Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 12 - Témoignages du 4 mai 2015
OTTAWA, le lundi 4 mai 2015
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 heures, pour étudier la réponse du gouvernement, datée du 23 octobre 2014, au troisième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles intitulé Les obligations linguistiques de CBC/Radio-Canada, Les communautés veulent se voir et s'entendre d'un océan à l'autre!, déposé au Sénat le 8 avril 2014. Le comité se réunit également pour poursuivre son étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.
La sénatrice Claudette Tardif (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Honorables sénateurs, je déclare cette séance du Comité sénatorial permanent des langues officielles ouverte. Je m'appelle Claudette Tardif, sénatrice de l'Alberta, et je suis la présidente de ce comité. Je demanderais aux sénateurs de se présenter, en commençant à ma gauche.
La sénatrice Seidman : Bonjour, Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Bonjour, Suzanne Fortin-Duplessis, de la ville de Québec, vice-présidente du comité.
Le sénateur McIntyre : Bonjour, Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Maltais : Bonjour, je m'appelle Ghislain Maltais, sénateur du Québec.
La sénatrice Chaput : Bonjour, Maria Chaput, du Manitoba.
La présidente : La réunion d'aujourd'hui vise à effectuer un suivi auprès de membres de la haute direction de Radio- Canada quant au rapport déposé l'an dernier par notre comité, intitulé Les obligations linguistiques de CBC/Radio- Canada, Les communautés veulent se voir et s'entendre d'un océan à l'autre!
Cette étude s'est échelonnée sur environ deux ans et contient 12 recommandations. Le gouvernement du Canada a déposé au Sénat ses commentaires sur le rapport le 23 octobre 2014, et le Conseil d'administration de la SRC nous a envoyé ses commentaires le 30 décembre 2014.
Nos témoins, pour la première partie de la réunion, proviennent de la Société Radio-Canada. J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Louis Lalande, vice-président principal des Services français, à Mme Patricia Pleszczynska, directrice générale des Services régionaux et d'ICI Radio-Canada Première, et Mme Shelagh Kinch, directrice principale des Services anglais au Québec.
J'aimerais inviter M. Lalande à faire sa présentation. Par la suite, les sénateurs vous poseront des questions.
Louis Lalande, vice-président principal des Services français, Radio-Canada : Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, bonjour. Je voudrais tout d'abord vous remercier de votre invitation.
Nous avons lu avec beaucoup d'attention le rapport du comité et ses recommandations sur les services offerts par CBC/Radio-Canada aux minorités de langues officielles au pays.
Les communautés de langue officielle en situation minoritaire veulent se voir, s'entendre et se lire sur les ondes du radiodiffuseur public. C'est l'une des conclusions tirées de votre étude. C'est aussi une chose à laquelle nous croyons fermement, et nous travaillons très fort quotidiennement pour répondre aux attentes de nos auditoires.
[Traduction]
Bien entendu, à titre de société d'État indépendante, nous devons atteindre ces objectifs conformément au mandat qui est le nôtre en vertu de la Loi sur la radiodiffusion et en consultation avec le CRTC, l'organisme de réglementation de la radiodiffusion.
[Français]
Cette indépendance est au cœur de notre ADN de diffuseur public. Dans votre rapport, vous accordez aussi un intérêt marqué aux consultations que nous menons auprès des communautés. Avant de répondre à vos questions, nous avons pensé qu'il serait pertinent et intéressant de vous faire part de notre expérience jusqu'à maintenant.
Depuis le 1er septembre 2013, nous avons mené des consultations auprès de la communauté anglophone du Québec et des communautés francophones dans les régions de l'Ouest canadien et du Nord, de l'Ontario et, mercredi dernier, de l'Atlantique. Les assemblées publiques à elles seules ont réuni près de 440 personnes dans l'Ouest et le Nord, 200 personnes pour l'Ontario et 500 personnes pour l'Atlantique, dont la très grande majorité a participé en ligne.
Du côté francophone, les préoccupations qui ressortent de ces consultations rejoignent sur plusieurs points ce que nous avons entendu dans d'autres instances. On reconnaît la situation financière de Radio-Canada et les contraintes que cela impose, ce qui continue d'ailleurs de soulever de vives inquiétudes.
On reconnaît également la nécessité pour Radio-Canada de s'adapter aux nouvelles habitudes de consommation média des francophones. D'ailleurs, plusieurs personnes nous incitent à développer davantage notre offre numérique, particulièrement au niveau régional. Le numérique est également présenté comme l'une des pistes pour rejoindre les jeunes francophones, qui regroupent l'un des publics qui doivent faire partie des priorités du diffuseur public, selon les participants.
Enfin, ils ont réitéré leur volonté de se voir et de s'entendre davantage au sein de nos programmations nationales.
À la lumière de ce que nous avons entendu lors de ces consultations, mais aussi dans le cadre des nombreux échanges formels et informels que nous avons avec les représentants des communautés depuis plusieurs années, nous avons ajusté notre offre de différentes façons.
Prenons notre approche Raconter le pays, dont Michel Cormier, notre directeur général de l'information, vous a parlé lors de notre comparution en décembre 2013. Vous vous souviendrez que cette approche vise à donner une plus grande résonance nationale à des sujets locaux et à démontrer comment les enjeux nationaux peuvent s'incarner dans les différentes régions du pays. En deux ans, nous avons produit de nombreux reportages et dossiers spéciaux qui répondent à ces objectifs. Par exemple, nous avons présenté un grand dossier multiplateforme sur les retraites au Canada, en comparant les situations de l'Alberta, de l'Ontario, du Québec et du Nouveau-Brunswick. La semaine verte a aussi traité du libre-échange et de la propriété agricole en Saskatchewan, en comparant, entre autres, la situation en Saskatchewan avec celle des autres provinces.
Ce ne sont là que deux exemples, mais qui illustrent concrètement les retombées de cette approche. Aussi, notre stratégie d'information régionale «De bonjour à bonne nuit» vise justement à accompagner les citoyens du matin au soir en leur offrant une information locale ancrée dans la communauté, dans le moment présent, et ce, sur toutes les plateformes.
Dans cet esprit, nous avons amorcé, l'automne dernier, la refonte de nos sites web régionaux. Ces derniers offrent maintenant des informations locales et régionales en fil continu, dans un format adaptable à tous les écrans, de l'ordinateur au téléphone intelligent, en passant par les tablettes numériques.
Le site d'Ottawa-Gatineau, par exemple, a été l'un des premiers à passer au nouveau format et a démontré toute sa pertinence lors de la fusillade d'octobre dernier. Les nombreux commentaires d'appréciation que nous avons reçus de la part des citoyens à ce propos nous le confirment. Cette refonte de nos sites régionaux s'inscrit dans la stratégie régionale que nous avons présentée en décembre dernier avec nos collègues de la CBC. Cette stratégie vise, entre autres, à moduler nos ressources afin que nous puissions être présents dans le domaine de l'information toute la journée, notamment sur les plateformes numériques et mobiles, ainsi que sur les réseaux sociaux. Patricia pourra d'ailleurs vous en parler davantage pendant la période des questions.
[Traduction]
En février dernier, nous avons aussi organisé une consultation publique auprès des membres de la communauté anglophone du Québec. C'était un événement public, diffusé en direct sur le Web, et auquel plus de 1 000 personnes ont participé, que ce soit en personne ou en ligne, afin de suivre les discussions concernant la façon dont Radio-Canada peut mieux se servir des services mobiles, des services web, de la télévision et de la radio afin de diffuser des nouvelles, de communiquer et d'entrer en contact avec le million d'anglophones qui vit au Québec. Ce que l'on a entendu au cours de cette consultation, c'est que Radio-Canada jouit d'un fort appui et qu'on souhaite que Radio-Canada continue à être là pour son auditoire anglophone.
Le 22 octobre 2014, Shelagh Kinch, directrice de Radio-Canada Québec, et Hubert Lacroix, président-directeur général de CBC/Radio-Canada, ont rencontré 10 membres de la communauté anglophone du Québec afin de discuter de la stratégie 2020.
Des représentants du Centre de ressources de la communauté noire, du CEDEC, de l'Université Concordia, de Notman House, du Québec Community Group Network, de l'English Language Arts Network ainsi que des producteurs indépendants y ont participé. À la suite de cette réunion, Radio-Canada Montréal a organisé le tout premier hackathon de CBC/Radio-Canada intitulé #HackingCBCMTL.
Un hackathon est un événement ouvert et collaboratif où se rassemblent des gens ayant ou non une expertise technique afin de trouver des solutions novatrices à divers problèmes à l'aide de la technologie. Pendant toute une fin de semaine, nous avons reçu près de 50 développeurs et concepteurs et avons mobilisé des consommateurs de médias qui sont venus travailler sur leurs idées avec des journalistes de Radio-Canada Montréal.
Il est d'autant plus important d'intégrer cette réflexion à Radio-Canada qu'on s'adresse à un auditoire plus jeune, plus versé dans le numérique. À l'automne 2015, dans le cadre de la stratégie 2020 de CBC/Radio-Canada, Radio- Canada Québec renforcera ses services sur ordinateur et mobile, sept jours par semaine, 18 heures par jour.
[Français]
Qu'il s'agisse d'échanges informels ou de rencontres plus formelles, comme ces consultations, nous entretenons un dialogue constant avec les membres des communautés linguistiques minoritaires ainsi qu'avec les associations et les institutions qui les représentent. Ces échanges nous permettent de rester au diapason des communautés et d'ajuster notre offre lorsqu'il est possible et pertinent de le faire. En 2014 seulement, nous avons fait plus d'une centaine de rencontres avec les représentants des communautés linguistiques minoritaires francophone et anglophone partout au pays.
Plus largement, notre engagement envers les communautés linguistiques à titre de diffuseur public est clair. Un espace pour nous tous, le plan stratégique que CBC/Radio-Canada a lancé en juin dernier, place encore une fois l'offre régionale parmi les priorités du diffuseur public. Ce plan vise à moderniser nos services pour l'avenir tout en nous permettant de continuer à respecter nos conditions de licence et nos obligations à titre de diffuseur public.
La stratégie régionale annoncée récemment est développée en fonction d'une étroite collaboration entre la CBC et Radio-Canada, et elle s'appuie sur les objectifs de ce plan. À terme, cette stratégie nous permettra de maintenir une présence et une offre régionale à moindres coûts, adaptée aux nouvelles habitudes de consommation des médias de nos auditoires, y compris les francophones et les anglophones qui vivent en milieu minoritaire. Je puis vous assurer que nous comptons poursuivre nos rencontres avec les communautés tout au long de la mise en œuvre de notre stratégie.
Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
La présidente : Je vous remercie, monsieur Lalande. La première question sera posée par la vice-présidente du comité, madame la sénatrice Fortin-Duplessis.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Je vous souhaite tous la bienvenue. Monsieur Lalande, j'aimerais vous poser une question qui concerne votre déplacement en 2013. Lors de votre comparution devant notre comité, à cette date, je vous avais posé une question sur le nombre de plaintes liées à la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Radio-Canada était à ce moment-là l'institution qui avait accumulé le plus grand nombre de plaintes. Vous m'aviez répondu que la très vaste majorité des plaintes étaient liées à un épisode particulier qui concerne Windsor. Le nombre de plaintes était minime par rapport à d'autres institutions fédérales. Depuis votre comparution, avez-vous remarqué des changements que vous jugez important de nous rapporter? Peut-être que je peux poser une deuxième question tout de suite : croyez-vous qu'il y a eu des progrès depuis?
M. Lalande : Je suis en mesure de vous dire oui. Nous avons réalisé des progrès. J'aimerais inviter Patricia à nous expliquer un peu plus en détail les leçons que nous avons tirées de l'épisode des plaintes répétées en ce qui concerne Windsor. Pour Radio-Canada, cela a été un épisode extrêmement porteur dans la façon de travailler avec les communautés. D'ailleurs, tout le processus de consultation que nous menons à l'heure actuelle est largement inspiré du travail effectué avec la communauté de Windsor afin d'améliorer le service. Je suis particulièrement fier de notre travail. Cela a été un malheureux épisode, particulièrement en ce qui concerne la communauté de Windsor. Toutefois, il faut constater aujourd'hui ce qui a été réalisé et ce que cela a apporté à notre dynamique de fonctionnement avec les communautés.
Patricia Pleszczynska, directrice générale, Services régionaux et ICI Radio-Canada Première, Radio-Canada : L'impact des compressions budgétaires sur la programmation dans la communauté de Windsor a été l'épreuve la plus difficile. Cette communauté voyait l'importance d'une programmation minimale à la radio pour assurer sa survie et pour veiller à l'implication des jeunes dans la communauté francophone.
