Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 8 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 6 mai 2014
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 17 h 3, pour étudier les questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada, ainsi que pour faire une étude sur la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Je suis Fabian Manning, sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et président du comité.
Avant de laisser la parole à nos témoins, j'invite les membres du comité à se présenter.
La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario.
La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Hubbley : Elizabeth Hubbley, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur McInnis : Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.
Le président : Merci, sénateurs. Le comité entame son étude sur les questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada, et plus précisément des allocations de crevettes nordiques. Nous souhaitons avec plaisir la bienvenue à nos invités, que j'invite à se présenter.
L'honorable Keith Hutchings, député à la Chambre d'assemblée de Ferryland, ministre des Pêches et de l'Aquaculture, gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador : Je vous remercie, monsieur le président. Je suis Keith Hutchings, ministre des Pêches et de l'Aquaculture de Terre-Neuve-et-Labrador et député à la Chambre d'assemblée de Ferryland.
Dwight Ball, député à la Chambre d'assemblée de Humber Valley et chef de l'opposition officielle, Chambre d'assemblée de Terre-Neuve-et-Labrador : Dwight Ball, chef de l'opposition officielle et député à la Chambre d'assemblée de Humber Valley.
Lorraine Michael, députée à la Chambre d'assemblée de Signal Hill-Quidi Vidi, chef du tiers parti, Chambre d'assemblée de Terre-Neuve-et-Labrador : Lorraine Michael, chef du Nouveau Parti démocratique de Terre-Neuve-et- Labrador et députée à la Chambre d'assemblée de Signal Hill-Quidi Vidi.
Le président : Nous sommes ravis de vous voir aujourd'hui. Il m'est rarement donné l'occasion de présider une réunion à laquelle comparaissent exclusivement des témoins de notre province de Terre-Neuve-et-Labrador. C'est donc une réunion un peu spéciale pour nous, aujourd'hui. Au nom du comité, je vous remercie d'avoir pris le temps, en dépit de vos emplois du temps chargés, de venir à Ottawa discuter de ces sujets importants. Je vous invite à faire vos exposés, après quoi les sénateurs auront des questions à vous poser. Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Hutchings : Je remercie le comité de m'avoir donné cette occasion de comparaître devant vous ce soir. Nous vous en sommes reconnaissants. Je suis ici en ma qualité de ministre des Pêches et de l'Aquaculture et je suis accompagné, comme l'ont dit mes collègues, de M. Dwight Ball et de Mme Lorraine Michael. Nous sommes ici à titre de comité multipartite pour représenter les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador et exposer notre position unifiée à l'égard de l'allocation pour 2014 des ressources de crevette nordique adjacentes à notre province, dont l'annonce a été faite le 4 avril 2014.
Notre comité a été mis sur pied au début d'avril dans le but de faire éliminer la politique du dernier entré, premier sorti, ou DEPS, et d'obtenir une répartition plus équitable de l'allocation de crevettes nordiques entre les flottes de pêche côtière et extracôtière. Cette répartition plus équitable devrait être fondée sur la proximité et la dépendance historique. Nous n'avons aucune envie de dresser un secteur contre l'autre, puisque tous deux contribuent considérablement à l'économie de la province. Nous recherchons plutôt le juste équilibre.
Nous aimerions maintenant vous donner un survol de la pêche à la crevette sur la côte de Terre-Neuve-et-Labrador, y compris la pêche hauturière à la crevette, puis discuter du développement de la pêche côtière, de la politique du ministère des Pêches et des Océans du dernier entré premier sorti et de ses répercussions sur le secteur de la pêche côtière à Terre-Neuve-et-Labrador. Nous terminerons par des recommandations.
Vue d'ensemble de la pêche à la crevette : dans le mémoire, le document A est une carte de la zone de pêche à la crevette qui s'étend jusqu'au Groenland et au sud de l'île de Terre-Neuve-et-Labrador. La flottille hauturière a accès aux zones de pêche à la crevette comme vous pouvez le constater. Il y a huit zones numérotées de ZPC 0 à ZPC 7. Vous verrez que le long de la côte, il y en a deux. Il existe aussi une pêche côtière de longue date dans le golfe du Saint- Laurent, au large de notre côte Ouest d'environ 6 000 tonnes et qui est en vigueur depuis les années 1970.
La flottille hauturière a eu accès exclusif aux ZPC 0 à 6 de 1978 à 1996. Cette pêche est réalisée par des chalutiers congélateurs usines qui sont en fait des navires ayant une usine de transformation du poisson à bord. Ces navires pêchent puis transforment les crevettes à bord. Il y a 17 permis de pêche hauturière détenus par 14 entreprises dont 8 ont pignon à Terre-Neuve-et-Labrador. La pêche hauturière est régie par un régime d'allocations aux entreprises en vertu duquel chaque titulaire de permis reçoit une part dans chaque zone de pêche à la crevette. De plus, il y a un nombre d'allocations spéciales ou de quotas communautaires qui permettent la pêche à des navires hauturiers. Ces allocations sont achetées dans le cadre d'accords de redevances et permettent la pêche au secteur hauturier.
Une quantité infime de ces crevettes sont vendues au Canada. La majeure partie sera vendue comme produit non décortiqué de très grande valeur à la Russie et à la Chine. Il y a 10 navires dans la flottille hauturière et chacun emploie un équipage d'environ 60 personnes avec deux équipes en rotation composées de 30 personnes. Ces navires sont utilisés presque toute l'année. Les navires hauturiers canadiens de pêche à la crevette réalisent environ 80 débarquements par année dans les ports de Terre-Neuve-et-Labrador. La flottille hauturière assure un transbordement à partir de quatre ports à Terre-Neuve : Harbour Grace, St. Anthony, Bay Roberts et Argentia. Ces débarquements sont sources de profits économiques, dont l'achat de biens et services et certainement d'emploi pour les équipages.
Le document C, quotas de flottilles et débarquements de 1977 à 1996 : les scientifiques halieutiques ont commencé à constater une tendance à la hausse dans les crevettes à la fin des années 1980. La pêche côtière de Terre-Neuve-et- Labrador a commencé à demander accès à cette pêche au milieu des années 1990 et cela reflétait la baisse de la pêche de fond. Sur ce diagramme au document C, vous pouvez constater le seuil de 37 600 tonnes pour la flottille hauturière. Cela signifiait que malgré les nouveaux arrivants, l'allocation visant les flottilles hauturières n'allait pas baisser en deçà de ce seuil. Il convient de noter que l'allocation hauturière a culminé à environ 66 000 tonnes en 2006 et en vertu de la politique du DEPS en 2014, elle conserve environ 60 000 tonnes en attente d'une décision finale dans deux des zones du Nord.
En 1997, les pêcheurs côtiers ont obtenu l'accès à la ZPC 6 par le ministre de l'époque, M. Mifflin. Le seuil susmentionné de 37 600 tonnes fut établi pour la pêche hauturière, ce qui signifiait que l'allocation ne pouvait aller en deçà de ce qu'elle avait été l'année avant l'entrée des pêcheurs côtiers. Le communiqué de presse du ministre Mifflin, dont vous trouverez copie au document D, explique les nouveaux principes de partage : on indique avec précision que la notion de proximité sera respectée; qu'on mettra l'accent sur la participation accrue par les peuples autochtones; qu'un accès prioritaire sera accordé aux navires de pêche côtière de moins de 65 pieds; et que l'emploi sera optimisé tant dans le secteur de la pêche que dans le secteur de la transformation si possible. J'aimerais souligner qu'on ne faisait pas mention d'une politique de DEPS à l'époque.
L'annonce du ministre Mifflin a énormément stimulé la pêche et l'activité économique pendant les 10 années qui ont suivi malgré le fait que les allocations de pêche côtière étaient jugées temporaires.
La province a vu plus de 200 millions de dollars d'investissements du secteur privé tant dans les navires que dans les usines. Trois cent soixante-cinq entreprises de pêche côtière se sont vu accorder des permis. Au point culminant, en 2008, il y a eu plus de 3 000 débarquements de crevettes par année par les pêcheurs côtiers. Treize usines de transformation ont été établies. Pour que vous saisissiez, une usine de transformation de la crevette est très coûteuse et peut coûter jusqu'à 16 millions de dollars au départ. La province a vu 3 500 emplois directs grâce à l'expansion des pêcheurs côtiers.
En 2007, la stratégie de renouvellement de l'industrie de la pêche a été conçue comme initiative conjointe des gouvernements du Canada et de Terre-Neuve-et-Labrador. La stratégie comprenait un certain nombre de programmes du fédéral et des provinces qui visaient à appuyer une industrie en difficulté.
Du côté provincial, nous avons créé des programmes pour encourager l'innovation, appuyer l'investissement et accroître la transparence dans l'octroi de permis. Du côté fédéral, des exemptions pour les gains en capitaux, des politiques d'absorption d'entreprises et la possibilité dorénavant d'utiliser les permis en garantie. Ce qui est encore plus important pour notre discussion ici aujourd'hui, les allocations temporaires pour la pêche à la crevette sont devenues permanentes en 2007.
Les changements aux politiques de permis étaient liés à l'augmentation de la ressource. Lorsque cette ressource a commencé à diminuer dans les dernières années, les quotas pour les pêcheurs côtiers ont été réduits d'un sommet de 77 000 tonnes en 2009 à 33 428 tonnes en 2014 en vertu de l'application de la politique du DEPS depuis 2010.
De plus, la flottille côtière s'est endettée pour tirer parti de la possibilité de devenir titulaire de permis de pêche à la crevette. La politique d'absorption d'entreprise combinée à la possibilité d'utiliser les permis en garantie a encouragé des investissements considérables du côté des pêcheurs côtiers. Le déclin des stocks de crevettes diminue de ce fait le rendement des fonds investis.
Les 365 entreprises titulaires de permis en 1997 sont passées à 280, dont 234 sont encore actives. Pendant cette période, trois usines de transformation à terre ont fermé, deux en raison de dommages structurels et la troisième, à la suite d'une décision d'affaires. À l'heure actuelle, il y a 10 usines homologuées qui transforment la crevette à Terre- Neuve-et-Labrador. Vous pouvez voir ces détails au document E.
Ceci met fin à la vue d'ensemble de la pêche à la crevette. J'aimerais maintenant passer à la gestion de la ressource de crevettes.
Les plans de gestion intégrée des pêches : depuis que les permis de pêche côtière sont devenus permanents, nous avons constaté des changements aux plans de gestion intégrée des pêches ou PGIP, pour la crevette nordique. Ce n'est qu'en 2003 que les PGIP mentionnent la politique de DEPS. Je cite un passage des PGIP de 2003 :
Si l'abondance de la ressource diminue à l'avenir, les participants temporaires devront abandonner la pêche dans l'ordre inverse de leur arrivée, c'est-à-dire que le dernier entré est le premier à sortir.
En 2007 les PGIP présentaient une variation de cela. Pour citer le PGIP de 2007 :
Si l'abondance de la ressource diminue à l'avenir, les nouveaux participants devront abandonner la pêche dans l'ordre inverse de leur entrée, c'est-à-dire que le dernier entré est le premier à sortir.
Ces changements ont été apportés avec peu de consultations ou de consensus du comité consultatif de la crevette nordique. Ces changements ont des répercussions considérables pour les pêcheurs côtiers qui sont devenus titulaires permanents en 2007 et bon nombre croyaient que la politique de DEPS n'allait plus s'appliquer à leur secteur et c'est pourquoi ils ont procédé à des investissements.
Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a souvent parlé contre la politique du DEPS depuis quelques années. La politique pose des préoccupations fondamentales en plus du fait que cette politique ne s'applique pas à d'autres pêches.
Tout d'abord, cela ne tient pas compte des différences entre les zones d'accès. Je vous renverrai au document A, le premier, qui vous montre les zones de pêche de la crevette. Les pêcheurs côtiers ont uniquement accès aux zones 6 et 7, tandis que les pêcheurs hauturiers ont accès aux zones 0 à 7. Les pêcheurs hauturiers peuvent toujours dépasser le seuil minimum de 37 600 tonnes que j'ai mentionné, en ayant accès aux ressources dans d'autres zones. Il y a suffisamment de crevettes parmi toutes les zones de 0 à 7 pour permettre aux deux flottilles de demeurer viables. Le principe du DEPS impose la grosse partie des réductions à la flottille côtière.
Deuxièmement, on ne tient pas compte du principe de proximité. Par exemple, la coopérative de l'île de Fogo et la Nation Innu ont perdu leurs allocations, tandis que l'Île-du-Prince-Édouard a conservé une allocation en zone 7.
Troisièmement, le concept du DEPS fait fi des investissements du secteur privé dans la pêche côtière et des contributions aux communautés rurales qui jouent un rôle intrinsèque dans les principes d'allocation traditionnelle que sont la proximité et la dépendance historique.
Quatrièmement, le système du DEPS traite les détenteurs de licences permanentes côtières comme s'ils étaient des participants temporaires.
Je vous renverrai maintenant au document F, lequel montre les effets de la politique du DEPS. Comme vous pouvez le voir, la pêche côtière représentée en jaune a diminué de moitié depuis 2009. Le secteur hauturier a également connu un déclin, quoique bien moins important, et il conservera des allocations supérieures à 66 000 tonnes en 2014. Cela est bien au-delà des seuils établis en 1997. En outre, on a supprimé ou réduit un certain nombre de détenteurs d'allocation spéciale. Il est clair que la politique du DEPS a eu des effets disproportionnés sur le secteur côtier.
