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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 4 - Témoignages - Séance du matin


NANAIMO, le mercredi 26 mars 2014

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 8 h 35, pour étudier la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je me présente : Fabian Manning, sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans du Canada. Permettez-moi, en vous souhaitant la bienvenue ce matin, de vous dire combien nous sommes heureux de nous trouver dans cette magnifique région de notre pays. Voici environ deux jours que nous sillonnons différentes parties de la Colombie-Britannique et je dois dire que mes collègues sénateurs et moi sommes ravis de l'expérience.

Notre journée, qui s'annonce chargée, sera consacrée à l'audition de témoignages portant sur l'industrie aquacole, et nous sommes impatients de la commencer. Nous avons en effet lancé, voici plusieurs mois, une étude sur ce thème et nous espérons pouvoir soumettre un rapport au Sénat du Canada en juin 2015.

Cela dit, je voudrais demander à mes collègues de bien vouloir commencer par se présenter.

Le sénateur McInnis : Sénateur Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Hubley : Sénatrice Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard, vice-présidente du comité.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Sénatrice Sandra Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Stewart Olsen : Sénatrice Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Raine : Sénatrice Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Munson : Sénateur Jim Munson, de l'Ontario, mais avec le cœur au Nouveau-Brunswick.

Le président : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs. Bienvenue à notre premier groupe de témoins. Pour ceux qui ne seraient pas au fait de notre procédure, nous allons accorder à chacun des témoins cinq minutes pour des propos liminaires, puis nous passerons aux questions posées par les sénateurs.

Je vous demanderai, si vous voulez bien, de vous présenter, puis de faire tour à tour votre exposé liminaire dans l'ordre que vous aurez déterminé vous-mêmes.

Clare Backman, directeur des affaires publiques, Marine Harvest Canada : Bien volontiers. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui et vous remercie de votre invitation à comparaître. Je m'appelle Clare Backman et je suis le responsable des relations publiques pour Marine Harvest Canada. J'ai une bonne connaissance du secteur du saumon, tant du saumon sauvage que, plus récemment, de la salmoniculture.

Jeremy Dunn, directeur exécutif, BC Salmon Farmers Association : Je m'appelle Jeremy Dunn et je suis directeur exécutif de la BC Salmon Farmers Association. Merci de nous avoir invités aujourd'hui.

Stewart Hawthorn, directeur régional, Grieg Seafood British Columbia Ltd. : Je m'appelle Stewart Hawthorn. Je suis directeur général de Grieg Seafood B.C., entreprise de salmoniculture de la Colombie-Britannique.

Le président : Très bien, nous sommes à l'écoute de qui voudra bien parler en premier.

M. Dunn : Je me porterai volontaire aujourd'hui. Bonjour et merci de m'avoir invité en compagnie de Clare Backman pour témoigner au nom de la BC Salmon Farmers Association et vous faire part de nos réflexions sur la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie en Colombie-Britannique et au Canada.

À l'échelle nationale, l'aquaculture génère 2,1 milliards de dollars et emploie plus de 14 000 personnes à l'échelle des provinces canadiennes et du Yukon. En Colombie-Britannique, la BC Salmon Farmers Association représente 37 organisations, dont les producteurs de saumon d'élevage et des entreprises qui leur offrent des services et des fournitures. Nous employons directement près de 2 000 personnes, mais ce chiffre passe à 6 000 lorsque l'on y incorpore l'emploi indirect, et ce, sans compter plus d'un millier de personnes qui travaillent dans le secteur de la conchyliculture, et dont les représentants doivent eux aussi comparaître devant vous aujourd'hui.

L'aquaculture, qui représente une part importante de l'économie de la Colombie-Britannique, joue un rôle essentiel pour le bien-être économique des collectivités côtières au sein desquelles nous opérons. Nos adhérents sont fiers d'être le principal employé du secteur privé dans le nord de l'île de Vancouver.

Les producteurs de saumon ont conclu des partenariats d'affaires et des partenariats sociaux importants avec les Premières Nations côtières et, à l'heure actuelle, 20 p. 100 de la main-d'œuvre est issue des Premières Nations.

Les membres de notre association sont déterminés à élever et à commercialiser du poisson de première qualité à l'échelle mondiale. Nous nous sommes fermement engagés dans la certification par des tiers. Nos pratiques de gestion de la santé des poissons et de leur environnement sont reconnues dans le monde entier et nous donnons aussi l'exemple pour ce qui est de la transparence dans le partage de l'information.

Plus de la moitié des produits alimentaires de la mer vendus au Canada comme dans toute la planète proviennent aujourd'hui de l'aquaculture, et cette proportion ne cesse d'augmenter.

En Colombie-Britannique et dans l'ensemble du Canada, la salmoniculture est confrontée à deux obstacles principaux : le manque de croissance et la non-compétitivité à l'échelle mondiale. Ces deux facteurs sont non seulement indissociables mais ils résultent d'un système de réglementation et d'un cadre de politique qui, disons-le tout net, n'opère pas dans l'intérêt des Canadiens.

Le régime réglementaire en vigueur, conjugué à des années d'incertitude, a entraîné une diminution des investissements, une réduction des parts de marché et enfin la stagnation dans la prospection de nouveaux débouchés. Au niveau mondial, les investissements récents au titre de l'aquaculture dépassent 500 millions de dollars, mais la part du Canada dans ces investissements est inférieure à 7 p. 100.

Si l'on met en parallèle 13 années consécutives de stagnation du secteur au Canada et sa croissance dynamique à l'échelle mondiale, on voit que la part canadienne de ce marché a chuté de 40 p. 100.

L'aquaculture est le mode de production alimentaire qui connaît la croissance la plus rapide au monde. Or, le Canada est le seul pays figurant parmi les principaux producteurs aquacoles à ne s'être pas doté d'une législation nationale visant de façon spécifique à régir cette industrie et à lui donner les moyens nécessaires.

Permettez-moi de vous décrire rapidement la réalité de notre cadre réglementaire. On dénombre plus de 90 textes législatifs de compétence fédérale, provinciale ou territoriale dont les dispositions affectent l'aquaculture; près de 17 ministères et agences du gouvernement fédéral ont voix au chapitre dans la gestion de ce secteur; enfin, la Loi sur les pêches, qui est le principal texte législatif fédéral régissant les poissons au Canada, remonte à l'instauration de la Confédération et ne mentionne même pas nommément le concept d'aquaculture.

Notre secteur s'emploie à obtenir la mise en œuvre d'un cadre législatif et réglementaire moderne, assorti de politiques à l'avenant, qui a pour objet de régir l'aquaculture au Canada en en précisant le concept et en fixant, sur le long terme, un cadre unificateur qui entérine l'importance croissante de l'aquaculture pour l'économie du pays.

La modernisation du cadre législatif et réglementaire et de ses politiques d'impulsion permettra au Canada et à la Colombie-Britannique de réaliser leur plein potentiel. Rappelons que la demande mondiale de protéines d'origine animale ne cesse d'augmenter et que, plus que jamais, les consommateurs réclament des sources de protéines saines provenant d'élevages viables et dont on peut retracer l'origine.

Nous, aquaculteurs de la Colombie-Britannique, avons démontré qu'il est possible d'élever des poissons en bonne santé, à la chair nourrissante et capables de coexister au sein de l'écosystème. À l'échelle nationale, on a calculé que le secteur de l'aquaculture pourrait atteindre un impact économique se chiffrant entre 5,6 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années. J'ajoute que rien que pour la Colombie-Britannique, la pisciculture, exploitée de façon responsable et durable, pourrait avoir une croissance de 10 p. 100 par an et qu'à l'heure où je vous parle, tous les poissons que nous mettons à l'eau sont vendus avant même d'être prêts pour la récolte. De plus, s'il est vrai que nous exportons une large majorité de nos poissons vers les États-Unis, contrairement à un grand nombre d'industries qui opèrent comme nous à la porte du Pacifique, nos salmoniculteurs n'ont fait jusqu'ici qu'effleurer la surface de l'énorme marché que représente l'Asie.

Aujourd'hui, la contribution de la salmoniculture à l'économie provinciale dépasse 800 millions de dollars, mais nous pourrions atteindre 1,4 milliard d'ici 2020, ce qui correspondrait à un total de 8 000 emplois; en outre, si la croissance reste soutenue jusqu'à 2035, le secteur pourrait atteindre un chiffre d'affaires de 3,5 milliards de dollars et employer 20 000 personnes. Je précise que ces emplois seront créés au sein des collectivités côtières de la Colombie- Britannique, donnant ainsi aux jeunes de ces collectivités l'espoir d'occuper un poste bien rémunéré dans l'avenir.

La progression de notre industrie permettra aux salmoniculteurs de continuer à coopérer avec les Premières Nations dans le cadre d'accords de partenariat et, plus que tout autre secteur, d'offrir des emplois aux membres des Premières Nations sur leurs terres héréditaires.

En terminant, je dirai qu'il importe de bien comprendre la genèse et l'évolution de ce secteur, de même que la rapidité avec laquelle nous sommes devenus l'une des régions privilégiées de la salmoniculture à l'échelle mondiale. Nous souhaitons ardemment coopérer avec nos partenaires des instances gouvernementales au développement de la salmoniculture, à la croissance de l'économie et à l'emploi de travailleurs canadiens vivant dans les régions côtières. Je vous remercie de votre attention et de votre invitation.

Le président : Merci, monsieur Dunn. Quelqu'un d'autre souhaite-t-il dire quelques mots à titre préliminaire?

M. Hawthorn : Oui, j'ai moi aussi une petite introduction. Je vous ai communiqué un feuillet qui fournit un certain nombre de détails, et je voudrais, sans le lire intégralement, vous en illustrer les points saillants.

Je suis donc Stewart Hawthorn, directeur général de Grieg Seafood B.C. Voilà 25 ans que je travaille dans le secteur de la pisciculture, après des études en biologie marine. Vers la fin de mes études, je me suis demandé : « Qu'est-ce je veux faire dans la vie? »

Il était alors beaucoup question, à travers le campus, de la crise que traversaient les pêches, de l'augmentation de la demande pour les produits alimentaires provenant de la mer ainsi que de la nécessité de trouver de nouvelles solutions : voilà comment je me suis lancé dans l'aquaculture, il y a de cela 25 ans.

Je n'ai eu qu'à me féliciter de ce choix et je peux dire que je suis fier de m'être engagé dans le secteur de l'aquaculture, parce que cela ouvre des voies nouvelles, notamment en atténuant la pression sur les stocks de poissons sauvages et en maintenant les produits de la mer à des prix abordables. Je crois que c'est un secteur très important, notamment pour l'avenir.

Comme l'a dit Jeremy, l'aquaculture compte déjà pour la moitié des produits de la mer que l'on trouve sur les tables de toute la planète. C'est comme pour les bleuets, les pommes, ou encore les poulets ou la viande de bœuf : nous ne nous limitons plus à les cueillir ou à les chasser, nous les cultivons. Je suis d'ailleurs convaincu qu'au cours des 30 prochaines années, les cultures océaniques ne cesseront d'augmenter et que le Canada, avec ses immenses étendues de littoral, doit avoir lui aussi sa part de cette aventure enthousiasmante. À nous de bien savoir nous y prendre, et je suis vraiment heureux de pouvoir vous en parler aujourd'hui.

Ici, sur la première page, vous avez l'illustration de la différence entre ce qui s'est produit en Norvège et ce qui s'est produit au Canada ou en Colombie-Britannique.

En Colombie-Britannique, le volume de saumon élevé au cours de l'année 2001 a été de 62 000 tonnes pour toute la province. L'an dernier, il n'a atteint que 57 000 tonnes, soit un recul de 8 p. 100.

Les Norvégiens, dont l'économie est basée sur l'exploitation des gisements de pétrole et de gaz, c'est-à-dire sur des ressources naturelles, ont bien compris qu'ils devaient s'atteler à diversifier leur économie pour l'avenir. Ils ont donc décidé de donner un sérieux coup de pouce à l'aquaculture en tant que catalyseur de la croissance de leur économie. C'est ainsi qu'ils sont passés de 510 000 tonnes de saumon en 2011, c'est-à-dire un chiffre imposant, à 1,3 million de tonnes en 2012, soit une augmentation de 158 p. 100 au cours de cette période.

Si nous en avions fait autant en Colombie-Britannique, notre production s'établirait aujourd'hui à 160 000 tonnes, avec une contribution enregistrée de 2,3 milliards de dollars à l'économie de la province.

Jeremy a également mentionné les Premières Nations. Ces dernières représentent un volet très important de notre secteur aquacole, et nous nous enorgueillissons de coopérer avec les collectivités des Premières Nations et de contribuer à créer des perspectives économiques sur leurs territoires traditionnels.

D'ici 2030, le monde comptera trois milliards d'habitants supplémentaires appartenant à la classe moyenne, une classe moyenne qui veut consommer davantage de protéines, notamment des protéines d'origine animale, et qui tient à vivre en bonne santé. En outre, ces personnes savent que les produits de la mer sont bons pour la santé.

Cette croissance démographique exerce une pression considérable sur les pêches d'espèces sauvages. C'est pourquoi, une fois de plus, il nous faut trouver d'autres solutions, et c'est pourquoi, aussi, l'aquaculture océanique fait partie de la solution.

Permettez-moi un mot concernant l'enquête de la Commission Cohen, en mettant en relief ce qui me paraît extrêmement important. Alors que la commission enquêtait sur le saumon rouge du fleuve Fraser, les données obtenues pendant l'enquête n'indiquaient pas que la salmoniculture avait un impact négatif marqué sur le saumon rouge du fleuve Fraser. On voit donc que malgré les déclarations de personnes parfois très passionnées à propos du littoral de la Colombie-Britannique — littoral que je considère comme très important moi aussi, c'est pourquoi j'applaudis leur souci de le préserver —, il reste que le travail très sérieux et basé sur des données scientifiques qui a été présenté à l'époque ne fait nullement état d'un impact négatif provenant de notre secteur de l'aquaculture. Je m'associe pour ma part à ces constats, en ajoutant que nous allons approfondir les études dans ce domaine pour renforcer cette démonstration dans l'avenir.

Grieg Seafood B.C., que je représente, est l'un des quatre aquaculteurs océaniques de Colombie-Britannique. Créés en 2000, nous gérons aujourd'hui une masse salariale de 7,2 millions de dollars par an, avec un salaire moyen annuel de près de 62 000 $, alors que la moyenne, en Colombie-Britannique, est de 46 500 $ par an. On voit donc que nous offrons des emplois très bien rémunérés, dont les titulaires ont tout lieu d'être fiers, et je crois que c'est là quelque chose d'important.

Je passe à présent à la dernière page de mes notes, pour vous parler tout d'abord des perspectives, mais aussi, dans un deuxième temps, de certaines des difficultés et obstacles que rencontrent la Colombie-Britannique et le Canada pour tirer parti de ces perspectives; enfin et troisièmement, je dirai quelques mots concernant une évolution réglementaire propre à nous venir en aide.

Comme l'a dit Jeremy, nous représentons actuellement près de 6 000 emplois directs et indirects, avec un chiffre d'affaires d'environ 800 millions de dollars. Nous avons la possibilité, d'ici une quinzaine d'années, de traiter 250 000 tonnes de poisson pour une valeur de 3,5 milliards d'activités économiques, ce qui fournirait un emploi à quelque 20 000 personnes dans les collectivités rurales. Je pense que c'est là une occasion à saisir, non seulement du point de vue de la création d'emplois mais aussi parce qu'il nous faut multiplier les options pour que les produits de la mer continuent d'arriver dans notre assiette à des prix abordables.

Grieg Seafood, que je représente, pense que nous nous heurtons essentiellement à trois barrières, dont la première est la perception par l'opinion publique. On peut dire que le dialogue amorcé par nous dans le but de démontrer que nous agissons dans le bon sens n'a pas obtenu l'effet escompté; nous devons donc faire mieux, et nous y travaillons très fort. Cela dit, le gouvernement doit lui aussi faire sa part pour convaincre les habitants de la Colombie-Britannique et du Canada que notre secteur de l'aquaculture accomplit un travail sérieux dans un domaine renouvelable.

Le deuxième obstacle est constitué par un régime réglementaire imprécis, qui entrave nos activités tout en manquant de réactivité. J'y reviendrai.

Quant au troisième obstacle, il s'agit de notre coût de production relativement élevé par rapport à nos homologues du monde entier, phénomène qui s'explique par notre manque de croissance. Rappelons que nous sommes en stagnation depuis une douzaine d'années et que ce déficit de croissance nous rend moins concurrentiels sur le plan des coûts.

C'est pourquoi lorsque je m'adresse à mon conseil d'administration — étant donné que Grieg B.C. est cotée à la bourse d'Oslo — ou lorsque j'ai des consultations avec mes confrères écossais ou norvégiens, je m'aperçois qu'ils considèrent aujourd'hui la Colombie-Britannique et le Canada comme un producteur limité à un créneau, et ils ne sont guère tentés de se lancer dans des investissements chez nous. Comme l'a dit très justement Jeremy, la place que nous occupons dans le marché mondial des produits alimentaires de la mer ne cesse de rétrécir.

Donc, s'agissant des solutions que nous envisageons et des règles concernant la réglementation par les pouvoirs publics, je dirais que cette dernière est extrêmement solide. Le ministère fédéral des Pêches et des Océans, qui fait un excellent travail, a assigné plus de 70 fonctionnaires au suivi de nos activités. Ce que nous aimerions, c'est qu'ils publient et diffusent davantage d'informations et qu'ils en fassent profiter le public en temps utile, plutôt que de laisser traîner les choses. Nous aimerions, par exemple, qu'ils publient des synthèses de rapports sectoriels et qu'ils émettent des certificats de conformité. En effet, à l'heure actuelle, lorsqu'un inspecteur vient visiter une exploitation aquacole, il n'est censé adresser de lettre aux exploitants que si les critères prescrits ne sont pas respectés — ce qui, soit dit en passant, ne s'est jamais produit. Mais jamais la moindre lettre pour dire : « Bravo, vous avez obtenu la note de passage. » Je pense que ce serait une bonne chose que nous puissions obtenir des certificats de conformité, afin de bien montrer au public que nous nous acquittons bien de notre tâche et que nos exploitations sont conformes aux critères en vigueur.

Nous serions aussi enchantés que le ministère des Pêches et des Océans informe le public de ses activités de surveillance de l'environnement et de suivi de la conformité, et qu'il fasse connaître le contenu des études scientifiques sur le secteur de l'aquaculture qu'il avait entreprises par le passé et qui ont connu une relance ces derniers temps.

Autre question importante, celle de la sécurité d'exploitation. Nous aimerions que la période couverte par les permis d'exploitation soit plus longue. À l'heure actuelle, nous obtenons des permis d'un an. Or, il faut deux ans pour amener le poisson à maturité, si bien qu'en théorie, nos permis pourraient être retirés alors que nous avons encore des poissons en cours de croissance dans nos élevages. C'est pourquoi nous aimerions que le permis soit prolongé.

Nous aimerions aussi que soient édictées des règles claires et exécutoires en matière de normes de service. Je rappelle que lorsque nous soumettons des requêtes pour apporter des amendements plus ou moins importants à nos permis ou à nos baux d'exploitation, l'administration met beaucoup de temps à traiter les dossiers, sans que nous ayons une idée des délais. Nous aimerions que le ministère des Pêches et des Océans travaille en collaboration avec d'autres agences fédérales, de même qu'avec la province, afin de préciser le calendrier d'une démarche pour que nous puissions le communiquer aux investisseurs éventuels.

Il faudrait également que soient fixés certains objectifs sectoriels. À ce propos, nous souhaitons que le secteur de l'aquaculture établisse, en collaboration avec le gouvernement fédéral, les dirigeants provinciaux et les collectivités concernées, un certain nombre d'objectifs de production et de croissance. Il est temps que nous mettions les bouchées doubles pour atteindre certains objectifs; pour ce faire, il faut fixer des repères et avancer; nous pensons aussi que l'adoption d'une loi sur l'aquaculture constituerait un volet important d'une telle action.

Je suis sûr que si nous parvenons à accomplir tout ou partie de ce que je viens de décrire, je pourrai plaider le dossier devant mon conseil d'administration. Je souhaite qu'une portion plus importante des 500 millions de dollars actuellement investis dans la salmoniculture à l'échelle mondiale soit canalisée vers la Colombie-Britannique et que nous puissions contribuer à la solution. Merci de votre attention.

Le président : Monsieur Backman, souhaitez-vous faire une déclaration préliminaire?

M. Backman : Non, pas pour le moment.

Le président : Très bien, merci beaucoup.

Nous allons laisser la vice-présidente du comité poser ses questions en premier.

La sénatrice Hubley : Merci, monsieur le président.

Merci de comparaître devant nous. Nous sommes enchantés d'être ici, nous qui, pour la plupart, provenons de la côte Est du pays. C'est vous dire combien nous sommes heureux de nous trouver à Nanaimo aujourd'hui.

J'aimerais prolonger l'observation concernant la loi sur l'aquaculture. Lors de nos visites dans différents sites aquacoles, j'ai eu l'impression que le secteur ne se trouvait à l'aise ni avec le ministère des Pêches ni avec celui de l'Agriculture, alors même qu'il s'agit de pisciculture. On a l'impression que les deux secteurs ont été télescopés pour n'en former qu'un seul. Bien entendu, nous nous étions consultés avec la ministre, et son intention était, à l'époque, d'opérer de façon graduelle; selon moi, elle est parfaitement au fait d'un grand nombre de problèmes que vous avez soulevés aujourd'hui. J'aimerais donc savoir, de votre point de vue d'opérateurs du secteur, ce que vous pourriez entreprendre afin que votre industrie de l'aquaculture soit encadrée par une loi, et de quelle manière vous pourriez aider le ministère des Pêches et des Océans à obtenir une telle législation.

M. Backman : Je vous remercie de votre question, sénatrice Hubley. Je pense que le thème d'une loi régissant l'aquaculture est véritablement d'actualité et que vous avez vraiment mis le doigt dessus. Il est vrai que le fait d'élever des poissons dans des enclos océaniques, ou sur terre également, relève de toute évidence d'une forme d'agriculture et, par conséquent, ne trouve pas nécessairement sa place dans la réglementation découlant de la Loi sur les pêches.

Je crois avoir compris que votre question porte sur ce que nous pouvons faire pour contribuer à l'adoption d'une loi dans ce domaine. Actuellement, nous travaillons d'arrache-pied au sein de notre organisation nationale, l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture, à cerner, en collaboration avec le ministère des Pêches et des Océans, les domaines qui pourraient relever d'une loi sur l'aquaculture. Cela nous permettrait, lorsque nous serons consultés, de formuler des opinions appuyées par des données afin de déterminer le champ d'application d'une telle loi de même que ses composantes principales.

Il est encore trop tôt pour tenir une telle discussion, mais nous sommes heureux de la manifestation d'intérêt qui va dans ce sens. Nous pensons qu'une loi sur l'aquaculture permettrait de chapeauter le domaine et de remédier à certaines incohérences — dont vous avez mis en relief la principale.

Mais il faut mentionner également une autre incohérence, à savoir le droit de propriété, car la notion de propriété privée revêt un certain flou lorsqu'on entre dans le domaine des pêches. Certes, en tant qu'exploitants de la Colombie- Britannique, nous disposons d'un permis concernant les installations; cependant, les aspects liés à la propriété privée sont extrêmement importants et ils doivent être harmonisés avec le cadre juridictionnel, et cela de la côte atlantique à la côte pacifique. À l'heure actuelle, du côté est, la juridiction est à la fois provinciale et fédérale. En revanche, nous qui sommes sur la côte Ouest relevons principalement de la réglementation fédérale, même si la juridiction provinciale en matière foncière continue de s'appliquer. Une loi sur l'aquaculture pourrait prendre appui sur les aspects de la législation fédérale permettant une surveillance uniformisée. Elle pourrait être rédigée de manière à donner lieu à une interprétation homogène et cohérente tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial afin d'obtenir la continuité nécessaire; car pour l'instant, c'est un peu le méli-mélo au niveau de la surveillance réglementaire.