Depuis, nous avons pris plusieurs mesures dans la région de Windsor pour rétablir la relation avec la communauté. D'ailleurs, le nouveau directeur en poste pour tout l'Ontario, Rob Renaud, s'efforce d'établir des liens étroits avec la communauté et d'être à l'écoute de ses préoccupations. Évidemment, cette programmation a été mise en place ou replacée, mais pas au même niveau qu'auparavant. Nos budgets ne sont plus ce qu'ils étaient avant 2009. Nous avons tenu compte de certaines priorités. L'émission du matin a été rétablie entre 6 heures et 9 heures. La transition s'est faite progressivement. Nous avions commencé par 5 heures par semaine, ensuite 10 heures, puis nous sommes arrivés à 15 heures par semaine. Donc, nous offrons maintenant l'émission du matin au complet à laquelle s'ajoutent maintenant des bulletins d'information jusqu'à 13 heures. La communauté de Windsor semble satisfaite de ces mesures, et nous maintenons des relations étroites avec elle pour nous assurer qu'elle soit bien servie. D'ailleurs, au cours des prochains mois, les équipements et les immeubles seront renouvelés pour assurer la pérennité de notre présence dans la région.
Par ailleurs, depuis, nous avons appris de cette expérience qui, comme le disait Louis, a été assez pénible pour la communauté, mais aussi pour Radio-Canada et les services régionaux. Dans le cadre de toutes nos démarches où nous devions envisager des changements à notre programmation en région, nous avons tenu des consultations. Au cours de la dernière année, nous avons annoncé des modifications à notre programmation télévisuelle dans certaines régions, qui font partie du virage numérique, soit une réduction du temps d'antenne du téléjournal, le renforcement de notre présence numérique et une adéquation du temps d'antenne requis pour remplir nos obligations du point de vue des conditions de licence à d'autres moments de la journée ou de la semaine. Avant de prendre ces décisions, nous avons tenu des consultations, l'automne dernier, notamment dans la grande région de l'Ontario. Puis, nous avons fait des choix pour combler nos déficits financiers en collaboration avec les membres de la communauté de chacune des provinces, notamment la Saskatchewan, le Manitoba, l'Alberta et la Colombie-Britannique.
Nous avons organisé des téléconférences et des rencontres entre notre directeur et nos chefs d'antenne et ces mêmes communautés. Nous avons discuté des changements quant à la longueur du téléjournal et des autres éléments de programmation envisagés. Nous leur avons demandé de cerner leurs priorités. Pour maintenir un téléjournal de 60 minutes, nous avons dû réduire notre présence sur le terrain.
Nous accordons la priorité à l'information pure par rapport à notre capacité d'être partenaire d'événements culturels ou de faire une programmation ponctuelle en lien avec des événements identitaires ou culturels. Les provinces doivent faire des choix. Tout en déplorant la réduction du temps d'antenne, les provinces ont demandé à ce que notre présence au téléjournal soit majoritairement locale et régionale, et à ce que nous maintenions notre capacité de faire une couverture au-delà du centre même de Winnipeg, de Regina, d'Edmonton ou de Vancouver, et notre capacité du point vue des budgets, des ressources humaines, de la programmation et de la production, afin de maintenir des partenariats qu'ils considèrent comme essentiels.
Au cours de la dernière année, plus d'une cinquantaine d'événements et de programmations spéciales, la création de partenariats, notamment dans les quatre provinces de l'Ouest, font partie des services qu'offre Radio-Canada en région.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Avez-vous reçu d'autres plaintes par la suite et y a-t-il eu de grandes améliorations?
M. Lalande : Il y aura toujours des plaintes. Il est sûr que, dans la dernière année, bon nombre de préoccupations ont été soulevées face à la situation financière de Radio-Canada. Nous l'avons d'ailleurs constaté la semaine dernière, à Moncton. Il y a une inquiétude légitime, mais il y a de nouvelles préoccupations du point de vue du service en milieu minoritaire, de la présence de Radio-Canada partout au pays, et de sa capacité à réaliser sa mission, qui est toujours la même. Cependant, le contexte a changé de façon importante.
Les gens le reconnaissent. Les gens ont une crainte de l'amplitude des choix de programmation qui leur sont offerts. Ils aiment bien Netflix, mais ils se disent que, s'ils réfléchissent un peu plus, ils ne retrouvent pas les productions originales canadiennes dans cette offre qu'ils aiment tous. Il y a donc de nouveaux éléments d'inquiétude et qui s'expriment de différentes façons.
Je ne crois pas que nous ayons reçu de plaintes formelles, mais nous y sommes très sensibles, et je crois que la période que nous vivons actuellement est particulièrement sensible. C'est pour cela que nous maintenons un rythme important de consultations pour nous assurer que nous échangeons de façon continue avec les différentes communautés.
Je suis très content du nombre de personnes qui se sont déplacées. Il y a même des gens qui ont fait un long voyage et qui tenaient à être présents à ces consultations. Il est important que les gens puissent profiter pleinement du forum que nous leur offrons.
Le sénateur Maltais : Merci, madame la présidente. Monsieur Lalande, dans votre présentation, vous dites que les Canadiens veulent se voir, s'entendre et se lire. Je vais vous parler du travail de Radio-Canada dans la province de Québec.
Si vous n'avez pas reçu de plaintes, montez à mon bureau, je vais vous en donner une caisse. Des gens nous disent carrément que la programmation de Radio-Canada dans la province de Québec s'adresse strictement à Montréal, et pas à Montréal au complet, parce que ce n'est pas tout Montréal qui y a droit; c'est le Plateau-Mont-Royal.
Je vais vous répéter ce qu'on entend dire, et je vais même vous donner des preuves. Vous vous payez une émission comme Tout le monde en parle qui dure environ trois heures pour entendre les mêmes artistes et les mêmes politiciens. Certains politiciens y sont passés tellement souvent qu'ils ont usé leur chaise.
Les gens de la Côte-Nord, du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie, du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de Québec, de Drummondville, de Saint-Hyacinthe, de Bois-Franc et des Laurentides nous disent qu'ils en ont assez.
Le Téléjournal de Radio-Canada est axé sur une copie de téléjournal américain. Je vais vous donner un autre exemple. Je suis Canadien. Est-ce que j'ai entendu qu'il y avait des élections en Alberta et à l'Île-du-Prince-Édouard? Combien de reportages ont pu m'informer que deux provinces de mon pays étaient en période électorale? Par contre, si un chat se fait écraser sur le Plateau, ou s'il y a une poubelle un peu de travers, on fait une émission en direct de 30 minutes. Ces gens que les Montréalais appellent « les provinciaux », eh bien, ils en ont soupé.
Je vais vous dire ce que ces gens répondent à la question numéro 2 qui concerne le financement :
J'espère que vous ne leur donnerez pas un sou de plus tant qu'ils ne se moderniseront pas.
Dans le cadre d'un autre comité sénatorial, des syndiqués de Radio-Canada qui font partie de l'Union des artistes ont eu le front de venir demander 200 millions de dollars. Moi, je leur ai dit : « Quelles sont les améliorations que vous pouvez apporter avec le budget que vous avez présentement? Démontrez-nous que vous êtes capables de faire quelque chose. Et si cette chose est bien faite et que la population l'accepte, il sera beaucoup plus facile de faire augmenter vos budgets. »
La même question se pose pour vous, à Radio-Canada Montréal du Plateau. Si vous voulez devenir la radio de la province de Québec, vous avez du travail à faire. Votre cote d'écoute 24 heures sur 24 est maintenant égale à celle de Radio-Québec. C'est peu dire. Pourtant, vous comptez des gens de qualité parmi votre effectif, des gens extraordinaires.
Je sais que vous avez une affiliation avec la chaîne Unis. La semaine dernière, j'ai écouté une émission qui m'a fait chaud au cœur, qui se passait dans ma province et qui a été faite à la grandeur du Canada chez les jeunes francophones. Il s'agissait de deux jeunes de Québec âgés de 16 ans, un gars et une fille, qui sont allés rencontrer des Hurons de Wendake pour leur parler de leur langue. De plus, le directeur de la banque est un homme tout à fait exceptionnel.
Savez-vous d'où vient le mot « huron »? Demandez-le à 99,99 p. 100 des Canadiens; ils vous diront qu'ils ne le savent pas. Les premiers missionnaires français ont écrit des dictionnaires, et la langue est enseignée maintenant dans les écoles. J'ai appris cela de deux enfants de 16 ans. Pensez-vous que c'est normal?
Donc, le travail que vous devez faire, à Radio-Canada, c'est une redistribution de vos ressources et une révision en profondeur de votre mandat.
M. Lalande : Merci de l'ensemble de ces commentaires. Pour reprendre votre conclusion, je dirais que c'est exactement la dynamique dans laquelle nous sommes actuellement. Je vous invite tout de même à regarder Le Téléjournal quelques fois, car il offre un regard important.
Oui, on a parlé des élections à l'Île-du-Prince-Édouard et du débat et, oui, on parle aujourd'hui des élections à Terre-Neuve-et-Labrador. D'ailleurs, Le Téléjournal de Radio-Canada a été le premier à faire une entrevue de fond avec le premier ministre de l'Alberta lorsque Le Téléjournal s'est déplacé pendant trois jours au printemps dernier en Alberta pour faire le point sur les changements que vit cette province.
À ma connaissance, c'est lors de cette entrevue que M. Prentice a accordée à Céline Galipeau qu'il a annoncé pour la première fois qu'il envisageait de faire des changements importants dans la structure financière de la province.
Je sais qu'il y a beaucoup de choses qui circulent et qui ont été accumulées, mais je pense qu'il serait important de ne pas perdre confiance en Radio-Canada. Radio-Canada évolue, et elle prend son mandat au sérieux. Les efforts que nous faisons actuellement sont tout à fait alignés afin de bien refléter le pays et le monde dans lequel nous vivons.
Je rappelle qu'au Téléjournal, nous sommes présents à Katmandou. Nous avons diffusé un reportage exceptionnel de Marie-Ève Bédard la semaine dernière qui, pour la première fois, nous montrait un passeur de réfugiés. Elle était en Turquie sur le bord de l'eau, où on voyait un bateau qui attendait les réfugiés. On avait une entrevue avec un réfugié, on avait l'ensemble des éléments pour comprendre les drames qui se déroulent dans la Méditerranée, lorsque les bateaux arrivent pleins de réfugiés.
Le sénateur Maltais : Monsieur Lalande, je vous arrête là-dessus. J'étais là il y a quatre ans, et c'était la même chose.
M. Lalande : Je vous le répète. Ne perdez pas confiance en Radio-Canada. Radio-Canada fait des efforts importants à tous les niveaux. Je veux revenir tout de même sur deux ou trois éléments, puis Patricia pourra peut-être compléter ma réponse, mais on a plusieurs reportages actuellement et des documentaires sur toute la question huronne. J'aimerais soulever à nouveau le fait que la cote d'écoute de Radio-Canada, dans l'ensemble de ses plateformes, n'est pas rendue à un minimum.
Comme certains de mes prédécesseurs l'ont dit, il n'y a pas de service public sans public. Autant à la radio, à la télé que sur les services numériques, les gens apprécient, écoutent et regardent Radio-Canada. Notre travail est de veiller à nous améliorer et à réaliser notre mandat dans les conditions dans lesquelles nous sommes, mais je vous dis que nous y mettons beaucoup d'efforts et que nous travaillons sérieusement à améliorer l'ensemble des émissions et de la performance des programmations que nous offrons.
Mme Pleszczynska : Merci, Louis. Bien sûr, il y a toujours place à l'amélioration, mais il serait faux de passer sous silence toute la programmation qui se fait et qui, effectivement, est non seulement rassembleuse, mais remplie d'information et de découvertes sur l'ensemble du pays, que ce soit sur le plan des émissions en direct ou des documentaires que nous avons diffusés ou que nous sommes en train de préparer pour une diffusion subséquente.
Ce sont des séries documentaires qui sont faites de plus en plus en collaboration avec nos collègues des trois chaînes spécialisées, ICI RDI, ICI ARTV et ICI EXPLORA, pour que chaque dollar dépensé soit maximisé, mais aussi pour veiller à ce que la programmation sous forme de documentaire soit disponible pour l'ensemble des auditoires de l'ensemble de nos chaînes.
Je vous donnerai tout simplement quelques exemples de projets en préparation ou qui ont été diffusés. Une série de documentaires sur les francophones des quatre provinces de l'Ouest; un documentaire intitulé Fransaskois, un autre qui parle des francophones en Alberta, le Franco-Boom en Alberta, et un suivi qui est celui de la problématique des francophones acadiens qui se retrouvent à Fort McMurray et qui délaissent une province et des communautés qui sont sans pères de famille, sans fils, et sans frères les pour enrichir.
