Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 5 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 1er avril 2014
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 18 h 15, afin d'étudier la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada.
Le sénateur Fabian Manning (président) assure la présidence.
[Translation]
Le président : Je souhaite la bienvenue à nos invités et m'excuse de notre retard, mais cela est hors de notre contrôle. Nous vous remercions de votre patience. Nous tenions à vous entendre ce soir afin de faire avancer notre étude sur l'aquaculture.
Avant d'aller plus loin sur les raisons pour lesquelles nous sommes là ce soir et après consultation avec la vice- présidente, j'aimerais, si vous me le permettez, prendre quelques instants pour parler du triste anniversaire que commémore aujourd'hui Terre-Neuve-et-Labrador. Au cours de cette fin de semaine il y a un siècle, on a perdu 250 marins du SS Newfoundland et du SS Southern Cross dans la grande tragédie ayant frappé les chasseurs de phoque en 1914. Ce fut un triste moment de notre fière histoire de peuple de marins à Terre-Neuve-et-Labrador. Si vous souhaitez en savoir davantage sur cette catastrophe, un excellent livre a été écrit en 1972 intitulé Death On the Ice, de Cassie Brown. Hier, l'Office national du film a publié un court métrage intitulé 54 Hours. Il fournit une explication passionnante des faits et il est disponible gratuitement. Hier soir, au cours du bulletin de nouvelles The National de CBC, Reg Sherren a fait un reportage sur ces événements, un reportage très inspirant et passionnant.
Avant d'entamer la séance de soir et afin de souligner cet important anniversaire, nous observerons une minute de silence à la mémoire des hommes qui ont perdu leur vie, et des familles et des collectivités au pays qui ont été touchées par ces événements.
[Minute de silence.]
Merci. Qu'ils reposent en paix.
Mesdames et messieurs, j'ai le plaisir de vous souhaiter la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Je m'appelle Fabian Manning. Je suis sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et je suis ravi de présider ce comité. Avant de céder la parole à nos témoins, je demanderais aux membres du comité de bien vouloir se présenter.
La sénatrice Raine : Sénatrice Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.
Le sénateur McInnis : Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Hubley : Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
Le sénateur Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le président : Le comité poursuit son étude spéciale sur la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada et nous avons le grand plaisir d'accueillir parmi nous M. Daniel Chaput, directeur général, Direction des médicaments vétérinaires, Direction générale des produits de santé et des aliments de Santé Canada; John Worgan, directeur, Bureau de l'évaluation et du contrôle des substances nouvelles, Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs de Santé Canada et Jason Flint, directeur, Division des politiques et des affaires réglementaires, Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada.
Une fois encore je vous remercie de votre patience et de nous avoir attendu ce soir. J'ai cru comprendre que vous aviez des déclarations préliminaires et nous passerons ensuite aux questions des sénateurs. Vous avez la parole.
[English]
Jason Flint, directeur, Division des politiques et des affaires réglementaires, Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, Santé Canada : Bonjour, monsieur le président, honorables membres du comité. Je m'appelle Jason Flint. Je suis le directeur de la Division des politiques et des affaires réglementaires à l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada. Je suis heureux de me retrouver parmi vous aujourd'hui pour pouvoir répondre aux questions que vous vous posez sur la réglementation des pesticides, en fonction de l'étude que vous avez menée sur l'industrie de l'aquaculture au Canada.
[Translation]
L'industrie de l'aquaculture utilise des pesticides et des médicaments vétérinaires pour combattre les maladies et les infestations d'organismes nuisibles, mais la distinction entre ces deux types de produits ne saute pas aux yeux. Les médicaments vétérinaires sont habituellement injectés dans l'animal ou ajoutés à leur régime alimentaire, alors que les pesticides sont appliqués extérieurement dans le but de supprimer un organisme nuisible, ce qui, en aquaculture, signifie que le produit est ajouté à l'eau où vivent les poissons.
Les pesticides utilisés au Canada sont réglementés en vertu de la Loi sur les produits antiparasitaires. Comme il s'agit de substances dangereuses en soi, la loi exige d'en évaluer les risques d'après des données scientifiques et d'imposer des restrictions quant aux façons de les utiliser afin de prévenir tout risque inacceptable pour la santé humaine ou l'environnement. En plus d'examiner de manière rigoureuse et scientifique tous les nouveaux pesticides avant leur mise en marché, nous déployons des activités de conformité et d'application de la loi, réévaluons les produits plus anciens selon le cycle établi et retirons du marché les pesticides qui ne respectent plus les normes scientifiques en vigueur.
Comme pour les médicaments vétérinaires, Santé Canada fixe également des limites maximales pour les résidus de pesticides présents dans les poissons d'élevage afin de garantir que les humains ne seront pas exposés à des effets nocifs pour la santé même s'ils consomment cet aliment chaque jour au cours de leur vie.
Santé Canada emploie des scientifiques issus d'un grand nombre de disciplines différentes dans le but d'évaluer rigoureusement les pesticides dont l'utilisation est proposée au Canada. Nous examinons le pesticide tel qu'il se présente, c'est-à-dire ses caractéristiques physiques et chimiques, sa toxicité pour divers organismes ainsi que la façon dont il sera utilisé dans le but de déterminer la possibilité qu'une personne ou un milieu y soit exposé et la durée de cette exposition. Une évaluation de la valeur est menée afin d'établir l'efficacité du produit, les effets de son utilisation sur les organismes hôtes, ses avantages pour la santé, la sécurité ou l'environnement et ses répercussions sur l'économie et la société. Une évaluation des risques pour la santé humaine est réalisée pour examiner les risques professionnels chez les travailleurs qui manipulent les produits et pour évaluer l'exposition possible des tierces personnes. Les risques liés à l'exposition par le régime alimentaire sont aussi évalués si le pesticide est destiné à être utilisé sur des aliments, en étant appliqué par exemple sur des cultures ou dans les élevages de poisson.
L'évaluation des risques pour l'environnement tient compte de facteurs tels que le déplacement du pesticide dans le milieu, son mode de dégradation et son impact potentiel sur les organismes non ciblés.
L'homologation d'un pesticide conformément à la Loi sur les produits antiparasitaires n'est accordée que si ces évaluations montrent que le produit peut être utilisé sans danger. Un produit doit être homologué avant d'être importé, fabriqué, vendu ou utilisé au Canada. Il est interdit d'utiliser un pesticide non homologué ainsi qu'un pesticide homologué sans respecter ses conditions d'homologation.
