Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 4 - Témoignages - Séance du soir
NANAIMO, le mercredi 26 mars 2014
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 19 h 3, pour procéder à une étude sur la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir. Je déclare la séance ouverte. J'aimerais encore une fois souhaiter la bienvenue à tout le monde. Je m'appelle Fabian Manning. Je suis sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador. C'est un privilège pour moi de présider le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Je suis ravi de passer quelques jours ici, en Colombie- Britannique, pendant que nous poursuivons notre étude sur l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada. Nous sommes heureux que vous ayez pris le temps de vous joindre à nous ce soir. Avant de laisser parler les témoins, j'aimerais demander aux sénateurs de se présenter, pour commencer. Allez-y, s''il vous plaît.
Le sénateur McInnis : Sénateur Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Hubley : Sénatrice Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Sénatrice Lovelace, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
Le président : Je suis certain que la plupart d'entre vous connaissez très bien Nancy Greene Raine. Nous sommes enchantés qu'elle se soit jointe à nous. Je vais maintenant laisser la parole aux témoins, mais je vais d'abord vous prier de vous présenter, après quoi je crois que vous aimeriez faire une déclaration liminaire; ensuite, je laisserai aux sénateurs la possibilité de poser des questions, s'ils veulent en poser. J'aimerais donc que vous vous présentiez, pour commencer, aux fins du compte rendu, puis quelqu'un pourra continuer et faire sa déclaration liminaire.
Linda Hiemstra, gestionnaire de projets, Sable Fish Canada Ltd. (Kyuquot Sound) : Linda Hiemstra, Sable Fish Canada.
Chef Richard Harry, président, Aboriginal Aquaculture Association : Chef Richard Harry, Aboriginal Aquaculture Association.
Jordan Point, directeur exécutif, First Nations Fisheries Council of British Columbia : Jordan Point, directeur général du First Nations Fisheries Council de la Colombie-Britannique.
Chef Bob Chamberlin, vice-président (Première Nation de Kwicksutaineuk Ah-kwa-mish), Union of British Columbia Indian Chiefs : Chef Bob Chamberlin, vice-président de l'Union of B.C. Indian Chiefs.
Le président : Qui voudrait commencer? Vous pouvez y aller, madame Hiemstra.
Mme Hiemstra : Merci beaucoup de m'avoir invitée à prendre la parole. J'apprécie vraiment l'occasion qui m'est donnée. Je travaille dans l'industrie de l'aquaculture depuis plus de 20 ans, en Colombie-Britannique, dans le domaine des sciences et des recherches et à l'Université de Nanaimo, ici, et je travaille pour Sable Fish Canada depuis quatre ans. Ce soir, j'aimerais vous entretenir des débouchés qui se présentent à Sable Fish, dans le domaine de l'aquaculture.
Sable Fish Canada appartient à 100 p. 100 à des intérêts de la Colombie-Britannique; c'est une petite entreprise qui compte 38 employés. Nous avons une écloserie, à Salt Spring Island, et deux fermes piscicoles dans un coin très reculé et magnifique, Kyuquot Sound, sur la côte Ouest de l'île de Vancouver.
L'habitat naturel de la morue charbonnière, ou morue noire, comme on dit ici — j'ai entendu d'autres témoins parler aujourd'hui de morue noire —, se trouve dans l'océan Pacifique, de l'Alaska jusqu'en Californie. Nous pêchions la morue noire sauvage, ici, depuis le début des années 1900, mais, ces dernières années, la population sauvage s'est réduite, et la pêche commerciale accuse une baisse. Cela a créé un très grand débouché, pour le marché, puisque la demande est beaucoup plus élevée que l'offre.
Sable Fish Canada exporte tous ses produits, et nous avons créé un nouveau créneau dans le marché de la morue noire fraîche, qui est destinée aux restaurants de sushis haut de gamme et aux restaurants cinq étoiles d'Asie et d'Amérique du Nord.
La morue noire est un poisson unique de la Colombie-Britannique. À l'heure actuelle, la morue noire n'est exploitée nulle part ailleurs dans le monde, et cela représente une très bonne occasion pour le Canada.
Sable Fish Canada, l'entreprise, a investi 21 millions de dollars sur huit ans dans la recherche afin de mettre au point les techniques qui assureront la réussite de l'industrie piscicole de la morue noire; nous sommes à l'heure actuelle la seule entreprise qui élève la morue noire, de l'œuf jusqu'au marché.
L'industrie aquicole de la Colombie-Britannique, comme vous l'avez entendu dire plus tôt aujourd'hui, est dominée par le saumon, avec trois grandes entreprises internationales d'élevage du saumon. L'avenir de l'industrie, étant donné la mauvaise situation actuelle de l'élevage du saumon, l'avenir de l'industrie de la Colombie-Britannique tiendra aux nouvelles espèces, et la morue noire en est une.
La morue noire se prête bien à l'aquaculture. C'est un poisson indigène. La morue croît rapidement, et elle se plaît dans un environnement aquicole. Étant donné que c'est un poisson indigène, la morue a développé des mécanismes qui lui permettent de combattre bon nombre des problèmes naturels qui nuisent à l'aquaculture en Colombie-Britannique. Elle n'est pas affectée par le pou du poisson; elle résiste aux maladies locales; elle n'est pas affectée par la fluctuation de la température de l'eau ou du niveau d'oxygène. Elle possède un mécanisme qui lui permet d'éviter le phytoplancton toxique, une des causes principales de mortalité du saumon de l'Atlantique et, bien sûr, la possibilité que les poissons s'échappent des viviers flottants ne pose aucun problème, étant donné que le poisson à l'intérieur du vivier est exactement le même que celui qui évolue naturellement dans les eaux environnantes.
Sable Fish Canada a établi un partenariat avec la Première Nation Kyuquot Checleseht pour l'exploitation de nos fermes piscicoles de Kyuquot Sound. Kyuquot Checleseht est l'une des six nations qui sont parties au traité Maa-nulth, et Kyuquot Sound se trouve sur son territoire traditionnel. La bande est également installée dans le petit village de Kyuquot, qui se trouve à la limite extrême de la baie. L'emploi et les débouchés économiques, pour la bande de cette région, étaient autrefois fondés sur la pêche et l'exploitation des forêts; ils sont aujourd'hui extrêmement limités.
Les priorités de la nation Kyuquot Checleseht, dans les médias, consistent à améliorer la situation financière et à garder les jeunes dans le village de Kyuquot, où le réseau social pourra les soutenir. Les responsables nous ont dit que, pour s'attaquer à ces priorités, les premières mesures d'ordre général sont liées au développement de l'économie locale, qui devrait assurer un revenu et améliorer la qualité de la vie des villageois et les possibilités d'emploi à long terme, surtout pour les jeunes.
Le partenariat entre la nation Kyuquot Checleseht et Sable Fish Canada est donc fondé sur ces principes; il nous a fallu négocier pendant un certain nombre d'années et élaborer notre entente, mais nous avons maintenant une entente avec cette nation, et elle procure déjà un certain nombre d'avantages aux membres de la bande. Bien sûr, à nous aussi, puisque nous voulions établir notre ferme piscicole à cet endroit.
Le premier avantage, c'est la source de revenus. La bande de Kyuquot Checleseht reçoit une compensation financière pour chaque poisson élevé dans la baie. Le deuxième avantage, c'est que nous soutenons l'exploitation des ressources naturelles de la baie. Par exemple, la bande pêchait autrefois des palourdes, à cet endroit, mais a récemment abandonné cette culture. C'est l'un des aspects pour lesquels nous avons accepté de l'aider.
En ce qui concerne l'emploi local, actuellement, huit membres de la bande ont un emploi à temps plein dans nos fermes. C'est plus de la moitié de l'effectif de deux de nos fermes. Il s'agit actuellement d'emplois de techniciens, mais nous nous attendons à ce qu'un certain nombre des membres de la bande soient prêts à suivre une formation et à occuper un poste de gestion, et c'est un des objectifs de la bande, avoir la pleine propriété d'un certain nombre de fermes de la région, et il faut que les membres de la collectivité suivent une formation pour devenir gestionnaires.
Il y a un programme très détaillé d'acquisition de compétences dans la collectivité. Il prévoit la diffusion d'information sur la formation et l'éducation, et cela va même jusqu'à l'extérieur de la région, l'organisation d'événements sociaux et d'événements axés sur l'information, et il y a même une politique d'ouverture, dans nos deux fermes, selon laquelle les membres sont les bienvenus en tout temps. Nous fournissons de l'information sur l'élevage et nos pratiques d'élevage à la collectivité et au conseil, dès qu'ils le demandent.
La bande de Kyuquot Checleseht ne voulait pas conclure une entente à court terme avec nous, et c'est parce que nous ne sommes pas la première entreprise avec laquelle elle a établi un partenariat, dans la baie. Son expérience n'était pas vraiment positive, alors elle voulait que l'arrangement lui apporte une certaine sécurité. C'est pourquoi les membres auront une participation dans l'entreprise, et nous les aiderons à obtenir une concession et les permis requis de façon qu'ils puissent être propriétaires de leurs propres sites d'élevage. Il y a trois endroits possibles, dans la baie, et nous leur donnons de l'aide afin qu'ils puissent mettre la main dessus.
Les Premières Nations sont donc nombreuses à voir le potentiel de l'aquaculture, et en particulier de l'élevage de la morue noire, puisque c'est un poisson local et puisqu'elle est très rentable, sur le marché; il y a donc possibilité de faire un profit.
Malgré l'intérêt manifesté, ce ne sont pas toutes les Premières Nations qui voudraient avoir pu transformer ces débouchés en avantages concrets.
J'aimerais profiter de l'occasion pour mettre en relief certains obstacles que la réglementation dresse, à ce chapitre. Premièrement, notre organisme de réglementation, Pêches et Océans Canada, ne soutient pas le développement de l'aquaculture. Les décisions sont prises à l'interne, au sein du ministère, et elles se répercutent sur la viabilité de l'industrie aquicole; de plus, les décisions sont prises sans que les représentants de l'industrie aient été consultés. Il n'y a à l'heure actuelle aucun mécanisme officiel de rétroaction qui ferait en sorte que les représentants de l'industrie aquicole puissent fournir de l'information et soient consultés pendant le processus décisionnel. Par exemple, du côté du poisson sauvage et de la pêche industrielle, les décisions de gestion quant au nombre de poissons qui seront pêchés sont prises en consultation avec les intervenants de l'industrie de la pêche commerciale. Leur rentabilité et leur responsabilité font l'objet d'une consultation, et les décisions sont prises en fonction de ces consultations. Ce n'est pas comme cela que ça se passe du côté de l'aquaculture.
Le deuxième point que j'aimerais soulever, c'est le fait que le processus d'obtention du permis d'aquaculture est prohibitif. Il y a des fermes que les Premières Nations pourraient prendre en charge aujourd'hui même, dont elles pourraient devenir propriétaire et éleveur, si elles le désiraient, et le processus d'obtention d'un permis pour les fermes aquicoles existantes est incroyablement détaillé, il prend au moins huit mois. Cela s'applique aux fermes aquicoles existantes. Pour une nouvelle ferme, le processus est beaucoup plus long.
Les types de permis que l'on peut obtenir ne sont pas un bon reflet de l'industrie. Par exemple, il n'existe pas de permis pour les nouvelles espèces ou les espèces naissantes. Les conditions qui touchent les permis d'exploitation des poissons marins sont les mêmes. Nous, à Sable Fish Canada, n'élevons que de la morue noire, et pourtant les conditions de notre permis sont identiques aux conditions qui touchent l'élevage du saumon de l'Atlantique. Certaines de ces conditions ne s'appliquent même pas à notre entreprise.
Il y a ensuite les exigences de la réglementation, qui prescrit de nombreux rapports mensuels, trimestriels, annuels et bisannuels et, encore une fois, ces exigences reflètent l'élevage du saumon de l'Atlantique.
En résumé, je crois que l'aquaculture et les débouchés du secteur aquicole conviennent très bien à de nombreuses Premières Nations et que les Premières Nations intéressées ont souvent les ressources aquicoles et des compétences transférables acquises dans d'autres secteurs, en particulier l'industrie de la pêche. Elles ont le désir d'améliorer leur situation économique et sociale, mais, pour obtenir des avantages à long terme, les Premières Nations doivent être les propriétaires et les gestionnaires de leur propre entreprise aquicole, non pas un simple partenaire d'une grande entreprise. Cela leur est difficile, en raison du processus compliqué d'obtention des permis nécessaires.
