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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 18 - Témoignages du 17 février 2015


OTTAWA, mardi 17 février 2015

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 17 h 32, pour poursuivre son étude sur la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada.

[Traduction]

Shaila Anwar, greffière suppléante du comité : Honorables sénateurs, en tant que greffière suppléante du comité, il est de mon devoir de vous informer du retard inévitable du président et de la vice-présidente. Je vais donc présider à l'élection d'un président suppléant. Je suis prête à recevoir les propositions de nomination à cet effet.

La sénatrice Raine : Je propose le sénateur Wells.

Mme Anwar : L'honorable sénatrice Raine propose que l'honorable sénateur Wells soit élu à la présidence du comité.

Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Mme Anwar : Je déclare la motion adoptée.

Le sénateur David M. Wells (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada. Je suis heureux d'accueillir notre témoin, M. William Lahey, professeur de droit agrégé, École de droit Schulich, Université Dalhousie.

Monsieur Lahey, si j'ai bien compris, vous avez un exposé à nous présenter, alors vous avez la parole.

William Lahey, professeur de droit agrégé, École de droit Schulich, Université Dalhousie : Mesdames et messieurs, bonsoir. Je tiens d'abord à vous dire que je vous suis reconnaissant de cette occasion de venir discuter avec vous aujourd'hui. J'ai le regret de vous annoncer que mon collègue, Meinhard Doelle, qui devait m'accompagner aujourd'hui, n'a pu se rendre en raison des intempéries. Il est donc demeuré à Halifax et j'imagine qu'il nous écoute en ce moment.

Selon ce que nous comprenons, vous nous avez invités ici pour parler de notre rapport sur la réglementation de l'aquaculture en Nouvelle-Écosse et répondre à vos questions sur celui-ci. Par conséquent, mon exposé portera sur ce rapport.

Dans notre rapport, nous recommandons la révision complète de la réglementation de l'aquaculture en Nouvelle-Écosse. Nous recommandons la modification de presque tous les aspects du processus de réglementation. Ces recommandations s'expliquent par deux conclusions. Premièrement, le système de réglementation actuel ne permet pas d'assurer le développement et la croissance de l'industrie d'une façon respectueuse de l'environnement ou avantageuse pour les collectivités locales. Deuxièmement, selon nous, une révision complète du processus de réglementation est nécessaire pour que le public ait confiance au processus. À notre avis, la confiance du public est primordiale à la croissance et au développement de l'industrie.

Parallèlement, nous croyons que si l'industrie est proprement réglementée, sa croissance et son développement contribueront à la prospérité économique de la Nouvelle-Écosse. En d'autres mots, nous croyons que cette réglementation pourrait répondre aux questions et calmer les inquiétudes des gens au sujet de l'industrie et que le moratoire permanent sur la croissance et le développement de l'industrie en Nouvelle-Écosse — je parle plus particulièrement de la salmoniculture en milieu marin — n'est pas justifié.

Pour tirer ces conclusions, nous nous sommes appuyés sur l'Environmental Goals and Sustainable Prosperity Act, une loi provinciale de la Nouvelle-Écosse qui exige l'harmonie entre les objectifs économiques, sociaux et environnementaux pour assurer l'avenir de la province. Nous nous sommes inspirés de cette loi pour rédiger l'objectif stratégique du cadre réglementaire que nous recommandons. Celui-ci demande l'adoption d'une réglementation qui favoriserait le développement d'une industrie à faible impact, mais à valeur économique élevée. Selon nous, ce genre d'aquaculture cadre avec le modèle de développement intégré exigé par l'Environmental Goals and Sustainable Prosperity Act.

Nous nous sommes également appuyés sur ce que l'on appelle en Nouvelle-Écosse le rapport One Nova Scotia Commission. Il s'agit d'un rapport publié par une commission présidée par Ray Ivany, président de l'Université Acadia. De façon générale, ce rapport demande l'adoption de mesures urgentes et drastiques pour l'économie de la province. Il souligne l'importance des industries des ressources naturelles et des ressources elles-mêmes pour l'avenir de la province et reconnaît l'importance de la protection environnementale dans le développement de ces industries.

Les changements que nous recommandons à la réglementation... Il s'agit d'un rapport de 125 pages. Je ne peux pas entrer dans les détails dans mon exposé. Je dirai simplement que nous demandons : une participation publique garantie par la loi à toutes les étapes du processus de réglementation, et ce, avant qu'une demande de permis soit présentée; une transparence réglementaire générale, tant en ce qui concerne la délivrance de permis qu'en ce qui concerne la surveillance des installations autorisées et l'application des règlements; et l'adoption de dispositions législatives qui précisent ce que doivent comporter les permis et les détails de certaines modalités essentielles, notamment le maintien de conditions oxiques dans l'eau afin que l'eau demeure salubre pour les espèces sauvages.

Nous demandons la création d'un nouveau système servant à classifier les régions côtières selon les piscicultures pour lesquelles elles conviennent, à savoir si elles sont généralement adéquates, généralement inadéquates ou inadéquates en fonction de la taille et de la nature de l'installation ou du projet proposés. L'idée, c'est que cette classification guiderait l'analyse des demandes de permis et les décisions connexes, assurerait le développement de l'industrie de façon durable et responsable sur le plan environnemental et empêcherait le développement et la croissance là où l'on sait d'avance que les conditions biophysiques ou socio-économiques risquent de poser problème, disons.

Nous recommandons également la tenue d'audiences officielles dans le cadre du processus décisionnel pour la délivrance de tous les permis. Nous recommandons l'adoption de principes légiférés régissant la délivrance de permis que tous les demandeurs devront respecter, l'adoption d'un processus d'appel plus indépendant et une plus grande attention à la santé des poissons d'élevage. Cela est essentiel non seulement pour assurer la santé des poissons d'élevage et la prospérité de cette industrie, mais aussi pour éliminer ou au moins limiter les activités de l'industrie qui inquiètent — des activités dont le but est, la plupart du temps, de traiter les maladies qui touchent les poissons d'élevage, s'il y a lieu.

Nous demandons une surveillance plus étendue et rigoureuse, un accroissement considérable de la capacité des organismes de réglementation de la Nouvelle-Écosse, le renforcement des mesures visant à réduire ou à éliminer les risques pour le saumon sauvage, notamment l'exigence de disposer d'un système intégré de confinement pour éviter les fuites, et la mise en place de plusieurs processus de consultation continue. Un de ces processus porte sur la mise en œuvre du cadre de réglementation que nous proposons, et un autre concerne la relation continue entre les organismes de réglementation, l'industrie et le milieu de la recherche, de sorte pour s'assurer que la réglementation s'appuie sur des données scientifiques et que la recherche — il se fait beaucoup de recherche sur l'aquaculture en Nouvelle-Écosse et dans le Canada atlantique — porte sur les enjeux qui découlent de l'application de la réglementation.