Comme c'est le cas avec d'autres usages limités, le manque de produits homologués pour lutter contre le pou du poisson a parfois nécessité l'octroi d'homologation d'urgence pour aider l'industrie de l'aquaculture. Les homologations d'urgence sont similaires aux distributions de médicaments vétérinaires d'urgence; elles sont utilisées pour combattre, en situation critique, les infestations qui peuvent entraîner d'importants problèmes d'ordre économique, environnemental ou sanitaire, en l'absence d'autres moyens de lutte acceptables. Ce type d'homologation est seulement valide pour un an et est évalué en fonction d'une seule saison d'utilisation.
Nous accordons des homologations d'urgence aux produits antiparasitaires en réponse aux demandes de l'organisme provincial ou fédéral responsable de la gestion directe du problème d'organismes nuisibles. Nous collaborons étroitement avec nos collègues des échelons fédéral et provincial en vue de réglementer les produits utilisés en aquaculture pour combattre les organismes indésirables. Nous travaillons de concert avec les provinces pour déployer les activités de conformité et d'application de la loi et nous misons sur leurs connaissances des conditions locales. Nous avons consulté Pêches et Océans Canada et Environnement Canada au sujet des méthodes scientifiques en usage pour caractériser les risques des conditions d'homologation proposés. Nous leur avons également transmis les résultats de nos évaluations des risques. Nous continuerons à appuyer nos collègues à Pêches et Océans Canada pendant que des projets de réglementation sont élaborés aux termes de la Loi sur les pêches dans le but de garantir une sécurité juridique à l'industrie de l'aquaculture ayant recours aux médicaments vétérinaires et aux pesticides évalués et autorisés par Santé Canada.
Le Canada dispose d'un excellent système de réglementation des pesticides reconnu partout dans le monde, système qui se spécialise dans la protection de la santé et de l'environnement. Nous nous sommes engagés à entretenir une collaboration avec les partenaires du Canada et de l'étranger afin de veiller à ce que les Canadiens continuent de bénéficier d'un système de réglementation efficace et performant.
Je tiens à vous remercier de m'avoir accordé cette audience. Je répondrai avec plaisir à toutes les questions que vous aurez.
[English]
Dr Daniel Chaput, directeur général, Direction des médicaments vétérinaires, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada : Bonsoir, monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité. Je suis Daniel Chaput, directeur général de la Direction des médicaments vétérinaires de Santé Canada. Il me fait plaisir, ce soir, d'avoir l'occasion de discuter avec vous de l'approbation des médicaments vétérinaires au Canada, et plus spécifiquement dans le domaine de l'aquaculture.
[Translation]
La Direction des médicaments vétérinaires de Santé Canada mène ses activités en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et son règlement d'application. La direction régit la vente de médicaments vétérinaires alors que l'usage des médicaments est de compétence provinciale-territoriale. Notre mandat est de protéger la santé humaine et animale et d'assurer la sécurité des approvisionnements alimentaires, de même que d'encourager l'utilisation prudente des médicaments vétérinaires chez les animaux destinés à l'alimentation et chez les animaux de compagnie.
Avant qu'un produit vétérinaire ne puisse être vendu au Canada, toute demande est assujettie à une évaluation scientifique rigoureuse visant à démontrer que le produit proposé ne pose aucun risque pour les animaux auxquels il est destiné, est efficace pour les fins prévues, est fabriqué selon des normes de qualité rigoureuse, et en ce qui concerne les médicaments utilisés chez les animaux destinés à l'alimentation, ne laisse aucun résidu éventuellement nocif dans les aliments. Comme dans le cas des pesticides, nous établissons une limite maximale de résidus pour chaque espèce.
Pour pouvoir mettre un médicament vétérinaire sur le marché, la compagnie pharmaceutique doit d'abord présenter à Santé Canada une demande comprenant des données scientifiques pertinentes à l'appui. Compte tenu de la nature mondiale de l'industrie pharmaceutique, Santé Canada encourage les demandeurs à fournir avec leur présentation des renseignements sur les approbations pertinentes obtenues à l'étranger ainsi que des études scientifiques sur le produit de façon à éviter d'avoir à produire de nouvelles données, lorsque c'est possible. Nous avons des ententes d'échange de renseignements avec un certain nombre d'homologues internationaux, ce qui contribue à simplifier le processus d'approbation sans compromettre la sécurité.
Le Canada compte 10 médicaments vétérinaires utilisés en aquaculture, la majorité étant ajoutée à l'alimentation des poissons. Santé Canada dispose également d'un programme de médicaments d'urgence ayant pour but de faire face à des situations critiques en donnant accès à un produit non approuvé en temps opportun. Grâce à ce programme, Santé Canada permet aux vétérinaires d'obtenir des quantités limitées de médicaments non approuvés pour la vente au Canada pour des traitements urgents administrés sous leur supervision médicale directe. Le fabricant doit fournir à Santé Canada des preuves adéquates que le médicament ne présente pas de risque connu pour la santé chez les animaux à traiter et chez les humains. Le vétérinaire est entièrement responsable de la santé des animaux traités et de toute infraction aux normes concernant les résidus chez les animaux destinés à l'alimentation.
Une fois qu'un médicament est mis sur le marché au Canada, les entreprises sont tenues d'en contrôler l'innocuité et de signaler à Santé Canada toute information importante notamment, les effets secondaires graves, aussi appelés effets indésirables des médicaments, dont toute défaillance du produit. Elles doivent aussi nous communiquer toute étude dont elles disposent faisant état de nouveaux renseignements au plan de l'innocuité, de même que de tout rappel du produit dans d'autres pays.
Santé Canada joue également un rôle important dans la surveillance de l'innocuité et de l'efficacité des médicaments vétérinaires, et reçoit des rapports de dommages de diverses sources telles que de vétérinaires et de propriétaires d'animaux de compagnie. Selon le nombre et la gravité des rapports reçus, on peut prendre l'une des mesures suivantes : changer l'étiquetage pour ajouter de nouveaux avertissements, rappeler un médicament particulier ou un lot particulier de médicaments, ou encore, dans de rares cas, retirer complètement du marché le médicament.
Outre l'ensemble de ces mesures d'innocuité, la surveillance de la conformité et de l'application des règlements est partagée avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui se charge de contrôler les limites maximales de résidus dans les aliments. Aux termes de la Loi sur les aliments et drogues, l'inspectorat de la Direction générale des produits de santé et des aliments entreprend diverses activités de surveillance de la conformité et d'application de la loi, notamment des inspections des bonnes pratiques de fabrication, de même que des enquêtes sur les produits.
[English]
Monsieur le président, membres du comité, ceci conclut mon sommaire du rôle de Santé Canada dans l'approbation des médicaments vétérinaires. Merci de votre attention. Il me fera plaisir de répondre à vos questions.