Dans le document G, on présente les effets de la politique du DEPS sur les quotas depuis 2009, en tonnes. La pêche côtière a perdu accès à plus de 43 000 tonnes de crevettes depuis 2009, soit 56 p. 100 de son allocation. En comparaison, la pêche hauturière en a perdu environ 6 700 tonnes, soit 10 p. 100. La réduction qu'a connue la pêche hauturière sera en réalité inférieure à ce que l'on voit ici puisqu'on est en attente de la décision finale sur les deux zones de pêche de crevettes du Nord, la ZPC 2 et la ZPC 3. Les allocations spéciales ont diminué de 6 850 tonnes, soit 27 p. 100, durant cette période, les allocations accordées pour des raisons de proximité, par exemple à l'île Fogo et à la Nation Innu, ayant été supprimées de la ZPC 6.
La politique du DEPS est simplement une politique que le ministre des Pêches et des Océans a le pouvoir discrétionnaire d'appliquer ou de modifier. Il n'y a aucune signification historique et il n'y a aucun précédent. Cette politique sert à gérer une ressource publique et on devrait la changer.
Je vais maintenant demander à mes collègues de vous parler des effets économiques qui, selon nous, découleront des réductions de quotas basées sur la politique du DEPS.
M. Ball : Merci, Keith. J'aimerais saisir cette occasion pour remercier le Sénat de bien vouloir écouter notre témoignage d'aujourd'hui. Comme Keith l'a indiqué, je m'appelle Dwight Ball, et je suis chef de l'opposition officielle à la Chambre d'assemblée de Terre-Neuve-et-Labrador.
Un des messages clés que nous tenons à vous communiquer aujourd'hui est que les effets économiques d'une réduction, quelle qu'elle soit, des quotas de crevette sont importants, notamment lorsqu'elle n'est pas équitablement répartie entre les flottilles côtières et les flottilles hauturières. La flottille côtière est en train de perdre une part inéquitable des ressources de crevettes en raison de cette politique du DEPS. Chaque fois que l'on réduit le quota de 1 000 tonnes pour le secteur côtier en 2014, cela équivaut approximativement à 1,5 million de dollars en perte de revenus pour les entreprises de pêche côtière; une perte de 20 000 heures-personnes d'emploi dans les usines de transformation sur terre, avec des pertes salariales d'environ 250 000 $ pour chaque réduction de 1 000 tonnes; et plus de 2,5 millions de dollars en pertes de revenu pour les 10 usines de production de crevettes et tout cela pour chaque réduction de 1 000 tonnes.
Dans sa récente attribution des quotas, le gouvernement fédéral, n'a pas considéré les répercussions économiques sur les collectivités rurales. Seront ainsi touchées plus de 250 entreprises à petite embarcation de la flottille côtière et plus de 2 200 travailleurs d'usines et entreprises de la province qui contribuent à ce secteur.
Au total, les décisions du gouvernement vont nuire à plus de 100 collectivités où vivent des pêcheurs de crevettes et des travailleurs d'usines. En 2013, la valeur totale au débarquement des crevettes récoltées dans les secteurs côtiers et hauturiers de la province s'élevait à 187 millions de dollars. Ce chiffre en dit long sur les formidables retombées économiques de la pêche à la crevette dans notre province, à Terre-Neuve-et-Labrador, et dans les régions rurales en particulier. Nous estimons qu'une meilleure répartition des quotas assurerait le bien-être économique de ces collectivités rurales qui dépendent de la crevette.
Je vais maintenant demander à ma collègue, Lorraine Michael, de poursuivre notre discussion.
Mme Michael : Permettez-moi de vous remercier de nous recevoir cet après-midi.
Ce comité multipartite comprend l'importance d'examiner les facteurs, climatiques et autres, qui sont à l'origine du déclin de la crevette nordique. Nous savons que cette ressource subit des changements, et il est possible que les quotas continuent à diminuer.
Au fil du temps, la baisse des quotas va se traduire par des pertes d'emploi importantes dans les collectivités rurales de Terre-Neuve-et-Labrador. À la fois les secteurs de la récolte et de la transformation s'en ressentiront, et des usines de transformation pourraient fermer.
Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador comprend qu'il faut réduire les quotas pour protéger la ressource, mais l'administration de cette réduction sera essentielle au bien-être économique des régions rurales. Leur gestion est une question de première importance. C'est un enjeu d'une importance telle pour les collectivités de Terre-Neuve-et- Labrador que tous les députés de l'assemblée législative se sont ralliés au secteur privé, aux entreprises et aux leaders municipaux pour obtenir de meilleurs résultats. C'est la raison pour laquelle nous nous adressons à vous aujourd'hui.
Si le DEPS était éliminé dès à présent, on pourrait atténuer les répercussions immédiates et radicales des attributions actuelles sur les collectivités rurales.
Je vais maintenant céder la parole au président de ce comité multipartite pour la présentation des recommandations.
M. Hutchings : Merci Lorraine. Nous avons constitué ce comité multipartite pour nous exprimer d'une seule voix sur l'attribution des quotas de crevettes. J'aimerais maintenant vous présenter nos recommandations.
Recommandation 1 : le comité demande au gouvernement fédéral d'éliminer le DEPS et d'établir un nouvel accord de partage entre les secteurs côtier et hauturier au moyen d'un processus qui cadre avec ceux qui sont employés pour les autres pêcheries.
Recommandation 2 : le comité demande au gouvernement fédéral de veiller à ce que les accords de partage tiennent compte des facteurs de proximité et de l'historique des deux flottilles de la pêcherie de la crevette nordique.
Recommandation 3 : le comité demande au gouvernement fédéral d'effectuer une évaluation immédiate, complète et scientifique des stocks de crevettes nordiques, et que ces évaluations complètes aient lieu chaque année, alors que la ressource est manifestement en déclin. Le comité croit fermement que les quotas doivent être établis en fonction d'examens scientifiques complets, et non de simples sondages.
Recommandation 4 : le comité demande au gouvernement fédéral de mettre en place un plan pour l'étude des effets des changements climatiques sur l'écosystème et les ressources de crevettes nordiques.
C'est la fin de notre présentation. À titre de président de ce comité multipartite, je serais heureux de répondre à vos questions et de poursuivre la discussion.
Le président : J'aimerais remercier nos invités de cette excellente présentation. Puisque notre temps est limité, les membres du comité pourront poser une question aux témoins, suivie d'une question complémentaire. Ensuite, je donnerai la parole à quelqu'un d'autre. Si nous en avons le temps, nous enchaînerons avec d'autres questions. Comme d'habitude, notre vice-président, le sénateur Hubley, vous posera les premières questions.
La sénatrice Hubley : Merci et bienvenue au comité. C'est une bonne chose que d'avoir un comité multipartite pour étudier cette importante question. Je pense que c'est une manière appropriée de tenir compte de bon nombre de nos provinces. Ma question sera brève.
Tout au long de votre exposé, je me demandais s'il y avait des données scientifiques probantes justifiant le type de mesures adoptées — et les retombées sur une pêche plutôt qu'une autre. Pour une communauté rurale de Terre-Neuve même, la pêche côtière est-elle la plus précieuse, pour la province et ses habitants, par opposition à la pêche hauturière?
M. Hutchings : Je vais commencer par votre question sur les données scientifiques. Vous demandiez, je crois, si c'était des données scientifiques qui déterminaient où pratiquer les coupures, dans la pêche côtière ou la pêche hauturière. Ce qu'il serait juste de dire c'est que les coupures découlent de la politique dont nous discutons aujourd'hui et de la façon dont cette politique a évolué. C'est de la mise en œuvre actuelle de la politique que découle la décision quant aux coupures. Au départ, les recherches effectuées par le MPO ont montré le déclin d'un stock, d'où la nécessité d'apporter des changements aux allocations. C'est un processus que nous respectons, même si nous pensons qu'il faut effectuer d'autres recherches. Toutefois, avec la politique du dernier entré premier sorti, on constatait une distribution inéquitable des coupures. C'est le fond de la question dont nous débattons aujourd'hui.
Quelle était votre seconde question?
La sénatrice Hubley : Elle portait sur la pêche côtière par opposition à la pêche hauturière? Bon nombre des recommandations parlent des répercussions que cela aurait sur les collectivités rurales et cetera. Mais qu'est-ce qui aura l'impact le plus dévastateur : une réduction de la pêche côtière ou une réduction d'ensemble des pêches côtière et hauturière?
M. Hutchings : Si l'on considère la valeur, d'un point de vue purement statistique, la pêche hauturière vaut plus que la pêche côtière. Toutefois, si on tient compte des répercussions sur les collectivités rurales, les petits villages de pêche, les entreprises, la transformation et les pêcheurs, c'est dévastateur pour la viabilité économique. C'est radical. Si nous pratiquons l'an prochain des coupures similaires de 20 p. 100 à la pêche côtière, nous risquons d'assister à l'effondrement des entreprises de pêche. Ces entreprises de pêche exploitent, en moyenne, des navires valant 1 million ou 2 millions. On les a encouragés, depuis 2007, à se porter acquéreuses d'autres entreprises. Elles l'ont fait en engageant d'autres capitaux. Les répercussions pour les régions rurales de Terre-Neuve-et-Labrador vont être redoutables.
M. Ball : Laissez-moi dire deux mots sur ce point. Remontons un peu dans le temps jusqu'en 1992. Quand la pêche à la morue a été anéantie, les gens espéraient désespérément trouver une autre pêche permettant de compenser les pertes importantes subies dans la province. La pêche à la crevette, même si elle a percé quelques années plus tard, a beaucoup aidé nos collectivités. On ne voit pas tant de collectivités dans la province, mais, dans les zones où l'industrie de la crevette joue un rôle important et où il existe des usines de transformation, l'impact est majeur. C'est pourquoi nous avons présenté aujourd'hui dans l'exposé ce que « par 1 000 tonnes » représentait pour nos collectivités.
Comme l'a dit Keith, bon nombre de nos pêcheurs ont effectué des investissements majeurs non seulement dans des navires mais dans des usines de transformation, ce qui a amené la création d'emplois dans les collectivités. Vu l'ampleur des coupures pratiquées maintenant, ce n'est pas viable, dans bien des cas. Il est difficile de s'ajuster à des réductions majeures, comme celles découlant de recommandations récentes.
Le président : Madame Michael, vous souhaitiez ajouter quelque chose?
Mme Michael : Oui, j'aimerais ajouter quelque chose. Je pense que le document F peut aider à l'analyse et à répondre à votre question, sénatrice.
Si vous vous rappelez la présentation du ministre, en 1997, lorsque le premier grand changement a eu lieu dans l'industrie, on avait promis à la pêche hauturière que les quotas ne seraient jamais abaissés en-deçà de leur seuil de 37 600. Si on regarde le graphique, on remarque qu'ils n'ont pas été abaissés en-deçà du seuil, mais qu'ils ont été augmentés bien au-delà. Comme nous l'avons dit, il a même atteint 66 000 et maintenant, il se situe à 60 000.
Lorsque la pêche côtière est entrée en jeu, ce qui devait arriver arriva avec les permis temporaires. Et puis depuis 2007, il y a eu l'arrivée des permis permanents. Ils avaient certainement des visées plus hautes à l'époque, mais vous remarquerez que les quotas ont diminué considérablement et qu'ils sont passés en-deçà du seuil maintenant, ce qui correspond au seuil de la pêche hauturière. Comme la ministre l'a expliqué avec un des autres graphiques, le pourcentage de perte s'élevait à 56 p. 100.
Ces deux industries sont très importantes pour la province, il s'agit donc ici d'équité dans la façon de traiter les deux industries et de veiller à ce que l'une ne souffre pas plus que l'autre. Il y a des gens qui travaillent dans l'industrie de la pêche hauturière, mais il faut aussi tenir compte des aires de transbordement et des quatre ports où les commerces locaux ont également été touchés, et comme l'ont souligné le ministre et M. Ball, c'est la vie dans les communautés qui sera la plus touchée par la proposition actuelle visant la pêche côtière.
Le sénateur Wells : Encore une fois, merci de vous être déplacés de Terre-Neuve-et-Labrador afin d'être parmi nous aujourd'hui. Il s'agit d'un sujet important et je m'y connais un peu. Les décisions les plus difficiles qu'un ministre des Pêches et Océans ait à prendre, c'est en période de diminution des stocks. Il est plus facile de prendre des décisions en période d'abondance.
Vous dites que la politique du DEPS a été évoquée pour la première fois en 2003 en ce qui concerne les quotas de pêche de crevettes. Il semble que la nouvelle donne en 1997 s'accompagnait de certaines conditions. On n'a pas seulement ouvert la pêche, il fallait imposer certaines conditions aux nouveaux venus, comme c'est le cas dans tous les secteurs de la pêche. Il semble qu'on avait compris que des conditions seraient imposées.
Nous avons une citation du FFAW qui date du 10 octobre 1997, même si on ne parle pas précisément de la politique du DEPS avant 2003 et que le ministre Mifflin avait pris sa décision à propos des nouveaux pêcheurs en 1996. À ce moment-là, le FFAW, le Syndicat des pêches de Terre-Neuve-et-Labrador, a déclaré que dans l'éventualité d'une diminution du total autorisé de captures, la part de la pêche côtière serait réduite en conséquence, et probablement éliminée.