De plus, l'expansion future de l'aquaculture, en Colombie-Britannique reposera sur les nouvelles espèces. Mais le développement des nouvelles espèces est freiné par les processus réglementaires, qui ne favorisent pas l'expansion. Il n'y a pas de permis spécifique, l'accès aux stocks de géniteurs est limité, au mieux, et tous les intervenants de l'industrie piscicole doivent se conformer à une réglementation qui a été élaborée pour l'élevage du saumon de l'Atlantique.
Je crois sincèrement qu'une industrie aquicole viable et durable procurera des débouchés aux Premières Nations. La culture de nouvelles espèces représente une véritable occasion, mais, pour pouvoir en profiter, nous devons faciliter l'obtention de permis d'aquaculture et organiser des consultations constantes et significatives avec les intervenants, c'est-à-dire les représentants actuels de l'industrie, les Premières Nations et toute personne intéressée à se lancer dans cette industrie. Nous devons mettre en place une politique en matière d'aquaculture qui soutiendra l'expansion des activités, en particulier en ce qui concerne les nouvelles espèces. Je vous remercie.
Le président : Merci, madame Hiemstra.
Monsieur Harry, allez-y.
M. Harry : Merci. Je suis le chef Richard Harry. Je suis le chef de la Première Nation de Homalco, et je suis le président de l'Aboriginal Aquaculture Association. J'aimerais tout simplement vous donner quelques renseignements de fond sur la façon dont l'association a été fondée. Nous avons formé cette association il y a 10 ans. Les membres fondateurs étaient tous des pêcheurs commerciaux, et je travaille encore dans ce domaine aujourd'hui. J'ai une participation dans un bateau de pêche, j'ai un permis de pêche du saumon à la seine et un permis de pêche du hareng au filet maillant et, en haute saison, nous avons un équipage de cinq ou six personnes. Nous sommes passés par les hauts et les bas de l'industrie de la pêche, et, au cours des 15 ou 20 dernières années, nous avons constaté que cette industrie était en déclin, l'industrie de la pêche aux poissons sauvages, tout comme l'industrie forestière a décliné.
Ce qui s'est passé, au pays des Premières Nations, en réalité, c'est que la pêche était probablement, à une certaine époque, notre principal employeur. Mais il y a eu un déclin, et les gens ont été forcés d'abandonner ce travail, ce qui a affecté les collectivités de la côte. Donc, une poignée de chefs des collectivités de la côte se sont réunis, un moment donné, et, comme ils étaient également tous des pêcheurs, ils ont cherché à déterminer ce qu'ils pouvaient faire pour soutenir les gens et également les collectivités, et nous nous sommes tournés vers l'aquaculture pour cette raison. Nous nous sommes demandé comment nous créer des débouchés, et c'est ainsi qu'on a créé l'aquaculture autochtone, à l'époque. L'objectif, bien sûr, est de prendre la défense de l'aquaculture, mais également des Premières Nations et aussi de créer des possibilités de développement économique, et j'ai vu la transition : les capitaines de bateau de pêche des poissons sauvages et les membres de leur équipage ont trouvé des emplois dans le secteur aquicole. C'est difficile pour une personne d'âge mûr. Aujourd'hui, l'âge moyen des membres de l'équipage est de 60 ans et plus. Vous parlez d'une industrie en déclin, les débouchés ont disparu, et, il y a 10 ans, bon nombre de ces personnes étaient d'âge moyen. J'ai deux fils; ils ont quitté l'industrie. Ils ont dû se lancer dans une nouvelle carrière, et c'est une décision que toutes les familles ont dû prendre.
Dans nos collectivités, l'exode des jeunes est une réalité. Mais nous, les chefs, devons quand même trouver les moyens concrets et financiers de générer des emplois et de rétablir les possibilités d'emploi. De plus, nos jeunes doivent voir les gouvernements des Premières Nations assumer un rôle de leader dans la gestion des ressources et intervenir dans le secteur des ressources, l'aquaculture étant une de ces ressources. Il y a aussi la forêt, il y a aussi le tourisme, mais il faut de la durabilité. C'est ce que nous voyons dans le secteur de l'aquaculture, dans le cas des Premières Nations qui ont décidé de jouer un rôle dans ce secteur.
L'expansion de l'aquaculture, à mon avis, sur notre côte, qu'il s'agisse de poissons, de crustacés ou de poissons d'eau douce, doit vraiment être dirigée par les Premières Nations, sur leurs territoires respectifs. Tout cela est lié à l'obligation de consulter, et c'est vraiment cela, la situation. Peu importe quelle ressource on cherche à exploiter, qu'il s'agisse des forêts, de l'énergie, des mines ou de l'aquaculture, l'obligation de consulter les Premières Nations est essentielle et importante. Le promoteur doit obtenir cet appui. C'est une exigence de l'organisme de réglementation de même que de la province et du ministère des Pêches et Océans.
Il y a une chose que l'association défend et qu'elle respecte; je parle de l'autonomie de chacune des Premières Nations. Il est trop facile pour le gouvernement de créer des organismes chargés du processus de recommandation et des approbations, mais l'obligation de consulter concerne chacune des Premières Nations, et il est tout à fait essentiel que ce processus ait lieu. Et c'est quelque chose que nous faisons. Nous le faisons aujourd'hui.
J'aimerais vous entretenir de quelques-unes des réussites de nos collectivités côtières. La Première Nation Kitasoo, dans la région centrale du littoral, est très rurale. Elle a dû être une des premières qui ont été frappées par le déclin de la pêche sauvage, il y a une quarantaine ou une cinquantaine d'années, et elle ne pouvait pas vraiment se rabattre sur les conserveries, les ressources s'épuisaient, et la solution, qui assurerait une hausse du bien-être de la collectivité, c'était l'aquaculture. La Première Nation a établi un partenariat avec Marine Harvest; je crois que cette entreprise a six fermes, là-bas. La bande a ainsi créé de l'emploi, pour la collectivité, car il n'y avait pas d'autres possibilités d'emploi dans cette région, qui est très éloignée, et elle a pu faire cela. La bande possède sa propre usine de transformation, à titre de complément au partenariat. Elle possède un navire, pour transporter son produit, la ressource, des fermes d'élevage jusqu'à son usine de transformation, et je crois qu'elle a atteint son objectif, à savoir qu'il y ait dans chaque ménage, dans chaque famille, quelqu'un qui touche un revenu. Le taux de chômage était d'environ 80 ou 90 p. 100, et elle l'a réduit de moitié depuis la vingtaine ou la trentaine d'années que le partenariat est en place. C'est un bon exemple de ce que l'aquaculture peut donner, lorsqu'une nation décide de s'y intéresser.
L'autre réussite, dont je tire personnellement une grande fierté, c'est l'entreprise de fruits de mer Pentlatch, de la Première Nation K'omoks. Ils ont pris en charge l'exploitation aquicole qui en était à ses débuts, et ont fini par mettre en place une entité qui emploie de 20 à 30 personnes. Ils offrent la concession, ils possèdent les permis nécessaires et, au cours des 10 dernières années, probablement, ils ont aussi fait l'acquisition de leur propre usine de transformation. Mais ils ont dû pour cela relever des défis. Ils sont par exemple en train de mettre le point final à leur traité, et sont aussi aux prises avec la politique touchant la panope du Pacifique. Il semble que Pêches et Océans a adopté une politique qui interdit l'élevage de la panope du Pacifique, alors, comment pouvons-nous surmonter cela? Les Premières Nations ont des aspirations et veulent créer une industrie de la panope du Pacifique. Il ne s'agit pas seulement de la panope sauvage, mais la politique en question l'interdit.
Nous avons passé toute la journée d'aujourd'hui aux côtés d'autres Premières Nations pour tenter de faire échec à un nouveau cadre, lié à cette politique et ce que le MPO a annoncé, il y a deux ou trois semaines. Ce n'est pas un document très complet. La lutte va être féroce, et il est vraiment important que votre comité comprenne la signification de ce document cadre. Je suis désolé de le dire aussi carrément, mais vous devez avouer qu'il s'agit de protectionnisme de la pire espèce pour la poignée de gens qui s'occupent ici de la pêche aux poissons sauvages.
La façon de régler le problème pourrait passer par le processus de traité, mais, à l'heure actuelle, les pêcheurs ne sont pas convoqués à cette table. Les Premières Nations sont assises à la table où se négocie le traité, mais la question des pêches n'est pas abordée. Nous devons faire en sorte qu'elle le soit, de façon à pouvoir assurer la participation des Premières Nations pour qu'elles assurent le développement de l'aquaculture, et le moyen de faire cela est de leur transférer des permis et des quotas, pour qu'elles aient des actifs et des parts, quelque chose de concret.
L'un des défis auxquels font face les Premières Nations du littoral, c'est le manque d'accès au capital. Il n'est pas possible de financer les initiatives que nous lançons dans le secteur de l'aquaculture.
Le secteur de l'élevage est ainsi fait qu'il faut, après avoir semé, attendre que le produit croisse et puisse être offert sur le marché. Il faut deux ou trois ans pour produire une ressource et la mettre sur le marché. Pendant ce temps, vous devez vous en tenir à votre plan d'activités, vous devez respecter vos engagements financiers, mais vous n'avez aucun revenu vous permettant d'éponger votre dette. Nous devons trouver un moyen de régler ce problème, et je crois que nous pourrions y arriver, mais il faut que le gouvernement consente à faire les investissements nécessaires. Une façon de le faire serait de constituer un fonds en capital destiné à régler quelques-unes des préoccupations des collectivités vivant sur le littoral.
Une autre Première Nation... Je me suis un peu écarté de mon sujet, je m'en excuse... L'autre histoire de réussite dont je veux vous parler est celle de la Première Nation Quatsino, qui exploite une ferme aquicole. Elle est située à la pointe nord de l'île de Vancouver et elle a permis à la collectivité de ramener à près de zéro le nombre d'assistés sociaux en créant des emplois pour eux. Ce sont là des histoires positives. Des emplois sont créés, la collectivité acquiert dans son ensemble davantage de compétences, la qualité de vie s'est améliorée.
L'autre Première Nation vit sur la côte Ouest de l'île; il s'agit de la Première Nation Ahousaht. Elle a conclu un partenariat avec CIRMAC, du secteur du poisson, et je crois qu'elle exploite aujourd'hui 12 fermes. Les membres de la bande ont travaillé très dur pour améliorer le partenariat. Je crois qu'ils ont aussi des parts dans l'entreprise. En haute saison, il y a probablement une centaine de personnes qui travaillent grâce à ce partenariat, dans les fermes de même que dans les usines de transformation.
Certains membres exploitent des bateaux taxis, pour soutenir l'industrie. Cet arrangement, que la bande a négocié pour elle-même, entraîne donc quelques retombées. Tout cela est très bien. Je crois que la bande envisage de se doter d'un navire qui pourrait transporter les produits des fermes d'élevage à l'usine de transformation de Tofino.
Le président : Excusez-moi, chef, je vous ai laissé tout le temps que j'ai pu, mais nous devons pouvoir poser quelques questions. J'aimerais que vous puissiez conclure.
M. Harry : J'en suis rendu à la moitié, mais je vais conclure en disant qu'il est nécessaire que l'expansion de l'aquaculture soit indissociable des Premières Nations. Il faudra manifester une certaine volonté politique, et nous allons devoir collaborer avec le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial pour que les Premières Nations soient incluses. J'ai un bon exemple à donner, pour finir. Celui du document cadre sur la panope du Pacifique, que le MPO vient de publier, document qui tient compte de tous les ordres de gouvernement, même le gouvernement local, mais pas du gouvernement des Premières Nations. C'est éloquent. Je vais finir ma déclaration sur ces mots. Merci.
Le président : Merci, chef, vous aurez amplement le temps de faire des commentaires supplémentaires en répondant plus tard aux questions des sénateurs, si vous voulez parler de sujets que vous n'avez pas eu encore la possibilité d'aborder.