John Worgan, directeur, Bureau de l'évaluation et du contrôle des substances nouvelles, Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, Santé Canada : Bonsoir, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Comme vous le savez, je m'appelle John Worgan et j'occupe le poste de directeur du Bureau de l'évaluation et du contrôle des substances nouvelles de Santé Canada. Je suis heureux d'être ici parmi vous, aujourd'hui, pour répondre aux questions que vous pourriez avoir sur l'évaluation des substances en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, dans la mesure où elle concerne votre étude de l'industrie de l'aquaculture au Canada.
La Loi canadienne sur la protection de l'environnement, ou la LCPE, est un important pilier de la législation fédérale en matière d'environnement du Canada. Elle vise à protéger la population canadienne et l'environnement contre la pollution et l'exposition aux produits chimiques.
[Translation]
Alors qu'Environnement Canada assure l'application de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, Environnement Canada et Santé Canada évaluent et gèrent de façon conjointe les risques liés aux substances dangereuses en vertu de cette loi. Ils effectuent ces tâches de plusieurs façons, notamment dans le cadre du régime des nouvelles substances qui exige la notification de préfabrication ou de pré-importation et l'évaluation des substances considérées comme nouvelles au Canada, conformément au Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles, ou RRSN, de la LCPE. En vertu de la LCPE, les substances sont considérées comme nouvelles si elles ne figurent pas sur la liste intérieure des substances. Créée en 1994, cette liste comprend des substances vendues dans le commerce au Canada entre 1984 et 1986, de même que de nouvelles substances ayant été introduites depuis sur le marché et respectant des conditions précises.
Les nouvelles substances sont assujetties au RRSN à moins qu'elles ne soient soumises à une autre loi fédérale qui comporte des exigences similaires en matière de notification et d'évaluation. Étant donné que l'évaluation des médicaments vétérinaires en vertu de la Loi sur les aliments et drogues ne tient pas compte des possibles répercussions sur l'environnement, les nouveaux médicaments vétérinaires sont assujettis au RRSN. En vertu du protocole d'entente conclu entre Environnement Canada et Santé Canada, ces évaluations sont menées par Santé Canada.
Le RRSN exige des fabricants ou des importateurs d'une nouvelle substance qu'ils avisent le gouvernement de la fabrication ou de l'importation et qu'ils fournissent les données exigées. Les exigences en matière de données prévues par le règlement sont progressivement établies en fonction du type et de la quantité de la nouvelle substance.
À la réception de la notification, une évaluation des risques fondée sur la science est menée pour déterminer si la substance pourrait être nocive pour l'environnement ou la santé humaine. Cette évaluation doit être réalisée dans le respect du délai rigoureux prévu par le règlement. Dans le cadre de notre évaluation, nous tenons compte des propriétés physiques et chimiques de la substance, de ses quantités et utilisations proposées ainsi que de son comportement dans l'environnement et de ses répercussions sur différents mammifères et organismes aquatiques. Lorsque l'évaluation permet de cerner un risque qui pourrait être source de préoccupation, la LCPE confère au ministre le pouvoir de prendre des mesures pour atténuer le risque.
De plus, dans le cadre du Plan de gestion des produits chimiques, un certain nombre de produits pharmaceutiques feront l'objet d'une évaluation préliminaire. Cette évaluation se déroule sans notification; cependant, comme dans le cas de l'évaluation d'une nouvelle substance, lorsqu'elle permet de cerner un risque qui pourrait s'avérer inquiétant, les mesures appropriées sont prises pour gérer ces risques.
Nous travaillons, et continuerons de travailler, en étroite collaboration avec nos collègues fédéraux à l'élaboration de nouveaux règlements en vertu de la Loi sur les pêches afin d'assurer l'utilisation convenable de médicaments vétérinaires en aquaculture.
Monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité, voilà qui conclut mon résumé du rôle que joue Santé Canada dans l'évaluation des incidences environnementales que pourraient avoir l'utilisation de médicaments vétérinaires dans l'industrie de l'aquaculture. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Le président : Merci à nos témoins de leurs déclarations préliminaires. Nous allons entamer les questions.
La sénatrice Hubley : Bienvenue et merci de vos exposés.
Vous savez peut-être que nous avons étudié l'industrie de l'aquaculture en Colombie-Britannique. On nous avait dit que l'un des principaux problèmes auxquels cette industrie était confrontée était lié au fait que le cadre réglementaire, à l'échelon provincial et fédéral, était encombrant. Pendant que j'écoutais votre exposé, j'ai souligné le Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, Environnement Canada et Santé Canada, la Loi sur les aliments et drogues, et le plan de gestion des produits chimiques. Il me semble qu'on nous a dit qu'il y avait 70 critères auxquels doit satisfaire l'industrie de l'aquaculture avant d'avoir le feu vert. Il me semble qu'il y avait un certain nombre d'obstacles à ce processus qui pourraient être améliorés.
À la lumière de ce cadre que nous estimons complexe, lourd et coûteux, j'aimerais savoir dans quelle mesure Santé Canada et l'ARLA participent à l'amélioration du cadre réglementaire relatif à l'aquaculture?
Dr Chaput : En effet, nous sommes conscients de la complexité de la situation. De concert avec d'autres ministères, notamment celui de Pêches et Océans, Santé Canada a planché sur une modification visant à rationaliser l'approche réglementaire autant que faire se peut.
Cela dit, la question reste complexe. Par exemple, avant qu'un médicament vétérinaire ne soit utilisé dans le marché, nous devons nous assurer de son innocuité pour les utilisateurs ainsi que pour les consommateurs. On ne peut faire autrement. Mais plusieurs ministères, notamment celui des Pêches et des Océans, travaillent ensemble à l'amélioration du cadre réglementaire.
M. Flint : Nous travaillons avec le ministère des Pêches et des Océans qui s'apprête à examiner le règlement en vigueur, et mettre en place un règlement relatif à l'article 36 de la Loi sur les pêches. L'article 36 prévoit une interdiction de dépôt de substances nocives, catégorie dans laquelle sont parfois classés les pesticides.
En février, on a annoncé un règlement du gouverneur en conseil dans la partie 1 de la Gazette du Canada, et un nouveau décret de désignation définit les rôles du MPO et du ministère de l'Environnement.
En ce qui concerne les activités de conformité relatives à l'application de l'article 36, nous aurons affaire à Pêches et Océans Canada, plutôt qu'à Environnement Canada. Nous travaillons de près avec nos collègues pour veiller à ce qu'au fil des changements, nous continuions de nous occuper des questions de conformité avec nos collègues du ministère des Pêches et des Océans.
De plus, nous entretenons des relations avec toutes les provinces où nous nous trouvons. Nous sommes rarement seuls pour nous occuper des plaintes et des activités d'application; nous sommes généralement épaulés par Environnement Canada, le ministère des Pêches et des Océans, ou encore les provinces afin d'éviter de répéter inutilement les efforts, ou de semer la confusion en imposant des systèmes concurrentiels.