Le sénateur Munson : Je vous remercie d'être ici ce matin. Tout ceci est du nouveau pour moi et si mes questions peuvent sembler naïves, vous me le ferez savoir. Mais il n'y a pas, paraît-il, de questions sottes.

Vous avez mentionné 90 lois provinciales. Pourriez-vous en nommer quelques-unes qui pourraient être abrogées, qui entravent l'industrie aquacole, qui nuisent réellement à ce que vous cherchez à faire, qui font que vous accusez un retard par rapport à la Nouvelle-Zélande, à la Norvège, à l'Écosse, à tous ces pays.

Je vous demanderai aussi de réfléchir à cette autre question. Il est facile de blâmer le gouvernement, de lui reprocher qu'il y a trop de règlements, trop de mesures du genre, mais si les gens, les bureaucrates, les politiciens mettent les choses en place, c'est parce qu'ils aiment que les choses soient en ordre. L'industrie elle-même ne devrait-elle accepter sa part de responsabilité pour la situation dans laquelle nous nous trouvons, c'est-à-dire devancés par la plupart des autres pays du monde dans ce secteur de production?

M. Hawthorn : Je ne voudrais pas indiquer quels sont les éléments précis qui, à nos yeux, constituent une entrave ou un obstacle. Je pense que le plus important concerne le processus par lequel nous pourrons amener le gouvernement qui est en interaction avec nous à nous donner quelque certitude quant au moment des prises de décision.

Nous ne nous opposons pas au fait d'être réglementés. Nous sommes d'avis que la réglementation est très importante pour aider les Canadiens et les Britanno-Colombiens à comprendre que ce que nous faisons, est fait avec soin et de façon responsable, mais nous voulons néanmoins quelque certitude. Nous voulons comprendre, nous voulons savoir combien de temps il faudra pour que telle ou telle décision soit prise, de façon à pouvoir dire aux gens qui investissent leur argent dans notre entreprise : « Oui, nous aurons une décision d'ici telle date et nous pouvons aller de l'avant. » Je pense que le processus entourant ces discussions, il est important de dire : « Comment pouvons-nous obtenir certaines normes de service qui nous donneraient un échéancier, pour que nous puissions prendre des décisions? » Je pense que c'est cela qui importe pour pouvoir avancer. Clare a peut-être des exemples précis à communiquer.

M. Backman : Comme je l'ai mentionné plus tôt, il existe actuellement des incohérences du fait que notre industrie est régie par la Loi sur les pêches et, sans accorder trop d'attention à ces questions, il importe de donner un exemple ou deux pour que les gens comprennent. Pour élever notre poisson en mer, nous devons nourrir les animaux. Nous devons leur donner des aliments formulés avec grand soin afin de leur assurer un régime alimentaire sain et nutritif et ainsi fournir le produit que le consommateur recherche. Les animaux doivent donc être nourris tous les jours.

Si les animaux ont besoin de soin et d'attention, si leur bien-être exige le recours à des médicaments, il va de soi que nous leur donnerons les médicaments nécessaires.

Ce faisant, dans les deux cas, nous créons une situation dans laquelle nous pourrions être considérés comme responsables de l'introduction d'une substance délétère aux termes de la Loi sur les pêches. Cela soulève donc le besoin de réglementation pour résoudre cette incohérence apparente.

Ainsi, de nouveau, c'est là le genre de choses qui, nous pensons, peuvent certes être examinées, réglées pas à pas à mesure que nous avançons, mais qui auraient avantage à être visées par une loi générale sur l'aquaculture qui définirait ce qu'est l'aquaculture, et c'est cela qui fait actuellement défaut dans la législation fédérale.

Une loi sur l'aquaculture constituerait un point de départ utile pour établir dans l'esprit du public canadien et de l'industrie canadienne en général une définition et certains objectifs relatifs à ce que le Canada souhaite au chapitre de la croissance et des débouchés de cette industrie.

Le sénateur Munson : Je ne crois pas que vous ayez répondu à ma question portant sur votre propre responsabilité, ce qui devrait peut-être faire partie de notre discussion puisque, écoutant votre témoignage et ayant siégé dans ce comité depuis quelques jours et pris connaissance du travail formidable qui se fait à Tofino, à Campbell River et ailleurs, je ne pense pas que nous puissions combler notre retard si nous restons à attendre. Et il y a des choses qui peuvent être mises en place. Nous entendu hier l'exemple de la Nouvelle-Zélande et des choses simplement étonnantes qui s'y passent avec les Premières Nations, le règlement en premier lieu de leurs contestations et la place de partenaires égaux, sinon majeurs, qui leur est accordée. Regardant tout ça, j'en conclus qu'il a dû se produire autre chose ici, à part l'action gouvernementale, les 90 lois et ainsi de suite. Je pense donc qu'il doit y avoir une certaine responsabilité qui incombe à l'industrie elle-même.

M. Hawthorn : Oui. Nous sommes ici aujourd'hui pour parler de réglementation, des défis qui se posent actuellement, des perspectives d'avenir, et c'est donc sur cela que portera l'essentiel de mes propos. Il y a 20 ans, nous étions un tout nouveau secteur agroalimentaire en Colombie-Britannique. Nous avons beaucoup appris au cours de ces 20 années.

L'une des choses que nous n'avons pas apprises, c'est d'exceller en relations publiques. Nous sommes en quelque sorte des agriculteurs et nous sommes sur le terrain. Hier, par exemple, il ne faisait pas très beau, mais beau temps mauvais temps, nous sommes là, à élever et à produire du poisson, à apprendre comment mieux le faire. Il est certain que nous devons en venir à mieux raconter notre histoire pour faire voir que nous faisons partie de ce monde-là. Et c'est une règle, à mon sens, qu'une part importante de cet effort que le gouvernement peut contribuer est d'aider à communiquer ce qu'il fait pour nous réglementer afin d'inspirer confiance aux Britanno-Colombiens et aux Canadiens de telle sorte que, quand ils visitent nos exploitations, ils se disent que ces gars-là sont réellement formidables : ils respectent les règles et règlements en place — ce qui est bien le cas. Ce serait bien que nous puissions en bénéficier. Nous fournissons des masses de données et ce serait bien qu'elles soient publiées sur le site web dans les jours ou les semaines qui suivent, plutôt que des mois plus tard. Ce serait bien également que nous puissions obtenir de l'information sommaire pour aider dans cette partie.

Mais oui, nous avons aussi notre part de responsabilité, sénateur Munson, et nous commençons à nous mobiliser pour raconter notre histoire. Merci de votre attention.

M. Dunn : Pour donner suite à ce que disait le sénateur Munson sur ce que l'industrie peut faire, je dirai que cette industrie a fait des démarches pour obtenir des certifications de tiers indépendants pour nos exploitations afin de montrer qu'elles sont écologiquement viables. Cela nous ramène au point que soulevait Stewart au sujet de la communication.

Si nous avons un processus établi pour les demandes, des échéances déterminées et des permis d'une durée plus longue que le temps de croissance des poissons en mer, cela donne aux entreprises le signal d'investir, et comme vous l'avez constaté au cours de vos tournées, il s'agit d'une industrie hautement capitalistique. La construction d'alevinières et d'établissements piscicoles exige un fort capital. L'industrie souhaite la croissance, et si elle pouvait tabler sur un processus connu avec des résultats prévisibles, elle ne manquerait pas de croître.

Le président : Monsieur Hawthorn?

M. Hawthorn : J'ai travaillé en Nouvelle-Zélande pendant 15 ans en pisciculture. J'ai travaillé avec les Premières Nations de Nouvelle-Zélande, et je puis vous assurer que la réglementation que nous avons ici est très forte. Elle exige beaucoup plus de rapports et me rend très sûr de pouvoir dire aux gens que nous faisons du bon travail, et il s'agit maintenant d'en faire la démonstration afin d'inspirer confiance au public. Merci.

La sénatrice Stewart Olsen : Bienvenue à tous. Je dois dire que j'ai beaucoup appris au cours de nos tournées des quelques derniers jours. Étant originaire de la côte Est, je sais que nous avons une industrie au Nouveau-Brunswick, surtout des producteurs de deuxième rang, mais je pense que nous pouvons faire beaucoup plus. Je pense que vous avez tout à fait raison; nous devons nous assurer que tout est bien prévu, et que tous les aspects ont été examinés. Je comprends votre point au sujet de la réglementation.

Je remarque une chose : dans le cas d'un pisciculteur qui part à neuf, votre association lui apporte-t-elle une aide de démarrage? Avez-vous des moyens pour éduquer les personnes qui démarrent une entreprise et leur montrer comment s'y prendre? Je pose la question parce que je pense que l'industrie elle-même et ses associations pourraient apporter beaucoup d'aide aux nouvelles entreprises qui cherchent à entrer en production, mais qui ne savent pas exactement si elles ont tout prévu.

M. Backman : Je répondrai à votre question, si vous le permettez. Je pense que le côté technique de la salmoniculture, après maintenant 25 ou 30 ans, est assez bien maîtrisé, si bien que les entreprises qui y sont actuellement engagées assurent cette formation à l'interne à mesure que de nouveaux employés arrivent.

Les personnes qui souhaitent entrer en salmoniculture ont aussi la possibilité de se former au cours de leur carrière ou d'apprendre la salmoniculture et les rudiments voulus pour s'y lancer auprès d'autres entreprises ou en suivant des cours dans des établissements d'enseignement, par exemple.

Mais concrètement, de nos jours, la salmoniculture est telle que l'exploitation d'une entreprise salmonicole à un niveau professionnel et au niveau écologiquement viable qui est exigé est un projet passablement onéreux à réaliser. C'est pourquoi ce sont des groupes relativement bien positionnés et professionnels qui tendent à se lancer dans l'industrie.

Au Canada en général, en Colombie-Britannique en particulier, il y a eu au cours de la décennie 1990 une rapide croissance des entreprises intéressées à s'engager dans cette industrie. L'entrée en vigueur de la réglementation provinciale vers la fin de la décennie 1990 et les premières années de la décennie 2000 — réglementation nécessaire, soit dit en passant, mais réglementation qui ne découlait pas de la Loi sur les pêches — a entraîné d'importants coûts supplémentaires pour les pisciculteurs, tenus de se conformer à ces nouveaux règlements. Cela a eu tendance à faire en sorte que les pisciculteurs pouvant survivre et les nouveaux entrants étaient ceux qui étaient capables de satisfaire aux exigences financières d'une exploitation conforme à la nouvelle réglementation, un aspect des plus nécessaires à l'exploitation aquacole moderne.

Je pense donc que nous faisons ici une boucle complète, et c'est là où se trouvent actuellement les entrants en salmoniculture. Ils recherchent l'occasion propice, ils attendent le signal indiquant qu'il y a la possibilité de mettre sur pied non pas un seul établissement piscicole dans un secteur particulier, mais de pouvoir envisager, avec quelque certitude, d'exploiter trois, six, neuf établissements de façon à créer un noyau qui rendrait l'entreprise viable dans l'industrie salmonicole moderne.

La sénatrice Stewart Olsen : Je voudrais juste réitérer que si l'association adoptait une position rigoureuse en matière de surveillance et qu'elle exigeait et obtenait la conformité des nouveaux producteurs et de tous les producteurs, cela contribuerait grandement à ses efforts de relations publiques; que vous acceptiez une responsabilité, regroupiez l'industrie piscicole responsable et alliez de l'avant avec un projet de surveillance, à peu près comme l'ont fait les médecins, les infirmières; tous ces gens réglementent, proposent également des idées à introduire dans les règlements. Je pense que cela serait très utile. De plus, cela donnerait au gouvernement une base à partir de laquelle il pourrait travailler plus aisément avec vous s'il y avait quelque chose comme un guichet unique avec fonction de surveillance quant au respect de la réglementation.

La sénatrice Raine : Nous sommes heureux que vous soyez ici et nous apprécions ce que vous faites. Je voudrais simplement vous demander, à vous trois, en raison de votre expérience en Norvège et en Nouvelle-Zélande, peut-être aussi en Écosse, de nous dire en quoi la réglementation au Canada — et il y a une sorte d'agencement des régimes réglementaires des différentes autorités canadiennes — diffère tellement de celle d'autres pays et de les comparer.

Ce que je veux dire, c'est que, si vous aviez à choisir un modèle de bonne réglementation réellement solide, propre à assurer la durabilité de l'industrie aquacole, quel régime parmi ceux ailleurs au monde que vous connaissez serait, à votre avis, le meilleur? Pas le plus accommodant pour l'industrie peut-être, mais le meilleur sur le plan de la durabilité.

M. Hawthorn : En fait, je pense que notre régime réglementaire est très bon et, s'il n'est pas le meilleur, il est certes l'un des meilleurs. C'est un système réglementaire reconnu mondialement.

Je pense que le Canada, pour ce qui est de son attrait pour les investisseurs, se nuit à lui-même en raison du temps qu'il faut pour prendre des décisions. C'est pour nous un défi constant d'apporter des modifications même relativement mineures à un permis de structure. Cela peut prendre des mois, parfois même des années.

Si je devais faire la comparaison avec ce que j'ai connu en Nouvelle-Zélande, une fois définie notre zone d'aquaculture, l'entreprise, soutenue par des professionnels experts, pouvait venir nous dire : « Eh bien, nous avons décidé que la taille du filet ne convient pas à l'exploitation, changeons-la. » Nous n'aurions alors qu'à faire le changement, puis présenter un rapport. Ici, nous devons d'abord retourner à la planche à dessin, puis demander l'autorisation de faire les changements et, en fin de compte, après avoir fait ces démarches, nous avons probablement envisagé une autre solution qui nous paraît préférable. Ce serait donc bien que nous puissions en arriver au point où nous pourrions avancer un peu plus rapidement.

Mais sur le plan de la conformité environnementale — prévenir tout dommage à l'environnement, veiller à ce que les emplacements de nos établissements aquacoles soient bien choisis et appropriés du point de vue environnemental —, toutes ces choses sont en place. Nous avons ici au Canada un système réglementaire très robuste et nous pouvons en être fiers.

La sénatrice Raine : Si j'ai bien compris, il semble y avoir un manque de confiance quelque part. Pourquoi devrions- nous, en tant que gouvernement, accepter de dépenser beaucoup, car il est coûteux aussi pour le gouvernement d'apporter ces modifications aux règlements, pourquoi aurions-nous établi un système à ce point tracassier si nous faisons confiance aux gens qui exploitent les établissements de pisciculture?

M. Backman : Je pense qu'il a été mentionné déjà que notre capacité, en tant qu'industrie, de parler au sujet de la réglementation qui nous régit et de notre niveau de conformité, n'est pas telle que nous nous faisons vraiment entendre. D'autres voix soulèvent des préoccupations qui trouvent davantage écho à cause, par exemple, de la crainte de perdre quelque chose dans le milieu sauvage. Ainsi, notre capacité de répondre et de faire contrepoids à ces autres voix est quelque peu restreinte. Les gens ont plus tendance à écouter et à retenir les mauvaises nouvelles que les bonnes.

Permettez-moi de passer aux bonnes nouvelles pour un moment, puisque vous avez posé la question de la comparabilité avec d'autres pays. Marine Harvest a des spécialistes de la durabilité de l'environnement dans chacune des régions où elle a des exploitations : la Norvège, l'Écosse, l'Irlande, les îles Féroé, le Chili.

Je reviens tout juste d'une réunion tenue à Bergen, en Norvège, où nous avons comparé nos réussites et avons établi des indicateurs de performance pour améliorer la durabilité de l'environnement. Je tiens à signaler que le Canada fait très belle figure. À l'heure actuelle, à cette dernière réunion, nous fournissons plus d'information sur les moyens par lesquels les autres pays pourraient faire mieux dans bien des cas en nous basant sur les pratiques que nous avons adoptées ici au Canada, dont bon nombre découlent de nos efforts de conformité à la réglementation de l'aquaculture sur les côtes du Pacifique.

J'en donne rapidement deux exemples. La norme sur la solidité des filets et celle visant leur construction, appliquées au-delà des exigences par les entreprises en Colombie-Britannique ont à peu près éliminé le problème des poissons qui s'échappent, alors qu'il demeure un problème de contrôle majeur dans d'autres régions du monde. Ainsi, le Canada, par sa réglementation, en construisant et en allant au-delà de la réglementation réussit encore mieux.

Un autre domaine d'activité est le contrôle du milieu océanique et du benthos, c'est-à-dire la recherche d'indications d'impacts sous l'emplacement des établissements piscicoles. Ce ne sont pas tous les pays qui ont cette exigence. Parfois, les établissements piscicoles bénéficient d'une intervention occasionnelle de la part d'un organisme gouvernemental. Au Canada, tout particulièrement sur la côte Ouest, nous sommes en train de créer d'immenses bases de données qui montrent que notre impact sur le fond océanique est transitoire, de courte durée et relativement léger. Cela nous met maintenant en belle position à mesure que nous progressons vers une certification sans cesse plus détaillée par des tiers indépendants qui demandent de telles données. Ainsi, au Canada, du fait que nous avons été tenus de recueillir ces données en conformité aux règlements, nous sommes en mesure de les produire sans tarder, tandis que d'autres pays se voient maintenant obligés d'amorcer des efforts dans ce sens.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Vous avez mentionné que vous aviez 15 entreprises et partenariats avec des Premières Nations côtières. Combien de ces entreprises sont situées sur le territoire de Premières Nations? Vous dites avoir 6 000 employés, parmi lesquels seulement 20 p. 100 appartiennent à une Première Nation. Comment expliquer cela? Une dernière question : y a-t-il des postes de cadre occupés par des membres d'une Première Nation?

M. Backman : Ici sur la côte Ouest, Marine Harvest a des protocoles d'entente avec cinq différentes Premières Nations et 10 groupes de personnes. Notre niveau d'emploi varie selon la région et l'intérêt des membres des Premières Nations à y participer. Dans certaines régions, ce niveau représente un pourcentage très élevé de nos effectifs, plus de 60 p. 100. À l'usine de transformation à Klemtu, par exemple, il atteint 100 p. 100.

Dans d'autres régions de la province, le niveau est plus bas. À Broughton, il s'établit à environ 15 p. 100 de nos effectifs. Ce n'est pas un aspect des ressources humaines pour lequel nous tenons des statistiques. Nous ne faisons que constater. Nous avons une politique d'ouverture et nous offrons notre formation, tant technique qu'en gestion, à tous ceux qui en font la demande, y compris les membres des Premières Nations.

Je n'arrive pas sur le moment à me rappeler à l'esprit les postes de cadre, mais je sais qu'il y a quelques Premières Nations qui participent actuellement à notre programme de formation en gestion; c'est donc qu'elles entendent profiter de l'occasion.

Il y a d'autres activités commerciales dans lesquels les Premières Nations ont un intérêt, étant mêlées à notre entreprise, mais pas nécessairement dans le volet d'élevage du poisson. Par exemple, il existe deux entreprises prospères d'importance qui sont associées à Marine Harvest. L'une fait la capture des poissons dans les établissements piscicoles et assure leur transport jusqu'à l'usine de transformation. Les bateaux de pêche appartiennent à une entreprise d'une Première Nation. La deuxième entreprise, qui s'occupe du transport d'équipement aux établissements piscicoles, est exploitée en partenariat avec une Première Nation. Ainsi voit-on qu'il y a un important degré d'intégration.

Je suis sûr que Stewart aurait également quelques points à ajouter, mais tout dépend de ce que la Première Nation concernée inclut dans les conditions de l'entente que nous avons avec la bande.

M. Hawthorn : En effet. La situation chez Grieg est très similaire. Nous avons recours aux services de bateau-taxi, ainsi qu'à des baleinières pour le transport en sous-traitance de poissons vivants. Dans les deux cas, il s'agit d'entreprises dont les propriétaires-exploitants sont des Premières Nations. Nous fournissons de la matière organique, des poissons qui sont morts, à une Première Nation qui met sur pied une installation de compostage.

Il est certain que nous pratiquons l'intégration dans cette perspective. Et comme Clare l'a dit, nous travaillons sur les territoires traditionnels de cinq Premières Nations et nous avons des ententes formelles avec trois d'entre elles. Nos rapports sont bons, et nous cherchons à officialiser notre relation avec les deux autres Premières Nations chez qui nous travaillons.

Comme les diverses nations ont des besoins et des ambitions qui diffèrent, la formule à adopter varie énormément. J'estime que mon travail en tant que membre de la direction chez Grieg Seafood est de me rendre sur place et d'écouter afin d'arriver à comprendre quels sont les besoins et les aspirations, puis de voir ce que nous pouvons faire pour formuler une approche commune garante de progrès.

Le sénateur McInnis : Merci d'être venus à la réunion. Ces derniers jours ont été d'un grand intérêt, en particulier pour moi, sénateur de la Nouvelle-Écosse.

Moins de 20 p. 100 des Canadiens vivent en milieu rural, en partie à cause du peu de possibilités d'emploi qu'on y trouve et aussi parce qu'en période de difficultés économiques nous perdons nos institutions.

Je crois donc que l'aquaculture est importante, mais qu'il importe qu'elle soit faite correctement. Il semble bien que nous éprouvions plus de difficultés dans l'Est du pays à faire prendre son envol à l'industrie de l'aquaculture. Je suppose que vous êtes membre de l'Association aquacole du Canada?

M. Dunn : Oui.

Le sénateur McInnis : Je la félicite pour son rapport sur la R-D en 2013. Je l'ai trouvé inspirant et extrêmement candide et franc quant à la situation actuelle de l'aquaculture et à certains des défis auxquels elle est confrontée.

Je ne poserai que quelques questions, et peut-être serez-vous en mesure d'y répondre. Quelle est la composition de votre association? D'où vient son financement? Quelle somme consacrez-vous à la recherche-développement? Je crois qu'il est important de le savoir. Peut-être pouvez-vous nous dire qui participe à votre R-D? Est-ce que le gouvernement fédéral, que les trois ordres de gouvernement y participent?

Je sais qu'ici en Colombie-Britannique, vos pêcheries sont régies par Pêches et Océans Canada et que la participation provinciale est inexistante. Pourriez-vous élaborer sur ce point et, si le temps le permet, monsieur le président, j'aborderai quelques autres domaines; sinon ce sera à la prochaine ronde.

M. Dunn : Je répondrai aux deux premières. Quelle est la composition de notre association? Nous avons 37 membres de la BC Salmon Farmers Association, qui sont des producteurs, des fournisseurs, des fournisseurs de service, toute la gamme de ceux qui font partie de l'industrie salmonicole, ainsi que certains autres. L'un de nos membres est producteur de morue charbonnière à Kyuquot, et on peut donc dire que la composition de l'association est holistique. Notre association s'autofinance entièrement à partir des cotisations des membres et nous travaillons ensemble en collaboration afin de promouvoir les intérêts de la salmoniculture en Colombie-Britannique et coopérons à l'échelon de l'industrie en vue d'améliorer les pratiques. Le niveau de partage de l'information à l'intérieur du secteur est incroyable.

J'assistais à une conférence à Boston il y a deux semaines et j'en ai appris plus à cette occasion sur le partage à l'échelle mondiale, et on peut dire qu'en général le partage au sein du secteur de l'aquaculture est loin devant ce qui se fait dans tout autre secteur agricole de la planète. Voilà quelque chose dont nous sommes très fiers.

C'est ainsi que, grâce au partage de l'information, les plus solides contribuent à renforcer ceux qui sont plus faibles au plan de la recherche-développement.

M. Backman : Quant au volet R-D de la question et de son financement, nous avons un modèle participatif dans lequel les entreprises mènent leurs propres efforts indépendants de R-D, et, là où il existe des possibilités d'obtenir des fonds d'organismes fédéraux subventionnaires, nous présentons également des demandes à cette fin. Pour ce qui est du montant des fonds fédéraux accordés, bien que ceux-ci soient, comme vous vous en doutez, fort appréciés, il est modeste en comparaison au montant que les entreprises consacrent à leur propre R-D en vue de résoudre certains des problèmes fondamentaux de la pisciculture.

