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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 17 - Témoignages du 27 janvier 2015


OTTAWA, le mardi 27 janvier 2015

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 17 h 10, pour étudier la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous. Je vous souhaite un bon retour et une bonne et heureuse année. J'espère que vous avez tous profité de la pause. Je vous souhaite la bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Je suis Fabian Manning. Je suis un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et je suis le président du comité.

Je demanderais aux membres du comité de se présenter, à commencer par la droite.

Le sénateur Meredith : Sénateur Meredith, de l'Ontario. Bienvenue.

La sénatrice Hubley : Sénatrice Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard, l'autre belle province où vivre.

Mike Meeker, président, Association d'aquaculture du Nord de l'Ontario : Presque aussi belle.

La sénatrice Hubley : Je savais que vous alliez dire cela.

Le sénateur Munson : Jim Munson, sénateur de l'Ontario, mais je dis toujours que mon cœur est au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur McInnis : Thomas McInnis, sénateur de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Lang : Dan Lang, sénateur du Yukon.

La sénatrice Raine : Nancy Raine, sénatrice de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Wells : David Wells, sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, sénatrice du Nouveau-Brunswick. Bienvenue.

Le président : Merci. Je vous souhaite encore une fois la bienvenue à cette séance dans le cadre de laquelle nous poursuivons notre étude sur la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada. Je suis heureux d'accueillir ce soir M. Mike Meeker, président de l'Association d'aquaculture du Nord de l'Ontario.

Avez-vous un lien de parenté avec Howie?

M. Meeker : Je ne peux pas le nier.

Le président : Vous ne pouvez pas le nier?

M. Meeker : C'est mon oncle, oui. Mon père est le cadet de cinq frères. Howie est l'aîné. En fait, je lui ai parlé il y a deux ou trois jours.

Le président : Transmettez-lui nos meilleurs vœux de notre part.

M. Meeker : Merci. Il a 92 ans et il est toujours en forme. En fait, ils l'ont expulsé de la ligue de hockey des plus de 65 ans parce qu'il était trop vieux.

Le président : Il devrait peut-être en créer une pour les gens de plus de 90 ans.

M. Meeker : Il a été un accroc au conditionnement physique toute sa vie, et il est toujours en pleine forme.

Le président : Tant mieux pour lui. Je répète qu'au nom de tous les membres du comité, nous lui transmettons nos meilleurs vœux.

M. Meeker : Je vais le faire.

Le président : Monsieur Meeker, la parole est à vous. Je crois savoir que vous avez une déclaration que vous aimeriez faire. Nous passerons ensuite aux questions des membres du comité.

M. Meeker : Je dois vous dire que je vous suis reconnaissant d'être tous venus. Je sais que vous avez déjà une journée de travail complète.

J'œuvre dans le secteur de l'aquaculture depuis que je suis adulte. Je ne parlerai pas de ce que j'ai fait avant, mais j'ai commencé mes activités à l'île Manitoulin en 1984. J'élève des poissons en cage depuis 1984. Auparavant, j'ai dirigé pendant deux ans une écloserie dans le fleuve Fraser, où nous nous battions avez les grizzlis pour garder nos œufs de saumon. La grande partie de l'expérience que nous avons acquise a été à l'Université du Wisconsin, puis ensuite en Colombie-Britannique et, depuis les 30 dernières années, à l'île Manitoulin, où nous faisons l'élevage en cage de la truite arc-en-ciel. Je crois savoir que votre comité a beaucoup étudié l'aquaculture dans le passé et que vous connaissez très bien le domaine. C'est excellent.

Croyez-moi, je ne verrai aucune objection si vous m'arrêtez parce que je parle d'un sujet dont vous avez déjà longuement discuté.

Quoi qu'il en soit, j'ai pratiquement mis sur pied le premier système de recherche en Ontario pour faire l'élevage de la truite arc-en-ciel. Je me suis surtout livré à la pisciculture en cage, mais j'ai également, dans un cadre de recherche, fait de l'aquaculture en parcs clos. J'ai donc travaillé avec des écloseries et des systèmes d'élevage en circuit fermé.

Je pense que ce qui pourrait vous intéresser à l'heure actuelle, c'est que j'examine l'élevage en circuit fermé en tenant compte du facteur économique limitatif — ce qu'il en coûte pour exploiter ces systèmes.

En collaboration avec Vale — c'est la société minière à Sudbury, pour ceux qui ne le savent pas —, nous faisons de la pisciculture à 5 000 pieds sous terre dans un puits de mine abandonné. Dans un premier temps, c'est une façon d'essayer de surmonter les problèmes associés aux coûts de l'élevage en circuit fermé. D'après mon expérience, et malgré tout ce que j'ai fait, nous ne pouvons pas comparer le coût de l'élevage du poisson en circuit fermé, peu importe son efficacité, avec l'élevage en cage. Je peux vous le confirmer, puisque je fais les deux depuis 30 ans.

J'ai collaboré avec différents groupes de partout au pays. J'essaie de me mettre à leur place. Je suis en Ontario et c'est mon expérience, mais j'essaie de me mettre à la place de ceux qui font de l'aquaculture en eau douce et d'examiner tous les aspects et les possibilités. J'ai travaillé avec des groupes du Manitoba. Je connais très bien les exploitations en Saskatchewan. Je ne sais pas si tout le monde est courant de ce qui se fait au Canada dans ce domaine, mais il y a très peu d'exploitations piscicoles en eau douce. Il y a une importante exploitation dans un lac artificiel, dans le lac Diefenbaker, en Saskatchewan. À ma connaissance, c'est la seule qui a une certaine importance en Saskatchewan. Elle produit environ deux millions de livres de poisson par année. Elle est intégrée verticalement. Elle me plaît bien. C'est une bonne exploitation. Elle a sa propre écloserie, son propre site d'élevage et sa propre installation de transformation au même endroit. Il y a très peu d'activités piscicoles au Manitoba. La Colombie-Britannique a un site d'élevage en cage en eau douce. Y a-t-il quelqu'un ici qui vient de la Colombie-Britannique? Je ne me rappelle plus.

Êtes-vous déjà allée au lac Lois? C'est près de la rivière Powell.

La sénatrice Raine : Non, mais il y en a aussi une sur l'île de Vancouver. Je parle d'une pêcherie.

M. Meeker : Vous parlez de quelques sites d'élevage en circuit fermé, n'est-ce pas? J'y suis allé et j'ai discuté avec les propriétaires. Le seul site d'élevage en cage en eau douce se trouve dans le lac Lois. C'est un lac artificiel situé à Sunshine Coast, près de la rivière Powell.

Je travaille avec eux à l'heure actuelle. Lorsque j'ai déménagé à l'île Manitoulin, il n'y avait pas d'aquaculture et de culture en cage. J'ai été très chanceux d'avoir des voisins tolérants, car ce que je faisais était très étrange pour eux. Là-bas, on ne faisait que de l'élevage du bœuf, mais il y avait aussi un peu de production laitière, de chasse et de pêche. C'était nouveau. C'était différent pour eux. Mes voisins m'ont énormément appuyé, si bien que maintenant, l'aquaculture en eau douce se fait au centre du Canada.

Le MPO a été d'une très grande aide à notre exploitation, et j'ignore si vous connaissez la Région des lacs expérimentaux, mais nous y effectuons parmi les meilleures recherches dans le monde en collaboration avec le MPO. C'est une région de centaines d'acres qui a été mise de côté par le gouvernement fédéral il y a environ 40 ans. Ce que je trouve intéressant et frustrant, c'est que les recherches que nous faisons, même si on les qualifie dans le monde entier comme étant à la fine pointe, sont loin d'être utilisées au Canada autant qu'elles le sont dans le monde entier. Nous avons fait des recherches où nous avons implanté des transpondeurs sur des poissons, que nous avons relâchés pour suivre leurs déplacements pour simuler une perte. Ces renseignements n'ont pas du tout été utilisés par les organismes de réglementation au pays. On nous a toutefois demandé de faire des visites ou d'organiser des exposés en Suède, en Finlande, en Écosse, en Amérique du Sud et en Afrique du Sud.

Une chose que j'ai entre autres écrite dans ce petit document, c'est que je pense que les recherches que nous avons effectuées au Canada, et surtout en Ontario, sont à la fine de pointe dans le monde entier. Nous avons décidé il y a 10 ou 15 ans que pour dissiper certaines de ces perceptions négatives, nous allions faire ce qui s'impose et mener des travaux scientifiques, ce à quoi nous n'avons décidément pas donné suite. J'espère que vous poserez des questions sur les recherches que nous avons réalisées.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, ceux qui me connaissent savent que je peux parler pendant des heures et des heures. Ce que je préférerais, puisque vous avez tous déjà beaucoup étudié le sujet, c'est d'essayer de répondre au plus grand nombre de questions possibles. En discutant, les questions vont s'enchaîner. Je vais donc m'arrêter ici, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Je peux certainement fournir plus de détails en cours de route.

Le président : D'accord. Merci, monsieur Meeker. Je suis certain que la discussion commencera très rapidement. Nous allons maintenant céder la parole à la vice-présidente, la sénatrice Hubley, qui posera les premières questions.