M. Worgan : Même chose pour le Plan de gestion des produits chimiques en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, ou LCPE : nous étudions une révision du régime réglementaire en coopération avec le ministère des Pêches et des Océans et Environnement Canada. Le Plan de gestion des produits chimiques nous amène à avoir des rapports fréquents avec de nombreux autres intervenants.
Bien que le système puisse paraître lourd, nous avons des contacts constants avec nos partenaires du programme des médicaments vétérinaires, de l'ARLA et d'Environnement Canada. Nous collaborons tous étroitement au dossier.
La sénatrice Hubley : J'aimerais qu'on apporte une précision. Dans certains exposés, vous avez parlé d'animaux et d'autres choses du genre. Considérez-vous l'aquaculture comme étant une activité d'élevage de poisson, ou plutôt une activité de pêche?
Dr Chaput : Nous considérons l'aquaculture comme étant une activité d'élevage de poisson. Même chose pour les animaux et les animaux aquatiques.
Le sénateur McInnis : Vous faites cette déclaration, et je sais bien que vous ne représentez pas le ministère des Pêches, mais la Cour supérieure de la Colombie-Britannique a statué que, du moins en Colombie-Britannique, l'aquaculture relève des pêches et non pas de l'agriculture. Aimeriez-vous préciser vos propos?
Dr Chaput : Je vais vous parler de la perspective d'un responsable de la réglementation des médicaments vétérinaires. Lorsqu'une entreprise nous présente une demande pour utiliser un médicament en aquaculture, nous y appliquons les mêmes exigences que pour un médicament administré à un animal terrestre. Le produit doit satisfaire les mêmes exigences en matière de sécurité, d'efficacité et de qualité. Voilà le parallèle, selon moi, peu importe qu'il s'agisse d'élevage ou non. D'un point de vue réglementaire, les exigences sont les mêmes.
Le sénateur McInnis : Partout au pays?
Dr Chaput : Oui, les mêmes exigences partout.
Le sénateur Wells : À ce que je comprends, vous travaillez tous en étroite collaboration, n'est-ce pas?
Dr Chaput : Oui.
M. Flint : Oui.
M. Worgan : Oui.
Le sénateur Wells : Quand je pose une question à quelqu'un et que je vous vois échanger des regards, je comprends qu'il serait peut-être plus approprié de la poser à quelqu'un d'autre.
J'ai une question sur le ruissellement agricole. Tout ruissellement agricole finit un jour ou l'autre dans l'océan. Est- ce que l'on tient compte des effets possibles sur les fermes piscicoles des pesticides agricoles qui finissent par s'écouler dans l'océan? Est-ce un des éléments pris en compte?
M. Flint : Pas pour les fermes piscicoles particulièrement, mais pour les poissons en général. Si on répand un pesticide dans un champ, par exemple, et qu'il ruisselle ensuite dans un cours d'eau naturel, nous envisageons les répercussions potentielles que cela peut avoir sur les poissons à l'état naturel : pas seulement l'aquaculture, tout l'environnement.
Le sénateur Wells : Je crois que c'est M. Worgan qui a parlé d'études sur les pesticides ou les médicaments pas encore approuvés ou non approuvés. Dans ces cas, qui fournit l'étude? Le fabricant, l'utilisateur final ou une entité indépendante? D'où viennent ces études?
M. Worgan : Dans le cas de nouvelles substances pour l'évaluation environnementale de médicaments, ce serait le déclarant, c'est-à-dire soit l'importateur soit le fabricant, qui est tenu de fournir les données requises par la réglementation. La réglementation requiert des études précises, que nos équipes d'évaluation examinent quand elles leur sont fournies par le déclarant.
Le sénateur Wells : Qu'est-ce qu'un déclarant?
M. Worgan : Le déclarant est soit l'importateur, soit le fabricant.
Le sénateur Wells : Qu'est-ce qui garantit la véracité des constatations de ces études? Est-ce qu'il s'agit d'études indépendantes fournies par le déclarant ou d'études effectuées à l'interne?
M. Worgan : Il pourrait y avoir plusieurs sources. Par exemple, si nous effectuons une réévaluation d'un médicament vétérinaire et de ses répercussions sur l'environnement, nous considérons non seulement les études effectuées et fournies par l'industrie mais tout ce qu'il peut y avoir d'autre dans le domaine public : documents ou évaluations provenant d'autres agences de réglementation, par exemple.
Quoi qu'il en soit, nos scientifiques effectuent des examens rigoureux de l'information disponible, afin de déterminer si, oui ou non, une substance est susceptible de nuire à l'environnement.
Le sénateur Wells : Est-ce que cela inclut les effets potentiellement nocifs sur le produit « aqua-cultivé »?
Dr Chaput : La salubrité des produits alimentaires relève en fait de la Loi sur les aliments et drogues et de sa réglementation. C'est une question qui pourrait nous intéresser. Ce qu'a dit John quant à l'origine de l'étude s'appliquerait également dans notre cas. L'étude peut être fournie par le fabricant, être de l'information publique ou, souvent, être produite par nos homologues internationaux, avec lesquels nous avons plusieurs ententes de partage d'information confidentielle.
La sénatrice Hubley : J'ai une question complémentaire à celle du sénateur Wells, sur laquelle j'aimerais insister. Si vous autorisez l'application d'un produit à une récolte sur les terres — un pesticide —, est-ce que vous avez également vérifié qu'il ne présenterait pas de danger pour un poisson dans l'eau?
M. Flint : Je ne suis pas sûr de comprendre. Vous demandez si le produit pourrait être appliqué dans l'eau?
La sénatrice Hubley : Non, en cas de ruissellement. En d'autres termes, les pesticides répandus sur les récoltes sont- ils aussi sûrs ou leur sécurité pour les poissons à l'état sauvage est-elle problématique?
M. Flint : L'objectif consiste à mettre en place des mesures d'atténuation pour empêcher qu'il ne se retrouve dans l'eau. Idéalement, le pesticide devrait rester dans les champs. Lorsqu'on approuve un produit pour une utilisation terrestre, on prévoit en général des zones tampon pour établir une séparation entre l'eau et la lisière du champ de l'agriculteur afin que les pesticides ne se retrouvent pas dans l'eau. C'est ce qui est privilégié. Nous adoptons des mesures d'atténuation pour empêcher que cela ne se produise.
La sénatrice Hubley : Je conviens que ce soit l'approche privilégiée, mais ce n'est pas toujours ainsi que les choses se passent. C'est la raison pour laquelle je voulais savoir si on accordait de l'importance au fait que ce qui est répandu sur les terres peut se retrouver ailleurs et causer du tort.