Je vais m'arrêter ici. Je serai heureux de répondre aux questions des membres du comité.

Le président suppléant : Merci beaucoup, monsieur Lahey.

Dans le cadre de votre étude, vous vous êtes penchés sur le processus d'appel. Si des exigences de conformité doivent être respectées dans le cadre du processus de demande et qu'elles le sont, la demande peut-elle encore faire l'objet d'un appel de la part de ceux qui s'opposent aux activités d'aquaculture dans une certaine région?

M. Lahey : La question des deux étapes du processus décisionnel vise à assurer l'uniformité entre les activités autorisées et les critères utilisés pour évaluer la demande de permis. Donc, l'organisme d'appel — nous recommandons que ce soit le ministre de l'aquaculture ou un organisme d'appel indépendant — n'aurait pas le pouvoir de modifier ces critères ou conditions. Ce qui peut être porté en appel, c'est si le décideur de premier niveau — selon notre modèle, il s'agirait d'un responsable du ministère des Pêches et de l'Aquaculture — a correctement appliqué les critères ou les conditions établis. Donc, la prise de décision aux deux niveaux serait assujettie au contenu de la loi. Mais, il faut faire preuve de jugement au moment de déterminer si les activités proposées respectent les conditions réglementaires qui, parfois, sont exprimées en termes généraux.

Le président suppléant : Merci.

Le sénateur Munson : Merci d'avoir accepté notre invitation, professeur.

Au sujet de la maladie, votre groupe s'est entretenu avec des responsables de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Ils vous ont dit qu'il y avait des systèmes de surveillance en place et qu'ils étaient assez efficaces.

M. Lahey : C'est exact.

Le sénateur Munson : Mais, ils vous ont dit ne pas avoir le même niveau de confiance envers l'industrie. Pourriez-vous nous donner des détails à ce sujet? Nous avons passé beaucoup de temps dans votre province et les intervenants de l'industrie nous ont assurés qu'ils sont prêts à réagir en cas d'épidémie.

M. Lahey : J'aimerais dire, d'abord, que les responsables de l'Agence canadienne d'inspection des aliments nous ont été très utiles et nous les remercions. Ils nous ont dit avoir confiance aux processus de surveillance gouvernementaux, non seulement en Nouvelle-Écosse, mais dans le Canada atlantique en général.

Avant de vous répondre, j'aimerais souligner que nous avons recommandé dans notre rapport que la loi en Nouvelle-Écosse soit plus claire sur les éléments et les processus liés au système de surveillance, en partie pour nous assurer que le système de surveillance demeure efficace et pour que le public ait confiance au système, qu'il le comprenne et qu'il sache comment il fonctionne.

Les inquiétudes des responsables de l'agence concernaient l'industrie et sa capacité à gérer des éclosions importantes de maladies. Selon l'agence — enfin, les responsables de l'agence qui s'exprimaient au nom de celle-ci —, il y avait moins de coopération entre les diverses sociétés de l'industrie dans le Canada atlantique pour la mise en place du genre d'infrastructure nécessaire pour réagir à une épidémie que ce qui avait été observé dans l'Ouest canadien, par exemple.

Le sénateur Munson : Quel genre d'infrastructure?

M. Lahey : La désignation préalable des bateaux à utiliser pour déplacer les poissons malades, par exemple, afin d'éviter les délais et les interrogations relatives à l'utilisation de ces bateaux une fois l'épidémie terminée, tout cela dans le but d'éviter la propagation de la maladie. C'est la même chose en ce qui concerne les quais, c'est-à-dire définir à l'avance lesquels seront biosécurisés pour le déplacement des poissons malades. Il faut aussi prévoir l'élimination des carcasses. C'est ce genre de décisions qui, selon l'agence, doivent être prises à l'avance pour réagir rapidement à une éclosion de maladie.

Je ne crois pas que je me répète. L'agence nous a dit également que si la coopération et la collaboration entre les sociétés étaient nécessaires sur la côte Ouest où l'industrie est plus vaste, elles le sont certainement sur la côte Est où l'industrie est plus petite.

Le sénateur Munson : Savez-vous pourquoi il y a moins de coopération sur la côte Est? Les autres provinces travaillent-elles en vase clos?

M. Lahey : Non. Nous n'avons pas eu l'occasion d'analyser cette question en détail, mais nous étions d'avis qu'elle était suffisamment importante pour en parler dans notre rapport. C'est peut-être parce que l'industrie dans le Canada atlantique est divisée entre quatre territoires relativement petits, alors que sur la côte Ouest, l'industrie est implantée dans une seule province, en Colombie-Britannique. Mais, ce n'est qu'une hypothèse. Nous n'avons pas eu l'occasion d'aller au-delà de ce que les responsables de l'agence nous ont dit.

Le sénateur Munson : Au sujet de la recherche scientifique, vous recommandez dans votre rapport que le MPA crée un réseau d'universitaires et de spécialistes de l'aquaculture afin que le ministère puisse tirer avantage de l'expertise de l'ensemble du milieu. Cette expertise existe-t-elle ici, à Ottawa?

M. Lahey : Absolument. Nous ne recommandons pas d'utiliser uniquement l'expertise que l'on retrouve dans les régions. Dans le cadre de notre processus, nous avons dressé ce que nous appelons une liste de connaissance et organisé trois ateliers de connaissance. Parmi les participants, bon nombre n'étaient pas de la Nouvelle-Écosse ou du Canada atlantique.

Ce processus nous a permis de découvrir que l'expertise se trouve partout au pays, et même à l'étranger, et qu'il serait utile pour la Nouvelle-Écosse de faire appel à cette expertise.

La sénatrice Stewart Olsen : J'aurais quelques questions à vous poser au sujet de votre exposé. Vous avez parlé de l'adéquation.

M. Lahey : C'est exact.

La sénatrice Stewart Olsen : Qui décide du caractère adéquat de l'emplacement?

M. Lahey : J'aimerais d'abord souligner que tous ceux à qui nous avons parlé s'entendent pour dire que certaines régions conviennent à certains types d'aquaculture, alors que d'autres non.

Ils s'entendent aussi pour dire que le processus de délivrance des permis doit vraiment tenir compte du caractère adéquat de l'étendue d'eau concernée, comme la profondeur, le mouvement du courant et la proximité d'autres espèces, notamment.

Dans une certaine mesure, notre recommandation s'appuie sur l'idée selon laquelle l'adéquation doit être analysée séparément de la demande de permis afin d'éviter qu'elle soit mal évaluée en raison de la tentation à vouloir prendre une décision précise sur une demande, par exemple, parce que la société concernée a investi beaucoup de temps et d'effort dans le projet.

