déterminer s'il y a eu une incidence en raison des compressions budgétaires, à titre d'exemple?
M. Tremblay : Si on voyait, par exemple, une diminution de la proportion de francophones en deçà de ce qu'est sa représentation dans la population canadienne, ce dont on traite à la partie VI de la loi, cela pourrait être un signal qui mériterait une attention particulière. Si on remarquait que les titulaires des postes bilingues respectent dans une proportion qui va en diminuant les exigences linguistiques de leur poste, cela pourrait être, à nouveau, un indicateur qu'il y a quelque chose qui ne roule pas bien.
Tous ces indicateurs nous démontrent, dans les rapports que nous étudions aujourd'hui, et auxquels M. Watson a fait allusion tout à l'heure, une progression ou, à tout le moins, une stabilité dans les chiffres. Ce sont donc des indicateurs liés à la capacité d'offrir et de livrer les services, si on veut, en fonction des exigences de la loi et des politiques.
M. Watson : Vous avez posé la question à savoir s'il y avait moyen de déterminer quelles difficultés les compressions budgétaires auraient pu entraîner. S'il y avait des problèmes, peu importe la raison, nous aurions des indications qui nous donneraient une bonne idée des éléments à surveiller.
La sénatrice Chaput : Si je comprends bien, vous êtes ouvert à discuter avec le commissaire aux langues officielles des plaintes qu'il a reçues à l'égard de cette incidence? S'il a reçu des plaintes, vous êtes prêt à en discuter avec lui?
M. Watson : Nous sommes toujours prêts et très heureux de parler au commissaire aux langues officielles.
La sénatrice Chaput : S'il s'avérait que les plaintes avaient un fondement, vous seriez prêt, si nécessaire, à ajouter de nouvelles questions à l'intention des institutions fédérales ou à faire ce qu'il faut afin que cela ne se répète pas?
M. Watson : Dans la situation où on n'a pas répondu aux obligations en vertu de la loi, on veut le savoir et on voudrait trouver des solutions, absolument.
Le sénateur Maltais : Dans le cadre des efforts que vous faites et que vous partagez avec l'ensemble des ministères, j'imagine qu'il y a un coût pour votre ministère? Seriez-vous en mesure de le chiffrer?
M. Watson : J'ai toujours eu de la difficulté à bien définir cette question, à savoir si le fait de répondre au téléphone à quelqu'un qui nous parle dans une langue ou une autre entraîne plus de frais par rapport aux obligations liées au respect des langues officielles que si on répondait toujours dans une seule langue.
Le sénateur Maltais : Je m'excuse, je me suis mal exprimé. Je comprends très bien ce que vous dites et c'est tout à fait normal dans un pays comme le Canada. Mais y a-t-il un coût au bilinguisme?
M. Watson : Si on offre de la formation linguistique, par exemple, il y a des coûts qui y sont reliés. Je ne saurais pas exactement où commencer ni où terminer si je voulais ajouter ou soustraire des coûts à cela. Cela pourrait être débattu. Au fil des ans, nous avons eu des données sur certains éléments des coûts. Je sais que des gens à l'extérieur ont proposé leurs propres idées au sujet des coûts. Nous n'avons pas de chiffre précis que nous pourrions vous fournir.
Le sénateur Maltais : Je veux en arriver au fait que le bilinguisme ne peut pas se calculer en coûts monétaires, tout simplement, parce qu'il s'agit de services que l'on offre à une population et qu'un service ne rapporte pas. Je n'ai jamais vu un service rapporter de l'argent, mais c'est un service, comme vous le dites bien, de Vancouver au Labrador ou à Saint-Jean, en passant par tout le Canada; on ne peut pas évaluer cela.
Maintenant, si on ajoute des choses additionnelles, y a-t-il des coûts? Par exemple, le projet de la sénatrice Chaput, le projet de loi S-205, d'après vous, y a-t-il des coûts économiques qui y sont liés?
M. Watson : Je ne suis pas en mesure de faire un pronostic des éléments. Je reviendrais à la question de servir les Canadiens et les Canadiennes; cela nécessite certains investissements et certaines ressources et, pour ma part, je ne suis pas en mesure d'attribuer certaines activités à certaines politiques.