La sénatrice Hubley : Je ne veux absolument pas vous alarmer avec cette question, mais j'aimerais que vous nous parliez de certaines recherches que vous effectuez en ce moment dans le Nord de l'Ontario.

M. Meeker : Oh, non, c'est loin de m'alarmer.

La sénatrice Hubley : Non, je plaisantais.

M. Meeker : Là où je cultive mon poisson, où j'ai commencé en 1984, c'est au lac Wolsey. C'est une baie, en fait. En Ontario, on ne peut pas cultiver le poisson — pas comme nous le faisons — dans des lacs intérieurs fermés. C'est une baie, et je pense que c'est probablement le lac d'eau douce le plus étudié au Canada.

Nous avons effectué des recherches. Quand vous examinez les enjeux, et je sais que vous l'avez fait, surtout en ce qui concerne l'eau douce, vous constatez que le phosphore est le principal problème. Nous avons énormément travaillé au lac Wolsey et évalué la capacité assimilative de baies entières quant aux charges en phosphore. Nous avons réalisé énormément de travaux avec quatre ou cinq universités, Pêches et Océans Canada, le ministère des Ressources naturelles et le ministère de l'Environnement. Bien entendu, la réponse courte, c'est qu'il y aura une incidence sur n'importe quelle exploitation. Nous évaluons la qualité de l'eau depuis 30 ans. En vertu de notre permis, nous devons mener un programme de surveillance stricte de la qualité de l'eau et transmettre les résultats au ministère des Ressources naturelles, qui s'occupe de nos permis. Les résultats sont ensuite examinés par le ministère de l'Environnement.

Nous sommes dans ce domaine depuis 30 ans, et je me suis toujours conformé aux tests de vérification de la qualité de l'eau que nous devons réaliser. Il convient de souligner que les tests que nous effectuons ont été conçus par le ministère de l'Environnement, qui a été mandaté en Ontario pour surveiller la qualité de l'eau. Il décide de la façon dont il veut procéder, que cela ait une incidence considérable ou non sur nos exploitations. C'est assez important. Nous avons tellement travaillé. À mes débuts, la technique en laboratoire consistait à mesurer les parties par millier, et le résultat était de zéro. On mesure maintenant régulièrement les parties par quadrillion, et il n'y a toujours pas de problème de non-conformité.

Pour vous donner un exemple intéressant de ma situation au lac Wolsey, je dois vous signaler que c'est la baie la plus fermée où il y une exploitation piscicole. On pourrait s'attendre à ce qu'il y ait une incidence quelconque. Les niveaux de phosphore depuis 1984, année où mon exploitation a démarré, ont baissé. Les moyennes d'eau libre ont diminué. Je n'ai pas apporté avec moi aujourd'hui des ouvrages scientifiques, mais nous pouvons certainement vous fournir ces données, si vous le voulez.

Dans la Région des lacs expérimentaux, pour répondre à votre question concernant les études, 20 étudiants diplômés menaient différents projets en même temps. Ils ont étudié les sédiments de fond, les organismes benthiques et la qualité de l'eau sur toutes les facettes imaginables. Ils ont étudié les poissons sauvages dans le lac et l'incidence, le cas échéant, que notre exploitation avait sur eux. Du point de vue d'un écosystème d'eau douce, nous avons étudié tous les facteurs qui, selon nous, pourraient avoir une incidence. Avec tous ces titulaires de doctorat et leurs assistants, de 30 à 40 projets avaient cours en même temps. Toutes ces données se trouvent sur le site web du MPO, pour ceux que cela intéresse.

Je vais vous dire quelque chose rapidement au sujet de ces travaux. Un ancien collègue de l'Université du Wisconsin, où j'ai fait mes études, a réalisé des recherches sur la réduction des répercussions sur l'habitat du touladi, ce qui constitue une bonne partie des travaux qui sont effectués en Ontario. Il était très emballé, car après 30 années de recherche dans le lac 375, les répercussions positives sur les populations de touladis étaient ahurissantes. Il ne voulait pas prendre sa retraite, car ces recherches étaient les plus intéressantes qu'il ait jamais réalisées.

Par ailleurs, nous avons examiné tous les écosystèmes, et non pas seulement les prédateurs de niveau supérieur. Nous avons aussi étudié les populations de ménés et les organismes benthiques qui vivent dans le fond des plans d'eau. Nous avons étudié toutes ces espèces de façon très approfondie. Il y avait plus de résultats que j'étais capable d'en traiter puisqu'il y en avait des pages et des pages. On n'a relevé aucun effet négatif. Nous avons examiné la capacité assimilative, dont vous avez sans doute beaucoup entendu parler. Lorsque nous faisions des recherches dans l'écosystème d'eau douce d'un lac, nous examinions la capacité assimilative. Quelle quantité de nutriments peut-on mettre dans un plan d'eau sans changer les états trophiques, que ce soit mésotrophe, oligotrophe ou eutrophe? Nous déversons des nutriments dans l'eau, car nous devons savoir les quantités que nous pouvons intégrer dans un plan d'eau avant qu'il y ait un changement.

Le sénateur Wells : Bienvenue, monsieur Meeker. C'est une histoire intéressante que vous nous racontez là.

Vous avez dû faire face à bien des défis au début, surtout étant donné que vous travaillez dans un milieu aquatique comme un puits de mine. À quels défis avez-vous été confrontés en ce qui a trait aux permis environnementaux, aux questions opérationnelles et aux biomarqueurs pour faire la culture du poisson dans une mine? Pouvez-vous nous parler un peu de ces défis?

M. Meeker : C'était facile dans la mine, car on ne faisait que cultiver le poisson pour l'ensemencement. C'est la perception de la mine et l'approbation sociale qui sont compliquées.

Ce qui est intéressant au sujet de la mine, c'est que la première fois que j'en ai fait la proposition, tout le monde pensait que c'était une idée farfelue. Mais si l'on examine les aspects pratiques et ce qu'il faut pour cultiver le poisson — surtout dans des circuits fermés, que vous connaissez bien —, il faut pouvoir filtrer l'eau et il faut de la chaleur. Dans ces températures froides, il faut pouvoir chauffer l'eau, mais à 5 000 pieds sous terre, la température ambiante est à 22 degrés Celsius, 24 heures par jour, 365 jours par année. Les mines considèrent que c'est du gaspillage et utilisent d'imposants systèmes de circulation de l'air pour capter la chaleur.

J'ai examiné la question en tenant compte qu'il faut de la chaleur, et le fait que ce soit gratuit est un facteur important. J'envisage d'autres possibilités avec ces exploitations pour utiliser ces ressources gaspillées. À l'heure actuelle, il y a de l'eau dans toutes les mines, et pour continuer à exploiter la mine, il faut pomper l'eau. La mine Frood-Stobie pompe des millions de gallons d'eau par jour pour s'assurer que la mine reste opérationnelle pour les mineurs. La température de l'eau est d'environ 21 degrés Celsius. C'est une incroyable source de chaleur gratuite. Nous examinons cette possibilité.

Votre question portait-elle précisément sur la culture souterraine ou les difficultés auxquelles je me suis heurté lorsque j'ai commencé à faire la culture du poisson dans des cages au lac Wolsey?

Le sénateur Wells : Nous connaissons assez bien les difficultés auxquelles les gens se heurtent au début, mais nous serions ravis d'entendre quelles ont été les vôtres. Notre tâche consiste en partie à découvrir quels sont les problèmes.

M. Meeker : C'est pourquoi je souriais. Je n'aime pas me rappeler ces difficultés parfois. À mes débuts, je n'avais personne à qui poser des questions ou à qui parler. Lorsque je suis allé en Suède pendant deux ans pour jouer au hockey, j'ai passé le plus clair de mon temps en Norvège pour essayer de comprendre l'industrie, car c'est ce que je voulais faire. Les intervenants de l'industrie là-bas étaient très avancés à l'époque. Mais quand j'ai commencé, je n'avais personne à qui poser des questions. Personne ne pouvait me conseiller sur la façon de procéder. J'ai commis des erreurs et j'ai essayé de les corriger.

C'est un environnement impitoyable. Par exemple, l'année dernière, dans le lac où je fais de la pisciculture, il y avait une couche de glace de 42 pouces, un des niveaux les plus élevés que nous ayons connu depuis longtemps. Il fallait empêcher la glace de s'étendre afin de protéger les récoltes et la nourriture pour poisson. J'ai dû plonger sous la glace pendant tout l'hiver. C'est un environnement de travail très difficile, et certaines des tempêtes automnales peuvent être lourdes de conséquences parce qu'on s'inquiète de l'accumulation d'embruns givrés. Bon nombre des problèmes inhérents à cette région étaient donc difficiles à surmonter.

En raison du mouvement des glaces au printemps et des dommages qui pourraient en résulter, j'ai conçu une cage submersible; à ma connaissance, il s'agit de la première de son genre, du moins sûrement en Amérique du Nord. Nous utilisons toujours les cages, et ce, depuis 12 ans. Au printemps, lorsque la glace commence à se détacher du rivage et à se déplacer, nous submergeons les cages sous le niveau de l'eau pour que les morceaux de glace puissent bouger sans contrainte.