Croyez-vous qu'il s'agisse d'une reconnaissance du principe du DEPS?
M. Hutchings : En 1996, le syndicat représentait le secteur de la pêche. Le problème, c'est qu'il s'agit d'une politique. Les politiques évoluent, elles sont modifiées. Il s'agit d'une politique qui gère une ressource publique afin que le plus grand nombre possible en profitent dans la société et dans l'industrie. J'aurais peur de penser qu'en raison de l'établissement d'une politique en 1996 ou 1997, avec laquelle certains étaient d'accord et d'autres pas alors que nous avons évolué et que nous analysons les conséquences de cette politique, que nous ne serions pas disposés à la changer pour cette raison. Je ne suis pas d'accord avec une telle logique.
M. Ball : Je reconnais que ces propos ont été faits en 1997. Toutefois, ce qui compte, ce sont les mesures qui ont été prises en 2007. À ce moment-là, on a reconnu que les permis pour la pêche côtière ne seraient plus temporaires, mais qu'ils deviendraient plutôt permanents ou réguliers. Bien sûr, les autres changements connexes découlaient du fait que vous pouviez faire valoir votre permis pour obtenir du financement et que cela faisait partie de vos actifs. Pour moi, c'était beaucoup plus probant pour la pêche côtière que des déclarations faites en 1997 — et je le reconnais — par le syndicat du jour. Je pense que ce qui a plus de poids que les paroles du FFAW en 1997, c'est la reconnaissance du statut régulier permanent en 2007, qui a donné à la pêche côtière, du moins je l'estime, ce qu'elle estimait être une part plus importante dans la gestion de cette ressource.
Mme Michael : Je dirais que d'une certaine façon cela a eu un effet de renforcement. Je pense que ce qui s'est produit en 2007 a mis tout le monde sur un même pied d'égalité, et c'est ce qui manquait en 1997. Je pense que la donne a été complètement changée à ce moment-là. Je ne voudrais pas interpréter les propos du FFAW de 1997, mais je suis certaine que les changements qui ont été apportés aux règles du jeu en 2007 étaient très importants. Je pense qu'un même pied d'égalité a été établi ou du moins des attentes à cet égard.
Le sénateur Wells : Ceux qui participent à la pêche savent qu'il n'y a jamais de garantie quant à l'abondance de la ressource. Si c'était possible, les choses seraient plus faciles. Je regarde ce que vous nous avez distribué, le document F, qui porte sur les répercussions du DEPS sous forme de tableau en barres parallèles. En ce qui touche les nouveaux joueurs dans la pêche côtière en 1997, je suppose qu'il y a eu consultation auprès de la flottille hauturière ainsi qu'avec les collectivités et les détenteurs de quotas spéciaux et que ces intervenants étaient d'accord pour permettre à la flottille côtière de s'adonner à cette pêche. Il me semble qu'en 2008 et 2009 les nouveaux participants ont eu des quotas plus élevés que les pêcheurs traditionnels. Je ne me souviens pas qu'il y ait eu des plaintes de la part de la flottille hauturière à ce moment-là. Avez-vous une idée de la façon dont un nouveau participant pourrait obtenir un quota plus élevé qu'un pêcheur existant en dépit du principe des liens historiques à la ressource?
M. Hutchings : Pour ce qui est de l'attachement historique, nous pourrions dire que l'industrie de la pêche de la crevette existe depuis 20 à 25 ans. Pour les pêcheurs côtiers, l'attachement historique que vous mentionnez est lié à la pêche de diverses espèces sur nos côtes depuis plus de 400 ans. C'est pour cette raison qu'à Terre-Neuve-et-Labrador les pêcheurs se sont installés dans ces régions parce qu'il y avait une abondance de ressources dans les eaux côtières. Qu'il s'agisse de morue, de crevette ou de crabe, cet attachement historique demeure. Quant à la politique, vous avez cité quelques chiffres et la façon dont ils continuent d'augmenter pour la flottille côtière. Comme l'ont dit M. Ball et Mme Michael, en 2007, en raison de la politique du jumelage, on a incité les pêcheurs à se regrouper et à investir. On les a encouragés à mettre sur pied leurs entreprises en estimant qu'ils étaient de véritables joueurs et acteurs de cette industrie. S'il y en a qui peuvent revendiquer un attachement historique à la pêche à Terre-Neuve-et-Labrador, c'est bien la flottille côtière. Comme je l'ai dit, ce n'est pas une lutte entre les pêcheurs côtiers et hauturiers. Il s'agit plutôt d'obtenir un traitement équitable et juste en fonction de la situation actuelle en tenant compte de l'évolution de la politique et des raisons qui font en sorte que nous en sommes là aujourd'hui. S'il faut se tourner vers l'avenir pour faire face aux déclins comme ceux que nous constatons dans les ressources de crevettes, il vaudrait mieux apporter des changements maintenant et voir où nous allons parce que si nous ne le faisons pas, dans un an, si cela se produit de nouveau, la pêche côtière sera dévastée. Qui pourra résoudre ce problème et qui devra y faire face? Voilà ce qu'il faut déterminer.
M. Ball : Pour ajouter aux observations de Keith, lorsqu'on revient à l'année 1997, ce qui avait été établi c'est la biomasse de crevettes pour laquelle on pouvait s'attendre à augmenter l'exploitation. Ce qui ressortait constamment, c'est que chaque fois que nous constations une hausse, comme vous l'avez mentionné, monsieur Wells, il était important de tenir compte du principe de proximité et pas seulement de l'attachement historique — des collectivités. C'est ce que nous avons constaté au fil du temps. Tous ceux qui ont fait des exposés au cours des dernières semaines ont indiqué que la proximité est un élément clé. Ainsi, quand la ressource peut soutenir une exploitation accrue, le principe de proximité prend de l'importance pour certains. Donc, comme je l'ai dit, pour nous, 2007 est un moment phare pour l'industrie de la pêche côtière. La proximité, la gestion de la ressource et la viabilité des investissements qui ont déjà été faits, voilà les facteurs dont il faut tenir compte dans le processus de prise de décisions.
Mme Michael : J'ai une observation monsieur le président, et je ne veux pas être impertinente même si cela peut vous sembler ainsi. La pêche côtière peut avoir connu une augmentation pendant deux ans, mais il n'empêche que ces pêcheurs ont été durement touchés depuis lors, si vous examinez le tableau.
Le sénateur Wells : Si vous me permettez de terminer rapidement, je fais de la recherche sur ces questions. Je suis allé à Twillingate il y a environ deux semaines et j'ai tenu une table ronde avec un groupe de pêcheurs. Et c'est la première chose qu'ils ont soulevée. Nous constatons les véritables répercussions de tout déclin des ressources dans les zones rurales de Terre-Neuve, et c'est difficile pour tous.
Merci pour vos exposés.
Le sénateur Enverga : Merci pour vos présentations. Vous avez déjà répondu à certaines de mes questions en répondant à celles du sénateur Wells. Mais j'aimerais savoir s'il est très difficile pour les pêcheurs côtiers de s'adonner à la pêche hauturière? Quel changement majeur devraient-ils apporter s'ils passaient de la pêche côtière à la pêche hauturière?
M. Hutchings : Si vous jetez un coup d'œil au document A, vous constaterez que la flottille intérieure est définie par des navires de moins de 100 pieds en matière de capacité, c'est-à-dire 75 ou 80 pieds. Ces pêcheurs exploitent essentiellement les zones 6 et 7. Dans la zone 7, la ressource a connu un fort déclin de sorte que finalement ils exploitent surtout la zone 6. Ces navires n'offrent pas la capacité de pêcher plus au nord en raison des diverses conditions climatiques et de la glace. C'est pourquoi c'est tout un défi que de pêcher dans d'autres zones. Par le passé, nous aurions proposé que lorsque la capacité existe pour la flottille hauturière de pêcher dans d'autres zones plus au nord, il faudrait procéder à une réallocation en fonction des zones et en fonction des besoins des pêcheurs hauturiers et côtiers.
Le sénateur Enverga : Pour poursuivre dans la même veine, plutôt que de changer leur mode de vie, ne serait-il pas plus valable d'investir davantage pour aider les pêcheurs côtiers à devenir des pêcheurs hauturiers? Est-ce que cela serait plus utile?
M. Hutchings : Ce qui me préoccupe quant à cette suggestion — et mes collègues pourront certainement vous donner leur avis — c'est qu'il faut faire davantage d'investissements en immobilisations parce qu'il s'agit ici de vaisseaux ayant une plus grande capacité. Encore une fois, je vais laisser mes collègues s'exprimer là-dessus. La taille des navires et des flottilles hauturières et côtières est ce qu'elle est. Je pense qu'il faut plutôt se tourner vers la ressource et en tenant compte de ces paramètres de faire les allocations de sorte que chacune des flottilles puisse poursuivre tout en respectant les données scientifiques. Si nous pouvons fonder nos décisions futures sur la science, nous le ferons.
M. Ball : Je comprends ce que vous dites. L'une des principales différences entre les deux flottilles, comme M. Hutchings le disait, c'est que la flottille hauturière peut pêcher 12 mois par année grâce à la plus grande taille des navires alors que la pêche côtière est plus saisonnière. Si nous faisions comme vous dites et que nous remplacions les bateaux de la flottille côtière par des bâtiments plus grands, cela créerait la capacité et l'envie de pêcher 12 mois par année. À notre avis — n'ayant pas accès à de solides données scientifiques comme nous le souhaiterions — cela augmenterait le stress sur les stocks existants.
Mme Michael : J'ajouterais à cela que même si la flottille hauturière avait la capacité d'aller n'importe où, il est plus commode pour ses pêcheurs de rester où ils sont. Je pense qu'il faut les encourager à utiliser pleinement leur allocation parce qu'ils ne le font pas, alors que les pêcheurs côtiers utilisent pleinement la leur. L'un des moyens de régler le problème est de trouver une meilleure façon de partager la ressource à l'extérieur des zones 6 et 7.
La sénatrice Beyak : L'entente multipartite sur cette question évidemment cruciale est très impressionnante. Pouvez- vous me dire si la ministre a répondu à votre lettre? A-t-elle offert de vous rencontrer ou s'est-elle montrée intéressée à mettre à jour la politique ou à discuter avec vous?
M. Hutchings : À ce jour, nous avons officiellement demandé à rencontrer la ministre Shea. Je dois reconnaître qu'avant que la décision ne soit prise, j'ai fait part à la ministre Shea des préoccupations de notre province au sujet des coupures dont nous avions entendu parler. Je lui ai transmis cette information ainsi qu'au ministre Rob Moore. À l'heure actuelle, la ministre Shea est au salon des poissons et des fruits de mer à Bruxelles, mais je pense bien que j'aurai l'occasion de la rencontrer au cours des prochaines semaines.
Le sénateur McInnis : C'est toujours triste de constater le déclin de la crevette. Bien sûr, l'annonce de Mifflin en 1997 comportait entre autres deux principes, l'un étant que la viabilité des entreprises existantes ne serait pas menacée et l'autre, que la participation de nouveaux pêcheurs serait temporaire et prendrait fin, apparemment, lorsque les quotas dans les ZPC auraient baissé. J'aimerais vous entendre à ce sujet, mais j'aimerais aussi que vous commentiez le fait que votre gouvernement, en 2007, a apparemment accepté de rationaliser les usines de transformation et la capacité de pêche. Qu'a-t-il fait à cet égard?
En outre, en 2010, le comité de la rationalisation de la restructuration de l'industrie de la pêche de Terre-Neuve a indiqué que la capacité des usines devait être réduite de 30 p. 100 et les prises de 50 p. 100. Quelle suite a-t-on donné à ces recommandations?
M. Hutchings : En ce qui concerne la capacité de transformation de notre province, nous sommes passés de bien plus de 200 installations à moins de 90 probablement cette année. En ce qui concerne la capacité de pêche, je ne suis pas sûr du chiffre exact, mais il y a eu d'importantes réductions, soit une baisse de 30 p. 100 au cours des 10 dernières années. Je vais vérifier le chiffre exact pour vous.
Nos initiatives ont certainement visé une rationalisation par des réductions dans les secteurs de la transformation et de la pêche. À maintes reprises, les gouvernements provincial et fédéral ont reconnu que cela s'imposait. Il faut arriver à ces chiffres afin de permettre aux entreprises de pêche de réussir et certainement de prolonger leur saison et d'augmenter le nombre d'installations de transformation dans les collectivités rurales ainsi que leurs capacités de fonctionner.
En tout cas, nous avons travaillé fort en ce sens et avons obtenu des résultats. Au bout du compte, est-ce qu'il faut rationaliser davantage? Oui, en effet, c'est bien possible, et nous devons rester vigilants.
M. Ball : Je pense que Keith a très bien répondu à votre question. Un exemple : Il y a 10 usines et plus de la moitié d'entre elles dépendent entièrement de la crevette. D'autres dépendent de multiples espèces mais en réalité, transforment la crevette. Ces dernières années, trois usines ont fermé, dont l'une dans ma propre circonscription.
Une grande partie de la rationalisation s'est faite d'elle-même et les fusions ont certainement été utiles à cet égard, mais lorsque l'on voit des réductions draconiennes, comme celles dont nous discutons aujourd'hui, il est difficile d'y faire face, car elles ont une incidence considérable sur les revenus générés.