Le sénateur Maltais : Ce n'est pas évaluable non plus. Je ne crois pas que vous soyez en mesure d'évaluer le coût par appel téléphonique. Il est impossible que vous puissiez l'évaluer; c'est un service. Le Canada a deux langues officielles et les Canadiens, peu importe qu'ils parlent l'une ou l'autre des langues, sont en mesure de recevoir des services dans la langue officielle de leur choix. À mon avis, cela ne s'évalue pas. C'est très difficile à évaluer. En Suisse, il y a quatre langues officielles. Ils sont 5 millions de personnes. Je leur ai demandé combien cela coûtait, et personne ne le savait, parce que ce sont des services obligatoires à offrir à la population d'après les lois de leur pays. Je ne pense pas que personne ne puisse donner un chiffre exact pour évaluer ces services. Nous devons le voir comme un service, et vous l'avez bien expliqué. Je pense que votre explication est très juste, et cela va sans doute enlever une pression juridique, comme dans le cas d'une chose que l'on ne peut pas évaluer.
Je me rappelle d'un terme sur lequel la Cour suprême n'a jamais été capable de se prononcer, c'est celui de « nombre suffisant ». La cour n'a pas voulu se prononcer sur ce terme lorsqu'on a invalidé la loi 178. Le commissaire aux langues officielles n'a pas voulu se prononcer non plus. M. Tremblay a bien navigué autour de cela, c'est un bon avocat. Mais ce sont des choses que l'on ne peut pas évaluer en termes absolus. Je le vois ainsi; si vous avez quelque chose à ajouter sur ce point, je vous en prie.
M. Tremblay : Pour nous, comme agence centrale, en effet, quantifier le coût sans tenir compte des bénéfices, ce serait une erreur. Mais cela aussi, ce serait probablement difficile à quantifier. Par contre, une institution fédérale qui a à offrir nouvellement des services dans l'autre langue officielle subira des coûts. Donc, pour faire une analogie avec ce qui pourrait être le cas si le projet de loi S-205 était adopté, s'il y avait une nouvelle réglementation qui était édictée — on peut penser à la situation que l'on vit présentement —, le comité pourrait en effet poser la question, par exemple, à l'Agence des services frontaliers du Canada. Celle-ci aura de nouveaux bureaux désignés bilingues et, étant donné la nature de son service, qui inclut le port d'armes à feu et donc une formation obligatoire plutôt longue pour ses employés, laquelle entraînera des coûts substantiels, elle entend, évidemment, se conformer aux exigences de l'exercice de révision de l'application du règlement. Cependant, à ce moment-ci, elle est en train de quantifier les coûts et d'élaborer un plan de mise en œuvre, parce que cela ne se fera pas sans frais ni difficulté. Dans son cas, compte tenu de ses effectifs, il faudra déplacer des familles entières d'employés fédéraux pour permettre à l'organisation de se conformer à ces nouvelles exigences.
Il y a donc des coûts de mise en œuvre, mais aussi d'autres coûts, des coûts sociaux : des coûts familiaux, des coûts de déménagement, de formation linguistique, de formation liée au port d'armes à feu, et cetera.
Ainsi, l'Agence des services frontaliers du Canada, comme d'autres, d'ailleurs, serait en meilleure position pour vous fournir certains renseignements sur les coûts liés à la désignation d'un nouveau bureau bilingue dans un endroit quelconque au Canada.
M. Watson : Il est très facile, relativement parlant, de dépenser plus ou moins de dollars. Ce qui est parfois plus difficile, c'est de déterminer à quoi on va attribuer cette augmentation ou cette diminution. Donc, il est clair qu'avec quelque service que ce soit, on peut dépenser plus ou moins lorsqu'il est question de langues officielles ou de toute autre inspiration qu'on pourrait avoir pour changer ces dépenses. C'est la question de l'attribution qui est parfois plus difficile.
Le sénateur Maltais : Merci beaucoup, c'est très clair.
La sénatrice Chaput : En ce qui concerne la question de l'attribution des services, je me souviens que, dans le cadre d'un autre comité sénatorial, nous parlions justement de la question des coûts d'attribution lorsqu'un projet de loi était adopté. N'est-ce pas le ministre responsable qui décide comment cela va se faire et qui détermine les échéanciers? Cela ne peut-il être fait en plusieurs étapes, sans qu'il soit nécessaire de le faire du jour au lendemain? C'est laissé à la discrétion du ministre, n'est-ce pas?