Il y a à peu près une centaine d'heures de documentaires qui sont faites par les équipes partout au pays, et par des producteurs indépendants d'un bout à l'autre du pays qui nous permettent d'enrichir les connaissances par l'expérience partagée.
Vous parliez des Hurons. Je ne sais pas si vous avez entendu parler d'un documentaire que nous avons produit en collaboration avec les élèves de l'école Étienne-Brûlé, à Toronto, sur l'histoire d'Étienne Brûlé, les liens entre les communautés autochtones dans la grande région de Toronto et les Hurons de Québec, les liens qui se sont forgés et la façon dont l'histoire s'est déployée.
Il y a beaucoup de contenu. Il est impossible que tout le monde puisse voir et entendre tout ce que fait Radio- Canada. La plupart des gens vont entendre ou consulter une infime partie de ce que Radio-Canada produit. C'est malheureux si on ne réussit pas, avec toute la programmation qui est faite en région et au réseau, et conjointement en collaboration entre les équipes régionales et les émissions réseau, de voir le changement qui est en train de s'effectuer. C'est dommage si c'est le cas, mais nous y travaillons.
La semaine dernière, notre émission radiophonique nationale de l'après-midi avec Patrick Masbourian s'est déplacée en Acadie, justement lors du Festival Frye pour témoigner de ce qui se passe en Acadie. Tout récemment, nos émissions s'étaient déplacées à Québec et au Saguenay, précédemment en Saskatchewan et en Alberta. Donc, nos émissions nationales, même si elles sont produites à partir de Montréal, se déplacent sur les lieux, à la radio comme à la télévision. Dans certains cas, une émission comme La petite séduction fera découvrir de très petites collectivités dont personne n'aurait entendu parler, ou permettra de rencontrer des gens qui ne seraient pas apparus à la télévision et qui sont présentés à la télévision nationale. Il y a plusieurs expériences de cette nature. Le travail n'est pas fini. Il y a eu beaucoup d'améliorations depuis quelques années, mais il reste beaucoup à faire encore et, cela, on vous le concède.
La sénatrice Chaput : Je vais prendre trois aspects de certaines conditions qui vous ont été imposées par le CRTC lors du renouvellement de vos licences. Vous en avez soulevé un, d'ailleurs, dans votre présentation; les consultations. Je ne vous questionnerai pas à ce sujet, puisque notre temps est limité. Par contre, j'aimerais aborder le reflet régional et votre collaboration avec les maisons de production indépendantes en milieu minoritaire.
Quant au reflet régional, à l'avenir des stations régionales, si je puis le dire ainsi, votre stratégie par rapport à ce point est-elle liée à la refonte de vos sites web régionaux, comme vous l'avez mentionné? Combien y a-t-il de ces sites web régionaux au Canada? Quel a été le coût de la refonte de ces sites web régionaux? Comment allez-vous les maintenir et vous assurer d'être avant-gardistes par rapport aux nouvelles technologies qui apparaîtront? C'est un moyen de rejoindre les jeunes, et il est important de rejoindre la jeunesse.
Voilà mes questions au sujet du reflet régional sur les sites web régionaux.
M. Lalande : Je vais demander à Mme Pleszczynska de vous éclairer sur les investissements et la stratégie numérique.
La sénatrice Chaput : Et le nombre.
M. Lalande : Et le nombre. Je vais ensuite poursuivre sur l'investissement lié aux autres secteurs de programmation et de production externe.
Mme Pleszczynska : Dans chacune de nos grandes régions, la Colombie-Britannique, le Yukon représentent une région, l'Alberta représente une région, de même que la Saskatchewan, le Manitoba et l'Ontario. Nous avons donc plusieurs sites web. Ainsi, Ottawa a son site web ou sa stratégie numérique, de même que Toronto, et le Nord de l'Ontario. Nous sommes en train de faire une refonte en consultation, et une réflexion afin de déterminer si ce qui existe présentement comme service numérique pour l'Ontario nord-sud, séparé de l'est, est suffisant, ou si nous devons scinder les deux et offrir un service pour le Nord de l'Ontario, et rassembler le Sud et le sud-ouest de l'Ontario.
La sénatrice Chaput : D'après vous, combien de sites web sont en train d'être développés ou vont l'être au Canada?
Mme Pleszczynska : Il y a 13 services numériques présentement. Je vous dirais que, pour ajouter à ce qui existe déjà, comme je viens de le dire, nous sommes en train de réfléchir à une meilleure façon de servir le Nord de l'Ontario par rapport au Sud. La grande région de Toronto est tellement immense, et sa réalité tellement différente de celle de Sudbury et du Nord de l'Ontario, que nous sommes en train de trouver des façons de scinder ou d'ajouter du contenu pour mieux servir en proximité le Nord de l'Ontario.
C'est la même chose pour l'Acadie. À l'heure actuelle, nous avons un service numérique pour l'ensemble des quatre provinces de l'Atlantique. C'est intéressant, parce que lors de la conversation que nous avons eue avec les associations et les citoyens la semaine dernière, nous avons constaté un peu d'intérêt pour une plus grande présence, peut-être une plus grande distinction entre les quatre provinces de l'Atlantique. Cependant, je vous dirais que la grande majorité des gens qui nous ont parlé voit un besoin de maintenir une association de contenus acadiens pour favoriser et protéger l'identité acadienne. Nous allons voir de quelle façon nous pourrons assurer une cohésion de l'offre acadienne tout en donnant de l'information plus spécifique et de proximité pour les quatre provinces de l'Acadie. Ce travail se fera d'ici quelques mois.
La sénatrice Chaput : Qui va s'assurer de préparer et de produire l'information locale ou régionale?
Mme Pleszczynska : Ce sont les journalistes. En fait, c'est l'ensemble de la station qui y participe. Nous avons certaines ressources consacrées au contenu numérique, mais la plupart de nos journalistes dans nos stations régionales travaillent sur plusieurs plateformes pendant qu'ils assurent la couverture et font leur travail de journaliste. Ils préparent autant du contenu pour la radio, pour la télévision que pour le service numérique.
En novembre dernier, nous avons mis en place ce processus, et il se terminera l'automne prochain. Il s'agit d'une façon de faire en sorte que le travail de réfection et de réorganisation de nos sites numériques soit adaptable à chaque plateforme. Si vous visitez le site d'Ottawa ou de Winnipeg ou du Manitoba, où le travail est déjà terminé, que vous soyez sur votre poste de travail au bureau ou sur votre appareil mobile ou votre iPad, le même site s'adaptera automatiquement au contenu selon la taille de l'écran. Il s'agit d'une économie pour nous, parce que cela nous permet de ne pas avoir à gérer des sites distincts pour chacune des plateformes. Au fur et à mesure qu'il y aura de nouvelles technologies, chacun de ces écrans pourra déjà recevoir l'ensemble de l'information contenue dans notre service numérique.
La sénatrice Chaput : Combien avez-vous de journalistes au Canada qui s'occupent de fournir l'information? Tous ces sites ou les services numériques sont-ils offerts dans les deux langues officielles; en français et en anglais?
Mme Pleszczynska : Chacun des services, la CBC et Radio-Canada, a son propre service numérique.
La sénatrice Chaput : Alors, c'est séparé?
Mme Pleszczynska : Ce ne sont pas des sites bilingues. Ils sont le reflet de leurs communautés, et la façon de les servir est nécessairement différente. Nous avons travaillé de très près avec l'équipe de Jennifer McGuire, dont Shelagh et moi faisons partie, et les gens qui ont travaillé depuis presque un an à élaborer cette stratégie numérique. Nous travaillons de très près, nous avons les mêmes critères et les mêmes valeurs, mais nous valorisons la symétrie, non seulement entre certaines régions, mais aussi entre les services français et anglais, selon la stratégie appropriée pour servir ces communautés.
La sénatrice Chaput : Combien y a-t-il de journalistes, et combien y a-t-il de sites bilingues et non bilingues?
Mme Pleszczynska : Je vous l'ai dit : il y en a 13 pour le moment.
La sénatrice Chaput : Je comprends, mais ils sont en quelle langue?
Mme Pleszczynska : Francophones.
La sénatrice Chaput : Il n'y en a pas en anglais?
Mme Pleszczynska : Madame pourra répondre pour l'anglais. Quant aux journalistes, nous en avons déjà donné la liste au comité précédemment. Je ne pourrais pas vous donner le chiffre.
La sénatrice Chaput : On a cela quelque part.
Mme Pleszczynska : Vous l'avez. Nous avions fourni cette liste il y a plusieurs mois. Je vous dirais une chose : c'est une question qui paraît simple, mais qui ne l'est pas.
La sénatrice Chaput : J'en suis sûre.
Mme Pleszczynska : En effet, si nous voulons établir des comparaisons entre la CBC et Radio-Canada, il faut tenir compte de la différence que certains de nos syndicats donnent à certains types d'emploi. Si nous parlons de reporters ou de journalistes qui vont sur le terrain, nous parlons de certains bassins de journalistes qui travaillent pour les services français ou anglais. Cependant, il y a aussi des réalisateurs, des animateurs, des pupitres et des affectateurs. Il y a un bassin de journalistes dans chacune de nos stations dont le mandat premier est de voir à offrir un service de proximité à la radio, à la télévision et sur le plan numérique, parce que nos équipes sont intégrées.
La sénatrice Chaput : Pour arriver à démontrer que CBC/Radio-Canada fait le travail qu'elle doit faire en fonction de sa mission et de ses conditions, il faut arriver avec des réponses que le commun des mortels peut comprendre. Sinon, on n'arrivera pas à démontrer qu'il y a non seulement un besoin, mais une réalité qui ne peut être desservie que par vous. C'est pourquoi je pose ces questions. Je comprends que c'est difficile, mais il faut arriver à ce genre de réponse.
Mme Pleszczynska : Le nombre de journalistes, nous vous l'avons fourni. Si la question porte sur l'ensemble des employés en région, on peut aussi vous le fournir, parce que ces nombres sont disponibles.
La sénatrice Chaput : Vous pourriez peut-être faire parvenir ces chiffres au greffier du comité?
Mme Pleszczynska : Si la question porte sur le nombre total d'employés en région, il est possible pour nous de vous les fournir, bien entendu.
La sénatrice Chaput : Il est difficile pour nous de déterminer s'il y a des coupes, des pertes, où elles ont eu lieu, si le mandat est bien rempli et de quelle façon. Il est très difficile de défendre ce qui se fait. C'est pourquoi je pose ces questions.
Madame Kinch, qu'en est-il des anglophones du Québec?
[Traduction]
J'aimerais savoir combien de sites numériques vous avez en anglais au Québec?
Shelagh Kinch, directrice principale des Services anglais au Québec, Radio-Canada : À l'heure actuelle, nous en avons un et il est à Montréal.
La sénatrice Chaput : Prévoyez-vous en avoir plus qu'un?
Mme Kinch : Pas pour le moment. Nous desservons notre communauté par l'entremise de notre bureau de Québec. Il diffuse des nouvelles que nous affichons sur notre site web.
Fait intéressant, on constate que la plupart de nos utilisateurs prennent contact avec nous par l'entremise des médias sociaux plutôt qu'en visitant directement notre site web. C'est donc de cette façon que nous diffusons bon nombre de nos nouvelles et de notre contenu à notre auditoire.
La sénatrice Chaput : Et c'est seulement en anglais?
Mme Kinch : Oui, c'est en anglais seulement.
[Français]
La sénatrice Chaput : Monsieur Lalande, pour la dernière question à ce sujet?
M. Lalande : Cela tombe bien, parce que je sais que vous cherchez des réponses précises. Je me réfère à nos nouvelles conditions de licence où le CRTC, à la suite de l'ensemble des discussions que nous avons eues, a émis une condition sur l'investissement en région, donc en production indépendante pour soutenir l'infrastructure de production indépendante.
La sénatrice Chaput : Oui, c'était ma prochaine question.
M. Lalande : Il s'agit de 6 p. 100 du budget total de programmation qui doit être investi chez des producteurs indépendants.
La sénatrice Chaput : En situation minoritaire?
M. Lalande : Oui, francophone. Il y a là une condition très précise; 6 p. 100, cela ne semble pas énorme, mais c'est une somme importante. Même les producteurs avec lesquels nous travaillons perçoivent l'ampleur de cette condition. À travers cela, il y a une série d'initiatives de programmation — autant locale que régionale et qu'en réseau — qui, d'une part, assurent un meilleur reflet, et deuxièmement — et j'insiste sur cela —, font progresser le tissu et l'industrie de production indépendante francophone hors Montréal et hors Québec qui n'existait pas il y a quelques années.