Je reviens au fait que, vu la réglementation actuelle prise en vertu de la Loi sur les pêches, la plus grande partie du financement qui est obtenu sert à examiner les répercussions environnementales, à juste titre d'ailleurs; nous devons en effet nous efforcer de comprendre quelles sont ces répercussions et de les réduire dans toute la mesure du possible. Très peu de fonds sont disponibles au titre de l'expansion des stocks, de la mise en valeur du poisson, du développement de vaccins et de la santé des poissons, questions qui pourraient, à nos yeux, être visées par une loi sur l'aquaculture, puisque celle-ci contiendrait des dispositions mettant en lumière le besoin d'offrir des possibilités de financement de ce genre qui, à l'heure actuelle, sont absentes dans une large mesure.

M. Hawthorn : Je réitère que nous ne cherchons pas à obtenir un financement massif du gouvernement; nous travaillons à améliorer la santé des poissons par le développement de vaccins, par un renforcement de notre coopération à l'échelon des établissements piscicoles entre les divers organismes et entreprises de pisciculture dans le but de nous assurer que nous travaillons ensemble lorsque nous nous trouvons dans un domaine partagé

Nous travaillons avec nos fournisseurs à mettre au point des formules alimentaires pour faire en sorte que nous produisons et utilisons des aliments contenant de moins en moins de farines et d'huiles de poisson. Ainsi, nous serons assurés que notre production est nette des apports en sous-produits de poisson.

Pour ce qui est des interactions entre les poissons sauvages et ceux d'élevage, nous sommes très intéressés continuer de montrer que les répercussions sont nulles. C'est le genre de questions sur lesquelles nous travaillons.

Le sénateur Munson : Simplement une approche différente. Merci d'avoir répondu à nos questions aujourd'hui. Je viens d'y penser, puisque je suis sur la côte Ouest, où il y a toujours des craintes de désastres environnementaux et écologiques comme par le passé avec le naufrage du Valdez et autres événements du genre. La BC Salmon Farmers Association a-t-elle adopté une position sur le pipeline Northern Gateway? Avez-vous des conversations au sujet de vos préoccupations et inquiétudes, en particulier quant à l'éventualité d'une catastrophe pour votre industrie? Existe-t-il des plans à mettre en application en cas d'événement grave? J'aimerais connaître votre point de vue sur la question environnementale et sur la survie de votre industrie.

M. Dunn : Je pense que Clare est celui qui peut le mieux parler de certains des plans qui sont en place, lesquels seraient propres aux entreprises individuelles qui chercheraient alors à protéger leurs poissons. Mais en tant que gens de la côte, nous sommes constamment et au plus haut point préoccupés par l'environnement.

Nos membres et les travailleurs en salmoniculture passent probablement plus de temps sur l'eau que ceux de la plupart des autres secteurs et sont très sensibles aux questions environnementales. S'ils aiment vivre sur la côte de la Colombie-Britannique, c'est parce qu'ils aiment l'environnement où ils sont.

Nous réfléchissons, certes, à notre coexistence avec les autres secteurs et il va sans dire que la santé et la propreté de l'océan revêtent la plus haute importance pour notre industrie.

M. Backman : Je pense que du point de vue des entreprises le plus préoccupant, pour ainsi dire, c'est que tous les établissements aquacoles sont maintenant exploités en milieu marin. Il s'agit d'un milieu fort achalandé : le trafic maritime est considérable et, comme nous le savons, il y a tous les jours des pétroliers qui longent la côte. Ainsi, nous sommes déjà bien conscients de la possibilité d'avoir à réagir à tout changement de la qualité de l'eau ou à un déversement pétrolier et une fuite de substances du genre. Chaque établissement piscicole est déjà fait ses préparatifs pour une telle éventualité. Tous sont équipés de barrages flottants qui permettent d'éliminer les petits déversements qu'ils peuvent avoir causés eux-mêmes.

Je me répète, mais nous sommes conscients que les mouvements de bateaux peuvent à l'occasion entraîner des déversements, et il nous faut, de temps à autre, déployer nos barrages flottants pour empêcher qu'un déversement en surface atteigne les établissements piscicoles.

Ce que je cherche à dire, c'est que, pour le moment, nous ne prévoyons pas de changements majeurs dans la situation qui existe actuellement aux emplacements des établissements piscicoles.

Le sénateur Munson : Je me demandais seulement s'il y avait quelque chose que nous puissions apprendre; vous avez parlé de l'exemple de la Norvège et de ses plateformes de forage pétrolier, où les deux industries semblent coexister assez bien.

M. Hawthorn : Je pense que c'est exact. Grieg Seafood n'a pas de position arrêtée dans un sens ou dans l'autre en ce qui concerne le pipeline Northern Gateway. C'est une discussion qui se déroule entre les Britanno-Colombiens, les Albertains, les Canadiens, les gens de la côte, les Premières Nations et le gouvernement du Canada. Quant à notre secteur piscicole, la réglementation très rigoureuse qui est en place montre que nous avons une bonne feuille de route. Je laisserai donc le processus suivre son cours jusqu'à ce qu'une décision soit prise.

Ce que je peux dire cependant, c'est qu'il y a quelques semaines, un remorqueur ayant échoué dans le passage de Tahsis sur la côte ouest de la Colombie-Britannique, nos gens se sont rendus sur place pour aider à le tirer de l'eau et à le mettre en sécurité.

Il y a donc avantage à pouvoir faire appel à des gens, des pisciculteurs résolus à préserver leur stock d'élevage et leur environnement, pour peu qu'ils aient les ressources voulues. C'est une bonne chose.

M. Backman : J'ajouterais un très bref commentaire, si vous le permettez. Au cours de mes 27 années de travail sur la côte, j'ai constaté que le nombre de personnes qui sont des marins professionnels, au sens général du terme, est en déclin. Certains membres des Premières Nations nous ont approchés pour nous demander d'offrir des occasions qui permettraient à leurs jeunes de se familiariser avec le milieu marin.

Le point que je veux souligner ici, c'est que l'infrastructure qui est actuellement en place dans le milieu marin des parties nord et centrale de la côte se dégrade dans le temps. Aussi, la construction du pipeline Northern Gateway et l'intérêt qu'il suscite ont-ils pour effet secondaire d'amener plus de gens à aller en mer. Il offre la possibilité d'accroître le nombre de marins actifs et d'attirer de nouveaux investissements dans le secteur naval et les équipements de service, situation qui constituerait une évolution heureuse.

Le sénateur McInnis : Je voudrais revenir un moment sur la Commission Cohen parce qu'il y a déjà eu une discussion ce matin sur la possibilité d'établir une loi sur l'aquaculture qui serait distincte et suffisante, ce qui, soit dit en passant, me paraît à moi, comme au juge Cohen, être une bonne idée. Bien qu'il affirme dans son rapport que ce serait probablement une bonne idée, j'aimerais savoir ce que vous en pensez et faire appel à vos lumières, si vous le voulez bien.

Si j'ai bien compris l'arrêt de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, il a été statué que l'aquaculture était une pêcherie et non une activité agricole et que, de ce fait, ceux qui poussent à faire adopter une loi distincte risquent fort, je pense, de rencontrer quelques difficultés. Auriez-vous des commentaires à formuler à cet égard?

M. Hawthorn : Clare est engagé à fond dans le processus et il est donc probablement le mieux placé pour en parler.

M. Backman : Je pense que la meilleure façon de répondre à votre question est de retourner en arrière et de revoir l'arrêt qui a fait passer l'aquaculture sous le régime de la réglementation fédérale. À l'époque, il s'agissait de déterminer si l'aquaculture, aux termes de la constitution, devait relever de la compétence provinciale ou de la compétence fédérale, et il a été statué dans l'arrêt qu'elle devait, constitutionnellement, être réglementée par le gouvernement fédéral et que, faute d'une loi qui s'y appliquerait expressément, elle devait être de la responsabilité du ministère des Pêches et Océans.

C'est ainsi que Pêches et Océans Canada, assumant cette responsabilité, a adapté, par exemple, les règlements établis auparavant par la Colombie-Britannique. Je ne vois pas en quoi le fait que l'aquaculture soit réputée être une pêcherie, au sens où l'entend la loi, constituerait nécessairement un obstacle permanent à l'adoption d'une loi sur l'aquaculture, qui serait, comme je l'ai mentionné plus tôt, une loi-cadre apportant les définitions nécessaires qui sont absentes de la Loi sur les pêches.

Je crois qu'il est important de bien comprendre que la Loi sur les pêches ne disparaîtra pas pour autant. Il est important que la préservation des pêcheries sauvages soit assurée à un haut niveau. C'est donc dire qu'elle demeurera en vigueur et que quiconque, nous-même compris, exerce des activités de pêche dans les océans du Canada sera assujetti à la Loi sur les pêches. Toutefois, l'aquaculture mettra en lumière les aspects que la Loi sur les pêches ignore.

Le sénateur McInnis : Eh bien, je suis d'accord avec vous. J'espère vraiment que nous trouverons moyen de faire adopter une loi distincte et je pense qu'une telle mesure donnerait à l'aquaculture au Canada l'importance qu'elle a tant du point de vue économique que du financement qui lui sera probablement accordé en vue de l'expansion de l'industrie. J'applaudis donc vos efforts en ce sens et je suis d'avis qu'il s'agit d'une mesure que notre comité devrait examiner sérieusement.

Mais le juge Cohen a aussi parlé du saumon sockeye du fleuve Fraser River et était conscient que les données existantes n'étaient pas suffisantes pour trancher la question. Mais il a affirmé qu'en raison de l'incertitude, la commission avait appliqué le principe de précaution consistant à imposer des parcs en filet pour la gestion de l'aquaculture et avait demandé un moratoire sur l'expansion de toute salmoniculture dans la région des îles Discovery de la Colombie-Britannique en attendant que les données nécessaires soient recueillies. Une fois cela fait, elle a recommandé l'application du critère du dommage minime, faisant valoir que « POC ne peut pas affirmer avec confiance que le risque de dommage sérieux est minime. Il devrait interdire l'exploitation de tous les établissements piscicoles avec parcs en filet dans les îles Discovery. » Qu'en dites-vous? Est-ce que cela vous préoccupe? Est-ce exact?

M. Hawthorn : Eh bien, nous avons déjà affirmé que nous étions d'accord avec toutes les recommandations du juge Cohen, y compris celle relative à la salmoniculture.

Je reviens sur ce que le juge Cohen a dit. Malgré tous les propos alarmants que vous avez pu entendre ou non depuis des années de la part de gens qui, à mon avis, ont malheureusement disséminé de l'information trompeuse, tous les résultats des recherches menées jusqu'à ce jour ne montrent pas qu'il y a des dommages ou des risques sensibles.

Mais vous avez raison. Il a poursuivi en disant — je paraphrase — qu'il s'agit d'un enjeu à ce point important et emblématique — la présence de saumon sauvage sur la côte et, de fait, jusqu'à l'intérieur de la Colombie-Britannique car il monte jusqu'à là — qu'il faut s'assure de faire tout ce qui est possible. Sur ce point, nous sommes également d'accord.

En tant qu'association d'aquaculture, nous avons entrepris de recueillir de l'information au moyen d'une série d'ateliers — le troisième aura lieu au début de mai — afin de définir ce qui constitue un risque, de déterminer à quelles questions de recherche nous devons répondre pour pouvoir commencer à nous attaquer à ce travail. Nous effectuerons une partie du travail; une autre partie sera faire en partenariat avec le ministère; une autre sera confiée à des établissements universitaires. Mais quoi! Nous devons nous assurer d'inspirer aux Britanno-Colombiens et aux Canadiens pleine confiance dans la solidité du travail que nous accomplissons. Je crois que tel est bien le cas, mais nous devons néanmoins continuer de chercher et de trouver à mesure que nous progressons.

Le sénateur McInnis : Quelques autres questions. Je tiens à ce que ce soit consigné dans notre procès-verbal parce que cela me paraît très important et que cela fait partie des difficultés que nous avons dans l'Est du pays : le courant et la profondeur de l'eau.

Ces derniers jours, nous avons vu et visité d'excellents emplacements. Dans un cas, la profondeur de l'eau atteignait, je pense, 400 pieds et il y avait toute sorte de courant. Ce n'est pas le cas de beaucoup d'emplacements qui ont été approuvés, mais certains avaient été approuvés dans le Canada atlantique. Quelle est l'importance du courant et de la profondeur de l'eau dans votre exploitation? Au fond, je veux savoir si vous approuveriez une demande d'installation où la profondeur ne serait, par exemple, que de 13 mètres? Vous n'avez pas l'approbation, mais je voudrais savoir si vous seriez d'accord.

M. Backman : La réglementation actuelle en Colombie-Britannique n'empêcherait de même songer à un emplacement avec une si faible profondeur d'eau. Vous avez tout à fait raison : il est important d'avoir une profondeur suffisante.

Dans un premier temps, j'aborderai la question dans une optique réglementaire, puis du point de vue de l'entreprise exploitante. Je tâcherai d'être bref. Dans une optique réglementaire, un établissement piscicole ne peut même pas projeter une ombre sur le fond marin à une profondeur de moins de 30 mètres. C'est dire qu'il faut aller en eau plus profonde. Mais notre équipement est conçu pour chercher une profondeur minimale de 50 mètres, c'est-à-dire pas tellement moins que 200 pieds, pour le choix d'en emplacement approprié. Et je n'ai fait aucune mention de tous les autres aspects de l'habitat à évaluer pour s'assurer de ne pas avoir des répercussions néfastes, réelles ou possibles, sur les « précieux éléments de l'écosystème », comme on les appelle.

Le sénateur McInnis : Cela est intéressant parce qu'il s'agit d'une autre raison qui milite en faveur de l'adoption d'une loi nationale prévoyant une compétence concurrente des provinces et du gouvernement fédéral, semblable à ce qui est prévu pour le Code criminel. Elle serait justifiée par le fait qu'ici vous avez une réglementation prescrivant une certaine profondeur d'eau, ce qui n'est pas le cas dans les autres provinces.

Je voudrais aborder rapidement un autre sujet, si je puis. Le Centre pour la santé et le développement de l'aquaculture nous a donné une vraie leçon sur le pou du poisson, problème qui, si j'ai bien compris, ne peut être traité qu'avec le SLICE. Or, ce produit s'est révélé inefficace dans certains établissements piscicoles au Nouveau-Brunswick, si bien qu'on a cessé de l'utiliser. Je voudrais savoir ce que vous pensez de la situation et aussi des autres qui concernent les « kooners » et les moules bleues.

Quelle est l'ampleur du problème ici? Qu'est-ce que vous utilisez ici comme traitement et quels sont les résultats obtenus?

M. Hawthorn : Le pou du poisson, pour dire les choses bien clairement, présente un risque pour nos poissons d'élevage, mais pas pour les poissons sauvages. En Colombie-Britannique, le problème est en réalité très bien géré. Notre outil clé de contrôle est la mise en jachère autour de l'emplacement et la gestion des aires. Dans ce domaine, nous sommes réellement le chef de file mondial. Dans trois entreprises piscicoles dans la région des îles Discovery, par exemple, nous avons une entente de gestion des aires où la technique du tout-plein/tout-vide est pratiquée; cette rotation a une grande importance pour ce qui est d'atténuer et de prévenir le risque de résistance au SLICE ou d'amoindrir son efficacité.

Nous avons aussi en Colombie-Britannique la bonne fortune de recevoir de fortes précipitations. Le pou du poisson n'aime pas la pluie. Il est un animal essentiellement marin. Si bien que nous bénéficions d'un avantage naturel d'avoir nos établissements piscicoles sur la côte Ouest du fait de la grande abondance de pluie.

Regardant vers l'avenir, nous pensons qu'il est sensé de disposer de plus d'une option de traitement pour les éventuels problèmes sanitaires que nos poissons pourraient avoir. Ainsi, nous pensons qu'il est raisonnable d'instaurer un régime régulier qui rend cela possible et nous aimerions prendre connaissance de certaines options.

Nous envisageons, en tant que communauté piscicole, de recourir comme éventuel outil au peroxyde d'hydrogène, qui est d'ailleurs actuellement mis à l'essai à cette fin. J'estime qu'il est très important de le faire et que nous devrions le faire.

Chez notre société mère, Grieg Seafood en Norvège, nous mettons dans nos enclos de petites vieilles, qui servent à enlever les poux des poissons. Elles se sont avérées très efficaces dans l'une de nos régions piscicoles, ce qui fait que les poissons qui sont gardés en enclos sont moins parasités.

Nous avons appris au fil des ans qu'il faut veiller à ce que les filets des enclos soient vraiment propres parce que les poissons plus propres mangeront de tout, y compris tout ce qui se trouve sur le filet. Si nous voulons que les vieilles enlèvent les poux des poissons, il faut que les filets soient vraiment propres.

Ce sont là les travaux de recherche dont vous parliez plus tôt, sénateur McInnis. Dans ces recherches, nous devons continuer d'examiner des solutions de rechange pour l'avenir si nous voulons assurer la croissance de notre secteur piscicole. Je suis d'avis que nous le pouvons.

Le sénateur McInnis : Cette recherche est-elle suscitée par réglementation ou s'agit-il simplement de bonnes pratiques adoptées par des entreprises individuelles?

M. Hawthorn : Il s'agit de bonnes pratiques adoptées par les entreprises piscicoles; c'est ce que nous faisons, une partie très importante de nos activités.

Le sénateur McInnis : Mais ce n'est pas réglementé.

M. Hawthorn : D'après moi, non.

M. Backman : Bien qu'obligatoire, la mise en jachère est nécessaire pour ramener l'état des sédiments sous l'établissement piscicole au niveau d'impact minimal; ainsi s'il y a dépassement de ce niveau, il faut alors, avant de réintroduire du poisson, prolonger la jachère jusqu'à ce que les sédiments reviennent à ce qui est considéré comme la condition de référence. Ici, en Colombie-Britannique, la situation tombe ainsi sous le coup de la réglementation, et nous nous y conformons.

L'exploitation de la plupart de nos établissements piscicoles se fait à un niveau d'impact tellement faible que nous pourrions remettre le poisson en enclos après un temps de jachère très court, mais nous avons tendance, par souci de la santé des poissons, de tout sortir et tout nettoyer et d'installer de nouveaux filets et le reste, si bien qu'il faut compter de deux à trois mois avant de réintroduire du poisson.

Le sénateur McInnis : Mais en procédant ainsi, vous avez moins de soucis à vous faire?

M. Backman : C'est vrai. C'est en partie pourquoi les effets sur le fond marin sont limités.

Le président : Un dernier commentaire avant que je donne la parole à la sénatrice Raine.

M. Hawthorn : Je veux juste revenir sur votre tout premier commentaire au sujet du soutien dont nous avons besoin, en tant que communauté piscicole, afin de permettre la croissance de notre secteur. En Colombie-Britannique, nous ne demandons pas de fonds publics. Nous ne sommes pas en quête, ni n'avons besoin d'un financement gouvernemental. Nos actionnaires sont disposés à investir. Tout ce qu'ils souhaitent c'est un certain degré de certitude. Ils veulent qu'il y ait certaines échéances pour les prises de décision et une certaine assurance quant à la durée des permis d'exploitation.

Le président : Merci de votre intervention.

La sénatrice Raine posera la dernière question.

La sénatrice Raine : Lorsque vous avez fait état, au début, des obstacles qui nuisent à notre industrie, qui empêchent notre aquaculture de réaliser son plein potentiel, vous avez dit que la toute première barrière était la perception du public. J'aimerais que vous formuliez si possible des commentaires sur la façon dont le public est devenu à ce point mal informé quant aux effets néfastes de la pisciculture, lesquels ont été, à mon avis, très exagérés. J'ai fait un peu de recherche sur certaines des études parues dans les premiers temps et qui affirmaient carrément que le poisson d'élevage était nuisible à la santé.

Je veux juste vous demander comment vous avez composé avec cette situation en tant qu'industrie? Cela me paraît être un problème énorme. Nous devrions examiner ces questions à partir d'une base scientifique, et ce n'est pas ce que nous faisons. Nous les abordons avec une attitude empreinte d'émotion, et c'est là un sérieux problème. Auriez-vous des commentaires à formuler à ce sujet?

M. Dunn : La peur est une puissante émotion. Conjuguée à l'incertitude, elle exerce une très forte influence sur les gens. De plus, pour bien des gens, scientifiques compris, l'océan est un monde incroyablement mystérieux. C'est pourquoi d'ailleurs il fait l'objet de tant d'importantes recherches. Je suis d'avis que ce qui se passe réellement, c'est que certains suscitent la peur dans la population sans avoir une information exacte. En tant que représentants de ce secteur, c'est notre rôle dans notre travail avec le gouvernement de produire des rapports et de montrer que nous nous conformons à la réglementation, que nous respectons les normes mondiales et que nous produisons du poisson de qualité.

La sénatrice Raine : J'ai lu, en 2004 je pense, le rapport Hines, qui me semble être à l'origine de toute cette campagne qui mettait la pisciculture au banc des accusés. Si l'on prend en considération ce qui s'est produit les années suivantes, son impact a été très profond. Comment pouvez-vous lutter contre la désinformation?

M. Backman : C'est tout un défi lorsqu'un rapport comme celui-là est publié, parce qu'il s'agissait dans ce cas-ci d'une évaluation ponctuelle du niveau de divers contaminants environnementaux dans une variété d'espèces de poissons. Le point de mire de ce rapport était le saumon d'élevage, pas nécessairement celui de la Colombie- Britannique, mais le saumon d'élevage venant d'ailleurs.

L'avantage que nous avons maintenant dans l'élevage du poisson, c'est que nous pouvons désormais savoir quelles sont les matières brutes qui entrent dans le poisson. Comme l'a mentionné Stewart, nous sommes effectivement en train de réduire la quantité de farine et d'huile de poisson dans les aliments donnés aux poissons d'élevage. C'est dans la farine et l'huile de poisson que se retrouvent les contaminants environnementaux.

Aussi, si nous devions refaire cette étude aujourd'hui, nous constaterions que les niveaux de contaminants signalés dans le rapport Hines sont très élevés en comparaison à ce qu'on trouve de nos jours dans le saumon d'élevage. Les niveaux actuels sont beaucoup plus bas. Il est important que le consommateur en prenne conscience. Comme pouvons- nous faire passer ce message, lorsqu'on sait que peu importe combien de fois on le répète, il y aura toujours quelqu'un dans les médias qui ne manquera pas d'aller déterrer le rapport Hines, bien que tout à fait désuet de nos jours, et de rappeler ce qui a été dit à l'époque. Voilà comment les choses se passent, et c'est contre cet écart entre la perception et la réalité que nous devons lutter jour après jour.

Cela ne signifie pas qu'il faut cesser de parler de nos améliorations, ni ne cessons de diffuser sur nos sites web les faits, les faits tels qu'ils sont actuellement. Cependant, il est souvent difficile d'attirer l'attention des gens sur les bonnes nouvelles, parce que, comme le faisait valoir Jeremy, la peur est une émotion très puissante.

La sénatrice Raine : Quels que soient les contaminants, ils sont présents dans le poisson sauvage comme dans le poisson d'élevage. Lequel en recèle le plus?

M. Hawthorn : C'est sûr que ce sont les contaminants qui font peur. Disons-le clairement : quels que soient les substances ou les contaminants, ils ne sont présents dans nos poissons qu'à des niveaux infimes. Ils ne n'ont pas d'effets sur la santé humaine. Les avantages de la consommation de produits de la mer sont énormes par votre santé, celle de vos enfants et de vos petits-enfants. Nous devrions en consommer davantage. C'est sur ce plan qu'il importe tant de nous améliorer, nos tellement dans nos pratiques piscicoles, mais surtout dans nos efforts pour communiquer ce que nous faisons.

Bien que j'en aie déjà parlé, je répète que nous n'avons pas besoin que le gouvernement prenne sur lui de raconter notre histoire. Nous avons plutôt besoin qu'il raconte sa partie de l'histoire, qui a trait à sa bonne réglementation de notre secteur et de la surveillance qu'il exerce pour s'assurer que nous respectons les règles et que nous pouvons en faire la preuve. Mais nous avons également un rôle à jouer et aussi, certes une responsabilité à assumer.

Et vous savez que c'est bien ce que nous faisons, ne serait-ce qu'en raison du facteur de la peur, de la désinformation, délibérée à mon avis, propagées par certains groupes. La Colombie-Britannique et le Canada ont manqué leur coup. Nous avons perdu des emplois. Nous avons perdu des possibilités d'activité économique. Nous avons laissé passer l'occasion de consommer davantage de produits de la mer et de faire ainsi des choix alimentaires santé pour les Canadiens et nos clients partout au monde. Voilà un domaine où nous devons nous améliorer afin de jouer pleinement notre rôle dans l'avenir.