Donc, au bout du compte, l'adéquation devrait être évaluée par un organisme de réglementation. Nous avons défini trois processus différents qui pourraient être utilisés pour analyser l'adéquation, dont au moins deux permettraient à l'organisme de réglementation de faire appel à une tierce partie. Un des processus servirait à cartographier les régions côtières, et un autre ciblerait davantage la classification ou l'évaluation de l'adéquation dans une région en général. Dans les deux cas, il serait possible de faire appel à une tierce partie.

Le troisième processus de classification s'appliquerait dans le cas d'une demande pour un permis en particulier. Nous ne voulions pas que le processus de délivrance de permis soit retardé par le processus de classification qui, si l'on veut qu'il soit détaillé, pourrait prendre de nombreuses années. Selon nous, si la classification est établie au début du processus de délivrance de permis, c'est l'organisme de réglementation qui doit s'en charger.

La sénatrice Stewart Olsen : Je sais que vous avez donné trois choix, trois options. Proposez-vous que le ministère doive étudier la carte de la Nouvelle-Écosse et déterminer les emplacements qui conviennent? Autrement dit, quels facteurs déclencheraient la tenue d'études pour déterminer le caractère approprié des sites?

M. Lahey : Nous ne recommandons certainement pas d'empêcher l'expansion de l'industrie jusqu'à ce qu'on ait procédé à une cartographie complète de la province.

L'autre aspect qu'il convient de souligner, c'est que nous reconnaissons que les évaluations du caractère approprié des sites évolueront au fil du temps; les critères ne peuvent être immuables. Les conditions environnementales et les conditions socio-économiques changent. Les industries ainsi que la technologie et les pratiques qu'elles utilisent changent. Par conséquent, un site qui ne semblerait pas convenir à un moment précis pourrait convenir plus tard en raison de l'adoption de nouvelles technologies ou de nouvelles pratiques qui réduisent les risques d'effets préjudiciables. Nous n'avons certainement pas recommandé un processus de cartographie complète.

D'un autre côté, nous avons eu l'impression qu'il y avait un fort consensus aux deux extrémités du spectre quant aux secteurs qui ne sont pas propices. Certains considèrent qu'il est inconcevable que ces sites conviennent à la salmoniculture, en particulier, et d'autres — même s'ils sont moins nombreux — sont de l'avis contraire.

Donc, nous pensons qu'avoir ces connaissances nous permettra d'établir la liste des sites qui ne seront pas aménagés à des fins de pisciculture et de concentrer le développement de l'industrie dans des secteurs que nous considérons comme propices, en fonction de critères clairement définis, ce qui favorisera l'acceptation du cadre réglementaire par le public, et ce, aux deux extrémités du spectre.

Au fil du temps, nous aurons beaucoup de travail à faire par rapport à d'autres régions côtières, et c'est pour cette raison que nous avons proposé ces trois mécanismes, qui auront lieu simultanément. Nous espérons qu'ils nous permettront un jour d'avoir une idée plutôt précise des régions côtières qui sont propices à diverses activités de pisciculture, ou non.

La sénatrice Stewart Olsen : Ai-je tort de dire que vous êtes d'avis qu'il faille plutôt se fonder sur des données scientifiques pour établir s'il y a lieu d'exploiter ces sites plutôt que de se fier aux avis divergents de groupes d'intérêts ou de résidents? Vous dites que les gens seraient rassurés. Donc, c'est bien; c'est formidable. Je me demande simplement comment vous pourriez ignorer ces points de vue.

M. Lahey : Permettez-moi de préciser mes propos. Je pense que le point de vue répandu selon lequel la salmoniculture est possible partout le long des côtes de la Nouvelle-Écosse nuit à la croissance de l'industrie. Or, il faut savoir qu'en réalité, les gens de l'industrie considèrent que de nombreux secteurs côtiers de la Nouvelle-Écosse ne sont pas propices à la salmoniculture. Cela peut être lié à des facteurs environnementaux ou — ce qui est plus fréquent — au fait que les perspectives d'une exploitation piscicole rentable dans ce secteur sont faibles. Par exemple, la température de l'eau est un facteur très important.

Donc, d'après nous, confirmer que des exploitations aquacoles de ce genre ne seront pas implantées dans certaines régions de la Nouvelle-Écosse pourrait atténuer une partie des préoccupations qui alimentent l'opposition à l'égard de l'industrie. Il pourrait y avoir d'autres formes d'aquaculture, mais pas celle-là.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci, monsieur.

Le sénateur McInnis : J'aimerais poursuivre dans cette veine. Supposons que je fais partie de l'industrie et que je présente une demande. Il y a actuellement en Nouvelle-Écosse un moratoire quelconque, n'est-ce pas? Donc, il ne se passerait rien puisqu'on n'accepte pas de demandes. Est-ce exact?

M. Lahey : Le ministre qui nous a nommés a indiqué qu'aucun permis d'exploitation ne serait accordé pour de nouveaux sites d'aquaculture de poissons à nageoires pendant notre processus. Dans notre rapport, nous avons recommandé le maintien de ce moratoire — qui est très ciblé — jusqu'à la mise en place du nouveau cadre réglementaire. Nous croyons comprendre que le gouvernement actuel a décidé de maintenir ce moratoire ciblé sur l'aquaculture de poissons jusqu'à ce que le nouveau cadre réglementaire puisse être mis en œuvre.

Le sénateur McInnis : Premièrement, je tiens à vous féliciter, vous et votre collègue, du travail que vous avez accompli. Comme je vous l'ai dit plus tôt, si vous réunissez 400 représentants de divers groupes à l'hôtel Lord Nelson, à Halifax — même des représentants de l'industrie, des particuliers et des groupes qui sont opposés — et qu'ils approuvent tous ce rapport, c'est qu'il doit être pertinent. C'est un rapport plutôt complet.

Toutefois, le gouvernement ne l'a pas encore accepté. On doit prendre le temps de l'étudier, évidemment, ce que je comprends. Toutefois, d'après ce que je peux voir, cela prendra beaucoup de temps. J'ai peine à croire qu'on puisse avoir une mesure législative avant 2016.

Je constate aussi qu'il faut regrouper les divers éléments que vous avez proposés. Ce sont tous des points pertinents, mais les gouvernements n'agissent pas si rapidement. Comme nous habitons tous les deux en Nouvelle-Écosse, nous avons tous les deux entendu les plaintes concernant le rapport de la commission Ivany, publié il y a un an, et l'absence de mesures dans ce dossier. Tout cela demande du temps, et c'est ce qui se produit ici.

Permettez-moi de passer rapidement à la question de la classification. Je crois comprendre que personne n'en a évalué les coûts.