Monsieur Point?
M. Point : Merci, monsieur le président. S'il vous plaît, comme le Règlement me le permet, je vais me plier au protocole culturel et je le fais pour vous rendre la pareille.
[M. Point s'exprime dans une langue autochtone.]
Je vais vous le traduire. Je vous salue en tant que personne d'un rang élevé. Je vous souhaite d'avoir de la force, car la journée a été longue pour vous. Je mentionne également que nous nous trouvons sur le territoire de la Première Nation Nanaimo et que c'est ici que nous allons travailler aujourd'hui. Je vous annonce également que je me présente devant vous avec en tête de bonnes pensées et, dans mon cœur, de bons sentiments à l'égard du travail que vous faites. Voilà notre protocole culturel. Autrefois, si vous ne suiviez pas ce protocole, les gens pouvaient penser que vous veniez sur leur territoire dans un mauvais dessein, et c'est pourquoi nous tenons à exprimer que nous sommes ici animés de bonnes intentions.
Le président : Merci.
M. Point : Je me présente de nouveau, je m'appelle Jordan Point et je suis directeur général du First Nations Fisheries Council de la Colombie-Britannique. J'aimerais vous remercier de nous permettre de vous présenter un exposé sur cette question très intéressante et complexe de l'aquaculture en Colombie-Britannique. Je vais lire mon texte. Je serai bref, mais je veux que cela figure au compte rendu, et je vous ai laissé notre plan stratégique et certaines annexes auxquels je vais faire référence pendant ma lecture.
Le First Nations Fisheries Council, aussi appelé le FNFC, est un organisme cadre provincial, dont le mandat consiste à cerner et défendre les intérêts des Premières Nations de la Colombie-Britannique en ce qui a trait à leur titre fondamental et inhérent d'Autochtones et les droits sur la pêche, et, par extension, les terres et les ressources liées au poisson, aux pêches et à l'habitat des poissons. Le Conseil a été formé par résolution des chefs réunis en assemblée, et, selon ses statuts constitutifs, son nom est First Nations Fisheries Society.
Il y a en Colombie-Britannique 207 Premières Nations, chacune dotée de sa structure de gouvernance particulière : gouvernance héréditaire, gouvernance prévoyant la tenue d'élections selon la tradition, la coutume ou aux termes de la Loi sur les Indiens. Sur la question des pêches, ces 207 nations forment des organismes de dimensions variables; il peut s'agir d'organismes locaux, de bandes indépendantes ou de conseils tribaux, de comités ou de commissions responsables d'un bassin hydrographique. Le cadre de collaboration entre les Premières Nations évolue toujours et se modifie à mesure que les Premières Nations continuent à acquérir davantage de capacités et d'expertise touchant les différents types de pêches et les différentes activités liées aux multiples espèces.
Le First Nations Fisheries Council a élaboré un plan stratégique, que nous vous avons distribué, et ce plan stratégique, étant donné l'environnement complexe de la Colombie-Britannique, propose un processus cadre selon lequel les Premières Nations pourront s'organiser, selon la région géographique et selon les processus et structures de consultation, afin de pouvoir instituer un dialogue approprié, avec les intervenants concernés, de manière également à distinguer les questions opérationnelles des questions politiques et stratégiques.
Au sujet de l'aquaculture, les Premières Nations de la Colombie-Britannique ont des opinions et des perspectives très diversifiées, en fonction de la question, de l'espèce et des intérêts d'une nation donnée.
Le FNFC aimerait présenter à votre comité un aperçu concis de cette question complexe. Mais avant de répondre directement aux questions sur lesquelles s'appuie votre étude, j'aimerais commenter l'approche stratégique générale adoptée par le MPO en ce qui a trait à l'aquaculture.
La question du promoteur et de l'organisme de réglementation des deux programmes : le programme national du MPO consiste à promouvoir l'aquaculture, comme une occasion de développer une industrie naissante, mais, dans les consultations touchant les objectifs stratégiques de l'Initiative nationale pour des plans d'action stratégiques en aquaculture et l'Initiative d'aquaculture autochtone au Canada, le ministère s'est surtout attaché aux questions du développement des entreprises, de la mise en marché et de la production des piscicultures. Pendant ce temps, les programmes des régions s'attachent à la gestion des activités et à la réglementation de l'aquaculture, et aucun de ces processus ne suppose une consultation directe des Premières Nations au sujet du programme de l'aquaculture, et on n'a pas non plus déterminé de financement adéquat pour la participation des Premières Nations; on se contente de demander une rétroaction sur des éléments spécifiques et des plans que le MPO considère comme des priorités.
Ce rôle conflictuel constitue un problème, comme l'a cerné la Commission Cohen, puisqu'il ne donne pas aux Premières Nations la possibilité de toujours pouvoir formuler des commentaires cohérents sur l'une ou l'autre des orientations stratégiques. La protection des populations de saumons sauvages et de leur habitat revêt une importance particulière et primordiale pour les Premières Nations. Lorsqu'il s'occupe d'aquaculture, le gouvernement n'adopte pas une approche globale visant à conjuguer les deux programmes liés à l'aquaculture dans le programme du MPO.
Revenons au sujet de votre étude, la réglementation de l'aquaculture. Les Premières Nations de la Colombie- Britannique accumulent depuis longtemps des décisions juridiques qui soutiennent et mettent de l'avant des principes de l'« honneur de la Couronne » dans tous les dossiers législatifs ou stratégiques qui empiètent ou pourraient empiéter sur les droits des Autochtones. La décision Morton, en 2009, et le transfert subséquent de la compétence en matière d'aquaculture au gouvernement fédéral auraient dû engager l'honneur de la Couronne et entraîner une consultation des Premières Nations au sujet de la réglementation de l'aquaculture dans la région du Pacifique. Quand on a présenté le projet de réglementation, l'enquête Cohen était déjà bien avancée, en Colombie-Britannique, et on supposait que, étant donné les préoccupations relatives aux retombées sur l'aquaculture qui avaient été cernées pendant l'enquête, on allait adopter une approche prudente pour l'élaboration du projet de réglementation, et on croyait aussi que des consultations supplémentaires seraient nécessaires. En réalité, le règlement a été adopté, et les Premières Nations considèrent que le dossier n'est pas clos. On leur a dit que les affaires allaient être réglées grâce à la structure et au processus mis de l'avant par le Comité consultatif sur la gestion de l'aquaculture, le CCGA, de la Colombie- Britannique.
Le Règlement du Pacifique sur l'aquaculture s'appuie sur des travaux très vagues et met résolument l'accent sur l'élaboration de plans de gestion intégrée de l'aquaculture. Il s'agirait là d'un mécanisme d'orientation sur la façon de gérer les activités aquicoles dans la région du Pacifique. Les processus d'élaboration de ces plans de gestion intégrée devraient relever du Comité consultatif de gestion de l'aquaculture, un comité régional.
En mai 2012, des représentants des Premières Nations ont rencontré des représentants régionaux et nationaux du MPO afin de leur faire part de nos préoccupations quant à notre capacité de nous organiser de manière efficace afin de participer à ce nouveau processus provincial. Nous avons indiqué quelles ressources allaient être nécessaires pour permettre aux Premières Nations de s'asseoir à la table avec le CCGA, participer à ce processus, et faire part des préoccupations très diversifiées des Premières Nations. On continue à faire valoir que le manque de liens clairs avec des données scientifiques transparentes constitue un enjeu critique, mais cela ne se reflète pas dans l'approche régionale.
Le First Nations Fisheries Council a organisé des forums régionaux un peu partout dans la province et cerné 10 des thèmes le plus souvent exprimés par les Premières Nations. Une liste de ces 10 thèmes est fournie dans les pièces jointes. On peut résumer ainsi nos préoccupations : la reconnaissance par les fiduciaires de nos titres et de nos droits; une participation, des consultations et des arrangements valables; des structures et des mécanismes de gestion adaptés à la région; le développement des capacités; une plus grande participation des Premières Nations au chapitre de la prise de décisions et du contrôle; la transparence et la diffusion de l'information; des données scientifiques inclusives et l'intégration du savoir traditionnel autochtone et des connaissances écologiques traditionnelles; l'équilibre entre les débouchés économiques et les retombées sur l'environnement; la protection et la restauration des populations de poissons et de leur habitat.
En conclusion, les Premières Nations de la Colombie-Britannique viennent de commencer à prendre les lacunes en charge, et elles ont élaboré une déclaration conjointe touchant la gouvernance de l'aquaculture. C'est la deuxième annexe des pièces jointes. Elles ont élaboré cette déclaration sur la gouvernance de l'aquaculture en fonction des préoccupations que je viens d'énumérer. Cette déclaration indique que, de manière générale, les perspectives touchant la participation de Premières Nations dans l'aquaculture sont très diversifiées et qu'il faudra s'assurer que, compte tenu de la grande biodiversité de nombreux écosystèmes, la protection du saumon sauvage restera une priorité, en Colombie-Britannique; il faudra également avoir prouvé que les méthodes et les données scientifiques utilisées pour le développement du secteur aquicole ne sont pas dommageables, avant d'envisager une expansion quelconque. C'était une recommandation de la Commission Cohen.
Les Premières Nations continuent à explorer les possibilités d'expansion de l'aquaculture en Colombie-Britannique, et elles s'intéressent aux poissons marins, aux fruits de mer et aux nouveaux concepts d'aquaculture d'eau douce, en fonction de leurs intérêts respectifs. Mais les Premières Nations de la Colombie-Britannique disent également d'une même voix que les piscicultures à enclos ouverts, et le potentiel de transmission de maladies et de contamination des poissons sauvages qui y est attaché constituent un problème critique.
On reconnaît que les effets cumulatifs jouent un rôle dans les répercussions sur la population de saumons sauvages, mais, quoi qu'il en soit, l'avenir de la gouvernance de l'aquaculture en Colombie-Britannique devrait tenir largement compte des perspectives des Premières Nations quant à la voie à prendre. Pêches et Océans devrait participer à la conception d'un mécanisme de gouvernance inclusif pour s'assurer que l'expansion de l'aquaculture utilise une approche prudente et transparente au chapitre de la prise de décisions.
Étant donné que le MPO a décidé que les activités allaient reprendre et que l'aquaculture pourra prendre de l'expansion, en Colombie-Britannique, depuis la Commission Cohen, et étant donné qu'il a indiqué qu'il allait accorder des permis pour plusieurs années, il semble que l'orientation commerciale prend le pas sur des approches scientifiques objectives et prudentes. Si on continue dans cette voie, je prévois des conflits éventuels entre les diverses parties. Merci.
Le président : Merci, monsieur Point.
Chef Chamberlin.
M. Chamberlin :
[M. Chamberlin s'exprime dans une langue autochtone.]
Mon nom traditionnel est Owaide, et je suis conseiller en chef élu de la Première Nation de Kwicksutaineuk Ah- kwa-mish. Je m'exprime ici, évidemment, au nom de l'Union of British Columbia Indian Chiefs.
Je vais suivre l'exemple de Jordan et souligner que nous nous trouvons sur le territoire des Premières Nations. Je les remercie de nous avoir permis de venir. Je vous ai appelés « ninoc solac », ce qui, dans notre langue signifie « ceux qui savent ». J'ai demandé que vous prêtiez l'oreille aux mots que je prononce et qui viennent du fond du cœur de ma nation. J'ai demandé que vous prêtiez oreille à ces mots en pensant à une chose qui représente beaucoup pour la spiritualité de notre nation; je parle du saumon sauvage. Notre culture et nos traditions sont en grande partie fondées sur le festin, et nous devons pouvoir compter sur les ressources de nos territoires si nous voulons soutenir et perpétuer notre culture, qui nous vient des temps immémoriaux.
Nous voyons clairement l'importance du saumon sauvage par-dessus tout autre débouché économique, étant donné que cet aliment de base est devenu à ce point indissociable, chez nous, que nous avons créé en son honneur une danse très sacrée. Est-ce que quelqu'un ici a des jumeaux dans sa famille? C'est un phénomène très rare, n'est-ce pas? Mes deux sœurs cadettes sont jumelles. C'est aux jumeaux que nous dédions la danse du saumon, de façon à souligner l'importance et le caractère particulier de cette ressource en lien avec notre existence sur la planète.