J'ai examiné toutes sortes d'autres options et je les ai mises à l'essai. Je me suis procuré des brise-glaces et tout le reste. Rien n'a fonctionné. Si la glace se déplace, il n'y a qu'une façon d'assurer la sécurité et de protéger son investissement : être sous l'eau pour que la glace se déplace librement. C'est donc ce que nous faisons systématiquement depuis 12 ans.

Grâce à cette solution, nous avons pu éliminer le plus gros risque dans mon environnement, à savoir les pertes catastrophiques, ce que nous voulons évidemment éviter pour des raisons commerciales, mais aussi pour assurer la protection des poissons.

Le sénateur Wells : Combien de temps vous faut-il pour élever des poissons? Bien entendu, vous ne les nourrissez pas lorsqu'ils hivernent.

M. Meeker : Le contexte a beaucoup changé depuis que j'ai commencé à travailler dans le domaine. À mes débuts en 1984, tout le monde voulait des poissons de petite taille, de trois quarts de livre, ce qui représente une portion individuelle. L'élevage durait six mois. Puis le marché a commencé à évoluer : les gens voulaient acheter des filets, parce que le citadin moyen ne veut pas voir la tête, les yeux, la queue du poisson. Les consommateurs veulent manger du filet de poisson sans arête, et je peux comprendre cela. À mesure que le marché a changé en Ontario, nous avons commencé à élever de plus gros poissons. Si, au mois de mai, je place dans l'eau un poisson qui pèse 50 grammes et qui est long de 4 à 5 pouces, j'obtiendrai un poisson de 2,5 livres en novembre de la même année. Certaines personnes élèvent des poissons encore plus gros, de quatre à six livres. Dans pareils cas, il faut tenir compte des facteurs économiques. Est-il sensé de garder ces poissons pendant tout l'hiver, sachant qu'ils ne grandissent pas durant cette période? Cela fonctionne pour nous, mais les facteurs économiques varient.

Le sénateur Wells : Merci.

La sénatrice Poirier : J'aimerais, moi aussi, vous remercier d'être des nôtres et vous souhaiter la bienvenue.

Dans certaines régions, peut-être pas toutes, une des principales préoccupations dont nous entendons parler au sujet de l'aquaculture, c'est l'aspect social de l'industrie.

Beaucoup de gens considèrent que cette industrie a des répercussions négatives sur leur environnement. Vous travaillez dans les régions aquacoles depuis de nombreuses années. Je me demande s'il s'agit d'un problème que vous avez rencontré et, le cas échéant, comment vous l'avez surmonté. Faisons-nous des progrès en la matière? Les préoccupations se sont-elles atténuées? Que pouvons-nous faire de plus pour que cette industrie soit plus acceptée dans certaines régions?

M. Meeker : C'est une bonne question, et sans doute la plus importante, car nous avons surmonté les obstacles à l'élevage de poissons. Maintenant, nous devons obtenir l'approbation sociale. La pisciculture présente un énorme potentiel, et nous sommes loin de répondre à la demande sur le plan de l'élevage en eau douce.

Pour répondre à votre question, j'ai décidé de surmonter ce problème en invitant les gens à mon établissement piscicole. Ils peuvent prendre des photos, participer à des discussions comme celle-ci et visiter les lieux. Mais, par-dessus tout, nous recevons chaque année une quarantaine ou cinquantaine de fonctionnaires qui viennent visiter nos établissements. Cela fait toute la différence du monde : les visiteurs sont là, sur les cages, en train de regarder les poissons, d'admirer le paysage et les oiseaux dans le ciel et à la surface de l'eau. Ils voient les poissons sauvages en pleine santé nager allègrement autour des cages, et ils se rendent compte qu'il n'y a pas de problèmes.

J'ai pour politique d'amener les gens sur les lieux, de leur montrer ce que nous faisons et d'être disposé à répondre aux questions — ce ne sont pas tous les exploitants d'établissements piscicoles qui suivent cette approche, mais c'est ce que je fais depuis 30 ans. Vous avez d'ailleurs entendu un autre témoin, et cela m'a rendu nerveux; en tout cas, vous m'avez décrit comme un invité, ce qui est mieux qu'un témoin. Vous avez reçu ici un autre groupe qui a fait des allégations défavorables. Je n'ai pas pu suivre le témoignage de ces gens, car cela fait 15 ans que je me débats avec eux, et je ne tenais pas à entendre les mêmes histoires.

Ce groupe affirme représenter 500 000 personnes. Chaque année, j'accueille, en moyenne, 500 visiteurs. Nous essayons de les recevoir tous et, la plupart du temps, nous y arrivons. J'organise aussi toutes sortes de visites guidées à l'intention des fonctionnaires, des écoles, et cetera. Fait intéressant, un nombre important de ces 500 visiteurs qui viennent nous voir chaque année sont membres de l'association dont je viens de parler. Je les reçois dans mon établissement et je leur demande s'ils savent que la direction de leur association se prononce contre l'aquaculture et, invariablement, ils me répondent que non.

En somme, la meilleure réponse à votre question, c'est l'ouverture — notre association en a fait l'essai —, conjuguée à la grande voie de la science grâce aux recherches que nous avons réalisées. Vous avez posé une question qui, selon moi, est cruciale. Si nous prenons des décisions en nous appuyant sur la science plutôt que les émotions, nous serons en mesure de répondre à toutes les questions. Nous pouvons fournir toutes les données. Les gens n'ont pas à se fier à ma parole, car nous avons les données. Cette question comporte deux volets. D'abord, il y a l'éducation et la science, mais ensuite, il y a le fait que nous réalisons des recherches depuis 10 ans; pour vous dire bien franchement, les résultats n'ont pas été aussi efficaces que nous le pensions. Maintenant, il faut tout simplement une ouverture à travailler avec la population.

Vous voulez savoir si j'ai rencontré des problèmes. Non, pas avec les résidents de l'île Manitoulin, mes voisins. Certains d'entre eux viennent dans la région pour pêcher ou parce qu'ils y ont des chalets. Me causent-ils des problèmes? Absolument pas. C'est la vérité.

Le seul problème auquel nous nous butons, c'est la perception des gens qui ne vivent pas près de chez nous et qui, pour la plupart, ne savent même pas à quoi ressemble un établissement piscicole et qui n'y ont jamais mis le pied. C'est difficile à changer comme perception, et nous peinons toujours à trouver un moyen d'y arriver efficacement. Je préside notre association depuis si longtemps que je ne me rappelle pas quand le tout a commencé — je suis là probablement depuis bien plus longtemps qu'on l'aurait voulu. J'ai toujours manqué les élections quand les membres devaient élire un nouveau président; en tout cas, je suis pris avec cette fonction depuis longtemps. Il y a 12 ans, nous nous posions déjà la même question que vous venez de soulever et, à cette époque, nous avons pris la décision d'emprunter la grande voie de la science et d'essayer d'être ouverts. À notre avis, nous nous sommes raisonnablement bien débrouillés, mais avons-nous réussi à changer les choses autant que nous l'aurions souhaité? Non.

Espérons que vous aurez des suggestions sur la façon dont nous pouvons améliorer la situation. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question. C'est une bonne question, soit dit en passant, parce que notre survie en dépend. Je passe la journée à nourrir les poissons et à travailler, puis quand je vais au lit le soir, je reste là, à grincer des dents et à me demander comment nous allons modifier cette attitude. Nous nous trouvons dans une situation incroyable. J'ai assisté à des réunions partout dans le monde pour représenter notre association, et j'ai parlé à des gens de pratiquement tous les coins du monde — Finlande, Écosse, Irlande, Suède, Amérique du Sud, Afrique du Sud, Pologne, Irlande, Italie et Europe centrale. Votre comité est-il allé, par exemple, en Allemagne, en Espagne, au Portugal, en Turquie?

Le président : Nous sommes allés en Norvège et en Écosse.

M. Meeker : Quand je vais à ces réunions, les gens me disent : « Vous venez du Canada, qu'est-ce qui ne va pas, les gars? » Nous comparons nos ressources naturelles en eau à celles des autres pays, et nous ne sommes même pas dans le collimateur pour ce qui est de la production, surtout dans le cas de l'eau douce. Nous avons mille fois plus de ressources qu'un pays comme l'Italie, et pourtant, l'Italie cultive mille fois plus de poissons que nous, et ce, de façon durable sur le plan économique et environnemental. C'est gênant d'aller à ces réunions. De toute façon, ce n'est pas important pour ce groupe, mais quand les autres nous demandent ce qui ne va pas, je leur donne la réponse que je viens de vous fournir. Nous ne le savons pas trop. Nous ne comprenons pas pourquoi nous ne faisons pas de progrès.

Le sénateur Munson : Est-ce à cause de la réglementation?

M. Meeker : Oui.

Le sénateur Munson : Pouvez-vous nous donner une idée des mesures que nous pouvons prendre sur le plan de la réglementation? Cela rejoint l'argument que vous avez fait valoir dans vos observations, à savoir le multiple de 1 000.