M. Lahey : C'est exact.

Le sénateur McInnis : Ce sera très coûteux, c'est certain.

Rendu à l'étape de la classification, disons que nous avons les autorisations nécessaires. J'habite à Spry Harbour et j'ai réuni 300 opposants à la salle communautaire. Il y a tous les autres critères, les étapes actuelles, on a peut-être exclu la salmoniculture et il n'y a aucun problème, mais la communauté s'oppose au projet. Que se passera-t-il alors? Comment cela cadre-t-il dans l'équation? Dans le rapport, vous parlez d'acceptabilité sociale. Que se passera-t-il dans un tel cas?

M. Lahey : Nous n'avons pas recommandé un cadre réglementaire en vertu duquel la solution retenue est fonction de l'acceptation ou du rejet par la majorité de la population. Nous avons plutôt souligné que l'appui de la collectivité est un facteur essentiel. Pour obtenir cet appui, l'industrie doit respecter un processus réglementaire rigoureux qui permettra à tous — qu'ils soient pour ou contre — d'avoir une chance égale de présenter leurs arguments et leurs preuves, et de consulter la décision écrite dans laquelle on explique en quoi le rejet ou l'approbation de la demande reflète les principes régissant la délivrance des permis énoncés dans la loi ainsi que les enjeux soulevés et les preuves présentées lors des audiences.

Le sénateur McInnis : Mais ce n'est en rien lié aux droits des propriétaires riverains privés?

M. Lahey : Eh bien, de façon générale, l'un des critères est l'effet préjudiciable de l'exploitation proposée sur les autres utilisateurs de la ressource publique, soit les eaux et le rivage. C'est plus difficile à évaluer que des critères scientifiques précis comme la profondeur de l'eau ou la circulation de l'eau, mais il n'en demeure pas moins que c'est important, et il faut en tenir compte. Les gens ont l'occasion de manifester leur désaccord. Je ne dis pas que ce n'est pas pertinent. En soi, c'est pertinent. Des gens ont dit qu'ils s'y opposaient parce que cela nuit aux activités de la pêche au homard. Nous l'avons souvent entendu. D'autres ont indiqué que c'est nuisible au tourisme dans la région et que les niveaux de bruit ne sont pas acceptables.

Ces questions doivent toutes être examinées minutieusement. Un problème plutôt important pourrait entraîner le rejet de la demande. Pour les problèmes de moindre importance, le permis d'exploitation pourrait être assorti de conditions relatives à la mise en place de solutions aux problèmes que sont les niveaux de bruit, l'emplacement par rapport aux zones de pêche au homard, l'ampleur de l'exploitation en fonction de la profondeur de l'eau et du mouvement du courant. Tous ces facteurs devront être pris en compte.

Je pense que l'on peut affirmer que le cadre réglementaire que nous proposons exigera que tous rendent des comptes. Certes, les gens auront l'occasion de se manifester et de faire état de leurs préoccupations ou leur appui, mais ils devront le faire avec ouverture et transparence pour que le décideur puisse établir un juste équilibre entre les préoccupations et les problèmes qu'ils auront soulevés et les informations et les preuves présentées par l'autre partie.

Le sénateur McInnis : Toutefois, les droits du propriétaire foncier privé ne seront qu'une partie de l'équation. Si le courant est bon, que la profondeur est adéquate et que l'on ne nuit pas aux activités liées au homard ou au saumon, ce facteur sera-t-il pris en compte? Cela a suscité beaucoup de controverse en Nouvelle-Écosse, comme vous le savez.

M. Lahey : Oui, cela en fait certainement partie, mais l'importance de ce facteur dépend de la nature des effets négatifs qui préoccupent les gens. Je ne dirais pas qu'une forte opposition n'a aucune incidence sur le processus réglementaire, mais elle devient probablement plus pertinente lorsqu'elle est fondée sur des facteurs concrets et vérifiables quant aux conséquences néfastes sur la vie de la collectivité, d'autres entreprises viables et d'autres espèces.

Il a beaucoup été question des activités récréatives. Il est tout à fait légitime que les propriétaires riverains soient préoccupés par les possibilités d'activités récréatives qui y sont associées, et le fait qu'ils n'en tirent pas un revenu ne devrait pas être pris en compte. S'inquiéter des conséquences négatives sur les loisirs est une préoccupation légitime. Tout cela fait partie de l'équation.

Le sénateur McInnis : Un des aspects que je considère comme important et qui ne figure pas dans le rapport, c'est un comité de transition, un comité qui ne serait pas exclusivement formé de fonctionnaires. Vous connaissez les groupes. Il y a un vaste éventail de groupes et de personnes. Votre comité a-t-il étudié la question de la collaboration entre ce groupe et le gouvernement afin que cela soit mis en œuvre de façon ouverte, mais efficace? Vous avez indiqué qu'une personne serait nommée pour surveiller ce processus, mais que ce ne serait pas un sous-ministre. Avez-vous réfléchi à la question?

Je pense que c'est de la poudre aux yeux. En général, c'est un excellent rapport — d'où l'appui qu'il reçoit de tous ces groupes —, mais on a vu par le passé que ces rapports restent parfois lettre morte.

M. Lahey : Sénateur, nous avons recommandé la création d'un comité, mais ce comité ne serait pas chargé de la surveillance de la mise en œuvre du cadre que nous recommandons, car nous considérons que cela relève, en toute légitimité, de la compétence des représentants élus et des fonctionnaires qui travaillent avec eux. Toutefois, nous avons en effet recommandé la création d'un comité de liaison multipartite chargé de la mise en œuvre du cadre réglementaire.

Dans le cadre de notre processus, nous avons créé une table ronde pour obtenir des conseils; elle s'est réunie tous les mois, pendant environ six mois. On y trouvait des représentants de l'industrie du homard, de l'industrie de l'aquaculture, de l'Ecology Action Centre, et cetera. Nous pensions qu'un organisme de ce genre devrait être permanent. Il pourrait devenir une tribune où l'on pourrait discuter de la mise en œuvre du cadre réglementaire, pas seulement avec le gouvernement, mais avec toutes les instances et le gouvernement.

Je ne peux affirmer que les participants s'entendaient sur tous les sujets, mais il a été impressionnant de voir le degré d'unanimité auquel le groupe est parvenu pendant le processus. Il était intéressant de voir combien de fois ils se sont aperçus qu'ils avaient des perceptions différentes des faits présentés de part et d'autre. Nous avons pensé que l'intégration permanente d'un organisme de ce genre au cadre réglementaire pourrait aider à réduire, en Nouvelle-Écosse, la division et le désaccord au sujet de l'industrie et obtenir un consensus élargi sur la façon de favoriser le développement de l'industrie dans l'intérêt de la province.

Le président suppléant : Bon retour parmi nous, monsieur le président.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

Le président : Sénateur Meredith.