J'aimerais vous parler du processus que nous avons sous les yeux et qui est la raison pour laquelle nous nous sommes réunis ici. J'aimerais vous parler des consultations. Deux ou trois intervenants déjà ont parlé de l'obligation de la Couronne, de l'honneur de la Couronne, qu'il faut préserver, et c'est bien sûr inscrit dans la Constitution du Canada et dans de nombreuses décisions de la Cour suprême du Canada. Et ce sont ces textes qui fournissent à votre gouvernement, dans les rôles qu'il joue, une bonne orientation en vue d'un processus démocratique juste, au Canada.
J'aimerais parler du règlement dont le MPO assure l'élaboration. Je vais parler du processus de planification intégrée de la gestion de l'aquaculture que le MPO prend en charge. Je vais parler du comité consultatif sur la gestion de l'aquaculture. Je vais parler de l'Initiative nationale pour des plans d'action stratégiques en aquaculture et je vais parler de l'Initiative sur les partenariats stratégiques qui a pris forme en rapport avec l'aquaculture dans le cadre du deuxième Forum national sur les pêches autochtones.
Je peux parler d'autorité de quelques-uns de ces programmes, puisque j'ai présidé un groupe de travail sur l'aquaculture, pour le compte du First Nations Fisheries Council, depuis que le MPO a reçu la responsabilité d'élaborer des règlements, d'élaborer un mode de gestion et de faire participer les Premières Nations qui détiennent un titre.
Je vais vous parler des recommandations découlant de la Commission Cohen. Je vais vous parler du Forum du saumon du Pacifique, un autre examen bien financé touchant la santé du saumon sauvage lié à l'aquaculture et aux fermes d'élevage de poissons.
Je vais vous parler du faux profit que l'on associe à cette industrie. Je vais également vous parler d'un nouveau regroupement, la Wild Salmon Alliance des Premières Nations.
Donc, en ce qui concerne le processus du Sénat, si j'ai bien compris, vous réunissez toute l'information, vous l'étudiez et vous donnez une orientation aux Canadiens. Je ne conçois pas que cela représente pour vous l'occasion d'examiner, à titre individuel ou collectif, les données scientifiques pour rendre une décision sur ces fondements. Je crois que c'est une affirmation très juste, car je crois que les données scientifiques qui ont été présentées, et je pense en particulier aux recommandations de la Commission Cohen, sont bien étayées, qu'elles ont fait l'objet d'un examen approprié et que cet examen était bien financé, et voilà les recommandations du rapport que nous avons devant nous.
En ce qui concerne le processus de consultation, j'y ai participé et je m'y suis engagé avec le First Nations Fisheries Council. Nous nous sommes rendus dans neuf collectivités de la Colombie-Britannique pour parler des aspirations des Premières Nations touchant la réglementation de ce secteur. À ce moment-là, M. Eric Gilbert, digne représentant du ministère des Pêches et des Océans, a lui aussi voulu nous consulter, le même jour, au sujet de l'Initiative nationale pour des plans d'action stratégiques en aquaculture.
Si vous pouviez consulter la correspondance échangée entre le MPO et le Conseil des pêcheries, vous sauriez que nous avons rejeté cette proposition, tout simplement parce que le volume d'information était beaucoup trop grand pour qu'on puisse le soumettre dans le cadre de neuf réunions, pour parler de la réglementation de l'aquaculture et de l'Initiative, le matin, et pouvoir soumettre des commentaires légitimes et réfléchis au ministère des Pêches et Océans, l'après-midi.
Eh bien, quand nous avons fait une deuxième tournée, avec le First Nation Fisheries Council, nous avons demandé à l'ensemble des Premières Nations leur opinion sur la gestion, dans ce secteur, et au bout du compte, je peux vous dire en toute honnêteté que pas un seul mot touchant nos aspirations en matière de réglementation ou de gestion n'a été retenu par le MPO, et cela est extrêmement troublant.
Quand notre Première Nation a conclu une entente avec le ministère des Pêches et Océans concernant l'émission de permis de ferme piscicole sur notre territoire, nous n'étions pas satisfaits du niveau de consultation entreprise auprès de nos membres par le ministère des Pêches et Océans. Si j'en parle, c'est que j'ai lu les transcriptions de la réunion du 25 février, je crois, lorsque de hauts fonctionnaires du MPO ont parlé des consultations menées auprès des Premières Nations et du fait que les tribunaux avaient déclaré que les consultations touchant la réglementation étaient suffisantes.
Eh bien, je peux encore une fois vous le dire, si vous pouviez jeter un œil sur la correspondance échangée entre le Conseil des pêcheries et le MPO, vous verriez que tous les rapports produits grâce au travail du Conseil étaient assez clairement rédigés, des ententes financières jusqu'aux rapports finaux, et qu'il n'y était pas question des consultations des Premières Nations. Cela est très clair. Le problème, c'est qu'un intervenant quelconque du ministère de la Justice a décidé de faire le compte rendu de toutes les réunions auxquelles j'ai assisté pour le compte du Conseil des pêcheries et où il était question de manière générale de gestion et de réglementation, et cette personne a décidé de donner ces comptes rendus au juge en disant qu'il s'agissait là de la consultation de nos Premières Nations sur la question des permis individuels.
J'aimerais que cela soit inscrit au compte rendu et que vous puissiez faire les corrections nécessaires, au sujet de ce qu'a déclaré le ministère des Pêches et Océans. Selon cet examen traditionnel, vous pourriez penser que les Premières Nations sont de manière générale opposées à cette activité et qu'elles agiraient en conséquence. Mais ce n'est pas vrai.
Je sais que, comme Richard Harry l'a mentionné, l'entreprise Pentlatch, de la Première Nation K'omoks, a aussi demandé un contrôle judiciaire en invoquant le fait que le gouvernement n'avait pas mené de consultation. À mes yeux, cela cristallise les faiblesses que tolère ce ministère du gouvernement du Canada.
La Commission Cohen a coûté 26 millions de dollars. Je crois que l'étude a duré 197 jours. Elle a rouvert le débat sur les maladies qui affectent les fermes piscicoles. J'avais donc très hâte de lire les recommandations du rapport final. Bien sûr, j'ai été extrêmement satisfait de voir ce qui figurait dans ces recommandations, étant donné qu'elles reflétaient ce que les Premières Nations ont toujours dit, les préoccupations touchant les répercussions négatives des fermes piscicoles à enclos ouverts sur les populations de saumons sauvages résidants. Encore une fois, ce n'est pas à nous de dire si les données scientifiques sont fiables ou non, mais nous avons la responsabilité d'accueillir les recommandations du juge Cohen.
Si vous preniez connaissance du dernier rapport du Forum du saumon du Pacifique, une autre entreprise bien informée et bien financée, vous y trouveriez également de nombreux commentaires sur la possibilité de transmission des maladies ou du pou du poisson et sur les répercussions potentielles sur le saumon sauvage. Je sais que, étant donné le choix des sites des fermes piscicoles et les recommandations du juge Cohen, il est tout à fait clair qu'on n'a procédé à aucun examen des sites des fermes piscicoles ayant rapport, soit à la migration intérieure du saumon sauvage, soit à la migration extérieure des jeunes saumons sauvages. Voilà ce que la Commission Cohen a soumis au gouvernement en lui demandant d'agir, et j'affirme que le gouvernement du Canada doit agir.
Quand je pense au fait qu'on entend dire que cette industrie génère de faux profits, évidemment que cette industrie est rentable, quand les responsables peuvent se débarrasser dans l'environnement de tous leurs déchets et de tous les aspects négatifs de leurs activités, ce sont nos territoires qui absorbent ces coûts. Si on s'attendait à ce que les intervenants de ce secteur soient responsables à 100 p. 100 de tous les aspects de cette activité, le secteur ne serait pas rentable, et il faut en tenir compte, parce que cela reflète l'impact cumulatif sur l'environnement. Vous ne pouvez pas étudier la situation de chaque ferme isolément.
On a parlé de la bande de Kitasoo. On a parlé de la Première Nation Quatsino, et je veux que cela soit clair, nous sommes en train de comparer des pommes et des oranges. La bande de Kitasoo a six exploitations, je crois, et celle de Quatsino en a trois, je crois, peut-être quatre. Nous en avons une vingtaine, sur notre territoire, et notre expérience est donc tout à fait différente. Je dirais que ces Premières Nations, dont on dit souvent qu'elles sont en faveur de cette industrie, si elles avaient autant de fermes que nous, diraient la même chose que moi aujourd'hui.
Lorsque nous avons parlé des consultations au sujet de l'émission des permis de fermes aquicoles, le ministère des Pêches et Océans a dit que vous ne voudriez pas mener des consultations sur chacun des permis étant donné que le plan de gestion allait nous procurer de grandes assurances, alors nous avons poursuivi le travail et nous avons élaboré les plans de gestion intégrée de l'aquaculture pour nous apercevoir, tout simplement, que le ministère des Pêches et Océans venait de soumettre un autre programme dont on a déjà parlé, le Comité consultatif sur la gestion de l'aquaculture, un troisième regroupement d'intervenants. Le MPO veut maintenant que ce troisième regroupement d'intervenants soit le filtre avec lequel nous allons déterminer le mode de gestion.
La situation est donc que les Premières Nations vont présenter leur opinion au MPO, qui la transmettra à un comité consultatif sur la gestion de l'aquaculture, lequel, décidera du mécanisme de gestion. C'est tout à fait inacceptable. C'est tout à fait étranger à l'obligation de la Couronne de consulter et à ses obligations à l'égard des Premières Nations.
Quand je parle de l'Initiative nationale pour les plans d'action stratégiques en aquaculture, je suis très clair. Nous avons refusé, nous avons dit que nous n'allions pas organiser de consultations à ce sujet, parce que le volume d'information était bien trop élevé. Alors, le ministère des Pêches et Océans, qui représente la Couronne, n'a pas consulté les Premières Nations de la Colombie-Britannique. On peut dire la même chose en parlant de l'initiative sur les partenariats stratégiques.
J'ai été atterré à la lecture du rapport final présenté dans le cadre de NAP II, et je vais vous dire pourquoi. Il n'y a pas eu de commentaires négatifs. Il n'y a pas eu de positions contraires, qui auraient constitué un avertissement pour cette magnifique industrie, et c'est pourquoi j'ai posé des questions à l'homme qui le présentait. Je lui ai demandé, comment il se faisait qu'il n'y ait qu'une seule phrase indiquant que les Premières Nations qui s'opposent à cette industrie n'en comprennent tout simplement pas tous les avantages économiques. Je lui ai fait remarquer, comme je vous le fais remarquer, que ce sont là deux documents essentiels quand on parle de l'approche du MPO et du développement rapide de cette industrie. Je dirais que, à mon avis, vous avez la responsabilité d'en prendre conscience, d'étudier la question et d'examiner les résolutions formulées dans les documents de l'Union of British Columbia Indian Chiefs. Ce regroupement est né en 1969. Nous comptons 110 Premières Nations parmi nos membres, sur les 203 Premières Nations existantes, et nous avons formulé de nombreuses résolutions visant à protéger le saumon sauvage; de nombreuses résolutions d'un regroupement de Premières Nations qui ne sont pas prêtes à dire que les fermes piscicoles représentent un risque acceptable pour notre saumon sauvage.
Puisqu'il est question du Comité consultatif sur la gestion de l'aquaculture, vous devez comprendre que l'ONG de l'environnement, les groupes de défense de l'environnement, s'est officiellement retirée avant le début du processus. Je parle du Forum sur le saumon du Pacifique et aussi de la société Watershed Watch, et nous pouvons vous transmettre la lettre du Conseil des pêcheries qui indiquait assez clairement que le Comité consultatif penchait vraiment du côté de l'industrie. Ils ne voulaient donc pas y participer car ils voyaient bien que les dés étaient pipés, et ils savaient que l'industrie et le gouvernement allaient bafouer leurs préoccupations et aspirations. N'oubliez surtout pas le fait que les recommandations et les commentaires de la Commission Cohen soutenaient que le MPO se place en situation de conflit lorsqu'il fait la promotion de cette industrie alors qu'il doit protéger le saumon sauvage et l'environnement.
