Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 19 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 10 mars 2015
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 17 h 5, pour mener son étude sur la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada, et pour faire l'étude de l'ébauche d'un budget.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Le premier point à l'ordre du jour est un poste budgétaire visant des services professionnels, notamment, et l'embauche d'un consultant pour aider le comité dans l'élaboration et la présentation de son rapport sur l'aquaculture. Le montant budgété pour ce travail est de 24 625 $. Quelqu'un veut-il proposer une motion à cet effet?
La motion est proposée par le sénateur Wells, et appuyée par la sénatrice Hubley. Quels sont ceux qui sont pour?
Des voix : D'accord.
Le président : Quels sont ceux qui sont contre?
La motion est adoptée. Merci.
Bonsoir à tous. Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Nous poursuivons notre étude sur les défis et les perspectives de l'industrie de l'aquaculture au Canada.
Avant d'inviter nos témoins à s'exprimer et à faire leur exposé, je demanderais aux membres du comité de se présenter.
Le sénateur Munson : Sénateur Munson, Ontario.
La sénatrice Hubley : Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Meredith : Sénateur Meredith, Ontario.
Le sénateur McInnis : Tom McInnis, Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, Nouveau-Brunswick. Bienvenue.
Le président : Je suis Fabian Manning, un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador, et je suis président du comité.
Je vous invite à vous présenter, après quoi, d'après ce que je comprends, vous allez nous faire un exposé. Nous disposons d'une heure pour notre réunion. Je vous invite donc à passer aux questions des sénateurs dès que possible, mais commencez par vous présenter.
Michael van den Heuvel, titulaire, Chaire de recherche du Canada sur l'intégrité écologique des bassins hydrographiques, Institut canadien des rivières, Département de biologie, Université de l'Île-du-Prince-Édouard : Je suis Michael van den Heuvel, et je représente l'Institut canadien des rivières. Je travaille à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard.
Robert Johnson, gestionnaire du Programme des produits de la mer durables, Centre d'action écologique : Je suis Robert Johnson. Je suis le gestionnaire du Programme des produits de la mer durables du Centre d'action écologique, à Halifax, en Nouvelle-Écosse.
William Ernst, à titre personnel : Je suis Bill Ernst. J'ai récemment pris ma retraite d'Environnement Canada. Durant environ 33 ans, j'ai participé aux recherches sur les pesticides pour ce ministère.
Le président : D'après ce que je comprends, vous allez tous faire une déclaration préliminaire. Qui aimerait parler en premier?
M. Ernst : Je vois que mon nom figure en tête de liste à l'ordre du jour.
Le président : Puisque vous êtes à la retraite, je vous cède la parole en premier.
M. Ernst : Merci de me donner l'occasion de m'exprimer. Vous nous avez tous trois invités à comparaître pour vous parler des inquiétudes exprimées dans une lettre ouverte qui a été envoyée au premier ministre tout récemment. Nous sommes ici pour vous expliquer certaines parties de cette lettre.
À mon avis, le nouveau règlement vise surtout à soustraire l'industrie aquacole des pouvoirs de surveillance conférés par l'article 36 de la Loi sur les pêches à l'égard de l'utilisation des pesticides et des drogues. Sans doute, vous savez tous que cet article a été invoqué dans une poursuite intentée contre un exploitant en aquaculture du Nouveau-Brunswick qui avait utilisé illégalement un pesticide sur une longue période et en dépit des avertissements d'Environnement Canada. Selon toute apparence, ce pesticide a entraîné la mort d'innombrables homards. Il s'agit d'ailleurs du même pesticide que des exploitants ont utilisé en 1996 et qui a aussi entraîné la mort de nombreux homards à l'époque. Selon moi, ces exploitants connaissaient fort bien les risques que présente ce pesticide illégal.
Le manque apparent de respect envers les co-utilisateurs de l'environnement marin et d'Environnement Canada semble indiquer qu'à l'heure actuelle, les intervenants de l'industrie ne sont pas tous de bons candidats à l'autoréglementation et la reddition de comptes sur laquelle repose le règlement.
Les intervenants de l'industrie de l'aquaculture ne veulent pas être responsables aux termes d'une loi très raisonnable sur la protection de l'environnement — à laquelle toutes les autres industries du Canada se conforment. Ils ont donc tout simplement demandé au gouvernement de soustraire l'industrie à l'application des dispositions de cette loi. En proposant ce règlement, le gouvernement semble être prêt à acquiescer à leur demande en faisant valoir qu'il simplifie le régime de réglementation, prétendument complexe, de manière à en faciliter l'application. Je rappelle que c'est dans ce paysage réglementaire que toutes les autres industries du Canada réussissent à mener leurs activités tout en respectant les dispositions de la loi.
D'après mon expérience, les dispositions actuelles de la Loi sur les pêches n'ont jamais été appliquées de manière frivole, surtout à l'égard de l'industrie aquacole. À ma connaissance, c'est depuis peu seulement que le règlement est utilisé, quand des activités présentent un risque substantiel ou quand on peut montrer que des produits ont une incidence réelle sur l'environnement. Je mets au défi les partisans du RAA proposé de prouver le contraire. D'ailleurs, je souligne que l'introduction de nombreux produits chimiques à faible risque dans l'environnement tant par l'industrie aquacole que par d'autres industries ne fait pas l'objet de poursuites judiciaires aux termes de cet article de la loi.
Les gens pensent souvent, à tort, qu'on tolère des dérogations à cette disposition de la loi. Selon le principe sur lequel repose le projet de règlement, il suffit d'homologuer les pesticides aux termes des lois dont Santé Canada est responsable pour assurer la protection du milieu aquatique. À mon avis, il y a plusieurs raisons pour lesquelles ce n'est pas vrai.
Même si l'homologation de pesticides aux termes de la Loi sur les produits antiparasitaires exige une évaluation du risque aquatique, cette évaluation est effectuée par l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, qui n'a pas comme seul mandat de protéger l'environnement comme c'est le cas d'Environnement Canada, le ministère actuellement responsable de la loi. D'après mon expérience, le premier objectif de la Loi sur les produits antiparasitaires est de fournir des produits efficaces aux utilisateurs, et le deuxième est de veiller à protéger l'environnement des effets nuisibles des produits. Ce double mandat influence les résultats des évaluations du risque.
Je fais aussi remarquer que ces évaluations du risque sont tout sauf transparentes parce qu'elles s'appuient sur des données fournies par le secteur privé.
L'industrie aquacole a indiqué qu'elle a besoin d'avoir accès à divers pesticides qu'elle pourrait utiliser à tour de rôle pour essayer d'éviter que des parasites dont la présence a déjà été prouvée y deviennent résistants. Surtout, l'industrie a indiqué qu'elle a besoin d'avoir accès à des pesticides efficaces et à bon marché. Malheureusement, si le pesticide lutte très efficacement contre le pou du poisson, il lutte aussi très efficacement contre d'autres organismes comme les homards.
Récemment, le ministère de la Santé s'est montré prêt à homologuer une catégorie de produits chimiques puissants, les pyréthroïdes qui, selon des recherches récentes du gouvernement canadien, présentent un danger pour les homards qui se trouvent dans un rayon de 10 kilomètres du site de traitement. Il s'agit de la même catégorie de produits chimiques qui a fait l'objet de mesures coercitives récentes au Nouveau-Brunswick.
Le règlement proposé stipule également que seules les drogues homologuées seront utilisées en aquaculture pour défendre la sécurité environnementale. À ma connaissance, aucune des drogues utilisées actuellement dans l'industrie n'a fait l'objet d'une évaluation formelle du risque par le gouvernement du Canada, bien qu'elles aient toutes été homologuées par la FDA. Par ailleurs, beaucoup des drogues utilisées actuellement sont homologuées pour d'autres usages, qui ne comprennent pas l'immersion dans des milieux aquatiques. Les drogues sont donc utilisées pour un usage autre que celui auquel elles sont destinées, au moyen d'une ordonnance d'un vétérinaire accrédité dont les connaissances sur le plan de la protection de l'environnement peuvent être au mieux limitées. Je ne vois pas comment le nouveau règlement pourra prévenir une telle pratique.
La capacité actuelle de Santé Canada ne lui permettra pas de faire les recherches ou la surveillance des répercussions environnementales des pesticides et des médicaments quand ils seront utilisés en aquaculture à l'échelle opérationnelle. Jusqu'à présent, ces activités ont toujours été menées par Environnement Canada et Pêches et Océans Canada. Or, comme par hasard, récemment, ces activités ont presque été éliminées dans ces ministères.
Le règlement proposé ne contient aucune disposition visant la collecte de données sur les répercussions environnementales des pesticides ou des médicaments dans les milieux aquatiques. Cela veut dire que le règlement et la politique actuelle du gouvernement feront en sorte que, une fois que ces produits seront utilisés à l'échelle opérationnelle, il n'y aura aucune façon de déterminer leurs véritables effets sur l'environnement. Cela ne peut que diminuer la sécurité de l'environnement.
Enfin, si le RAA proposé est mis en œuvre, il créera une politique de protection environnementale très injuste. Par exemple, certains des pesticides que l'industrie souhaite utiliser et dont l'utilisation pourrait être facilitée par ce règlement sont aussi utilisés en agriculture. Au cours du processus d'homologation aux termes de la Loi sur les produits antiparasitaires, la toxicité de ces pesticides pour les organismes aquatiques a été déterminée comme étant si inquiétante que les utilisateurs sont tenus de protéger les écosystèmes aquatiques en créant des zones tampons pouvant atteindre 100 mètres. Comment ces agriculteurs vont-ils réagir en apprenant qu'ils sont tenus de se conformer à de telles restrictions tandis que les exploitants dans l'industrie de l'aquaculture ont le droit de mettre ces mêmes pesticides directement dans le milieu marin?
Il semblerait que l'industrie aquacole ait convaincu le gouvernement fédéral qu'elle mérite un traitement spécial aux termes de la Loi sur les pêches. D'après moi, ce traitement spécial est injustifié. Le fait de soustraire complètement cette industrie à l'obligation de respecter l'article 36 augmentera la pression qui est exercée sur les pêches sauvages encore productives, comme la pêche au homard, qui demeure importante pour les collectivités côtières dans l'ensemble du Canada atlantique.
Si ce règlement est adopté, cela déconcertera les gens et les poussera à minimiser l'application de la plus importante loi du pays en matière de protection du milieu marin; ce sera une autre tentative pour faire passer la croissance économique avant la sécurité environnementale.
Selon moi, le règlement proposé assouplira les normes de protection environnementale qui sont appliquées à l'aquaculture, minera la confiance de la population à l'égard de la surveillance exercée dans l'industrie et augmentera les conflits entre les utilisateurs. Cela réduira les chances d'en faire une industrie viable plutôt que de favoriser son expansion.
Le président : Merci.
M. Johnson : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs, de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. C'est un privilège pour moi de m'adresser à vous au nom des milliers de membres néo-écossais du Centre d'action écologique pour vous faire part de notre position. Nous appuyons le développement durable de l'aquaculture au Canada, mais nous nous opposons au projet de Règlement sur les activités liées à l'aquaculture, que l'on compte adopter et mettre en place au printemps 2015.
Nous avons participé activement aux consultations qui ont été menées au cours des dernières années au sujet de ces changements. Le 22 octobre dernier, j'ai présenté un document qui décrit notre position et qui explique en détail nos principales préoccupations concernant les changements réglementaires qui sont proposés.
Nous avons toujours été contre la prémisse de ces changements. Je vais vous parler de la situation locale en Nouvelle-Écosse, de même que du processus de certification écologique sur le marché des fruits de mer à l'échelle internationale. Comme vous le savez, la pisciculture dans des parcs en filet a divisé bien des collectivités au Canada, de même qu'à l'étranger. Toutefois, en Nouvelle-Écosse, l'aquaculture est un sujet de discorde particulièrement important à cause de deux facteurs importants : nos eaux côtières peu profondes, qui ont un long temps de vidange et l'interaction de cinq pêcheries côtières actives, tout particulièrement celle de la pêche aux homards. Ces deux caractéristiques sont très différentes de celles qui sont présentes dans la plupart des pays où l'on pratique l'élevage de saumon et la pisciculture dans des parcs en filet.