M. Meeker : Oui. Je me demande comment je pourrais formuler ma pensée. Je travaille sur ce dossier depuis longtemps et j'ai examiné la question sous divers angles, histoire de prendre du recul et de faire preuve d'impartialité : oui, c'est à cause de la réglementation. Aussi simple que cela. Au sens où nous l'entendons, si le principe de précaution était respecté, nous n'aurions pas de problèmes; selon nous, c'est ce qui s'impose en Ontario. Pour revenir à votre question, je tiens également à préciser — et je parle en connaissance de cause grâce à tous les voyages que j'ai faits partout dans le monde —, que l'industrie de l'aquaculture en Ontario est assujettie à la réglementation la plus rigoureuse du monde. Cela ne fait aucun doute. Les essais que nous menons pour établir nos conditions de permis sont aussi stricts que ceux réalisés partout ailleurs dans le monde. Notre groupe n'y voit pas d'inconvénient. Mais, d'après notre interprétation du principe de précaution et d'après notre opinion quant à l'orientation que le gouvernement doit prendre, nous demandons ceci : permettez-nous de croître.

Nous surveillerons nos activités, et nous utiliserons le principe de la gestion adaptative. Si nous découvrons que nos activités ont une incidence, parce que nous mesurons tout, nous utiliserons la gestion adaptative, qui constitue, selon nous, un principe de précaution. Nous déterminerons ce qui se passe et nous ferons ce qui s'impose pour atténuer l'effet qui est perçu ou qui est négatif.

Le sénateur Munson : À qui adressez-vous cette requête?

M. Meeker : Permettez-moi d'abord d'ajouter un point, parce que nous avons constaté dernièrement un certain changement positif. Je n'aurais pas pu vous le dire lors de mon témoignage en décembre dernier, mais nous avons obtenu notre permis auprès du MRN — le ministère des Ressources naturelles de l'Ontario —, à l'échelle provinciale, et ses représentants travaillent avec le ministère de l'Environnement de la province sur les questions liées à la qualité de l'eau.

Le ministère ontarien des Ressources naturelles n'a jamais voulu s'en occuper — j'ai personnellement rencontré les neuf derniers ministres et je suis allé à leur bureau pour m'entretenir avec eux. Je ne me souviens pas de tous leurs noms. Je ne savais même pas qu'il y en avait eu neuf; c'est Karen qui m'en a informé. En tout cas, dans chacun de mes entretiens avec eux, ils ont fait savoir qu'ils appuient notre secteur, qu'ils le reconnaissent comme utilisateur légitime des ressources et qu'ils veulent en assurer la croissance, à condition que nous utilisions les ressources de façon durable, sans aucun dommage pour l'environnement. Et c'est exactement ce que nous voulons.

L'organisme de réglementation, le MRN, ne voulait pas être le principal responsable de la réglementation dans le domaine de l'aquaculture parce que, comme chacun des ministres me l'a expliqué, parmi les nombreux dossiers qui relèvent du MRN, l'aquaculture représente sans doute le plus petit portefeuille. Nous voulons qu'elle occupe une plus grande place. Le MRN s'occupe plutôt de la gestion de la pêche sauvage, de la foresterie et de l'exploitation minière. C'est une responsabilité énorme, et nous n'en représentons qu'une partie infime.

Du point de vue de nos activités, le ministère des Ressources naturelles a pour mandat d'examiner uniquement les populations de poissons sauvages. Nous n'avons rien à voir là-dedans. Il est donc difficile d'amener le ministère à prendre des décisions et à adopter ce principe de précaution parce que, tout d'abord, nous représentons une petite partie du processus décisionnel et, ensuite, nous n'avons pas réussi à le faire. Nous répétons depuis 10 ans que c'est la seule chose dont nous avons besoin pour prendre de l'expansion. Nous avons le savoir-faire. À l'heure actuelle, l'Ontario importe des millions et des millions de livres de truite arc-en-ciel en provenance du Chili, de l'Argentine et du Pérou; pourtant, nous pourrions en produire autant ici. C'est complètement fou, quand on y pense.

Le seul obstacle qui se présente à nous, c'est l'établissement d'une réglementation pour que ce principe soit observé par notre industrie et par les organismes de réglementation. Cela semble assez simple et cela devrait l'être, mais nous y travaillons depuis 10 ans.

Il y a huit ans, nous avons commencé à élaborer les lignes directrices sur les sédiments. Je siège au comité chargé de ce dossier depuis huit ans. Nous essayons notamment de déterminer quel est le niveau acceptable de déjections de poissons au fond des lacs. Vous avez probablement entendu parler de toutes ces questions sur les côtes Est et Ouest, j'en suis sûr. Dans l'eau douce, la situation n'est pas si différente, mais nos activités ont une incidence sur un nombre moins élevé d'organismes benthiques. Nous étudions de très près les effets de nos activités sur les organismes benthiques.

Nous avons essayé d'élaborer, il y a huit ans, la politique dont nous avons besoin, mais nous n'avons toujours pas réussi à la faire adopter. C'est une question de volonté politique.

Le sénateur Munson : Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé des recherches à la fine pointe et de l'information utilisée par d'autres pays; si je ne me trompe pas, vous avez dit que c'était à leur avantage.

M. Meeker : Absolument.

Le sénateur Munson : En quoi consiste cet avantage, et pourquoi n'en a-t-on pas profité ici? Par ailleurs, ce programme est-il toujours en cours dans la Région des lacs expérimentaux, ou a-t-il pris fin?

M. Meeker : C'est malheureux, et j'ignore combien de gens connaissent cette histoire en ce qui concerne la Région des lacs expérimentaux, mais je m'en tiendrai aux points qui nous touchent. Nous avons réalisé une étude de cinq ans, dans le cadre de laquelle nous avons laissé des poissons dans l'eau pendant cinq ans. Nous avons essayé de faire le travail avant d'installer les cages dans l'eau, puis nous en avons étudié l'état après avoir enlevé les poissons de l'eau. Cela faisait partie du plan, car nous voulions déterminer l'impact de nos activités sur le cour d'eau concerné. Les responsables de la Région des lacs expérimentaux vérifient ce lac depuis 30 ans; ils connaissent pratiquement toutes les truites arc-en-ciel qui se trouvent dans le lac, presque par leur nom. C'est une situation idéale parce qu'ils ont déjà fait le travail; ainsi, ils savent combien de phosphore on peut ajouter à un cours d'eau de cette taille et en changer la composition.

Vous vouliez savoir où ces données sont utilisées. Eh bien, partout dans le monde, parce que le travail sur les sédiments effectué là-bas est très important. Les résultats de cette recherche sont utilisés dans tous les autres pays, d'après ce que m'ont dit les représentants de ces pays, afin de régler les questions réglementaires auxquelles ils font face. C'est, en partie, une forme d'approbation sociale, mais ce qui importe encore davantage, ce sont les questions scientifiques sur lesquelles nous nous penchons, et ces données sont utilisées ailleurs.

Comme je l'ai dit, nous avons examiné la qualité de l'eau, en particulier le phosphore, parce qu'il s'agit d'un agent qui limite la croissance d'algues dans l'eau douce. C'est important. Nous avons également étudié comment le phosphore modifie la conductivité, le pH et presque chaque aspect de la qualité de l'eau qui entre en ligne de compte dans l'analyse d'un écosystème, mais nous avons aussi examiné les populations de poissons.

Cette recherche est utilisée partout dans le monde, mais cela ne semble pas nous aider, même si les données sont publiées. En effet, le MPO les rend publiques. Elles sont mises à la disposition du public. Nous essayons d'en parler au sein de notre industrie et de notre association chaque fois que nous en avons l'occasion, mais nous ne sommes pas les meilleurs spécialistes en relations publiques pour notre industrie.

Le sénateur Meredith : Merci, monsieur Meeker. Je vous sais gré de votre présentation et je comprends que vous êtes un homme d'affaires originaire de l'Ontario qui travaille loin de chez lui. Votre message est clair. Dans un cadre réglementaire parfait, combien de poissons seriez-vous capable de produire en Ontario? Êtes-vous en mesure de quantifier la production?

Vous avez parlé du coût des opérations, des obstacles à l'accès au marché et du nombre de personnes qui font partie de votre association. Si vous quantifiez ces éléments, dans un cadre réglementaire parfait, à quoi ressemblerait cette production pour ce qui est d'atténuer les importations actuelles?

M. Meeker : C'est une bonne question, qui nous amène à un point que j'aurais dû soulever avant.

Le sénateur Meredith : Répondez aux deux questions.

M. Meeker : Pour contrer les questions alarmistes du seul autre groupe opposé à notre industrie en Ontario avec lequel nous devons en découdre — vous en avez d'ailleurs rencontré des représentants —, nous avons dit que nous visions une croissance, en gros, de 10 p. 100 par année parce qu'elle serait contrôlée.