Le sénateur McInnis : Que disent les pêcheurs hauturiers? Avez-vous discuté avec eux?
M. Hutchings : Nous avions un comité qui réunissait tous les partis. Nous avons invité tous les membres de l'industrie à venir nous rencontrer. L'Association canadienne des producteurs de crevettes nous a fait une présentation. Son directeur exécutif est M. Bruce Chapman. Elle nous a fait une présentation générale sur la flottille hauturière en mettant l'accent sur l'investissement de ces entreprises. Nous avons parlé des investissements qui, à Terre-Neuve-et- Labrador, touchent les emplois, les services de soutien et les débarquements. J'ai mentionné les ports de Terre-Neuve- et-Labrador.
En ce qui concerne l'incidence économique dans notre province, cela ne fait aucun doute pour nous. Leur position, je pense, c'est que la politique du DEPS est bien établie et clairement énoncée au fil de toutes ces années de modifications — surtout en 2007 — et qu'il y avait des attentes à l'égard de la pêche côtière. Nous ne sommes pas tout à fait d'accord. Si je les ai bien compris, ils croient que la politique du DEPS devrait rester telle quelle.
Le sénateur McInnis : Bien sûr.
M. Hutchings : Oui, c'est certainement ce que souhaite l'association.
M. Ball : Sénateur, j'apprécie votre question, sachant que c'est une décision difficile. Il y a dans la province des collectivités auxquelles l'industrie hauturière procure d'importantes retombées économiques. Nous le savons, mais il y a beaucoup plus de collectivités rurales qui souffriront beaucoup à cause de cette décision. En un mot, cette décision va créer beaucoup de souffrances et de difficultés. Nous aimerions que les effets négatifs soient répartis afin que nos collectivités rurales ne soient pas plus durement affectées que pourraient l'être certaines régions touchées par la pêche hauturière.
M. Michael : L'une des choses que j'ai entendues de la part de l'ACPC et de M. Chapman c'est qu'ils ne veulent pas que nous tenions compte uniquement de la perspective communautaire. Ils ne veulent pas que nous oubliions l'importance de leurs investissements dans l'industrie. Ils nous demandent de nous rappeler qu'eux aussi ont des gens de Terre-Neuve-et-Labrador qui travaillent sur leurs bateaux et dans les zones de transbordement. Ils ne veulent pas que nous oubliions ce que le secteur hauturier apporte à la province. Nous l'avons bien compris et nous avons cherché un équilibre. Les pêcheries côtières sont plus modestes, mais elles aussi ont beaucoup investi, surtout depuis 2007. Nous devons mettre en équilibre tout ce que l'ACPC nous a dit d'une part, et les répercussions sur la collectivité rurale, d'autre part. L'incidence sera beaucoup plus grande pour la pêche côtière qui connaîtra d'énormes pertes du jour au lendemain. Pour moi, c'est cela la vraie question, davantage que ce qui se passe dans le secteur hauturier qui, comme vous le voyez sur ce tableau, a été traité généreusement étant donné le seuil que nous avons accepté pour lui.
Nous devons continuer d'utiliser le terme « équitable ». C'est très important. Je répète ce que j'ai dit au comité de la Chambre des communes. Les recommandations 3 et 4 sont importantes, mais elles s'inscrivent dans le contexte de la crise actuelle. Si l'on applique du jour au lendemain ce qui est recommandé pour la pêche côtière, il y aura des conséquences importantes sur les collectivités rurales. Tout le monde doit contribuer en même temps.
Nous savons que la ressource diminue. Nous le reconnaissons dans ces deux dernières recommandations, il faut faire deux choses. Nous devons essayer de ralentir ce déclin, et si on arrive au point de ne plus pouvoir pêcher, cela doit toucher tout le monde en même temps, et non pas un secteur avant l'autre. Voilà certaines des discussions que nous avons eues après avoir entendu l'Association canadienne des producteurs de crevettes et les pêcheurs côtiers.
La sénatrice Raine : Je trouve cela très intéressant, surtout la question de surcapacité de la flotte.
Évidemment, cela est lié à l'engagement de 2007. À cette époque, pensiez-vous que le volume de la biomasse augmentait toujours? Il me semble que le gouvernement de Terre-Neuve aurait eu amplement l'occasion de réduire les quotas avant qu'on arrive au point où cela frappe les gens d'un coup.
Est-ce qu'on a essayé de réduire la taille des deux flottes?
M. Hutchings : Je peux parler de la flotte côtière. En 2007, dans le cadre de l'annonce conjointe du ministre Hearn au fédéral et du ministre Rideout au provincial, concernant l'état de la pêche côtière — la décision de la rendre permanente ou régulière relevant d'une décision fédérale —, on a proposé une politique favorisant les fusions d'entreprises et l'utilisation des permis pour obtenir des capitaux. Par souci de rationalisation, on a fait passer la flotte de plus de 340 pêcheurs de crevettes à environ 250. Ces politiques de fusion et de rationalisation de la part des gouvernements fédéral et provincial ont permis de pérenniser la ressource.
On supprime ainsi des pêcheurs, en permettant à ceux qui restent d'agrandir leur entreprise et d'être plus rentables en fonction de la ressource disponible.
La sénatrice Raine : Il y a donc moins d'entreprises, qui pêchent davantage.
M. Hutchings : C'est ce qu'on aurait fait pour n'importe quelle autre industrie, mais dans ce cas, on reste à la merci des caprices de Mère Nature en ce qui a trait à la présence de la ressource.
La sénatrice Raine : Lorsque je regarde les différentes zones de pêche et s'agissant de proximité, je remarque que huit des détenteurs de licence de pêche à la crevette hauturière viennent de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, du Québec et du Nunavut. Les zones les plus proches pour eux doivent être les zones 7 et 6, les zones 1 et 2 étant trop éloignées.
Mme Michael : Ce n'est même pas le cas pour les zones 6 et 7, si vous me permettez. C'est sur la côte Est. Ils sont sur la côte Ouest, de l'autre côté du golfe.
La sénatrice Raine : Mais il s'agit de pêche hauturière.
Mme Michael : C'est la même chose.
La sénatrice Raine : Ainsi, les 14 entreprises qui figurent sur la liste du document B pêchent activement la ressource?
M. Hutchings : Oui.
La sénatrice : Ils entrent en conflit avec les pêcheurs côtiers qui ont des petits bateaux et qui doivent pêcher plus près de chez eux. Alors, comment vont-ils pêcher leurs crevettes à partir de la Nouvelle-Écosse ou de l'Île-du-Prince- Édouard? Où vont-ils?
Le président : Nous allons permettre au témoin de répondre.
M. Ball : Premièrement, je pense qu'on accorde beaucoup d'attention aux zones 6 et 7, comme vous le voyez, puis à la zone 5.
À propos de la rationalisation, vous en avez parlé tout à l'heure, c'est comme dans toute entreprise. La rationalisation s'est faite naturellement. Les stocks, les prises et les volumes ont diminué, les prix aussi, d'où les fusions. On est passé d'environ 300 à 230. Cela s'est fait naturellement, en partie, pour assurer le rendement et la viabilité des exploitations. C'est normal.
Votre remarque sur la proximité est pertinente. On a le sentiment que la proximité a véritablement un sens.
Nous avons maintenant deux grandes flottilles, mais ceux qui sont à proximité de la ressource devraient... Nous sommes disposés à gérer la ressource lorsqu'elle est en baisse comme nous l'avons fait lorsqu'elle était en hausse, mais lorsqu'elle est en baisse, c'est la pêcherie côtière, celle qui est la plus proche de la ressource, qui subit des pertes plus grandes que la pêcherie hauturière. C'est l'argument que nous faisons valoir.
La sénatrice Stewart Olsen : J'aurais besoin de quelques précisions s'il vous plaît.
En regardant le graphique, je vois très bien la différence que signalait Mme Michael, soit une baisse plus importante de la pêcherie côtière que de la hauturière. Dans la zone 7, les stocks ont beaucoup diminué, si bien que la plupart des pêcheurs se rendent maintenant dans la zone 6.
Sont-ils obligés de pêcher exclusivement dans la zone 6 ou peuvent-ils monter plus haut avec leurs petites embarcations? Je sais que les petites embarcations sont très dangereuses et même plus dangereuses que... mais je me demande pourquoi ces pêcheurs ne pourraient pas aller dans la zone 4 ou 5.
M. Hutchings : Pour répondre à votre question, ces zones sont plus au nord. Les conditions sont plus difficiles à cause de la glace notamment. Il s'agit de bateaux hauturiers qui seraient postés sur la côte, des embarcations de moins de 100 pieds.
En plus, je crois que plus de 50 p. 100 de la crevette est prise dans la zone 6, où opèrent les deux pêcheries, hauturière et côtière. C'est la zone principale de récolte.
Mme Michael : Je ne crois pas me tromper, mais le ministre pourrait me corriger. L'autre problème, c'est la distance et l'incapacité pour les petites embarcations d'assurer la fraîcheur des stocks. Pour en garantir la fraîcheur, il faut des chalutiers-usines, ce que ne sont pas les petites embarcations.
La sénatrice Stewart Olsen : Serait-il possible d'interdire la pêche hauturière dans la zone 6 et de laisser les stocks aux pêcheurs côtiers? Vous avez présenté des recommandations, et j'essaie de trouver une façon pour les zones rurales d'assurer leur subsistance, venant moi-même d'une région rurale.
M. Hutchings : Nous sommes sur la même longueur d'onde. Nous demandons au MPO de se pencher sur les ZPC, de 0 à 7, en vue d'une réattribution éventuelle des quotas. Nous aimerions que la pêcherie côtière atteigne un seuil viable et que la pêcherie hauturière, si elle pouvait récolter dans d'autres zones, puisse assurer sa viabilité également.
Si nous ne savons pas exactement quelle est la biomasse dans ces zones, faisons des études scientifiques dans toutes ces régions pour savoir si des propositions comme la vôtre seraient envisageables.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci. C'est ce que j'avais compris.
La sénatrice Poirier : Merci pour votre exposé et merci d'être venus.
Vous avez créé un comité multipartite et vous vous exprimez d'une seule voix. Essentiellement, vous demandez au gouvernement fédéral d'essayer de trouver une solution plus juste, qui prévoirait une augmentation des quotas.
Selon le tableau qui figure au document F, je suppose que vous auriez très certainement l'appui des pêcheurs côtiers, puisqu'ils seraient avantagés.
Qu'en pensent les pêcheurs hauturiers, les 14 groupes qui détiennent le permis? Ont-ils été pris en compte dans ce tableau? Quel est leur avis sur la question?
M. Hutchings : Nous avons tenu compte, dans notre comité multipartite, des avis d'une large part de la flottille hauturière. J'hésite toutefois à parler en leur nom. Évidemment, ils ont milité pour la ressource dont ils disposent actuellement et tiennent à ce que la politique du DEPS soit maintenue dans sa forme actuelle.
Nous voulons éviter de dresser un secteur contre l'autre. Le sénateur a proposé une solution novatrice qui pourrait satisfaire les deux secteurs, et nous sommes disposés à collaborer avec le MPO et les deux secteurs pour trouver une nouvelle façon de gérer cette ressource dans les années à venir.
Mme Michael : Par souci d'équité et de justice, nous recommanderions d'effectuer les compressions, mais de maintenir les mêmes proportions pour chacune des parties. Le rapport resterait le même. Ainsi, chacun subit des compressions, mais leur part de la ressource reste la même.
La sénatrice Poirier : Est-ce que vous leur en avez parlé? Semblent-ils réceptifs ou faut-il s'attendre à une autre lutte?
Mme Michael : Il faudrait poser la question aux pêcheurs hauturiers. Je pense, toutefois, que les pêcheurs côtiers seraient d'accord avec nous.
M. Ball : Remontez à 1996. Il ne faut pas oublier que le seuil de 37 600 tonnes a été établi à cette époque-là pour les mêmes raisons qui nous occupent aujourd'hui. L'industrie a pris de l'expansion, et en regardant le tableau, on voit clairement que le secteur hauturier a connu une forte croissance également. Une fois un seuil établi, il faut vivre avec. Maintenant, en 2014, bien que le seuil établi en 1997 s'élève à 37 600, et malgré les compressions qu'a mentionnées Keith dans son exposé, on est quand même à 60 000 tonnes. Il est clair que le secteur hauturier en a beaucoup profité.
En plus, la ligne rouge sur le tableau indique la pêche hauturière. Il s'agit d'attributions communautaires spéciales. Ils pêchent et en touchent des redevances. En plus de leur propre allocation, ils prennent une allocation communautaire ou associative et en reçoivent des redevances.
Le sénateur Enverga : J'aurais une brève question au sujet des pêcheries hauturières et côtières. Les deux exploitent- elles la même sorte de crevettes?
Mme Michael : Oui, c'est la même.
Le sénateur Enverga : Si c'était plus proche de la côte, est-ce qu'un incident environnemental pourrait nuire à la crevette sur la côte Est? C'est plus proche de la côte, n'est-ce pas? Il y a des forages proches de la côte. Est-ce en partie pour cela que la production côtière est à la baisse?