Dans le cas qui nous occupe, c'est donc le premier arrivé qui remporte la manche. Et c'est ce qui m'a convaincu de présenter quelques résolutions devant l'Union of British Columbia Indian Chiefs et au Sommet des Premières Nations, en vue de la création d'un organisme qui s'appellerait la Wild Salmon Alliance des Premières Nations. Et cette alliance du saumon sauvage est très clairement opposée aux fermes piscicoles. Elle est très clairement en faveur du saumon sauvage, point à la ligne, et je n'ai pas à faire d'excuses. Et elle va se faire entendre. J'ai parcouru tout le fleuve Fraser. J'ai reçu l'appui du gouvernement des Tl'etinqox-t'ins, de la collectivité Stswecem'c du Nord, de la nation Esk'etemic, de la nation Stellat'en, de la nation Shuswap, de l'Okanagan Nation Alliance, des Musqueam et du conseil tribal, des nations 'Namugwis et We Wai Kai. Je vous dis cela pour que vous compreniez à quel point le fleuve Fraser est long.
J'ai eu des discussions avec un certain nombre de chefs de la nation St :lo et j'ai été jusqu'au bout du fleuve Fraser. Ces collectivités nous appuient, mais elles ne l'ont pas fait savoir officiellement.
Je dis, donc, que je fais partie d'un groupe organisé de Premières Nations qui vont haut et fort prendre la défense du saumon sauvage. Notre première cible consistera à tenir le gouvernement responsable pour qu'il mette en œuvre, de manière valable et générale, les principes reflétés dans les recommandations de la Commission Cohen.
Voilà donc les déclarations que je voulais voir figurer au compte rendu. Le saumon sauvage est pour moi une grande passion, et je ne me gênerai pas pour réclamer haut et fort qu'on le protège, car c'est le choix de mon peuple. C'est le choix des Premières Nations tout le long du fleuve Fraser, et elles ont compris que le plus grand risque d'annihilation de la population de saumons sauvages de la côte de la Colombie-Britannique est la transmission des maladies, dont le rapport de la Commission Cohen parle en long et en large. Je vous encourage vivement à étudier ces recommandations et, si vous faites de l'insomnie, parfois, lisez ce rapport. Il y a là beaucoup à comprendre, et je veux que vous puissiez le comprendre, mais pas dans l'optique d'un ministère qui cherche à faire la promotion de cette industrie, à tout prix, parce qu'il n'a pas réussi à gérer la pêche du saumon sauvage.
J'ai fait de la pêche commerciale pendant 12 ans, j'ai pêché aux mêmes endroits que le chef Richard Harry, et je ne comprends pas comment un gouvernement peut perdre de vue cette magnifique ressource, cette population de saumons sauvages saine et abondante, et une ressource liée aux collectivités isolées et éloignées, qui leur a permis d'être ce qu'elles sont, sur le plan commercial.
Je le dis donc avec une grande passion — ne prenez pas cela pour de la colère —, je crois au saumon sauvage. Notre nation croit au saumon sauvage. Nous allons être la voix du saumon sauvage, face à un ministère en conflit qui ne sait pas s'il protège le saumon sauvage ou s'il favorise l'industrie même qui tuera tous les saumons sauvages.
Le président : Merci, chef.
Merci à tous de vos commentaires et, comme vous le savez, j'ai été indulgent quant aux tours de parole pour la simple raison que vous êtes nos derniers témoins, à la fin d'une longue journée, et que je voulais être sûr que vous ayez tous l'occasion de dire ce que vous avez à dire. Mais, comme toujours, nous voulons donner aux sénateurs la possibilité de poser des questions, et sentez-vous libre de commenter les sujets que vous avez déjà abordés. J'aimerais commencer par notre vice-présidente, la sénatrice Hubley.
La sénatrice Hubley : Merci à vous tous des exposés de ce soir. Je ne sais pas vraiment par où commencer. Je vais donc me lancer, je crois, directement dans ce qu'on peut considérer comme un besoin, dans l'industrie, et il s'agit d'une loi sur l'aquaculture qui déterminerait les besoins de l'industrie et veillerait à y répondre. J'ai bien sûr entendu les objectifs que vous avez formulés, dans vos exposés, même si je ne crois pas qu'ils puissent donner des résultats... Ils pourraient donner des résultats, mais je crois que la Loi sur les pêches, une très vieille loi adoptée dans le temps où l'aquaculture n'existait pas, n'est probablement pas un bon véhicule pour faire avancer cette industrie. Je crois que bon nombre des obstacles auxquels vous faites face sont intégrés dans la Loi sur les pêches, et il est possible qu'une loi qui soutiendrait l'aquaculture permettrait de supprimer certains de ces problèmes et peut-être même de donner concrètement un peu plus de chance de succès. Ce serait mon premier commentaire, et vous pouvez le commenter.
Je crois que le chef Harry a parlé de l'exode des jeunes de vos collectivités et du fait qu'ils trouvaient difficile de pénétrer le domaine de l'aquaculture et que les débouchés n'étaient pas là pour eux. Je crois que c'est un problème très grave, et, encore une fois, je crois que nous devrions envisager de rendre l'industrie plus accessible.
Je me demande si vous pourriez tout d'abord parler de la façon dont vous envisagez la possibilité de prévoir une loi qui régirait l'aquaculture proprement dite et serait indépendante.
M. Harry : Je ne suis pas certain de la façon de répondre à votre question. Personnellement, je n'avais pas poussé mes réflexions jusque-là. Nous nous sommes principalement penchés sur les collectivités et tout cela, mais, si je comprends bien votre question — à quoi devrait ressembler une loi sur l'aquaculture —, j'envisage les choses selon l'autre optique, et l'autonomie de la Première Nation devrait être un aspect du processus visant la réalisation de cet objectif. Voilà ce que je répondrais, ici.
Le président : Allez-y.
Mme Hiemstra : Je crois qu'une loi sur l'aquaculture permettrait de clarifier certains des enjeux touchant Pêches et Océans Canada, à savoir s'il s'agit d'un organisme de réglementation ou s'il est en faveur d'une industrie en développement ou s'il s'agit d'un organisme d'application de la loi. À l'heure actuelle, il est toutes ces choses, et je ne vois aucun témoin ici aujourd'hui se dire satisfait de la façon dont il a mis les choses en œuvre sur le terrain. Je crois que tout le monde ici a parlé du manque de consultation et du fait que, par conséquent, la réglementation qui provient de cet organisme ne convient pas à la réalité. Alors, si je comprends bien, un remaniement de la Loi sur les pêches, puis une loi claire régissant l'aquaculture permettraient, je l'espère, d'apporter une certaine clarté et d'établir des responsabilités pour les gestionnaires, puis se répercuteraient sur les dispositions réglementaires et les politiques proprement dites mises en place sur le terrain.
La sénatrice Hubley : Avez-vous un commentaire, monsieur Point?
M. Point : Oui, je suis d'accord. Je crois aussi qu'un tel concept pourrait être utile. Comme je l'ai indiqué dans mon rapport, le RPA, le Règlement du Pacifique sur l'aquaculture, est un document prescriptif très vague et faible si on le regarde vraiment. Sa principale force est d'insister sur l'élaboration d'un plan de gestion intégrée de l'aquaculture, puis ce plan est élaboré chaque année par l'intermédiaire d'un comité, le Comité consultatif sur la gestion de l'aquaculture. Alors, c'est une façon vraiment faible de mettre au point les approches prescriptives, les lois et les modalités d'application. À mes yeux, cela aurait une certaine utilité. Il y aurait à tout le moins une forme de compréhension, surtout s'il y avait une consultation et que les gens pouvaient apporter leur contribution.
La sénatrice Hubley : Chef Chamberlin?
M. Chamberlin : Selon moi, si le gouvernement du Canada décide d'adopter une loi sur l'aquaculture, il doit tenir compte de tous les aspects de l'argument. On ne saurait, en toute bonne foi, dans le cadre du processus démocratique, ne consulter que les personnes qui veulent en tirer profit. Le Canada a la responsabilité de veiller à l'intégrité de l'environnement au pays et il ne peut pas l'assumer dans le seul objectif de donner carte blanche à une industrie — et je fais allusion aux fermes aquacoles à enclos ouverts — qui entraîne un grand nombre d'impacts documentés, sur le plan de l'espace, de l'environnement et pour le saumon sauvage.
Je crois que le Canada en a beaucoup à apprendre sur la façon d'interagir avec les membres des Premières Nations, les véritables détenteurs du titre de propriété. Vous ne pouvez pas échapper à la responsabilité de maintenir l'honneur de la Couronne en n'interagissant qu'avec les intervenants des Premières Nations plutôt qu'avec les détenteurs du titre de propriété des Premières Nations, car c'est ce que disent les tribunaux. Alors, je crois que cela serait un exercice très intéressant. Si nous faisons cela, j'ai hâte de vous en parler.
La sénatrice Hubley : Nous avons entendu dire que certaines des entreprises actives dans le domaine de l'aquaculture ont conclu des protocoles avec les Premières Nations. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet? Estimez-vous que c'est une bonne façon de procéder ou estimez-vous que les Premières Nations devraient avoir leurs propres structures d'encadrement et leurs propres entités?
M. Chamberlin : Je crois que notre Première Nation — et je me fonde sur le droit canadien, selon mon interprétation — est détentrice du titre, à moins qu'elle n'ait conclu un traité pour renoncer à ses territoires. Alors, je dirais que la volonté d'une Première Nation et ce qu'elle veut voir sur ses territoires, mais surtout ce qu'elle ne veut pas voir sur ses territoires, doivent être respectés. Votre gouvernement a ratifié la Déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones, et je me tourne toujours vers ce document et je demande : « Eh bien, où va-t-il s'appliquer », car il ne comporte aucune ambiguïté en ce qui concerne la protection environnementale, l'autorité des Premières Nations à l'égard de leurs territoires et la protection des sources d'alimentation traditionnelles. Alors, c'est ce que je dirais si vous voulez parler de ce à quoi devrait ressembler un accord avec une Première Nation : premièrement, il doit avoir pour prémisse la reconnaissance des véritables détenteurs de titres ainsi que leurs volontés relatives à leur territoire. Merci.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Bienvenue. Le chef Harry a mentionné que le MPO reconnaissait tous les ordres de gouvernement à l'exception des Premières Nations. Pourquoi est-ce le cas?
M. Harry : En toute sincérité, cette réticence à reconnaître les Premières Nations est troublante. Le devoir de consultation se fait d'un gouvernement à l'autre. Le gouvernement provincial négocie aujourd'hui, dans le cadre du processus de traité, avec les Premières Nations pour établir des accords relatifs à la zone intertidale ayant force exécutoire. Ça, c'est la reconnaissance des Premières Nations. Ces pouvoirs sont indépendants. Ils transcendent le district régional et les municipalités.
Je crois que, dans le contexte du gouvernement fédéral, il faut mieux établir cela, et je ne suis pas certain de la façon de le définir, mais je sais avec certitude que nous allons continuer à travailler en ce sens. Notre réponse au cadre relatif au panope, document récemment publié par Pêches et Océans, prévoit la reconnaissance de notre titre et de nos droits, en plus de notre gouvernement.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Est-ce que quelqu'un connaît le pourcentage de membres des Premières Nations titulaires de permis comparativement aux non-Autochtones titulaires de permis? Le pourcentage est-il bas chez les Premières Nations et élevé chez les détenteurs de permis non autochtones?
M. Chamberlin : De quels permis parlez-vous?
La sénatrice Lovelace Nicholas : Les permis d'aquaculture.
M. Harry : Je vais essayer de répondre au meilleur de ma connaissance.
Je vais reprendre l'exemple de la Première Nation Kitasoo. Je crois comprendre que les six permis prévus dans l'accord sont détenus par les Kitasoo. En ce qui concerne les Ahousaht, je ne suis pas certain, avec leurs 12 sites. Je ne suis pas certain dans le cas d'autres Premières Nations, mais je sais que, pour tout nouvel accord, je crois comprendre que les Premières Nations seront titulaires de ces permis.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Eh bien, ce que je demande, c'est de savoir si davantage d'Autochtones détiennent des permis d'aquaculture du MPO ou si ce sont les non-Autochtones qui sont plus nombreux à posséder des permis d'aquaculture?