Des exemples frappants de cela sont les suivants : pendant une dizaine d'années, les producteurs indépendants à l'extérieur du Québec ont beaucoup œuvré dans le domaine du documentaire, et on leur a lancé le défi d'aborder d'autres volets. C'est ainsi que les producteurs ont commencé à toucher le domaine dramatique, qui est important à Radio-Canada, car l'œuvre dramatique est très appréciée de l'auditoire francophone. À l'antenne nationale de Radio- Canada, au réseau, il y a maintenant deux séries dramatiques à l'affiche produites par des producteurs indépendants de l'extérieur du milieu de production de Montréal. C'est pour nous une évolution positive; pour l'ensemble des producteurs indépendants, c'est quelque chose d'important. Troisièmement, le CRTC a bien pris note de cela en donnant un cadre qui favorise cette évolution.
La sénatrice Chaput : Quant à la refonte des sites web...
La présidente : Ce sera la dernière question.
La sénatrice Chaput : Je vous demande une réponse très brève, si possible, monsieur Lalande. Quant à la refonte des sites web régionaux, avez-vous un chiffre à l'appui? Y a-t-il des coûts qui y sont liés, ou est-ce que c'est tiré de...
M. Lalande : L'essentiel est lié à la réorganisation des tâches. Il y a eu un petit investissement, mais c'est un investissement ponctuel à des endroits où il était nécessaire de le faire.
[Traduction]
La sénatrice Seidman : Monsieur Lalande, vous avez parlé de l'importance des services régionaux, surtout dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire qui comptent le plus sur vos programmes. Vous soulignez à juste titre le million d'anglophones qui vit au Québec. Il se concentre principalement à Montréal et à Québec, mais on en trouve également dans l'ensemble de la province, dans des collectivités tout à fait diverses et isolées.
Vous avez indiqué l'année dernière que vous aviez tenu des consultations assez soutenues auprès des collectivités anglophones du Québec directement et auprès de représentants de groupes communautaires. Il nous serait très utile d'entendre quels étaient les principaux enjeux qui ont été soulevés au cours de ces consultations et quels sont les mécanismes en place pour mettre à profit ce dialogue continu afin de s'assurer que cela soit régulièrement mis à jour.
Mme Kinch : Je peux répondre à cette question. J'espère que ça ne vous dérange pas.
Oui, nous tenons des consultations continues avec notre communauté. Nous rassemblons régulièrement des groupes qui représentent les collectivités anglophones de toute la province. Nous entendons toujours la même chose, à savoir que nous n'offrons pas suffisamment de programmation et que les gens ne se voient pas refléter comme ils devraient l'être sur notre réseau.
Nous faisons de notre mieux. Nous avons une journaliste itinérante qui se déplace partout dans la province. Aujourd'hui elle est en route vers Gaspé. Je peux vous dire qu'au cours de la dernière année, elle s'est rendue à Trois- Rivières, à Whapmagoostui, Lac-Mégantic, Rimouski, dans la Beauce, à Saint-Élie de Caxton, dans Portneuf, à Shefferville, au Parc de la Gaspésie. C'est de cette façon que nous desservons cette communauté en ce moment, ainsi que par l'entremise de notre bureau de Québec, grâce à notre programmation d'actualité d'affaires le matin et l'après- midi. Mais ils en veulent davantage, et c'est quelque chose que je comprends.
Lorsque nous avons participé aux dernières consultations du CRTC, David Johnston du Commissariat aux langues officielles nous a suggéré l'idée d'envoyer des pigistes dans les régions de toute la province afin qu'ils puissent contribuer à notre programmation. C'est une possibilité; c'est quelque chose que l'on peut envisager.
En outre, nous avons aussi un vidéojournaliste à notre bureau de Sherbrooke. Nous y avons un droit de diffusion, et c'est pourquoi nous avons ajouté un vidéojournaliste afin de diffuser davantage l'actualité auprès de la communauté anglophone des Cantons de l'Est.
La sénatrice Seidman : Quels ont été les principaux enjeux cernés dans votre consultation?
Mme Kinch : Le plus grand enjeu, c'est de savoir pourquoi les gens ne se voient pas refléter autant qu'ils le devraient dans notre réseau. C'est ce qui a été soulevé. C'est autour de cela que la conservation était articulée.
La sénatrice Seidman : Vous dites que vous organisez des réunions dans différents endroits, dans différentes régions de la province. S'agit-il là de quelque chose de régulier et en cours actuellement? Disposez-vous d'un type de mécanisme ou de structure, un processus de rétroaction qui vous permettent d'avoir un dialogue continu?
Mme Kinch : Oui, c'est le cas. Il y a la consultation publique que nous effectuons tous les deux ans en vertu de nos conditions de licence. La dernière a eu lieu en février.
Nous tentons aussi de procéder à quatre consultations par an. Laissez-moi vous donner un exemple de ce que nous avons fait l'année dernière. Nous avons rencontré la jeune communauté d'affaires de Montréal. Nous avons rassemblé une dizaine ou une quinzaine de personnes afin qu'elles puissent nous rencontrer et nous dire ce qu'elles pensaient de notre programmation.
Ces gens ont eu d'excellentes choses à dire sur ce que nous diffusons dans l'environnement numérique et nous ont donné d'excellentes idées, et c'est d'ailleurs de là que nous est venue l'idée de notre hackathon. Ils nous ont dit qu'ils pensaient que Radio-Canada devrait leur être plus ouverte, et c'est la raison pour laquelle nous leur avons demandé de nous dire comment y parvenir. On les a fait venir, on a organisé un hackathon et ils nous ont proposé des solutions intéressantes que nous examinons actuellement.
Nous avons aussi rencontré les producteurs indépendants, divers membres de petits groupes communautaires. Le Québec Community Groups Network a des bureaux partout dans la province et c'est un réseau que nous aimerions rencontrer chaque année.
La sénatrice Seidman : Vous disposez d'un mécanisme d'évaluation intégré.
Mme Kinch : C'est le cas.
La sénatrice Seidman : En raison des changements démographiques, comme vous l'avez indiqué, vous avez de plus en plus de jeunes. L'idée serait de leur permettre de voir Radio-Canada comme plus pertinente pour eux.
Mme Kinch : Absolument. Il est immensément important pour nous qu'ils voient ce qu'il en est de Radio-Canada et ce que nous avons à leur offrir, car c'est notre avenir. Nous faisons donc des efforts particuliers pour entrer en contact avec un auditoire plus jeune.
[Français]
Le sénateur McIntyre : Monsieur Lalande, madame Pleszczynska, la Cour fédérale a fait paraître, en septembre dernier, sa décision concernant l'affaire Windsor. J'ai appris, un mois plus tard, que le radiodiffuseur avait décidé de porter cette décision en appel. Lors de l'audition des parties, qui a eu lieu le 15 avril dernier, le radiodiffuseur a demandé que la décision de la Cour fédérale soit annulée, et la requête a été prise en délibéré.
Je crois que c'est un peu regrettable, parce que, dans sa décision, le juge a confirmé que le radiodiffuseur public devait respecter la Loi sur les langues officielles. Il a aussi reconnu que le commissaire aux langues officielles pouvait faire enquête sur les plaintes reçues à l'égard de la SRC.
Pouvez-vous résumer la position que vous avez présentée devant la Cour fédérale d'appel le mois dernier?
M. Lalande : Je ne m'avancerai pas à participer à ce débat qui est en cours, mais je voudrais ajouter un élément à ce que vous venez de dire. Le juge reconnaît aussi la juridiction du CRTC envers Radio-Canada. Il s'agit donc d'un débat juridique, et je pense qu'il faut laisser la cour trancher sur ces éléments.
Personnellement, je crois qu'il est probablement nécessaire qu'une orientation soit donnée quant à cela. Cependant, je trouve un peu triste le fait qu'il y ait un débat sur une chose fondamentale comme celle-là, c'est-à-dire concernant la juridiction sur deux lois qui gouvernent un organisme. À ce sujet, je pense qu'il est sage de laisser la cour trancher le débat. Ce que je souhaite, c'est que les choses se clarifient afin que l'on puisse travailler tous ensemble à veiller à ce que, premièrement, la Loi sur les langues officielles soit respectée et, deuxièmement, à ce que le mandat de la Société Radio- Canada, qui relève de la Loi sur la radiodiffusion, soit soutenu et que, au CRTC, qui nous régit, tout le monde puisse avoir les idées claires sur ce qu'il y a à faire.
Entre-temps, je peux vous assurer que rien ne nous empêche de poursuivre notre travail. Vous constatez les efforts que nous faisons pour être en mesure d'offrir les services essentiels nécessaires qui nous sont impartis dans le mandat de Radio-Canada, dans les circonstances et dans l'environnement budgétaire que nous avons.
Le sénateur McIntyre : Dans ces circonstances, nous allons attendre avec intérêt et impatience la décision de la Cour fédérale en appel.
[Traduction]
Madame Kinch, je comprends que vous êtes responsable des services en anglais de Radio-Canada à Montréal et Québec.
Mme Kinch : Oui.
Le sénateur McIntyre : Radio-Canada exploite des chaînes de radio et de télévision à Montréal. J'ai cru comprendre qu'elle exploite aussi une station de radio à Québec. Il y a deux émissions qui me viennent à l'esprit : Breakaway et Quebec AM. J'ai cru comprendre aussi que ces émissions sont les deux seules à desservir les collectivités anglophones. Ces émissions suscitent-elles un intérêt significatif de la part des anglophones?
Mme Kinch : Oui, absolument, mais il ne s'agit pas des seules émissions que nous avons pour desservir l'ensemble de la province. Radio Noon est notre émission montréalaise qui est diffusée tous les jours à midi partout dans la province. All in a Weekend est notre émission que l'on diffuse de 6 heures à 9 heures les fins de semaine, les samedis et les dimanches.
Le sénateur McIntyre : Je comprends en outre que Radio-Canada Québec rencontre régulièrement des groupes communautaires comme le Quebec Community Groups Networks et participe aussi à des événements communautaires comme Townshippers' Day. Pouvez-vous nous parler un peu plus de cela?
Mme Kinch : Me demandez-vous ce que nous faisons avec ces groupes?
Le sénateur McIntyre : Oui, et la consultation publique qui y est associée ainsi que la rétroaction du public.
Mme Kinch : Ce que nous faisons avec la Townshippers' Association c'est que nous y installons relativement régulièrement un kiosque, afin d'y assurer une présence pendant le jour pour rencontrer le public sur place et interagir avec celui-ci en lui parlant de ce que nous faisons. Nous organisons aussi l'événement. Nous envoyons l'un de nos animateurs pour participer à l'événement.
Cette année, dans le cadre de notre participation à la Townshippers' Association, nous prenons part à l'initiative intitulée Make Way for YOUth. C'est un programme qui vise à contrer l'exode des jeunes des Cantons de l'Est, et c'est pourquoi nous établissons des partenariats avec eux, dans le cadre de ce programme, sur les trois prochaines années.
Je ne sais pas si vous connaissez l'English Language Arts Network, mais c'est aussi un de nos partenaires. Ce groupe organise un festival d'été intitulé Arts Alive! dans le cadre duquel on se rend dans des communautés anglophones de partout dans la province. Nous serons en partenariat avec ce groupe pour six de ces collectivités. Nous allons les y accompagner afin d'établir un certain contact avec la collectivité en question.
Ce que nous faisons aussi lorsque nous allons dans ce genre d'endroits, c'est que nous diffusons dans nos émissions du contenu qui les concerne, afin qu'ils puissent se retrouver dans notre programmation.
[Français]
La présidente : Avant de passer au deuxième tour de questions avec la sénatrice Chaput, j'aimerais vous poser une question.
Cinq des recommandations formulées par le comité sénatorial dans le cadre de son étude sur CBC/Radio-Canada et ses obligations linguistiques ciblaient son conseil d'administration.
Malheureusement, les réponses que nous avons reçues étaient plutôt vagues, et il n'y a pas eu d'engagement précis par rapport aux recommandations. Cependant, j'aimerais revenir sur l'une des recommandations que nous avons énoncées dans le rapport, soit que CBC/Radio-Canada démontre comment sa culture organisationnelle a tenu compte des réalités et des défis propres aux communautés de langues officielles en situation minoritaire. Pouvez-vous nous indiquer quelles mesures concrètes ont été prises au cours de la dernière année pour répondre à cette recommandation?