Le sénateur Meredith : Merci de votre exposé.

Par rapport à la question du sénateur McInnis sur les particuliers et leurs droits de propriété, pourriez-vous me parler du processus? La première chose que vous avez mentionnée dans votre exposé à mon arrivée était la consultation du public. C'est presque un mot à la mode, par ici. Les gens disent qu'ils n'ont pas été consultés. Nous croyons comprendre que c'est différent dans ce processus. Or, il est très important d'avoir la participation de ceux qui sont favorables à l'industrie et de ceux qui sont contre pour diverses raisons. Parlez-nous du déroulement de ces consultations. En avez-vous discuté? Est-ce l'une des recommandations?

M. Lahey : Pour que ce soit clair, sénateur, parlez-vous du cadre que nous avons proposé ou du processus que nous avons utilisé pour rédiger notre rapport?

Le sénateur Meredith : Je parle du processus que vous proposez.

M. Lahey : Il convient d'abord de souligner que nous avons recommandé la participation du public dès qu'une personne propose d'aménager une partie de la région côtière en vue de l'exploitation d'une entreprise aquacole. Nous avons proposé un mécanisme qui existe déjà en Écosse. Toute personne souhaitant aménager un site d'aquaculture doit présenter une demande pour l'obtention de ce que l'on appelle une option de location. Cela leur permet de consulter le public dès qu'ils ont ciblé un site d'exploitation, mais sans perdre le droit exclusif d'exploiter le site.

La participation du public serait assurée dès le début. Beaucoup de commentaires que nous avons entendus dans les collectivités étaient empreints de ressentiment et de colère parce que les gens avaient le sentiment d'avoir eu l'occasion de participer seulement lorsque les projets étaient très avancés. Dans certains cas, les gens disaient que s'ils avaient été consultés plus tôt dans le processus, ils auraient pu informer les promoteurs de certains aspects, ce qui aurait permis d'atténuer ou d'éviter certains des problèmes subséquents.

Après cette étape, le promoteur serait tenu d'entreprendre des consultations inclusives auprès de la collectivité en vue de la préparation d'un rapport sur l'établissement de la portée, qui serait un élément central du dossier de la demande de permis d'exploitation.

Viendrait ensuite une analyse préliminaire de la demande et du rapport d'établissement de la portée. L'un des éléments de l'analyse préliminaire — du côté de l'organisme de réglementation — consiste à déterminer s'il y a eu une collaboration adéquate et approfondie avec les parties intéressées. Si l'organisme de réglementation juge que plus de consultations auprès de la collectivité sont nécessaires, ce facteur justifierait en soi la reprise du processus entier. Le public aurait l'occasion de présenter des commentaires à l'étape de l'analyse. Il ne s'agirait pas d'audiences, mais bien d'une occasion de présenter des commentaires.

Il importe aussi de souligner que tous ces renseignements sont consignés dans un dossier public accessible à tous. C'est ce que nous recommandons.

Les demandes qui ont franchi l'étape de l'analyse préliminaire passent à l'étape des audiences, sans exception. La loi néo-écossaise actuelle énonce qu'une audience peut être tenue, mais n'est pas obligatoire; cela relève de la discrétion du ministre. Dans le cadre réglementaire que nous proposons, la tenue d'une audience serait obligatoire.

L'audience pourrait prendre la forme d'un examen sur dossier de la conchyliculture. Nous avons découvert que même si la conchyliculture peut inquiéter le voisinage — entraver les activités, la navigation et le reste —, les préoccupations entourant les répercussions environnementales sont bien moindres.

Le sénateur Meredith : Parlez-nous du processus d'audience. Comment se déroulerait-il? À quel délai pourrait-on s'attendre? Sur le plan économique, disons que j'arrive dans l'industrie, que je trouve un emplacement, que j'investis déjà de l'argent, et que je souhaite investir davantage. Du point de vue économique, la création d'emplois au sein des collectivités côtières aura une incidence sur ma décision d'investir ou non pendant plus longtemps.

M. Lahey : Nous recommandons essentiellement deux types d'audiences : un examen sur dossier, ou audience administrative; et une audience en personne, ou audience en règle. Nous nous attendons généralement à ce que l'examen sur dossier soit plus rapide que l'audience en règle, et moins coûteux — en général, mais pas toujours. Il s'agit dans une certaine mesure de la première occasion d'aborder le genre de préoccupations que vous venez de mentionner.

Pour ce qui est des demandes de pisciculture portant sur des zones qui étaient auparavant de catégorie verte, une audience administrative est une possibilité puisque, dans le cadre du processus de classification, les collectivités ont déjà pu aider à déterminer la pertinence des sites de la région côtière.

Si la demande de pisciculture porte sur une zone considérée comme généralement inadéquate, ou pertinente seulement en fonction de la nature particulière du projet, notre cadre exigerait une audience en règle. En fait, puisqu'une telle demande risque davantage de s'accompagner d'enjeux majeurs, et il convient mieux d'y appliquer la procédure la plus complète prévue à notre cadre.

L'autre chose que je veux dire, pour répondre plus directement à la question, c'est que notre cadre nécessiterait que l'organisme de réglementation s'attarde à la portée et détermine la durée du processus d'audience. Ainsi, les entreprises sauront qu'elles recevront une réponse positive ou négative dans un délai réglementaire.

Un des problèmes du cadre réglementaire actuel dont bien des gens du milieu nous ont parlé, c'est que les décisions ne sont pas prises. Le problème n'est pas qu'ils essuient des refus, mais plutôt que les choses ne bougent pas. Selon notre analyse, le fait que les choses ne bougent pas témoigne, en partie du moins, d'une perte d'approbation sociale. Le processus réglementaire n'est pas aussi prêt qu'il l'a déjà été à regarder l'opposition des collectivités en face et à prendre une décision favorable ou non.

Si l'on exige que l'organisme de réglementation dise d'emblée qu'il fournira une réponse, qu'elle soit favorable ou non, ce sera en quelque sorte une garantie et une assurance pour les demandeurs, et permettra d'informer tout le monde que le processus sera complété dans ce délai. Ne l'oubliez pas lorsque vous choisirez les éléments de preuves et les enjeux que vous souhaitez soulever. Il est à espérer que les gens s'attarderont à ce qui compte vraiment.

Le sénateur Meredith : Vous avez parlé de faire appliquer les conditions d'octroi du permis. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus là-dessus sur le plan réglementaire. Disons que je suis un exploitant; j'ai des exigences à respecter. Les détenteurs de permis ont-ils trois chances maximum? Même si je remplis toutes les exigences, je dois maintenant respecter des lignes directrices strictes. Qu'arrive-t-il si je les enfreins? Parlez-nous de cette situation.