Nous avons participé aux consultations dans le cadre d'un examen réglementaire indépendant qui a été effectué en Nouvelle-Écosse par le groupe d'experts indépendant Doelle-Lahey. Le groupe vient d'ailleurs de présenter au gouvernement provincial un cadre de réforme réglementaire de calibre mondial. Le processus suivi a permis d'entendre et de recouper divers avis et renseignements. Nous savons que M. Lahey et M. Doelle vous ont fait part de leur travail.
La Nouvelle-Écosse est donc sur le point de mettre en œuvre des réformes en vue d'instaurer l'excellence sur le plan réglementaire, ce qui est extrêmement important pour notre avenir économique, pour obtenir l'assentiment de la population et pour résoudre les conflits dans nos collectivités.
Les modifications proposées au Règlement sur les activités liées à l'aquaculture vont miner ce processus de réforme et ranimeront les conflits. Nous ne voyons aucune raison pour laquelle une industrie devrait être exemptée de l'obligation de respecter l'article 36 de la Loi sur les pêches. Toutes les autres industries s'y conforment et se conforment à cette loi depuis plus de 100 ans. Cet article a été invoqué pour protéger le milieu marin de substances nocives et dangereuses, notamment pour interdire l'utilisation illégale de pesticides dans l'industrie de la pisciculture dans des parcs en filet. Nous sommes stupéfiés que l'industrie réagit aux activités illégales et aux amendes en faisant du lobbying pour modifier la loi. Est-ce que cela serait permis ailleurs? Est-ce acceptable? Nos lois en matière de protection de l'environnement ont été mises en place pour de bonnes raisons, et elles doivent être respectées.
Sur le plan du commerce mondial, la certification par un tiers des exploitations agricoles et forestières de même que des pêches sauvages est exigée depuis bien des années et, dans certains cas, depuis des décennies. L'industrie reconnaît que la vérification des bonnes pratiques environnementales est une bonne chose sur le plan financier et qu'elle sert aussi à éveiller la conscience sociale des entreprises. La réglementation et la certification des entreprises d'aquaculture ont commencé plus tard dans le paysage des fruits de mer durables. D'après ce que nous pouvons voir, les exigences fixées par l'Aquaculture Stewardship Council ne sont pas assez rigoureuses pour certifier des entreprises dans beaucoup de domaines. De plus, nous savons que l'entreprise ayant réclamé le plus vigoureusement les modifications au règlement, qui établissent une exception à l'article 36 de la loi pour permettre une utilisation accrue de pesticides, est aussi l'entreprise canadienne la moins susceptible d'obtenir la certification aux termes des nouveaux critères établis pour la salmoniculture.
Une grande partie du lobbying dans ce sens a été faite par l'Association des éleveurs de poissons du Canada atlantique, l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquiculture et aussi les entreprises. Au lieu de veiller à ce que les certifications s'appuient sur un système de réglementation rigoureux et fiable, l'industrie a choisi de plaider en faveur d'un affaiblissement du système — ce qui envoie un message fâcheux et préjudiciable à l'industrie canadienne de l'élevage du saumon.
Qu'est-ce que tout cela signifie? Bill a parlé de la lettre ouverte envoyée au premier ministre de la part de 120 signataires très divers, notamment des groupes et des organisations. Nous sommes au nombre des signataires de la lettre du 17 février qui a été envoyée au premier ministre et à la ministre des Pêches et Océans. Il est extrêmement important de souligner la diversité de ces signataires, qui comptent des scientifiques universitaires très respectés, d'anciens scientifiques du gouvernement fédéral — les employés actuels du gouvernement ne donnent pas leur avis par crainte de perdre leur emploi ou un financement — des associations de pêche et des organismes de conservation.
Par le passé, quand des intervenants aussi divers et d'une compétence aussi confirmée s'entendaient au sujet d'une question de politique, cela revêtait une importance considérable et cela signalait au gouvernement que sa politique comportait des lacunes. Les consultations menées ne tiennent plus compte de notre avis, et le processus suivi pour déterminer l'orientation du RAA en est un bon exemple. Le gouvernement n'a répondu à aucun des mémoires qui ont été présentés pendant le processus de consultations publiques, dont le nôtre. De plus, à notre connaissance, le gouvernement n'a intégré au règlement aucune des recommandations formulées dans ces mémoires.
Dans notre mémoire, nous avons exhorté le ministère des Pêches et des Océans à apporter des amendements importants aux modifications proposées au Règlement sur les activités liées à l'aquaculture, afin qu'il soit conforme à son mandat qui consiste à gérer la pêche et à protéger les étendues d'eau au Canada.
En terminant, il est essentiel de souligner quelques éléments clés de cette présentation pour la discussion d'aujourd'hui et votre étude sur la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada.
Selon moi, les changements réglementaires proposés auraient pour effet de codifier ou sinon de normaliser l'interdiction en vigueur pour l'industrie de l'aquaculture d'utiliser des substances nocives ou dangereuses sous forme de pesticides dans le milieu marin. Ce serait la nouvelle norme.
La plus importante entreprise aquacole indépendante du pays a été accusée par Environnement Canada d'avoir utilisé des pesticides illégaux et reconnue coupable de ce geste. Les changements proposés retirent de l'équation la loi et le seul ministère, Environnement Canada, à avoir appliqué les lois en vigueur. Selon nous, compte tenu de son mandat et de son expertise en matière de santé, Santé Canada n'a pas les compétences nécessaires en matière de protection de l'environnement pour autoriser le dépôt de pesticides et de médicaments dans le milieu aquatique. Cela n'aidera aucunement à protéger les poissons sauvages et les habitats du poisson.
Ces changements proposés sont le résultat de cinq années d'efforts et de lobbying de la part de l'industrie. On ne parle pas ici de réduire légèrement les lourdeurs administratives ou de simplifier les règlements, mais bien de modifier considérablement cette importante loi et de soustraire toute une industrie à celle-ci.
Des questions ont été soulevées quant à la légalité des changements réglementaires proposés. Ce gouvernement semble être très vulnérable aux contestations judiciaires. J'encourage donc fortement le comité à tenir compte de cela dans ce contexte.
Mesdames et messieurs les sénateurs, c'est une question très sérieuse. Ce n'est pas banal. Ce qui est proposé change la donne. Aucune autre industrie ne jouit d'un traitement de faveur pour rejeter des substances dangereuses dans les baies et havres du Canada. Il est inacceptable de soustraire une seule industrie à la loi.
Finalement, je tiens à réitérer que la Loi sur les pêches est la principale loi directrice du ministère des Pêches et des Océans et qu'elle est à la base de son mandat à l'égard des citoyens canadiens, soit gérer de façon responsable notre plus importante ressource publique : nos pêches sauvages et le milieu marin. La Loi sur les pêches doit continuer de s'appliquer à toutes les industries et dans toutes les régions du pays.
Merci.
M. van den Heuvel : Merci de cette occasion qui m'est donnée de m'adresser au comité. Je suis un spécialiste de l'environnement. Je vais donc appuyer mes propos sur des faits vérifiables. Évidemment, nous avons tous nos propres croyances. Je ne vais donc pas commencer mon exposé en disant que, selon moi, l'aquaculture est essentielle pour offrir à la population mondiale une protéine de haute qualité et protéger nos océans contre la surpêche. À mon avis, le Canada devrait être un chef de file mondial en matière d'aquaculture viable, et c'est tout à fait possible. Malheureusement, pour y arriver, il faudra faire demi-tour.
J'ai parlé en termes larges de l'aquaculture par rapport aux changements proposés à l'article 36, car, selon moi, la source du problème, c'est la non-viabilité générale de l'industrie. Les changements proposés à l'article 36 constituent une sorte de pansement rétrograde pour résoudre les problèmes causés par cette non-viabilité sous-jacente. Comme l'ont souligné mes collègues, cette industrie est non viable sur le plan environnemental, social et, à mon avis, économique. Elle pourrait être très avantageuse sur le plan économique pour le Canada, mais ce n'est pas le cas en ce moment.
J'aimerais préciser un détail au sujet des changements proposés à l'article 36. Je parle principalement des exploitations de poissons marins, car ce sont elles qui sont à l'origine de ces changements. Toutefois, ces changements touchent également la deuxième aquaculture en importance au pays en termes de production, soit les moules. L'introduction des tuniciers, une espèce de moule, et l'utilisation de la chaux éteinte pour les traiter ont soulevé beaucoup d'inquiétudes. L'Association des pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard m'a demandé à maintes reprises de préparer des propositions afin d'évaluer l'impact sur les homards de la baie Malpeque. Ce ne sont pas uniquement les salmonicultures marines qui sont touchées. Les conséquences sont plus larges, et je voulais vous le signaler.
En vertu des changements réglementaires proposés, les exploitations aquacoles seraient fonctionnellement soustraites — soustraire n'est pas assez fort; je parlerais plutôt d'une « décriminalisation » — de l'application de l'article 36 qui interdit aux exploitations de rejeter toute substance nocive dans les régions fréquentées par le poisson. Je parle de « décriminalisation », car il ne faut pas oublier que la Loi sur les pêches est liée au Code criminel, comme de nombreuses autres lois fédérales. Les changements proposés auraient pour effet de décriminaliser cet acte.
Aussi efficaces que puissent être les lois provinciales et les règlements relatifs à la surveillance, ils ne sont pas liés au Code criminel. Avouons-le, cette loi a des dents. Les lois provinciales ont moins de mordant. En vertu de la Loi sur les pêches, les contrevenants peuvent faire l'objet d'accusations criminelles pour avoir posé un geste illégal au Canada.
Comme on l'a déjà souligné, le dépôt de pesticides et de médicaments dans le milieu aquatique est possible au Canada, s'il est fait conformément aux dispositions de la Loi sur les produits antiparasitaires. Mais les exploitations qui ne respectent pas les lignes directrices établies par cette loi ne subissent aucune conséquence. Encore une fois, cet article de la Loi sur les pêches constitue notre dernière mesure d'appui en cas d'incident.
Sur le plan réglementaire ou juridique, il y a très peu de chevauchement en matière de conditions. D'ailleurs, de nombreuses provinces imposent très peu de conditions. Ceux qui sont très présents dans le secteur aquacole tentent de définir des conditions et d'établir des lignes directrices pour le secteur. Ce n'est aucunement contraignant, puisque cet article n'oblige pas les exploitants à remplir des formulaires supplémentaires relatifs à leurs exploitations. Je le répète, cet article est notre dernière mesure d'appui, notre dernier recours, en cas de rejet de substances nocives ou dangereuses pour le poisson. Donc, il y a quelques désavantages économiques associés aux changements réglementaires proposés. Il y a très peu de vrais là-dedans.
Encore une fois, il n'y a aucun chevauchement étroit entre les lois provinciales. D'ailleurs, le chevauchement est impossible, puisque les règlements provinciaux ne sont pas liés au Code criminel. De façon générale, les gouvernements fédéral et provinciaux considèrent le milieu marin comme étant une compétence fédérale. Je crois que cela remonte à la Loi constitutionnelle de 1867. Nous avons besoin de mesures législatives fédérales rigoureuses.
Les lois relatives à l'homologation des pesticides ne mentionnent absolument rien au sujet des évaluations d'impact sur l'environnement. Elles n'en parlent tout simplement pas. La raison, c'est qu'il y a deux approches fondamentales à la gestion de l'environnement. Idéalement, on veut pouvoir expliquer le risque associé à nos activités et tenter de prévenir les situations indésirables. J'ai appris cela il y a 30 ans dans un cours de toxicologie de l'environnement lors de ma deuxième année comme étudiant de premier cycle. C'est la base.
Nous tentons de prévenir les situations indésirables et de réduire le risque. Toutefois, on parle de modèles de base, des modèles qui ne cadrent pas toujours avec la réalité. Une de mes expressions favorites de George Box est : « Tous les modèles sont erronés et quelques-uns sont réellement utiles. »
On espère que cette mesure législative sur la réglementation des pesticides permettra de prévenir les situations indésirables, mais on ne peut pas prédire l'avenir. La surveillance et l'application des lois sont donc nécessaires. Il s'agit essentiellement de l'envers de la médaille. Il est impossible de gérer l'environnement en ne gérant que le risque. Il faut adopter des mesures d'application pour vérifier si le risque est équilibré, valider l'évaluation du risque et être en mesure de l'appliquer avant que quelqu'un ne contrevienne à la loi.