Notre potentiel de croissance est énorme. J'ignore si vous avez entendu parler de l'article qui a paru récemment au sujet des Grands Lacs, mais ses auteurs reconnaissent enfin que les riverains et les pêcheurs ont raison lorsqu'ils parlent de l'existence d'une carence énorme en éléments nutritifs. Les scientifiques qui étudient la question décrivent les Grands Lacs comme des déserts biologiques. C'est aussi mon constat, alors j'abonde dans le même sens. Cet article a été rédigé par la NOAA, la National Oceanic and Atmospheric Administration, et divers autres organismes de réglementation. Je crois qu'il a pour titre Feast and Famine in the Great Lakes, si vous voulez le consulter, mais dans des petites zones des Grands Lacs, il y a des eaux de ruissellement et suffisamment d'éléments nutritifs pour alimenter des populations de phytoplancton et de zooplancton, principales sources d'aliments pour l'ensemble des poissons. Quoi qu'il en soit, la majeure partie des autres Grands Lacs constitue un immense désert biologique, ce que l'on qualifie d'« hyper-oligotrophique », un adjectif savant pour parler d'une carence en éléments nutritifs.

Ce que nous avons constaté dans chaque site d'élevage en cages, y compris le mien, c'est que nos efforts profitent aux populations de poissons sauvages environnantes, à plus forte raison dernièrement puisque les carences ont empiré partout dans les Grands Lacs. La plupart des scientifiques vous diront que, dans le cas de presque toutes les espèces de poissons, la productivité a chuté de 50 à 90 p. 100. On ne pêche pratiquement plus autour de l'île où j'habite, et la pêche était l'un de ses principaux moteurs économiques.

Quel est notre potentiel? J'aborde la question sous deux angles : premièrement l'aspect environnemental, qui est, bien sûr, toujours prioritaire. Compte tenu de la carence en éléments nutritifs et de ce que nous avons appris concernant la taille de l'exploitation que nous devrions mettre en place à un endroit en particulier, nous savons maintenant que la capacité d'assimilation des baies où nous élevons des poissons est énorme, mais nous voulons garder les élevages petits comparativement aux exploitations que vous avez vues dans l'océan. Nous élevons environ 12 millions de livres par année de poissons en cages dans le nord de l'Ontario, ce qui représente la totalité de la production provinciale. Comme vous le savez certainement, il existe peut-être un site d'élevage en cages dans des conditions océaniques. Cela représente l'ensemble de la production provinciale dans les Grands Lacs.

Du point de vue environnemental, si les sites étaient mis en place au bon endroit, question sur laquelle nous sommes maintenant très bien renseignés — bien sûr, à mes débuts il y a 30 ans, nous ignorions ce qu'était un site propice ou l'incidence qu'il aurait. Nous sommes maintenant drôlement bien informés, alors nous pouvons répartir ces sites, mais nous pourrions en faire 10 fois plus que maintenant et nos efforts n'équivaudraient même pas à une goutte d'eau dans l'océan.

Le sénateur Meredith : Combien de sites pourriez-vous mettre en place à l'heure actuelle sans nuire à l'environnement de quelque façon que ce soit?

M. Meeker : S'ils étaient bien placés, comme je l'ai mentionné, 20 d'ici à demain.

L'aspect économique est la deuxième partie. Notre dernière étude de marché a révélé que nous importons toujours probablement entre 4 et 5 millions de livres de truites arc-en-ciel. Voilà pourquoi j'ai dit que c'était une bonne question, car elle nous amène à parler des autres espèces, sujet que j'aimerais aussi aborder.

Si on ne parle que de la truite arc-en-ciel, espèce principale que nous élevons en ce moment, nous pourrions décupler notre production actuelle. En ce moment, je suis le seul éleveur de truites arc-en-ciel biologiques au Canada, selon les normes canadiennes. Nous venons juste de découvrir l'énorme potentiel de ce type d'élevage. Les produits biologiques représentent un marché à créneaux, mais il est énorme. Nous avons écoulé la totalité de nos stocks dans un site qui produit un million de livres de poissons. Nous pourrions produire 10 fois plus de poissons biologiques et de truites arc-en-ciel dites « normales », qui sont aussi bonnes que celles que l'on trouve ailleurs dans le monde.

C'était intéressant. Lorsque j'ai commencé à élever des truites arc-en-ciel, notre production était très modeste. Nous atteignions un seuil et nous nous demandions ce que nous ferions avec le reste du poisson, car nous n'approvisionnions que les petits restaurants et les petits marchés poissonniers, qui les aimaient. Cependant, nous avons pris conscience du fait que Loblaws et Sobeys ne s'intéresseront pas à vous à moins que vous puissiez produire une certaine quantité de poissons. Alors chaque fois que notre industrie, au fil des ans, a atteint ce seuil, cela n'a eu pour effet que de nous catapulter vers le seuil suivant et de nous permettre de pénétrer les marchés qui nous étaient jusqu'alors inaccessibles — ils n'étaient pas intéressés — parce que notre production était beaucoup trop faible pour qu'ils fassent attention à nous, comme Costco et Sysco. Ils veulent du volume et ils en ont besoin en tout temps, à l'année. Nous pouvons le faire; c'est notre point fort.

Si vous prenez les autres espèces, dont je n'ai même pas encore parlé...

Le sénateur Meredith : Parlez-nous des espèces et dites-nous aussi si votre élevage est sujet, de quelque façon que ce soit, à des maladies. Quelle incidence cela a-t-il sur votre production?

M. Meeker : Je vais commencer par vous parler des maladies qui affectent la truite arc-en-ciel. En 30 ans, je n'ai jamais eu de cas de maladies, à part les infections bactériennes qui sont indigènes aux Grands Lacs. À mes débuts, le pire cas de soi-disant maladie que nous ayons eu a été la myxobactériose à Flexibacter columnaris — la bactérie Gram négatif, principale cause de décès des poissons sauvages d'eau douce dans les Grands Lacs. Elle se trouve dans ces eaux depuis toujours.

À l'origine, c'était notre principal problème. Nous n'avons pas vécu d'histoires d'horreur comme ce fut le cas ailleurs dans le monde. Nous choisissons soigneusement les poissons que nous introduisons dans le système. La réglementation fédérale en matière de pêches nous impose des limites. Si nous apportons de l'extérieur des stocks bruts, des poissons, des œufs ou que sais-je, ils doivent être mis en quarantaine, et nous hésitons à faire venir d'ailleurs des éléments étrangers aux eaux dans lesquelles nous élevons les poissons.

Nous n'avons jamais eu de cas de maladies. Pour ma part, au cours des huit dernières années, je n'ai pas eu à utiliser d'antibiotiques. Aucun. Cela montre bien qu'on n'a eu aucun cas de maladie. Ce fut le cas de la plupart des autres éleveurs dans ma région, car nous connaissons les densités maximales de poissons à élever et les moments propices pour manipuler les poissons — je suis certain que d'autres éleveurs vous ont parlé de bien d'autres aspects de l'élevage, mais personnellement, je n'ai pas utilisé d'antibiotiques depuis maintenant huit ans. C'était ma huitième année. Nous examinons soigneusement ce que nous apportons de l'extérieur.

Je suis persuadé que vous savez tous pourquoi des changements majeurs sont survenus dans les Grands Lacs. C'est à cause d'espèces envahissantes, surtout la moule zébrée et la moule quagga. Si on pouvait les retourner d'où elles viennent, on le ferait tous, car elles ont eu une incidence énorme sur les eaux à proximité de l'endroit où je vis et dans l'ensemble des Grands Lacs. Je l'ai vu jour après jour.

J'ai élevé mes deux fils sur mon site. Nous vivions au même endroit où nous élevions les poissons. Nous nagions et nous faisions du bateau, de la plongée sous-marine et de la plongée avec tuba. J'ai vu les changements. Un an après l'invasion de moules zébrées et quagga dans ce bassin, les changements étaient apparents et incroyables. Vous vous attendez à des changements graduels dans un écosystème aquatique; ce n'a pas été le cas. Ils ont envahi la baie entière.

Nous n'avons eu aucun cas de maladie en ce qui concerne la truite arc-en-ciel et nous espérons ne pas en avoir. Lorsque la SHB, la septicémie hémorragique bactérienne, a fait son apparition, elle a créé une grande panique. Les lacs Ontario et Érié ont perdu énormément de poissons. Les fonctionnaires du ministère des Ressources naturelles ont paniqué, à juste titre. Ils ont pris des mesures énergiques. Nous n'avons pas importé la SHB dans nos lacs, mais nous avions peur qu'elle ait une incidence sur nos poissons, alors nous avons pris des mesures très proactives. Nous avons collaboré avec le département de pathologie du poisson de l'Université de Guelph. Nous avons essayé de déterminer l'incidence potentielle de cette septicémie hémorragique bactérienne sur nos poissons s'ils arrivaient à se rendre aussi loin que nous allions. Nous avons constaté qu'elle n'avait presque aucun effet sur nos poissons. Nous avons eu de la chance, mais nous prenons les mesures nécessaires pour veiller à ne pas être ceux qui introduisent des éléments étrangers susceptibles de nuire à nos poissons. Nous ne pouvons pas tout contrôler.

Donc, côté maladie, nous avons de la chance. Lorsque je parle aux aquaculteurs océaniques — et j'en connais de partout dans le monde, des Chiliens, des Canadiens des côtes Ouest et Est — je sais quelles épreuves ils ont traversées et elles peuvent être terrifiantes. De notre côté, c'est ainsi que nous avons géré la situation.