M. Hutchings : D'un point de vue scientifique, je n'en suis pas certain. Je suppose qu'il s'agit des mêmes stocks. Je ne suis pas sûr que ce soit le mot juste. C'est la même espèce. Je crois qu'il serait utile de faire des études scientifiques. À ma connaissance, des sondages sont réalisés chaque année, mais il n'y a pas d'évaluation générale. Une telle évaluation générale n'a été faite que cette année. Nous recommandons qu'une évaluation exhaustive soit faite chaque année et qu'on fasse même une évaluation spéciale des huit zones pour que nous sachions exactement l'état de la biomasse dans ces régions. À partir de là, nous pourrions nous pencher sur une réattribution des quotas pour résoudre certaines des difficultés qu'ont connues les deux secteurs.
Le sénateur Enverga : Je crains surtout que l'on exerce trop de pression sur les stocks côtiers. Nous ne voudrions pas que l'histoire de la pêche à la morue se répète. Il nous faudrait peut-être surveiller la situation de près. Qu'en pensez- vous?
M. Ball : Permettez-moi d'intervenir. Nous savons qu'en 1992, en raison de l'effondrement de la pêche à la morue, la biomasse de crevettes a augmenté. Voilà pourquoi des allocations supplémentaires ont été attribuées.
À l'heure actuelle, les crevettiers nous indiquent que le stock de morue est en croissance, mais nous ne disposons pas vraiment des données scientifiques dont nous aurions besoin; on dit également que la morue est un important prédateur de la crevette. Plus le stock de morue augmentera, plus nous en constaterons les conséquences, puisque c'est interrelié. Selon les crevettiers, nous devrions nous attendre à une diminution des stocks de crevettes.
Voilà pourquoi nos recommandations 3 et 4 abordent les questions de changements climatiques, de températures des eaux et ainsi de suite. Mais il nous faut davantage de données scientifiques avant de pouvoir prendre ces difficiles décisions.
M. Hutchings : Pour poursuivre dans le même ordre d'idées, je vais vous donner l'exemple d'un crevettier avec qui j'ai parlé hier à propos de l'abondance de morue. Il m'a dit que selon les crevettiers, il est possible de rater les crevettes au moment d'effectuer les relevés en raison de l'abondance de morue, poisson qui se tient sur le fond marin. La morue pousse les crevettes vers d'autres colonnes d'eau, il est donc possible de les rater. Voilà ce dont nous parlent, entre autres, les crevettiers en fonction de leur constat.
Pour revenir à vos commentaires sur les changements entraînés au sein de l'écosystème, il faut effectuer des recherches en se fondant sur la science. L'écosystème est peut-être si grand que les phénomènes que nous observons sont sans précédent. Il faut les analyser scientifiquement à l'avenir.
Le sénateur Enverga : Il faut que davantage de recherche soit effectuée.
M. Hutchings : Effectivement.
Le président : Notre temps est écoulé. Je permettrai cependant au sénateur Munson, qui était au Sénat et, par conséquent, n'a pu arriver à temps, de poser une question.
Le sénateur Munson : Je suis whip des libéraux, c'est pourquoi j'ai été retenu au Sénat. On a peut-être déjà répondu à ma brève question. Si rien n'est fait en fin de compte, qui en sortira perdant?
M. Hutchings : C'est simple : ce sont les collectivités rurales et côtières qui en sortiront perdantes — les crevettiers du nord de la péninsule. Certains se consacrent exclusivement à la crevette. S'ils doivent réduire de nouveau l'année prochaine, ça sera la fin pour eux; ils devront se retirer. Leur entreprise s'effondrerait — ils feraient faillite.
D'autres entreprises ont fait l'acquisition de capitaux importants, et même si elles récoltent d'autres espèces, la faillite les attend. Il y a 10 usines de transformation, dont 5 qui se consacrent exclusivement à la crevette — chacune de ces installations vaut de 10 à 13 millions de dollars. Pour fonctionner, elles ont besoin d'un certain volume de crevettes. Si le volume diminue, nous finirons par perdre les usines de transformation et les personnes qui y travaillent. Il en va de même pour les services de soutien et les autres entreprises dans ces régions. Il y aura un effet domino. C'est grave. Si l'histoire se répète, cela aura un effet dévastateur sur les localités côtières.
Le sénateur Wells : Je vous remercie de votre exposé. Vous avez très bien expliqué les résultats des décisions prises par la ministre des Pêches et Océans. Tout récemment, lorsque la ministre a annoncé sa décision, a-t-elle annoncé des quotas pour un an, ou pour trois ans? Comment a-t-elle procédé?
M. Hutchings : J'ai compris que la décision ne concernait que cette année. Pour ce qui est des données scientifiques, si je me souviens bien, les allocations sont attribuées en fonction d'une moyenne mobile sur quatre ans. J'essaie de m'en souvenir. Compte tenu de cette pratique, sénateur, nous recommandons que davantage de données scientifiques soient recueillies, que les recherches soient entreprises immédiatement, et que l'on procède à une évaluation exhaustive des stocks actuels. Voilà ce que nous avons défendu. On nous laisse entendre que c'est dans le domaine du possible, et nous souhaiterions certainement appuyer le ministère des Pêches et Océans dans cette démarche.
Le sénateur Wells : Pourrions-nous affirmer avec certitude qu'il vous serait utile de disposer de plus de données scientifiques?
M. Hutchings : Absolument. Très certainement.
Le président : Je remercie les sénateurs ainsi que les témoins que nous avons entendus ce soir. Vous avez effectivement fait un excellent travail, vous avez brillamment fait valoir les arguments de la province de Terre-Neuve- et-Labrador. C'est avec grand intérêt que nous plancherons sur cette question avec vous dans un avenir rapproché. Il est difficile de croire que de si petits poissons peuvent causer de si grands problèmes; mais c'est bel et bien le cas.
Je vous remercie de nouveau.
Le comité poursuit maintenant son étude spéciale sur la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada. C'est avec plaisir que nous accueillons ce soir trois témoins, et je leur demanderais de se présenter.
Anatole Papadopoulos, directeur, Bureau des politiques et des affaires réglementaires et gouvernementales, Direction des aliments, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada : Bonsoir, monsieur le président, je vous remercie. Je m'appelle Anatole Papadopoulos et je suis le directeur du Bureau des politiques et des affaires réglementaires et gouvernementales à la Direction des aliments de Santé Canada.
Dr Harpreet S. Kochhar, Ph.D., directeur exécutif, Direction santé des animaux, Direction générale des politiques et des programmes, Agence canadienne d'inspection des aliments : Je m'appelle Harpreet Kochhar, je suis vétérinaire en chef du Canada et directeur exécutif de la Direction santé des animaux de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
Dre Debbie J. Barr, directrice intérimaire, Division de la santé, du bien-être et de la biosécurité des animaux, Direction générale des politiques et des programmes, Agence canadienne d'inspection des aliments : Bonsoir. Je m'appelle Debbie Barr et je suis directrice intérimaire de la Division de la santé, du bien-être et de la biosécurité des animaux de la Direction santé des animaux de l'ACIA.
Le président : Je remercie les témoins de nous consacrer de leur temps ce soir. Je vous demanderai maintenant de nous faire part de vos propos liminaires si vous en avez, et nous passerons ensuite aux questions posées par les sénateurs. La parole est à vous.
[Français]
M. Papadopoulos : Monsieur le président, je tiens à vous remercier de me donner l'occasion d'échanger avec vous ce soir au sujet des rôles et des responsabilités de Santé Canada en matière d'aquaculture.
Tout d'abord, j'aimerais vous présenter un survol du rôle que joue le ministère dans le système de réglementation des aliments au Canada.
Le mandat de Santé Canada consiste à aider la population canadienne à préserver et à améliorer son état de santé. Nos principales activités par rapport à la salubrité des aliments et à la nutrition sont, premièrement, l'établissement des politiques, des règlements, des normes et des lignes directrices sur la salubrité et la qualité nutritionnelle des aliments vendus au Canada;
Deuxièmement, il y a l'évaluation des risques pour la santé dans le cadre du soutien des enquêtes sur la salubrité des aliments et d'autres évaluations scientifiques des risques que peuvent poser les produits alimentaires, l'évaluation des bienfaits qu'ils procurent et de leur efficacité, et cetera, comme le volet de l'étude des demandes qui nous proviennent de l'industrie alimentaire et de l'établissement des normes.
Troisièmement, il y a la communication d'avis et de renseignement à d'autres organismes gouvernementaux, à l'industrie, aux organisations de la santé et aux consommateurs pour que tous puissent prendre des décisions éclairées.
À Santé Canada, nous menons aussi des recherches scientifiques tout en assurant une surveillance des produits après leur mise en marché, ce qui appuie l'accomplissement de notre mandat.
Pour leur part, les questions de conformité aux règles qui encadrent les aliments et l'application de celles-ci relèvent de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
La majorité des produits alimentaires vendus au Canada sont régis en vertu des règles et des exigences édictées par la Loi sur les aliments et drogues et le règlement connexe. En consultant le règlement, les fabricants d'aliments savent ce qu'ils sont autorisés ou non à y ajouter, tout comme ce qu'ils peuvent en dire avant de les vendre. Cela signifie que, dans la mesure où leurs produits sont conformes, les fabricants sont habilités à les mettre directement sur le marché. Dans ce contexte, le rôle de surveillance du gouvernement s'exerce presque entièrement une fois que le produit est commercialisé.
Par exemple, le règlement stipule lesquels des aliments doivent ou peuvent contenir des vitamines et des minéraux ajoutés ainsi qu'en quelle quantité. Il précise les allégations de santé et nutritionnelles acceptables et comporte des normes qui comprennent des critères microbiologiques et chimiques de même que des exigences en matière d'étiquetage nutritionnel et des allergènes.
En ce qui concerne une plus petite part des produits alimentaires que les fabricants désirent vendre au Canada, des exigences préalables à la mise en marché sont imposées. Plus précisément, des aliments nouveaux et des préparations pour nourrissons doivent être évalués au cas par cas par Santé Canada avant d'être commercialisés.
Pour que de nouvelles règles habilitantes d'application générale soient établies, par exemple pour les additifs alimentaires, une demande préalable à la mise en marché est aussi requise. Quant aux produits qui font l'objet d'exigences avant leur commercialisation, les fabricants doivent présenter des renseignements scientifiques et techniques précis permettant à Santé Canada d'en évaluer l'innocuité.
Une fois les demandes reçues, elles sont soumises à une évaluation préalable à la mise en marché approfondie, laquelle vise l'innocuité et la qualité nutritionnelle, mais tient aussi compte d'autres facteurs comme la qualité, l'efficacité et la comparabilité sur le plan international.
Dans le cas des préparations pour nourrissons ou des aliments nouveaux, si Santé Canada détermine qu'ils sont sans danger, le requérant reçoit une lettre de non-opposition lui permettant de les vendre en toute légalité. En reprenant l'exemple des additifs alimentaires, si un fabricant demande l'autorisation d'en utiliser un ou plusieurs de manière inédite, cette nouvelle utilisation sera autorisée pour tous les fabricants et sera ajoutée à la liste des additifs alimentaires autorisés, incorporés par renvoi au règlement.
[Traduction]
Maintenant, au sujet de l'aquaculture, bien que Santé Canada ne réglemente pas directement ce secteur en soi, il y joue tout de même un rôle en s'assurant que les aliments qu'il produit sont sans danger. D'un point de vue général, nous participons à quatre principaux types d'activités qui peuvent avoir une incidence sur les produits d'aquaculture : la surveillance réglementaire des contaminants chimiques, la surveillance réglementaire des dangers microbiens, l'évaluation des aliments nouveaux, et la communication d'information au public. Ces quatre activités contribuent à assurer la salubrité du poisson et des fruits de mer destinés à la population canadienne et permettent aux consommateurs de faire de bons choix.
Nos normes visent à la fois les produits d'aquaculture et les produits de source sauvage. Nous nous concentrons sur la salubrité et la qualité nutritionnelle du produit alimentaire final.
En ce qui concerne l'innocuité des produits chimiques, Santé Canada est responsable d'évaluer les risques pour la santé humaine causés par l'exposition aux contaminants chimiques d'origine alimentaire. Par exemple, le mercure et les diphényles polychlorés (BPC) font partie de ceux que l'on peut trouver dans le poisson et les fruits de mer. Le principal objectif de ces travaux consiste à faire en sorte que les concentrations en substances chimiques dans les produits alimentaires ne comportent pas de risque inacceptable pour la santé des Canadiens.
Les scientifiques de Santé Canada effectuent des contrôles réguliers des niveaux de contaminants présents dans l'alimentation. Nos scientifiques mènent également des recherches et évaluent les données scientifiques afin de mieux comprendre les effets des produits chimiques sur le corps humain. Chacune de ces activités représente un maillon dans la chaîne d'évaluation des risques qui permet de développer des stratégies de réduction ou d'élimination des risques d'effets indésirables découlant de l'exposition aux produits chimiques.