Ironiquement, le Canada est un chef de file mondial en matière de surveillance des incidences sur l'environnement. En vertu des programmes régis par le gouvernement fédéral mis sur pied au début des années 1990 pour les effluents des fabriques de pâtes et papiers, le Canada est un chef de file mondial en matière de programmes de surveillance des incidences sur l'environnement sous responsabilité fédérale. Aucun autre pays n'est allé aussi loin, et j'en suis très fier, tout comme mes collègues qui ont joué un rôle à ce chapitre. Je ne voudrais pas que l'on revienne en arrière.
Dans sa forme actuelle, l'article 36 de la Loi sur les pêches constitue le niveau de protection ultime contre les dommages environnementaux. D'autres industries ont également mené des campagnes de peur : « Si vous rejetez quoi que ce soit dans l'environnement, vous pourriez faire l'objet d'accusations. » Ça n'a jamais été le cas. Cet article a été utilisé de façon responsable pour intenter des procédures judiciaires dans le cadre desquelles il était nécessaire de fournir des preuves que le plaignant n'avait pas fait preuve de diligence raisonnable. La diligence raisonnable est intégrée à la Loi sur les pêches.
Ceux qui respectent, comme il se doit, les règles relatives à l'utilisation d'un produit n'ont rien à craindre. À l'Île-du-Prince-Édouard, environ deux mortalités massives de poissons sont répertoriées par année. La diligence raisonnable a été utilisée pour faire rejeter des accusations. Avant l'adoption de règlements sur les zones tampons, les gens n'étaient pas accusés de mortalité massive de poissons, car ils appliquaient simplement la pratique de l'époque. Ils faisaient preuve de diligence raisonnable, ce qui montre également à quel point les lois fédérales et provinciales sont liées. Les règlements sur les zones tampons ne peuvent pas exister sans la Loi sur les pêches, et la Loi sur les pêches ne peut pas s'appliquer sans zones tampons. L'expérience a échoué. Ces lois sont nécessaires, comme en fait foie la jurisprudence.
Nonobstant les changements proposés, l'industrie est aux prises avec de sérieux problèmes de parasites et de maladie. Le principal parasite, le pou du poisson, résiste à de nombreux agents de contrôle. C'est pourquoi les exploitants utilisent des agents et des composés de plus en plus dangereux. En tant que toxicologue, je dirais qu'il suffit de faire preuve d'un peu de jugement pour comprendre que ces composés ne devraient jamais être introduits dans les cours d'eau. Des milliards de dollars ont été investis en recherche pour comprendre comment fonctionnent ces composés et éviter qu'ils entrent dans les cours d'eau. Maintenant, on parle de les introduire délibérément. D'ailleurs, si vous m'aviez demandé : « Selon vous, docteur van den Heuvel, quel est le meilleur composé pour tuer la population mondiale de homards? », je vous aurais répondu : « Le composé utilisé pour traiter le pou du poisson. » C'est simplement pour vous montrer à quel point ce composé est toxique pour le homard sauvage.
Les dommages environnementaux et économiques potentiels pour la pêche du homard, la pêche privée la plus importante du pays, sont considérables. Ce n'est pas seulement moi qui le dis; cela a déjà été documenté et légiféré. Mes collègues en ont déjà parlé.
Le virus de l'anémie infectieuse du saumon est également présent. Il a été dépisté dans plusieurs provinces et les pertes commencent à s'accumuler. Ce virus a causé des pertes catastrophiques au Chili. Par contre, je ne crois pas que la situation soit aussi grave au Canada; on parlerait probablement davantage de morts causées par de nombreuses réductions, simplement parce que nos pratiques en matière de surveillance sont meilleures et que, généralement, les enclos au Canada sont plus loin les uns des autres. Cependant, le virus est bel et bien présent. L'homme tente depuis des années de contrer les virus, mais il n'a pas encore réussi.
Finalement, les problèmes de contaminants et les conflits qui en découlent en aquaculture... D'ailleurs, les Premières Nations ont qualifié ces conflits de « guerres du saumon ». Cela décrit bien le niveau d'agitation sociale, d'animosité et de conflit que cette situation entraîne. Encore une fois, l'aspect social est une composante importante de la viabilité. C'est donc problématique.
L'industrie doit composer avec beaucoup de problèmes. Dans sa forme actuelle, elle n'est pas viable. Toutefois, nous avons une solution et celle-ci est déjà appliquée. Il suffit de se tourner vers les élevages en circuit fermé ou les aquacultures terrestres d'élevage en circuit fermé. Les problèmes soulevés n'existent pas dans ces élevages. Les avantages sont énormes : moins d'antibiotiques, une croissance plus rapide du produit, aucun excrément pour contaminer le fond marin. D'ailleurs, les excréments peuvent même être vendus comme marchandise : de l'engrais. Aucune maladie n'entre dans les océans. Donc, potentiellement, aucun impact sur le saumon atlantique sauvage
Évidemment, l'industrie dira que ces élevages ne sont pas viables sur le plan économique. Je pourrais vous rédiger un document bien réfléchi pour vous expliquer pourquoi le soleil ne se lèvera pas aujourd'hui, le 10 mars; mais si vous allez dehors, vous verrez que le soleil s'est levé. Ces élevages sont déjà utilisés de façon viable dans presque toutes les provinces, dont trois élevages de saumon. Le tilapia est élevé en circuit fermé en Ontario. Il est donc faux de dire que ces élevages ne sont pas économiquement viables. Ils sont utilisés au Canada et partout dans le monde. Le coût en capitaux est énorme, mais les avantages le sont aussi. Nous devons nous tourner vers ce genre d'élevage.
Selon moi, les changements réglementaires proposés à l'article 36 dans le but d'accroître la viabilité de l'industrie ne peuvent être justifiés. Ils permettent aux exploitations d'utiliser des substances novices en aquaculture sans être assujetties à notre plus importante mesure de protection. À mon avis, c'est comme donner carte blanche à l'industrie. Je ne dis pas cela d'un ton cavalier. Je crois que l'utilisation de ces composés illégaux est un acte criminel, tant sur le plan logique que sur le plan éthique. Ces composés ne devraient jamais être introduits dans nos cours d'eau, surtout pas délibérément.
Il me paraît ironique de modifier une loi conçue pour protéger les pêches afin de permettre à une industrie de causer des dommages aux autres pêches. On propose d'utiliser un diachylon pour boucher un trou sur le navire. Il faudrait plutôt soit pagayer vers le rivage, soit utiliser un navire plus apte à prendre la mer. Les changements proposés sont régressifs. C'est mon opinion.
Le président : Merci.
Nous avons déjà une liste d'intervenants. Je vous rappelle que notre temps est limité, puisque nous avons d'autres témoins à accueillir. Chaque intervenant pourra poser une question. Si le temps le permet, nous pourrons revenir pour des questions complémentaires. Six sénateurs ont déjà indiqué vouloir intervenir. Je vous demanderais de poser des questions directes et de fournir des réponses encore plus directes.
La sénatrice Hubley : J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins. Ce n'est pas une bonne nouvelle, loin de là.
Si j'ai bien compris, une de vos inquiétudes concernant les changements proposés aux règlements sur l'aquaculture relativement aux substances nocives, aux médicaments vétérinaires et aux produits antiparasitaires, c'est qu'ils entraîneront une plus grande utilisation de ces produits, ce qui aura un impact sur d'autres industries, notamment celles du homard et des moules, deux industries importantes dans les Maritimes. Sur quoi vous appuyez-vous pour tirer ces conclusions?
M. Ernst : Ça remonte à une histoire survenue il y a trois ou quatre ans. L'industrie souhaitait ardemment faire homologuer un pesticide, l'AlphaMax, dont l'ingrédient actif est le deltamethrin. Les scientifiques de Pêches et Océans et d'Environnement Canada et les évaluateurs de risque de Santé Canada n'arrivaient pas à s'entendre sur la question. Santé Canada était disposé à homologuer le produit malgré les inquiétudes soulevées par les autres ministères. Selon moi, ces changements réglementaires auraient pour effet de retirer ces organismes de l'équation, ce qui pourrait mener à l'homologation de ces produits chimiques.
Est-ce que ça répond à votre question?
La sénatrice Hubley : Ça va. Merci.
Le sénateur Munson : Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation.
Je serais curieux de savoir ce qu'est devenue la société qui a fait l'objet d'une poursuite judiciaire au Nouveau-Brunswick. Vous dites que la poursuite a été un succès, mais j'ignore ce qui s'est passé avec la société. C'est juste une parenthèse.
Existe-t-il un pesticide universel, un que le Centre d'action écologique et vous, en tant qu'ancien employé d'Environnement Canada, jugeriez acceptable? Existe-t-il un produit qui pourrait fonctionner sans perturber ou ruiner l'industrie du homard, comme dans le scénario apocalyptique que vous nous avez dressé?
M. van den Heuvel : Certains des traitements originaux, comme celui au SLICE, étaient intégrés aux aliments. Il s'agit en fait d'un médicament que l'on donne au poisson, de sorte qu'il ne se retrouve pas dans l'environnement et en quantités importantes dans l'eau. C'est donc préférable.
Le sénateur Munson : Si je pose la question, c'est que les représentants des pêches ont un point de vue différent, et les hommes et les femmes raisonnables ici présents ont deux sentiments différents au sujet de la survie de l'industrie aquacole et de l'application de la réglementation. Je me pose simplement des questions sur les pesticides.
M. Ernst : Je peux ajouter quelque chose.
Dans aucune activité d'élevage, on n'a encore pu concevoir une solution magique. Cela ne s'est pas produit dans notre industrie aquacole. Je crois savoir que ce que souhaitent les gens de l'industrie, et à juste titre, c'est d'avoir une série de produits chimiques qu'ils pourraient utiliser en alternance, ce qui permettrait d'atténuer la résistance au pesticide qui se développe, surtout lorsqu'on utilise le même pesticide pendant une longue période. Donc, en effet, aucun pesticide ne répondra à tous les besoins. Si l'on utilise un pesticide assez longtemps, il se développera une résistance au pesticide, comme dans le cas des produits administrés avec l'alimentation, et le produit perdra de son efficacité. On doit donc faire une rotation des pesticides, mais il faut comprendre qu'il y a une limite au risque environnemental qu'on peut accepter avec l'utilisation de ces pesticides.
M. Johnson : Je vais ajouter quelque chose.
En ce qui concerne l'utilisation accrue de pesticides, nous avons remarqué une augmentation des problèmes liés au pou du poisson. Le dirigeant de Marine Harvest en Norvège a dit ceci : « Si quelqu'un est capable de résoudre le problème du pou du poisson, qu'il me le dise, car c'est notre plus grand problème. » Il demeure que c'est mis en parallèle avec le changement climatique. En termes simples, le réchauffement des eaux fait augmenter le nombre de poux du poisson. Cette augmentation se traduit par une plus grande utilisation de produits chimiques, de pesticides; et un plus grand risque de conflits se pose pour les utilisateurs du milieu marin.
En ce qui concerne l'utilisation du SLICE, un traitement ajouté aux aliments, une résistance s'est développée. L'utilisation d'autres pesticides est à l'origine des traitements administrés dans l'eau. Habituellement, les gens de l'industrie disaient que ces traitements étaient utilisés en dernier recours. Nous constatons maintenant qu'on propose que ce soit la pratique courante. Lorsque la solution de dernier recours devient la solution normale, il y a un problème.
Le sénateur McInnis : Je vous remercie de votre présence.
Le Centre d'action écologique a tenu une grande rencontre au Lord Nelson à laquelle 400 représentants de groupes ont participé. C'était peut-être la première fois depuis longtemps qu'autant de gens se rassemblaient et que tous s'entendaient au sujet du rapport Doelle-Lahey et des recommandations.
J'ai eu l'occasion de lire le rapport au complet. C'est un excellent rapport préparé non seulement par deux avocats, mais également par une personne qui était sous-ministre de l'Environnement et une autre qui avait des liens avec les Nations unies, soit des gens très compétents qui ont pris le temps de parcourir la province et de faire des recherches à l'externe.