M. Flint : On en tient compte.
La sénatrice Stewart Olsen : Messieurs, j'ai quelques petites questions concernant les pesticides. Comment sont-ils appliqués, de façon générale? On compte tant des parcs en filet que des parcs clos. Je peux comprendre que ça soit plus facile en parcs clos, mais comment appliquer ces pesticides dans des parcs en filet?
M. Flint : Ils sont appliqués de diverses façons. Tout d'abord, on peut placer une jupe ou une bâche autour du parc pour créer temporairement un circuit fermé pendant l'application du pesticide. Ensuite, pour certains produits, on se sert de bateaux-viviers : on transfère les poissons du parc vers le bateau pour qu'ils y soient traités, puis, une fois le traitement terminé, on les remet dans le parc.
La sénatrice Stewart Olsen : J'ai une autre question sur les pesticides, qui concerne l'étude des effets. Est-ce que Santé Canada, ou une autre entité, procède à l'échantillonnage des poissons qui ont été traités à la capture, avant qu'ils ne soient mis sur le marché?
M. Flint : L'Agence canadienne d'inspection des aliments est responsable des résidus dans l'alimentation. C'est elle qui se charge de l'échantillonnage des produits de consommation. Nous faisons l'échantillonnage de poissons dans le cadre de nos programmes d'inspection. Nous vérifions alors la conformité et prenons des échantillons avant la récolte.
La sénatrice Stewart Olsen : Non, je parle précisément de ceux pour lesquels on a eu l'autorisation d'utiliser des pesticides. Est-ce qu'on accorde une attention particulière à la récolte de ces poissons qui ont été traités avec des pesticides?
M. Flint : Cela fait partie des programmes de surveillance des résidus de l'Agence d'inspection des aliments. On adopterait la même approche que pour n'importe quel autre fruit, légume ou produit de viande offert au consommateur canadien.
La sénatrice Stewart Olsen : On peut donc le garantir au consommateur, même si on a utilisé des pesticides? Quels genres de pesticides utilisez-vous? Donnez-moi quelques exemples et des noms.
M. Flint : Il n'y en a en fait que deux qui soient utilisés pour le moment : le produite appelé Salmosan qui est composé d'azaméthiphos, et du peroxyde d'hydrogène.
La sénatrice Stewart Olsen : C'est vrai, nous en avons entendu parler. Il s'agirait alors d'une application en surface, et non par ingestion?
M. Flint : Le produit est appliqué dans l'eau où se trouvent les poissons.
La sénatrice Stewart Olsen : Quelqu'un a parlé de médicaments dans leur alimentation. Quels genres de médicaments ajouterait-on aux aliments pour poisson?
Dr Chaput : Comme je l'ai dit, environ 10 médicaments ont été approuvés. Nombre d'entre eux sont des agents antiparasitaires, comme celui pour le pou du poisson, dont le nom commercial est SLICE. C'est tout à fait typique. On compte aussi quelques antibiotiques pour lutter contre les bactéries.
La sénatrice Stewart Olsen : Les études sont-elles menées de la même façon pour les poissons qui ont été traités avant qu'ils ne soient mis en marché? Est-ce que ces poissons sont examinés et surveillés?
Dr Chaput : Les poissons qui ont été traités avec des médicaments vétérinaires ou des pesticides sont assujettis au programme d'échantillonnage de routine de l'Agence d'inspection des aliments, donc il y a échantillonnage, tout comme pour les aliments, les légumes et les autres denrées alimentaires.
La sénatrice Stewart Olsen : Vous dites qu'il s'agit d'inspections régulières, mais j'aimerais savoir ce que vous entendez par-là.
Dr Chaput : L'ACIA fait l'échantillonnage de milliers de denrées alimentaires diverses par année. Il s'agit-là d'une évaluation aléatoire aux limites maximales de résidus. On publie ensuite un rapport annuel, qui révèle en général un haut taux de conformité. Ces rapports sont toujours publiés sur le site web.
La sénatrice Stewart Olsen : Pouvez-vous garantir à la population canadienne qui achète du poisson d'élevage qu'il s'agit d'un produit sûr approuvé par Santé Canada?
Dr Chaput : Je dirais qu'il y a de nombreux contrôles réglementaires en place pour veiller à ce que le poisson soit sûr.
La sénatrice Stewart Olsen : Je comprends.
Dr Chaput : Et pour tout vous dire, j'en mange moi-même.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci.
Le sénateur Enverga : Dans le cadre de l'élaboration de vos politiques et de vos règlements concernant les pesticides et autres produits du même genre, discutez-vous avec d'autres pays, comme la Norvège ou le Chili, pour établir ces politiques et mettre en commun les renseignements concernant le genre de produits chimiques qui seront utilisés dans l'eau? Avez-vous une telle coopération?
M. Flint : Oui. Nous travaillons de façon plus générale sur les pesticides. Nous collaborons avec les pays de l'OCDE en ce qui concerne la réglementation sur les pesticides. Nous avons des protocoles normalisés et des méthodes d'analyse pour l'évaluation. Un nombre restreint de produits sont utilisés en aquaculture par des pays tels que la Norvège, le Chili et l'Écosse. Nous avons rencontré certaines des autorités de réglementation de ces pays pour savoir comment elles ont abordé ces défis. Je le répète, seulement un nombre limité de produits chimiques sont utilisés dans le monde.
La situation varie également d'un pays à l'autre. Par exemple, la situation dans la baie de Fundy est bien différente de celle des parcs en eaux profondes qu'on retrouve peut-être au large des côtes de Terre-Neuve ou au nord de l'Écosse, ou encore en Norvège. Nous étudions également ces différences.
M. Worgan : En ce qui concerne les nouveaux produits pour utilisation aquacole, nous travaillons également en étroite coopération avec d'autres agences de réglementation par l'entremise de l'OCDE, de même qu'avec l'USEPA. Par exemple, si une autre agence de réglementation a déjà effectué des évaluations, nous en tiendrions compte dans nos propres évaluations. Nous entretenons des contacts étroits avec les autres agences de réglementation.
Le sénateur Enverga : Je crois comprendre qu'on fait également de l'aquaculture sur le continent. Établissez-vous une distinction entre ce genre d'aquaculture et celle en mer? Est-ce qu'une seule ou les deux vous concernent?
M. Flint : Nous approuvons les produits pour utilisation dans des circuits fermés ou en milieu marin. Les deux pouvaient être approuvés. Je ne pense pas qu'on fasse de distinction entre les deux. L'aquaculture est l'une des catégories d'utilisation que nous examinons.
Le sénateur Enverga : D'après votre expérience, quelle est la meilleure option : l'aquaculture en eau douce ou en milieu marin? Je vois que le pou du poisson est l'un des principaux problèmes en aquaculture. Je ne peux pas m'imaginer que des poux du poisson soient présents en eau douce.