Pour ce qui est des autres espèces, dans l'industrie de la pêche commerciale d'ici, les Ontariens ont l'habitude de manger de la perche — c'est ancré dans leur culture — parce qu'ils avaient coutume d'en attraper entre 50 et 60 millions de livres ou plus par année dans les Grands Lacs. Il en est de même pour le brochet et le doré. On en consommait en Ontario, au Québec et, bien sûr, aux États-Unis, dans les États qui bordent les Grands Lacs, mais ces espèces ne sont pratiquement plus pêchées à des fins commerciales aujourd'hui. Elles ont pratiquement disparu, alors qu'il y en avait des centaines de millions de livres.

Quelles sont les conséquences pour nous? En termes d'autres espèces, cela signifie que si vous ne pouvez pas les attraper, il faut les élever. C'est un autre secteur dans lequel il y a énormément de potentiel pour élever les espèces qui se retrouvent habituellement sur le marché. Il y a deux ou trois fermes d'élevage du tilapia en Ontario. Intéressant. Je pense que c'est une bonne idée parce que nous avons un marché ethnique à Toronto dans lequel on a l'habitude de consommer cette espèce et où on s'attend à la trouver.

Le potentiel réside dans l'élevage de la perche et du brochet. Au fil des ans, des personnes ont fait les recherches initiales et ont essayé d'en faire l'élevage. Elles n'ont pas reçu le soutien nécessaire pour continuer.

Pour répondre au sénateur Munson, c'est une question de réglementation. C'est seulement mon opinion, mais les stocks de poissons blancs que les pêcheurs commerciaux de ma région attrapent ont baissé énormément, sans qu'ils y soient pour quelque chose. Alors que faire? Si vous n'arrivez pas à les attraper, il faut les élever. Nous savons comment faire l'élevage du poisson blanc. Enlevez-vous de notre chemin et laissez-nous faire — ne disparaissez pas complètement, mais laissez-nous faire notre travail.

Alors c'est une excellente question. Parlons maintenant des maladies. Nous savons que si nous n'introduisons pas de maladie qui ne soit pas indigène des eaux dans lesquelles nous élevons les poissons, ou pour laquelle les poissons n'ont pas développé d'immunité naturelle, nous n'aurons aucun problème à les élever du moment que nous le faisons correctement, nous n'en élevons pas trop dans le même secteur et nous les nourrissons avec des aliments de qualité pour répondre à leurs besoins en matière de nutrition, comme des êtres humains. Si vous êtes en santé, votre système immunitaire résistera aux rhumes. Même chose, selon moi, pour nos poissons et les infections bactériennes. Si nous ne les traitons pas bien, s'ils ne sont pas en santé ou heureux, ils vont tomber malades.

Le sénateur Meredith : Merci de votre réponse. Abstraction faite de l'effet de la thiamine pyrophosphatase?

M. Meeker : La thiamine pyrophosphatase?

Le sénateur Meredith : Je vais vous laisser y réfléchir.

M. Meeker : D'accord, je vais le faire.

En passant, qui a dit que je serais incapable de le comprendre?

Le sénateur Meredith : Que voulez-vous dire?

M. Meeker : Oh, non, je n'ai pas dit cela. Je n'étais pas censé le dire.

Le sénateur Meredith : Tilapia, brochet, perche.

M. Meeker : Ils ont tous énormément de potentiel. Je n'ai pas mentionné qu'aux États-Unis, il y a des perches argentées et toutes sortes d'espèces que les gens ont coutume de manger, si vous ciblez le marché.

Le sénateur McInnis : Pour un instant, je me demandais si je m'étais préparé pour le mauvais témoin. Vous semblez être vraiment très gentil et certainement bien informé.

M. Meeker : Je vous ai bernés. Ma collègue rigole parce qu'elle se dit : « Il les a bien eus ». Elle travaille avec moi tout le temps.

Le sénateur McInnis : C'est possible. Non, vraiment, nous avons entendu le témoignage de représentants de la Georgian Bay Association en juin, et lorsque je vous écoute, j'entends une tout autre version des faits.

La Georgian Bay Association compte parmi ses membres des biologistes aquacoles, des écologistes, des analystes de la qualité de l'eau, des chercheurs scientifiques, des ingénieurs et des spécialistes de la purification de l'eau. Ils partagent collectivement leur expertise et leur expérience, qui équivalent à plus de 30 ans d'intérêt pour les études menées.

Quand je lis leur témoignage, je vois qu'ils rapportent tout au commissaire à l'environnement de l'Ontario, comme les évasions, et il y a même une citation concernant de nombreux rapports à l'Assemblée législative de l'Ontario et la non-conformité de votre groupe. Les exploitants de fermes d'élevage de poissons en enclos sont exemptés des normes environnementales dans leurs exploitations, ce qui leur permet d'être plus concurrentiels sur le marché. Il n'y a aucune exploitation aquacole en enclos dans les eaux des Grands Lacs qui sont supervisées par le Québec et quelques États américains. Elles sont interdites.

Alors lorsque nous rédigerons un rapport plus tard cette année, nous présumons que nous lirons ce qu'ils ont dit et nous écouterons et lirons ce que vous avez dit. Mais que dites-vous et avez-vous lu ce qu'ils ont dit? C'est que vous avez parlé en termes très positifs, et je dois avouer que vous avez fait un travail formidable. Il est clair que vous connaissez très bien votre affaire, mais est-ce que ces gens sont des beaux parleurs?

M. Meeker : Oui.

Le sénateur McInnis : Qu'y a-t-il?

M. Meeker : J'ai une suggestion à vous faire : si vous voulez éplucher vos notes et mentionner chaque point qu'ils ont soulevé, nous serons ravis d'y répondre quand vous voudrez.

Par exemple, le premier point que vous avez mentionné est que les évasions sont problématiques. Nous avons fait toutes les recherches dont je vous ai parlé. Les deux derniers généticiens du ministère des Ressources naturelles ont dit au sujet des évasions de truites arc-en-ciel que si vous placez des poissons dans l'eau et que vous les élevez n'importe où, vous allez en perdre quelques-uns. Il ne s'agit ni d'une question de génétique ni d'écosystème. Ce sont les organismes de réglementation même, le MPO, le MRN, qui ont étudié la question et dit qu'elle n'était pas problématique. Ils continuent de dire qu'elle l'est. C'est comme en Colombie-Britannique. Je suis certain que vous avez entendu dire qu'ils s'inquiétaient d'élever du saumon de l'Atlantique sur la côte du Pacifique parce qu'ils craignaient qu'en cas d'évasion, les poissons commenceraient à se reproduire naturellement. Cela ne s'est pas produit en 40 ans, mais ils continuent de soulever la question.

Donc, de notre point de vue — c'est un autre point révélateur dont ils ne parlent pas —, la truite arc-en-ciel que nous élevons dans nos cages est exactement la même que celle que le ministère des Ressources naturelles ensemence dans tous les bassins de la province — c'est exactement le même poisson. Pourquoi pose-t-il problème?

Le sénateur McInnis : C'est donc faux?

M. Meeker : Oui.

Le sénateur McInnis : En 2005, 238 000 poissons se sont échappés; en 2006, aucun; en 2007, il y en a eu 25 000; en 2008, 33 000; et en 2009, 29 000.

M. Meeker : Bien, ces chiffres, je ne les...

Le sénateur McInnis : Je ne vous contredis pas, je veux seulement des éclaircissements.

M. Meeker : Des poissons se sont-ils échappés? Oui, mais ce qui est bien, c'est que grâce à l'étude dans le cadre de laquelle nous avons implanté des émetteurs par voie chirurgicale, nous avons pu voir si cela aura ou non un impact. Ce dont vous avez parlé remonte à l'âge des ténèbres, en 2005; c'était sans doute un peu partout dans le lac Ontario. Je ne sais pas. Quelqu'un a eu la permission de placer des cages artisanales à un mauvais endroit. Nous en avons, avec le ministère, tiré des leçons. Cela n'arrive plus. Il y a des règlements. Si nous voulons mettre des cages dans l'eau, ces cages doivent être de fabrication commerciale, avoir une structure solide, avoir été conçues et approuvées par des ingénieurs. Nous avons perdu des poissons, mais le plus important, c'est que cela n'a eu aucune incidence sur l'environnement par rapport à deux aspects : auront-ils une incidence à long terme sur la génétique? Non, parce qu'on ensemence le même poisson, de toute façon. La truite arc-en-ciel n'est pas une espèce indigène des Grands Lacs. C'est une espèce naturalisée. Sa génétique est très souple. A-t-elle eu une incidence? Non. Des poissons se sont-ils échappés? Absolument.

Le nombre de pêcheurs sur un lac ou dans une zone donnée est directement proportionnel au nombre de poissons qu'ils peuvent facilement attraper. S'il y a une forte échappée... et la plupart des responsables du MRN vous diront que chaque fois que nous avons perdu des poissons, ils ont été attrapés en moins d'un an et, en général, ils n'ont eu aucun impact négatif sur l'écosystème dans cette région.

Le sénateur McInnis : Le seul organisme gouvernemental qui exprime des préoccupations concernant l'aquaculture en cages en filet est le ministère de l'Environnement de l'Ontario.