Concernant le règlement, le mot qui n'a pas été mentionné, c'est le mot « confiance ». Dans le règlement proposé, je vois qu'on cède beaucoup de responsabilités au propriétaire et à l'exploitant. Lorsque j'examine ce que l'on dit au sujet de la Nouvelle-Écosse dans le rapport — que, selon ses dires, le ministre des Pêches et de l'Aquaculture voit de façon positive —, j'observe plutôt le contraire. Je vois une augmentation du nombre d'inspecteurs pleinement qualifiés dans le domaine de l'aquaculture; plus d'inspections sans préavis; une plus grande capacité de mener des enquêtes sur les plaintes portant sur la conformité d'une installation; une plus grande capacité de surveillance aérienne et d'accès aux navires pour mener des inspections; et une transparence complète au sujet des violations, peu importe la mesure de conformité qui est prise et peu importe si elle a été prise. Il y a un lien évident pour ce qui est du rendement et de la transparence.
Je ne vois pas cela. Vous avez mentionné un peu plus tôt que cela sapera les fondements — ce ne sont pas exactement les mots que vous avez employés — de ce qui a été fait ici et de ce qui a été proposé en Nouvelle-Écosse. Pourriez-vous faire des observations à cet égard? Y a-t-il quelque chose que je ne saisis pas?
M. Johnson : Vous avez soulevé un grand nombre de bonnes questions.
Je crois que l'acceptation sociale constitue un énorme problème dans l'industrie de l'élevage du poisson en cages en filet dans le Canada atlantique — et sur les deux côtes en général, mais je peux surtout parler de l'expérience du Canada atlantique et de la Nouvelle-Écosse. Je crois que Lahey et Doelle l'ont indiqué clairement puisque 400 personnes se sont rassemblées à l'hôtel Lord à Halifax pour appuyer un cadre réglementaire. Des groupes, des personnes et des communautés qui n'auraient pas parlé de réglementation auparavant ont établi un climat de confiance et une certaine acceptation sociale à cet égard.
Ce que je dis concernant les changements réglementaires fédéraux qui sapent cela, c'est qu'ils donnent à l'industrie un pouvoir d'autoréglementation et d'autoresponsabilisation, ce qui exclut l'élément de confiance. On rejette cette acceptation sociale, la confiance qui se construit.
Le ministère des Pêches et des Océans a dit que cela accroît la surveillance. J'aimerais vivre dans un monde idéal où l'on peut obtenir plus avec moins de ressources, mais si l'on retire ce volet des ministères qui possèdent l'expertise, et qu'on le déplace vers l'industrie et Santé Canada, qui n'ont pas l'expertise, les activités de surveillance diminueront. On se retrouvera avec une industrie qui disait auparavant : « Eh bien, nous avons utilisé des pesticides illégaux parce que nous aurions dû être en mesure de le faire », à une industrie qui dit maintenant : « Nous les utilisons parce qu'ils sont maintenant légaux; nous pouvons les utiliser et nous avons besoin de le faire. »
Malgré ce que dit l'industrie, la stagnation de l'industrie au Canada depuis les 10 dernières années ne découle pas d'un fardeau réglementaire. Elle découle plutôt des mauvaises pratiques dont Michael a parlé. Nous constatons que le cadre réglementaire ne doit pas choisir une industrie plutôt qu'une autre.
Si l'on se penche également sur l'argument économique, la Norvège produit six fois plus de saumons d'élevage que le Canada avec une main-d'œuvre à peu près équivalente. L'augmentation de la production de poissons en cage en filet au Canada se traduirait probablement par une diminution du nombre d'emplois et non par une hausse. On en arrive à un point où l'on accroît l'efficacité et l'automatisation. C'est ce que nous avons observé chez les plus importants producteurs dans le monde dont le système de réglementation est plus sévère que le nôtre. Saper le nôtre pour essayer de combler le retard, ou quelque chose comme cela, n'est tout simplement pas la façon de faire.
La sénatrice Poirier : Je vous remercie une fois de plus de votre présence. Vous avez très bien répondu aux questions. Vous avez bien expliqué pourquoi vous n'approuvez pas le règlement proposé.
Si, à votre avis, le règlement est si mauvais et si mal conçu, que proposeriez-vous pour que la réglementation environnementale soit valable tout en permettant à l'industrie de se développer dans son propre cadre? Que proposeriez-vous? N'importe qui d'entre vous peut répondre.
M. Johnson : Avant toute chose, dans ce contexte, nous voulons que l'article 36 et la Loi sur les pêches soient maintenus, c'est-à-dire qu'il faut conserver cet article et s'assurer que l'industrie aquacole le respecte.
L'aquaculture terrestre en parc clos est le principal élément de l'industrie. Elle représente l'avenir de l'industrie. On évite les impacts environnementaux négatifs des déchets, des maladies, de l'utilisation de produits chimiques et des fuites. C'est la meilleure façon pour nous de ne pas nuire au milieu marin ainsi qu'aux industries actuelles.
M. Ernst : J'aimerais ajouter quelque chose. Je recommanderais également le rétablissement des capacités de recherche dans les ministères. Si la situation se poursuit, on ne pourra déterminer ce qui se passe une fois que ces produits seront utilisés. Aucun mécanisme de rétroaction ne permettra de déterminer s'il y a des effets sur l'environnement si ces ministères n'ont pas les capacités de recherche qu'il faut, qui n'existent pas à Santé Canada.
Le président : Sénatrice Stewart Olsen.
La sénatrice Stewart Olsen : On a très bien répondu à ma question.
M. van den Heuvel a dit qu'une petite n'est pas durable d'un point de vue économique.
M. van den Heuvel : Nous subventionnons cette industrie. Pour chaque poisson perdu, on reçoit jusqu'à 30 $. Je n'ai pas fait les calculs, mais mes collègues de la Fédération du saumon atlantique me disent que des centaines de millions de dollars en indemnités provenant des fonds publics ont été remis à l'industrie aquacole pour compenser les pertes, qui sont vraiment attribuables à la façon primitive et non durable dont nous faisons de l'aquaculture. En tant que contribuables, nous subventionnons cela. Je suis certain que les entreprises font 50 p. 100 de profits, bien que je croie qu'une amende d'un demi-million de dollars réduit peut-être un peu le montant.
Sur le plan économique, qu'est-ce que cela apporte vraiment au gouvernement du Canada? Bien sûr, il y a les emplois, mais si les subventions que nous payons équivalent aux recettes obtenues, c'est la meilleure industrie sans répercussions sur les recettes qui crée des emplois. Une telle analyse économique n'est jamais effectuée par quiconque.
Comment évaluer les effets sur l'industrie du homard ou sur le fond de la mer? Il faut également que quelqu'un fasse l'équation économique et se demande ce que cette industrie fournit vraiment lorsqu'on tient compte de tous les aspects.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci beaucoup.
Le sénateur Meredith : Vous avez parlé de modèles, de solutions et d'aquaculture terrestre. Nous avons constaté à quel point c'est coûteux pour l'industrie. Nous avons vu la quantité de protéines dont nous avons besoin — 50 000 tonnes métriques, je crois, à cet égard pour les 20 années à venir. Nous constatons également que la pêche sauvage ne se maintient pas elle-même. Puisque l'industrie est là pour rester, comment parvenir à trouver un équilibre sur le plan des possibilités économiques? Comment trouver un équilibre entre les besoins en pesticides ou l'absence de pesticides ou l'occasion de développer cette industrie au Canada et la création des emplois nécessaires, surtout dans les collectivités côtières? Nous voyons cela dans les pays européens et nous constatons à quel point ils utilisent leurs étendues d'eau de façon productive.
M. van den Heuvel : Je veux faire une petite remarque : notre pays a toujours eu beaucoup de ressources, et vendre du poisson, c'est très bien, mais ce n'est pas le seul moyen de faire de l'argent. La technologie utilisée dans l'aquaculture d'avant-garde constitue une économie fondée sur la connaissance. C'est le type d'innovation que nous devrions viser, car elle nous permet d'avoir une économie à valeur ajoutée, et il ne s'agit pas seulement de nourrir le poisson et de le pêcher. Si nous pouvions développer la technologie et la vendre, nous serions en bien meilleure posture sur le plan économique.
M. Johnson : Selon les plus récentes données du MPO, en 2012, 3 235 personnes travaillaient dans le milieu de l'aquaculture au Canada. Cela contredit les chiffres qu'on vous a fournis lors de témoignages précédents devant votre comité, c'est-à-dire de 14 000 à 18 000 personnes. Ce sont les données du MPO, et je peux vous envoyer le lien sur les données de 2012.
Nous constatons qu'avec un modèle fondamentalement mauvais, l'industrie crée très peu d'emplois et de retombées économiques. Les aspects de la viabilité économique des produits de la mer sont devenus un élément très important concernant l'approche axée sur le marché. Le plus grand détaillant du Canada appuie l'aquaculture en parc clos. Il ferait le plus d'achats possible, et cela se développe. C'est viable sur les plans technique et économique. Pour ce qui est de l'aquaculture des mollusques et crustacés, au Canada, nous avons une énorme occasion de développer ce volet durable de l'industrie.
Donc, certaines composantes de l'industrie peuvent être appuyées et continuer de progresser, et nous soutenons le développement durable de l'aquaculture. L'élevage de poissons en parc en filet est un système fondamentalement mauvais et dépassé. Il s'agit d'une dernière tentative de satisfaire la volonté de pouvoir utiliser davantage de produits chimiques dans le milieu marin. Cependant, les choses ne se termineront pas bien dans nos pêches existantes, qui créent beaucoup plus d'avantages économiques pour le pays.
La sénatrice Raine : Je suis ravie que vous nous fassiez part de vos connaissances.
Monsieur Ernst, vous avez parlé de pesticides que l'industrie souhaite utiliser, ce que le règlement proposé peut faciliter. Pourriez-vous me nommer les pesticides?
M. Ernst : Ce sont les pesticides que nous considérons comme les plus toxiques. Les pyréthroïdes sont les plus prometteurs et l'industrie a exprimé le souhait de les utiliser. Aux dernières nouvelles, sur le site web de Pêches et Océans, on dit qu'on envisage toujours de développer ces pesticides. Ce sont ceux qui m'inquiètent le plus.
D'autres pesticides moins toxiques ne semblent pas dépasser les seuils de risque qui forceraient une intervention sur le plan de la réglementation : le produit Salmosan et n'importe quel traitement ajouté à la nourriture également. Les pesticides qui posent problème, ce sont les pyréthroïdes.
Le sénateur Wells : Vous nous parlez des substances nocives. On dirait une apocalypse écologique pour les homards et d'autres espèces.
Compte tenu des changements réglementaires proposés, et s'il s'agit de substances aussi nocives, pourquoi les a-t-on approuvées au départ, à votre avis? Y a-t-il d'autres moyens de bannir ces pesticides?
M. van den Heuvel : Les pyréthroïdes n'ont pas encore été approuvés.
M. Ernst : Ils n'ont pas l'homologation présentement, mais l'un d'eux a déjà été homologué pendant une courte période. AlphaMax avait été homologué par Santé Canada et utilisé. Ils ont montré qu'ils étaient prêts à homologuer le produit.
M. van den Heuvel : Le problème, c'est que les crustacés, dont les homards, sont tellement sensibles à ces composés que l'industrie américaine des pesticides a exercé des pressions pour que soient retirés les crustacés des espèces faisant l'objet d'essai lorsqu'on évalue les risques que posent ces composés. Si l'on examine le risque et qu'on ne prend pas en considération la sensibilité des crustacés à ces produits, peut-être que cela va, mais c'est là tout le problème; il y a beaucoup de crustacés.
Le sénateur Munson : J'aimerais être un petit oiseau pour entendre les conversations entre un représentant d'Environnement Canada comme vous, qui venez de prendre votre retraite, et un représentant de Pêches et Océans Canada.
Selon vous, sur quoi repose principalement le retrait des pouvoirs de surveillance d'Environnement Canada? J'essaie de comprendre l'idée derrière cela.
M. Ernst : Je crois que c'est une façon de réduire la surveillance de l'industrie. Environnement Canada avait du personnel bien outillé, très motivé et expérimenté qui surveillait de très près l'industrie. Ce sont ces gens qui mettaient essentiellement au jour des activités illégales, et je ne crois pas que l'industrie trouvait cela très acceptable. Je crois que l'on tente simplement de soustraire l'industrie à la surveillance pour que cela ne se reproduise plus.
M. van den Heuvel : C'est également documenté dans le cas de l'Île-du-Prince-Édouard où il n'y a jamais eu de poursuite pour la mort de poissons avant 2002, l'époque à laquelle Environnement Canada a pris la relève pour assurer le respect de la loi. Lorsque le ministère a pris la relève, il a commencé à faire respecter la loi. On n'avait jamais eu recours à la loi dans la province auparavant.