Dr Chaput : Cela ne relève pas vraiment de nous. Nous nous assurons habituellement que les produits utilisés sont sûrs et efficaces. Je ne pense pas que nous puissions nous prononcer sur cette question.
Le sénateur Enverga : Vous ne traiteriez pas ce genre d'information? Dans ce cas, ma prochaine question porte sur les antibiotiques.
Je siège au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, où nous étudions les médicaments et la façon dont les organismes développent des caractéristiques leur permettant de se soustraire à l'action des produits chimiques. Cela se produit-il habituellement chez les organismes en aquaculture?
Dr Chaput : En aquaculture, on a recours à certains antibiotiques, qui ne doivent être employés que sous surveillance vétérinaire pour veiller à ce que tout se fasse judicieusement, et sans entraîner de risques inutiles.
Mon collègue me rappelle que certains vaccins ont également été approuvés en aquaculture, ce qui a pour effet de réduire l'utilisation d'antibiotiques. Il s'agit là d'une solution de rechange aux antibiotiques.
Le sénateur McInnis : J'ai l'impression qu'il règne une profonde confusion sur l'aquaculture en général. C'est un domaine au brillant avenir, et comme mon collègue l'a dit, il concerne plus de 60 ministères et organisations.
Vous avez évoqué l'article 36 de la Loi sur les pêches et les règlements y afférant. Il y a environ 14 ans, le ministère des Pêches et des Océans avait indiqué son intention de mettre en place un règlement pour contrôler le dépôt de substances nocives dans l'eau. Bien sûr, cela a fait l'objet d'un audit du commissariat à l'environnement et au développement durable. Le rapport à ce sujet, publié en 2011, fait état de l'absence flagrante de procédures normalisées au Canada pour rendre publique l'utilisation d'antibiotiques, de produits thérapeutiques ou de produits chimiques.
Vous avez indiqué que le conseil exécutif avait approuvé quelque chose, mais je ne comprends pas bien de quoi il s'agit. Il ne s'agissait pas de règlements, n'est-ce pas? Je ne crois pas vous avoir entendu dire cela. Qu'ont-ils approuvé? Une politique ou quelque chose du genre?
M. Flint : Dans la partie 1 de la Gazette du Canada, on a publié un règlement du gouverneur en conseil qui permettrait au ministre des Pêches et des Océans d'élaborer un règlement ministériel autorisant le dépôt de pesticides et de médicaments vétérinaires aux fins de l'aquaculture.
Le sénateur McInnis : Ils lui ont donné la permission de prendre un règlement?
M. Flint : Lors de la dernière modification de la Loi sur les pêches, on a apporté des changements à l'article 36(5) pour que le processus se fasse en deux étapes. Il incombe au gouverneur en conseil de prévoir les conditions d'exercice par le ministre du pouvoir de prendre un règlement pour autoriser le dépôt. Le processus comporte maintenant deux étapes, et le règlement du gouverneur en conseil a déjà été proposé et fait l'objet de consultation. Le règlement a été proposé en février. C'est la première étape. Le ministre des Pêches et Océans doit maintenant prendre un règlement ministériel autorisant expressément le dépôt de pesticides et de médicaments vétérinaires utilisés en aquaculture.
Le sénateur McInnis : Ce règlement entrera bientôt en vigueur?
M. Flint : C'est l'information que je détiens du ministère des Pêches et des Océans.
Le sénateur McInnis : Vous savez pourquoi la confusion règne? Vous venez de dire, monsieur Chaput, qu'on employait le produit SLICE pour contrôler le pou du poisson. Par contre, dans cet article de R-D en aquaculture au Canada, on affirme le contraire. On peut y lire, et comme rien ne vaut une citation la voici :
Au cours des dernières années, les populations de poux du poisson au Chili, en Europe du Nord et maintenant au Nouveau-Brunswick (Canada), ont montré les premiers signes de résistance au traitement SLICE [...]. Depuis son introduction en 2000, SLICE s'est révélé tellement efficace qu'il est vite devenu le seul traitement disponible contre le pou du poisson au Canada. Toutefois, on a observé les premiers échecs du traitement en 2008, et à l'heure actuelle, l'efficacité de SLICE au Nouveau-Brunswick est dissipée en raison des résistances.
On a maintenant demandé à Pfizer Inc. de développer un vaccin, car il n'existe aucun produit sur le marché servant à contrôler le pou du poisson.
Notre comité tente d'aller au fonds des choses. Nous ne sommes ni pharmaciens, ni techniciens spécialisés, mais nous prenons connaissance de ces documents et j'entends des voix dissonantes. Pourriez-vous commenter?
Dr Chaput : Tout est en constante évolution. Dès qu'un nouveau médicament vétérinaire est utilisé, la résistance commence à se développer. En l'absence d'autres solutions, la résistance se développe encore plus rapidement.
Je crois qu'on utilise encore le produit SLICE dans certaines régions de la Colombie-Britannique. D'où l'importance d'avoir accès à d'autres méthodes. Je vous ai déjà parlé des vaccins. La situation évolue rapidement et il est crucial d'avoir des solutions de rechange.
Comme je l'ai dit, on a beaucoup utilisé le produit SLICE. C'est moins le cas à l'heure actuelle, mais il est encore en utilisation. Le développement de la résistance est inhérent à l'utilisation de ces produits; la résistance se développe inévitablement en l'absence d'un plan de gestion intégré du pou du poisson, faisant appel à une variété de produits pour lutter contre la maladie.
Le sénateur McInnis : Santé Canada participera-t-il au processus d'approbation des nouveaux vaccins?
Dr Chaput : Les vaccins sont approuvés par le Centre canadien des produits biologiques vétérinaires, qui fait partie de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Le processus est régi par la Loi sur la santé des animaux.
Le sénateur McInnis : Si je comprends bien, vous pouvez approuver des médicaments en situation d'urgence. Si, par exemple, je suis vétérinaire pour l'une des entreprises aquacoles, et que je me retrouve dans une situation d'urgence, vous pouvez approuver l'utilisation d'un médicament même si sa vente n'est pas permise au Canada, est-ce bien cela?
Dr Chaput : Oui, nous pouvons approuver l'utilisation d'un médicament d'urgence, en fonction de certains critères. Nous avons quand même besoin des renseignements qui nous permettent d'assurer la sécurité du médicament du point de vue de la salubrité des aliments, mais également de la santé de l'animal, du poisson. Il existe un programme, commun à tous les organes de réglementation des médicaments et des pesticides, mais il fait en ce moment l'objet d'un examen. La décision se fonde souvent sur des renseignements obtenus à l'international.