M. Lalande : J'aimerais remonter un peu plus loin que la dernière année. Au niveau des Services français, depuis quelques années, le groupe des Services régionaux a pris un engagement important en créant le groupe des Services régionaux pour s'assurer que l'ensemble des efforts et des ressources en région — que ce soit la télévision, la radio, l'information ou les services numériques — puisse être organisé de la façon la plus optimale afin de maintenir et d'offrir un service qui évolue au diapason de l'évolution de la population. Du point de vue organisationnel, cette structure n'existait pas auparavant; il s'agit donc d'un pas important.
J'ai assumé la première partie de cette réforme moi-même pour ensuite transmettre la responsabilité de poursuivre cette dynamique à Patricia. Je crois fondamentalement que cette réforme place Radio-Canada en meilleure posture afin de faire évoluer ses services, particulièrement en région.
Mme Pleszczynska : Dans les communautés de l'ouest du pays, on constate une grande transformation en ce qui concerne l'immigration. Ces nouveaux francophones et francophiles renouvellent et augmentent le nombre de francophones dans ces régions. Les auditeurs de cette région veulent non seulement être à proximité et avoir de la programmation de proximité, mais ils veulent également s'entendre entre eux dans la grande région de l'Ouest qui n'en est pas vraiment une. Nous avons donc mis en place de nouvelles structures au sein de notre organisation pour qu'une personne soit responsable de l'éditorial pour les quatre provinces de l'Ouest, soit une personne qui chapeaute les enjeux éditoriaux, naturellement, et qui est sur place dans chacune de nos stations pour en témoigner, mais aussi pour être responsable des équipes. Ceci nous permet de porter davantage d'attention aux enjeux des communautés francophones de l'Ouest.
C'est la même chose en ce qui concerne la programmation hors info; une personne s'occupe de l'ensemble des quatre provinces pour s'assurer d'une certaine équité et d'un équilibre, car l'un des enjeux qui reviennent constamment lors de nos consultations, c'est le besoin d'initiatives pour s'assurer que la jeunesse francophone continue de vivre en français et s'alimente en français à travers Radio-Canada. On veut des initiatives dans toutes les régions, d'une province à l'autre, même en Ontario maintenant, des initiatives telles que l'émission consacrée aux jeunes de 6 à 12 ans intitulée On y va, qui est maintenant diffusée le dimanche matin. Il s'agit d'une initiative locale à Edmonton qui s'est poursuivie et qui est devenue une émission diffusée à travers le réseau.
M. Lalande : J'aimerais vous parler d'un autre volet de cette transformation organisationnelle. Au fur et à mesure des investissements que Radio-Canada fait dans chacune des régions, on modernise les anciens concepts de stations de radio et de stations de télé en des centres multimédias tout à fait modernes. Le tout nouveau centre multimédia de Moncton ouvrira ses portes en juin prochain. Je vous y invite, d'ailleurs, si vous passez par Moncton. Ce centre est tout à fait adapté aux nouvelles réalités auxquelles nous faisons face. Nous avons un deuxième centre à Sudbury. Il s'agit d'un centre qui était des plus désuets qui a non seulement été déménagé, mais aussi doté d'équipements modernes, ce qui fera en sorte que la radio, la télé et le numérique pourront travailler de façon dynamique. Les employés seront mieux entourés, mieux guidés dans cette mission de refléter ce qui se passe dans leur communauté.
Mme Pleszczynska : Un dernier point?
La présidente : Le temps file trop rapidement.
Mme Pleszczynska : Rapidement, j'aimerais ajouter que le contenu est essentiel. Les histoires qu'on doit raconter sont essentielles. Tout le travail s'est fait, depuis quelques années, de sorte que nos modèles de production soient les plus efficients possible, justement pour aller sur le terrain et raconter les histoires.
La sénatrice Chaput : Ma question concerne la troisième recommandation de notre comité et traite de la collaboration entre les réseaux français et anglais. J'aimerais que vous nous fournissiez des exemples concrets de collaboration qui font partie de votre stratégie pour que CBC/Radio-Canada reflète vraiment le Canada tel qu'il est et sa dualité linguistique. Par exemple, vous procédez à la refonte de vos sites web régionaux, vous parlez de services numériques; avez-vous une stratégie qui ferait en sorte que, une fois pour toutes, partout au Canada, on aurait des sites numériques dans les deux langues officielles, et non pas uniquement dans une langue dans un coin du pays et uniquement dans l'autre langue dans l'autre coin du pays?
La présidente : Pourriez-vous nous transmettre cette information par écrit? Ce serait apprécié.
M. Lalande : D'accord.
Le sénateur Maltais : Monsieur Lalande, un comité des Amis de Radio-Canada avait été créé. Nous avons vu leurs publicités, ils ont loué un théâtre et les artistes ont donné leur cachet. Vous ont-ils remis l'argent?
M. Lalande : Non.
Le sénateur Maltais : Qu'ont-ils fait avec cet argent?
M. Lalande : Je ne sais pas. Il faut le leur demander.
Le sénateur Maltais : Ont-ils payé la publicité à la radio et à la télévision de Radio-Canada? Ils ont fait de la publicité durant une semaine.
M. Lalande : Je vais m'informer.
Le sénateur Maltais : Pouvez-vous nous donner une réponse? Ils ont fait cela au nom de Radio-Canada. J'imagine que, lorsqu'on se sert du nom d'une entreprise comme Radio-Canada, si on fait des gains, on doit remettre l'argent.
M. Lalande : Je vous invite à poser la question aux organisateurs.
Le sénateur Maltais : On n'arrive pas à les trouver.
M. Lalande : Je suis le mauvais intervenant, je dirais.
Le sénateur Maltais : Merci.
La présidente : J'aimerais remercier nos invités de ce soir, M. Louis Lalande, Mme Pleszczynska et Mme Kinch, d'avoir comparu devant nous. Je tiens à réitérer l'importance de notre radiodiffuseur public pour les communautés de langue officielle, les francophones en milieu minoritaire et la communauté anglophone au Québec. Vous êtes une voix importante. Je sais que vous subissez des compressions budgétaires; nous n'en avons pas discuté, mais 1 500 postes seront abolis d'ici 2020, selon ce que vous annoncez. Malgré tout cela, je tiens à vous rappeler vos obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles et de la Loi sur la radiodiffusion. Merci à vous tous.
Passons maintenant au deuxième groupe de témoins. Il y a quelque temps, j'ai reçu une lettre de la part du président de la Société Santé en français, le Dr Aurel Schofield, qui demandait de comparaître devant notre comité afin de rendre compte des progrès accomplis dans le cadre de la feuille de route dans le domaine des soins et services de santé destinés aux francophones en situation minoritaire. Le Sous-comité du programme et de la procédure a accepté sa demande.
J'aimerais donc souhaiter la bienvenue au Dr Aurel Schofield ainsi qu'à M. Michel Tremblay, tous deux de la Société Santé en français. Nous sommes très heureux de vous accueillir.
J'invite le Dr Schofield à faire sa présentation, et par la suite, les sénateurs poseront leurs questions.
Dr Aurel Schofield, président, Société Santé en français : Merci, madame la présidente, et membres du comité. En tant que président de la Société Santé en français, je vous remercie de nous accorder ce temps précieux. Nous savons que vous êtes très occupés.
Comme vous l'avez dit, je suis accompagné de M. Michel Tremblay, directeur général de la société. Nous sommes ici pour vous parler du dossier de la Société Santé en français par rapport à l'étude que vous faites sur l'application de la Loi sur les langues officielles.
Notre but aujourd'hui est de vous expliquer notre rôle en tant que regroupement national visant l'amélioration de l'accès aux services de santé pour les francophones en situation minoritaire. Nous voulons également obtenir votre appui pour l'avenir. Nous vous présenterons des exemples de projets d'envergure que nous entreprenons à cette fin, grâce au financement que nous accorde le gouvernement du Canada par l'entremise du Programme de contribution pour les langues officielles en santé de Santé Canada.
La Société Santé en français est un organisme pancanadien composé d'un secrétariat national et de 16 réseaux régionaux, provinciaux et territoriaux qui œuvrent au sein des communautés acadienne et francophones à travers le pays, à l'exception du Québec.
Chef de file en réseautage, la société a réussi, dans les provinces et territoires, à créer et à maintenir des liens avec les décideurs politiques, les professionnels de la santé et leurs associations, les gestionnaires de la santé, les prestataires de services et de soins de santé, ainsi que les établissements de formation en matière de santé. Ainsi, les besoins des francophones des communautés de langue officielle en situation minoritaire sont au cœur de l'action. Je pourrais même dire qu'ils ne passent pas inaperçus pour le gouvernement, ce qui n'était pas le cas il y a quelques années.
La raison d'être de la société demeure et restera toujours l'amélioration de la santé de nos communautés acadienne et francophones vivant en milieu minoritaire, et ce, afin de réduire les iniquités et les disparités au sein des systèmes de santé qui se doivent d'être respectueux des valeurs culturelles, sociales et linguistiques.
Pourquoi est-ce si important? Tout simplement parce qu'un meilleur état de santé renforce la vitalité de nos communautés de langue officielle en milieu minoritaire. Comment encourageons-nous cette amélioration? Nous le faisons par la mobilisation des partenaires sur le terrain qui travaillent en collaboration, partagent des objectifs communs et apportent des projets structurants qui répondent à de réels besoins.
À Winnipeg, la Dre Sarah Bowen, une chercheuse canadienne, a effectué des recherches basées sur des données probantes quant aux barrières linguistiques liées à l'accès. Elle a clairement démontré qu'une mauvaise communication peut provoquer des effets négatifs liés à la qualité des services, à la sécurité des patients et au mieux-être des communautés. D'autres études américaines ont aussi démontré que les barrières linguistiques à l'accès augmentent les coûts liés au système de santé.
Après 15 ans d'existence, voilà que la société a fait ses preuves et est bien placée pour cerner les besoins, mobiliser les partenaires sur le terrain et trouver des moyens efficaces pour assurer un accès amélioré aux programmes et aux services de santé en français de qualité.
Nous avons quatre champs d'action prioritaires que je vais vous décrire brièvement, avec exemples à l'appui. D'abord, il y a l'organisation et l'adaptation des services offerts en français. Ces services se doivent d'être adaptés aux réalités de nos communautés minoritaires des neuf provinces et des trois territoires.
Parmi de nombreuses actions, prenons l'exemple de deux projets entamés entre 2011 et 2013, visant à améliorer la santé des personnes âgées francophones. À l'Île-du-Prince-Édouard, un projet a mené directement à l'ouverture de deux « maisonnées » bilingues de 13 lits chacune, dans un centre d'hébergement de soins de longue durée à Summerside, en voie de rénovation. Les personnes âgées ont été regroupées et reçoivent des services dans leur langue. Ces « maisonnées » sont le fruit d'une étroite collaboration entre le réseau des services en français de l'Île-du-Prince- Édouard, Santé Île-du-Prince-Édouard, et le gouvernement de la province.
Au Manitoba, Santé en français Manitoba, en collaboration avec les partenaires du système de santé de cette province, a développé un plan d'action pour trouver des solutions aux écarts qui existaient entre les services disponibles et les besoins de la clientèle francophone âgée des quartiers de Saint-Boniface et de Saint-Vital, à Winnipeg. Un autre résultat de ce projet a été la mise en place d'un guide rédigé à l'intention des gestionnaires des établissements de soins de longue durée, qui énoncent les pratiques à mettre en place, que ce soit de nouvelles approches de recrutement ou d'affectation des professionnels ou de nouvelles façons d'organiser les horaires ou de regrouper les services. En partageant ce guide avec tous nos réseaux, ce projet à lui seul servira au bénéfice de milliers et de milliers de francophones à travers le pays qui seront hébergés dans les établissements de soins de longue durée.
Voici une autre histoire à succès, celle-ci très récente. En novembre 2012, la société a lancé document intitulé Orientations en santé mentale en français, dans lequel on proposait des moyens pour assurer la qualité des services de santé mentale en contexte minoritaire. En mars dernier, la société annonçait la disponibilité d'une nouvelle formation de premiers soins en santé mentale offerte par la Commission de la santé mentale du Canada. Ces formations ont été complètement adaptées aux réalités de nos communautés minoritaires, en partenariat avec la société.
Une première séance de formation a déjà eu lieu, et elle s'adressait à des instructeurs en interaction avec des jeunes, par exemple des enseignants, des entraîneurs sportifs et des animateurs de camp. Une autre séance est offerte cette semaine, cette fois à des instructeurs qui interagissent avec des adultes. Ceux-ci retourneront ensuite dans leur collectivité respective pour former des premiers répondants en santé mentale en français.