M. Johnson : Nous ne savons pas pourquoi il faudrait lui retirer ce pouvoir autrement que pour répondre aux pressions de l'industrie. Dans le cadre des consultations auxquelles nous participons, nous ne pouvons voir aucune autre raison.
De plus, la commission Cohen a dit que le MPO a deux mandats qui entrent en contradiction : il est à la fois le promoteur et l'organisme de réglementation de l'industrie. Elle a dit qu'elle devrait protéger le poisson sauvage et son habitat, comme l'indiquerait son mandat constitutionnel. Nous pouvons voir une bonne raison et du soutien en ce sens.
Le sénateur McInnis : De nombreuses entreprises de l'industrie emploient des vétérinaires; ont-ils les connaissances nécessaires en ce qui concerne la protection de l'environnement lors du rejet de médicaments dans le système aquatique? Les vétérinaires sont-ils des vétérinaires? Peuvent-ils tout faire? Il me semble que c'est une chose de prescrire un médicament qui est rejeté sur le sol, mais que se passe-t-il lorsque ce médicament est rejeté dans l'eau? Y a-t-il des gens qualifiés à cet égard?
M. Ernst : Vous avez soulevé un excellent point. En effet, dans le secteur de l'aquaculture, de nombreux médicaments sont utilisés d'une manière non indiquée sur l'étiquette; autrement dit, le médicament est enregistré pour une autre utilisation. Un vétérinaire peut prescrire une certaine utilisation d'un médicament même si son évaluation initiale n'a pas tenu compte des effets de ce médicament sur l'environnement. Vous avez donc parfaitement raison. À mon avis, un vétérinaire n'a pas les connaissances environnementales nécessaires pour être en mesure de déterminer si le rejet d'un produit chimique dans l'environnement est sécuritaire.
M. van den Heuvel : Ils ont reçu une formation de clinicien. Les bons cliniciens ne font pas nécessairement de bons scientifiques spécialisés dans le domaine de l'environnement. Le contraire est également vrai, c'est-à-dire que des scientifiques spécialisés dans le domaine de l'environnement ne font probablement pas de bons cliniciens. La formation requise est complètement différente dans les deux cas.
La sénatrice Raine : Monsieur van den Heuvel, dans votre document, vous précisez que le virus de l'anémie infectieuse du saumon a été dépisté dans chaque province qui possède des pacages marins et où le nombre de mortalités commence à augmenter.
M. van den Heuvel : Cette question fait l'objet d'une certaine controverse.
La sénatrice Raine : Dans votre exposé, vous avez précisé que c'était dans plusieurs provinces. Je viens de la Colombie-Britannique, et d'après nos renseignements, ce virus n'a pas été signalé dans cette province.
M. van den Heuvel : On l'a détecté dans le laboratoire de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard, et la controverse est donc très importante là-bas.
La sénatrice Raine : On a mené de nombreux tests.
M. van den Heuvel : Ils ont dit qu'ils l'avaient détecté là-bas.
Ce n'est pas difficile : je pourrais le faire dans mon propre laboratoire.
La sénatrice Raine : Êtes-vous en train de dire que le virus de l'anémie infectieuse est en Colombie-Britannique?
M. van den Heuvel : Je n'arrive pas à croire que ce virus ne soit pas présent là-bas. Encore une fois, il y a plusieurs souches, et certaines sont plus virulentes que d'autres, mais le virus est probablement présent quelque part dans cette province.
La sénatrice Raine : Même si les tests menés sur un grand nombre de poissons ont produit des résultats négatifs?
M. van den Heuvel : Certains résultats étaient positifs. Toutefois, je ne peux pas vous donner mon opinion à cet égard sans d'abord vérifier les résultats dans un laboratoire. Sur le plan politique, on tient manifestement à soutenir que le virus n'est pas encore arrivé, et cette question fait l'objet d'une grande controverse, et je ne crois donc pas être qualifié pour la trancher. Certaines personnes sont convaincues que le virus est là-bas et d'autres affirment qu'il ne l'est pas.
M. Johnson : Il est certainement très répandu sur la côte de l'Atlantique.
M. van den Heuvel : S'il n'est pas là-bas, il le sera un jour.
Le président : Je vous remercie beaucoup de nous avoir accordé votre temps aujourd'hui.
J'aimerais demander à nos prochains témoins de se présenter, et d'après ce que je comprends, ils livreront ensuite des exposés.
Michael Alexander, sous-ministre adjoint par intérim, Gestion des écosystèmes et des pêches, Pêches et Océans Canada : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Je m'appelle Michael Alexander, et je suis sous-ministre adjoint par intérim, Gestion des écosystèmes et des pêches, Pêches et Océans Canada. Je suis heureux d'être ici pour vous fournir davantage de contexte sur la proposition de Règlement sur les activités d'aquaculture et pour faire le point sur les progrès réalisés en ce qui concerne le cadre réglementaire depuis la partie 1 de la Gazette du Canada.
[Français]
Je suis accompagné ce soir, à ma droite, de M. Trevor Swerdfager, sous-ministre adjoint du Secteur des sciences, des écosystèmes et des océans, et de M. Eric Gilbert, directeur général de la Direction générale de la gestion de l'aquaculture de Pêches et Océans Canada. Nous attendons avec impatience la discussion d'aujourd'hui et nous nous ferons un plaisir de répondre à toutes vos questions.
L'augmentation de la demande mondiale en produits de la mer représente une occasion en or pour le Canada, et ce, particulièrement dans les collectivités rurales côtières et autochtones. Ces communautés sont ouvertes aux possibilités d'emplois importants et bien rémunérés que peut offrir l'aquaculture. Les vastes ressources d'eau propre du Canada, ainsi que nos règlements stricts en matière d'environnement et de salubrité alimentaire, offrent une fondation solide sur laquelle développer l'aquaculture.
Les produits aquacoles canadiens sont réputés pour leur grande qualité partout dans le monde, ce qui engendre une forte demande pour nos produits à l'échelle internationale.
[Traduction]
Comme mon collègue Kevin Stringer l'a mentionné lorsqu'il a comparu en décembre, des activités d'aquaculture sont menées dans chaque province du Canada et dans le territoire du Yukon. Notre pays produit 45 différentes espèces de poisson d'élevage et il est l'un des principaux producteurs de saumon d'élevage dans le monde.
En 2013, le Canada a généré plus de 172 000 tonnes de produits d'aquaculture pour une valeur de 962 millions de dollars, ce qui représente une activité économique d'une valeur annuelle de 2 milliards de dollars. L'industrie fournit plus de 14 000 emplois, avec un revenu du travail de 600 millions de dollars.
Dans le budget de 2013, on avait annoncé 54 millions de dollars sur cinq ans, c'est-à-dire de 2013 à 2018, pour le renouvellement du Programme d'aquaculture durable du Canada du ministère. Parmi les initiatives principales du programme renouvelé, on compte un programme de réforme de la réglementation du domaine de l'aquaculture pour mettre sur pied un cadre réglementaire solide et précis dans lequel l'industrie peut mener ses activités tout en protégeant le milieu maritime. Des activités de réforme réglementaire sont menées dans le cadre législatif prévu dans la Loi sur les pêches.
De plus, le régime de réglementation pour l'aquaculture au Canada se fonde — et continuera de se fonder — sur des travaux scientifiques de calibre mondial. En effet, Pêches et Océans Canada participe depuis des années à divers projets de recherche visant à assurer le développement durable de l'aquaculture.
Des programmes de recherche innovateurs, notamment le Programme coopératif de recherche et développement en aquaculture, ainsi que le Programme de recherche sur la réglementation de l'aquaculture, offrent une perspective essentielle pour améliorer le cadre réglementaire de l'aquaculture au Canada. Cela comprend des projets de recherche ciblés qui examinent et évaluent les interactions entre les populations de poisson d'élevage et celles de poisson sauvage, des méthodes pour minimiser les effets des activités de l'aquaculture sur les écosystèmes aquatiques, la gestion des parasites et des pathogènes du poisson et de leurs effets sur les espèces sauvages, et les effets potentiels des matières organiques libérées par les activités d'aquaculture dans le milieu aquatique.
La proposition de Règlement sur les activités d'aquaculture est au centre du programme élargi de réforme réglementaire en matière d'aquaculture du ministère. Le règlement proposé établit les conditions qui régissent les activités des exploitants de fermes aquacoles pour qu'elles soient conformes aux articles 35 et 36 de la Loi sur les pêches. Ces conditions visent à minimiser les effets des activités aquicoles sur la pêche d'espèces sauvages au Canada.
Le Règlement sur les activités d'aquaculture n'est pas un élément isolé. Il fait partie d'un régime de réglementation qui comprend une norme de surveillance en matière d'aquaculture incorporée par renvoi au règlement, un document d'orientation pour les organismes de réglementation et les détenteurs de permis et une exigence liée à la présentation d'un rapport annuel pour les détenteurs de permis.
Le règlement proposé est le premier règlement qui vise spécifiquement l'industrie en vertu de l'article 35 de la Loi sur les pêches. Le paragraphe 35(1), c'est-à-dire l'interdiction de causer des « dommages sérieux aux poissons », s'applique à tout poisson et habitat de poisson visés par une pêche commerciale, récréative ou autochtone, ou à tout poisson dont dépend une telle pêche. Le paragraphe 36(3) de la Loi sur les pêches interdit le rejet d'une substance nocive dans des eaux où vivent des poissons, à moins que le règlement le permette.
J'aimerais corriger une idée fausse que j'ai entendue récemment, c'est-à-dire que la proposition de règlement modifierait le rôle du ministère de l'Environnement relativement à la réglementation de l'aquaculture. Ce n'est pas vrai. Le rôle du ministère de l'Environnement et celui du ministère des Pêches et des Océans en matière de réglementation ont été précisés il y a environ un an par un décret publié dans la partie II de la Gazette du Canada le 12 mars 2014. Ce décret est antérieur à la proposition de Règlement sur les activités d'aquaculture et il précise que le ministre de l'Environnement est responsable de l'application des dispositions sur la prévention de la pollution de la Loi sur les pêches, à l'exception de l'aquaculture, des espèces aquatiques envahissantes et des parasites aquatiques nuisibles aux pêches.
Le MPO et Environnement Canada ont peut-être des mandats distincts quant aux dispositions de la Loi sur les pêches visant à prévenir la pollution, mais nous allons continuer à collaborer de près et à coordonner nos efforts lorsque les circonstances l'exigent. Le MPO va ainsi conclure un protocole d'entente avec Environnement Canada et Santé Canada pour assurer une meilleure coordination des mesures d'application des lois et des soutiens scientifiques aux fins des évaluations des risques environnementaux découlant de l'utilisation de pesticides et de médicaments en aquaculture.
Environnement Canada demeure le principal ministère responsable de l'enquête lors du rejet de substances nocives qui ne sont pas liées à l'aquaculture. Tout au long d'une période de transition prédéterminée, Environnement Canada continuera d'appuyer le MPO aux fins des activités visant l'observation et l'application des règles en matière d'aquaculture.
Le protocole d'entente précisera également qu'au cours des trois premières années, le MPO, Environnement Canada et Santé Canada entreprendront un examen scientifique des méthodes de surveillance des effets potentiels engendrés par le rejet de pesticides et de médicaments sur les espèces non ciblées. Si cet examen révèle des faiblesses qui doivent être corrigées, le règlement sur les activités liées à l'aquaculture pourrait être modifié.
Le règlement proposé ne représente pas un changement d'orientation des politiques en ce qui concerne les substances que les aquaculteurs peuvent rejeter dans l'eau. En effet, les aquaculteurs ne pourront pas faire des choses qu'ils ne pouvaient pas faire auparavant. La proposition de règlement précise, codifie et rend plus transparentes les règles qui gouvernent les activités de l'industrie et les produits qu'elle peut utiliser et elle impose une nouvelle exigence en matière de rapports à l'industrie, afin d'accroître la reddition de comptes et gagner la confiance de la population.