M. Chamberlin : J'ai un commentaire pour vous : chercher une simple réponse pour savoir qui est titulaire de permis d'exploitation de ferme aquacole suppose que l'industrie est la bienvenue dans les eaux en question. Alors, je ferais valoir, pour répondre à votre question, qu'il y a beaucoup plus de Premières Nations en Colombie-Britannique qui rejettent carrément l'exploitation de fermes aquacoles. C'est le message que je présente, et je crois que c'est quelque chose... Plutôt que de s'attacher au nombre de titulaires de permis par rapport à ceux qui n'en ont pas, je crois qu'il incombe au comité et au Canada en général de prendre en considération le vœu de toutes les Premières Nations de la Colombie-Britannique, particulièrement compte tenu de la voie migratoire du saumon sauvage, ainsi, nous profitons tous de la ressource lorsqu'elle revient.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Merci.
M. Point : Puis-je répondre à votre première question?
La sénatrice Lovelace Nicholas : Bien sûr.
M. Point : C'est au sujet de votre première question concernant le fait que le MPO reconnaissait tous les ordres de gouvernement à l'exception des Premières Nations. L'une des choses que nous avons constatées, c'est que, pour reconnaître, tout d'abord, le gouvernement des Premières Nations, Pêches et Océans doit reconnaître les droits et les titres des Premières Nations. Le MPO répète constamment, à des fins officielles, que la question des droits ne relève pas de son mandat. Il soutient que c'est Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, AADNC, qui en est responsable. Toutefois, il est le principal détenteur du portefeuille des pêches, et, au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, les pêches font partie intégrante de l'identité de toutes les Premières Nations en Colombie-Britannique.
Si vous regardez où se situent les réserves, chacune d'entre elles donne sur une voie navigable où les gens accèdent au poisson. C'est depuis toujours considéré comme une partie intégrante de l'identité des collectivités autochtones, des Premières Nations. Alors, il est un peu déconcertant que le ministère dise que les droits ne relèvent pas de son mandat, mais qu'il va négocier avec nous sur tous les autres aspects se rattachant à la pêche. Et ce n'est pas tout, car le projet de loi omnibus de l'an dernier prévoyait en fait une définition de la pêche autochtone. Alors, il dit que son mandat ne lui permet pas de faire cela; pourtant, il a en fait modifié la Loi sur la pêche, à l'article 2, pour modifier la définition de pêche autochtone. Alors, il y a pas mal de décalage et de dysfonctionnement.
Mme Hiemstra : Je voulais seulement dire que, pour ce qui est des permis d'exploitation d'une ferme aquacole, selon mon expérience, la majorité est détenue par des non-Autochtones.
J'aimerais aussi préciser que le processus d'obtention d'un permis d'exploitation d'une ferme aquacole est compliqué, lourd, extrêmement dispendieux et très long. Autant de facteurs pertinents, alors, si une Première Nation souhaite établir une nouvelle ferme sur son territoire, je ne saurais même pas estimer le temps que cela prendrait et les coûts qu'il faudrait engager. Même s'il y avait déjà une pisciculture de saumon, par exemple, dans la baie Kyuquot, on ne veut plus élever de saumons atlantiques là-bas, on veut faire l'élevage de la morue charbonnière, mais le simple transfert d'un permis existant représente un processus de huit mois et probablement une valeur qui dépasse les 15 000 $. C'est mon expérience personnelle, et c'est ce que je fais pour Sable Fish Canada.
La sénatrice Raine : Je dois dire que le sujet est très complexe. Évidemment, vous avez beaucoup plus d'expérience que nous en ce qui concerne les lacunes du système en place pour l'expansion aquacole. Vous avez des points de vue différents, et je respecte cela. Je demanderais à M. Point et au chef Chamberlin si vous vous opposez à toute forme d'aquaculture ou seulement à celle susceptible de nuire au saumon sauvage?
M. Point : À mon avis, ce n'est pas tout à fait exact. Le conseil de la pêche ne s'occupe pas exclusivement de l'aquaculture. Nous gérons toutes les autres espèces, le saumon et le développement économique des pêches, notamment, alors, si c'est le message transmis, il n'est pas exact. Notre rôle ne consiste pas à choisir une position polarisée ou l'autre, pour ou contre. En notre qualité de conseil responsable du territoire de toute la province, notre rôle est de contribuer aux vœux des Premières Nations qui s'y trouvent, et certaines Premières Nations veulent exploiter l'aquaculture, pour les mollusques et crustacés ou dans des écloseries en eau douce, par exemple.
Ce que nous essayons de dire, c'est que la principale préoccupation est liée aux répercussions sur les populations sauvages qui font partie intégrante de l'identité des peuples des Premières Nations. Du reste, il y a une approche soucieuse et prudente pour évaluer comment mettre en œuvre la réglementation et gérer l'aquaculture. Jusqu'à maintenant, nous disons que les consultations et les modalités de mise en œuvre de l'aquaculture en Colombie- Britannique favorisent la promotion de l'aquaculture sans tenir compte des populations sauvages en Colombie- Britannique, des maladies, de données scientifiques transparentes, et cetera. Voilà les préoccupations que nous avons entendues des Premières Nations et, lorsque nous tentons d'offrir des conseils stratégiques, à l'échelon national ou régional, ce sont les messages que nous essayons de transmettre.
Les gens ne se préoccupent pas nécessairement de l'aquaculture des mollusques et crustacés ou d'autres espèces, mais les cages en filet pour saumons atlantiques sont une grande source de préoccupation, et les Premières Nations sur le bord du bassin hydrographique du Fraser et aux alentours demandent constamment si nos poissons sauvages sont propres à la consommation, car nous ignorons le type d'organismes pathogènes et de virus qui s'y trouvent. Ce n'est pas tant une question de dire que nous sommes contre l'aquaculture. L'aquaculture est la source de certaines préoccupations, mais je ne crois pas que nous essayions de défendre une position polarisée. Nous essayons de dire qu'il faut adopter des approches soucieuses pour la mise en œuvre, et nous n'avons pas vu le MPO adopter ce genre d'approche équilibrée. J'espère que cela précise un peu les choses.
La sénatrice Raine : Aimeriez-vous rédiger une loi sur l'aquaculture?
M. Point : Est-ce que j'aimerais ça? Pas vraiment. Je vais y contribuer, mais j'ai trop de travail à faire.
La sénatrice Raine : Pas vous personnellement, mais participer à la rédaction d'une loi sur l'aquaculture? Il me semble, en Colombie-Britannique, à tout le moins, que le premier contact lié au poisson devrait être la Première Nation sur le territoire de qui la pêche a lieu. Je suis préoccupée du fait qu'on ne vous consulte pas adéquatement. Si, au lieu d'être les derniers à avoir voix au chapitre, si vous étiez les premiers à intervenir, peut-être que cela prendrait une toute autre direction. Quoi qu'il en soit, la plupart des gens croient que nous devons avoir une loi sur l'aquaculture qui protège le poisson sauvage des impacts.
M. Point : Eh bien, nous serions ouverts à l'idée de tenter d'élaborer un processus plus rigoureux et plus clair, qui accorde aux Premières Nations la place qui leur revient au chapitre de la consultation sur la loi, si c'est la direction qu'on prend.
La sénatrice Raine : Le First Nations Fisheries Council of British Columbia représente-t-il toutes les Premières Nations de la Colombie-Britannique?
M. Point : Le mot « représentation » est problématique.
La sénatrice Raine : Toutes les Premières Nations de la Colombie-Britannique sont-elles membres de votre organisation?
M. Point : Eh bien, nous avons un processus d'adhésion selon lequel les gens signent notre charte; elle est à l'endos de notre plan stratégique. En ce qui concerne les Premières Nations, l'approche était comme du maïs soufflé; elle était fragmentée — ça éclatait de part et d'autre —, et les gens avaient des positions différentes. Nous avons réellement tenté de concevoir des articles qui commencent à définir un processus cohérent et cohésif. Nous avons un processus d'adhésion par charte; elle est reproduite à l'endos de votre plan stratégique. Alors, ce que nous faisons, c'est que nous mettons au point des chartes, des accords mutuels, qui conviennent à une Première Nation particulière et, à sa discrétion, selon son degré de confort et sa capacité et au fur et à mesure qu'elle acquiert des connaissances dans le domaine, nous acceptons de travailler en collaboration.
À l'heure actuelle, environ 130 Premières Nations de la province ont signé une charte et conviennent du plan d'action et de la marche à suivre, ce qui représente un travail continu. Encore une fois, ce sont ces Premières Nations qui détermineront comment elles veulent procéder. Alors, nous ne les représentons pas toutes.
La sénatrice Raine : Je comprends.
Le président : Chef Chamberlin?
M. Chamberlin : Je vais répondre à vos questions selon l'ordre dans lequel vous les avez posées.
Les Premières Nations à qui je parle et les Premières Nations que nous mobilisons sous l'égide de la Wild Salmon Alliance des Premières Nations ne sont pas contre l'aquaculture. Nous sommes contre les fermes aquacoles à enclos ouverts, car, si on regarde ce qu'a découvert la Commission Cohen et le contenu du rapport du Pacific Salmon Forum, vous pouvez voir très clairement que des personnes très bien informées et scolarisées ont parlé de maladies potentielles et de répercussions chez le saumon sauvage découlant de cette industrie. Alors, selon moi, c'est au cœur des préoccupations de beaucoup de Premières Nations.
L'une des choses que je prends en considération, c'est l'impact cumulatif, et je ne parle pas seulement de l'impact cumulatif dans l'environnement benthique. Je parle d'un petit banc de saumons sauvages qui quitte la rivière et passe à côté d'une ferme, après quoi 5 p. 100 des poissons meurent. C'est un chiffre qui semble raisonnable. Ensuite, le banc passe à côté d'une autre ferme, d'une autre, puis d'une autre; et c'est pourquoi nous devons commencer à tenir compte de l'impact cumulatif dans une région, et je crois que c'est très important.
Est-ce que je rédigerais une loi sur l'aquaculture? L'expérience m'a montré que collaborer avec le gouvernement relativement à l'aquaculture des poissons n'est pas dans l'intérêt de nos Premières Nations, et c'est une honte qui rejaillit sur le Canada, car il redéfinit ses engagements et n'a aucun sens de l'honneur. En ce qui concerne mon expérience personnelle, lorsque je travaillais avec le conseil de la pêche, il a complètement déformé notre travail et l'a présenté à un juge pour nous rejeter. Bon, c'est le comportement du Canada à l'heure actuelle, alors j'aurais de graves préoccupations relatives à une loi sur l'aquaculture. Je dirais que ce serait la moindre des choses que de tenir un processus de consultation très rigoureux avec les détenteurs de titre; pas les intervenants — les détenteurs d'intérêt —, les détenteurs de titre.
En ce qui concerne les Premières Nations membres du conseil de la pêche des Premières Nations, selon moi, le fait même que je parle de la Wild Salmon Alliance des Premières Nations témoigne des difficultés et des défis qui incombent à mon ami ici, Jordan Point, relativement au conseil de la pêche, car il est assez clair qu'il doit tenir compte du vœu de toutes les Premières Nations, y compris celles qui souhaitent exploiter une ferme aquacole et je peux comprendre cela. J'ai fait de grands efforts pour obtenir un point de vue opposé défendu avec énergie, et j'ai eu de la difficulté; c'est pourquoi nous créons la Wild Salmon Alliance. Nous n'avons rien à faire des choix compromettant nos droits, faits par quelqu'un d'autre qui cherche à s'enrichir.
Le sénateur McInnis : Merci d'être venus.
Le moindre qu'on puisse dire, c'est que je suis confus, car plusieurs témoins aujourd'hui ont présenté des points de vue divergents. Même ici ce soir, nous avons entendu parler de Premières Nations incapables de prendre le contrôle de sites d'aquaculture existants. Du long processus. Il y a eu la prétendue politique relative à la panope, qui compromet la volonté des Autochtones. Les discussions relatives aux traités n'abordent pas l'aquaculture. Le MPO n'est pas là, et aucune somme n'est allouée pour la mise en place de projets aquacoles, les coûts de démarrage.