Le président : Je remercie les sénatrices et sénateurs et les intervenants de la discussion très utile que nous venons d'avoir. Au cours des 25 années environ que je suis en politique, aux trois paliers de gouvernement, il m'est arrivé très, très rarement d'entendre un groupe dire : « Nous ne sommes pas en quête d'un financement gouvernemental. » C'est donc une occasion très spéciale. Nous verrons où nous cheminerons à partir de là.

Je demanderai à nos prochains témoins de se présenter. J'ai cru comprendre que vous pourriez avoir des remarques préliminaires à faire avant la période de questions. À vous la parole.

Sean James Wilton, président-directeur général, AgriMarine Holdings Inc. : Sean Wilton, de chez AgriMarine. Nous sommes une entreprise de technologie aquacole et un petit producteur ici en Colombie-Britannique.

Garry Ullstrom, PDG, Kuterra Limited Partnership : Garry Ullstrom, de chez Kuterra Limited Partnership, qui se trouve juste un peu plus loin sur le chemin. Nous venons de terminer la construction sur la terre ferme d'un système d'aquaculture de recirculation en circuit fermé, grâce en partie à l'aide accordée par le gouvernement du Canada. Je profite de l'occasion pour souhaiter la bienvenue en Colombie-Britannique à tous ceux venus de l'Est du pays. J'aurais quelques remarques préliminaires. Est-ce le moment de les faire?

Le président : La parole est à vous, monsieur Ullstrom.

M. Ullstrom : Merci beaucoup. Il y a quatre ans, la Première Nation 'Namgis, SOS Marine Conservation Foundation, et Tides Canada ont convenu de travailler ensemble pour évaluer la faisabilité d'élever du saumon de l'Atlantique sans risque de répercussions néfastes sur le saumon sauvage. Grâce au soutien des organismes déjà mentionnés et de Technologies du développement durable du Canada, de POC, d'AADNC et d'autres, l'équipe Kuterra est en voie d'atteindre cet objectif.

L'établissement piscicole de Kuterra produira annuellement 375 tonnes, soit 825 000 livres, de saumon de l'Atlantique de première qualité au moyen d'un système d'aquaculture de recirculation (ou SAR) en circuit fermé sur la terre ferme, complètement isolé de l'environnement marin. Les premiers poissons ont été mis dans l'installation il y a 13 mois et font jusqu'à 8 kilogrammes; leur récolte débutera dans deux semaines et se poursuivra sur une base hebdomadaire par la suite.

Au départ, nous cherchions à prouver trois choses : 1. Nous vérifier s'il était techniquement et biologiquement possible de faire croître le saumon de l'Atlantique jusqu'à une taille récoltable, de 3 à 5 kilogrammes, sur une période d'environ 12 mois dans une grande installation commerciale à SAR sur la terre ferme. Cet objectif a été atteint. 2. Nous voulions faire la démonstration que des établissements piscicoles à SAR sur la terre ferme pouvaient être exploités sans répercussions néfastes sur l'environnement local ou marin. Cet objectif a aussi été atteint. 3. Nous voulions en troisième lieu montrer la rentabilité financière, et donc la viabilité économique d'un tel établissement, même s'il s'agissait dans ce cas-ci d'une petite installation pilote. Grâce à une forte demande de produits de la mer issus d'une production durable, la plus grande partie de nos poissons a été vendue à l'avance à un fort prix. Nous sommes donc sûrs de pouvoir atteindre cet objectif également.

Nous avons maintenant monté la barre, notre nouvel objectif étant d'augmenter le RCI à l'ordre de 15 ou 20 p. 100, sur la base d'une structure de financement classique. Nous fondant sur l'information recueillie obtenue jusqu'à ce jour du projet pilote, nous avons élaboré un modèle pour l'ajour d'un deuxième module de grossissement qui fait voir que la cible de 15 ou 20 p. 100 pourrait être atteinte, à condition que de réaliser des réductions sensibles du coût en capital.

Quelques constatations préliminaires ou points clés se dégagent déjà : 1. Que les installations à SAR sur la terre ferme ne semblent pas consommer beaucoup d'électricité. 2. Que les installations à SAR nécessitent très peu d'espace. 3. Que les installations à SAR n'utilisent qu'une minuscule quantité d'eau en comparaison avec les alevinières à circulation continue, comme celle exploitée par les 'Namgis aux termes d'un contrat conclu avec POC. 4. Que la santé des poissons, indiquée par leur taux de survie, la croissance des poissons et l'absence de flambées épidémiques semblent devoir être extrêmement bonnes à cette l'installation. 5. Que les SAR permettent l'élevage de poissons de meilleure qualité que ceux provenant de parcs en filet ouverts. 6. Qu'il est possible que la croissance des poissons soit réellement plus rapide que nous l'avions prévu.

En dernier lieu, nous avons eu le malheur d'apprendre que le coût de construction de l'installation a été le double de ce que nous pensions au départ.

À l'heure actuelle, nous efforts visent avant tout à atteindre un rythme d'exploitation constant et à accroître notre rentabilité. En terminant, un regard sur l'avenir : 1. Nous devons créer des flux de rentrées supplémentaires afin d'accroître la rentabilité. L'un de nos avantages concurrentiels est que les établissements piscicoles sur la terre ferme permettent le captage des déchets produits par les poissons. Nous devrons trouver des moyens de transformer ces déchets en profit, par exemple, en compostant les déchets solides produits par les poissons et en faisant la culture de légumes, de plantes ornementales ou la production d'aliments avec l'effluent liquide. 2. Après avoir élevé trois ou quatre cohortes, nous devrons évaluer d'éventuelles conceptions et les coûts de construction d'un deuxième module. La construction d'un deuxième module permettra non seulement de faire la démonstration que le coût en capital peut être réduit, mais encore d'améliorer sensiblement la rentabilité. 3. Les dépenses d'investissement initiales élevées représentent le principal obstacle à l'adoption sur une large échelle de cette technologie. Nous avons pu, à partir de l'expérience acquise dans la réalisation de notre projet pilote, déterminer bon nombre d'endroits où les coûts en capital pourraient être réduits. À cette première étape d'innovation, la collaboration constitue l'élément clé permettant d'accélérer le développement de cette technologie qui, nous en sommes convaincus, deviendra de plus en plus attrayante à mesure que l'industrie d'élevage en parcs en filet se met à la recherche de solutions aux problèmes auxquels elle est confrontée.

Par conséquent, il est d'importance capitale que le gouvernement continue d'offrir une aide ou des incitatifs en vue de la construction d'au moins une nouvelle installation par année pour une période de cinq à sept ans qui correspond au premier stade d'innovation et que les connaissances acquises soient partagées. Nous partageons périodiquement, et continuerons de le faire, l'information sur les résultats du projet pilote avec un large éventail de parties intéressées. Merci de votre attention.

Le président : Je vous remercie. Monsieur Wilton?

M. Wilton : Oui, j'ai aussi quelques observations préliminaires à faire. Cela fait presque 20 ans que je m'occupe d'aquaculture en parc clos et d'innovation en la matière, plus particulièrement dans le domaine des écloseries. J'ai aussi élaboré des projets à l'international pour le compte du département de l'Agriculture des États-Unis, l'USDA, de la United States Environmental Protection Agency, l'USEPA, et du ministère de la Chasse et de la Pêche de l'Alaska. Ailleurs dans le monde, j'ai travaillé entre autres à la création de 11 grandes écloseries au Chili et participé aux projets d'installations expérimentales mises en œuvre dans le cadre du traité de paix sur le partage des eaux du bassin du Jourdain, en Israël. Aujourd'hui, j'ai choisi de ne pas vous parler des technologies particulières que nous avons mises au point pour créer les systèmes de pisciculture en parcs clos que nous sommes en train d'installer dans des fermes piscicoles actives. À la place, je ferai écho à ce qui a déjà été dit lors de la séance précédente sur les impacts de la réglementation ainsi que sur les défis qu'elle pose à l'industrie en limitant l'accès à l'exploitation à grande échelle et, par ricochet, en freinant l'investissement.

Je suis activement engagé en tant que nouveau venu dans l'industrie. Malgré l'expérience que je possède dans l'activité aquacole proprement dite, je suis un nouveau venu en tant que gestionnaire des nouvelles installations aquacoles que nous mettons sur pied et que nous développons. J'explore les marchés de capitaux internationaux à l'affût de possibilités d'attirer des investissements en Colombie-Britannique, rivalisant avec des sociétés technologiques mondiales et des entreprises d'autres territoires pour obtenir des capitaux.

J'ai donc cru bon d'aborder les quelques points suivants. Nous avons déjà couvert de manière adéquate la question de l'ampleur et des tendances de l'industrie aquacole, et nous avons établi que les protéines de source marine constitueront une réponse déterminante à l'un des grands enjeux du siècle : nourrir les neuf milliards d'êtres humains que nous serons en 2050. L'aquaculture deviendra alors un produit de base soumis à la spéculation et, comme dans tout marché de produits de base, l'échelle est très importante.

Le Canada prend du retard par rapport à d'autres grands pays producteurs de saumon et cela, tant sur le plan de la production que sur celui de l'investissement et de la R-D. J'aimerais commencer par établir une comparaison entre les côtes de la Norvège et celles de la Colombie-Britannique. Deux côtes similaires, une occasion manquée.

D'abord, quelques données : les côtes de la Colombie-Britannique s'étendent sur 25 725 kilomètres, celles de la Norvège, sur 25 148 kilomètres. C'est dire qu'elles sont presque identiques. Par ailleurs, l'écart entre nos populations respectives est inférieur à 10 p. 100, soit de 500 000 habitants.

Si l'on compare la croissance, on s'aperçoit que l'historique de croissance de l'industrie norvégienne, représenté par une droite de tendance haussière pratiquement rectiligne jusqu'à sa production actuelle de 1,3 million de tonnes, est fortement orienté vers une production annuelle de 2 000 tonnes métriques d'ici 2020.

Pour sa part, le Canada, et pas seulement la Colombie-Britannique, a plafonné à moins de 160 000 tonnes et affiche une tendance à la baisse. Quant à l'accès aux marchés mondiaux, les obstacles à la croissance font que les capitaux et les possibilités se déplacent vers les régions où règne une plus grande certitude. La volonté d'investir est limitée par le faible niveau de certitude, synonyme de risque accru. Comparativement à d'autres endroits, c'est en Colombie- Britannique que le niveau de certitude relatif à l'acquisition et au maintien de la tenure d'un site d'aquaculture est perçu comme le plus à risque. Les délais, les coûts et les risques associés à l'obtention d'un permis d'exploitation en Colombie-Britannique poussent les investisseurs de l'industrie à investir ailleurs.

Des sites moins nombreux signifient une échelle moindre et des coûts supérieurs. Ces facteurs réduisent la compétitivité de l'industrie locale par rapport à celle de ses pairs sur la scène internationale. Lorsque, en raison de ces coûts, une industrie primaire est forcée de fonctionner avec des marges moins élevées, ses possibilités de R-D sont minces, tout comme celles du secteur de l'innovation technologique. Et c'est précisément ce phénomène qui frappe les entreprises du secteur des nouvelles technologies ainsi que les nouveaux arrivants sur le marché, c'est-à-dire des entreprises comme la nôtre.

Laissez-moi vous donner deux exemples concrets. Nous avons récemment acquis une ferme d'élevage active depuis plusieurs années en Colombie-Britannique. Cette installation lacustre, située à l'intérieur des terres et non dans l'océan, vise à devenir l'exploitation la plus innovante de la province grâce à la mise à l'essai du système d'aquaculture en recirculation (SAR) dans ses écloseries. Elle chauffe son écloserie avec des huiles qu'elle récupère à même les déchets de son usine de transformation du poisson. Elle produit un engrais organique dérivé de produits du poisson et homologué par le département de l'USDA. Elle cherche constamment à innover. Mais voilà plus de deux ans que son permis est en cours de modification et rien ne semble bouger. On ne lui a encore fourni aucune précision quant à la date où un certificat de modification lui sera délivré. Inutile de dire que cette situation préoccupe les investisseurs que j'avais réussi à convaincre d'investir dans la place.

Nous avions aussi un autre site d'élevage, le seul qui détenait un permis dans ce que l'on pourrait appeler une zone de confinement urbaine. C'était un site maritime. Il régnait beaucoup de confusion autour de la possibilité de transférer le permis selon un processus clair ou un calendrier précis. Alors les investisseurs sont partis. Ils ont préféré renoncer au permis plutôt que de réinvestir des sommes considérables dans la communauté pour reconstruire ce site qui avait le potentiel de devenir un excellent site de R-D.

Ce que cela veut dire en termes de possibilités et de mesures à envisager pour l'avenir, selon moi, c'est qu'en regardant ce qui se passe ailleurs dans le monde et qu'en participant aux tribunes internationales sur l'investissement, on comprend vite où vont les gros sous et, malheureusement, ce n'est pas ici.

La Norvège peut se vanter que l'aquaculture est son deuxième plus important secteur d'exportation, après le secteur pétrolier et gazier. En matière de ressources marines et humaines, la Colombie-Britannique possède tout le potentiel de pouvoir en dire autant. Annuellement, l'industrie et le gouvernement norvégiens dépensent, dans l'ensemble, plus de 100 millions de dollars en R-D. De cette somme, plus de 10 millions de dollars vont à la recherche optimisée sur les parcs clos de jeunes poissons, un domaine dans lequel j'interviens activement.

Aujourd'hui, l'ancienne filiale norvégienne que je possédais peut accéder plus directement à du financement de recherche que nous le pouvons ici, en tant que société mère. Le Canada pourrait renforcer le soutien en R-D dans la recherche sur de nouvelles espèces, l'amélioration des pratiques aquacoles et les nouvelles technologies. Ce soutien peut se faire sous une autre forme que par des subventions directes ou des sorties de fonds. Il pourrait tout simplement s'agir d'élaborer un cadre de soutien pour la R-D.

La Norvège s'acquitte très bien de sa tâche en incitant les entreprises à réinvestir leurs bénéfices dans leur propre R- D.

Les gouvernements canadiens pourraient presque fournir un appui en règle à la croissance de l'aquaculture en Colombie-Britannique en ce qui concerne un bon nombre des mêmes points que ceux soulevés par Stewart lors des discussions du groupe précédent. Le plus important serait que le Canada et la Colombie-Britannique unissent leurs efforts pour offrir aux sites aquacoles des côtes de la Colombie-Britannique un degré de certitude quant au calendrier de délivrance des permis et à la durabilité de la tenure de ces exploitations.

Lorsque je me présente chez mes investisseurs pour solliciter des investissements de plusieurs dizaines de millions de dollars en Colombie-Britannique et que je veux produire une analyse de rentabilité pour démontrer qu'il est financièrement viable de participer au développement et à la croissance de cette industrie, je suis incapable de leur démontrer avec certitude que je peux acquérir de nouveaux sites où implanter l'entreprise ni même de développer un site que nous possédons déjà. De toute évidence, ce n'est pas la meilleure façon d'obtenir le financement demandé.

Il existe un intérêt certain envers la Colombie-Britannique. Les gens reconnaissent que notre environnement réglementaire est un atout majeur : notre produit est clairement défini, sa qualité est reconnue, nos eaux sont propres, nos gens ont du savoir-faire en matière de pêcheries. C'est grâce à cela que nous avons pu attirer 30 millions de dollars en investissements extérieurs dans la province depuis le début de l'année. Mais ce n'est pas suffisant. Il faut aller plus loin. Et ce qui nous aiderait le plus, c'est le renforcement de la certitude de pouvoir accéder à des possibilités de croissance. Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné l'occasion de témoigner.

Le président : Merci beaucoup. La sénatrice Hubley sera la première intervenante.

La sénatrice Hubley : Merci d'être ici aujourd'hui. Je vais revenir à AgriMarine. Monsieur Wilton, vous avez commencé en disant que vous n'alliez pas nous parler des technologies mises au point par AgriMarine. Ai-je bien entendu?

M. Wilton : Je n'avais pas l'intention de braquer le projecteur là-dessus. Notre entreprise fabrique des systèmes de parcs clos flottants. Nous tentons de trouver une solution à certains des problèmes soulevés par Garry dans son allocution, à savoir que les parcs clos ne sont pas la seule et unique option. Beaucoup de gens prétendent qu'il devrait en être autrement, que nous ne devrions pas nous intéresser aux filets, bref que nous devrions faire autre chose. Il est hautement improbable qu'un changement à aussi grande échelle se produise, mais il reste que les parcs clos peuvent s'avérer utiles à certains stades du cycle biologique du poisson ou dans le cas d'autres espèces, ou encore dans certains endroits précis où la présence de cages en filet peut être contestée.

L'enjeu porte, bien entendu, sur les capitaux. L'élevage en parcs clos exige des dépenses en immobilisations initiales beaucoup plus importantes que l'élevage en filets. Et vous n'arriverez jamais à éponger ce déficit.

Partant de la façon dont nos parcs clos flottants sont conçus, nous analysons la possibilité de dégager une solution fondée sur le principe des poupées russes. Une bonne façon de tirer le meilleur bénéfice de l'utilisation la plus efficiente possible d'un investissement initial minimal serait l'application d'une version simplifiée du système en parc clos, soit un système de parcs semi-clos flottants. Nous pouvons fabriquer des réservoirs de très grande taille et contrôler les niveaux d'oxygène et les débits d'eau. Des parois externes pleines permettent de retenir, non pas ce que j'appellerais des déchets mais plutôt des nutriments récupérables pour la fabrication d'engrais.

La sénatrice Hubley : C'était intéressant, parce que je crois que nous avons compris que l'industrie allait résolument de l'avant, même si ce n'est pas à un rythme aussi rapide qu'on le voudrait, et il existe une grande quantité d'information pour soutenir l'industrie. Je me demande comment vous réagiriez à l'adoption d'une loi régissant l'aquaculture, et aussi, quelle serait la responsabilité des intervenants quant au partage de l'ensemble des connaissances qu'ils ont acquises, pour élaborer des politiques et servir de cadre à cette loi?

M. Wilton : À mon avis, cela serait très utile. Ces 20 dernières années, j'ai joué un rôle dans l'industrie, principalement en tant que fournisseur de technologies, que ce soit sous la forme de services-conseils, d'offre de produits, de conception et de construction d'écloseries à eau recyclée clé en main, entre autres. Mais il s'agit de ma première expérience en tant qu'exploitant de pisciculture. Je suis un nouveau venu dans le domaine. Bien sûr que j'avais entendu parler des défis de l'industrie, mais c'est en passant à l'action qu'on comprend exactement de quoi il retourne. Qu'il s'agisse d'acquérir de nouveaux sites ou de modifier les permis d'un site existant, pour un nouveau participant, l'expérience est déconcertante et se transforme de toute évidence en processus.

Le fait de disposer d'un contexte mieux défini, d'une loi spécifique contenant des directives précises et des normes uniformes dans tout le pays serait de la plus grande utilité, tant pour le nouveau venu que pour celui tente d'attirer des investissements à grande échelle en provenance d'autres secteurs de l'aquaculture ou d'autres fonds d'investissement en aquaculture. Imaginez un autre secteur de l'agriculture qui songe à investir, disons, dans une exploitation bovine appartenant à notre société mère d'investissement — elle possède le plus gros cheptel de bœufs Angus biologiques en Amérique du Nord. Si je leur dis que nous pouvons lui acquérir une ferme dans deux ans à la condition de pouvoir prouver que nous sommes en mesure d'obtenir l'autorisation d'en posséder une, cet investissement n'aurait tout simplement jamais lieu! Et si j'ajoute qu'il n'y a aucune réglementation précise nous obligeant à indiquer s'il s'agit de bisons errant dans de grands espaces ou sur une ferme d'élevage, voilà qui serait plutôt déroutant pour eux et qui, d'autant plus, serait assez difficile à expliquer devant un conseil d'administration.

La sénatrice Hubley : Monsieur le président, je m'en tiendrai à cela pour le moment; j'y reviendrai peut-être au deuxième tour.

Le président : Merci, madame la vice-présidente. Sénateur Munson.

Le sénateur Munson : Je n'ai que deux questions pour le moment. Vous avez parlé de cadre de soutien et de nouvelles technologies. Pourriez-vous être plus précis? Je veux dire, sans parler de sommes faramineuses, à quoi ressemblerait un cadre de soutien?

M. Wilton : Examinons d'abord le contexte concurrentiel auquel nous avons affaire. Il y a ce système de parcs clos flottants. La grande société d'experts-conseils Accenture a récemment mené une étude sur les technologies susceptibles d'être utilisées dans les fermes salmonicoles. L'étude, commandée par la Fédération mondiale de la faune, met en évidence l'applicabilité probable d'un système de parcs clos flottants pour les premiers stades du cycle de vie en mer des saumoneaux. Ce système permettrait d'élever les saumoneaux jusqu'à un stade que je qualifierais de « post saumoneau », ou jeune poisson, à l'intérieur de parcs clos. La Norvège a pris cette idée très au sérieux et a mis en place une structure selon laquelle les acteurs de l'industrie collaborent ensemble au développement d'une technologie ouverte au moyen d'une plateforme de partage. Bien que ces derniers bénéficient d'un appui gouvernemental, la plus grande part des investissements provient de l'industrie. Outre un certain nombre d'incitatifs fiscaux, il existe un autre attrait de taille : la participation aux efforts conjoints que déploient le gouvernement et l'industrie pour la mise à l'essai de diverses technologies pave la voie vers la création de nouveaux sites de recherche et de développement.

Ces nouveaux sites recèlent une valeur économique certaine, puisque la hausse de production éponge une partie des coûts de la R-D. Grâce à cette stratégie, près de 45 nouveaux sites de développement technologique homologués ont vu le jour en Norvège. Ce plan très bien structuré et très bien pensé a pour effet de stimuler l'industrie tant du côté des fournisseurs de technologies — qui proposent diverses formes et différents types de parcs clos flottants — que de celui des producteurs primaires qui, éventuellement, deviendront leurs clients.

On a donc créé un incitatif qui motive les gens à participer financièrement à la prospérité de ces exploitations car ils savent que ce faisant, ils pourront accéder aux nouveaux sites où ils pourront effectuer les mises à l'essai susceptibles d'aboutir à une augmentation de la production. De plus, le niveau de soutien et les incitatifs de l'industrie primaire créent le cadre industriel propice à stimuler le soutien des développeurs de technologie et leur volonté d'investir dans l'outillage, la R-D, la science, la construction de prototypes, sachant à l'avance que leurs efforts trouveront un débouché.

Le sénateur Munson : Est-ce que cela se compare à la R-D dans l'industrie pharmaceutique? Je pose cette question parce que vous avez parlé d'une plateforme de partage. Existe-t-il vraiment une plateforme de partage dans un environnement aussi compétitif que l'aquaculture en Colombie-Britannique?

M. Wilton : C'est assez différent de l'industrie pharmaceutique. La production pharmaceutique repose largement sur les brevets. Dans ce secteur, le processus d'approbation et d'agrément d'un produit est extrêmement long et cela se traduit par beaucoup de lobbying, par l'octroi de brevets de longue durée et par une réglementation très rigoureuse. Ce n'est pas tout à fait la même chose pour nous. L'industrie pharmaceutique protège le secret de ses formules.

En aquaculture, par exemple, je pourrais concevoir un nouveau système en circuit fermé flottant pour lequel je déposerais une demande de brevet. En réalité, rien ne vous empêcherait de concevoir un système similaire et si nous étions en Norvège, il serait difficile pour moi de vous poursuivre devant un tribunal. Voilà pourquoi nous avons intérêt à partager notre savoir-faire et à trouver des moyens pour que notre technologie soit facilement applicable au sein de l'industrie et qu'elle apporte des bénéfices. En partageant nos connaissances, nous pourrons accroître notre taux de pénétration du marché pour l'ensemble des participants et développer l'industrie.