La proposition de règlement autorisera le rejet de trois catégories de substances — les médicaments, les produits antiparasitaires et les matières organiques — assujetties aux conditions précisées dans le règlement. Tout d'abord, le règlement établit les conditions dans lesquelles les aquaculteurs peuvent utiliser des médicaments ou des pesticides pour traiter leurs poissons. Deuxièmement, il impose aux aquaculteurs une obligation juridique de minimiser les préjudices graves causés à tout poisson visé par une pêche commerciale, récréative ou autochtone, ou à tout poisson dont dépend une telle pêche. Troisièmement, le règlement exige que les aquaculteurs envisagent des solutions de rechange avant de rejeter une substance. Quatrièmement, il exige que les exploitants avisent le ministère et prennent des mesures en cas de mortalité massive de poissons ou de mortalité accrue. Cinquièmement, il exige la surveillance des rejets de matière organique pour limiter les effets sur l'habitat des poissons et pour définir les mesures requises si les seuils imposés sont dépassés. Enfin, il exige que les exploitants aquicoles présentent un rapport annuel au ministère.
Comme l'a mentionné en décembre dernier mon collègue Kevin Stringer, la proposition de Règlement sur les activités d'aquaculture est en développement depuis longtemps, et les provinces et les territoires y participent activement par l'entremise du Conseil canadien des ministres des Pêches et de l'Aquaculture. Nous nous sommes engagés à être tout à fait transparents au cours de l'élaboration de ce règlement. Après sa publication dans la partie I de la Gazette du Canada, en août 2014, Pêches et Océans a organisé 49 séances techniques partout au pays pour expliquer le fonctionnement du règlement et pour recueillir les avis et les suggestions des parties intéressées sur les améliorations à lui apporter avant sa finalisation.
Plus de 400 invitations ont été envoyées et des centaines de personnes ont participé à ces séances. Les discussions ont été très éclairées, et le ministère examine actuellement les commentaires des parties intéressées, ce qui représente environ 1 500 lettres, courriels et fax. On pourrait potentiellement s'en servir pour apporter des modifications à la version finale du règlement. De plus, le MPO met au point des outils et des lignes directrices qui aideront les exploitants aquicoles, les employés du MPO et les provinces lorsque le règlement entrera en vigueur.
En terminant, la proposition de Règlement sur les activités d'aquaculture représente un important pas en avant. De manière implicite, on reconnaît pour la première fois dans un règlement l'importance croissante de l'aquaculture sur les plans économique et stratégique.
[Français]
De même, le règlement ne représente pas une réorientation fondamentale de la politique dans le but d'exempter les éleveurs de poissons des règlements liés à la protection de l'environnement. C'est bien le contraire. Le règlement proposé permettra, pour la première fois, de codifier et d'éclaircir la façon dont les règles s'appliquent à l'aquaculture. Les règles seront rendues transparentes et de nouvelles responsabilités et exigences de déclaration seront imposées aux aquaculteurs.
Le régime réglementaire imposera des mesures d'atténuation afin de minimiser toutes répercussions négatives potentielles sur les espèces de poissons sauvages et sur leur habitat. Les exploitants aquacoles continueront d'utiliser uniquement des produits ayant fait l'objet d'évaluations soigneuses et autorisées par Santé Canada, et de rendre compte de leur utilisation.
[Traduction]
Enfin, la proposition de Règlement sur les activités d'aquaculture codifiera les politiques et les pratiques existantes de manière transparente au bénéfice du secteur et de tous les Canadiens dans un régime de réglementation complet.
[Français]
Le ministère se réjouit à l'idée de publier le Règlement sur les activités d'aquaculture dans la partie II de la Gazette du Canada ce printemps.
Enfin, nous sommes impatients de répondre à toutes vos questions au sujet du projet de règlement.
[Traduction]
Le président : La première question sera posée par la vice-présidente du comité, la sénatrice Hubley.
La sénatrice Hubley : Un grand merci pour votre présence ce soir et votre exposé.
Je pense que vous étiez déjà là pour entendre nos témoins précédents. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'argumentation à l'effet que le règlement sur l'aquaculture proposé est une réponse au lobbying de l'industrie.
M. Alexander : Mes collègues auront peut-être aussi quelque chose à dire à ce sujet.
À certains égards, il est bien évident que cela fait suite au lobbying de l'industrie. Il y a longtemps déjà que l'industrie juge problématique l'environnement réglementaire complexe qui fait intervenir plusieurs ordres de gouvernement, y compris le fédéral. Ce n'est pas d'hier que l'on réclame un regroupement des règles.
Par ailleurs, il va s'en dire que les modifications réglementaires proposées vont imposer un fardeau supplémentaire aux intervenants de l'industrie qui devront se conformer aux règles de façon transparente et présenter annuellement un rapport faisant état de leurs activités, dont un certain nombre passaient jusqu'à maintenant sous silence.
En un sens, les changements apportés sont effectivement le fruit des pressions exercées, mais on a su trouver le juste équilibre entre la volonté d'offrir à l'industrie un cadre réglementaire plus clair et la nécessité de protéger les intérêts environnementaux légitimes de tous les Canadiens.
La sénatrice Hubley : Si les modifications réglementaires proposées se révèlent néfastes pour d'autres secteurs des pêches, comme ceux du homard et de la moule, comment pourra-t-on apporter les ajustements nécessaires alors que la plus grande partie du processus réglementaire reposera entre les mains de l'industrie?
M. Alexander : J'aurais deux observations à ce sujet avant de laisser la parole à mon collègue, M. Gilbert.
Vous posez la question en partant du principe que le règlement offrira de nouvelles possibilités d'immersion ou de rejet de substances dans une mesure supérieure à ce qui existe actuellement. Ce n'est pourtant pas le cas. Il s'agit simplement d'officialiser dans les politiques ce qui se fait déjà. Quant à savoir si l'on devrait ou non autoriser de telles substances, c'est une tout autre question, mais reste quand même qu'il n'y a pas de changement d'orientation en la matière.
Eric, est-ce que vous voudriez répondre à la seconde partie de la question?
Eric Gilbert, directeur général, Gestion de l'aquaculture, Gestion des écosystèmes et des pêches, Pêches et Océans Canada : Oui, je peux dire quelques mots.
Voilà maintenant 25 ans que je travaille dans le secteur de l'aquaculture du côté gouvernemental. Je peux vous assurer que je connais bien les intervenants de l'industrie. Je sais que l'approbation sociale est au cœur de leurs préoccupations. Ils sont conscients du problème et veulent faire partie de la solution.
Le nouveau règlement proposé leur impose davantage d'exigences, et ils le savent très bien. Ils auront un coût à assumer à cet égard. Ils pourront compter sur un régime réglementaire cohérent et transparent en sachant bien toutefois que tous les Canadiens auront accès aux renseignements nécessaires pour savoir si leur performance environnementale est adéquate.
La reddition de comptes auprès des Canadiens est un élément important de cette initiative d'amélioration réglementaire. En vertu du nouveau règlement proposé, tous les renseignements que nous recevons de l'industrie seront désormais accessibles à l'ensemble des Canadiens qui pourront ainsi juger de l'efficacité avec laquelle le ministère gère le secteur et, surtout, de la performance environnementale des différents intervenants.
Pour répondre plus directement à votre question, je ne crois pas que l'aquaculture cause actuellement des problèmes au secteur du homard. Nous avons accès aux données du système de surveillance d'Environnement Canada pour les dernières années. Nous savons exactement quelles actions ont été entreprises et combien de fois un tiers, qu'il s'agisse d'un pêcheur ou d'un organisme de conservation ayant aperçu un poisson mort, a réclamé la tenue d'une enquête. On recense de deux à quatre requêtes de la sorte par année. Un témoin du groupe précédent vous a d'ailleurs parlé du seul cas à s'être retrouvé devant les tribunaux au cours des 10 dernières années. C'était un cas évident d'utilisation d'un produit illicite; il n'y en a pas eu d'autres depuis 10 ans.
Si on y réfléchit bien, je pense que le simple fait que l'on ait pu en saisir les tribunaux pour obtenir un jugement indique que le système en place est plutôt bien conçu pour traiter ces cas exceptionnels qui pourraient se reproduire.
Le MPO ne disposait pas jusqu'à maintenant des outils nécessaires pour agir en pareil cas. Avec le règlement proposé, cela deviendra possible. L'article 9 du règlement proposé renferme toutes les dispositions nécessaires pour pouvoir intervenir en cas de comportement illégal d'un intervenant de l'industrie. Un agent des pêches pourra entreprendre une enquête sur place et remplir son mandat en vertu de la Loi sur les pêches, à savoir protéger l'environnement au bénéfice de tous les Canadiens.
Le sénateur Wells : Un témoin du groupe précédent a souligné que le rapport du juge Cohen a soulevé la problématique du double mandat du MPO qui est responsable à la fois de la promotion et de la réglementation de l'industrie. J'aimerais savoir si vous êtes du même avis et, le cas échéant, si vous avez des pistes de solutions à proposer.
M. Alexander : Il faut avouer, sénateur, que de nombreux ministères sont ainsi appelés à jouer un double rôle et qu'il nous est possible de confier ces différents rôles et mandats aux différentes composantes de notre organisation. En fin de compte, c'est aux ministres qu'il incombe de concilier ces différents rôles et d'assurer un juste équilibre en la matière. Mais je conviens effectivement que nous avons dans une certaine mesure un rôle double à jouer.
Par ailleurs, vous devez aussi convenir que nous n'avons pas tardé à mettre en œuvre les recommandations du rapport Cohen et à donner suite à bon nombre des observations qui y sont formulées, surtout en ce qui a trait à l'aquaculture. Vous savez peut-être que le juge Cohen avait réclamé un moratoire sur l'expansion des sites aquacoles dans le secteur de l'île Discovery, notamment. Le ministre a donné son aval et nous avons acquiescé à cette requête. En outre, nous avons mis en œuvre notre plan de reprise des activités tel que demandé en plus de revoir les critères de localisation des fermes salmonicoles et de formuler des conseils à cet égard. Toutes ces mesures vont dans le sens des recommandations du juge Cohen. Je crois donc pouvoir dire que nous prenons très au sérieux les responsabilités associées à notre double mandat.
Le sénateur Wells : Merci.
Je voulais préciser que je travaillais au ministère des Pêches et des Océans au moment où on a décidé de tenir la commission Cohen en raison de résultats de remonte désastreux pour le fleuve Fraser. Un an après la publication du rapport Cohen, et sans qu'il n'y ait de lien de cause à effet, la remonte a atteint des niveaux records.
Le sénateur Munson : Merci beaucoup, messieurs. Vous étiez ici tout à l'heure lors du témoignage passionné de M. Ernst qui a travaillé à Environnement Canada pendant 33 ans. Vous devez donc l'avoir entendu dire qu'il croit que le règlement proposé vise d'abord et avant tout à soustraire le secteur aquacole des pouvoirs de surveillance environnementale conférés par l'article 36 de la Loi sur les pêches. Il a ajouté que cet article avait été invoqué dans une poursuite contre l'un des plus importants salmoniculteurs du Nouveau-Brunswick qui avait utilisé à répétition un puissant pesticide illicite pour se débarrasser du pou du poisson. Le poursuivant a d'ailleurs eu gain de cause.
Monsieur Alexander, en parlant de cette période de transition entre le MPO et ce ministère de l'Environnement où M. Ernst a travaillé, vous avez indiqué :
Tout au long d'une période de transition prédéterminée, Environnement Canada continuera d'appuyer le MPO aux fins des activités visant l'observation et l'application des règles en matière d'aquaculture.
Bénéficiez-vous des mêmes pouvoirs de poursuite dont disposait Environnement Canada pour assurer le niveau de surveillance environnementale évoqué par M. Ernst? En vertu de ce qui est proposé ici, pourrez-vous traduire quelqu'un devant le tribunal pour lui imposer une amende de 500 000 $ et une peine d'incarcération?
M. Alexander : Oui, et je pense que les choses seront même plus claires, car le règlement proposé ne prévoit pas d'exemptions pouvant permettre l'immersion ou le rejet d'une substance illégale. On se limite strictement aux substances expressément approuvées. M. Gilbert pourrait vous en dire davantage à ce sujet.
Le cas auquel vous faites référence serait assurément jugé illégal en vertu de ce règlement, comme il l'a été à l'époque et comme il le serait actuellement, mais les choses seraient encore plus claires. J'ajouterais que l'obligation de signaler l'immersion ou le rejet d'une substance illicite créerait une infraction supplémentaire en cas de dénégation à cet effet. En plus d'être coupable de l'immersion ou du rejet d'une substance nocive, on pourrait donc aussi être accusé de fausse représentation si on ne l'admet pas d'emblée ou si on ne l'indique pas dans le rapport à produire. Je dirais donc que les pouvoirs d'application prévus sont plus forts que jamais.