Alors, on entend cela, d'une part, puis, d'autre part, il y a la déclaration sur la gouvernance de l'aquaculture, qui me semble raisonnable, si je peux obtenir des explications. Les préoccupations peuvent être résumées ainsi — je vais en sauter quelques-unes — : renforcement de la capacité. Pouvez-vous me donner une explication à cet égard? Par augmentation du pouvoir décisionnel et du contrôle des Premières Nations, j'imagine que vous voulez dire un type de processus d'approbation auquel vous participeriez.
Lorsque vous dites : « En conclusion, les Premières Nations de la Colombie-Britannique viennent de commencer — et je lis ce qui est écrit ici — à prendre les lacunes en charge », j'aimerais avoir une explication à cet égard, « et elles ont élaboré une déclaration conjointe. » J'imagine que cet exercice s'est fait avec les membres respectifs du conseil, mais je ne suis pas certain.
La déclaration sur la gouvernance de l'aquaculture traite de la gouvernance, et je comprends ce que vous voulez dire ici; il ne s'agit pas de s'emparer de tout le secteur. À la lumière des préoccupations qui précèdent, la déclaration indique de façon générale qu'il existe des perspectives diversifiées et différentes quant à la participation des Premières Nations à l'aquaculture, puis vous mentionnez le juge Cohen et ses préoccupations touchant les conséquences sur le saumon sauvage.
Alors, j'imagine que ma question est la suivante : outre les autres questions explicatives que j'ai posées, quel est le poids de cette déclaration? Disons-nous maintenant que la collectivité autochtone de la Colombie-Britannique ne tolérera plus les piscicultures de saumon à enclos ouverts et n'aura plus rien à voir avec ces exploitations? Pourtant, nous entendons par ailleurs parler ici de morue charbonnière, et j'imagine que c'est acceptable.
M. Chamberlin : Il s'agit d'une espèce indigène.
Je ne vois pas de problème relatif à l'élevage d'espèces indigènes en Colombie-Britannique, car cela n'entraîne pas le risque d'introduction d'une maladie exotique qui n'est pas déjà dans l'océan Pacifique.
Le sénateur McInnis : Alors, votre préoccupation touche les maladies exotiques?
M. Chamberlin : Je vous invite à regarder ce qui est arrivé au Chili, avec l'épidémie qui s'est propagée là-bas. L'industrie n'avait pas d'autre solution que d'abattre tous les poissons, car il n'y avait pas de traitement pour la maladie qui s'est répandue là-bas. Maintenant, imaginez-vous que cette maladie soit introduite dans notre réseau hydrographique et s'attaque au saumon sauvage; la seule solution serait de tous les abattre. Alors, c'est cela qui rend les gens très nerveux relativement à la transmission potentielle de cette maladie.
Voici la conclusion que je tirerais : dans sa décision concernant les Premières Nations Haïda et Telingit de la rivière Taku, la Cour suprême du Canada a énoncé très clairement que même le potentiel d'empiéter sur les droits des Premières Nations déclenche l'obligation de consulter. Alors, je dirais que la nation de Tl'etinqox-t'in, dans la région de Williams Lake, va voir ses poissons mourir dans les piscicultures qui avoisinent ses territoires. Il s'agit d'un empiétement sur ses droits. Je constate maintenant qu'elle est très ouverte à un examen des recommandations de l'enquête Cohen afin de commencer à comprendre l'empiétement possible sur ses droits et à le voir pour ce qu'il est. Je constate qu'il va y avoir de plus en plus de Premières Nations, surtout celles à qui je parle. C'est une partie très facile à gagner, pour ainsi dire. Je leur parle, je parle du saumon sauvage et de son importance et je fais valoir — non pas parce que c'est mon opinion, mais parce que c'est ce que disent le juge Cohen et le Pacific Salmon Forum — et c'est assez pour qu'un assez bon groupe de gens commence à être mécontent et à constater que c'est probablement l'un des principaux facteurs qui expliquent pourquoi nous ne voyons plus les montaisons de saumons sauvages que nous voyions avant.
Le sénateur McInnis : Je ne veux pas vous contredire. Tout ce que je dis, c'est que, constamment ici aujourd'hui et tout au long de nos visites durant les deux derniers jours, j'ai entendu des choses positives au sujet de l'aquaculture et des gens qui veulent une croissance économique, et ainsi de suite. Ensuite, vous arrivez et, avec beaucoup d'éloquence, expliquez pourquoi le projet ne peut pas aller de l'avant, ces piscicultures de saumons à enclos ouverts. Je ne veux pas vous faire dire quelque chose que vous n'avez pas dit; vous parliez de la gouvernance. C'est ce sur quoi porte votre déclaration. Alors, c'est là que je veux en venir. Alors, nous tentons de définir une forme d'orientation, et le message a tendance à aller dans les deux sens, si je pense au discours qu'a tenu ici le chef Harry plus tôt dans la soirée. Je vous ai entendu ce soir. Comprenez-vous ce que j'essaie de dire? Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est perturbant.
M. Point : Certes, et je pourrais peut-être répondre, car vous parlez de la déclaration du conseil des pêcheries. Alors, la meilleure façon de vous exposer la situation, ce serait de vous dire qu'il y a 207 différentes Premières Nations qui ont leurs propres droits inhérents en Colombie-Britannique, ce qui compose un environnement complexe, car il y a différents degrés de connaissance, de capacité, et cetera. L'aquaculture proprement dite est un monde complexe; travailler avec le gouvernement est complexe. Si vous combinez ces trois choses, vous créez un environnement très complexe.
Ce que je tenais à vous signaler, c'est que ce n'est pas parce que nous vivons tous dans la même province que nous sommes toujours tous d'accord sur tout. Le conseil des pêcheries devait créer une structure, alors, sur la dernière page, vous pouvez voir les provinces et les régions géographiques. En 2010, en réalité, nous avons défini ces régions géographiques, puis nous avons commencé à demander aux Premières Nations de ces régions de nommer des délégués pour siéger au conseil afin de défendre les intérêts de chaque région. Ces régions peuvent avoir des liens avec le saumon, elles peuvent avoir des liens avec les mollusques et crustacés ou elles peuvent avoir des liens avec l'aquaculture, mais nous devons construire un processus consultatif pour chacune de ces espèces. Si nous commençons véritablement à gérer des entreprises de pêche communautaires, c'est une source de développement économique, et il faut mettre en place un autre processus consultatif, alors nous commençons à nous complexifier.
Ce que fait le conseil des pêcheries c'est créer un processus et une structure. Aux termes du plan stratégique du conseil des pêcheries, le plan triennal de 2012 à 2015, nous voulions commencer à créer cette structure. Vous me demandez ce que veulent dire ces choses; dans les annexes jointes au document et la liste de style télégraphique, dans la deuxième annexe figure une ventilation de ces éléments que vous pouvez consulter. J'essayais d'être bref.
Alors, on a conçu la déclaration sur l'aquaculture parce qu'il y avait tant de points de vue diversifiés. En notre qualité de conseil des pêcheries, nous avons dit : « Eh bien, voici 10 thèmes sur lesquels vous êtes tous d'accord; faisons- en un fondement à partir duquel nous allons évoluer pour prodiguer des conseils cohérents et uniformes au gouvernement sur sa position relativement à l'aquaculture. » Compte tenu des opinions diverses et différentes, c'est là l'intention de la déclaration, car, une fois sur deux, nous ne pouvions même pas réunir les gens dans la même pièce.
Alors, la déclaration permet vraiment aux gens de commencer à se dire : « Eh bien, vous savez, elle est fondée sur un consensus. Je n'y adhère peut-être pas, mais je peux l'accepter. » Et ce sont les choses que nous avons entendues des collectivités partout dans la province, qu'a mentionnées le chef Chamberlin, et ce sont nos préoccupations. Alors, une fois que nous avons défini cela, nous avons décidé de signer une déclaration, et la principale chose que nous essayons de faire ici, c'est créer un processus lié à l'ordinogramme, car le chef Chamberlin, en sa qualité de vice-président de l'Union of British Columbia Indian Chiefs, fait partie du cadre politique en place en Colombie-Britannique. Il y a trois grandes organisations politiques : l'Union of B.C. Indian Chiefs, le Sommet des Premières Nations et l'Assemblée des Premières Nations. Ces trois associations ont présidé à la création du conseil des pêcheries. Alors, l'ordinogramme permet de commencer à déterminer comment nous allons attirer l'attention sur les enjeux liés aux poissons et aux mollusques et crustacés à l'échelon politique en cas de lacune en matière de politiques. Nous avons dû élaborer une structure pour nous assurer de la cohérence de nos messages. La déclaration contribue à former une certaine structure pour que nous puissions commencer à bouger — peut-être en prodiguant des conseils stratégiques à l'échelon politique —, car nous avons une déclaration ratifiée par le conseil des leaders selon laquelle nous allons travailler pour vous aider.
Le conseil des pêcheries se trouve au point d'intersection des politiques et des échelons opérationnels, de sorte que les Premières Nations avec qui nous travaillons possèdent de véritables compétences techniques. Elles travaillent de leur propre chef. Elles ne sont pas actives à l'échelon provincial. Nous essayons de transmettre l'information, de l'échelon local à l'échelon des politiques. Alors, j'espère que cela vous éclaire un peu.
Le président : Chef Chamberlin, vous aviez un commentaire sur cette dernière question.
M. Chamberlin : Je serai le plus bref possible.
Vous avez énuméré un certain nombre de questions dans votre préambule au sujet des Premières Nations tenant des points de vue opposés dans l'industrie. Je crois qu'il est naturel que certaines personnes soient en faveur de quelque chose et d'autres, pas, et je ne suis pas très surpris, surtout aujourd'hui, compte tenu des données scientifiques avancées et de l'impact potentiel ou ce que je crois être un impact très réel sur le saumon sauvage.
Je peux parler des traités, car l'Union of B.C. Indian Chiefs n'approuve pas le processus actuellement en vigueur à ce chapitre en Colombie-Britannique. Un financement de démarrage pour les immobilisations... j'imagine que le chef Richard Harry a des commentaires à cet égard. Lorsque vous avez posé des questions au sujet du renforcement des capacités, pour moi, lorsque j'entends qu'il y a des lacunes à ce chapitre, elles se rattachent aux aspirations mises de l'avant par les Premières Nations parce que nous voulons jouer un rôle de surveillance, de contrôle et d'assurance de la conformité dans l'industrie, indépendamment du MPO et en parfaite harmonie avec les détenteurs de titre sur le territoire.
Vous avez parlé de contrôle des Premières Nations. J'imagine que, si elles veulent faire partie de l'industrie, il y a des avantages, par exemple, sur le plan économique, mais je dirais que le contrôle consiste à faire respecter son autorité sur son territoire. Alors, si nous ne voulons pas de cette industrie, cette volonté doit être respectée; c'est-à-dire que quelqu'un doit dire « oui ».
En ce qui concerne les lacunes, je crois qu'elles se rattachent à l'administration, entre autres, mais surtout à la science. Je ne veux pas aborder le sujet de la science. Je crois la science et je sais qu'elle est exacte. Je veux parler du pouvoir de ma nation de dire oui ou non. C'est primordial.
Le sénateur McInnis : Alors, vous demandez le contrôle total?
M. Chamberlin : Je veux avoir le pouvoir sur le territoire de nos Premières Nations qui n'a jamais été cédé au Canada, et le fait même qu'il existe des traités au Canada — ils reconnaissent tous les titres que détiennent les Premières Nations —, c'est pour respecter vos lois; vous deviez avoir des traités. Nous n'avons pas de traité, alors cette utilisation et cette occupation ininterrompues de notre territoire demeurent, alors, selon moi, il faut respecter cela.
Le sénateur McInnis : Je crois que cela relève d'un autre comité.
Je ne veux pas que vous partiez en croyant que je ne suis pas d'accord avec vous. Je comprends ce que vous dites ici, et vous dites que c'est une préoccupation cruciale s'il y a des effets délétères sur le saumon sauvage. C'est ce que vous dites.
M. Chamberlin : C'est exact.
Le sénateur McInnis : Alors, ce qui est préoccupant, c'est que vous vous opposez à toute pisciculture du saumon à enclos ouverts. N'ai-je pas lu cela ou n'avez-vous pas dit cela?