Lorsqu'un risque inacceptable est cerné, des mesures de gestion appropriées doivent être prises pour réduire le risque d'effets indésirables liés à l'exposition aux contaminants en question. L'une de ces mesures consiste à établir les niveaux maximums de présence de certains contaminants chimiques dans l'alimentation. Les niveaux maximums sont établis par Santé Canada et contrôlés par l'ACIA. Ces niveaux ont été établis en fonction des meilleures informations scientifiques disponibles afin d'assurer que les Canadiens ne sont pas exposés à des niveaux inadmissibles de contaminants chimiques dans leur alimentation. Une fois de plus, Santé Canada ne fait pas la différence entre les niveaux de contaminants pour les poissons sauvages ou d'élevage. Par exemple, Santé Canada a établi des normes pour la présence de mercure dans le poisson commercial vendu au détail. Santé Canada a également développé des méthodes d'analyse des contaminants et mène des analyses afin de déterminer le niveau et la portée de la contamination de l'alimentation. L'Étude canadienne sur l'alimentation totale est un exemple d'un sondage national mené par Santé Canada pour déterminer l'exposition à ces produits chimiques.
La deuxième activité à laquelle j'ai fait allusion porte sur la sécurité microbiologique de la nourriture au Canada. Or, il y a plusieurs risques microbiologiques liés à nos aliments dérivés d'organismes aquatiques. Santé Canada mène des activités de recherche, d'évaluation et de normalisation pour réduire l'exposition des consommateurs aux micro- organismes que l'on trouve dans le poisson et les fruits de mer. Par exemple, Santé Canada a développé un profil de risque concernant le clostridium botulinum retrouvé dans les poissons que l'on vend frais, salés ou saumurés au Canada, afin de mieux comprendre les risques liés à ce genre de produit. Nous avons également développé un document d'orientation microbiologique pour les poissons fumés à l'intention de l'ACIA et du secteur privé. Enfin, nous avons développé des méthodes de détection, d'isolation et de caractérisation de diverses espèces de vibrions retrouvés dans les fruits de mer.
Dans ces deux domaines, à savoir la sécurité chimique et microbiologique, les normes de Santé Canada sont alignées sur les normes internationales. En fait, Santé Canada participe activement au Codex, le principal organe multilatéral d'évaluation de sécurité alimentaire, qui établit les normes internationales visant les contaminants microbiaux et chimiques présents dans la nourriture.
Je passe maintenant aux aliments nouveaux. Conformément au titre 289 du Règlement sur les aliments et drogues, un aliment nouveau est une substance, y compris un micro-organisme, qui ne présente pas d'antécédent d'innocuité comme aliment; un aliment qui a été fabriqué, préparé, conservé ou emballé au moyen d'un procédé qui n'a pas été appliqué auparavant à l'aliment, fait subir à l'aliment un changement majeur; ou un aliment dérivé d'un végétal, d'un animal ou d'un micro-organisme qui a été modifié génétiquement. Certains produits alimentaires dérivés de l'aquaculture peuvent être considérés comme des aliments nouveaux et exigent donc une évaluation précommercialisation par Santé Canada.
La priorité du gouvernement est la santé et la sécurité des Canadiens dans toute évaluation de la sécurité et de l'équivalence nutritive de tout aliment génétiquement modifié. Les scientifiques de Santé Canada mènent des évaluations précommercialisation des plus rigoureuses sur tous les aliments génétiquement modifiés avant d'autoriser leur vente sur le marché canadien.
Comme vous le savez sans doute, Santé Canada a reçu une demande d'aliment nouveau pour un produit de saumon génétiquement modifié, qui fait actuellement l'objet d'une évaluation rigoureuse.
Enfin, l'une des activités clés de Santé Canada pour aider les Canadiens à maintenir, voire améliorer leur santé, est de promouvoir les conditions qui permettent aux Canadiens de faire des choix sains et de leur offrir de l'information afin qu'ils puissent prendre des décisions éclairées sur leur santé.
En ce qui concerne le mercure, Santé Canada a émis des avis de consommation à tous les Canadiens afin que ces derniers puissent profiter des avantages du poisson tout en contrôlant leur exposition au mercure. Cet avis propose des limites de consommation de certains types de poissons, ainsi que des limites supplémentaires pour les populations vulnérables, comme les enfants et les femmes enceintes.
À cause des effets bénéfiques du poisson, le Guide alimentaire canadien recommande que l'on consomme au moins deux portions de poisson par semaine, les poissons à préconiser étant l'omble, le hareng, le maquereau, le saumon, les sardines et la truite. En effet, ces types de poissons sont particulièrement élevés en acides gras oméga-3, qui possèdent des vertus bénéfiques pour le cœur.
Enfin, en 2012, de nouveaux règlements sont entrés en vigueur pour renforcer les exigences d'étiquetage des allergènes et exiger l'utilisation d'un langage plus clair et l'indication d'allergènes, de sources de gluten et de sulfites tenus cachés jusque-là. Les fruits de mer, y compris les mollusques, les poissons et les crustacés, sont d'importants allergènes et doivent donc être signalés sur les étiquettes, de façon que les Canadiens souffrant d'allergies puissent être munis de l'information dont ils ont besoin pour se protéger.
[Français]
En conclusion, les activités dont je vous ai parlé aujourd'hui soutiennent la mission de Santé Canada qui consiste à aider la population canadienne à préserver et à améliorer son état de santé.
Monsieur le président et membres du comité, cela conclut mon résumé du rôle que joue Santé Canada à l'égard de l'innocuité des produits alimentaires issus de l'aquaculture. Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé et j'attends vos questions avec beaucoup d'intérêt.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup. Docteur Kochhar, je crois que vous avez des remarques liminaires.
Dr Kochhar : Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui à titre de vétérinaire en chef du Canada et représentant de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
Je voudrais également remercier le comité pour son remarquable travail et pour l'intérêt qu'il porte à l'étude de l'aquaculture. Je suis heureux que l'on ait demandé à l'ACIA de vous faire part de ses observations au sujet de la présente étude.
Je suis ici aujourd'hui en compagnie d'un membre clé de l'équipe de la santé des animaux de la l'ACIA, la Dre Debbie J. Barr, directrice intérimaire de la Division de la santé, du bien-être et de la biosécurité des animaux, à la Direction générale des politiques et des programmes de l'agence.
[Français]
Nous sommes un organisme de réglementation à vocation scientifique. L'ACIA a pour mandat d'améliorer la santé et le bien-être des Canadiens, l'environnement et l'économie en assurant la salubrité des aliments, la santé des animaux et la protection des végétaux.
[Traduction]
Notre mandat vise donc l'aquaculture, étant donné qu'il est question d'élevage d'organismes aquatiques comme des poissons à nageoires, des crustacés et des mollusques. Mme Shea, ministre de Pêches et Océans, a déjà déclaré devant ce comité que l'aquaculture était le secteur de production alimentaire connaissant la croissance la plus rapide sur la planète, puisqu'il répond maintenant à près de 50 p. 100 de la demande mondiale en poissons et produits de la mer, et que cette croissance devrait se poursuivre à long terme à raison de 7 p. 100 par année.
Au Canada, l'aquaculture se pratique dans les 10 provinces, ainsi qu'au Yukon. L'industrie génère 174 000 tonnes de produits, ce qui représente une activité économique totalisant 2 milliards de dollars par année et des revenus à la ferme de plus de 800 millions de dollars.
Monsieur le président, l'industrie est tenue de produire des aliments salubres et de veiller à la santé des animaux aquatiques résultant de ces activités d'élevage. L'ACIA a la responsabilité de vérifier si l'industrie se conforme aux règlements pertinents.
En ce qui concerne l'élevage de poissons destinés à la consommation humaine et transformés dans des établissements agréés par le gouvernement fédéral, nous appliquons le règlement sur l'inspection du poisson. Ce règlement vise tous les poissons, qu'il s'agisse de poissons d'élevage ou de poissons sauvages. Tous les poissons doivent répondre aux exigences réglementaires en matière de salubrité, de comestibilité et d'identité.
Outre les exigences énoncées dans le Règlement sur l'inspection du poisson, la Loi sur les aliments et drogues interdit la vente de poissons jugés impropres à la consommation. Les résultats des analyses de l'ACIA auxquelles ont été soumis des produits de poissons d'origine canadienne, y compris des poissons d'élevage, confirment invariablement un taux de conformité élevé. Le système de salubrité des aliments du Canada est toujours reconnu comme l'un des meilleurs au monde.
Monsieur le président, le Programme national sur la santé des animaux aquatiques (PNSAA) du Canada est l'un des principaux moyens qu'utilise l'ACIA pour lutter contre les maladies des animaux aquatiques comme les poissons à nageoires, les mollusques et les crustacés. Le Conseil canadien des ministres des Pêches et de l'Aquaculture convient que Pêches et Océans Canada devrait transférer à l'ACIA sa responsabilité liée à la santé des animaux aquatiques. Avec l'élaboration et la mise en œuvre en cours du PNSAA, l'ACIA sera, à compter du 1er janvier 2015, le seul organisme de réglementation fédéral des maladies des animaux aquatiques au Canada. Mis en œuvre en partenariat par l'ACIA et Pêches et Océans Canada, le PNSAA respecte les normes internationales établies par l'Organisation mondiale de la santé animale. Le PNSAA met l'accent sur les maladies des animaux aquatiques qui sont déclarables ou à notification immédiate ou annuelle.
[Français]
Il s'agit de maladies qui exigent la mise en place immédiate de mesures de lutte ou d'éradication compte tenu de leurs répercussions sur le commerce, l'économie et l'environnement du Canada.
[Traduction]
Le PNSAA facilite et élargit l'accès aux débouchés commerciaux pour les animaux aquatiques et leurs produits grâce à la délivrance de certificats zoosanitaires pour les animaux aquatiques destinés à l'exportation, lorsque le pays importateur l'exige.
Pour ce qui est des importations, le Canada exige, aux termes du PNSAA, la détention d'un permis pour les espèces de poissons, de mollusques et de crustacés vulnérables afin d'atténuer le risque d'introduction de maladies dans les populations d'animaux aquatiques et les eaux naturelles du Canada. Les pays exportateurs doivent certifier que les espèces vulnérables respectent les exigences à l'importation, et les importateurs canadiens doivent aussi répondre aux exigences du permis d'importation.
Lorsqu'une maladie touchant les animaux aquatiques est décelée au pays, les conséquences économiques peuvent être dramatiques. À l'heure actuelle, l'ACIA décide au cas par cas d'intervenir lorsque surviennent des maladies à déclaration obligatoire chez les animaux aquatiques. Ainsi l'agence est-elle intervenue à sept reprises dans de telles situations entre 2012 et 2014. Le gouvernement fédéral a versé 84 millions de dollars à l'industrie pour les coûts associés à l'élimination obligatoire des animaux visés, aux termes de la Loi sur la santé des animaux. Il est reconnu que cette approche n'est pas viable à long terme.
Nous avons tiré d'importantes leçons de ces situations. À la lumière de l'expérience acquise avec les élevages de poissons marins sur la côte Est, l'ACIA a constaté que l'infrastructure de l'industrie, individuelle ou collective, ne permet pas de faire face aux incidences de mortalité massive associées à ces épidémies. De plus, la proximité des exploitations et les pratiques d'ensemencement sont des facteurs qui influent sur la propagation de la maladie; il est donc important de tenir compte de ces risques avant d'autoriser des activités d'aquaculture à un site donné. Nous encourageons l'industrie aquacole d'un bout à l'autre du Canada à favoriser l'adoption de meilleures pratiques de biosécurité et de mesures de prévention plus uniformes qui minimiseront le risque d'introduction et de propagation d'organismes infectieux au sein d'une population ou entre populations.
Dans le cadre de la mise en œuvre intégrale du PNSAA, l'ACIA prévoit d'appliquer des exigences relatives au transport en territoire canadien à compter du 31 décembre 2014. Cette dernière partie du PNSAA se fonde sur la déclaration du statut de chaque province ou d'une partie d'une province et des eaux côtières du Canada quant aux maladies déclarables. En vertu de cette nouvelle partie du programme, le transport au Canada des salmonidés ainsi que des mollusques et des crustacés sera interdit ou permis en fonction du statut zoosanitaire aux points d'origine de destination.
Si des eaux sont déclarées infectées, l'ACIA propose également de passer d'une approche d'éradication de la maladie à une approche de confinement au sein de la zone infectée. L'agence proposera d'établir des mesures de contrôle des déplacements en vue d'éviter toute autre propagation de la maladie en-dehors des eaux infectées. L'adoption d'une approche de confinement évitera d'ordonner l'élimination d'animaux, puisque l'éradication n'est plus considérée comme réalisable.
[Français]
À long terme, le programme de transformation et de modernisation de l'inspection de l'ACIA prévoit la création d'un système d'autorisation fondé sur la mise en place par l'industrie aquacole de plans de contrôle préventif adéquats; des plans qui sont conçus et mis en œuvre par l'industrie pour protéger ces animaux aquatiques contre les maladies et qui minimisent les risques pour la santé humaine.
[Traduction]
En plus de solides mesures d'atténuation des risques à titre préventif, l'industrie est encouragée à envisager l'adoption d'un programme d'assurance privé, semblable à celui élaboré par l'industrie avicole du Canada, pour couvrir les pertes possibles.
La prospérité à long terme de l'aquaculture au Canada passe par une industrie apte à réagir et responsable. À cette fin, l'ACIA poursuivra son partenariat avec Pêches et Océans Canada et d'autres ministères et organismes, avec les autorités provinciales, territoriales et municipales, avec d'autres intervenants ainsi qu'avec l'industrie afin de favoriser une industrie aquacole durable au Canada.
Je vous remercie.
Le président : Merci.
La sénatrice Hubley : Je vous remercie beaucoup pour vos exposés et je vous souhaite la bienvenue.