Le sénateur Munson : Est-ce que le ministère des Pêches et des Océans dispose de la main-d'œuvre nécessaire, en sachant qu'il ne peut plus compter sur le soutien d'Environnement Canada, pour être présent sur tous les sites aquacoles du pays?
M. Alexander : Oui.
Le sénateur Munson : Ah oui? N'avez-vous pas été touchés par des coupures ou des compressions quelconques?
M. Alexander : Pas pour ce qui est de l'application des mesures de conservation. Nous pouvons compter sur un bon contingent d'agents des pêches pour faire appliquer la loi dans toutes les régions du pays. Comme M. Gilbert l'indiquait tout à l'heure, nous ne recevions pas plus que deux à quatre rapports par année par l'intermédiaire d'Environnement Canada. Nos agents sont présents sur une base régulière et nos responsables du secteur aquacole ont également un rôle à jouer du point de vue de la réglementation. Nous sommes plus souvent en contact direct avec les intervenants de l'industrie, et je présume d'ailleurs que c'est l'une des raisons pour lesquelles le gouvernement a décidé au départ que le MPO devrait être responsable de la réglementation du secteur aquacole.
Le sénateur Meredith : Monsieur Alexander, voici ce qu'on peut lire à la page 9 de votre mémoire :
Le MPO et Environnement Canada ont peut-être des mandats distincts quant aux dispositions de la Loi sur les pêches visant à prévenir la pollution, mais nous allons continuer à collaborer de près et à coordonner nos efforts lorsque les circonstances l'exigent. Le MPO va ainsi conclure un protocole d'entente avec Environnement Canada et Santé Canada pour assurer une meilleure coordination des mesures d'application des lois et de soutien scientifique aux fins des évaluations des risques environnementaux découlant de l'utilisation de pesticides et de médicaments en aquaculture.
Pourriez-vous nous indiquer quelques-uns des éléments qui seront visés par ce protocole d'entente de telle sorte que les trois ministères puissent naviguer de concert sur une mer que nous espérons calme?
M. Alexander : Si vous permettez, je vais demander à M. Gilbert de vous répondre, car c'est lui qui collabore de plus près avec les autres ministères pour négocier ce protocole d'entente.
M. Gilbert : Depuis l'initiation du projet de règlement sur les activités d'aquaculture qui comporte différents volets, le protocole d'entente est au cœur des discussions avec nos collègues de Santé Canada et d'Environnement Canada. Ce protocole portera sur toutes les dispositions prévues à l'article 36, et pas seulement sur celles touchant l'aquaculture. On y abordera par exemple la question des effluents miniers.
Il y a toutefois deux sections qui traitent expressément d'aquaculture. L'une d'elles touche la conformité et l'application de la loi. Cette portion du protocole d'entente établit les modes de coopération entre les trois ministères pour veiller à l'application efficace des règlements de chacun de façon coordonnée.
Nous pouvons également compter sur un plan de mise en œuvre qui définira les rôles et les responsabilités des trois ministères au cours des trois prochaines années.
La seconde section pertinente à l'aquaculture traite de ce que nous appelons l'examen scientifique. En toute franchise, s'il y a une chose dont les experts des trois ministères sont bien conscients, c'est qu'ils ne savent pas tout. Nous cherchons encore les réponses à des questions très importantes. À titre d'exemple, Santé Canada n'a jamais exercé quelque forme que ce soit de surveillance postérieure à l'immersion des produits antiparasitaires utilisés par l'industrie, parce que le ministère estime que ses processus d'évaluation des risques sont suffisamment rigoureux et bien appliqués et que de telles mesures deviennent superflues lorsque l'on peut comme lui avoir l'assurance que les produits sont utilisés suivant les conditions prescrites par Santé Canada.
Les trois ministères ont cependant décidé qu'il convenait d'en faire davantage pour s'assurer que c'était bel et bien le cas. Nous avons déjà évoqué le concept de diligence raisonnable. Nous en avons ici un bon exemple, car nous estimons qu'une recherche plus approfondie s'impose, tout au moins pour voir ce qu'ont fait d'autres pays en la matière afin de déterminer si l'on doit exercer une surveillance postérieure à l'immersion des produits antiparasitaires.
Si nous en arrivons à la conclusion qu'une telle surveillance est de mise, le règlement sur les activités d'aquaculture sera modifié en conséquence. Il s'agirait d'un régime exhaustif de surveillance postérieure à l'immersion qui serait imposé à l'industrie dans tous les cas où des médicaments et des produits antiparasitaires sont utilisés pour traiter le poisson. Il faut toutefois préciser qu'au cours des dernières années, Santé Canada et quelques provinces ont assujetti l'industrie à des mesures très ciblées de surveillance postérieure en vue de confirmer l'évaluation des risques.
Il s'agit maintenant de déterminer s'il convient de rendre obligatoire ce type de surveillance en vue d'assurer un respect optimal de la réglementation. Nous savons qu'il ne devrait normalement pas y avoir de problème.
Comme je le disais, il n'y a eu qu'un seul cas au cours des 10 dernières années. Il pourrait y en avoir d'autres et cette forme de surveillance postérieure pourrait permettre de recueillir des éléments de preuve si nous devions déposer des accusations ou traduire quelqu'un devant les tribunaux.
Le sénateur Meredith : Monsieur Alexander, vous avez également indiqué dans votre exposé que ce règlement permettra de définir avec une plus grande clarté le mode de fonctionnement de l'industrie. Dans quelle mesure les responsabilités accrues en matière d'autoréglementation ne représentent-elles pas davantage une entrave, plutôt qu'un outil à la disposition de l'industrie? Pouvez-vous nous en dire plus long?
M. Alexander : Votre question soulève différents enjeux, et je veux m'assurer de traiter de chacun d'eux.
Premièrement, en quoi les règles sont-elles plus claires? Le simple fait de regrouper la réglementation clarifie grandement les choses pour l'industrie. On lui indique désormais de manière publique et transparente ce qu'elle est autorisée à faire ou non. Dans l'état actuel des choses, certains produits peuvent être utilisés par l'industrie alors que bien des gens ne sont pas trop sûrs qu'elle soit autorisée à le faire, ce qui alimente dans une large mesure le débat public sur ces questions.
Pour ce qui est des pouvoirs conférés à l'industrie, je dois noter la capacité d'autodéclaration qui est définie dans le règlement tel qu'il apparaît dans la partie 1 de la Gazette du Canada. Bon nombre des commentaires que nous avons reçus lors du processus de consultation portaient d'ailleurs sur ce point qui fait partie des éléments que nous évaluons. Certains ont fait valoir que les dispositions à cet effet étaient déficientes du fait qu'il fallait d'abord observer un phénomène pour ensuite le signaler dans le rapport. Nous envisageons différentes solutions de rechange. Peut-être devrait-on signaler simplement la présence de poissons morts dans le secteur, que cette présence soit significative ou — j'oublie le terme...
M. Gilbert : Inhabituelle.
M. Alexander : Oui, la présence inhabituelle de poissons morbides ou morts, de telle sorte que cela se fasse automatiquement. Cela fait partie des changements que nous envisageons actuellement à l'interne avant de les soumettre au ministre.
C'est l'aspect qui semble le plus problématique pour les gens en matière d'autoréglementation, et nous nous livrons à un examen minutieux afin de déterminer s'il convient de reformuler le tout de manière à laisser moins de latitude à l'industrie.
Le sénateur Meredith : Êtes-vous en train de nous dire que certaines faiblesses ou certains points à améliorer ont pu être mis au jour à la lumière des commentaires reçus de l'industrie?
M. Alexander : Les consultations ont justement été menées pour connaître le point de vue des différents intéressés, y compris les intervenants de l'industrie et les groupes environnementaux. Comme cet élément a été relevé par un grand nombre d'intéressés, nous y apportons une attention toute particulière.
Il va de soi que nous n'avons pas en main la version qui n'est pas prête pour publication dans la Gazette du Canada. Certaines décisions doivent encore être prises à l'interne, mais je vous répète que nous avons reçu de nombreux commentaires à ce sujet et que nous suivons la situation de près.
Le sénateur Meredith : Alors la prochaine version prévoira une plus grande habilitation de l'industrie?
M. Alexander : Tout dépend du point de vue où l'on voit les choses, effectivement.
La sénatrice Poirier : J'ai seulement une brève question, et je suppose que la réponse pourrait être tout aussi brève. Comment notre réglementation se compare-t-elle à celle d'autres pays comme la Suède et la Norvège?
M. Alexander : Je dois vous avouer que je n'ai fait qu'un examen sommaire de la réglementation ailleurs dans le monde. On met généralement l'accent sur la protection de l'environnement, à l'instar de ce qui est proposé ici, en imposant certaines limites aux activités des aquaculteurs, mais je ne peux certes pas prétendre pouvoir vous présenter une analyse détaillée de ce que fait chaque pays et de la manière dont il s'y prend.
Eric, vous êtes dans le secteur depuis plus longtemps que moi.
M. Gilbert : Oui, et ce n'est pas une question facile, mais je peux vous dire deux choses.
Premièrement, nous avons mis sur pied il y a cinq ans un comité de représentants gouvernementaux de mon niveau réunissant les quatre principaux pays producteurs de saumon : la Norvège, le Chili, l'Écosse — le Royaume-Uni, en fait — et le Canada. Nous nous réunissons régulièrement pour discuter de tous ces enjeux. Nous mettons les autres pays au fait des nouveaux règlements que nous prévoyons adopter. Nous pouvons ainsi savoir ce qui se passe ailleurs et éviter les conflits entre les pays. Nous pouvons en outre uniformiser les règles et rehausser les critères de protection environnementale en améliorant la gestion réglementaire dans l'ensemble du secteur.
Grâce à ces rencontres et aux axes de communication qui ont pu être ouverts au cours des cinq dernières années, je peux vous dire que le Canada n'a rien à envier aux autres pays, y compris la Norvège. Nous connaissons assez bien leur régime de gestion pour pouvoir l'affirmer.
Il faut ajouter que, dans certains cas, nous avons affaire à des multinationales. Certaines appartiennent à des intérêts norvégiens et exploitent des installations sur la côte Ouest, mais pas sur la côte Est. Il y en a quelques-unes qui sont actives au Canada, comme c'est le cas aussi en Norvège, en Écosse et au Chili.
Les représentants de l'industrie s'emploient notamment à exercer des pressions auprès du gouvernement pour que des changements soient apportés, une situation que l'on observe dans tous les secteurs et pas seulement en aquaculture. Lorsque les gens de l'industrie nous parlent des changements qu'ils souhaiteraient voir au Canada, ils nous disent toujours que notre niveau de réglementation ou notre degré de surveillance est plus élevé que celui des trois autres pays. Je ne fais que vous rapporter leurs points de vue.
À la lumière des nombreux échanges que nous avons eus au sein du comité, je commence à croire qu'ils ont raison. Nous avons un régime de réglementation plus sévère et plus strict que les autres pays producteurs de saumon.
Le sénateur McInnis : Merci beaucoup, messieurs, d'être de nouveau des nôtres. Nous commençons à vous connaître assez bien. Voilà déjà un peu plus d'un an que nous nous livrons à cette étude, et nous n'avons pas ménagé nos efforts pour savoir ce qui se passe en aquaculture. Je crois que c'est un travail qui devait être fait.
Lors de votre comparution précédente, je n'avais pas accès au rapport de la Nouvelle-Écosse. Je n'ai peut-être pas alors pris le temps de traiter des effets des changements proposés. Mais après en avoir pris connaissance, j'arrive à peine à croire la mesure dans laquelle ces responsabilités ont pu être transférées à l'industrie. Leur lobbying a été très efficace. C'est une affirmation qui peut sembler radicale, mais il me semble bien que ce soit le cas. Ainsi, j'essaie de comprendre le processus retenu pour le rapport annuel, et je constate qu'il pourrait se produire en avril un événement dont vous ne seriez informé que presque deux ans plus tard, car l'industrie dispose d'un délai d'une année après la fin d'un exercice pour présenter son rapport. Je ne pense pas faire erreur dans mon interprétation de cette disposition.