M. Chamberlin : J'ai parlé de l'introduction d'espèces exotiques et du risque de maladies exotiques pour le saumon indigène.
Le sénateur McInnis : Vous avez des données probantes établissant ce risque.
M. Chamberlin : Il a été étudié en détail par le juge Cohen et le Pacific Salmon Forum. Il ne s'agit pas de mon opinion. Ce sont des données scientifiques. Comme je l'ai dit dès le départ, je ne crois pas que nous sommes ici pour discuter des données scientifiques ou formuler un commentaire à cet égard. On l'a déjà fait.
Le sénateur McInnis : C'est matière à débat, mais je vais m'abstenir. Permettez-moi de vous dire ceci : à Ottawa, nous avons le ministère des Affaires autochtones et du Nord. À la lumière de mon expérience de la gestion des résultats de l'affaire Donald Marshall et des 82 recommandations découlant de l'enquête connexe, j'ai toujours trouvé utile d'interagir avec le ministère, qui s'appelait, à l'époque, je crois, Affaires indiennes et du Nord; c'était très, très utile. Je vous demande si vous le faites. Quel est le lien ici, et ces points de vue lui ont-ils été présentés et, deuxièmement, avez- vous tenu des discussions significatives avec le MPO, car je crois que ces points sont importants. C'est une chose pour vous de le dire ici. Et lorsque vous le dites ici, nous avons des collectivités autochtones dans l'Est canadien; quel sera leur point de vue? Elles pourraient s'opposer complètement à ce que vous dites. Alors, ici, nous parlons d'un comité sénatorial qui représente tout le pays, alors c'est pourquoi il importe que vous compreniez, à tout le moins, la pertinence de cela.
M. Chamberlin : Merci, et c'est le cas. Je crois qu'il y a ici une similitude que je vais relever : le saumon atlantique est une espèce indigène au Canada atlantique. Le saumon atlantique dans l'océan Pacifique ne l'est pas. S'il y a des Premières Nations de la côte Est qui sont en faveur de l'industrie, peut-être qu'elles ne partagent pas les mêmes préoccupations liées au transfert de maladies. Je l'ignore. J'ai été là-bas, mais pas pour parler de ce sujet, mais je dirais que les préoccupations liées aux espèces et au transfert de maladies sont propres à notre région. Pour répondre à votre question touchant AINC, le MAINC ou Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, comme s'appelle actuellement l'organisme, qui est de savoir quelle est la nature de son rôle, je me tournerais vers la politique fédérale en matière de consultation. Lorsqu' une discussion ou une consultation stratégique concerne plusieurs ministères ou plusieurs ordres de gouvernements, AADNC est censé jouer le rôle de quart arrière, mais ce n'est pas le cas.
Il y a aussi eu un discours très clair reflétant l'opposition des Premières Nations à ce processus de consultation imposé. Je vous invite... Et je vais demander à notre personnel de transmettre à votre greffier un document des Premières Nations assemblé par l'APN de la Colombie-Britannique, le Sommet des Premières Nations et l'Union of B.C. Indian Chiefs, qui définit clairement ce que nous considérons être l'application régulière de la loi en matière de consultation et d'accommodation, selon notre interprétation du droit.
Mon dernier commentaire à cet égard — je vous remercie, monsieur le président —, tient à la question de la gestion de l'industrie, et je veux porter à votre attention — je suis convaincu que le personnel de Jordan pourra vous en transmettre une copie — le rapport sommaire de la réunion avec la nation Tseshaht, à Port Alberni, sur le plan de gestion intégrée de l'aquaculture. Je suis arrivé avec une certaine appréhension, car j'allais faire face à deux groupes de Premières Nations en faveur de l'industrie tandis que je représente ceux des nôtres qui s'y opposent. Lorsque je suis parti, je me sentais en pleine possession de mes moyens et je nous sentais très unis, car nos aspirations pour la gestion étaient identiques, essentiellement; elles visaient différents objectifs, mais, pour ce qui est de la gestion de la surveillance, de la conformité et du dépistage de maladies, nous voulions tous des choses très semblables.
Comme je l'ai dit, le personnel de Jordan pourra vous transmettre ces données. Vous verrez le point de vue des Premières Nations, des deux côtés de la médaille, se rejoindre pour suivre une orientation très claire. Je m'efforce toujours de trouver ces énoncés qui reflètent plus d'un point de vue, de sorte que mon propos devienne plus crédible que si j'appartenais à un côté ou à un autre. Merci.
Le président : Sénatrice Nancy Greene Raine, vous avez la possibilité de poser les dernières questions.
La sénatrice Raine : Chef Chamberlin, vous avez dit ne pas vouloir parler de données scientifiques, mais je crois que nous avons besoin d'en parler et j'aimerais particulièrement en parler un peu avec vous. Mon interprétation de la science, c'est qu'il s'agit d'une analyse d'un domaine de spécialité par des experts qui ont fait valoir leur opinion, qui font ensuite l'objet d'un débat par des tenants de points de vue opposés, puis on fait la part des choses. Des gens qui possèdent une véritable expertise débattent et discutent et essaient de creuser jusqu'au fond des choses, mais ils n'y arriveront peut-être jamais, car d'autres renseignements peuvent toujours s'ajouter, de sorte que la discussion continue.
Je suis très troublée lorsque je vois des cas où les gens refusent de débattre et de discuter de façon raisonnable et calme, sans se crier des noms, dans le but d'obtenir le meilleur savoir possible. Si on remonte aux processus scientifiques traditionnels, c'est toujours ce qui arrivait, dans toutes les cultures : des gens possédant une sagesse la transmettaient à la relève, et les gens amélioraient les connaissances, en débattaient et cherchaient de nouvelles méthodes, de nouvelles choses. Alors, je suis un peu troublée lorsque je vous entends dire de ne jamais introduire les piscicultures de saumon atlantique à enclos ouverts dans l'océan Pacifique, car vous êtes convaincu que cela nuira au poisson sauvage. Qu'arriverait-il si d'autres connaissances, d'autres données scientifiques, d'autres tests et d'autres analyses permettent de déterminer qu'il est possible de contrôler les maladies exotiques, les organismes pathogènes ou les parasites, toutes les choses dont nous avons entendu parler? Si on regarde la population mondiale et qu'on songe à la nécessité de l'alimenter, je crains que nous ne finissions par assister à un effondrement du saumon sauvage si nous n'avons pas de saumon d'élevage. Je veux dire, le saumon sauvage semble être un aliment un peu plus sain à l'heure actuelle, et, selon moi, c'est parce que nous avons appris des leçons et nous soucions beaucoup plus de l'habitat de nos rivières, d'amont en aval. De plus en plus de gens acquièrent des connaissances et comprennent les véritables dangers de la destruction des habitats.
Alors, avec plus de connaissances, je crois que notre secteur du poisson sauvage peut être vigoureux, mais, si, dans l'océan, les poissons sont attrapés par quiconque est là pour les pêcher, nous allons en ressentir les effets. Je veux dire, il n'y a pas l'ombre d'un doute pour moi, et je me trompe peut-être, car je ne viens pas de la côte Atlantique, mais je crois que c'est la surpêche qui a causé l'effondrement de la pêche à la morue.
Le président : J'aimerais que le chef ait la possibilité de répondre maintenant.
La sénatrice Raine : Je veux dire une dernière chose : nous devons garder l'esprit ouvert.
M. Chamberlin : Je vous en suis reconnaissant et je vous sais gré de me donner la chance de préciser ma déclaration. Lorsque j'ai mentionné que j'étais surtout préoccupé par les titres et ce que notre nation veut voir sur son territoire, l'arrêt de la Cour suprême ne précise pas que notre titre doit être fondé sur des données scientifiques. Notre titre existe, et la Couronne a pour projet d'imposer sa volonté à cet égard.
Quant aux données scientifiques, je pense à la Commission Cohen, au travail du juge Cohen, au grand nombre de journées, aux 26 millions de dollars, au grand nombre de témoins et à toutes sortes d'articles scientifiques. Cet examen judiciaire a donné lieu à un bon corpus scientifique. Il est impartial, alors je fais confiance au résultat et aux recommandations. J'estime que le processus était très rigoureux. J'examinerais aussi, comme je l'ai mentionné auparavant, le rapport final du Pacific Salmon Forum; encore une fois, cela provient de gens très crédibles, qui possèdent beaucoup de titres de compétence examinant les données scientifiques et formulant des recommandations. C'est ce que je considère comme de la science; c'est ce qui doit être fait. Nous devons respecter le travail existant. Pouvons-nous faire plus de travail scientifique? Certes. Va-t-il être indépendant? C'est l'une des préoccupations que partagent ceux d'entre nous qui soutiennent la recommandation du juge Cohen concernant le conflit inhérent touchant le MPO; à savoir soutenir l'industrie et protéger le saumon sauvage, alors il y a un manque d'objectivité en ce qui concerne le travail scientifique en général.
Une autre question s'impose, et c'est celle de savoir le type de tests effectués; et, bien sûr, je vous invite tous à examiner le régime de test auprès des animaux sauvages de l'Agence canadienne d'inspection des aliments et à parler à vos amis chercheurs. Je sais, parce que j'ai parlé à des gens qui ont vraiment examiné la chose, que le processus est conçu pour ne rien dépister, mais il représente un excellent argument devant les tribunaux. Je crois que nous devons être conscients de la pertinence scientifique de cela — de l'importance des données objectives qui ne sont pas le fruit d'une intention particulière — et je crois que nous pourrions arriver à cela avec l'aide de nos universités, qui aspirent toujours à une plus grande connaissance.
Quant à ceux qui pêchent peut-être notre poisson au large, j'avancerais ce qui suit, et je reviens assez souvent sur ce point lorsqu'il est question de réchauffement climatique et de disponibilité alimentaire et ce genre de choses : si notre nation pouvait inverser les changements climatiques au moyen de la consultation, je peux vous assurer qu'elle le ferait, mais nous ne le pouvons pas. Alors, pour ce qui est des facteurs ayant une incidence sur le saumon sauvage, ce qui m'intéresse, ce sont les choses que je peux atteindre et dire qu'il faut changer, car elles entraînent des répercussions, et il faut accorder la priorité à ces choses par rapport aux choses qu'on ne peut pas changer, afin de protéger ce qu'il nous reste du saumon sauvage. J'espère que cela répond à votre question.
Le président : Merci, chef.
La sénatrice Raine : Je regardais ici un passage du rapport Cohen, portant sur le déclin du saumon rouge du Fraser. Il indique que « les données dont dispose la Commission n'indiquent en rien que les fermes salmonicoles nuisent sensiblement au saumon rouge du Fraser ». Alors, nous devons tous faire bien attention à la façon dont nous interprétons ces choses et aux évaluations que nous en faisons.
Le président : Voilà pour vos 30 secondes, et vous avez 30 secondes pour répondre.
M. Chamberlin : Une partie de la recommandation que j'aimerais vous signaler, c'est lorsque le juge Cohen a dit que les emplacements existants pour l'élevage du saumon n'avaient pas fait l'objet d'une évaluation en fonction des voies de migration du saumon sauvage. Ces données figurent dans le rapport, et on ajoute que l'élevage entraîne les plus grandes répercussions potentielles pour le saumon rouge du fleuve Fraser. Merci.
Le président : Merci beaucoup. Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons fait preuve de souplesse pour ce qui est du temps, simplement parce que nous avons tenu une excellente conversation ici ce soir. Je suis certain que nous pourrions rester encore longtemps. Nous sommes ici depuis tôt ce matin, et je tiens à remercier les sénateurs, le personnel et vous, chers témoins, de vos commentaires ici ce soir.
C'était une occasion fantastique d'entendre la voix des Premières Nations qui jouent un rôle très important dans cette industrie, dans la province et dans le pays. Certes, si vous aimeriez préciser un point parce que vous n'en avez pas eu l'occasion ici ce soir, n'hésitez pas à le faire parvenir au greffier du comité. Notre étude est en cours, et nous espérons présenter un rapport en juin de l'an prochain. Nous ne précipitons rien. Nous entendons toutes les parties et espérons formuler des recommandations pour l'industrie à l'avenir. Encore une fois, je vous remercie beaucoup.
(La séance est levée.)