M. Lahey : Il ne fait aucun doute que nous insistons vraiment sur la nécessité de renforcer la surveillance, le suivi et les moyens de faire respecter la loi, notamment à l'aide de poursuites, lorsque c'est justifié et nécessaire sur le plan réglementaire. Nous avons constaté que le cadre réglementaire de la Nouvelle-Écosse a toujours été très passif. Bien des facteurs contribuent à cette situation. Par exemple, ce peut être aussi simple qu'un manque de ressources. Le ministère qui réglemente l'industrie en Nouvelle-Écosse est très petit. Il dispose d'un personnel très limité et n'a tout simplement pas beaucoup de bateaux. On peut donc immédiatement se demander : dans quelle mesure l'organisme de réglementation peut-il assurer une surveillance indépendante de l'industrie s'il dépend d'elle pour des ressources aussi fondamentales que des bateaux?

On insiste donc beaucoup sur le renforcement de la capacité de réglementation et sur la volonté des organismes à utiliser la gamme complète de mécanismes d'application de la loi, puisque tous ces éléments sont nécessaires pour assurer le respect de la réglementation.

Inversement, nous nous sommes efforcés de souligner dans notre rapport que le processus réglementaire devrait reconnaître les entreprises qui détiennent un permis valable et qui respectent la loi et les modalités d'exploitation. Au moment de prolonger le permis, par exemple, une entreprise devrait s'attendre à ce que le nouveau permis dure plus longtemps puisqu'elle a démontré être fiable et exploiter un site dont la pertinence en aquaculture n'est plus à démontrer; l'entreprise en a d'ailleurs fait la preuve en respectant le cadre réglementaire.

La dernière chose que je dirai à ce sujet, c'est que lorsque nous avons parlé à d'autres organismes de réglementation, un thème revenait constamment. En fait, la capacité des organismes doit croître au même rythme que l'industrie. On parle donc de la taille et du nombre d'organismes de réglementation et de ressources physiques, mais aussi du perfectionnement du savoir, et de l'accès à des recherches et des connaissances sur l'industrie qui soient actuelles et à la fine pointe. Voilà un thème récurrent que nous avons remarqué lorsque nous avons étudié la trajectoire de la réforme réglementaire dans d'autres régions, comme le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve, l'Écosse et le Maine. Ce sont les régions qui ont été citées le plus souvent par la plupart des intervenants du processus, en bien ou en mal.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup. C'est fort intéressant.

Au cours de votre étude, avez-vous eu la chance d'examiner la situation en Colombie-Britannique? Les règlements proposés seront-ils semblables, d'une façon ou d'une autre?

M. Lahey : Une étude a été commandée afin de comparer les cadres réglementaires des régions que je viens de mentionner et de la Colombie-Britannique. Nous avons également porté une attention particulière à la Colombie-Britannique sur le plan des questions de compétence. Sauf erreur, il semble que le ministère des Pêches et des Océans, ou MPO, est le principal organisme de réglementation de l'aquaculture dans la province en raison d'une décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Or, on constate plutôt la situation inverse dans l'Est du Canada, où les provinces sont le principal organisme de réglementation, tandis que le MPO et les autres ministères fédéraux jouent un rôle important. Je ne dirais pas que leur travail est complémentaire, mais ils ne sont pas la principale autorité de l'industrie. Ils ne sont pas le principal organisme de réglementation, disons. Nous nous sommes beaucoup demandé si cela avait eu une incidence en Nouvelle-Écosse.

La seule autre chose que je peux dire, c'est que nous avons constaté une similitude remarquable dans les fondements de la réglementation sur l'aquaculture lorsque nous avons examiné la structure réglementaire de ces régions, y compris la Colombie-Britannique. Le modèle est axé sur l'industrie plutôt que de lui imposer une réglementation environnementale. Il repose sur un mécanisme d'octroi de permis. D'autres caractéristiques du cadre réglementaire se ressemblent beaucoup.

Permettez-moi simplement de préciser que les espèces sauvages de la Colombie-Britannique dont il est question sont différentes de celles de la Nouvelle-Écosse, ce qui rend la comparaison des industries relativement délicate.

La sénatrice Raine : Je comprends. Je sais par exemple qu'en Colombie-Britannique, c'est la province qui détermine si un site est acceptable ou non.

M. Lahey : En effet.

La sénatrice Raine : J'ai cru qu'il pourrait y avoir des points communs à ce chapitre. Vous adoptez donc une démarche fondée sur ce que vous appelez la pertinence des sites.

M. Lahey : Oui.

La sénatrice Raine : Je trouve que déterminer la pertinence éventuelle d'un site suivant un mécanisme de feu rouge, jaune et vert est un peu comme le zonage. Le résultat n'est pas garanti, mais on a déjà une bonne idée des sites qui pourraient fonctionner.

M. Lahey : Oui. L'objectif est de rendre l'évaluation de la pertinence plus proactive. C'est la toute première étape du processus et le contexte dans lequel les permis sont octroyés; autrement, la délivrance du permis servirait à évaluer la pertinence tant de la zone côtière que de la proposition de projet.

Dans le cadre de nos consultations, certains voulaient que nous recommandions un processus exhaustif de planification côtière et de zonage en Nouvelle-Écosse, mais nous n'avions pas l'impression que cela faisait partie de notre mandat. Nous avons donc proposé un système de classification propre à l'aquaculture qui tienne compte des rapports entre l'aquaculture et d'autres activités économiques côtières, comme la pêche au homard, la pêche sportive et le tourisme, entre autres.

La sénatrice Raine : Nous devons vraiment respecter le rôle des Premières Nations en Colombie-Britannique. En fait, ils représentent la première porte à franchir. C'est intéressant, car le fait qu'ils habitent sur le littoral leur apporte un grand savoir traditionnel fort utile.

M. Lahey : C'est vrai. Le chef Terry Paul de la bande de Membertou siégeait à notre comité consultatif. Sa présence a été particulièrement utile. Grâce à son influence, nous avons eu l'occasion de discuter avec d'autres chefs micmacs de la Nouvelle-Écosse. Ils nous ont beaucoup aidés, et nous ont très clairement indiqué qu'ils allaient s'adresser au gouvernement provincial directement, et non pas par l'entremise de mon collègue et moi. Ils ont un point de vue intéressant sur le sujet à l'étude.

En Nouvelle-Écosse, les Micmacs font partie de l'industrie depuis ses débuts, dans les années 1960 et au début des années 1970, du moins dans le secteur des mollusques et des crustacés.

La sénatrice Raine : Merci.