Dans de nombreux rapports à l'Assemblée législative de l'Ontario, le commissaire à l'environnement de l'Ontario (CEO) a mis en doute la prétention des promoteurs gouvernementaux de l'aquaculture en cages, qui y voient une utilisation légitime et responsable des eaux publiques. De plus, le CEO réclame toujours qu'une politique relative à l'aquaculture en eau douce soit « prescrite » par la Charte des droits environnementaux (CDE), afin que la population puisse en prendre connaissance, comme il se doit.

M. Meeker : Oui. Dans ce cas, le commissaire à l'environnement partage tout à fait notre avis. Il demande un règlement. Nous demandons un règlement distinct et facile à comprendre depuis 15 ans. Nous sommes entièrement d'accord avec lui.

La déclaration qu'il a faite ne veut pas nécessairement dire qu'il existe un problème; le ministère de l'Environnement, je crois que c'est en... si Karen était ici, elle saurait l'année, mais nous pouvons vérifier. Après que le commissaire à l'environnement lui ait demandé ou enjoint de le faire, le ministère a effectué une analyse complète de l'aquaculture en cages en Ontario. Les résultats qu'a obtenus le ministère de l'Environnement, résultats que vous pouvez examiner dans cette étude — je ne sais pas en quelle année elle a été réalisée, mais je peux trouver l'information et vous le pouvez aussi —, montrent qu'actuellement, l'aquaculture en cages ne pose aucun problème en Ontario. La façon dont elle se pratique actuellement et l'envergure de ses activités ne posent aucun problème.

Malheureusement, je ne me rappelle pas le titre de cette étude ni en quelle année elle a été réalisée, mais si cela vous intéresse ou intéresse un autre membre du comité, nous pouvons trouver l'information très rapidement par l'entremise de notre association.

Croit-il qu'il existe un problème? Non. Est-ce qu'il dit qu'il pourrait y avoir certains problèmes? Oui. Nous le savons tous. Nous ne disons pas qu'il ne pourrait pas y en avoir. Comme je l'ai dit, nous avons été aussi proactifs que possible pour prévoir ce qui pourrait poser problème et, chaque année, nous effectuons davantage de recherche et de suivi.

Le sénateur McInnis : Je voulais vous donner la possibilité...

M. Meeker : J'aimerais beaucoup avoir la possibilité de répondre à chacune des questions, car nous avons rencontré ces gens à nos séminaires sur l'environnement, qui ont lieu tous les ans ou tous les deux ans. Nous leur avons dit : « Nous allons tenir un débat. Nous allons répondre franchement et directement à vos questions. Posez-nous les questions, nous y répondrons ». Peu importe le nombre de fois que nous le faisons, la question revient sans cesse.

Le sénateur McInnis : D'accord. Eh bien, il serait peut-être bon que vous répondiez à certaines des autres accusations, mais je n'aurai pas assez de temps.

M. Meeker : Je ne demande pas mieux que de le faire maintenant ou à un autre moment.

Le sénateur McInnis : Je ne pense pas que le président vous le permettra. Il est parfois intraitable.

M. Meeker : Je n'ai jamais rencontré de Terre-Neuvien qui le soit.

Le sénateur McInnis : D'où pouvez-vous bien venir? Les Meeker ne viennent-il pas de Terre-Neuve?

M. Meeker : Howie y a vécu durant des années, et pendant longtemps, j'y ai passé tous mes étés. J'adorais cela. J'étais au paradis, là-bas. Nous vivions à St. Philip's, près de St. John's. Je passais tout mon temps à attraper les poissons dans les cuvettes de marée et à aller en mer avec les pêcheurs de homards. J'aimais beaucoup vivre là-bas.

Le sénateur McInnis : Puis-je savoir combien il y a d'exploitations, de fermes?

M. Meeker : De sites d'élevage en cages dans les Grands Lacs? C'est une bonne question. Pouvez-vous me rappeler de vous parler du Michigan?

Il y a trois exploitations autochtones dans les eaux autochtones à Wikwemikong, à l'extrémité est de l'île Manitoulin. Il y en a une autre à l'extérieur de Parry Sound qui s'appelle Aqua-Cage Fisheries. Cela fait quatre. Deux autres exploitations très différentes d'aquaculture en cages sont situées au nord de Manitoulin, à Sucker Creek. Il y a la mienne, et Cold Water Fisheries en a trois. Quelqu'un fait-il le calcul?

La sénatrice Poirier : Cela fait 11.

M. Meeker : Bien, car je ne les comptais pas. C'est donc 11 sites. J'y ai travaillé à un moment ou à un autre — je ne me rappelle plus.

Le sénateur McInnis : Merci. Que vouliez-vous dire au sujet du Michigan?

M. Meeker : Depuis un an et demi, je travaille avec la Michigan Aquaculture Association et les consultants qu'elle a embauchés pour faire démarrer l'aquaculture en cages au Michigan. Je pense que cela va se faire dans un avenir assez rapproché. Est-ce que cela n'est pas arrivé parce qu'il existe des problèmes particuliers? Non.

Comme je l'ai dit, je sais que vous rédigez un rapport. Y aurait-il une possibilité de nous réunir pour que je puisse répondre plus directement aux questions — pas nécessairement dans le cadre d'un débat, car je sais que c'est une mission d'étude — lorsque vous obtenez des renseignements contradictoires?

Le président : Ce n'est pas ainsi que nous procédons.

M. Meeker : D'accord.

Le président : Si vous estimez que ce qu'ont dit les autres témoins n'est pas exact, ou si vous aimeriez exprimer une opinion différente, je vous suggère de ne pas hésiter à communiquer avec nous par écrit.

M. Meeker : D'accord.

Le président : Nous communiquerons l'information aux membres du comité. Nous sommes toujours ouverts à ce type d'information.

M. Meeker : Je l'enverrai au greffier du comité, Maxwell Hollins. D'accord.

J'aimerais vraiment le faire. Ce qui est exaspérant, par exemple, c'est la question de la génétique que vous avez soulevée au sujet du premier point. Nous pensions avoir réglé cette question. Les généticiens en chef du MRN ont indiqué que les échappées ne constituent pas un problème; ils l'ont déclaré publiquement. Il s'agissait d'une politique. Nous pensions avoir réglé cette question il y a 10 ans, mais lorsqu'on la soulève à nouveau, cela redevient un problème. Nous l'avons encore une fois examinée avec un autre généticien et nous pensions qu'elle était réglée une fois de plus. Lorsqu'on la soulève, elle redevient un problème.

Le président : Comme je l'ai dit, n'hésitez pas à nous écrire pour exprimer une opinion différente de ce que nous avons entendu.

M. Meeker : D'accord.

La sénatrice Raine : D'après ce que je comprends, l'aquaculture en cages en eau douce en Ontario est réglementée par le ministère des Richesses naturelles de l'Ontario.

Quelles relations entretenez-vous avec le MPO et Santé Canada, entre autres? Ce que nous tentons de faire valoir, dans notre rapport, c'est qu'il y a beaucoup de chevauchements de compétences. Nous traitons principalement de l'aquaculture en eau de mer. En ce qui concerne l'aquaculture en eau douce, à l'intérieur d'une province, le MPO et Santé Canada ont-ils une incidence sur la réglementation?

M. Meeker : Pas autant que nous le souhaiterions. Comme je l'ai dit, nous avons traité avec les gens du MPO en ce qui concerne la recherche, et ils ont été formidables. C'est une très bonne question, qui me ramène au but de l'étude du comité : la réglementation. Nous espérons que dans le cadre de cette nouvelle entente fédérale-provinciale et de la collaboration entre le MPO et le MRN, nous serons en mesure d'améliorer les choses et de mettre en place ce système.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, le MRN n'a jamais voulu de cela, et son mandat concerne les animaux et les poissons sauvages, pas les vaches ni l'agriculture. Il concerne les dindons sauvages, pas les poulets; et les poissons sauvages, pas les poissons d'élevage. Il n'en veut pas. Le MPO dispose des politiques, et je suis persuadé, compte tenu de nos bonnes relations avec le MPO dans le passé, que si les deux parties peuvent conclure cette entente, nous aurons une seule réglementation et il n'y aura plus de chevauchements, comme vous l'avez mentionné à juste titre.

Il est très important que ce soit fait. Je suis un vieux de la vieille et je travaille dans ce domaine depuis longtemps, mais je trouve très encourageant de voir qu'une entente nationale est conclue entre le ministère fédéral des Pêches et l'organisme provincial de réglementation en matière d'aquaculture, c'est-à-dire le MRN.

La sénatrice Raine : Au cours de vos voyages dans d'autres pays, avez-vous vu quoi que ce soit dont nous pourrions nous inspirer concernant la réglementation en matière d'aquaculture en eau douce?

M. Meeker : Eh bien, chaque province a sa façon de faire. Votre groupe a-t-il eu la chance de se rendre en Turquie?

Le président : Non.

M. Meeker : Je reviens d'Italie et de quelques autres pays. La Turquie est maintenant l'exemple à suivre en matière d'aquaculture dans le monde — et j'ai discuté avec les éleveurs turcs de leur solution magique. Comment y sont-ils arrivés? Ils ont connu la même situation que nous durant 10 ans : stagnation et croissance nulle. Or, il existe un marché, et il y a du poisson dans la Méditerranée. Dans leur culture, les gens veulent consommer du poisson, mais ils ne pouvaient pas en avoir. Puis, tout à coup, l'industrie et le gouvernement se sont réunis et ont décidé de concrétiser les choses. L'industrie turque est devenue presque mille fois plus importante. Elle a connu une croissance énorme et une très grande réussite en très peu de temps. Vous pouvez vérifier. Diverses études ont été réalisées, et je peux vous fournir certaines références.