C'est pourquoi les ententes de confidentialité dont je vous ai parlé sont si importantes pour nous. Elles nous permettent, par exemple, de discuter de tel ou tel médicament avec la FDA, ou encore nos homologues européens, de mettre en commun l'information afin de prendre une décision éclairée au moment de déterminer si un médicament est sécuritaire.
Le sénateur McInnis : J'imagine que vous êtes au courant du produit utilisé par Cooke Aquaculture au Nouveau- Brunswick. Était-il approuvé?
Dr Chaput : Je ne peux discuter de cas précis. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il existe un mécanisme de demande d'approbation de médicament d'urgence, en aquaculture, et également pour les animaux terrestres. En fait, cela fait partie de tout cadre réglementaire. Mais je ne saurais parler de ce cas précis.
Le sénateur McInnis : Ils ne sont pas devant la justice. Ils ont réglé l'affaire à l'amiable. Je me demande s'il est possible d'approuver un médicament, mais vous dites que ce n'est pas le cas, ai-je bien compris? Vous procéderiez à un examen du produit, vous vous pencheriez sur les normes internationales, et ainsi de suite?
Dr Chaput : Oui, c'est bien cela, en vertu du programme des médicaments d'urgence.
M. Flint : C'est la même chose pour les pesticides. Le Nouveau-Brunswick a connu une augmentation de l'utilisation des pesticides ces dernières années en raison du développement de la résistance au produit SLICE. De là est né le besoin de nouveaux produits. À l'heure actuelle, deux produits sont utilisés légalement au Nouveau-Brunswick ce qui, nous l'espérons, contribuera à atténuer la résistance aux pesticides employés.
Le sénateur McInnis : J'ai une dernière question à vous poser : si la décision vous revenait, si vous étiez l'ultime responsable du dossier, que feriez-vous pour que le traitement de ces animaux se fasse de manière plus fluide, plus efficace et plus coordonnée? Ou peut-être estimez-vous que tout fonctionne à merveille?
Dr Chaput : Je dirais que des améliorations sont toujours possibles. En résumé, la lutte antiparasitaire intégrée est l'une des solutions clés. Il faut en utiliser un éventail, qu'il s'agisse de pesticides, de médicaments vétérinaires ou encore de vaccins, afin de réduire au minimum le développement de résistances.
La sénatrice Raine : J'ai des questions sur le fonctionnement et je pense que je suis loin d'être la seule. Lorsque j'examine cette industrie, je constate que l'endroit où vous placez les fermes d'élevage constitue votre premier moyen de défense pour réduire l'utilisation des pesticides et des agents thérapeutiques, parce que si vous avez trouvé le bon endroit pour l'installation aquacole vous avez probablement mis toutes les chances de votre côté relativement à la qualité de l'eau et à son renouvellement.
Je me souviens il y a quelques années nous avions étudié le homard, et les témoins nous avaient indiqué qu'à certains moments, il semblait que l'écoulement en aval des pesticides utilisés dans les fermes piscicoles avait des conséquences sur le homard. Si cela fait partie de l'analyse, faites-vous des traçages au colorant pour voir où sont déversés les résidus des fermes piscicoles et quelles sont les répercussions sur d'autres types de poissons et la vie aquatique? Est-ce que cela relève de vous ou d'une autre instance?
M. Flint : Cela fait partie des choses que nous examinons relativement à l'approbation de pesticides. Des études de dispersion de colorant sont menées pour que nous puissions voir ce qui arriverait si on ouvrait le circuit fermé d'une cage dans laquelle il y a eu un traitement de pesticide. Le pesticide est alors rejeté dans l'océan et nous examinons ce qui se produit — le pesticide se disperse et se dilue. Immédiatement après l'ouverture des cages, il y a un risque à l'extérieur de ces cages pour, plus particulièrement, les jeunes homards qui pourraient se situer dans les parages pendant une petite période après que nous ayons enlevé les bâches. La biologie du homard est semblable à celle du pou du poisson que nous essayons de contrôler parmi les poissons d'élevage.
La sénatrice Raine : Le moment où se fait le traitement fait partie des directives d'utilisation si on veut, de sorte que c'est lié au cycle de vie d'autres organismes aquatiques?
M. Flint : C'est fondé sur le cycle de vie du pou du poisson. Il faut donc tenir compte de l'infestation. Il faut un certain niveau d'infestation avant d'appliquer le produit. Il faut être vétérinaire pour indiquer que le produit est prêt à être appliqué. Les provinces gèrent également un processus de délivrance de permis, il faut donc obtenir un permis provincial pour appliquer tout type de pesticides dans l'eau. Il faut établir un plan et garder des dossiers de ce qu'on fait.
Il faut aussi suivre les conditions d'inscription figurant sur l'étiquette, qui indiquent la quantité de pesticides à utiliser et la durée d'exposition. Toutes les directives d'utilisation se trouvent sur l'étiquette et la loi exige qu'on les suive.
La sénatrice Raine : Pouvez-vous me dire la différence entre le produit SLICE et le peroxyde d'hydrogène.
M. Flint : Le produit SLICE est un médicament vétérinaire, de sorte qu'il est administré dans la nourriture des poissons. Le médicament ingéré provoque la mort du pou qui se détache des poissons. Par ailleurs, les poissons sont en général immergés dans de l'eau contenant du peroxyde d'hydrogène et les poux se détachent des poissons en raison du choc causé par le peroxyde. Le peroxyde d'hydrogène ne tue pas forcément tous les poux, mais il fait en sorte qu'ils se détachent des poissons.
La sénatrice Raine : C'est ce qui est appliqué dans l'eau plutôt que dans la nourriture?
M. Flint : Dans l'eau. La plupart du temps nous nous servons d'un bateau vivier. Tous les poissons sont retirés de la cage et placés dans un bateau spécial. Ensuite, on augmente la concentration de peroxyde d'hydrogène dans l'eau jusqu'à ce que le niveau auquel les poux se détachent soit atteint, après quoi on remet les poissons dans leur cage.
La sénatrice Raine : Ils recueillent les poux au fond du bateau.
La sénatrice Beyak : Il y a plus de 10 ans, en 2003, Santé Canada a publié un rapport énumérant les quatre façons d'améliorer les sites pour empêcher le pou du poisson chez les saumons. Existe-t-il une étude plus récente et quel est l'équilibre à établir entre ces mesures préventives et l'utilisation d'agents thérapeutiques?
M. Flint : Je pense que vous évoquez le travail réalisé en 2003 avec les producteurs salmonicoles qui avaient examiné comment utiliser la lutte antiparasitaire intégrée. Il s'agissait de combiner les médicaments vétérinaires et les pesticides pour contrôler le pou du poisson. Ces travaux ont été réalisés en 2003.