Au lieu de garder tous mes secrets pour moi, mon meilleur pari, c'est de les partager, diffuser les connaissances pour qu'elles soient le plus utiles possible et contribuer au développement de l'industrie. Au final, je vais avoir plus de clients.

Le sénateur Munson : Quelle est l'attitude au Canada concernant le partage des connaissances? Vous avez parlé de cadres de soutien, est-ce qu'il y en a ici? De toute évidence, nous ne dépensons pas beaucoup d'argent dans ce domaine.

M. Wilton : Nous dépensons beaucoup moins que d'autres pays, mais nous agissons; le projet de Garry est un exemple. À cinq kilomètres d'ici, il y a une installation en milieu terrestre qui illustre bien cela, c'est le projet de Steve Atkinson. Les deux projets sont très ouverts.

En général, les projets financés au moyen de la plateforme de financement de projets de recherche du MPO ou par le biais de TDDC comportent une clause de divulgation de l'information et de partage des données et des connaissances. Donc, si vous obtenez un financement pour ce genre de projets de R-D, vous pouvez vous attendre à être obligés de partager la plupart des résultats. Il existe donc, au Canada, un esprit de partage des résultats.

L'industrie a tout simplement de la difficulté à attirer assez de projets de R-D, parce qu'elle n'a pas de plan de développement clair.

Le sénateur Munson : Encore une question, monsieur Ullstrom, au sujet de votre troisième point. Que voulez-vous dire par « des réductions importantes des dépenses en immobilisations ». Je ne comprends pas très bien ce que cela veut dire par rapport à votre nouveau module d'élevage et à vos objectifs.

M. Ullstrom : Je veux dire que nous souhaitons réduire le coût du deuxième module. Notre premier module coûte environ 9 millions de dollars et demi à construire. Si nous réussissons à ramener ce coût à 6 millions de dollars et compte tenu de nos prévisions de recettes, nous pensons pouvoir obtenir un taux de rendement du capital investi de 15 à 20 p. 100. Nous devons trouver un moyen de réduire nos dépenses en immobilisations de 9 millions et demi de dollars à 6 millions. C'est une baisse importante, mais nous croyons pouvoir y arriver.

La sénatrice Stewart Olsen : Bienvenue à vous deux. J'ai quelques questions à poser parce que je pense qu'une bonne partie de ce que nous faisons pourrait très bien s'appliquer au Nouveau-Brunswick. Pourquoi choisiriez-vous un système clos flottant plutôt qu'un système en milieu terrestre et vice-versa?

M. Wilton : Je peux répondre à cela parce que j'ai construit les deux sortes de systèmes et j'ai aussi construit plusieurs installations terrestres destinées autant à l'éclosion qu'à la production de différentes espèces. C'est surtout une question de rentabilité. Dans une écloserie établie sur la terre ferme, la technologie SAR est un bon choix parce qu'elle permet à une grande entreprise d'avoir du saumoneau, ou du petit poisson, en vagues multiples tout au long de l'année. Seul un environnement à température et à éclairage très contrôlés permet de pouvoir amener vers les sites de production plusieurs vagues de petits poissons, de grosseurs diverses et à divers moments de l'année. Ces systèmes ont une densité à valeur très élevée.

Un saumoneau, disons de 100 grammes, vaut facilement 1,50 $, ou 15 $ le kilo, et le poisson adulte en vaut le tiers. Voilà donc un contexte qui vous permet de faire tourner de gros volumes dans une écloserie à eau recyclée et chauffée. Comme vous obtenez un produit dont la valeur spécifique est très élevée, vous pouvez vous permettre d'investir dans la technologie.

Si on passe à l'étape suivante, par exemple, les poissons de 100 à 500 grammes, vous aurez besoin de produire un volume beaucoup plus élevé et, par conséquent, le coût pour y arriver dans une installation terrestre sera plus élevé. Vous pourriez obtenir la plupart des bénéfices avec une installation à teneur en oxygène contrôlée, sans devoir recourir au chauffage. On peut donc avancer que dans ce cas, pour ce qui est de la valeur, l'installation flottante en circuit fermé est gagnante en plusieurs points.

Pour certaines espèces, une installation en milieu terrestre à eau recyclée est un choix judicieux et certains producteurs connaissent un succès commercial même à grande échelle avec des installations de production terrestres.

Je viens de visiter une gigantesque exploitation d'esturgeon à Abu Dhabi. On a dépensé 100 millions de dollars pour produire 35 tonnes de caviar par année. Selon eux, c'est une question de sécurité alimentaire. Je doute que le besoin d'avoir accès à du caviar n'importe quand puisse être qualifié de sécurité alimentaire, mais cela semble important là- bas. Dans ce cas précis, la seule option intéressante pour les producteurs, surtout avec le cadre réglementaire visant l'esturgeon, une espèce en péril, c'est la culture en milieu fermé. Le chauffage de l'eau accélérera le cycle de production là-bas. Il ne serait pas possible de recourir à un système flottant en milieu fermé ou à enclos en filet pour ce genre de production. Il arrive, dans certains cas, que la technologie SAR en milieu terrestre soit la seule option.

La sénatrice Stewart Olsen : Pour poursuivre sur ce point, je suppose que la réglementation en la matière est de plus en plus volumineuse. Nous avons probablement commencé avec rien, puis les règlements n'ont cessé de se multiplier. Y a-t-il une grosse différence entre les règlements relatifs aux systèmes à circuit fermé et ceux relatifs aux enclos en filet?

M. Wilton : Pas vraiment. Pour le système en circuit fermé flottant, il n'y a en réalité aucune différence dans les conditions à maintenir dans les installations. Il y a un défi supplémentaire dû au fait que si l'on désire investir des capitaux pour déployer un système en circuit fermé flottant, il faut passer par le processus de modification qu'a mentionné Stewart et qui, bien évidemment, est plutôt mystérieux et on ne sait jamais quand on va obtenir une réponse, ce qui est fâcheux lorsqu'on s'apprête à dépenser des millions de dollars. Il n'y a donc certainement pas de traitement de faveur et même lorsqu'on fait de l'élevage sur la terre ferme, on finit souvent par tomber entre les mailles du filet législatif. Par exemple, si vous avez une écloserie terrestre et que vous voulez l'installer, vous n'arriverez pas vraiment à obtenir une exemption accordée à l'aquaculture pour les effluents d'échappement d'un site d'aquaculture qui recycle son eau et vous êtes donc forcé de suivre la réglementation standard sur les effluents qui a été, en grande partie, rédigée en fonction des lignes directrices municipales pour les déchets, alors qu'aucune autre industrie de culture primaire n'est tenue de s'y conformer. En revanche, si vous construisez une ferme terrestre sur un terrain ouvert en fief simple, vous risquez de faire face à des niveaux de phosphore trop élevés, à la sortie. Il ne s'agit pas d'un problème uniquement côtier, car en Ontario et au Québec, les piscicultures intérieures ont beaucoup de difficulté à se conformer aux règlements sur le phosphore qui ont été rédigés autour des règlements pour les cours d'eau à grand débit et les déchets municipaux.

Il s'agit donc d'un autre domaine où il serait utile d'avoir un cadre réglementaire conçu spécifiquement pour l'aquaculture.

M. Ullstrom : Sénatrice, si vous me le permettez, je vais répondre aux deux questions, en commençant par la première qui demandait pourquoi choisir une technologie plutôt que l'autre. Comme Sean l'a indiqué, la décision pourrait dépendre de facteurs liés à l'emplacement. J'assimile un peu cela à l'industrie forestière, où un forestier peut décider d'exploiter ses ressources, un arbre à la fois, dans une région à l'écosystème sensible, plutôt que de procéder à des coupes à blanc — et il dispose d'un éventail de possibilités. Il semblerait donc que l'industrie est en train d'accroître le nombre de ses options, de manière à ce qu'elles puissent chacune s'appliquer, là où c'est le plus approprié.

J'ai lu un article, la semaine dernière, au sujet d'une compagnie française qui a choisi de bâtir un système d'aquaculture en recirculation (SAR) de 17 millions de dollars et 800 tonnes par an pour garantir un approvisionnement de saumon de l'Atlantique de haute ou plus haute qualité, car elle commercialise un saumon de l'Atlantique fumé de première qualité. La compagnie trouvait qu'elle n'arrivait tout simplement pas à obtenir une qualité constante auprès de l'industrie des parcs en filet qui a été, je crois, mentionnée un peu plus tôt. Il s'agit de réduire les coûts, d'avoir une production de masse.

On pourrait également, par exemple, opter pour le SAR plutôt qu'une autre technologie, car on veut cibler le créneau commercial de haute qualité. En réalité, nous produisons et vendons un produit qui est différent de celui de l'industrie des parcs en filet. Nous ne nous faisons pas vraiment concurrence, sur le marché.

Et enfin, à titre de producteur, dans notre communauté, par exemple, celle de la Première Nation 'Namgis, tout se fait dans un même endroit. Nous n'allons pas aller bâtir une usine, quelque part, dans l'Est du Canada ou bien vers Vancouver. C'est peu probable. Nous cherchons des débouchés, dans notre région, pour créer des emplois pour les nôtres. Ainsi, lorsque nous regardons le capital à notre disposition et que nous essayons de voir la meilleure manière de l'utiliser, nous allons peut-être choisir d'appuyer l'expansion de nos activités. Une technologie pourrait nous permettre de le faire, tandis que l'autre, non.

À propos de votre deuxième point, à savoir s'il y a une différence entre les règlements pour les parcs en filet et ceux pour le système sur la terre ferme. Je ne connais pas bien le système de parc en filet. Je commence tout juste à découvrir l'industrie sur la terre ferme. Lorsque nous avons commencé à planifier et à concevoir votre projet, le MPO venait tout juste de prendre en main la gestion de l'aquaculture et il s'affairait alors à apporter des modifications — c'était une période très difficile et remplie d'incertitude. Nous n'arrivions pas à trouver ce qu'il fallait faire. C'est devenu un véritable obstacle pour notre développement, je vous l'avoue. J'abonde donc dans le même sens que Sean et d'autres intervenants pour dire que nous aurions grandement besoin d'une loi sur l'aquaculture pour fournir des directives claires à l'industrie. Nul doute que cela stimulera certainement les investissements.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Votre projet est relativement nouveau et il en est encore à l'étape préliminaire de développement. Veuillez m'excuser si je ne prononce pas correctement le nom de la Première Nation 'Namgis, mais les communautés ont-elles été réceptives face à ce projet?

M. Ullstrom : La communauté était partagée. La communauté s'oppose à l'industrie des parcs en filet, en raison de préoccupations liées aux bancs traditionnels de palourdes et de ses effets éventuels sur le saumon sauvage, depuis 20 ans. Ainsi il a été très difficile, pour la communauté, d'avaler et d'accepter l'idée d'élever une espèce qui est considérée comme non autochtone et envahissante.

En même temps, nos dirigeants, dont notamment le chef Bill Kramer, se sont penchés sur des solutions et nous nous sommes rendu compte qu'il fallait trouver une meilleure alternative, une, de préférence, qui allait créer des emplois et des débouchés et améliorer notre communauté, tout en essayant de minimiser ou de réduire les effets sur le saumon sauvage. Cela n'a donc pas été une décision facile à prendre, mais la communauté a finalement donné raison à nos dirigeants et a accepté de mettre le projet en œuvre.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Il y avait donc un grand nombre de personnes qui s'y opposaient en premier. Travaillent-elles sur ce projet?

M. Ullstrom : Nous avons quatre employés dans notre installation. Nous avons dû aller en Irlande pour trouver un directeur de l'exploitation qui disposait des compétences nécessaires pour tout mettre sur pied et nous aider à gérer les activités. Nous avons deux employés non autochtones qui sont techniciens et qui avaient déjà travaillé dans ce genre d'installation. Nous avons ensuite créé un poste de stagiaire pour pouvoir commencer à intégrer des membres de la communauté. Nous avons un membre de la Première Nation 'Namgis qui travaille comme stagiaire et nous avons l'intention de créer un poste d'été pour étudiant, afin de donner la chance à la personne de travailler dans notre installation pour, espérons-le, créer une étincelle et lui donner envie de poursuivre.

La sénatrice Raine : Tout ceci est très intéressant. Monsieur Ullstrom, lorsque nous parlons de la nécessité de diminuer les coûts d'immobilisation, bien entendu, votre projet est un projet pilote qui a été intégralement financé par des dons ou un genre de subventions de la SOS Marine Conservation Foundation, de Tides Canada et de fonds provenant de Technologies du développement durable Canada. Votre projet pilote a-t-il bénéficié de fonds du secteur privé ou de revenus autonomes?

M. Ullstrom : Oui, la Première Nation 'Namgis a investi 1 million de dollars directement, plus 300 000 $ en liquide pour les frais liés au développement et elle a également fait don de terres dont la valeur s'élève environ à 450 000 $. Elle a en outre fourni des garanties de prêt de 2,25 millions de dollars. On peut donc dire que les 'Namgis se sont grandement investis dans ce projet, à hauteur d'environ 5 millions de dollars.

Plus tôt, j'ai indiqué que les coûts avaient doublé et, heureusement, la communauté n'a pas hésité à se mobiliser et elle a déclaré : « Nous soutenons le projet, nous allons garantir les prêts, nous allons injecter de l'argent pour attirer les investisseurs. »

La sénatrice Raine : Quant au doublement des coûts de départ, cela était-il dû à une mauvaise conception, à une mauvaise estimation des coûts ou bien avez-vous eu des besoins imprévus en capitaux?

M. Ullstrom : Tout ce que vous venez de mentionner. En fait, la principale raison, c'est que la conception finale était très différente de la conception de départ. Nous avons dépensé environ 250 000 $ sur l'étude de faisabilité détaillée pour en arriver à une conception assez détaillée. Toutefois, lorsque nous avons lancé un appel d'offres et que nous avons commencé les travaux de conception détaillée avec la compagnie d'ingénierie de l'aquaculture et notre fournisseur, nous nous sommes rendu compte qu'il fallait modifier la conception. Cela a donc influencé les coûts en conséquence.

La sénatrice Raine : Je remarque que vous avez adopté un système de chauffage de l'eau par géothermie dans vos installations. Avez-vous également dû ajouter ces coûts supplémentaires?

M. Ullstrom : Oui, le système de chauffage nous a posé d'énormes défis. Il a fallu près d'un an et une équipe de gens du monde entier pour étudier la question. Nous ne savions pas combien de chaleur allait être produite par les poissons ou les bactéries dans les filtres biologiques. Il y avait donc tout un calcul à faire. Ensuite, il nous a fallu déterminer la meilleure façon de concevoir le système de chauffage pour minimiser les coûts de fonctionnement et établir un juste équilibre avec les coûts d'immobilisation. Donc, oui, je dirais qu'il s'agit d'un système efficace du point de vue énergétique. Nous avons reçu un prix Power Smart et des fonds pour cela, mais ça a été un défi considérable.

À l'avenir, maintenant que nous connaissons la chaleur que les poissons et les bactéries peuvent produire, nous pourrons mieux cibler les paramètres de conception des prochains modules. Pour ce premier module, nous avons dû surestimer les choses, car nous ne savions pas comment cela allait aboutir, pour les poissons ou la qualité de l'eau. Nous pouvons donc désormais mieux cibler les choses grâce à ce que nous avons appris.

La sénatrice Raine : Monsieur Wilton, vous avez acquis de l'expérience grâce à vos installations d'aquaculture en parc clos, dans le monde entier. Ce qui a été fait chez Kuterra est-il différent ou bien pourquoi n'ont-ils pas pu se servir d'un modèle existant et faire les choses correctement? Je ne sais plus trop quoi penser, ici. Si c'est le cas, c'est comme si vous aviez réinventé la roue... ou bien s'agit-il d'autre chose?

M. Wilton : Non, ce n'est pas vraiment ça. Une bonne part des technologies que nous utilisons, chez les 'Namgis, ne sont pas nouvelles et ce serait finalement la même chose ou presque si vous compariez les volets de formation pour l'épuration mécanique des 'Namgis et ceux des autres écloseries où l'on recycle l'eau, sur l'île de Vancouver. Les deux se ressemblent beaucoup.

Le défi était dû au fait qu'ils innovaient en atteignant la phase finale de production et il s'agissait d'un projet quasi gouvernemental, et non pas purement commercial. La différence, c'est que d'un côté, vous bâtissez une grange pour la ferme et que, de l'autre, vous bâtissez une grange pour un centre de recherche universitaire. Les structures de coûts sont différentes.

J'ai travaillé partout, depuis les poulaillers en zone rurale, jusqu'aux projets de construction de défense — aussi coûteux que possible — et il y a donc tout un éventail de possibilités pour chiffrer le même concept.

L'installation des 'Namgis était une installation de démonstration et il fallait donc qu'elle respecte les normes les plus élevées de conception et de fiabilité en cas de séisme, pour les contraintes géotechniques, les considérations de drainage et l'incidence sur la décrue des eaux. Il s'agissait de concepts avancés en géothermie de choses dont on ne se servait pas habituellement dans des installations d'échelle commerciale ou des installations d'entreprises commerciales et c'est ce qui explique la différence de coûts.

Il s'agit d'une industrie nouvelle. Même dans nos installations en parc clos, nous voyons les coûts diminuer, car les coûts peuvent diminuer très rapidement dès le début. Tout d'abord, les coûts peuvent grimper rapidement si vous ne savez pas vraiment ce que vous faites et si vous devez bâtir votre système de toutes pièces, puis ensuite le coût de chaque itération successive peut radicalement baisser. Le coût diminue jusqu'à ce que vous arriviez à votre niveau de production et que chaque changement marginal se traduise par une amélioration minime des coûts. En revanche, au tout début, il peut y avoir un grand écart dans les coûts réels, car il s'agit d'un nouveau territoire, mais avec le temps vous pouvez réduire les coûts de manière substantielle, d'une génération à l'autre.

Le sénateur McInnis : Hier soir, nous sommes allés visiter l'installation d'élevage de saumon en parc clos de Taste of B.C. qui en est à l'étape expérimentale et le représentant nous a également parlé en bien des parcs en filet. Êtes-vous membre de la B.C. Salmon Association ou de l'association des pisciculteurs?

M. Wilton : La compagnie que nous avons achetée en est membre. Nous sommes actuellement en train de voir où nous nous situons. Il y a également la Freshwater Aquaculture Association of B.C. et nous envisageons également d'en faire partie.

Le sénateur McInnis : Quelles espèces élevez-vous dans vos installations?

M. Wilton : La même que chez Taste of B.C., à savoir l'oncorhynchus mykiss, qui est le saumon arc-en-ciel.

Le sénateur McInnis : Avez-vous une assurance pour vous couvrir en cas de panne?

M. Wilton : Non. Nous sommes auto-assurés. Nous avons bien évidemment une assurance de construction pour les nouveaux projets que nous mettons sur pied, ainsi qu'une assurance en cas de pertes d'exploitation. C'est en quelque sorte pour les entreprises commerciales régulières, mais le coût de l'assurance-récole en aquaculture est assez élevé. Dans les petites exploitations qui fonctionnent différemment, on attribue un facteur de risque plus élevé, ce qui rend le prix de l'assurance-récolte un peu trop exorbitant pour nous, pour l'instant. On nous a donné des taux plus acceptables pour quand nous aurons atteint une certaine échelle, mais il s'agit alors de voir comment arriver à cette échelle si nous ne sommes pas sûrs d'acquérir d'autres sites...

Le sénateur McInnis : Malheureusement, ils ont perdu 12 000 poissons sur la terre ferme, en Nouvelle-Écosse, et ils avaient deux génératrices de secours. Quoi qu'il en soit, j'aimerais vous poser la question suivante. Si vous faites de l'élevage en parc clos ou en enclos à parois pleines en mer (et vous pourriez nous expliquer cette technique), j'imagine que vous avez vos raisons, soit à cause des coûts ou pour prévenir les maladies, c'est moins risqué. On a mentionné la qualité et c'est peut-être pour cela, mais pourriez-vous nous dire pourquoi vous avez opté pour l'aquaculture en parc clos et non pas en enclos ouvert?

M. Wilton : Oui, le système en parc clos offre certains avantages. Il permet d'éviter l'interaction directe avec l'environnement des eaux de surface, ce qui fait que vous avez des barrières ou des parois fermées pour écarter certaines choses qui peuvent se produire au niveau de la surface des eaux. Par exemple, avec notre site d'élevage, nous investissons dans un système en parc clos, car l'été la température de l'eau à la surface atteint 24 degrés. À cette température, les poissons ont peine à survivre et ils se sentent plutôt mal. Ils ressentent énormément de stress, car ils veulent se rendre jusqu'au fond des réservoirs, vers les filets, pour ensuite remonter, à contrecœur, pour se nourrir, dans une eau dont la température et le niveau d'oxygène sont très éprouvants pour eux. Cela leur inflige beaucoup de stress et entraîne un risque de mortalité accrue, de mauvaise croissance et de mauvaise conversion alimentaire.

En ayant une paroi fermée, vous pouvez les isoler de cette température, à la surface, et faire entrer de l'eau plus froide d'en bas pour ramener la température à un niveau plus approprié pour la pisciculture, ce qui se traduit par de meilleurs indices de conversion alimentaire, de meilleurs taux de croissance et une mortalité inférieure, ce qui est un choix judicieux du point de vue des affaires.

Vous pouvez également accélérer le cycle de vie, ce qui augmente vos liquidités et votre chiffre d'affaires en ramenant l'oxygène à un niveau optimal, là où les poissons se trouvent et non pas à la surface, là où se trouve l'eau plus chaude, ce qui influence directement la quantité de moulée qui sera consommée par les poissons. C'est un peu comme si vous essayiez de chauffer un édifice aux fenêtres grandes ouvertes. Si vous avez un filet, vous essayez de réchauffer le réservoir au complet ou de le refroidir. Cela ne fonctionne pas. Si vous avez une installation en réservoir clos, vous arrivez à garder un certain contrôle sur la situation.

Les installations flottantes en parc clos qui sont relativement ouvertes n'offrent pas le même degré de contrôle de la température que l'installation des 'Namgis, car cette dernière n'a finalement aucun échange d'eau. C'est un peu comme la différence entre une baignoire et un bain tourbillon. Vous pouvez garder votre bain tourbillon à 100 degrés en tout temps, car finalement vous n'avez pas à changer l'eau et cela ne vous coûte pas grand-chose. En revanche, si vous changez l'eau constamment et que vous devez payer de votre poche, la note sera salée.

Lorsque j'ai commencé à proposer de construire des écloseries en parc clos aux grandes compagnies de salmoniculture, j'avais cette attitude bien-pensante et je me disais : « Oh, ça va leur plaire, simplement parce qu'ils vont ainsi économiser des centaines de millions de gallons d'eau souterraine et parce que c'est une bonne chose à faire, du point de vue écologique. » Eh bien je n'en ai vendu aucune. Lorsque je me suis assis avec une calculatrice et que je me suis aperçu qu'elle serait très rapidement rentabilisée, ne serait-ce que par la quantité de propane économisée si vous n'aviez pas à chauffer l'eau pour ensuite la jeter, tout à coup, tout le monde voulait en acheter une. Il faut donc répondre à la double exigence verte, à savoir verte du point de vue de l'environnement, mais aussi verte du point de vue économiquement viable. Au bout du compte, il faut un permis social d'exploitation, mais aussi accroître la performance.

Le sénateur McInnis : Ainsi, vos activités n'ont rien à voir avec le fait d'essayer de vous débarrasser des poux de poisson, avec la transmission de pathogènes ou autre chose du genre?

M. Wilton : En bien, nous sommes actuellement dans un lac et nous n'avons donc pas de problème de poux. Mais nous disposons de données empiriques et avons réalisé différentes expériences. Nous avons bâti une installation de salmoniculture sur la terre ferme avec une pompe terrestre Nous avons eu différentes versions de parcs clos flottants. Ils se trouvaient dans un environnement marin, mais nous ne savons pas pourquoi — si nous pouvons plus en profondeur, au-delà de là où se trouve les parties importantes du cycle de vie des poux ou bien si c'était en raison des fines bulles d'oxygène ou du courant — ni ne connaissons l'effet causal, mais chacune de nos récoltes était essentiellement exempte de poux, tandis que les cages contrôlées juste autour de nous avaient des poux. Nous savons donc qu'il existe un avantage et cela fait justement l'objet d'un examen, dans le cadre de ce projet sur les jeunes poissons réalisé en Norvège. Mais il n'y a aucun lien de cause à effet qui ait encore été découvert par la science.