Nous avons beaucoup entendu parler du rôle que joue chacun de vos ministères dans l'industrie aquacole. Je vais me reporter à des renseignements que nous avons reçus à la suite de la visite que nous avons effectuée sur la côte Ouest pour étudier l'industrie de l'aquaculture. On a eu la nette impression que le cadre réglementaire fédéral-provincial qui régit l'aquaculture donne lieu à des chevauchements et à des doubles emplois. Le cadre est complexe, fastidieux et coûteux. Il faut en tenir compte en regard de la déclaration de Mme Gail Shea, ministre de Pêches et Océans, selon laquelle la moitié de la demande mondiale de poissons et de fruits de mer augmentera très probablement de 7 p. 100 par année. J'ai l'impression que cela n'arrivera pas à moins d'une nouvelle loi sur l'aquaculture, ou du moins une refonte du cadre réglementaire. J'aimerais demander à tous les deux, mais d'abord à l'ACIA, si vous pourriez envisager que votre rôle soit intégré à une loi sur l'aquaculture qui serait centrée principalement sur l'industrie aquacole.
Dr Kochhar : Une chose nous apparaît très évidente, c'est que nous assumons en fait la responsabilité du dossier « maladie » de l'industrie des animaux aquatiques. Nous serions donc tout à fait disposés à collaborer avec des partenaires provinciaux et territoriaux, le MPO et Santé Canada, dans une démarche visant à élaborer une loi portant précisément sur l'aquaculture et qui engloberait l'élément des maladies des animaux aquatiques.
M. Papadopoulos : À l'instar de l'ACIA, Santé Canada collaborerait certainement avec le ministère des Pêches et des Océans et d'autres ministères et autorités fédérales sur toute nouvelle initiative législative qui aurait une incidence sur notre mandat. Il est difficile d'imaginer la nature de ce rôle, mais j'aimerais attirer votre attention sur le fait que, de par son mandat, Santé Canada surveille le produit final et non le secteur. En l'occurrence, le ministère s'intéresserait plutôt à la salubrité du produit final de poissons et de fruits de mer. C'est pourquoi je ne suis pas sûr que Santé Canada serait intégré à pareille démarche. On cite souvent aussi la Loi sur les aliments et drogues, ainsi que les règlements et normes connexes, qui s'appliquent à tous les aliments, quelle que soit leur origine.
La sénatrice Raine : Je vous remercie. J'ai des questions à vous poser à tous deux. Tout d'abord, monsieur Papadopoulos, en ce qui concerne l'exposition au mercure, quand vous mesurez le mercure chez les saumons sauvages et de culture, y a-t-il une différence chez les uns par rapport aux autres?
M. Papadopoulos : Je ne suis au courant d'aucune différence dans le niveau de mercure. Je sais qu'il y a des différences dans les niveaux en fonction du type de poisson à cause de la bioaccumulation. Les poissons prédateurs, qui sont plus gros, ont tendance à avoir un taux de mercure supérieur à celui des plus petits poissons, d'où les avis liés à la consommation de certains types de poisson par certains groupes vulnérables.
Je ne sais pas si nous avons tenté d'identifier les différences entre les poissons sauvages et d'élevage, mais nous cherchons surtout à faire en sorte que ces niveaux, que ce soit chez les uns ou chez les autres, soient inférieurs à ceux qui poseraient un risque pour les Canadiens.
La sénatrice Raine : Est-ce que vous diriez que les niveaux de mercure chez les poissons d'élevage du Canada s'inscrivent dans les limites permises?
M. Papadopoulos : Je ne sais pas si mes collègues de l'ACIA ont des données, puisque ce sont eux qui veillent au respect de ces niveaux. Je n'ai pas entendu parler de surexposition, que ce soit chez les poissons d'élevage ou les poissons sauvages. Il faudrait que je me renseigne et je vous ferai parvenir les données que nous avons en main.
Dr Kochhar : Moi aussi, je devrai me renseigner, parce que je n'ai pas ces données sous la main. De façon générale, les taux de conformité, relativement au poisson sauvage et d'élevage sont tout à fait dans les limites permises. Si un établissement enregistré sous le régime fédéral affichait un niveau supérieur, nous avons les moyens et des mécanismes appropriés pour empêcher que le produit atteigne les consommateurs.
La sénatrice Raine : Ma deuxième question concerne l'anémie infectieuse du saumon. Certaines personnes nous ont dit que cela pose un problème. Je sais qu'on l'a décelée chez le saumon de l'Atlantique de l'Est. Est-ce qu'il y en a eu dans des exploitations aquacoles du Pacifique?
Dr Kochhar : En fait, aucun cas d'anémie infectieuse du saumon n'a été relevé sur la côte Ouest. J'invite le Dre Barr à vous en dire plus sur le sujet.
Dre Barr : Nous avons fait une surveillance approfondie des populations de poisson sauvage de la côte Ouest. Sur plusieurs années, avec des échantillonnages statistiquement significatifs des populations, tous les échantillons de poisson sauvage ont affiché un résultat négatif pour ce qui est de l'anémie infectieuse du saumon.
À propos de la population au pays, l'ACIA voulait entreprendre des mesures pour déceler les lacunes potentielles dans les contrôles déjà en place. Certains contrôles ont été effectués sur le poisson d'élevage tant par l'industrie que par la province. Notre groupe de surveillance a effectué une analyse approfondie de tous les contrôles afin de déterminer s'il y avait des lacunes à combler par l'ACIA au moyen de surveillance ciblée. Le groupe était satisfait des résultats négatifs, ceux-ci ont indiqué que l'anémie infectieuse du saumon n'est pas présente à l'heure actuelle en Colombie- Britannique.
La sénatrice Raine : Les scientifiques savent-ils pourquoi le virus est présent sur la côte Est et non sur la côte Ouest?
Dre Barr : Si le virus pénètre dans un réservoir d'animaux sauvages, celui-ci peut être transmis aux poissons d'élevage aux alentours. On sait qu'il est présent dans le réservoir d'animaux sauvages de la côte Est.
La sénatrice Raine : Merci beaucoup.
La sénatrice Poirier : Ma première question s'adresse au Dr Kochhar. Vous dites que vous encourageriez l'industrie à envisager de souscrire des assurances privées un peu comme dans le secteur de la volaille. À cet égard, on pense aussi à l'assurance-récolte. Y a-t-il du nouveau à ce sujet? Ce type d'assurance existe-t-il? Peut-on y avoir accès ou faudrait-il en mettre sur pied? Avez-vous des renseignements à ce sujet?
Dr Kochhar : Je ne connais pas de tels programmes. Je ne sais pas s'il en existe, mais la plupart de ces programmes d'assurance sont liés à Agriculture et Agroalimentaire Canada et à leur capacité de soutenir les producteurs. Docteure Barr, avez-vous d'autres renseignements?
Dre Barr : Sur la côte Est, il faudrait créer un programme.
La sénatrice Poirier : Même si on considère qu'il s'agit d'élevage, ceci ne serait pas couvert par une assurance-récolte ou une autre assurance qui existerait déjà.
Dre Barr : Les programmes actuels ne s'appliquent pas aux animaux aquatiques.
La sénatrice Poirier : La semaine dernière, nous avons rencontré l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture, qui est en faveur d'une loi fédérale sur l'aquaculture. Une telle mesure serait-elle avantageuse pour votre organisme, et si oui, pourquoi?
Dr Kochhar : Dans une loi fédérale, il devrait y avoir un volet consacré à l'aquaculture. Ce serait la seule façon de faire. Toutefois, étant donné que notre mandat touche en partie le MPO, l'ACIA et la santé des animaux aquatiques ainsi que les produits alimentaires, il faudrait voir où intégrer un tel volet. S'il y avait un volet précis consacré à l'aquaculture dans une loi fédérale sur l'agriculture, cela pourrait fonctionner.
La sénatrice Poirier : Ma prochaine question s'adresse à M. Papadopoulos. Dans votre présentation, vous dites que Santé Canada ne fait pas de distinction entre les niveaux de contaminants chez les poissons sauvages et chez les poissons issus de l'aquaculture.
Observez-vous davantage de problèmes chez les poissons issus de l'aquaculture que chez les poissons sauvages? Y a- t-il plus de problèmes ou de maladies d'un côté ou de l'autre, ou est-ce que les situations s'équivalent?
M. Papadopoulos : Je ne pourrais pas me prononcer sur les facteurs de maladies, car cela ne fait pas partie de mon mandat. À propos des niveaux de contaminants, les normes établies par Santé Canada visent à protéger la santé et la sécurité, peu importe l'origine du poisson ou du fruit de mer. C'est ce que je veux dire quand je dis qu'il n'y a pas de distinction, les normes sont établies au niveau nécessaire pour veiller à ce que l'exposition à des contaminants en particulier n'atteigne pas un niveau qui entraînerait des risques inacceptables pour la santé.
La sénatrice Poirier : Avez-vous des renseignements, Dr Kochhar? Existe-t-il une différence entre le nombre de problèmes qu'on observe chez les poissons d'élevage en comparaison aux poissons sauvages en ce qui concerne les maladies et autres?
Dr Kochhar : Je vais devoir consulter ma documentation et établir une comparaison. Toutefois, nous avons un bon programme de surveillance côté sauvage et côté élevage. Nous n'avons rien observé de remarquable, mais pour être plus précis, je devrais consulter ma documentation et établir une comparaison.
La sénatrice Poirier : Si vous pouvez fournir ces renseignements au comité, ce serait très intéressant.
Le sénateur Munson : J'aime bien l'idée d'une analyse comparative entre le poisson sauvage et le poisson issu de l'aquaculture.
Il me semble qu'on a fait la vie dure à l'aquaculture au cours des dernières années. Quelle évaluation faites-vous de l'aquaculture aujourd'hui? Il semble que la vente de notre poisson répond aux besoins d'un petit créneau dans le monde, et pourtant vous vous vantez d'avoir l'un des meilleurs systèmes de surveillance au monde. Il me semble que si on avait l'un des meilleurs systèmes de surveillance au monde, nos poissons seraient en santé. Pouvez-vous me dresser un portrait général et me donner votre point de vue sur l'aquaculture et les conditions saines ou moins saines d'élevage?
Dre Barr : Si je devais dresser un portrait, je reviendrais à votre question précédente à propos de la comparaison entre le saumon sauvage et le saumon d'élevage.
Il faut garder à l'esprit les caractéristiques uniques de l'élevage de poisson dans l'eau par opposition à l'élevage d'animaux sur terre : lorsqu'un animal sauvage meurt sur terre parce qu'il est malade, on peut retrouver son cadavre et on peut faire un contrôle pour les maladies. C'est plus difficile dans le cas d'un environnement aquatique sauvage. Lorsqu'un poisson sauvage meurt, on ne retrouvera peut-être jamais son cadavre, il est donc difficile d'effectuer des comparaisons précises entre les poissons d'élevage et les poissons sauvages.
Les principes qui s'appliquent à l'élevage s'appliquent également à l'aquaculture. On peut prendre de nombreuses mesures pour veiller à la santé des animaux. Les pratiques d'élevage sont très importantes à cet égard pour déceler si les animaux d'élevage sont en santé ou non. La biosécurité agricole est un facteur de taille, surtout en ce qui concerne l'anémie infectieuse du saumon : les animaux en santé ne sont pas autant stressés et les animaux stressés ont davantage tendance à être malades. Lorsque toute l'industrie travaille ensemble, on remarque de bonnes pratiques d'élevage d'animaux, de bonnes pratiques en matière de biosécurité, ce qui permet d'obtenir une aquaculture durable qui produit des poissons en très bonne santé.
Le sénateur Munson : Comment se déroulent vos inspections? Est-ce que les producteurs savent que vous venez les visiter? Avez-vous assez de personnel pour mener à bien vos activités? Ou, arrivez-vous à l'improviste en disant à l'inspecteur : « Nous faisons une inspection aujourd'hui, il est 5 heures du matin et nous voulons faire une inspection complète »? Avez-vous des inspecteurs en aquaculture qui forment un groupe d'intervention d'urgence par exemple?
Dr Kochhar : Dans le cas des maladies, il s'agit plutôt d'un programme d'échantillonnage qui est basé sur notre évaluation sur place. En ce qui concerne les poissons qui sont pêchés et transformés dans des établissements enregistrés au fédéral, nous avons un système de surveillance sûr parce que nous avons des inspecteurs dans les usines de transformation. La plupart du temps, il s'agit d'une bonne façon pour nous de faire une évaluation générale ou de déceler des symptômes de maladie.
Si on se penche sur le cas des poissons d'élevage, nous avons des programmes en place dans le cadre desquels nous faisons des évaluations selon la fréquence, le type d'élevage, les problèmes potentiels et le type de mesures de biosécurité en place. Voilà les éléments qui sont compris dans tous nos programmes d'inspection.
Le sénateur Munson : Y a-t-il assez d'inspecteurs pour faire le travail?
Dr Kochhar : Au niveau de la santé des animaux aquatiques, nous sommes en train de faire la transition entre le ministère des Pêches et Océans et l'Agence canadienne de l'inspection des aliments et nous essayons continuellement de regrouper nos programmes afin de couvrir le plus possible ce secteur de l'aquaculture en ce qui a trait à la maladie.