M. Alexander : Le délai est de quelques mois.
Le sénateur McInnis : Eh bien, à mon avis, il ne s'agit pas de quelques mois. Je vous invite à clarifier le tout, car c'est ce que je vois.
De plus, nous parlons d'équilibre, mais je ne vois pas où celui-ci se situe. L'aquaculture suscite un véritable tollé et une grande incertitude, et je ne crois pas que vous vous appropriiez la question. Pêches et Océans Canada est un grand ministère, et ce que je constate, c'est que vous confiez la responsabilité à d'autres.
À propos des règlements, nous avons parlé de vétérinaires tout à l'heure — vous avez entendu puisque vous étiez dans la salle. Ont-ils les compétences voulues pour jouer ce rôle? Il semble que ce ne soit pas le cas. Lorsque nous rédigeons un rapport, nous voulons essayer de mettre le doigt sur ce que nous espérons être la vérité, du moins, et sur ce qui sera valable.
Puisque nous ne sommes pas un ministère, vous n'êtes pas tenus d'attendre nos conclusions. Nous sommes un comité sénatorial, mais vous êtes en train de publier vos règlements dans la Gazette du Canada, et de franchir ainsi un point de non-retour.
Je lis ce que M. Stringer a dit, et j'espère que ce n'est pas hors contexte : « Il existe une série de règlements — par exemple, le Règlement sur les effluents des fabriques de pâtes et papiers et le Règlement sur les effluents des mines de métaux... », et l'aquaculture sera désormais un autre secteur visé. L'analogie est affreuse, et j'espère que ce n'est pas ce que nous faisons ici. Me suivez-vous? C'était une citation.
Alors que nous amorçons la huitième ou la neuvième manche de l'étude, je crains que nous travaillions les uns contre les autres. Lorsque je vois dans le rapport ceux qui en ont parlé avec éloquence en Nouvelle-Écosse — l'avez-vous lu?
M. Gilbert : Oui.
Le sénateur McInnis : La Nouvelle-Écosse est-elle d'accord?
M. Gilbert : Oui.
Le sénateur McInnis : Vraiment?
M. Gilbert : Oui.
Le sénateur McInnis : C'est intéressant. Le ministre dit ne pas avoir approuvé ce que la province a fait, mais il en est absolument ravi. C'est incroyable. Ce serait contraire à ce que vous faites.
M. Gilbert : Je suis conscient que vous êtes de cet avis d'après certains témoignages, et certains bons arguments vous ont été présentés. Mais la réalité, c'est que nous ne touchons pas du tout à l'article 36 de la Loi sur les pêches. Il n'est question ici d'aucune modification législative. Nous parlons d'une nouvelle réglementation dont le pouvoir juridique est prévu aux articles 35 et 36.
Aux termes de l'article 36, personne n'est autorisé à immerger ou à rejeter des substances nocives à moins que les règlements ne l'autorisent. Au cours des dernières décennies, Environnement Canada et nous avons donc rédigé un certain nombre de règlements — je pense qu'il y en a 12 au total — qui autorisent l'immersion ou le rejet de substances nocives sous une surveillance stricte et des obligations en matière de déclaration, de sorte que le risque soit faible et gérable. Il y a un règlement pour les pâtes et papiers, et un autre pour les usines de traitement des eaux usées des municipalités. Ce dernier a d'ailleurs été approuvé il y a trois ans seulement. Il y en a un pour l'industrie des produits chimiques, et un pour chaque grand secteur.
Ce n'est pas parce que la réglementation de l'aquaculture est conçue conformément aux règlements dont nous parlons que le secteur présente les mêmes risques et répercussions possibles sur l'environnement que ces autres grands secteurs. La réglementation est partiellement attribuable à un manque de précision au sein de l'industrie, mais nous voulons également nous attaquer à l'acceptabilité sociale. Nous voulons avoir les outils nécessaires pour assurer aux Canadiens que nous faisons du bon travail. Nous imposons donc de nouvelles conditions au moyen de ces règlements, que l'industrie n'a pas encore à respecter, comme envisager des solutions de rechange et se doter de mesures d'atténuation rigoureuses afin de minimiser le risque de causer des dommages sérieux aux pêches et aux poissons dont l'industrie dépend. Nous saurons exactement quels produits sont utilisés, et nous serons en mesure de comparer nos données avec celles de Santé Canada et des provinces, puisque ces gens font eux aussi partie de l'équipe qui autorise l'utilisation des substances. Nous aurons ainsi tous les outils nécessaires pour nous assurer que les renseignements qu'on nous donne sont logiques, et pour rendre des comptes aux Canadiens, comme je l'ai dit, en leur exposant le rendement du secteur sur le plan environnemental à partir de faits plutôt que de rumeurs ou de craintes.
J'aimerais ajouter une dernière chose pour m'assurer que nous comprenons tous ce dont il est question. Dans le milieu de l'aquaculture, il n'y a actuellement que deux médicaments et deux produits antiparasitaires autorisés qui nous préoccupent. Les deux médicaments ajoutés aux aliments pour animaux sont Slice et Calicide, qui servent à traiter le pou du poisson. Tous les intervenants, y compris Environnement Canada, Santé Canada et notre ministère, considèrent qu'utiliser ces médicaments présente un risque très faible, et que nous avons les outils nécessaires pour le gérer.
Quant aux produits antiparasitaires, seuls deux sont autorisés. Le premier est le peroxyde d'hydrogène, qui vient de passer par le processus d'enregistrement complet de Santé Canada. Il y a maintenant deux ou trois semaines qu'il est dûment enregistré. C'est le même produit que celui que nous utilisons pour nettoyer nos comptoirs de cuisine. Santé Canada juge que son incidence sur l'environnement est très faible. Sa formule est H2O2. Une fois dans l'eau, il libère une molécule d'eau et un atome d'oxygène, qui sont bénéfiques. L'eau et l'oxygène n'ont rien de nocif. Il ne s'agit pas de dioxyde.
Le deuxième produit est Salmosan. Tout le monde convient que son risque est supérieur, mais nous croyons que les règles actuelles font en sorte qu'il est employé correctement.
De quel volume parlons-nous ici? Au Canada, le peroxyde d'hydrogène est utilisé dans 99 p. 100 des cas, et Salmosan, dans 1 p. 100 des cas, sans plus.
Pour ce qui est du groupe de nouveaux produits antiparasitaires que M. Ernst a mentionné juste avant que nous comparaissions, Santé Canada n'en a approuvé aucun à ce jour. Un d'entre eux, AlphaMax, a déjà été approuvé pendant quelques années, mais le système de surveillance que nous avons mis en place nous a toutefois permis de découvrir que les répercussions étaient plus importantes que prévu, de sorte que le produit n'a pas été autorisé à nouveau — c'est terminé. AlphaMax n'est plus autorisé au Canada depuis maintenant trois ans, si ma mémoire est bonne, et je présume qu'il ne le sera plus jamais.
Si l'industrie demandait un nouveau produit, il faudrait encore le soumettre à l'évaluation des risques de Santé Canada pour démontrer que ses répercussions sont connues, mesurables et gérables, c'est-à-dire que nous pouvons être certains que son risque est suffisamment faible pour que nous soyons à l'aise avec son utilisation. Le tout serait démontré au moyen d'une multitude d'études réalisées au Canada, aux États-Unis ou dans un pays dont le système de réglementation est au moins équivalent au nôtre, à nos yeux.
Des témoins affirment que nous soustrayons l'industrie de l'aquaculture à l'application de la Loi sur les pêches, mais je ne peux pas dire que c'est vrai. C'est plutôt le contraire. Ces produits et leur utilisation peuvent être gérés convenablement. Mais comme je l'ai dit, je suis conscient que nous ne savons pas tout. Nos collègues du domaine des sciences vont nous aider à éclaircir un peu les zones grises. Nous nous demandons par exemple si nous devrions imposer une surveillance des rejets, et nous allons peut-être le faire.
Le sénateur McInnis : Mais lorsque je lis, je remarque un propriétaire absent, et je m'inquiète des quantités. Quelque chose a tué les homards du Nouveau-Brunswick. Voilà ce qui me pose problème. Lorsque je vois ce qui prendra place en Nouvelle-Écosse, où nous avons accès aux navires grâce à la surveillance aérienne et à un nombre supérieur d'inspecteurs, c'est ce qu'il faut pour assurer la transparence. Vous parlez de favoriser l'acceptabilité sociale, et c'est ainsi qu'il faut s'y prendre. Or, cela ne va pas aider la situation. Il ne s'agit pas d'un juste équilibre. Je savais que l'information venait de l'industrie, et c'est correct. Le milieu a le droit d'exercer des pressions. Mais la situation n'est pas aussi coupée au couteau que vous l'entendez, et c'est le problème. J'ai parlé de « confiance » tout à l'heure, et pas à la légère puisqu'elle n'est pas encore établie.
Merci.
La sénatrice Raine : J'aimerais obtenir une légère précision. Il y a un petit écart à propos du nombre d'employés dans l'industrie de l'aquaculture. S'agit-il de quelque 3 000 ou de 14 000 personnes? Pourriez-vous expliquer la différence? Nous avons entendu deux chiffres ce soir. Je pense qu'il est important de connaître la valeur économique de l'aquaculture.
En deuxième lieu, j'aimerais que vous m'expliquiez brièvement les subventions du milieu de l'aquaculture. Un témoin nous a dit que si un exploitant perd un poisson, il obtient 30 $ — ce qui représente des centaines de millions de dollars en subvention.
Je vous saurais gré de bien vouloir préciser ces deux éléments.
M. Gilbert : Je pense que la différence est attribuable à ce que les chiffres représentent. Je crois qu'il y avait 3 200 emplois avant 2012; nous parlons ici d'emplois directs équivalents temps plein. Le chiffre est plus important si nous incluons les gens qui travaillent sur les exploitations. Par exemple, les travailleurs du milieu de la conchyliculture ne sont pas très actifs en hiver, comme vous le savez. Il s'agit donc d'emplois directs équivalents temps plein sur l'exploitation. Je crois que le dernier chiffre que nous avons recueilli avec l'aide de Statistique Canada est plus élevé, soit environ 4 500 travailleurs.
Il y a 14 000 emplois directs. Sur le plan économique, c'est la façon habituelle de présenter le nombre d'emplois créés dans un secteur. Il s'agit d'emplois directs et de travailleurs sur place.
Il y a aussi les emplois indirects, qui sont tous les emplois créés dans le secteur des services qui fournissent des services en amont, comme la production d'aliments pour animaux et le reste. Je pense que ce chiffre ne comprend pas ce que nous appelons des emplois induits, à savoir le nombre d'emplois qui ont été créés dans un dépanneur ou ailleurs grâce à l'activité économique du secteur.
La sénatrice Raine : Ainsi, les 14 000 emplois dont il est question sont le nombre total d'emplois directs et indirects, et pas nécessairement à temps plein?
M. Gilbert : Il s'agit d'équivalents temps plein.
La sénatrice Raine : Je pense que je connais la réponse, mais j'aimerais obtenir une précision. L'industrie est-elle fortement subventionnée?
M. Alexander : Je crois que la subvention dont il a été question est un programme de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ou ACIA, qui est offert aux aquaculteurs et aux producteurs sur la terre ferme lorsqu'ils perdent une partie de leur stock. En cas de mortalité inhabituelle, ils reçoivent bel et bien une subvention de l'ACIA. Mais Pêches et Océans n'a pas vraiment la compétence voulue pour en parler. Nous ne jouons aucun rôle dans la gestion du programme. Mais je crois bel et bien que c'est ce à quoi vous faisiez référence.
La sénatrice Raine : Il ne s'agit donc pas vraiment d'une subvention.
M. Alexander : Je crois savoir qu'il s'agit d'un programme d'assurance. Mais je ne pourrais pas vous l'expliquer convenablement puisqu'un autre ministère en est responsable.
M. Gilbert : Je sais pertinemment qu'il ne s'agit pas de centaines de millions de dollars. La somme est moins importante.
La sénatrice Raine : Merci.
Le président : Je remercie infiniment nos témoins. Vous nous avez donné une foule de renseignements ce soir auxquels nous pourrons réfléchir au cours des prochaines semaines. L'expérience a vraiment valu la peine des deux côtés. Je tiens à remercier les témoins précédents et les témoins actuels, ainsi que les sénateurs pour leurs excellentes questions. Je vais donc lever la séance.
(La séance est levée.)