La sénatrice Raine : Je trouve cela fascinant, car bien évidemment il y a un continuum entre les écloseries qui peuvent circuler, celles qui sont en parc ouvert, celles qui sont en quelque sorte en parcs clos flottants et celles qui sont en enclos ouvert. Il y a donc différentes phases pour produire le poisson de la manière la plus optimale possible, d'un point de vue économique, à travers les différents systèmes. Cette description est-elle exacte?

M. Wilton : Oui, c'est assez exact, et c'est à chaque compagnie de décider des technologies précises les plus logiques pour elle. Si vous arrivez à éliminer les risques en mer pendant quelque mois du cycle de production en plaçant un saumoneau de plus grande taille dans l'océan, cela me semble faire beaucoup de sens, car vous arriverez à produire un plus grand nombre de poissons avec la licence d'exploitation existante du site et vous pourrez savoir quelle partie du site doit être agréée ou quelle portion côtière doit être autorisée à produire une certaine quantité de poisson. Si vous êtes dans cette situation, il serait très logique que vous appliquiez ces technologies, mais il s'agit bel et bien d'un continuum, avec différents niveaux de capitaux requis, à investir à différentes étapes du cycle de vie.

La sénatrice Raine : Quels sont les différences de coûts entre un enclos flottant, un enclos à paroi fermée et un système terrestre?

M. Wilton : Eh bien, il s'agit également d'un continuum. Dans un système terrestre, on peut imaginer un système de parc clos flottant et si je compare les volumes, cela serait environ trois fois moins cher que de produire le même volume avec un système terrestre équivalent, car on aurait besoin d'un biofiltre. On n'a pas besoin de la même intensité électrique. On n'a pas besoin de la même puissance dans les pompes. On relève l'eau sur 6 pouces, par opposition à 12 pieds, en ce qui concerne le levage hydraulique, et c'est là un tout autre exercice. En fait, on se sert presque de mélangeurs à faible consommation énergétique, et non pas de pompes à intensité et consommation énergétiques élevées.

Mais si vous passez au niveau suivant, en descendant, et que vous comparez les parcs clos flottants aux cages, vous pouvez avoir une cage en filet extrêmement grande qui vous coûtera très peu d'argent. Il s'agit vraiment de comparer d'autres facteurs si vous voulez faire une comparaison directe, car il faudrait regarder si l'on peut fabriquer un système en parc clos qui durerait plus longtemps qu'un système en filet. Peut-on avoir des densités plus élevées dans un parc clos que dans un filet? Si vous comparez les choses uniquement en termes de volume, il n'y a pas de comparaison possible.

La sénatrice Raine : Et pour ce qui est du système flottant à parois fermées, je n'arrive pas à comprendre. Il ne s'agit pas uniquement d'une boîte à parois solides que l'on place dans l'eau. Le système a différentes caractéristiques qui permettent aux sédiments de se déposer au fond et d'être évacués. C'est assez compliqué.

M. Wilton : C'est effectivement assez compliqué. Il ne s'agit pas simplement de construire un bac que l'on va mettre à l'eau — sinon, ce serait déjà fait depuis longtemps. C'est certainement un peu plus complexe que ça. La science joue un grand rôle pour déterminer le mouvement de l'eau nécessaire pour rendre le mélange d'oxygène et le nettoyage des solides optimaux, tout en s'assurant de ne pas avoir un courant trop fort qui ferait perdre du poids aux poissons en agissant comme un tapis roulant toute la journée.

Il faut jongler entre tous ces facteurs. En outre, l'environnement marin met à rude épreuve tous les types de structures, ainsi que leur architecture et leur construction.

Il s'agit d'un autre domaine dans lequel la Norvège est un peu à l'avant-garde. Les Norvégiens ont établi des normes pour cela. La norme norvégienne NS9415, en particulier, définit la norme en matière d'installation des structures maritimes. Il s'agit de lignes directrices très claires qui vous permettent de voir si vous êtes en conformité avec les normes à appliquer pour la sécurité et la qualité des constructions. Nous ne disposons pas d'une norme équivalente, ici.

Il est néanmoins très difficile d'être conforme à cette norme et pourtant nous le sommes. Par rapport à la conception, il y a beaucoup d'éléments mobiles, pas tellement en termes de mécanique, mais plutôt de complexité du design.

La sénatrice Raine : J'ai juste une question de suivi. Serait-il possible de placer les bassins flottants à parois pleines plus près du marché? Est-ce que ce serait logique? Autrement dit, pourquoi devraient-ils nécessairement se trouver en Colombie-Britannique, qui est plutôt loin des marchés?

M. Wilton : Eh bien, les facteurs sur lesquels repose cette décision sont en fait similaires à ceux des cages en filet. En effet, on y capture des matières décantables, et non les solides fins dissouts. Il vous faut tout de même un bon renouvellement de l'eau. Dans certains cas, leur usage se justifie très bien comme, disons, dans le secteur de la truite en Ontario, qui se heurte à de graves problèmes de phosphore et de dépôts riches en sédiments solides. Dans ce cas, l'utilisation de bassins flottants à parois pleines se justifie parfaitement.

Pour ce qui est de l'accès aux marchés ou de leur proximité, on préfère généralement un système d'aquaculture à recirculation établi sur la terre ferme.

En Pologne, un très grand transformateur de saumon norvégien est en train de construire un système sur la terre ferme pour le situer près du centre de transformation. Donc les décisions quant à la technologie à utiliser reposent sur différents facteurs. Parfois, on invoque la salubrité des aliments et l'accès régional à l'approvisionnement pour justifier le financement de certains de ces projets, par exemple en Arabie saoudite.

La société Octaform, en Colombie-Britannique, construit des fermes assez vastes en Arabie saoudite. Elle envisage d'injecter près de 10 milliards de dollars pour produire un million de tonnes sur la terre ferme dans ce pays. Cet objectif semble plutôt ambitieux, mais ils viennent de publier un article à ce propos.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup. C'est fascinant.

Le sénateur Munson : D'après les témoignages que nous avons entendus lors de la première audience, j'ai l'impression qu'on essaie de nous convaincre d'arrêter de tatillonner. L'industrie est soumise à énormément de règlements et une fois que les règles seront établies, elle voudrait s'autogérer. On nous parle de réussites merveilleuses en Écosse, en Norvège et en Nouvelle-Zélande et de situations absolument passionnantes, et pourtant au Canada, nous semblons nous lier nous-mêmes les mains. Les témoins précédents nous ont aussi fait part de l'énorme crainte qui, selon eux, est une émotion très puissante. Alors comment réussirons-nous à nous rattraper de façon globale, dans votre industrie?

M. Wilton : Je pense que nous ne réussirons probablement pas à rattraper la Norvège. Son industrie est bien en avance, et elle a ainsi acquis une certitude qui lui permet d'accéder à des capitaux et à se consolider. Donc son industrie détient, si l'on peut dire, un taux très élevé de consolidation de la propriété norvégienne.

Même au Canada, au Chili et en Écosse, il est facile de comprendre que la Norvège est la plus grande propriétaire de l'industrie. Donc il serait très difficile de la rattraper, mais nous pourrions prendre beaucoup d'ampleur.

Pour reprendre ce que nous avons entendu tout à l'heure, nous ne cherchons pas à éliminer les règlements ni même à les réduire. Vous savez, je suis ingénieur, et ma profession s'autoréglemente en un certain sens. Bien que s'étant fixé de nombreuses règles à l'interne, elle respecte de nombreux règlements gouvernementaux. En exerçant leur profession, les ingénieurs ne font pas ce qu'ils veulent en toute autonomie. Il en est de même pour l'industrie salmonicole. Cette industrie désire simplement qu'on lui trace une voie claire et précise. Elle ne veut pas nécessairement moins de réglementation. Je pense que personne ne propose qu'on réduise la surveillance des établissements ou les critères des bonnes pratiques d'aquaculture ou autre.

Il s'agit plutôt d'une question telle que : si je trouvais un bon endroit qui réponde à toutes les exigences sur la chasse d'eau et qui soit assez protégé pour qu'une tempête ne démolisse pas mes installations et que je veuille offrir à des investisseurs l'occasion de placer tant de millions de dollars pour y construire un établissement, il faudrait que ces fonds investis puissent contribuer à l'économie dans des délais raisonnables. Nous saurions que si nous lançons ce processus et que nous respectons les exigences du Canada en matière d'impacts environnementaux ainsi que toutes les exigences de la Loi sur les eaux navigables, tous les autres éléments et les processus de consultation des intervenants chez les Premières Nations et toutes ces choses-là, nous pourrons mettre notre projet en œuvre. Toutes ces exigences seraient harmonisées — le permis d'exploitation, le permis social d'exploiter, l'autorisation de Pêches et Océans — et chaque permis serait accordé dans des délais prévisibles. Cette prédictibilité est cruciale pour obtenir de l'investissement.

M. Ullstrom : Oui. Nous devons avant toute chose regagner le permis social. Il suffit de regarder l'industrie de l'énergie propre dans notre province. Au cours de l'année dernière, ils ont payé 350 000 $ à la Fondation du saumon du Pacifique pour qu'elle examine leur exploitation et qu'elle produise un rapport sur leur durabilité. Ils se sont adressés à un organisme indépendant de grande renommée.

Parlons aussi de l'industrie forestière de notre province dans les années 1990, quand les gens se faisaient emprisonner parce que cette industrie, je vous dirai franchement, avait perdu son permis social, mais elle s'est reprise et a complètement retourné la situation. Il a fallu qu'un gars du nom de Tom Stevens dise : « Eh, nous n'agissons pas correctement, trouvez une solution, une meilleure façon de répondre aux préoccupations du public! » Et cette industrie, reconnaissons-le, a corrigé sa façon de faire.

Il faut donc que notre industrie trouve un moyen de regagner son permis social. Nous pourrions commencer par examiner d'autres modèles, et ensuite en arriver à un point où, oui, la réglementation devienne un des aspects les moins importants de tout le système.

La sénatrice Raine : Quand vous dites que l'industrie doit regagner son permis social, parlez-vous de toute l'industrie, dans tous ses aspects, qu'il s'agisse d'élevage sur la terre ferme, en circuit fermé ou dans des cages à filet flottantes et ouvertes?

M. Ullstrom : Oui, tous les aspects de l'aquaculture doivent gagner le permis social. Dans le cadre de notre projet, nous avons investi plus d'argent pour obtenir d'abord le permis de notre collectivité qui au début, en un certain sens, était notre critique le plus sévère, puis celui de tout le public de la Colombie-Britannique. Donc nous avons engagé un surveillant environnemental, qui relève de la Fondation du saumon du Pacifique, pour qu'il surveille notre projet du début à la fin et qu'il produise régulièrement des rapports. Ceci n'est qu'un exemple de la façon de bien faire les choses.

Le président : Je remercie nos experts et nos sénateurs. Cette discussion a été très intéressante. Nous sommes vraiment heureux que vous ayez mis du temps de côté pour vous présenter devant nous aujourd'hui.

Poursuivons notre examen spécial sur la réglementation de l'aquaculture, sur les défis actuels et sur les perspectives d'avenir de l'industrie. Nous avons le grand plaisir d'avoir devant nous notre tout dernier groupe d'experts.

Je vais vous demander de vous présenter, et je crois que certains d'entre vous désirent nous présenter une déclaration préliminaire. Je vous demanderai de le faire de manière aussi concise que possible pour que nos sénateurs aient le temps de vous poser quelques questions. Nous sommes ici pour apprendre, et nous serons heureux d'entendre ce que vous avez à nous dire. Alors veuillez d'abord vous présenter, et ensuite que celui ou celle qui désire parler en premier nous présente sa déclaration préliminaire.

Roberta Stevenson, directrice exécutive, British Columbia Shellfish Growers Association : Roberta Stevenson, de la B.C. Shellfish Growers Association.

Robert Saunders, directeur général, Island Scallops Ltd. : Robert Saunders, directeur général d'Island Scallops Ltd.

Brian Hayden, président, Association pour l'Élevage responsable des coquillages : Brian Hayden, de l'Association pour l'Élevage responsable des coquillages.

Dianne Sanford, membre, Association pour l'Élevage responsable des coquillages : Diane Sanford, je viens de la région côtière Sunshine Coast et je suis membre de l'Association pour l'Élevage responsable des coquillages.

Shelley McKeachie, membre, Association pour l'Élevage responsable des coquillages : Shelley McKeachie, je viens de l'île Denman et membre de l'Association pour l'Élevage responsable des coquillages.

Le président : Merci. Donc Roberta, vous désirez commencer.

Mme Stevenson : Bien sûr, je serai très heureuse de commencer.

Merci. Je vous ai distribué à tous, il y a un certain temps, un document indiquant qui nous sommes, d'où nous venons et ce que nous faisons. Je sais aussi que vous lisez probablement très rapidement, donc je ne vais pas vous lire ce document. Si vous êtes comme moi, vous détestez cela. Mais après vous avoir tous rencontrés et avoir appris d'où vous venez et vous avoir vu un peu hier, que je devrais vous présenter certains faits qui vous aideront peut-être à comprendre la Colombie-Britannique et en quoi elle diffère des Maritimes. Avec tout le respect que je dois à Nancy et à la Colombie-Britannique, je crois que la majorité d'entre vous travaille dans un milieu différent du nôtre. Donc aujourd'hui, je vous ai distribué un nouveau document pour souligner simplement certaines études de recherche que nous avons effectuées et qui vous aideront à comprendre ces différences.

Alors je vais commencer par indiquer que, comme vous l'avez déjà entendu dire bien des fois, malgré la demande croissante d'aliments à base de mollusques et de crustacés, la production de l'aquaculture en Colombie-Britannique, malheureusement, demeure la même depuis plus de 10 ans. Elle a baissé de 1 p. 100, alors que celle des provinces de l'Atlantique a augmenté de 30 p. 100. Je tenais à vous souligner ce fait. Comme je le disais, l'élevage ici en Colombie- Britannique est différent de celui des Maritimes.

Nous avons une zone côtière 20 fois plus étendue que celle de l'Île-du-Prince-Édouard. Et pourtant, l'élevage des coquillages de la Colombie-Britannique ne constitue qu'un tiers de celle de l'Île-du-Prince-Édouard. En fait, au cours de ces 10 dernières années, la production d'élevage des coquillages dans les provinces de l'Atlantique a augmenté d'un volume similaire à celui de la production tout entière de la Colombie-Britannique.

Ce fait est tellement intéressant qu'il en découle un autre fait que vous trouverez dans le document que j'ai distribué, c'est-à-dire que la production de l'élevage des coquillages en Colombie-Britannique est inférieure non seulement à celle de plusieurs de ses régions concurrentes au Canada, mais aussi de celles de l'Ouest des États-Unis.

Dans le monde entier, la demande de nos produits augmente très rapidement. Elle découle du besoin de nourrir une population plus dense et plus riche et de remplacer la consommation décroissante de poisson sauvage. Alors pourquoi sommes-nous si différents du reste du monde, du reste du Canada et assurément bien différents des Maritimes?

Eh bien, d'un côté, chaque province impose des règles différentes à la conchyculture. Le premier document que je vous ai distribué bien avant de vous parler aujourd'hui décrit plusieurs de ces différences. Il souligne aussi fortement le besoin de créer un marché égal et équitable pour tout le Canada afin de nous aider à remplacer la Loi sur les pêches qui, comme vous le savez, est une loi sur la faune qui n'a jamais visé le secteur de l'élevage en vue de la consommation humaine. Cette loi date de l'établissement de la Confédération et à cette époque, la conchyculture n'existait pas.

Il faut que nous aidions à créer un cadre politique clair sur la conchyculture qui reconnaisse que nous sommes des aquaculteurs dans tous les sens du terme, ce qui comprend l'achat d'embryons des établissements d'accouvaison, l'implantation de ces embryons et enfin la vente des animaux à des usines de transformation. Ces ressources ne sont pas publiques, elles nous appartiennent. Les aquaculteurs les achètent et les vendent.

Nous demandons au Sénat d'appuyer le travail qu'accomplit l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture. Nous avons consacré beaucoup de temps et d'argent pour produire les documents qui vous aideront tous à vous retrouver dans ce labyrinthe, mais tout ce que je peux vous dire, c'est que nos aquaculteurs font face à d'énormes difficultés. Je le répète encore et toujours : notre production diminue. Nos entreprises ne se développent pas. Notre province subit un moratoire du développement depuis 10 à 15 ans. On n'a construit aucun nouvel établissement. En fait, réunis bout à bout, nos établissements n'atteignent que la longueur d'une piste d'envol de l'aéroport de Vancouver. Nous avons une très petite industrie qui fait face à de nombreuses occasions d'affaires.

Alors ici, en Colombie-Britannique, divers facteurs ont anéanti notre volonté politique. J'ai entendu bien des fois l'expression « permis social » pendant cette audience. Je tiens à souligner que nous pratiquons la conchyculture dans la région où se trouve cette salle depuis plus de cent ans.

Nous avons ce permis social. Les résultats d'études menées dans nos communautés côtières vous le démontreront. Nos communautés des Premières Nations des régions rurales côtières, qui souffrent d'un taux de chômage de 90 p. 100, ont vraiment besoin d'exploiter ces occasions d'affaires. Nous avons la sensation d'être pris dans un enchevêtrement de règlements compliqués, et je sais qu'on ne cesse de vous le répéter, mais en réalité, la conchyculture n'est pas compliquée. C'est une activité très simple. Les huîtres, l'animal charnu, le pétoncle pas autant, mais nous pourrions produire beaucoup plus, et nous sommes ici pour vous supplier de nous aider à atteindre nos objectifs et à développer notre industrie. Merci.

Le président : Merci.

Monsieur Saunders?

M. Saunders : Merci de m'avoir invité.

La société Island Scallops a été constituée en 1989 pour commercialiser les résultats d'une recherche menée pendant environ 10 ans par M. Neil Bourne à la station de biologie du MPO à Nanaimo. Notre entreprise a démarré avec cette technologie et grâce à l'aide de Diversification de l'économie de l'Ouest du Canada, de RNC, du PARI et du B.C. Science Council. Cela nous a coûté environ 1 million et demi de dollars.

En 1991, la maladie a frappé nos installations, et j'ai consacré près de huit ans de ma carrière à développer un pétoncle qui résiste à cette maladie. Nous avons développé un pétoncle hybride très spécial. Au cours des décennies qui ont suivi, nous avons cultivé et essayé de produire 15 espèces différentes de panopes du Pacifique, d'huîtres, de myes, de moules, d'ormeaux, de crevettes tachetées, d'oursins, d'holothuries de l'Atlantique Nord, de pétoncles géants, de morues charbonnières, de flétans de l'Atlantique et, plus récemment, de loups ocellés. Nous avons développé toutes ces espèces, ou presque toutes, avec l'aide de chercheurs du MPO. Cette relation dure depuis 20 ans et selon moi, c'est le fondement même de notre entreprise.

Alors quels avantages économiques les fonds que Diversification de l'économie de l'Ouest a injectés ont-ils produits? Je vais vous répondre en vous donnant un exemple. Cette année, nous avons des commandes pour environ 100 millions d'embryons d'une seule espèce d'huître, ce qui générera à notre entreprise environ un million de dollars en revenus bruts. En moins de 18 mois, cette commande nous rapportera 20 millions de dollars.

À titre de comparaison, nous vendons à peu près le même volume de panopes du Pacifique, mais seulement dans l'État de Washington. De ce million de dollars d'embryons, l'État de Washington génère des revenus de 60 à 85 millions de dollars. Il est bien évident que la Colombie-Britannique perd un énorme potentiel économique.

Les embryons de panopes du Pacifique que nous vendons en Colombie-Britannique nous rapportent moins de 35 000 $, et les gens me demandent pourquoi. Depuis 10 ans, le MPO n'a pas de politique. Quelques groupes détiennent une licence, dont quelques pêcheurs sous-marins et des organismes privés, mais la situation est vraiment triste.

Le MPO a dernièrement demandé des commentaires sur un cadre intégré de gestion des panopes du Pacifique, et je ne m'attends pas à ce que ce processus dure 10 ans, mais il est difficile de deviner combien de temps il faudra pour le terminer. La pêche aux panopes du Pacifique sauvages nous fait concurrence, mais elle diminue depuis 10 ans, et avec la croissance de la prédation, je ne pense pas que ce type de pêche survivra.

Je vais vous donner quelques exemples des obstacles que je vois. Je travaille dans ce domaine depuis 1975. En 1979, nous avons fait une demande de tenure d'élevage de la mye pour cultiver la palourde japonaise, et le gestionnaire des pêches m'a répondu que je pouvais cultiver les myes à condition de le faire là où elles ne se développent pas. J'ai vécu cela pendant toute ma carrière, soit près de 40 ans en Colombie-Britannique.

Pour toutes les espèces que nous avons cherchées, nous avons eu de la difficulté à accéder à des stocks de géniteurs — panopes du Pacifique, crevettes tachetées, crevettes, toutes les espèces que nous espérions cultiver. Cela nous a beaucoup retardés, et nous n'étions pas les seuls. Nous travaillons beaucoup avec des Premières Nations et il y a cinq ans, on m'a demandé de me rendre à Haida Gwaii pour voir si je pourrais les aider à cultiver les pétoncles là-bas. Nous avons investi beaucoup d'argent, environ 25 000 $ de notre propre argent pour payer les frais de demande. Ils n'ont pas encore reçu leur licence d'aquaculture. Est-ce qu'ils trouvent qu'on les traite de façon injuste? Tout à fait.

Il y a un manque de communication entre les gestionnaires du MPO, les scientifiques du MPO spécialisés en aquaculture, les Premières Nations et les organismes non gouvernementaux. À l'heure actuelle, ces groupes ne se consultent pas, ou presque pas. Cela crée une mauvaise communication, des malentendus à tous les niveaux, et c'est ce qui crée cette stagnation économique dans notre industrie.

La société Island Scallops a fait trois demandes d'accès à l'information pour essayer de déterminer pourquoi les gestionnaires du MPO ont rejeté nos demandes. Ça vous donne une idée du degré de difficulté que nous avons à obtenir de l'information.

Vous nous avez peut-être entendus récemment parler aux médias de l'acidification des océans. Nous sommes comme des canaris dans une mine de charbon. Il y a déjà cinq ans, une écloserie de l'État de Washington a commencé à observer des niveaux très, très élevés de mortalité. À cette époque, nous ne savions pas vraiment ce qui causait ce problème. Mais aujourd'hui, la cause est très, très claire. C'est l'acidification des océans. Maintenant, nous observons chaque jour des niveaux de pH au-dessous de 7,2 alors qu'ils devraient être à 8,2.

L'année dernière, nous avons perdu environ 10 millions de pétoncles de deux ans. Elles étaient presque prêtes à la récolte. Nous avons observé à ce moment-là des niveaux de CO2 exceptionnellement élevés. Personne, dans la communauté scientifique, ne s'attendait à ce que les niveaux montent si rapidement. Dans l'atmosphère, la concentration est d'environ 400 parties par million, alors certains jours, la concentration dans l'océan est au moins trois fois plus élevée.

Les larves d'huître et de pétoncle sont très sensibles à cela. On ne peut pas les cultiver dans des écloseries sans réguler l'eau de mer. Cela ne fait aucun doute. J'ai dépensé beaucoup d'argent en carbonate de sodium et en hydroxyde de calcium.

Certaines espèces de poissons de mer sont extrêmement sensibles à cela, et je pourrais vous citer plusieurs cas. Alors il y a un lien entre ces niveaux très, très bas de pH et les hautes concentrations de CO2 et notre taux de mortalité. En fait, cela a amené le monde entier à chercher des solutions. Et maintenant, cette mortalité se manifeste en Chine et au Japon. Un gars est venu me voir depuis la Suède pour me parler. Il avait investi 12 millions de dollars dans une écloserie d'huîtres creuses du Pacifique, et il a perdu tout son argent. Il avait un Ph de 7,6 et une concentration de CO2 de plus de 700.