Le sénateur Meredith : Quelles étaient certaines de leurs préoccupations? Je crois qu'il y a un rapport entre cette situation et le reste du pays, sur le plan de ce qui se limite à la Colombie-Britannique. Je sais qu'ils ont dit ne pas vouloir vous parler, et peut-être à juste titre puisqu'ils ont des droits issus de traités et ce genre de choses. Je pense simplement à cette inquiétude. Quelles préoccupations ont-ils exprimées, le cas échéant?

M. Lahey : Je sais que ce n'est pas ce que vous me demandez, mais je me sens toujours tenu de préciser que je ne prétends pas parler au nom des Premières Nations.

Le sénateur Meredith : Nous le savons.

M. Lahey : Les Autochtones qui nous ont parlé partageaient souvent les inquiétudes exprimées par d'autres Néo-Écossais, surtout quant à l'effet possiblement néfaste sur l'environnement de la pisciculture en milieu marin. Ils étaient particulièrement inquiets à propos du saumon sauvage. Leur préoccupation ressemblait beaucoup à celle que la Nova Scotia Salmon Association a exprimée, à la différence que le saumon de l'Atlantique revêt une importance spirituelle particulière aux yeux de la communauté micmaque. Leur inquiétude quant aux possibles conséquences néfastes sur le saumon sauvage s'inscrivait donc dans ce contexte.

En fait, ils craignaient surtout de possibles conséquences néfastes sur ce qu'ils appellent l'archéologie submergée d'importance pour les Autochtones, et plus particulièrement sur les droits de pêche ancestraux à des fins rituelles et alimentaires.

Seules les Premières Nations pourraient avoir de telles préoccupations. Ces intérêts leur sont propres, et ils n'ont pas manqué de nous en faire part.

Le sénateur Meredith : Merci beaucoup.

Le sénateur McInnis : Le Plan d'action stratégique national en aquaculture a été mis en place en 2010, et regroupe le MPO de même que l'ensemble des provinces. Un rapport devait être présenté. Or, il semble qu'un groupe va dans une direction alors qu'un autre agit autrement, et que les efforts ne sont pas concertés. Avez-vous présenté votre rapport au MPO?

M. Lahey : Non.

Le sénateur McInnis : Je sais que ce n'est pas votre responsabilité, mais la province va-t-elle le faire, ou l'inciterez-vous à le faire?

M. Lahey : Dans notre rapport, nous abordons la collaboration intergouvernementale et régionale. Nous insistons vraiment sur le fait que si nous avons raison et qu'il faut un cadre réglementaire comme celui que nous proposons pour faire bouger l'industrie de la Nouvelle-Écosse — c'est notre conclusion, mais elle pourrait être vraie ou fausse —, la province devra alors collaborer à l'échelle régionale et fédérale, puisqu'elle a besoin d'un tel cadre.

Le sénateur McInnis : Mais vous proposez un protocole d'entente dans votre rapport; vous iriez donc dans cette direction, n'est-ce pas?

M. Lahey : Nous privilégions cette approche, car si nous nous attardons au point de vue de l'industrie, celle-ci nous dit toujours avoir l'impression que les activités de réglementation des gouvernements manquent de coordination, entre autres.

Nous ne sommes pas en mesure de confirmer ces préoccupations, mais une des inquiétudes qui revenait souvent était le fait d'appliquer à l'aquaculture une réglementation fédérale en matière de pêche qui a été conçue expressément pour les pêches sauvages. Ce n'est pas pour confirmer cette préoccupation que je le mentionne, mais plutôt pour vous donner un exemple où l'industrie nous a dit, à mon collègue et à moi, vouloir le plus de cohérence et d'harmonisation possible entre les différents organismes de réglementation qui régissent l'aquaculture.

C'est donc dans ce contexte que mon collègue et moi avons recommandé de continuer à l'avenir d'employer le modèle de protocole d'entente qui existe depuis toujours. Je ne parviens peut-être pas à exprimer ce que j'essaie vraiment de dire. Pourquoi? Parce que cela nécessite un travail réglementaire considérable à l'échelle provinciale. Cela signifie que l'industrie travaille avec un seul organisme de réglementation plutôt que de faire en sorte qu'elle doive s'adresser à encore plus d'organismes.

Le sénateur McInnis : Et c'est important. Vos recommandations préconisent un très grand nombre d'inspections, voire des inspections surprises. Il faudra la participation de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ou ACIA, de même que des ministères de la Santé et de l'Environnement. Permettez-moi de lire une phrase tirée du rapport.

Le tout nécessitera une mise au point ou une refonte majeure des systèmes relatifs à l'administration et à l'information, la réorganisation de l'appareil bureaucratique, de même que et des modifications importantes à la relation entre le MPO et d'autres organismes gouvernementaux, plus particulièrement le ministère de l'Environnement.

Le rapport parle ensuite d'une capacité supplémentaire nouvelle, et nous avons mentionné le personnel et le reste. Je préférerais que le projet n'avorte pas et qu'il se réalise. Vous qui étiez sous-ministre, pourquoi ne retournez-vous pas faire ce travail? Cette fonction sera des plus importantes.

Vous avez aussi mentionné, dans le rapport, le processus d'appel auprès du ministre. Je ne crois pas que vous ayez abordé l'aspect quasi judiciaire de la question. Vous avez parlé de la Cour suprême et dit qu'il pourrait être possible d'interjeter appel, mais vous exigez pourtant un délai pour l'approbation de la demande. Avez-vous déjà essayé de comparaître à la hâte devant la Cour suprême?

M. Lahey : Non.

Le sénateur McInnis : Vous n'êtes pas sans savoir que ce genre de chose prend du temps et nécessitera notamment la participation du ministère de la Justice. C'est toute une histoire.

M. Lahey : Il faut décider quel est le juste équilibre entre la rapidité et un processus suffisamment rigoureux, qui donne à tous la possibilité de participer et permet de rendre une décision en fonction de tous les éléments de preuve. Dans certaines situations, un processus qui n'est pas assez rigoureux finit par s'étirer parce qu'il donne lieu à des appels, et le processus recommence. D'un autre côté, s'il est trop rigoureux, il ne sera certainement pas rapide.

Nous avons essayé d'élaborer un processus qui est suffisamment rigoureux pour faire en sorte que la plupart des demandes d'appel soient rejetées. Pourquoi? C'est parce que le processus a été suffisamment rigoureux pour permettre de valider les conclusions auxquelles on est arrivé.

Si le processus fonctionne bien, il devrait devenir avec le temps plus efficace et plus rapide. Les gens sauront quelles questions méritent d'être soulevées et quelles questions ne méritent pas de l'être parce que les éléments de preuve et les arguments sont insuffisants.

Le sénateur McInnis : Vous avez raison et je suis d'accord avec vous. C'est ce qui est expliqué dans le rapport. C'est ce qui permettra d'assurer la viabilité de l'industrie de l'aquaculture. Le plus grand défi sera de mettre en œuvre le système au cours des trois prochaines années, car une fois qu'il sera en place, comme vous l'avez dit, il y aura peu d'appels.