L'important, c'est que j'ai parlé à des connaissances qui travaillent dans l'industrie turque. Je leur ai demandé de me dire comment ils ont réussi. Évidemment, ils n'avaient pas vraiment de solution magique. Ils ont dit que pour une raison ou pour une autre, le gouvernement a décidé d'adopter un ensemble distinct de règlements et que cela a fonctionné; ils nous ont dit que lorsqu'ils travaillent en collaboration, appliquent le principe de précaution, assurent une surveillance, agissent de manière écoresponsable et suivent la situation de près, ils permettent à leur industrie de croître. C'est ce qu'ils ont fait et ils ont obtenu des résultats remarquables.

J'aurais aimé pouvoir demander à l'un d'entre eux de me donner la recette magique qu'ils ont utilisée, mais il n'y en a pas nécessairement. Ils ont tout simplement continué d'y travailler, comme nous le faisons, en effectuant de la recherche, puis la situation a changé, et ils ont pu aller de l'avant.

C'est en partie parce qu'ils sont allés un peu plus au large; c'est ce que je crois personnellement. Je ne parle pas au nom des autres éleveurs de poisson en cages. Même si nous avons démontré qu'il n'y a pas d'impact négatif sur le plan environnemental, il convient de parler des mérites de s'éloigner des rives. Les autres groupes vous en ont peut-être parlé. Loin des yeux, loin du cœur, n'est-ce pas?

La sénatrice Raine : S'éloigner du rivage des lacs?

M. Meeker : Dans les lacs, et peu importe où je suis allé dans le monde. En Finlande, s'éloigner du rivage veut dire ne pas être rattaché à la rive, être hors de vue des personnes qui pêchent, qui naviguent ou qui ont un chalet près du rivage. C'est essentiellement être hors de vue. Cela veut dire autre chose en Israël et en Suède. Dans notre cas, nous n'avons pas à aller bien loin du rivage pour être hors de vue, et la situation est en partie la même en Turquie. Elle n'est pas tout à fait la même, mais elle l'est en partie.

La sénatrice Raine : Vous parlez maintenant de l'aquaculture en eau douce?

M. Meeker : Oui. C'est une excellente façon de comparer des pommes avec des pommes.

La sénatrice Raine : D'accord. Mon autre question concerne les emplois que vos élevages créent dans les localités. Pouvez-vous nous donner un aperçu de leur importance pour l'économie locale, du nombre de personnes qui y travaillent, des fournitures que vous achetez, et ainsi de suite?

M. Meeker : C'est une excellente question, et je m'en veux beaucoup de ne pas en avoir parlé. Je vais me faire réprimander. Quand je retournerai là-bas, Karen va me dire que c'est la première chose que j'aurais dû mentionner.

Il y a cinq ou six ans, nous avons effectué la meilleure étude d'impact économique possible. Comme d'habitude, nous avons demandé à un groupe-conseil tiers de venir s'en occuper. Je pense que l'impact de notre petite industrie sur l'économie locale était d'environ 55 millions de dollars. C'était il y a des années. Je connais l'importance de l'impact économique, car 20 personnes travaillent pour moi, et ces 20 personnes ont un emploi qui leur permet de faire vivre leur famille, leurs enfants, là où les emplois sont rares.

Vous avez probablement entendu cette histoire partout au pays, mais ce qui m'importe, c'est mon foyer, et à cause du manque de poissons, l'industrie touristique perd des plumes. L'industrie du bœuf était en difficulté; nous créons donc des emplois à temps plein qui permettent aux gens de faire vivre leur famille. Cette étude économique était censée nous permettre, notamment, de déterminer le seuil qu'il nous faut atteindre pour créer beaucoup plus d'emplois; nous pourrons alors avoir des entreprises de fabrication de filets, ce que nous n'avons pas. Nous pourrons avoir des fournisseurs d'aliments sur place. Cela permettra de créer un grand nombre d'emplois. Mais notre industrie n'est pas encore assez importante pour cela. Nous achetons nos filets sur la côte Est. Nous achetons les aliments pour le poisson sur la côte Est ou la côte Ouest. Notre industrie n'est tout simplement pas encore assez importante pour générer des emplois dans les secteurs secondaire et tertiaire, mais elle n'aura pas à être beaucoup plus importante pour pouvoir le faire. Nous avons beaucoup de travailleurs autochtones. Ce sont mes voisins. Nous vivons tous là-bas, alors tous les emplois que nous créons sont importants et la possibilité d'en créer encore bien davantage est énorme.

La sénatrice Raine : J'ai une dernière question, si vous le permettez.

Le président : Une question brève et une réponse brève.

La sénatrice Raine : En ce qui concerne la chaîne d'approvisionnement, est-il désavantageux que votre entreprise ne soit pas située plus près de Toronto ou de Buffalo, par exemple?

M. Meeker : Avez-vous entendu ce que cette personne m'oblige à faire? Elle demande une réponse brève. C'est extrêmement difficile. Savez-vous à quel point c'est difficile?

Le président : La sénatrice Raine a parlé d'une seule question. Elle en est à sa quatrième; croyez-le ou non, je fais preuve d'une grande gentillesse.

La sénatrice Raine : En effet.

M. Meeker : J'espérais qu'on me pose ces questions. Le principal problème que nous avons est plutôt intéressant. Il s'agit du transport. Quand nous examinons de près nos activités, et nous le faisons constamment, comme toutes les entreprises, nous vérifions ce qu'il en coûte pour l'élevage du poisson et pour le mettre sur le marché. Nous estimons que la principale lacune ou le principal inconvénient auquel nous pourrions remédier relativement à notre emplacement concerne le transport de notre produit vers les marchés, soit les grandes villes comme Toronto et Montréal.

Notre élevage représente 12 millions de livres de poisson. Les habitants du nord de l'Ontario aiment beaucoup la truite arc-en-ciel, mais nous ne vendrons pas 12 millions de livres de poisson là-bas. Le principal problème n'est donc pas l'aspect technique de l'élevage du poisson, comme je l'ai dit tout à l'heure; c'est assurément le transport routier. Les coûts pour faire venir les aliments sont élevés; les coûts d'expédition du poisson vers les marchés sont aussi assez élevés, et c'est difficile. Le seul moyen de nous en sortir, c'est de tenter d'être aussi efficients que possible, mais ce sera toujours un enjeu, et cela représentera toujours une bonne partie de nos coûts de production. Nous ne demandons pas d'argent. Nous ne demandons pas de subventions, mais si nous le faisions, ce serait probablement là qu'elles nous aideraient beaucoup, sur le plan du camionnage.

La sénatrice Raine : Merci.

M. Meeker : Ai-je été assez bref?

Le président : C'était très bien.

M. Meeker : J'ai dû y voir. C'était une excellente question.

Le président : Merci, sénatrice Raine. Je suis désolé, mais nous devons poursuivre à huis clos.

Le sénateur Meredith : Avons-nous une deuxième série de questions, monsieur le président? Non?

Le président : Ce fut une discussion très intéressante. Comme je l'ai dit plus tôt, si vous voulez faire valoir un argument concernant des faits présentés par d'autres témoins, n'hésitez pas à le faire. Après votre départ, si vous pensez à d'autres renseignements que vous auriez aimé nous communiquer en réponse à l'une des questions des sénateurs, n'hésitez pas à nous les transmettre également.

M. Meeker : Je suis sûr que vous comprenez tous ce sentiment. En retournant chez moi, je penserai à une centaine de choses que j'aurais dû dire ou mieux expliquer.

Le président : Ces 90 minutes ont été très enrichissantes; vous nous avez fourni ce soir des renseignements très intéressants. Nous nous en servirons dans le cadre de notre étude sur cette importante industrie. Nous vous remercions d'être venu ce soir et, comme je l'ai dit, n'hésitez pas à ajouter quoi que ce soit plus tard.

Il me faut le consentement des membres du comité pour que nous poursuivions la séance à huis clos.

Monsieur Meeker, je vous remercie encore du temps que vous nous avez accordé, et nous espérons recevoir de vos nouvelles.

M. Meeker : Je tiens à remercier tous les membres du comité. Quand j'ai dit que je savais que vous aviez déjà fait une dure journée de travail avant même d'arriver ici, je le pensais. Si l'un de vous souhaite me poser des questions plus tard, n'hésitez pas à le faire. Est-ce permis?

Le président : Je suis heureux que vous ayez dit « plus tard ».

M. Meeker : Oui, c'est ce que je voulais dire. Est-ce permis? Ils ne s'attireront pas d'ennuis?

Le président : Non. Personne ne s'attirera d'ennuis.

(La séance se poursuit à huis clos.)

(La séance publique reprend.)

Le président : Y a-t-il une motion pour adopter le budget? Tous ceux qui sont pour?

Des voix : D'accord.

(La séance est levée.)


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