Nous travaillons depuis plusieurs années avec les chercheurs du MPO et avec des étudiants de deuxième cycle de l'Université de la Colombie-Britannique pour essayer de mieux comprendre la cause de cette mortalité. Pouvons-nous modifier nos pratiques de culture et développer des souches plus résistantes? Oui, nous pouvons modifier nos pratiques de culture. Nous examinons très soigneusement l'océan les jours où nous y implantons nos jeunes embryons.

Nous ne pouvons pas cultiver nos pétoncles pendant deux ans. Ils doivent tous sortir de l'eau au bout d'un an, sinon nous perdons tous les animaux.

Le processus de demande de recherche exige des ententes de collaboration entre l'industrie et les scientifiques du MPO. Ce processus est maintenant très cher, il exige beaucoup de notre temps, et il ne produit absolument aucune initiative. Par exemple, le MPO ne signe pas d'ententes avec le Conseil national de recherches et avec les universités qui mènent ce type de recherche.

Alors résumons. Qu'est-ce que je m'efforce de vous recommander? Depuis 2011, le groupe consultatif sur la conchyculture s'est réuni six fois. Il y a aussi un nouveau comité, le Comité consultatif sur la gestion de l'aquaculture, qui s'est réuni une fois. Il est évident que ces réunions sont trop peu nombreuses et trop éloignées les unes des autres pour éclairer raisonnablement la prise de décisions. Ces comités devraient se réunir au moins une fois tous les trois mois, et on devrait leur imposer des délais pour la prise de décisions. L'inaction en matière de politiques n'est pas une raison de retarder les choses.

Il faudrait à nouveau encourager la collaboration avec les chercheurs du MPO sans que les enchevêtrements de la bureaucratie d'Ottawa l'entrave. La signature d'ententes collatérales est chère et très difficile. Par le passé, je n'avais qu'à prendre le téléphone pour parler aux scientifiques du MPO, et j'obtenais des réponses sans tourner en rond.

Par le passé, l'industrie recevrait des permis de développement expérimental qui nous ont permis d'obtenir de bons résultats, et selon moi il faudrait envisager d'élaborer une nouvelle politique. Depuis quelques années, le MPO n'élabore plus ses politiques avec les intervenants de la même manière à cause des délais, de l'indécision et des obstacles juridiques auxquels il se heurte.

Je crois qu'il y a un manque de communication entre les scientifiques et les gestionnaires du MPO. On n'oblige pas les gestionnaires à consulter les scientifiques, et il est clair que les gestionnaires ne le font pas d'eux-mêmes. Les scientifiques du MPO devraient pouvoir faire valoir leurs opinions devant ces comités.

Je suis convaincu qu'avec des politiques fondées sur des données scientifiques, l'industrie, les Premières Nations, les ONG et le MPO feront de bons progrès. Je vous remercie beaucoup de votre attention.

Le président : Merci, monsieur Saunders.

Monsieur Hayden?

M. Hayden : Au nom de l'Association pour l'Élevage responsable des coquillages, je tiens à remercier le comité de nous avoir donné l'occasion de vous parler.

Je commencerai par vous dire qu'à l'encontre du tableau que Roberta Stevenson a dépeint en indiquant que l'industrie de la conchyculture est en stagnation économique depuis 10 ans ou plus, nous trouvons que l'industrie a connu une croissance exponentielle depuis l'an 2000. Cette croissance s'est peut-être stabilisée dernièrement, mais l'industrie s'est considérablement développée, et pendant cette expansion alors qu'elle était assujettie aux politiques législatives de la Colombie-Britannique, nous avons l'impression qu'on a pris de très mauvaises décisions et établi des politiques et des priorités malencontreuses pour l'aquaculture, ce qui a causé la dégradation rivages et des milieux marins de la Colombie-Britannique. Toutes ces préoccupations se classent en cinq grandes catégories.

Premièrement, le mauvais choix non seulement des lieux, mais de l'ampleur des installations et de l'intensité de l'exploitation. Ces mauvaises décisions ont déclenché d'amers conflits entre les producteurs, les habitants des régions côtières, les adeptes de plein air, les touristes et les navigateurs de plaisance et entre les Canadiens originaires d'Europe, les Premières Nations et les autres peuples. On aurait pu éviter tout cela.

Dans certaines régions, comme à Baynes Sound, les établissements de conchyculture monopolisent 90 p. 100 des rives et nuisent à d'autres secteurs commerciaux comme les pêches, le tourisme et les ports de plaisance.

Nous vous avons distribué quelques photos pour illustrer certaines de ces préoccupations; vous verrez la première dans les photos nos 1, 2 et 3.

Deuxièmement, en plus du mauvais choix des lieux, l'industrie a généré énormément de débris marins et de pollution, ce qui empoisonne régulièrement les plages et cause d'autres effets auditifs et visuels néfastes. Vous verrez cela dans les photos nos 4, 5, 6 et 7. Nous les avons cataloguées pour que vous puissiez les consulter après l'audience.

Troisièmement, en plus de ces conflits et de la pollution que l'industrie a générée, il y a la question des toxines de différentes formes telles que le cadmium, le lixiviat provenant des grands volumes de plastique parfois utilisés, comme vous le verrez dans les photos nos 8 et 9. Ces dernières années, certains de ces problèmes ont entraîné le ban des exportations vers la Chine de crustacés de toute la côte du Nord-Ouest, de l'Oregon à l'Alaska.

Quatrièmement, la conchyculture a causé divers impacts sur des milieux écologiques et sur d'autres espèces, et ces impacts proviennent de différentes sources. L'une d'entre elles est l'utilisation de filets pour attraper les prédateurs, qui a causé des dommages collatéraux à d'autres espèces et aux habitats où l'on plaçait les filets. Elle a aussi accru la densité des crustacés, la liquéfaction du plancher océanique qui servait à la récolte de la panope du Pacifique et a augmenté l'utilisation de mousse de polystyrène et de plastiques. Vous pouvez voir tout cela dans les photos nos 9 et 10 et aussi dans les photos précédentes.

L'industrie a aussi causé de graves problèmes en modifiant les plages et les cours d'eau, en conduisant des véhicules sur les plages sans penser aux impacts que l'on causait à certains poissons fourrage comme l'éperlan argenté et le lançon. La conduite de véhicules sur les plages anéantit le poisson fourrage, qui est crucial. En fait, il se trouve à la base de la chaîne alimentaire de tous les poissons des niveaux supérieurs comme le saumon et ainsi de suite. Donc les lieux de ponte des poissons sont particulièrement importants, et vous pouvez le constater dans les photos nos 11 et 12.

Certains établissements se sont permis d'essayer d'éliminer systématiquement des espèces concurrentes comme les crabes, les étoiles de mer, les natices, les canards, et cetera. Vous verrez cela dans la photo no 13.

On a négligé et très mal expliqué les effets de certains établissements de conchyculture sur la mousse de mer, qui est cruciale pour la reproduction d'un grand nombre d'espèces de poissons. Par conséquent, on a éliminé beaucoup de mousse de mer soit intentionnellement, soit en l'endommageant.

On a aussi fait du stockage excessif dans les baies fermées telles que Gorge Harbour, ce qui a créé des milieux anoxiques à cause des volumes élevés de matière fécale que ces exploitations de conchyculture produisent — des tonnes de matières fécales par radeau par année.

Et finalement, une chose nous préoccupe plus que tout : notre incapacité totale d'appliquer les règlements en vigueur et les conditions des baux et d'imposer le nettoyage des établissements abandonnés. Vous verrez cela dans la photo no 14 et aussi dans certaines des photos qui la précèdent.

Le MPO a coupé à un niveau impraticable son effectif d'agents d'application des lois et de surveillance. Nous avons des établissements abandonnés que nous demandons de faire nettoyer depuis des années, et personne ne le fait.

Certains problèmes importants pointent à l'horizon et concernent le MPO et votre comité. Il s'agit des demandes d'exploitation de grande ampleur pour la conchyculture de la panope du Pacifique. Comme ces photos vous le démontrent, ces établissements auront des impacts énormes sur les plages et sur les zones intertidales de la majeure partie des côtes de la Colombie-Britannique.

Nous avons déjà perdu une grande partie de notre patrimoine intertidal et sublittoral, et nous allons en perdre beaucoup plus. Cela comprend des zones de ponte du hareng, comme notre dernière photo l'indique. La zone blanche est tout un frai de hareng. Cela vous donne une idée de son ampleur. Ils envisagent de placer un élevage de panope du Pacifique exactement à cet endroit, et cela va nuire au frai du hareng dans ces régions.

Je tiens à souligner qu'un comité spécial a présenté à la législature de la Colombie-Britannique une série de recommandations sur l'aquaculture durable. J'en ai joint des copies aux documents de contexte que nous vous avons distribués. Je vous rappellerai cependant qu'il s'agit de recommandations du gouvernement, et avant cela un autre comité permanent de la Chambre des communes a présenté une recommandation, et je pourrai vous en parler plus en détail si vous le désirez.

Mais nous recommandons principalement que l'on fixe des limites sur les baies fermées, sur les densités et sur l'ampleur des établissements de conchyculture qui risquent de nuire à des milieux écologiques et à d'autres espèces. Il faudrait effectuer un examen environnemental approfondi pour déterminer les effets sur la mousse de mer et sur le poisson fourrage. Il faut établir, tel que recommandé, des règlements sévères sur la conformité et sur le nettoyage, qui est absolument essentiel, comme l'a décrété un comité permanent sur les pêches et les océans.

Le président : Excusez-moi, monsieur Hayden, pourriez-vous conclure votre présentation pour que nous puissions poser des questions?

M. Hayden : Voici ma conclusion. Nous devons interdire l'utilisation des plastiques, surtout de la mousse de polystyrène. Il faut aussi interdire la modification des plages et la conduite de véhicules sur les plages. Il faut aussi interdire les filets qui capturent les prédateurs et imposer des marges de recul des zones résidentielles et des zones de plaisance. Merci.

Le président : Merci, monsieur Hayden.

Sénatrice Hubley, s'il vous plaît.

La sénatrice Hubley : Merci d'être venus vous joindre à nous aujourd'hui. En ce qui concerne l'acidification des océans, j'ai posé quelques questions sur la côte Est, et ils ne sont pas du tout au courant de cela. Je me demande si vous savez ce qui cause cette acidification dans la région. Je suis sûre qu'elle suscitera éventuellement aussi des préoccupations dans notre région, mais ce problème a attiré mon attention.

M. Saunders : Ce n'est pas qu'en Colombie-Britannique Richard Feeley publie de nombreux articles sur le nord du Pacifique, et il mentionne l'aragonite. Eh bien, l'aragonite est une forme de carbonate de calcium à un pH de 8, 8 pour 1, c'est un cycle de carbone assez compliqué. Je ne sais pas d'où il vient, mais il est clair qu'il y a une remontée d'eau sur la côte, l'eau profonde a une plus grande concentration de CO2 et elle est aussi plus salée. Nous avons observé dans le détroit de Georgia ces cinq dernières années, pendant quatre ans l'eau était beaucoup plus salée et nous avons vu une augmentation énorme, mais vraiment énorme, du taux de CO2. Nous avons commencé à remarquer cela en 2009. Le pH a chuté de 8,1 à 7,8 en deux mois. J'ai entendu dire que dans l'État de Washington, les taux sont descendus jusqu'à 7,6. Je vous dirai que j'étais en choc. Je ne savais pas — c'est-à-dire qu'on nous avait toujours enseigné que l'océan ne change pas, que c'est un environnement agréablement stable.

L'année d'après, au lieu de deux mois, nous avons observé ces mêmes niveaux tout au long de l'année. Aujourd'hui, trois ans plus tard, nous avons des concentrations de CO2 trois fois plus élevées que celles de l'atmosphère. Nous pouvons corriger cela sur les rives parce que nous pouvons réguler l'eau de mer. Et j'ai été très surpris de constater ce que nous ne savions pas, c'est que nos plus gros animaux résistent à ces fluctuations. Alors je n'ai pas de réponse à vous donner. Je ne sais pas ce qui cause cela. Je sais que sur la côte Est, au New Jersey, l'industrie du pétoncle géant a observé des niveaux similaires et que leurs récoltes de pétoncles géants, comme vous le savez peut-être, ont baissé de 30 p. 100 parce que leurs pétoncles ne grossissent pas. C'est un lien que nous avons observé, mais cela ne prouve rien. Je ne sais pas ce qui cause cette mortalité massive sur le terrain.

La sénatrice Hubley : J'ai regardé vos photos avec intérêt, monsieur Hayden. Comment répondez-vous à l'industrie de la conchyculture?

Roberta, pouvez-vous répondre à certains des commentaires que nous avons entendus?

Mme Stevenson : Eh bien, nous leur répondons en engageant des gens régulièrement pour nettoyer ces régions. Nous effectuons nous-mêmes un nettoyage deux fois par année, aux frais des membres du groupe que je représente. Tous les éleveurs de coquillages n'optent pas d'adhérer à notre organisme. Mais nous payons ce nettoyage que nous effectuons régulièrement, comme je le disais. Je conduis moi-même un camion. Si quelqu'un appelle mon bureau, je vais moi- même effectuer le nettoyage.

Nous faisons tout notre possible pour nettoyer en collaborant avec les ports de plaisance et tous les autres. Mais ne vous y trompez pas — la conchyculture laisse un impact, c'est vrai. Tout ce que nous faisons laisse une empreinte sur la planète quand nous cultivons nos aliments au lieu de les récolter, je suppose les chevreuils ou autre, je ne sais pas. Mais nous faisons tous les efforts possibles pour atténuer ces impacts.

J'ai conclu ma déclaration préliminaire un peu plus tôt en espérant que vous me poseriez de telles questions. Je sais que vous êtes tous perspicaces, et je suis très heureuse que vous souleviez ces questions. Je pourrais continuer sans jamais m'arrêter, mais je ne veux pas vous ennuyer. Je sais que dans les Maritimes vous vous êtes heurtés à certains de ces problèmes quand les gens ont commencé à s'installer dans des régions qui étaient principalement des communautés d'agriculteurs et de pêcheurs puis qu'ils désiraient que ces communautés ne soient pas là, mais c'est un phénomène qui se manifeste dans le monde entier.

La sénatrice Hubley : Je vous dirai honnêtement que je n'ai jamais entendu quelqu'un soulever cette question ici, et l'ampleur de l'exploitation en fait partie. Mais à l'Île-du-Prince-Édouard, les industries sont obligées de s'entendre et de se respecter, bien sûr.

Mme Stevenson : Oui.

La sénatrice Hubley : Cela ne se produirait pas à l'Île-du-Prince-Édouard, parce que nous avons l'agriculture, la pêche et le tourisme, et cela nuirait à ces trois industries. Alors c'est à l'industrie de trouver des solutions. Comme vous le savez, ce sont des types de facteurs que nous devons tous aborder, dans tous les aspects de l'agriculture. Mais c'est aussi un problème que, selon moi, nous devons essayer de résoudre et auquel il faut trouver des solutions. Je vais m'arrêter là.

Mme Stevenson : C'est tout à fait vrai. Nous ne sommes pas fiers de la façon dont les gens perdent les choses. Les vents sont très forts ici, les gens perdent des choses pendant les tempêtes et ils vont sur les plages et, comme je vous le disais, nous faisons tout notre possible pour résoudre le problème le mieux possible. Et nous pouvons améliorer nos façons de faire, nous les améliorerons, et nous travaillons très fort pour faire tout ce que nous pouvons. Le milieu marin ici est très dur, et il nous rend souvent la vie dure.

La sénatrice Hubley : Avez-vous d'autres commentaires, monsieur Hayden?

M. Hayden : Je crois que j'ai deux commentaires, si vous me le permettez. J'ai un point de vue très différent de celui de Roberta sur l'intensité des efforts consacrés au nettoyage. Un jour, j'ai communiqué avec Roberta pour lui signaler un établissement de conchyculture abandonné. Elle a passé la balle au gouvernement provincial, qui n'a absolument rien fait. Donc comme vous pouvez le voir, nous avons d'énormes problèmes de nettoyage.

Shelley voudrait parler.

Mme McKeachie : Dans la région de Baynes Sound, si vous regardez la photo vous verrez la densité. Plus de 90 p. 100 sur toute la côte de Baynes Sound est sous tenure de conchyculture, soit intertidal, soit sur radeaux au large, et c'est l'un des plus graves problèmes.

En ce qui concerne les débris, notre organisme local nettoie les plages chaque année depuis neuf ans. Les habitants de la région se promènent constamment sur les plages, et ils ramassent. En neuf ans de nettoyages annuels des plages, nous avons ramassé de trois à quatre tonnes de débris chaque année, dont 90 p. 100 provenaient de la conchyculture, et vous pouvez voir dans la photo no 5 un de nos nettoyages annuels de la plage ET nous avons emmené trois autres camions pleins.

À l'industrie qui se lance dans des épisodes irréguliers de nettoyage, nous répondons qu'il faut enrayer le problème à la source. Le problème des débris n'est que la pointe de l'iceberg. Comme on le voit sur la photo, beaucoup de mousse de polystyrène se détache beaucoup des radeaux. On est censé les envelopper dans du plastique, mais ils se décomposent avec le temps. Les radeaux que j'ai vus n'étaient pas enveloppés dans du plastique, mais je doute que cela règlerait le problème à long terme. En milieu marin, la mousse de polystyrène se désagrège en toutes petites boules. Après les tempêtes d'hiver, nos plages sont couvertes de ces boulettes. Il est impossible de les récupérer. Les animaux les mangent parce qu'ils pensent que ce sont des aliments et du poisson.

Donc je désire aujourd'hui présenter un double message au comité. Il faut aborder les problèmes que causent le choix des lieux, l'intensité et les pratiques nuisibles. Cela dure depuis 15 ans dans notre région. L'exploitation est trop intense. La Colombie-Britannique jouit d'une vaste région côtière. Plus de 50 p. 100 des crustacés produits en Colombie-Britannique sont cultivés à Baynes Sound. Cela vous donne une idée de l'intensité? Regardez la photo no 1, et vous comprendrez pourquoi ces régions font face à des conflits. Merci.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Mme Saunders a mentionné les obstacles auxquels se heurte l'industrie, et vous avez dit que les membres de la Première Nation Skidegate doivent suivre un processus d'octroi de licence d'aquaculture extrêmement long qui les empêche de prospérer dans leur région. Comme vous le savez tous bien, un grand nombre de communautés des Premières Nations ont d'énormes problèmes économiques, alors pourquoi leur refuserait-on cette licence?

M. Saunders : On ne la leur a pas refusée. La province leur a octroyé très rapidement une tenure d'aquaculture. Ils essaient de le faire en 120 jours. Dans le cas de Skidegate Inlet, la demande est arrivée au mauvais moment. Cette responsabilité a passé de la province au gouvernement fédéral, mais on ne peut vraiment pas trouver d'excuse pour ce retard. Ce groupe a maintenant perdu du financement à cause de ce retard.

Nous avons travaillé avec sept Premières Nations sur la côte centrale en leur donnant des embryons, et depuis 10 ans, ils exploitent leur établissement avec peine et sans grand succès.

La nation We Wai Kai du cap Mudge, à l'île Quadra, est probablement celle qui a le mieux réussi. Ils font de l'aquaculture là-bas depuis quatre ans. Ils ont malheureusement perdu leur récolte cette année, eux aussi. Ils ont perdu près de trois millions d'animaux, alors nous les aidons autant que possible pour qu'ils puissent entamer une nouvelle récolte.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Comment ont-ils perdu ces animaux?

M. Saunders : C'est fortement lié à l'acidification de l'océan. Je ne peux pas affirmer que c'est la cause, mais tous ceux qui ont fait de l'élevage de pétoncles avec nous dans la partie inférieure du détroit ont vécu la même expérience au cours de l'année.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Y a-t-il une chance que la situation s'améliore?

M. Saunders : Je suis le genre de personne qui voit le verre à moitié plein, oui, je pense que oui. Comme je vous l'ai dit, nous avons été frappés par une épidémie en 1991, et huit ans plus tard nous disposons de bien meilleurs outils, alors je suis convaincue que nous pourrons développer un animal qui résistera à ce changement de conditions océaniques.

Le sénateur McInnis : Merci d'être venue. Je me demandais pourquoi vous avez ajouté le mot « responsable » au nom de votre organisme. Je crois que je comprends, maintenant. Hier, nous avons visité la station de Deep Bay à l'Université Vancouver Island, un établissement merveilleux, très académique, une manière extraordinaire de promouvoir l'industrie. J'ai regardé la baie, et il y avait là une carte géographique, et une question m'est venue à l'esprit. Quand je la leur ai posée, ils m'ont répondu qu'on attrape du hareng là dans la baie. Les pêcheurs viennent et ils en récoltent abondamment. Ils tiennent eux-mêmes un établissement d'aquaculture là-bas, et si l'on parle de gardien de la responsabilité, je penserais que l'université le serait. C'est mon premier commentaire.

La deuxième chose que j'ai entendue plus tôt, c'est qu'il vous faut un permis social pour réussir dans cette industrie. Dans ma région, j'ai souvent parlé du droit des propriétaires privés et du fait que lorsqu'on octroie des licences à des entreprises pour se promouvoir et se développer dans des baies où des gens vivent depuis des dizaines d'années, voire des siècles, ces gens perdent tous leurs droits. Les propriétaires privés n'ont aucun droit. C'est un problème réel.

En fait, c'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai dirigé, ou je me suis jointe à un organisme qui s'efforçait de corriger cela. Maintenant toutes ces choses que vous nous décrivez sont des difficultés, mais il faut les résoudre. Je vous dirais — et je ne veux pas prêcher ni vous faire un sermon — qu'il est très difficile de s'autoréglementer. Cela ne réussit que rarement. Il faut qu'un gouvernement ou un organisme gouvernemental quelconque se charge d'appliquer les règlements. Selon moi, c'est la seule manière d'y réussir.

Je vous ai entendu dire au début de cette conversation qu'il y a un manque total de communication entre le MPO — non seulement leur secteur de la conformité mais d'autres aspects — et d'autres groupes nous ont dit la même chose. Selon moi, nous avons ici la source même du problème. Il y a moyen de le résoudre. Il faut que l'industrie soit écologiquement durable et toutes ces choses. Et l'organisme que nous avons visité hier semble très responsable, il a de nombreux employés, ils sont bien intentionnés. Mais je pense — et vous pourrez nous donner votre opinion là-dessus, bien que je ne sache pas bien comment ce sera possible — d'après ce que j'ai entendu, il semble qu'il n'y ait aucune consultation et aucune communication avec Ottawa et avec le MPO, et c'est là que réside le problème. On pourra peut- être le résoudre en adoptant une loi spéciale. Nous avons discuté de cela un peu plus tôt aujourd'hui. Alors vous pouvez nous donner votre opinion si vous voulez.

Mme Sanford : Je viens d'une région de la Sunshine Coast qui compte plus de 100 km de littoral et nous avons très peu de terres commerciales. Notre économie est très touristique. Par le passé, nous étions une communauté axée sur la pêche, l'exploitation minière et la foresterie, mais nous avons évolué pour devenir une industrie touristique et cela fait maintenant un certain nombre d'années que je travaille avec les zostères et les aires de fraie des poissons fourrage.

Nous disposons de kilomètres et de kilomètres d'herbiers de zostères qui se développent dans la zone infratidale, non loin de la côte, juste au-dessous de la laisse de marée basse. Il s'agit d'un important puits de carbone puisque les zostères subviennent aux besoins de très nombreuses espèces de vie marine. Elles constituent un couloir et un abri pour vos saumons. Lorsque les saumoneaux arrivent des cours d'eau, ils se dirigent vers les enclos de zostères. Ils s'y abritent, s'y alimentent et s'adaptent à l'eau salée. Elles sont donc d'une importance vitale pour nos espèces de saumons.

Ensuite, si vous regardez les sites de fraie des poissons fourrage, il s'agit des zones intertidales supérieures, à savoir là où se termine la cour des gens et là où commence l'océan. Ces zones sont grandement touchées par les véhicules que l'on conduit sur les plages. Les véhiculent écrasent les embryons de poissons fourrage, les tuent, notamment deux espèces qui viennent frayer dans cette zone, à savoir la zone qui se situe entre la zone supérieure et la zone inférieure de la marée haute, zone primordiale pour l'éperlan argenté et le lançon.