Je vous félicite, car je crois qu'il s'agit d'un excellent rapport.

Le sénateur Munson : Mes questions au début étaient précises, et celle-ci est très simple. Vous avez probablement consacré tellement de temps aux travaux de votre groupe d'experts que vous n'avez pas souvent eu l'occasion de suivre nos audiences, qui nous ont permis d'obtenir beaucoup d'information, et notre étude s'échelonnera encore sur quelques mois.

La voie vers une industrie de l'aquaculture très solide semble parsemée d'embûches. Nous voyons ce qui se passe dans le reste du monde, alors j'aimerais savoir quels éléments, qui pourraient provenir de votre rapport, vous souhaitez voir dans notre rapport et qui donneraient plus de poids à ce que nous voulons dire aux Canadiens et qui nous aideraient à faire avancer le débat?

Nous discutons de la Nouvelle-Écosse. Je vais probablement m'attirer des ennuis en disant ceci, mais il demeure que les gens parlent de la pêche sportive et du paysage, et cetera. À Halifax aujourd'hui, qui est une si belle ville, on aperçoit toutes ces raffineries de pétrole. Ce n'est pas un beau point de vue, mais c'est bon pour l'économie. Personne ne veut voir cela, mais elles sont tout de même là. Les poissons aussi sont là, et l'industrie doit trouver un moyen d'assurer sa viabilité. Même si cela ne fait pas plaisir aux autres, il en est ainsi.

J'aimerais obtenir votre point de vue sur ce que nous pourrions ajouter dans notre rapport, car vous avez accompli un travail très complexe.

M. Lahey : Vous m'offrez toute une occasion, mais je n'ai aucune attente quant à l'influence que je peux exercer.

Étant donné le rapport que nous avons rédigé et le temps que nous y avons consacré, vous ne serez probablement pas étonné d'apprendre que selon nous un cadre réglementaire crédible, surtout en Nouvelle-Écosse, est essentiel si nous voulons que l'industrie puisse se développer comme elle le souhaite et, du moins du point de vue de la Nouvelle-Écosse, qu'elle le fasse en fonction de ses besoins.

Comme l'expliquait le rapport Ivany, la Nouvelle-Écosse doit dire oui à certaines industries du secteur des ressources naturelles. Elle ne peut pas toujours dire non et s'attendre à ce que son économie soit prospère.

Un cadre réglementaire crédible, raisonnablement rigoureux, mais proportionnel — je veux dire proportionnel aux risques inhérents à cette industrie — est donc d'une importance cruciale. On dit parfois qu'on ne peut pas réglementer la prospérité. Je crois que c'est probablement vrai, mais on ne peut pas vraiment devenir prospère dans certaines de ces industries sans se doter d'un cadre réglementaire crédible et proportionnel sur lequel le public peut compter.

C'est un secteur qui polarise l'opinion publique en Nouvelle-Écosse, mais bien des citoyens veulent seulement savoir qu'une surveillance réaliste et fiable est exercée. Si on peut leur garantir cela, on pourra compter sur leur appui. Je crois que c'est essentiel.

La théorie, si je peux utiliser ce terme — après tout, je suis un universitaire — qui sous-tend notre rapport est que l'opposition actuelle à cette industrie, en particulier l'industrie du saumon, est fondée sur les politiques, mais elle doit plutôt être basée sur le processus réglementaire. Un des principaux éléments de notre cadre traduit le fait que les préoccupations des gens à l'égard de l'industrie sont plus ou moins grandes selon le contexte biophysique et socio-économique de l'endroit où l'industrie s'établit.

S'il y a des eaux profondes, un débit d'eau élevé et de grandes baies, les inquiétudes sont souvent moins importantes que là où la baie est petite, les eaux peu profondes et le débit restreint. Le débat que nous avons en ce moment tourne autour de la question de savoir si c'est bon ou mauvais. Cela polarise l'opinion et empêche l'industrie de progresser dans la direction qu'elle souhaite.

Le sénateur Meredith : Le sénateur Munson a parlé des aspects économiques. Dans un monde parfait, quels seraient les chiffres selon vous au Canada si tout se passe bien sur le plan économique? Nous voyons ce qui se passe en Écosse sur le plan de la croissance de l'industrie là-bas et de la création d'emplois. Avez-vous quantifié les résultats pour le Canada si nous faisons les choses correctement?

M. Lahey : Vous me demandez de répondre à une question qui ne relève pas de mon domaine.

Le sénateur Meredith : Vous savez que nous allons vous pousser jusqu'à vos limites.

M. Lahey : Je ne suis pas en mesure de vous donner un avis très éclairé. J'ai entendu suffisamment de choses durant le processus auquel j'ai pris part pour croire que l'industrie peut avoir des répercussions positives sur de nombreuses localités en Nouvelle-Écosse; en fait, elle en a déjà. J'inclus dans l'industrie le secteur des mollusques et crustacés. J'en ai aussi entendu suffisamment pour savoir que l'industrie pourra dans l'avenir avoir une incidence encore plus grande.

C'est un peu différent dans le cas de la Nouvelle-Écosse. Il faut être réaliste. Il semble qu'il n'est pas possible de concentrer l'industrie, comme c'est le cas, je pense au Nouveau-Brunswick ou à Terre-Neuve, dans des régions de la province qui conviennent mieux à cette industrie, notamment en raison de la proximité des collectivités, de la profondeur des eaux, et cetera.

Si l'industrie se développe en Nouvelle-Écosse, elle sera dispersée sur le territoire. Il pourra alors être difficile d'obtenir l'approbation sociale. Cela peut limiter la possibilité pour l'industrie d'avoir un brillant avenir en Nouvelle-Écosse et de se développer, mais je crois que nous en avons entendu suffisamment au cours de notre processus pour savoir que la croissance et le développement de l'industrie pourraient avoir des retombées économiques positives en Nouvelle-Écosse.

Même si nous ne sommes pas des économistes, c'est l'une des principales conclusions que nous avons tirées dans notre rapport. Nous sommes d'avis qu'il faudrait un meilleur cadre réglementaire parce que l'industrie apporte des avantages, et ce cadre réglementaire doit être solide et fiable.

Le président : C'est tout pour les questions. Je tiens à remercier le témoin pour son expertise et pour s'être déplacé ici. Votre travail nous a apporté de très bonnes connaissances et votre rapport sera très important dans le cadre de nos travaux. Nous vous remercions pour vos efforts et pour avoir pris le temps de comparaître devant nous ce soir.

M. Lahey : Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

Le président : Chers collègues, êtes-vous d'accord pour que nous passions à huis clos?

Des voix : D'accord.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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