Le sénateur Munson : Parfois, l'ACIA ordonne la destruction des poissons malades. Dans d'autres cas on aura peut- être décidé qu'il n'est pas nécessaire d'aller jusque-là, et donc les poissons seront utilisés pour la transformation.
L'idée c'est que si on voit du poisson en boîte, on peut le manger mais pas si le poisson se retrouve en face de vous. Quand est-il nécessaire d'ordonner la destruction de poissons malades et quand ces poissons malades peuvent-ils être transformés pour la consommation humaine? Ça porte à confusion.
Dr Kochhar : Le but des ordonnances de destruction est d'empêcher la propagation d'une maladie d'une ferme à l'autre. Nous émettons l'ordonnance pour isoler une ferme piscicole précise afin d'empêcher la propagation et de permettre le nettoyage et la désinfection.
Je dois vous dire que la plupart des maladies, par exemple l'AIS, ne présentent pas de menace à la salubrité alimentaire. En gros, lorsqu'on utilise ce poisson à des fins de dépeuplement, c'est le mot qu'on emploie, cela ne représente pas pour le transformateur de danger pour la sécurité sanitaire des aliments. On peut le transformer et on peut le manger, mais le but c'est de nous assurer que la maladie ne se propage pas à d'autres fermes et c'est pour cela que nous ordonnons que les poissons soient détruits.
Dre Barr : Le poisson lui-même peut souffrir d'une maladie qui affecte d'autres poissons, mais ça ne veut pas dire que la chair n'est pas bonne à manger, il n'y a aucun risque pour la santé humaine.
La destruction, comme M. Kochhar a dit, a lieu lorsqu'on essaie d'éliminer une maladie. La question qu'il faut toujours se poser est de savoir comment on peut minimiser l'impact des pertes sur le producteur et en même temps empêcher le plus possible la propagation de cette maladie et récupérer une partie de la valeur des animaux. Qu'il s'agisse de poissons ou d'autres animaux terrestres, c'est une façon acceptable d'éviter une destruction totale.
Le sénateur McInnis : Dans son site web, l'ACIA dit qu'il ne faut pas utiliser comme appât des saumons infectés de l'anémie infectieuse. Il ne faut pas le mettre dans l'eau et il faut laver les vêtements à une température élevée. Et malgré tout, vous dites qu'on peut les manger?
Dre Barr : D'autres poissons, pas des personnes.
Le sénateur McInnis : Je ne comprends pas. Vous pouvez en faire un repas pour les poissons.
Dre Barr : Non, l'appât pourrait infecter un autre poisson, c'est pour cela qu'ils le disent.
Le sénateur McInnis : Eh bien, je ne sais si en tant qu'humain je vais le manger si vous ne voulez pas que les poissons le mangent. C'est incroyable.
Il y a beaucoup d'histoires, de rumeurs, et cetera, à propos de l'anémie infectieuse du saumon et je crois qu'il serait important que vous expliquiez au comité exactement ce que c'est et si oui ou non c'est dangereux pour les humains. Je suppose que ça ne l'est pas et que nous pouvons les manger. Vous avez répondu à la question que j'allais vous poser. Pourquoi, alors, en abattez-vous parfois des centaines de mille? Est-ce qu'il y a des niveaux différents d'AIS? Comment l'abattage de ces poissons est-il déclenché?
Dr Kochhar : D'abord, comme la Dre Barr l'a dit, si nous nous en servons comme appât, ils pourraient infecter d'autres poissons, ce que nous voulons éviter. Nous voulons limiter la propagation de la maladie et c'est pour cela que ce n'est pas permis. L'AIS ne représente pas de danger pour la salubrité alimentaire ni pour la santé humaine parce qu'il s'agit d'une maladie qui ne peut être transmise aux humains. Ça ne se passe pas ainsi; toutefois, c'est une maladie qui peut être transmise d'un poisson à l'autre et c'est pour cela que nous disons qu'il ne faut pas se servir de poissons infectés comme appât.
Le deuxième aspect porte sur l'ordonnance de destruction. Comme je l'ai dit, on procède ainsi pour contenir la propagation de la maladie. Cependant, on les abat pour en récupérer la valeur et pour ce faire, il faut qu'ils aient un certain poids. L'animal abattu, peut ensuite être transformé en aliment.
Le sénateur McInnis : Y a-t-il un étiquetage spécial de ce poisson chez Loblaws ou Sobeys?
Dr Kochhar : Non, il n'y en a pas.
Le sénateur McInnis : Et on peut aujourd'hui le consommer sans danger?
Dr Kochhar : Si le poisson d'élevage est transformé de cette façon-là, oui, il pourrait être vendu pour la consommation humaine.
Le sénateur McInnis : Bon. Cela ne me rassure pas beaucoup.
Ils tombent malades et sont atteints d'infestation parasitaire et autres, après quoi l'industrie utilise des drogues et des pesticides quelconques. Quel est le cadre réglementaire régissant l'utilisation de ces traitements et l'impact potentiel sur les humains?
Dre Barr : Toute drogue administrée à un animal susceptible d'être consommé par un humain est assujettie à des périodes de retrait précises, qui doivent être rigoureusement respectées. Normalement, ces périodes de retrait sont documentées. Encore une fois, même si nous nous inquiétons de la présence de maladies chez les animaux sauvages, nous disposons tout de même d'inspecteurs de notre département des pêches et des fruits de mer qui doivent s'assurer que tous les poissons soient propres à la consommation humaine avant d'en permettre la vente.
Dr Kochhar : Je peux ajouter que nous avons des programmes de contrôle et de surveillance des résidus. Toute drogue ou tout produit chimique utilisé pour soigner une maladie doit avoir été totalement éliminé du corps de l'animal avant que celui-ci ne soit transformé en aliment propre à la consommation humaine.
Le sénateur McInnis : Voulez-vous que je revienne?
Le président : Ce n'est pas possible.
Le sénateur McInnis : Est-ce que mon temps est écoulé?
Le président : Voulez-vous une dernière question complémentaire?
Le sénateur McInnis : J'ai de nombreuses questions. Peut-être que je pourrais vous les envoyer.
Dr Kochhar : D'accord.
Le sénateur Enverga : Je vous remercie de votre exposé. Auparavant, je faisais de la pêche sportive. Je pêchais dans les lacs et parfois dans l'océan. J'ai vu toutes ces brochures nous avertissant que si le poisson est de telle taille, soit de plusieurs pouces, il ne faudrait le consommer qu'une fois par semaine ou, d'une autre taille, s'en tenir à une fois par mois.
Pourquoi est-ce différent dans le secteur de l'aquaculture? Quelle est la différence entre le poisson sauvage et le poisson d'élevage, s'il y en a?
M. Papadopoulos : Les conseils en matière de consommation du poisson sont liés aux concentrations de certains contaminants, le mercure par exemple, qu'on pourrait s'attendre à voir dans un poisson. Voilà d'où proviennent les conseils en matière de consommation.
Encore une fois, les normes réglementant les concentrations de contaminants qui visent à réduire ou limiter l'exposition à des niveaux qui ne posent pas de risques pour la santé s'appliqueraient à n'importe quel poisson, qu'il s'agisse d'un poisson d'élevage ou d'un poisson sauvage. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
Le sénateur Enverga : Comment se fait-il que nous n'ayons pas ces limites s'il s'agit d'un gros saumon ou d'un petit? Pourquoi n'avons-nous pas ce genre de directives sur la consommation de ce genre de poisson?
M. Papadopoulos : Ces lignes directrices s'appliquent de manière générale. Elles font partie des conseils d'alimentation et des informations fournies par Santé Canada à la population. Elles s'appliquent, par exemple, au saumon, que ce soit du saumon produit par l'aquaculture ou du saumon sauvage. Ces conseils alimentaires sont différents selon les différents types de poisson. Elles sont basées sur une analyse scientifique des niveaux normaux, et s'appliquent en fait à tous les poissons.
La sénatrice Enverga : Ne pensez-vous pas qu'au supermarché il devrait y avoir une étiquette disant « Il s'agit d'un grand poisson; il ne faut pas trop en manger, il faut en manger seulement une fois par semaine? » Ne pensez-vous pas qu'il devrait y avoir des étiquettes dans les supermarchés pour que les gens puissent savoir ce qu'ils mangent et ce que cela leur coûte? Ne pensez-vous pas qu'il faudrait y avoir des étiquettes?
M. Papadopoulos : Nous avons plusieurs outils pour s'assurer que les Canadiens puissent prendre des décisions informées. Le gouvernement se sert de divers mécanismes, dont l'étiquetage, dans certaines situations, pour des raisons de santé et de sécurité. Il se sert également des campagnes de sensibilisation et des activités communautaires avec certains partenaires. Donc, il y a plusieurs outils, et il y a également des renseignements fournis par d'autres organisations, qui se basent souvent sur les analyses scientifiques du gouvernement. Parfois, ce genre de renseignements est publié par le détaillant ou par des organisations tierces qui prennent ces conseils alimentaires fournis par le gouvernement et les diffusent auprès des Canadiens.
La sénatrice Enverga : Je n'ai encore rien vu de tel. Il n'y a pas ce genre d'étiquette sur le poisson que j'achète. On devrait pouvoir avertir le consommateur que certains poissons ou les poissons d'une certaine taille ne devraient pas être consommés tous les jours. Ne croyez-vous pas qu'on devrait avoir des étiquettes pour ces poissons dans les supermarchés et dans les magasins? On devrait avoir plus de transparence par rapport au produit. N'est-ce pas?
M. Papadopoulos : Certainement, je conviens qu'il est très important que les Canadiens aient accès à ce genre de renseignements. Le gouvernement prend plusieurs mesures pour ce faire. L'étiquetage est obligatoire dans certaines situations, par exemple pour ce qui est des allergènes alimentaires prioritaires ou certains types de renseignements alimentaires. Le seuil pour les exigences d'étiquetage obligatoire est très élevé. Il faut qu'il y ait une question de santé et de sécurité importante, et parfois nous pouvons atteindre le même objectif en s'assurant que ces renseignements soient distribués auprès des Canadiens, surtout les Canadiens concernés. Par exemple, les avis concernant l'exposition au mercure sont particulièrement importants pour certains groupes vulnérables. En l'occurrence, des campagnes de sensibilisation sont menées, non seulement par le gouvernement, mais également par certains de nos partenaires. Par exemple, la communauté médicale fait beaucoup de travail dans la communauté pour dire aux femmes enceintes que le fait de manger du poisson risque d'entraîner l'exposition au mercure. En même temps, il faut se rappeler que le poisson présente de nombreux bienfaits pour la santé et on recommande d'en manger. Il y a d'autres partenaires, et pas seulement gouvernementaux, qui diffusent ces informations auprès des groupes vulnérables dont ils sont proches.
Le sénateur Enverga : Convenez-vous que les consommateurs ne sont pas suffisamment informés? Ils ne sont pas suffisamment informés par rapport au poisson et aux types de contaminants qu'il peut contenir. Les femmes enceintes en particulier ne devraient pas manger beaucoup de poisson ou beaucoup de grands poissons.
M. Papadopoulos : Nous avons des mesures en place et de l'information destinée aux groupes vulnérables que nous diffusons sur notre site web, des fiches, et cetera. Rien ne me dit que cette information n'atteint pas son public.
Le sénateur Enverga : Parce que nous n'avons rien vu dans les supermarchés, vous savez. Il n'y a rien de tout cela dans ce cas.
M. Papadopoulos : Vous avez raison, cet étiquetage n'est pas aujourd'hui répandu ou généralisé dans les supermarchés, mais rien ne dit que les mises en garde — destinées par exemple aux femmes enceintes — concernant la consommation de certaines variétés de poissons n'atteignent pas leur public. Comme je l'ai dit, nous avons des partenaires qui se chargent de leur diffusion.
Le sénateur Enverga : Croyez-vous que vous devriez vous en occuper de votre côté, docteur Kochhar?
Dr Kochhar : C'est un domaine de responsabilité fédérale qui relève de Santé Canada. Nous intervenons en faisant des inspections, dès lors que les règlements sont en vigueur.
Le président : Avez-vous une réponse supplémentaire?
M. Papadopoulos : J'ajouterais simplement que nous examinons constamment nos règlements et nos mesures complémentaires et non réglementaires pour nous assurer de leur efficacité. Nous sommes réceptifs aux commentaires du public et des parties prenantes quand il y a un pépin, et nous organisons des consultations, comme celles que nous avons menées tout récemment au sujet de l'étiquetage nutritionnel. Ces consultations faisaient suite au Discours du Trône, dans lequel le gouvernement s'était engagé à consulter les Canadiens et les parents au sujet de cet étiquetage. Nous tenons également compte de la rétroaction des consommateurs lors de la révision des dispositions réglementaires et d'autres mesures touchant la sensibilisation et l'éducation.
Le président : Merci. J'aimerais remercier de nouveau nos témoins. Vous nous avez fait part d'une foule de renseignements ce soir. Je note que le sénateur McInnis va vous envoyer des questions supplémentaires par écrit, et j'ai hâte qu'il partage avec nous les réponses qu'il recevra.
Vous aussi allez assurer un suivi, et j'ai hâte que le sénateur Munson partage ses réponses avec le reste du comité. Je voulais simplement m'assurer que nous étions tous sur la même longueur d'onde.
Merci aux témoins pour leur comparution. Une séance à huis clos de deux à quatre minutes débutera sous peu.
(La séance se poursuit à huis clos.)