Maintenant, ces deux espèces constituent 65 p. 100 des ressources alimentaires de notre saumon quinnat et plus de 50 p. 100 des ressources alimentaires de notre saumon coho. Il va donc falloir vraiment examiner ces zones sous l'angle des conflits et des incidences. C'est là qu'il nous faut un règlement, effectivement. Notre région a perdu tous ses agents de conservation et j'ajouterais que la coordination est cruciale entre les organismes gouvernementaux, l'industrie et la collectivité. Merci.

M. Hayden : Puis-je me permettre d'ajouter quelque chose?

Le président : Allez-y.

M. Hayden : Je vous remercie de vos remarques. Effectivement, vous savez que nous avons des zones qui sont résidentielles depuis de très nombreuses générations et l'expansion de l'industrie des mollusques et crustacés, à très grande échelle industrielle, est un phénomène très récent, qui ne date que de l'an 2000. Dans certaines régions, c'est comme si l'on venait installer une grande carrière de gravier, juste devant votre maison. Il y a donc toutes les grosses frictions que vous avez citées entre la propriété privée des maisons, les zones résidentielles et l'industrie. Il s'agit d'un très gros conflit dans certaines régions.

J'aimerais également faire remarquer que, jusqu'à l'an passé, je crois, ou peut-être l'année précédente, l'industrie des mollusques et des crustacés relevait, pratiquement, du gouvernement de la Colombie-Britannique et que le transfert de sa responsabilité au MPO est assez récent.

Je crois donc que nous sommes dans une situation où le MPO est en train de prendre ses marques en établissant des politiques en matière de conchyliculture et d'élevage des poissons fourrage et il s'agit d'un moment vraiment déterminant, à mon sens. Vous savez, nous ne sommes pas en train de dire que ces problèmes sont en grande partie dus au manque d'organisation du MPO, par le passé, ou au manque de communication, mais cela relève maintenant du Ministère et nous pensons que c'est vraiment l'occasion, pour lui, de prendre les bonnes décisions pour rectifier les mauvaises décisions prises par le passé. Merci.

Mme Stevenson : Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aimerais attirer votre attention sur la région à laquelle M. Hayden a fait allusion et où il vit. Avant qu'il ne s'y installe, nous avions 300 personnes qui avaient un emploi sur la petite île. Si vous jetez un coup d'œil aux statistiques que je vous ai apportées et qui ont été compilées par une société d'examen indépendante, la page 1 vous donne le nombre réel d'emplois dans le secteur de l'aquaculture par rapport au nombre total d'emplois dans les régions et je crois que ces pourcentages sont révélateurs, car on peut voir qu'ils ne sont pas élevés, en réalité.

M. Hayden : Puis-je simplement ajouter quelque chose à ce sujet? Si les chiffres de l'emploi ont diminué, je crois que c'est en grande partie dû à la mécanisation. Au cours des 10 à 20 dernières années, la taille réelle des activités, au sein de l'industrie, s'est accrue et, d'ailleurs, on vient tout juste d'ouvrir une autre exploitation de 40 acres, à la Gorge, ou d'autoriser son implantation, avec un permis octroyé à Gorge Harbour, l'an passé. Voici donc encore une autre expansion. Très souvent, l'industrie se plaît à promouvoir ses préoccupations en matière d'emploi et à parler des emplois qu'elle va créer pour la région, mais elle n'est en réalité pas aussi préoccupée par l'emploi qu'elle le prétend. Elle se préoccupe davantage de ses bénéfices et elle essaye de réduire un maximum le nombre d'employés avec la mécanisation.

La sénatrice Stewart Olsen : J'hésite quelque peu à me mouiller. Je viens du Nouveau-Brunswick et j'habite sur la côte. Nous venons juste de voir une ferme ostréicole s'établir et cela permet d'apporter des emplois à une région très touchée par la crise, car nous avons besoin d'emplois dans notre province. Je sais que nous avons des règlements en place, dans notre province, qui régissent les activités permises sur nos plages et nous ne pouvons pas y conduire de véhicules. Je ne comprends pas pourquoi vous n'avez pas de règlement semblable chez vous. J'hésiterais à dire que je m'oppose à ce qu'une industrie s'implante, car ma maison s'y trouve, si cela permet de créer un emploi pour mon voisin.

Je suis assez conciliant, mais je vois ici qu'il y a une véritable divergence d'opinions. Mais il s'agit d'affaires que vos municipalités et vos régions devraient régler. Je ne pense pas que cela devrait relever du gouvernement fédéral ou même du provincial. Je ne suis pas certain, car je ne connais pas la situation en Colombie-Britannique, mais je sais que nos lois sont provinciales, mais qu'elles sont appliquées par les municipalités. Nous sommes une région très rurale.

Il n'y a pas, ici, une tonne de choses que l'on ne puisse pas résoudre. Je crois qu'au Nouveau-Brunswick, nous y trouverions une solution, car l'emploi est une chose primordiale, pour nous, nous n'avons pas beaucoup d'argent et nous voyons d'un bon œil tout nouveau projet.

Certes, je ne connais pas vos règlements, mais je crois que vous devriez travailler et collaborer avec votre province et vos municipalités. Je sais que cela semble plutôt superficiel et peut-être même stupide, dans le cadre de vos discussions, mais vous n'allez pas faire progresser l'emploi pour les gens de votre région si vous n'adoptez pas une autre piste de solution.

Mme McKeachie : Je suis entièrement d'accord sur le fait que l'emploi est essentiel pour les collectivités côtières, tout particulièrement celles qui ont le plus souffert. Il faut souligner qu'effectivement, ces résidents ont habité la région pendant des décennies et des décennies et que les mollusques et crustacés y ont été récoltés pendant de nombreuses années. Le problème a été engendré par l'industrialisation de la production de mollusques, dont les méthodes suscitent des conflits avec les habitants côtiers depuis les 10 à 15 dernières années. Lorsque les opérations étaient dirigées par de petites entreprises familiales et déployées à moins grande échelle, il n'existait aucun conflit. Il semble que dans votre province, la réglementation encadre plusieurs de ces questions.

En d'autres mots, si je me trouvais en présence d'un bail ostréicole, exploité d'une manière non envahissante et qui n'entraîne aucune situation négative pour moi ou mon domicile, il n'existerait pas de conflit.

Un autre point que j'aimerais souligner est que dans de nombreuses régions côtières, le tourisme génère des revenus encore plus importants et crée beaucoup plus d'emplois pour l'économie de cette province et que certaines des pratiques permises et l'intensité des activités d'aquaculture ont des effets négatifs sur le tourisme; si ces activités continuent de s'accroître et d'être effectuées de la même façon, les répercussions négatives seront encore plus considérables.

Donc je suis d'accord avec vous, certaines questions peuvent être étudiées. Cependant, au cours des quinze années où j'ai participé à des réunions à ce sujet, dont celle du comité spécial sur l'aquaculture, en 2001 si je me rappelle bien, de formidables recommandations ont été émises qui auraient pu résoudre un grand nombre de ces problèmes, mais aucune d'entre elles n'a été mise en application. Merci.

M. Hayden : Puis-je mentionner deux points?

Le président : Monsieur Hayden?

M. Hayden : L'un des points que je voulais souligner est qu'il existe des politiques efficaces en ce qui a trait aux fermes piscicoles. Une distance limitative d'un kilomètre des zones résidentielles et touristiques a été instaurée; une réglementation semblable pour la conchyliculture pourrait être établie. Il n'existe aucune distance limitative encadrant la conchyliculture dans ces régions.

L'autre point concerne les emplois; effectivement, la création d'emplois est importante et si ces emplois profitaient aux habitants locaux, ce serait formidable mais en fait, les salaires des exploitants des sites d'élevage de mollusques n'attirent pas la population de ces régions par conséquent, ce sont des travailleurs de l'extérieur qui viennent occuper ces emplois.

M. Saunders : Excusez-moi, mais ces demi-vérités me font réagir. Le but de cette réunion, en ce qui me concerne, est de s'en remettre aux données scientifiques et non aux demi-vérités. C'est ce qui se dit aujourd'hui, des demi-vérités et je n'ai plus envie d'en entendre. Il s'agit encore du syndrome « d'accord, mais pas dans ma cour ». Il m'est très, très difficile d'entendre ces semi-vérités, je vais devoir partir. Merci de m'avoir invité.

Le président : Comme je le mentionnais plut tôt, nous sommes ici pour entendre le point de vue de toutes les parties, c'est notre objectif, donc les opinions de tous sont les bienvenues. Nous tentons d'en apprendre davantage sur l'industrie de l'aquaculture, les défis qui se posent et les possibilités qui s'offrent à nous. En tant que résidents de la province de Terre-Neuve-et-Labrador, nous sommes toujours à l'affût de nouvelles possibilités d'emploi, ce qui ne nous empêche pas d'être préoccupés par les activités des industries qui viennent s'établir chez nous. Mais nous n'allons pas examiner l'information d'un côté de l'équation sans accepter d'examiner celle de l'autre. Ce n'est pas l'objectif de notre comité.

Mme Stevenson : Puis-je prendre la parole alors?

Le président : Oui.

Mme Stevenson : J'ai eu le privilège de visiter Terre-Neuve et de constater la croissance et la prospérité de votre industrie, ce qui compense pour les pertes subies suite à l'effondrement de la pêche à la morue. Il n'y a aucune raison qui empêche la Colombie-Britannique de connaître une telle prospérité.

La ferme dont parlait M. Hayden, à laquelle il s'oppose et qui s'est installée récemment dans sa région, appartient à une entreprise communautaire locale des Premières Nations. Je dois dire que cela me gêne et comme l'a dit Rob, cela atteste du syndrome « pas dans ma cour » à un degré maximal, au point de s'opposer aux possibilités économiques de membres locaux des Premières Nations, cela me désole. Je trouve que c'est un manque de vision de ne pas considérer la réalité de nos collectivités autochtones, en suggérant que le tourisme peut sauver notre province.

J'ai travaillé dans un certain nombre de collectivités des Premières Nations et je peux vous assurer que le tourisme ne les intéresse pas. La pêche est un mode de vie auquel ils sont profondément attachés, contrairement au tourisme, et nous leur offrons un milieu semblable, où ils peuvent aller en mer avec un bateau de pêche et garder le contact direct avec la nature. Je crois que cela présente de bonnes perspectives en ce sens.

Nous sommes loin de suggérer que les touristes accourent en Colombie-Britannique tout au long de l'année, alors que le climat n'est agréable que pendant environ deux semaines. Le tourisme peut exister parallèlement, la preuve en a été faite. Nous avons nos festivals comme à l'Île-du-Prince-Édouard et ailleurs, qui attirent les touristes en grand nombre. Des gens provenant de partout dans le monde apprécient nos produits de la mer; nous pouvons tous travailler ensemble à améliorer les choses. Je crois que c'est la conclusion à tirer : il est essentiel que nous apprenions à coopérer, et ce, dans notre propre intérêt. L'intérêt de l'un ne vaut pas plus que celui d'un autre; nous devons apprendre à travailler ensemble afin de garantir un avenir meilleur à tous.

Le président : J'abonde dans le même sens et je crois qu'il y a certains points discutés que nous ne pourrons régler aujourd'hui en tant que collectivité. Comme je l'ai déjà mentionné, en tant que comité sénatorial canadien, nous écoutons et respectons toutes les opinions et par la suite, si tout va bien, nous émettons des recommandations visant à résoudre certaines questions soulevées par les représentants de l'industrie ou de groupes tels que les vôtres.

La sénatrice Raine : Je comprends très bien les conflits qui opposent les intervenants. J'ai seulement besoin d'un peu plus d'information car je ne suis pas du tout une experte en matière de conchyliculture. Quels types de mollusques et de crustacés sont récoltés sur les photos 3 et 8?

Mme McKeachie : Ces photos sont celles de Puget Sound, dans la région de Washington. Ce sont des panopes intertidales et la raison pour laquelle ces photos ont été insérées ici est que le MPO vient juste de présenter l'ébauche d'un plan de gestion intégré visant à ouvrir de vastes zones de la mer des Salish et de la côte de la Colombie- Britannique à l'aquaculture de la panope. La plus grande zone verte de l'expansion de la culture de la panope est la zone intertidale, et c'est ce que nous craignons car c'est de cette façon que les panopes sont produites.

Des tubes en PVC, que l'on voit sur la photo 3, sont installés dans le substrat, tel que montré sur la photo 8, puis les semences de panope sont introduites dans ces tubes individuels en PVC. Toute l'étendue est ensuite recouverte d'un filet de protection contre les prédateurs, qu'on appelle des filets antiprédateurs, on entend beaucoup parler de ces filets qui recouvrent ces cultures. À certains endroits, les filets restent en place, ils ne sont pas retirés et à d'autres endroits, ils sont retirés après environ deux ou trois ans, je crois. D'après ce que j'ai lu, il faut de sept à neuf ans à la panope pour arriver à maturité et être prête à être récoltée.

Donc ces photos sont ici car elles représentent la prochaine vague d'expansion de l'industrie de l'aquaculture proposée par le MPO.

Pour revenir au syndrome « pas dans ma cour », notre organisme existe depuis quinze ans et a été créé parce que des groupes de citoyens habitant le long de la côte étaient préoccupés par l'industrialisation et oui en effet, inquiets pour leur demeure. Cette industrie est en opération 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Les gens étaient tenus éveillés dans leur propre foyer. Le plus gros investissement d'une famille est sa maison. Les gens ont le droit de jouir de la tranquillité dans leur foyer et ces activités ont créé un conflit.

Voilà donc un des problèmes, mais nous sommes également extrêmement préoccupés par l'impact de ces activités sur l'environnement. Je crois que ceci illustre bien que la mentalité du « pas dans ma cour » a jusqu'ici fait que les gens ont tenté de rejeter nos préoccupations. Si cela se produit, nous n'arriverons jamais au stade des discussions sérieuses qui nous permettront de partager cette ressource.

Encore une fois, je vous demanderais de regarder la première photo qui montre l'intensité de l'aquaculture, soit 50 p. 100 du produit pour la Colombie-Britannique cultivée en un même endroit. On est loin du partage de la ressource. La culture occupe plus de 90 p. 100 de la côte; ceci pourrait être corrigé facilement par une politique de gestion.

Mme Stevenson : Tout au long de ma carrière pendant laquelle j'ai élaboré des plans d'affaires pour des collectivités éloignées, j'ai pu constater qu'en l'état actuel des choses, il n'est pas économiquement viable d'installer une ferme d'élevage dans un coin reculé avec le prix courant de l'essence et tout le reste. C'est pourquoi la région de Baynes Sound est principalement attrayante, comme vous l'avez appris hier, en raison de sa proximité avec les aéroports, les usines de transformation et la main-d'œuvre.

J'ajouterais que notre région côtière en Colombie-Britannique ne ressemble pas du tout à ce qui est montré sur la photo de Puget Sound, dans l'État de Washington. Notre côte est différente. Elle ne pourrait supporter la présence de tubes tels que ceux des photos alarmantes que nous avons vues. Si vous voyiez des photos de sites d'aquaculture en Chine, ils sont immenses et horribles. Dans nombre de pays, les cultures se font à très grande échelle, mais pas en Colombie-Britannique. Ce n'est pas notre façon de faire. Par ailleurs, j'ignore si vous pensez comme moi, mais j'aime bien acheter des œufs chez un producteur local qui possède 10 poules. C'est charmant mais ce type de commerce n'est pas rentable, il ne permet pas de subvenir aux besoins de toute une famille.

Nous devons opter pour la mécanisation afin d'exploiter ces fermes de façon à procurer des conditions de vie décentes à ces gens et croyez-moi, ils n'empochent pas des profits énormes; c'est un travail difficile et laborieux et lorsqu'on tente de nous dire de ne pas utiliser la mécanisation, nous devons admettre que nous n'avons pas le dos assez fort et que nous ne vivons pas assez longtemps pour ne pas utiliser un type quelconque de mécanisation pour exploiter notre produit.

Je vous remercie de m'avoir laissée exposer des comparables et j'espère que nos données scientifiques vous seront utiles. Le MPO pourra certainement vous fournir les plans de nos tenures qui vous prouveront que nous ne sommes pas autorisés à nous installer près de la zostère marine. En Colombie-Britannique, nos terres publiques vont jusqu'à la laisse de haute mer.

Dans l'État de Washington, les bas-fonds intertidaux sont considérés comme propriété pure et simple, telle une propriété privée. Il en va de même ici. Nous ne sommes pas les États-Unis, ni la Chine et nous devons apprendre à tous travailler ensemble pour produire des aliments et nourrir la planète. Merci.

Le président : À titre de président, je dois parfois jouer le rôle d'arbitre. Permettez-moi de poser une question, car je suis un peu préoccupé par le fait que nous discutons de notre industrie mais qu'on nous présente des photos de ce qui a cours à l'étranger. Y a-t-il d'autres photos qui n'ont pas été prises au Canada?

Mme McKeachie : Non, seulement celles qui montrent les panopes et les tubes blancs en PVC, parce que l'on vient d'avoir le feu vert et que la culture intertidale s'effectuera selon la même méthode, ce qu'a confirmé le MPO.

Le président : Et la photo 3, elle est du Canada?

M. Hayden : Non.

Mme McKeachie : Non, celles qui montrent les tubes de panopes ont été prises à Washington. Il y en a deux, l'une d'elles montre les installations.

Le président : Y a-t-il d'autres photos qui ne sont pas du Canada?

Mme McKeachie : Non, aucune n'est hors province. Elles sont toutes des photos de la côte.

Le président : Si je peux me permettre une suggestion pour le futur, il serait bon d'informer les gens; par exemple, je suis de Terre-Neuve-et-Labrador et j'ai vu des photos de défenseurs des droits des animaux montrant des Terre- Neuviens et des Labradoriens tuant des blanchons l'an dernier, alors que ces pratiques ont cessé depuis 1987.

Mme McKeachie : Nous nous en excusons. Dans la présentation PowerPoint que nous avions prévue pour aujourd'hui, le crédit de ces photos est attribué à Washington. Nous avons préparé ce dossier à la hâte car nous n'avons eu que deux semaines de préavis.

Le président : Merci d'avoir clarifié ce point.

Mme McKeachie : Merci.

La sénatrice Raine : Si j'ai bien compris Roberta, vous ne serez pas autorisés à développer l'aquaculture à proximité des herbiers de zostères?

Mme Stevenson : C'est exact. C'est une pratique inacceptable contrôlée par le MPO. Lorsque vous présentez une demande de permis pour une concession, vous devez prouver au moyen de caméras souterraines qu'elle ne se trouvera pas près de colonies de zostères. Parfois, des fermes d'élevage existent depuis 30 ans, mes propres fermes familiales existent depuis tout ce temps, et la zostère finit par empiéter sur le site; toutefois, les nouvelles fermes sont aménagées avec beaucoup de soin afin de préserver la zostère.

Il y a de plus un contrôle sévère en ce qui a trait à la récolte des animaux, afin d'éviter qu'elle ne coïncide avec la pêche au hareng et nous nous y conformons; d'ailleurs les amendes fixées sont considérables. Bien sûr, nous valorisons également nos pêcheries de hareng, alors nous travaillons tous ensemble en ce sens.

La sénatrice Raine : Est-ce illégal de conduire sur les plages et dans la zone intertidale?

Mme Stevenson : La conduite sur la plage se fait à un endroit particulier, à Denman Island. C'est une pratique qui dure depuis de nombreuses années à cet endroit. Les responsables en gestion des habitats du MPO se sont penchés sur la situation. C'est le seul endroit où cela se fait.

La majeure partie de notre ligne côtière, l'ensemble des 47 000 kilomètres, n'est pas adaptée pour la conduite. Nos bras de mer sont éloignés, nos baies sont éloignées. Pour pouvoir conduire sur une plage, le substrat doit être très ferme. Ce n'est pas une pratique répandue; elle n'a cours que dans quelques petites zones de Denman Island. Je sais que cela préoccupe grandement le groupe ici présent et nous sommes à l'écoute de leurs préoccupations.

La sénatrice Raine : Je vois que cette pratique a lieu, car les photos montrent un camion sur une plage modifiée. Les directives actuelles l'autorisent-elles?

Mme Stevenson : Le MPO l'autorise pour le moment. Comme je l'ai mentionné, c'est une pratique des exploitants des sites d'élevage qui dure depuis 50 ans. Si le MPO décidait que c'est une pratique inappropriée, qu'elle représente une menace pour les habitats, il s'y opposerait. Mais pour l'instant, il continue de l'autoriser.

La sénatrice Raine : On pourrait peut-être appliquer une politique de droits acquis à la réglementation sur ce point.

Mme Stevenson : Bien je crois qu'il ne serait pas juste de discréditer les responsables des sciences de l'habitat du MPO. Ils déploient beaucoup d'efforts à étudier ces questions et s'ils jugeaient qu'il existe un danger et qu'ils nous disaient d'arrêter, nous le ferions. Mais jusqu'à maintenant, les plages sont très productives et elles le sont en partie parce que nous élevons ces mollusques et crustacés, lesquels frayent dans la colonne d'eau puis parcourent de grandes distances. Ils ne font pas que rester où ils vivent. Nous avons des documents qui étayent scientifiquement que nous avons créé des habitats et non détruit des habitats.

Le sénateur McInnis : Il est important d'étudier les coûts de production de même que l'impact environnemental et je crois que nous devrons tôt ou tard instaurer une réglementation de zonage. Avec le temps, nous pourrons déterminer quels sont les meilleurs emplacements. J'aimerais obtenir vos commentaires à ce sujet, car je crois que c'est la seule façon d'encadrer l'activité. Nous avons besoin de l'aquaculture, nous sommes tous d'accord sur ce point; il nous reste à convenir des endroits les plus appropriés. On ne peut développer une grande industrie dans le Canada atlantique à notre époque, en particulier en Colombie-Britannique, sans établir un type de zonage, un processus d'approbation quelconque d'établissement d'une exploitation. Ceci résoudrait une grande part des difficultés abordées aujourd'hui.

Le président : Je vous laisse émettre quelques réponses rapides si vous le désirez. Nous dépassons le temps prévu maintenant et nous devons nous réunir à nouveau à 13 h 30.

Mme Stevenson : Je répondrai que je suis tout à fait d'accord. Nous devons tous apprendre à vivre ensemble, à travailler ensemble, à produire des aliments ensemble, afin d'assurer que les gens ont de quoi se nourrir le soir et un emploi le jour. Ceci contribue à la qualité de vie des collectivités et je crois qu'il est possible d'y parvenir. Je vous remercie pour cette observation.

Le président : Madame Sanford?

Mme Sanford : Je suis d'accord que nous avons besoin d'arriver à une solution. La zone intertidale constitue une ressource très fragile et très précieuse appartenant à la Colombie-Britannique; c'est une frayère importante qui se trouve à la base de notre chaîne alimentaire, il est essentiel de garder ce fait à l'esprit.

La conduite sur les plages suscite la réflexion. Je suis née à Vancouver, j'ai vécu près des plages, dans cette région, toute ma vie. La conduite sur les plages est toujours très mal vue, donc il est intéressant de considérer cette pratique sur un autre plan.

Ma préoccupation vient de mon attachement profond à la zostère marine au fil des ans et de sa fragilité ou de sa vulnérabilité à l'égard des sédiments. La zostère constitue un puits de carbone; de plus, les sédiments transportés par les courants s'y établissent. Alors de grandes quantités découlant d'une industrialisation à grande échelle pourraient tuer les herbiers de zostère, voilà ce qui me préoccupe. Merci.

Le président : Merci à vous tous. Cette discussion était très intéressante. Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous sommes ici pour entendre les opinions de toutes les parties et ces discussions se poursuivront ici et partout au Canada. Nous allons maintenant prendre une pause pour le repas et nous nous réunirons à nouveau vers 13 h 30.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à Toby Gorman qui est ici dans l'assistance, et qui est adjoint exécutif du député James Lunney, qui est également parmi nous aujourd'hui.

Merci beaucoup pour ce débat passionné. Ce sera un plaisir de poursuivre cette discussion.

(La séance est levée.)


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