M. Watson : Cela dépendrait évidemment de la loi en question. Certaines lois exigent que des choses passent aujourd'hui; d'autres permettent une plus grande flexibilité. Cela dépendrait, évidemment, du contexte spécifique.
La présidente : Monsieur Watson, vous avez fait référence à la liste des 84 bureaux visés par l'exercice de révision de l'application du règlement. Est-ce qu'on pourrait vous demander cette liste? Ou c'était peut-être maître Tremblay?
M. Tremblay : Il y a les 84 bureaux nouvellement désignés bilingues et les 74 bureaux qui cesseront d'être désignés bilingues après une période de transition.
La présidente : Est-ce qu'on peut vous demander de fournir la liste au comité?
M. Tremblay : Oui. Évidemment, vous comprendrez que les chiffres en question sont toujours en évolution, puisque le mode de prestation de services ne cesse d'évoluer un jour donné. Mais nous serons en mesure de vous donner cette liste.
Le sénateur McIntyre : Maître Tremblay, j'ai une question pour vous concernant la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire DesRochers. Comme vous le savez, cette décision a eu des répercussions sur l'ensemble des institutions fédérales, et je sais que le Secrétariat du Conseil du Trésor et le ministère du Patrimoine canadien ont bel et bien analysé cette décision.
Dans le rapport annuel de 2012-2013, on nous rappelle ceci, et je cite :
Des défis d'interprétation demeurent quant à faire la distinction entre le principe de l'égalité réelle, tel qu'il s'applique dans le contexte de la partie IV de la loi, et le principe de la promotion du français et de l'anglais qui s'applique dans le contexte de la partie VII de la loi.
Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
M. Tremblay : J'ai fait un peu allusion à cela tantôt en disant que, dans les silos qui s'étaient développés de façon plus ou moins naturelle au sein des ministères, il y avait un silo lié à la partie IV d'un côté et un silo lié à la partie VII de l'autre. Tout cela revenait à dire que, dans l'un d'eux, on s'occupe de la partie VII; on comprend ce que veut dire le développement communautaire, la poursuite de l'égalité progressive du français et de l'anglais dans la société canadienne en général; et dans l'autre volet, communication et services, on sait ce que veut dire offrir des services de qualité égale, et c'est ce qu'on vise.
La Cour suprême a un peu créé des liens entre ces deux parties de la loi en utilisant des mots qui ressemblent beaucoup à ceux qu'on utilise depuis toujours pour traiter la partie VII, c'est-à-dire cette notion de tenir compte de l'impact de ce qu'on fait sur les communautés minoritaires. Donc, dorénavant, il faut, lorsqu'on offre des services, tenir compte de l'impact de cette prestation de services sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Dans le cas des gens qui traitaient de la partie VII et qui se demandaient maintenant s'ils faisaient toujours de la partie IV, cela a créé une certaine confusion que l'on tente d'atténuer en donnant des renseignements aux représentants des institutions fédérales.
Le sénateur McIntyre : Le défi demeure donc de faire ce lien entre la partie IV et la partie VII?
M. Tremblay : Oui.
Le sénateur McIntyre : Entre les deux silos dont vous avez parlé?
M. Tremblay : C'est cela. Aussi, j'allais dire que c'est l'un des facteurs qui nous ont motivés à adopter une approche commune avec le ministère du Patrimoine canadien, pour ne pas que les gens qui ont des connaissances et des compétences et qui s'occupent de développement communautaire d'un côté ne soient isolés de ceux qui traitent de la partie IV et qui doivent, dorénavant, tenir compte également de l'impact sur la communauté minoritaire.
On espère créer certains effets structurants pour les rapprocher au sein de leur propre organisation. On commence à nous dire que l'apport d'une lentille liée au développement communautaire est plus facile à réaliser maintenant que tous ces gens se parlent au sein de leur propre organisation.
La présidente : Monsieur Watson et maître Tremblay, au nom du Comité sénatorial permanent des langues officielles, je tiens à vous remercier très sincèrement de votre participation ici, aujourd'hui. Merci d'avoir partagé avec nous vos connaissances et votre expertise.
(La séance est levée.)