Au total, la Société Santé en français estime que 10 provinces et territoires seront en mesure d'offrir les moyens nécessaires pour lutter contre la stigmatisation, ainsi que d'aborder les problèmes de santé mentale dans des collectivités parfois isolées. Bref, près de 600 francophones vivant dans un contexte minoritaire pourront être outillés de cette façon.
Nous sommes aussi très fiers de notre collaboration avec Agrément Canada visant à développer des normes liées à des soins et à des services adaptés au chapitre culturel et linguistique. Ce projet vise à créer de nouvelles normes ou à enrichir des normes existantes et permet de faire en sorte que les hôpitaux, les soins de longue durée et d'autres organismes de soins de santé les mettent en œuvre en prévision des visites d'Agrément Canada. Il s'adresse à toutes les communautés de langue officielle en situation minoritaire, y compris les anglophones du Québec, autant que les francophones à l'extérieur du Québec.
La Société Santé en français a comme deuxième champ d'action la concertation, la valorisation et l'outillage des ressources humaines dans le domaine de la santé. Il nous importe de voir à ce qu'il y ait un nombre suffisant de professionnels capables d'offrir des services de santé en français pour répondre à la demande de nos communautés.
Ici encore, à titre d'exemple, la société participe de très près à un projet de l'Association des facultés de médecine du Canada pour identifier les étudiants francophones ou francophiles qui étudient en anglais. Cette initiative a déjà porté ses fruits, puisqu'on a déjà identifié 30 étudiants, dans chacune des facultés de médecine de l'Université Memorial, à St. John's, Terre-Neuve-et-Labrador, et de l'Université de Toronto, et ce, seulement trois mois depuis le début du projet.
Lorsque les étudiants seront identifiés, la formation linguistique et culturelle leur sera offerte, ainsi que l'occasion de connaître les communautés minoritaires de leur région où ils pourront faire des stages. Le résultat visé est d'augmenter le recrutement et la rétention de ces médecins dans les communautés minoritaires. Nous attendons avec anticipation d'autres belles révélations ailleurs au Canada.
Plusieurs autres activités ont été mises en place par les réseaux pour promouvoir les carrières en français, favoriser le recrutement des professionnels, et créer des lexiques et des outils en ligne pour les professionnels. Les réseaux ont aussi organisé de la formation d'appoint pour les professionnels, tels que les « Coups d'œil sur la santé », en Nouvelle- Écosse, et les communautés d'accueil au Nunavut. En fait, plusieurs autres activités de mobilisation et de valorisation sont réalisées chaque année.
La société se joint aux efforts du Consortium national de formation en santé quant à la formation en français. Le consortium regroupe 11 institutions d'enseignement universitaires et collégiales offrant des programmes de formation postsecondaire ainsi que des séances de formation continue en français pour les professionnels de la santé.
Nous travaillons conjointement sur divers dossiers communs, dont celui de l'offre active, une approche qui veille à ce que les services en français soient offerts en amont, de façon régulière et permanente, sans que le client, souvent en situation de vulnérabilité, ait à en faire la demande.
Un troisième champ d'action est le travail effectué sur les déterminants de la santé. De plus en plus, les communautés se sentent engagées et appuyées dans la prise en charge de leur santé et de leur mieux-être autour des facteurs déterminants de la santé. La société et ses réseaux sont très actifs dans ce domaine en déployant leur Stratégie nationale de promotion de la santé en français, qui se réalise par le truchement de nombreux projets. Par exemple, des modèles structurants de type « communautés en santé » ou « écoles en santé » ont vu le jour ou sont en voie de réalisation.
Enfin, notre quatrième champ d'action concerne la mobilisation des connaissances fondées sur la recherche et l'évaluation pour atteindre une qualité optimale des services. Les capacités de la société, des réseaux et de leurs partenaires doivent être optimisées en intégrant des compétences en recherche, en évaluation et en mobilisation des connaissances, ainsi qu'en valorisant les meilleures pratiques en matière de services de santé en français.
En plus, la société développe un cadre d'évaluation nous permettant de mesurer l'atteinte de nos résultats et de démontrer notre impact. Ce champ d'action vise aussi l'intégration de la variable linguistique dans les collectes de données des systèmes de santé afin d'obtenir des indicateurs fiables permettant aux décideurs, aux administrateurs et aux planificateurs de dresser un juste portrait des communautés francophones. Nous avons deux projets en cours : un en Ontario, et l'autre, à l'Île-du-Prince-Édouard.
Grâce aux exemples précédents, vous pouvez vous rendre compte que le réseautage est au cœur de toutes nos activités et est la clé de notre succès. Je me permets ici de vous parler d'un bel exemple de réseautage qui relève de ma province du Nouveau-Brunswick.
La Société Santé et Mieux-être en français du Nouveau-Brunswick vient tout récemment de signer une entente avec le Réseau Vitalité, une des deux régies régionales de santé de la province, et le Mouvement acadien des communautés en Santé Inc. Elle pourra ainsi influencer le plan visant à optimiser le virage ambulatoire et communautaire, ainsi que celui vers la santé primaire, qui s'annonce chez nous.
Je n'ai aucun doute que cette collaboration contribuera à améliorer l'accès à des services de santé primaire en français pour les Acadiennes et les Acadiens du Nouveau-Brunswick. Nous vous avons fait part seulement de quelques- unes de nos centaines d'histoires à succès. Excusez-nous de nous en vanter; elles nous dynamisent.
En conclusion, je vous laisse un message important : le travail est loin d'être terminé. Le gouvernement fédéral joue un rôle clé dans l'amélioration de l'état de santé de nos communautés francophones et acadienne en situation minoritaire. Pour atteindre notre but de favoriser une meilleure santé pour tous et obtenir l'appui des gouvernements provinciaux et territoriaux, nous aurons besoin des appuis et des ressources financières du gouvernement canadien.
Le financement obtenu dans le cadre de la feuille de route pour les langues officielles nous a permis de démarrer nos activités. Par contre, le retard et le manque de continuité du financement nous ont maintes et maintes fois mis à risque et ont ralenti nos projets et nos succès.
Nous avons donc deux demandes. D'abord, il est temps de créer un programme élargi et permanent de langues officielles en santé pour augmenter l'accès et accroître l'offre des services de santé en français, et dans lequel la Société Santé en français et ses réseaux seraient au cœur de l'action.
Ensuite, il est essentiel que la variable linguistique soit intégrée dans les collectes de données sociosanitaires afin de nous aider à mieux définir les besoins et à mesurer les impacts de nos efforts. C'est un défi important et difficile à mettre en place.
Cette demande a été faite lors de notre présentation d'octobre 2011 devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui a recommandé que l'Institut canadien d'information sur la santé ajoute les variables linguistiques dans les données qu'il collecte sur les ressources humaines en santé et les populations servies par le système de soins de santé au Canada.
Nous sommes convaincus de la nécessité de poursuivre le travail avec nos partenaires clés et nos collaborateurs afin de faire une réelle différence et d'améliorer l'accès aux services de santé de qualité, en français, pour nos communautés vivant en situation minoritaire. Je peux vous assurer que la Société Santé en français est à la hauteur de ce défi. Merci beaucoup pour votre attention.
La présidente : Docteur Schofield, merci beaucoup pour cette présentation des plus intéressantes. Je crois que vous avez tout à fait le droit de vous vanter, puisque la Société Santé en français est une histoire à succès.
J'aimerais demander à la sénatrice Fortin-Duplessis de poser la première question.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Soyez les bienvenus, messieurs. Je suis très heureuse de vous revoir, et j'en profite pour vous féliciter. Je pense que vous pouvez être très fiers des progrès qui ont été réalisés.
Lorsque vous êtes venus témoigner en novembre 2014, vous nous aviez parlé de la formation de stagiaires et d'étudiants bilingues pour assurer une meilleure rétention des étudiants formés au sein des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Êtes-vous en mesure de nous donner des statistiques démontrant le nombre d'étudiants qui demeurent dans les communautés où ils ont été formés?
Dr Schofield : Je crois que le consortium serait plus en mesure de vous donner ces statistiques. C'est lui qui s'occupe spécifiquement de la formation. Peut-être que M. Tremblay pourrait répondre à votre question.
Michel Tremblay, directeur général, Société Santé en français : Les études démontrent que lorsque les étudiants retournent dans leur communauté pour suivre leur formation et leur stage, souvent, ils veulent retourner chez eux.
Le projet sur lequel nous travaillons actuellement est passionnant, et nous voudrions travailler avec d'autres types de facultés, en collaboration avec l'Association des facultés de médecine. Ce qui se passe, souvent, c'est que, même si le Consortium national de formation en santé (CNFS) offre de la formation à Ottawa ou à Moncton, au Nouveau- Brunswick, les étudiants ne veulent pas nécessairement s'expatrier de leur région. Ils vont préférer étudier en anglais, et on sait qu'il y a des étudiants francophones à l'Université de l'Alberta et à la faculté de médecine de l'Université de Calgary.
Donc, nous voulons pouvoir les identifier et travailler avec eux afin qu'ils puissent s'intégrer dans la communauté francophone en Alberta. Ces gens ont la capacité de donner des soins et des services bilingues, donc ils sont disponibles pour toute la communauté.
Pendant leurs études, nous voudrions les sensibiliser à l'existence d'une communauté. Par exemple, il y a les étudiants de l'Université Dalhousie, à Halifax, qui, avec la participation de notre réseau de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, inviteront les francophones qui étudient en médecine à Halifax à venir rencontrer la communauté acadienne lors des Jeux de l'Acadie cet été. Ils pourront donc donner des premiers soins ou être présents pour soigner les gens qui sont sur place.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Quelles sont les mesures qui sont prises pour retenir des professionnels de la santé bilingues, qu'ils soient médecins ou infirmières, dans des communautés de langue officielle en situation minoritaire?
Dr Schofield : D'abord, dans le cadre du travail que nous effectuons en collaboration avec le CNFS, nous tentons autant que possible de faire en sorte que dans toutes les institutions de formation, les étudiants puissent vivre des expériences et qu'ils soient en contact avec les gens de la communauté. C'est une activité qui se fait dans les 11 institutions du CNFS avec lequel nous collaborons quotidiennement.
Je vais vous donner deux exemples plus frappants. En Nouvelle-Écosse, on m'avait contacté, lorsque j'étais doyen du Centre de formation médicale à Moncton, pour me dire qu'on cherchait des médecins. Je leur ai répondu que nous avions des médecins, mais que nous ne pouvions les transférer chez eux. C'était à eux d'en faire la démarche.
On a discuté avec le maire de la communauté. En fait, il y a un groupe communautaire qui, en partenariat avec un pharmacien, a construit une clinique. Je leur ai donné des idées au sujet de ce qu'ils devraient offrir dans cette clinique, entre autres, des salles d'enseignement pour accueillir des étudiants.
Quatre ans plus tard, trois médecins francophones ont intégré notre réseau et se sont installés à Clare, en Nouvelle- Écosse, et c'est vraiment la grande séduction. La communauté s'est engagée au complet à accueillir ces étudiants, et à les aider à mettre en marche leur pratique. Chaque année, ils reçoivent un panier de ressources, des homards frais qui arrivent à la saison du homard, ou des légumes frais pendant la saison du jardinage. Alors, c'est la grande séduction, et ça fonctionne. Maintenant, ils ont créé un milieu qui offre des stages à mes futurs étudiants.
Il s'agit donc de perpétuer cette idée de former nos étudiants près des communautés et près des services. Lorsqu'ils sont formés sur place, non seulement on leur offre une formation de qualité, mais ils apprennent également à connaître les besoins du milieu. Donc, les étudiants sont très intelligents, ils complètent leur formation pour aller pratiquer dans telle et telle région, si l'occasion se présente. C'est un peu le gage de succès du Centre de formation médicale des vingt dernières années.
Nous avons été cités par l'Organisation mondiale de la Santé comme un modèle, et c'est ce que nous essayons de reproduire. Avec les facultés de médecine anglophones, nous avons décidé de faire un peu la même chose et de nous concentrer sur les étudiants francophiles et francophones au sein de ces facultés anglophones, de les mettre en contact avec nos collectivités qui se situent près des facultés.
Ainsi, nous tentons de répéter la même stratégie. La documentation est claire; c'est la stratégie gagnante. Toutes les bourses et tous les incitatifs monétaires ne sont que des stratégies transitoires. Il faut former nos étudiants chez nous, près de chez nous.