Je ne pense pas qu'il y ait eu depuis d'autres études sur la lutte antiparasitaire intégrée ou que quiconque ne s'y soit penché de nouveau. En 2003, la résistance au produit SLICE ne posait pas de problème et c'était le principal moyen de contrôler le pou du poisson.
Le sénateur Enverga : Puisque vous êtes l'un des organismes ou offices de réglementation et que vous avez recours à l'évaluation des substances, quel genre de surveillance faites-vous pour garantir que chacun fait ce qu'il doit faire? Avez-vous établi un cadre de surveillance?
M. Worgan : Pour ce qui est de la LCPE, l'élément en conformité et application de la loi relève d'Environnement Canada. C'est donc ce ministère qui s'occuperait de la surveillance. Toutefois, nous effectuons aussi de la recherche dans le cadre de notre plan de gestion des produits chimiques. Actuellement, nous ne faisons rien ayant trait à l'aquaculture, mais nous examinons les effets des produits pharmaceutiques dans l'environnement en général et nous étudions leur évolution dans la nature et leur toxicité potentielle. Par conséquent, il est possible qu'au fur et à mesure que nous faisons notre exercice annuel d'établissement des priorités que les médicaments vétérinaires utilisés en aquaculture se retrouvent à un moment donné en tête de liste des recherches à effectuer. Mais, à l'heure actuelle, nous n'avons pas de recherches précises à ce sujet.
Le sénateur Enverga : Aucune surveillance. Qu'en est-il des autres?
M. Flint : Pour les pesticides, il existe des mesures de vérification de la conformité, sous forme d'inspections dans les installations. À une certaine époque, c'était fait avec Environnement Canada qui en avait la responsabilité aux termes de l'article 36.
À l'avenir, ce seront les responsables de la conformité du ministère des Pêches et des Océans qui feront les inspections. Nous menons également des inspections avec les autorités provinciales qui ont des responsabilités à assumer par rapport à l'utilisation des pesticides. Les exploitations aquacoles doivent aussi tenir des dossiers pour nous signaler tout signe de problème environnemental, tel qu'un taux inusité de morbidité ou de mortalité de poissons. Notre programme de signalement des incidents est semblable à celui touchant les médicaments vétérinaires. Si quelqu'un soupçonne qu'un pesticide est à la source d'un incident causant la mort de poissons, nous obtiendrions un rapport de la province, du fabricant ou du particulier qui pourrait nous amener à faire enquête.
Le sénateur Enverga : Faites-vous des vérifications sur les lieux?
M. Flint : Au cours des trois dernières années, nous avons inspecté des installations aquacoles des provinces de l'Atlantique où les pesticides sont utilisés. Nous l'avons fait en collaboration avec environnement Canada. Chaque printemps, il y a habituellement un blitz d'inspections qui se fait dans les installations aquacoles de l'Est du Canada.
Le sénateur Enverga : Je sais que vous le faites en circuit fermé dans un bateau, mais avez-vous mis en place des règles sur l'élimination de ces produits chimiques? Où sont-ils déversés?
M. Flint : Cela dépend du produit. Le peroxyde d'hydrogène est pratique parce qu'il se dégrade en oxygène et en eau. Après une courte période, il n'y a plus de résidus et on le déverse tout simplement dans l'océan.
Le Salmosan, qui est souvent utilisé dans des cages protégées par des bâches, est dispersé pendant un certain temps, après quoi il est rejeté dans l'océan dans des concentrations qui sont sans conséquence.
Le sénateur Enverga : Mais cela voudrait dire que vous rejetez également les poux du poisson. Vous avez dit que cela ne tue jamais les poux, donc, vous les rejetez dans l'océan?
Oui, bien souvent, les poux sont renvoyés dans l'océan.
Le sénateur McInnis : La sénatrice Raine a évoqué cette question. Je ne sais pas dans quelle mesure cela vous concerne, mais cela comporte quelques composantes. D'abord il y a la profondeur de l'eau et ensuite les courants. On approuve l'installation de certaines de ces fermes dans à peine 13 mètres d'eau dans l'Est du Canada. Certaines de celles que nous avons visitées dans l'Ouest avaient 400 pieds de profondeur, et bien sûr énormément de courants. Si nous avions à formuler une recommandation, serait-ce important d'en tenir compte?
Dr Chaput : Malheureusement, cette question dépasse nos compétences.
Le sénateur McInnis : Je vais vous parler de quelque chose qui pourrait vous concerner. Un des intervenants à avoir témoigné devant notre comité a déclaré que des poissons provenant des écloseries pourraient être malades. Un médecin, je pense, nous a également dit que chaque poisson est vacciné et qu'on les surveille de près pour détecter des parasites lorsqu'ils sont placés dans l'eau de mer. Dans quelle mesure êtes-vous visés par cela?
Dr Chaput : Je pense que cela relève davantage des pratiques d'aquaculture. Je fais peut-être erreur, mais nous ne nous occupons pas de cette composante.
Le sénateur McInnis : Vous n'avez rien à dire sur les produits injectés dans les poissons?
Dr Chaput : Oui, s'ils sont injectés, par exemple, avec des médicaments vétérinaires, l'exploitant devra obtenir une approbation préalable à la mise en marché.
Le sénateur McInnis : Cet aspect-là vous concerne donc?
Dr Chaput : Oui. Mais, en général, en ce qui touche l'ensemble des pratiques d'aquaculture, cela va au-delà.
Le sénateur McInnis : Santé Canada a-t-il des fonds pour la recherche et le développement?
M. Worgan : Comme je l'avais mentionné, dans le cadre de notre Plan de gestion des produits chimiques et de la LCPE, nous disposons de fonds pour diverses choses telles que la santé humaine, la recherche et la surveillance. Nous avons aussi des fonds limités que nous mettons de côté annuellement pour l'étude des produits pharmaceutiques dans l'environnement. Cela n'est pas forcément lié à l'aquaculture mais plutôt aux produits pharmaceutiques en général et sur les médicaments dans l'environnement, ce qu'il advient des produits et leur impact potentiel. Nous apportons donc une contribution limitée à cet égard en collaboration avec d'autres ministères qui mènent ces recherches pour nous.
Le sénateur McInnis : Avez-vous également des partenariats avec des universités?
M. Worgan : Pas récemment, mais nous l'envisageons.
Le président : Je remercie nos témoins. Vous nous avez fourni de l'excellente information qui nous permettra de poursuivre notre étude.
Avant de lever la séance, j'aimerais signaler aux sénateurs que le greffier va préparer un résumé de notre visite en Colombie-Britannique et le résumer à tous les membres, surtout pour ceux qui n'ont pas eu la chance de voyager avec nous, ainsi vous aurez une idée de ce que nous avons vu en Colombie-Britannique. Le greffier préparera ce résumé d'ici une semaine ou deux et vous le transmettra.
(La séance est levée.)