M. Tremblay : Je voudrais ajouter que travaillons dans le cadre de l'un de nos champs d'action, qui est celui de la valorisation, de la rétention et du recrutement des professionnels. Il s'agit d'activités comme celles liées aux communautés d'accueil. Lorsqu'on regarde, par exemple, les difficultés liées au recrutement au Nunavut, on s'occupe des gens qu'on recrute, on prend soin d'eux et on veut aussi les valoriser.
À l'Île-du-Prince-Édouard, il y a une activité très simple. Des gens sont reconnus publiquement pour le travail qu'ils font sur place. Récemment, un diététiste et un administrateur dans un établissement ont augmenté le nombre de services offerts en français. Ce sont toutes de petites activités qui permettent de valoriser les gens dans les petites collectivités.
Les professionnels ont besoin de deux choses. Ils ont besoin qu'on les accueille et qu'on s'en occupe, mais aussi de pouvoir faire du réseautage entre professionnels. Le risque se pose lorsque les gens partent travailler dans de petites collectivités éloignées dans lesquelles il n'y a pas moyen de faire du réseautage avec des collègues.
Voilà un peu le rôle que jouent les réseaux lorsqu'ils échangent entre eux de l'information. Cela ne s'applique pas seulement aux médecins, mais aussi aux thérapeutes. On a de la difficulté à trouver des physiothérapeutes, des ergothérapeutes, surtout dans des endroits comme les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon et le Nunavut, qui sont des régions encore plus éloignées. On a de la difficulté à recruter des infirmières et des infirmières auxiliaires, donc tous les types de professionnels de la santé. Il s'agit donc de trouver une façon de faire du réseautage avec ces gens et de les accueillir au moyen de toutes sortes d'activités de valorisation.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Au Québec, certaines régions sont très démunies de ce côté. Les médecins y vont, mais ils n'y restent pas, et tout un pan de population se retrouve sans médecin.
J'ai une toute dernière question à vous poser. Je crois qu'il est très important d'offrir des services aux personnes âgées dans leur propre langue. Quelle est votre stratégie pour répondre à ce besoin? Est-ce que vous les considérez au même titre que l'ensemble de la population? Lorsqu'il s'agit d'offrir des soins aux personnes âgées, avez-vous mis en œuvre des mesures particulières?
Dr Schofield : Dans le cadre de notre planification stratégique, nous avons ciblé la population des personnes âgées. Nous avons présenté un projet d'envergure pancanadienne à Santé Canada en faveur de l'accès aux soins de santé en français. Nous avons beaucoup appris avec ces projets, un peu comme ceux qui ont été couronnés de succès à l'Île-du- Prince-Édouard et au Manitoba. Nous souhaitions qu'ils soient d'envergure nationale, et nous avons demandé du financement. Malheureusement, on ne nous l'a pas accordé. Nous souhaitons autant que possible garder les personnes âgées à la maison, tout en leur offrant des services. Nous savons que l'interaction sociale chez les personnes âgées est très importante. Donc, c'est un peu en fonction de cet aspect que nous travaillons. Il faut regrouper les services comme à l'Île-du-Prince-Édouard, ce qui a coûté très peu. Nous avons regroupé les ressources existantes pour offrir des services en français aux personnes âgées qui en avaient besoin. Cette initiative a entraîné très peu de coûts. Il s'agissait simplement de mobiliser des ressources et de tenir compte de la problématique et des besoins. Le guide que nous avons publié traite de cette question, soit la façon de mobiliser et de maximiser les ressources existantes pour obtenir de meilleurs résultats.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Je vous remercie infiniment tous les deux pour votre présentation.
Le sénateur McIntyre : Je vous remercie, docteur Schofield et monsieur Tremblay, pour vos présentations. Je note que Santé Canada et les organismes communautaires collaborent étroitement. Docteur Schofield, comme vous venez de le mentionner, depuis des années, votre société appuie de nombreux projets qui favorisent l'accès à des services en français dans différentes régions. Pour ce qui est de la région de l'Atlantique, outre les projets que vous avez énumérés dans votre présentation, j'ai en mémoire d'autres projets qui ont vu le jour grâce à votre appui. Parmi ces projets, il y a le Centre de santé Noreen-Richard, situé à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, ma province natale; le Réseau des services de santé en français à l'Île-du-Prince-Édouard; l'arrivée d'un plus grand nombre de médecins francophones dans la municipalité d'Argyle, en Nouvelle-Écosse, et le projet de Santé communautaire globale, à Terre-Neuve- et—Labrador, plus particulièrement à Avalon, dans la péninsule de Port-au-Port, à Labrador City, et à Goose Bay, où l'on retrouve le plus grand nombre de francophones. Je vous félicite et lève mon chapeau à votre société!
J'abonde dans le même sens que la sénatrice Fortin-Duplessis. Je comprends que vos priorités sont plutôt axées sur les personnes âgées et la santé mentale. Cependant, avez-vous d'autres mesures prioritaires en vue?
Dr Schofield : Comme trame de fond, toutes les initiatives de promotion et de prévention sont aussi très importantes, notamment les écoles en santé, et les communautés en santé. Toute une série de projets axés sur la promotion a été mise en place au cours des dernières années. Si on veut influer à terme sur les coûts du système, il faut adopter des mesures aujourd'hui. Tous nos réseaux travaillent très fort sur l'aspect de la promotion.
Divers autres modèles de services partout au Canada se sont multipliés, notamment au Manitoba. Une clinique offrant des services en français ouvrira ses portes dans la région de Calgary. On essaie d'y élargir l'offre des soins en français. On y est peut-être un peu plus faible, parce qu'on est jeune. Il nous manque encore des ressources. Grâce au Consortium national de formation en santé, on commence à avoir une masse plus importante de professionnels francophones, et on peut aller en chercher du côté des programmes anglophones.
D'autres services sont mis en place. C'est pourquoi on regarde un peu les grands éléments. Le volet de la formation travaille étroitement avec le consortium. Nous travaillons sur l'adaptation des services. On a comme mission de mobiliser des ressources pour offrir un meilleur accès à des services. On prévoit développer des modèles axés sur les soins primaires, qui sont la base des services offerts dans les communautés minoritaires éloignées. Si on intervient au niveau des soins primaires, on peut adopter des mesures favorisant la prévention et la gestion clinique des maladies. On souhaite vraiment mener des actions en ce sens.
La question des ressources humaines représente un autre champ d'action. Il ne s'agit pas simplement de faire de la formation; il faut aussi savoir mobiliser et valoriser les ressources. C'est important. On s'est fait dire maintes fois que les professionnels francophones ne veulent pas être identifiés de peur qu'on leur en demande trop, parce qu'ils parlent français. Il faut donc valoriser les ressources humaines.
L'autre élément est celui de l'évaluation, et c'est pourquoi on parle de variables linguistiques. On est en train d'établir un cadre d'évaluation. Il nous manque des éléments pour expliquer tout ce que l'on fait, à savoir si nos initiatives réussissent ou non. Nous n'avons pas de données sur les variables linguistiques. Nous devons nous appuyer sur des études plus limitées qui ne dressent pas le portrait global à l'échelle nationale. Nos quatre stratégies sont intégrées. L'une influence énormément l'autre. Si nous réussissons à les travailler de façon intégrée, l'impact sur le système de santé et l'accès aux services seront grandement améliorés.
M. Tremblay : L'idée de base serait de s'assurer que chaque Canadien français ait un point d'accès à des services en français partout au pays, comme le Centre de santé Noreen-Richard. Le Centre Samuel-de-Champlain, à Saint-Jean, est un modèle à suivre, ce qui donne un centre communautaire scolaire. De beaux modèles existent au Manitoba, entre autres à Notre-Dame-de-Lourdes, à St. Claude et à Saint-Boniface. Ces villes ont réussi à trouver des ressources avec l'aide des organismes régionaux de santé locale. Cependant, il reste énormément de travail à faire dans tout le reste du pays. L'Île-du-Prince-Édouard comporte un modèle axé sur les personnes âgées, soit le centre Evangeline, qui se trouve dans l'ouest de l'île. Il faut examiner tous ces modèles avec l'appui des provinces et des territoires. Pour avoir un programme élargi permanent, il faut adopter une stratégie à long terme qui nous permettra d'offrir des soins de santé bilingues ou de créer des centres dotés à la fois d'infirmières praticiennes et de médecins.
Dans la plupart des provinces éloignées, les familles sont exogames. Il est donc plus important d'avoir des services dans les deux langues que dans une seule. Nous voulons examiner tous les moyens. Des coopératives peuvent être mises en place — la Nouvelle-Écosse en a de très beaux modèles, vous avez mentionné celle d'Argyle —, des modèles de ce genre et des cliniques où l'on sait que l'on pourra recevoir des services en français.
La sénatrice Chaput : Moi aussi, à mon tour, je tiens à vous féliciter pour votre travail, qui a des répercussions très positives, et ce, partout au Canada. Même si, à certains endroits, il y a beaucoup plus de travail à faire que dans d'autres, on voit que votre approche fonctionne.
Vous recevez votre financement de la part de Santé Canada par l'entremise du programme de la feuille de route. Depuis combien d'années environ recevez-vous des fonds dans le cadre de la feuille de route?
Dr Schofield : C'est le troisième renouvellement de la feuille de route. À chaque renouvellement, on passe une année très difficile avec des pertes de ressources en raison du manque de continuité du financement. Cela a été très pénible, parce qu'il faut souvent refaire ce qu'on a déjà fait. De là l'idée d'avoir un financement permanent qui nous permettrait d'éliminer cette discontinuité. Je pense que nous avons atteint la maturité nécessaire pour recevoir davantage de fonds.
La sénatrice Chaput : Il me semble que, depuis quelques années, vous avez des discussions avec Santé Canada pour que le ministère vous reconnaisse comme un plus grand partenaire, si je puis le dire ainsi. Est-ce la réalité? Où en êtes- vous dans ce dossier?
Dr Schofield : Nous tenons ces discussions, oui. Cela a été difficile. Dans le cadre du dernier financement, nous avons reçu le montant équivalent, mais cela a été renouvelé au dixième mois dans l'année. On a donc perdu des sommes importantes les 10 premiers mois. Santé Canada a décidé de retenir une partie des fonds et de lancer un processus de demande de projets ouvert. Cela a privé la société d'un certain montant qu'elle aurait pu utiliser avec des partenaires sur le terrain pour réaliser des projets permettant d'appuyer notre plan stratégique. Nous avons été déshabillés ici et là dans le cadre de cette dernière feuille de route. Le montant total annoncé est le même, mais le montant réel ne l'est pas. Dans le cas des petits réseaux qui fonctionnent à une ou deux personnes, qui mobilisent des partenaires sur le terrain et auxquels on enlève une portion de leur financement, c'est très négatif et c'est au détriment du succès de ce réseau. Maintenant que nous avons fait nos preuves — dans le cadre de trois feuilles de route —, nous avons un bon modèle. L'OMS nous fait des éloges lors de ses conférences internationales et cite en exemple notre travail auprès des minorités francophones au Canada. Nous avons acquis une certaine crédibilité. Maintenant, comment peut-on aller plus loin? Avec un financement et des ressources additionnelles et avec l'appui des partenaires, je pense que nous pouvons aller plus loin.
La sénatrice Chaput : Avez-vous eu la chance de discuter de ce que vous venez de nous dire avec Santé Canada? Avez-vous une porte d'entrée?
Dr Schofield : Nous travaillons surtout avec le Bureau d'appui aux communautés de langue officielle. Nous avons eu quelques rencontres avec des sous-ministres et, là aussi, il y a souvent du changement. Donc, il y a toujours une discontinuité, mais, jusqu'à présent, nous n'avons pas réussi à rassembler les éléments nécessaires pour cette phase.
M. Tremblay : Nous avons rencontré, récemment, le nouveau sous-ministre de Santé Canada, et nous croyons qu'il a une ouverture d'esprit à entendre ce dont nous voudrions nous assurer : que nous ayons l'occasion de pouvoir être consultés et engagés comme un partenaire important. Le CNFS et notre société sont allés ensemble rencontrer le sous- ministre Simon Kennedy, qui parle très bien français. Nous sommes deux organismes qui travaillent pour faire avancer la santé en français. Nous avons pu lui présenter nos demandes, entre autres celle de rencontrer les sous-ministres de la santé des 13 provinces et territoires. Nous avons demandé à Santé Canada si le ministère pouvait faciliter cette approche, car on ne peut pas travailler en vase clos. La santé est une responsabilité provinciale et territoriale; il faut donc veiller à ce que nos partenaires provinciaux et territoriaux soient engagés également. Nous leur avons demandé de les rencontrer et d'être consultés dans le cadre des prochaines étapes de la feuille de route pour les programmes futurs.
Dr Schofield : Je pense que, là aussi, il faut trouver un mécanisme permanent de consultation. Il y avait, pendant un certain temps, le Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire qui nous permettait de faire valoir nos points et nos plans stratégiques à la haute direction de Santé Canada. Cela s'est estompé au fil du temps et nous avons perdu un peu ce contact. La dernière discussion que nous avons eue avec le sous-ministre portait sur le mécanisme à mettre en place; pas nécessairement un autre comité consultatif, mais un mécanisme de concertation et d'échange qui nous aiderait à garder nos dossiers à jour et à éviter ces périodes difficiles.
La sénatrice Chaput : C'est peut-être là que vous avez apporté l'idée de rencontrer les sous-ministres, qui existait déjà, et dont vous aimeriez faire partie.
Dr Schofield : C'est cela.
La sénatrice Poirier : Merci à vous deux d'être ici. J'ai quelques questions dont le sujet a été abordé quelque peu. Étant donné que les soins de santé sont de compétence provinciale, comme vous venez de le mentionner — je ne sais pas si toutes les provinces travaillent de la même manière, mais au Nouveau-Brunswick, un certain nombre de numéros sont attribués pour le nombre de médecins voulus. Vous qui travaillez dans des situations en région minoritaire francophone, à quels genres de défis faites-vous face dans différentes provinces quant aux nombres de professionnels dont celles-ci ont besoin par rapport aux besoins que vous avez cernés pour certaines régions? Y a-t-il une bonne collaboration avec les provinces? Est-ce un défi? Y a-t-il des provinces qui travaillent mieux que d'autres?
Dr Schofield : C'est un défi énorme pour toutes sortes de raison. Premièrement, les gens de la communauté, de nos réseaux, ceux qui sont là depuis le plus longtemps, ont développé une expertise et une facilité à discuter avec le gouvernement. Cependant, quant aux nouveaux intervenants qui arrivent, qui travaillent davantage avec la communauté, ils ont plus de difficulté à communiquer aisément avec le gouvernement. Comme je le disais, 15 ans plus tôt, nous passions inaperçus des gouvernements provinciaux et territoriaux. Les besoins des francophones n'étaient pas une priorité. Je pourrais dire, aujourd'hui — et je n'ai pas de recherche pour le prouver —, que dans toutes les provinces et territoires, nos réseaux ont été consultés à un moment donné ou ont fait partie de projets que les gouvernements provinciaux ont voulu mettre en place, parce que nous avions un peu d'argent, un levier monétaire qui accompagnait nos idées, et nos réseaux représentent les besoins de la communauté. Ils se sont donc arrimés aux objectifs de chaque gouvernement provincial, car cela varie beaucoup. Nos réseaux ont réussi à cerner les stratégies que le gouvernement voulait mettre en place, et ils les ont adaptées aux besoins de la communauté francophone. Nous nous sommes positionnés comme des aidants permettant aux gouvernements d'atteindre leurs objectifs en mettant simultanément les besoins des francophones minoritaires sur le radar.
Cependant, les défis sont énormes. Vous pouvez vous imaginer que, dans l'ensemble du Canada, cela varie beaucoup d'une province à l'autre, parfois sur une période de six mois, parce que le gouvernement et les gens de nos réseaux peuvent changer. De là l'idée d'avoir quelque chose de plus permanent que nous permettrait d'indiquer à nos réseaux que nous avons un financement garanti et que nous pouvons bâtir quelque chose, parce que je dirais que les gouvernements avec qui nous travaillons nous apprécient beaucoup. Nous réussissons toujours à faire de belles choses, mais les défis sur le terrain sont énormes.
La sénatrice Poirier : Est-ce que le montant dont vous parlez provient de la feuille de route?
Dr Schofield : Oui.
M. Tremblay : J'aimerais rajouter deux points, ici. Notre approche n'est pas fondée sur l'activisme ou la défense de droits. Tant nos réseaux que notre société sont très conscients de cette approche. Nous avons une approche de collaboration avec laquelle nous voulons travailler.
Il nous est beaucoup plus aisé de convaincre les gestionnaires du domaine de la santé et les professionnels de la santé que l'accès aux services de santé est une question de sécurité des patients et de qualité des services. Nous privilégions donc ce genre de langage qui aide à ouvrir la porte lorsqu'on parle avec les regroupements. Depuis le début, nous avons refusé d'utiliser l'excuse selon laquelle ce sont nos droits ou c'est la loi, et cetera.
Notre réalité est composée de trois types de réseaux ou de situations. Certains de nos réseaux se consacrent à la sensibilisation dans les provinces. Ce sont des endroits où il n'y a pas de loi pour les services en français, comme la Colombie-Britannique, Terre-Neuve-et-Labrador, l'Alberta et la Saskatchewan. Il n'y a pas de Loi sur les langues officielles, il n'y a pas de politiques. C'est donc beaucoup plus difficile pour ces réseaux de s'y implanter pour développer des approches très structurantes. On y verra souvent de petits projets, comme des projets de promotion de la santé ou d'engagement de la communauté.
À l'autre extrême, il y a des provinces comme le Nouveau-Brunswick, qui est officiellement bilingue, et l'Ontario, où il y a une loi sur les services de santé en français avec un système de désignation. De plus en plus, nous nous apercevons que notre travail, dans ces provinces, est lié à la consolidation. Nous allons encore plus loin, et c'est pourquoi nous mettons en œuvre de grands projets dans ces provinces.
Ensuite, entre les deux, il y a des réseaux dans des milieux de transformation. On a vu beaucoup d'avancement lors des deux dernières années en Nouvelle-Écosse. La Nouvelle-Écosse est en train de transformer son réseau de santé, et on a invité le réseau à en faire partie. Le réseau a été consulté par le ministre, et il a été reçu par le ministre de la Santé. La directrice de notre réseau à l'Île-du-Prince-Édouard est aussi une employée de Santé IPE, ce qui veut dire que Santé IPE paie la moitié de son salaire et que nous payons l'autre moitié. Vraiment, ils travaillent en collaboration. On voit de belles avancées dans les territoires aussi. Quant au Manitoba, il a une politique sur les services en français. Ce sont des endroits où on peut vraiment faire des avancées, parce que le gouvernement apporte son appui.
Il y a donc encore beaucoup de travail à faire pour influencer et sensibiliser certaines provinces. D'autre part, il y a des provinces d'un extrême à l'autre puisque, comme vous le savez, le Canada est ainsi fait, il n'y a pas deux provinces semblables.
La sénatrice Poirier : Il y a plus de 20 ans, je faisais partie du Conseil municipal de Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau-Brunswick. On a beaucoup travaillé pour avoir nos premiers médecins. Il a été assez difficile de les attirer, étant donné qu'il s'agissait d'une petite municipalité qui n'avait pas les mêmes moyens que les grandes régions francophones pour offrir aux médecins les mêmes avantages. Donc, lorsqu'un médecin recevait son diplôme, il cherchait l'endroit qui serait le plus avantageux pour lui, où on lui fournirait un logement et un bon salaire, par exemple. Il aurait été bien agréable d'avoir pu faire appel à vous, à ce moment-là, pour pouvoir utiliser l'approche communautaire que vous mettez de l'avant aujourd'hui, et pour aider les petites communautés francophones au Canada à faire concurrence aux grandes régions.
De ce côté, je vous félicite et vous encourage à poursuivre votre beau travail.
Le sénateur Maltais : J'aimerais vous dire rapidement que vous faites un travail de missionnaire. Vos noms devraient être inscrits dans les livres d'histoire.
Est-ce que le gouvernement fédéral est votre seule source de financement ou est-ce que les territoires et les provinces apportent leur contribution en vous envoyant un chèque de temps en temps?
Dr Schofield : Le gouvernement fédéral n'est pas notre seule source de financement, mais il est certainement notre principale source de financement.
Ce qui arrive, c'est que, lorsque nous présentons nos petits projets, ces sommes ont seulement un effet de levier et ne comptabilisent pas tous les coûts du projet, donc les gouvernements doivent en rajouter.
Le sénateur Maltais : Vous parlez des gouvernements provinciaux?
Dr Schofield : C'est ce qui est intéressant. On n'a jamais été capable de le chiffrer, parce qu'on n'avait pas les ressources pour le faire. Mais dans chaque province et territoire, il y a une contribution des gouvernements parce que, comme je le disais plus tôt, nous nous alignons sur la stratégie provinciale que le ministère veut mettre en œuvre pour tout le monde et, de notre côté, nous apportons une saveur francophone aux projets. Nous donnons ainsi la possibilité, au ministère, à la régie, d'élaborer cette stratégie, mais pour les francophones. Il y a donc un effet de levier que nous n'avons jamais été capables de comptabiliser.
Le sénateur Maltais : Dans un autre ordre d'idées, dans le Nord du Québec — je vous parle de la région d'où je suis originaire, la Côte-Nord, près du Labrador, Blanc-Sablon —, les collectivités, d'Old Fort en descendant jusqu'à Blanc- Sablon, sont en très forte majorité anglophones, soit à 95 p. 100.
Il y a un hôpital à Blanc-Sablon, mais c'est un petit hôpital. Il est souvent moins compliqué pour les patients d'aller à Terre-Neuve-et-Labrador que de se rendre à Rimouski, à Québec ou à Montréal, pour les grandes opérations. On parle de malades qui ont de gros problèmes.
Savez-vous en quelle langue sont reçus les gens de Saint-Pierre et Miquelon qui vont se faire soigner à Terre-Neuve?
M. Tremblay : C'est intéressant, parce qu'en janvier, le directeur du réseau de Terre-Neuve-et-Labrador est justement allé à Saint-Pierre et Miquelon, et il a dû obtenir une autorisation spéciale parce qu'il sortait du Canada.
La France paie présentement un montant d'environ 8 millions de dollars à la Régie régionale de l'Est de Terre- Neuve-et-Labrador, de St. John's. pour accueillir les Saint-Pierrais. L'argent sert en grande partie à la formation de professionnels de la santé afin qu'ils puissent étudier le français. Il y a des cours de français qui se donnent pendant les heures de travail, et les gens qui suivent ces cours sont remplacés. Des médecins, des infirmières, et même la vice- présidente de la régie régionale suivent des cours de français. Terre-Neuve-et-Labrador a cette capacité de recevoir des patients francophones et offre aussi des services d'interprétation. De notre côté, nous avons des fonds pour développer ces services d'interprétation. Nous tentons présentement de nous associer au projet de Saint-Pierre. Je dirais que nous en bénéficions, car nous sommes sur la vague. Il s'agit d'une occasion unique.
En passant, je ne sais pas si vous êtes au courant, mais il y a un organisme comme le nôtre, du côté du Québec, pour les Anglo-Québécois, et c'est le Réseau communautaire de santé et de services sociaux, ou en anglais, le Community Health and Social Services Network. Il a une vingtaine de réseaux comme le nôtre répartis à travers le territoire québécois, qui ont développé des initiatives. Par exemple, pour les gens de la Basse-Côte-Nord — parce qu'on l'a étudié comme modèle pour d'autres endroits au pays —, ils ont le modèle de Sept-Îles. Avec l'enveloppe du projet des langues officielles, ils ont embauché une personne qui accueille les Anglo-Québécois de la Basse-Côte-Nord, les Innus et les anglophones qui viennent à Sept-Îles pour recevoir des soins. Ils ont compris, après quelques années, qu'il serait beaucoup plus économique d'embaucher une personne qui peut accueillir et accompagner les patients à l'hôpital avant leur retour chez eux. C'est donc le Centre de santé de Sept-Îles qui a embauché la personne, et le programme se poursuit. Nous avons perçu cette initiative comme un modèle pour les autres communautés partout au pays.
Le sénateur Maltais : Merci beaucoup, c'est une information que je ne connaissais pas. Merci également pour les autres renseignements. L'anecdote concernant Saint-Pierre et Miquelon était vraiment intéressante. Je suis heureux de votre réponse, et je vous remercie infiniment.
La présidente : J'ai eu le plaisir d'assister, il y a quelques jours, à l'ouverture officielle de la première clinique francophone à Calgary, qui a ouvert ses portes grâce à l'appui de Santé Canada et de la Société Santé en français. Il y a eu aussi d'autres partenaires, mais vous avez été des joueurs majeurs. Un grand merci.
Au nom du Comité sénatorial permanent des langues officielles, je tiens à vous remercier et à vous féliciter pour tout le travail que vous faites. Nous vous en sommes réellement très reconnaissants. Merci pour votre participation et vos suggestions. Nous allons vous suivre de très près.
(La séance est levée.)