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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 20 - Témoignages


OTTAWA, mardi 24 mars 2015

Le Comité sénatorial permanent des pêches et océans se réunit aujourd'hui, à 17 h 6, pour étudier la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada (sujets : impact des maladies de poissons d'élevage sur les poissons sauvages et solutions proposées; impact des infestations de poux de mer sur le saumon sauvage juvénile et solutions proposées; lacunes en recherche sur l'aquaculture relativement à la santé des poissons).

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je m'appelle Fabian Manning. Je suis sénateur pour Terre-Neuve-et-Labrador. Je suis heureux de présider la séance de ce soir.

Avant de donner la parole aux témoins, je dois dire que le Sénat vient tout juste de lever la séance. Certains membres du comité sont arrivés, tandis que d'autres nous rejoindront sous peu. Je vais demander aux sénateurs qui sont ici de se présenter.

La sénatrice Poirier : Sénatrice Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick. Bonsoir.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur McInnis : Tom McInnis, de Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Raine : Sénatrice Nancy Greene Raine, de Colombie-Britannique.

Le président : Je vous remercie.

Le comité poursuit son étude spéciale sur la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada. Je suis heureux d'accueillir de nombreux témoins ce soir.

Je vous prie de vous présenter avant de passer aux remarques préliminaires.

Stan Proboszcz, conseiller scientifique, Watershed Watch Salmon Society : Stan Proboszcz, biologiste des pêches chez Watershed Watch Salmon Society.

Debra Hanuse, chef, Première Nation 'Namgis : Bonsoir. Je m'appelle Debra Hanuse. J'ai été élue chef de la Première Nation 'Namgis, en Colombie-Britannique.

Gary Marty, pathologiste des poissons, Centre de santé animale, ministère de l'Agriculture de la Colombie-Britannique : Bonsoir. Je m'appelle Gary Marty. Je suis pathologiste principal au laboratoire de diagnostic vétérinaire du ministère de l'Agriculture, en Colombie-Britannique.

Susan Farlinger, directrice générale régionale, Région ± Pacifique, Pêches et Océans Canada : Bonsoir. Je m'appelle Susan Farlinger. Je suis directrice générale régionale pour Pêches et Océans dans la Région ± Pacifique.

Stewart Johnson, chef de section des sciences, Santé des animaux aquatiques, Région ± Pacifique, Pêches et Océans Canada : Bonsoir. Je m'appelle Stewart Johnson. Mon poste d'attache est la Direction du service de santé des animaux aquatiques à Nanaimo, au ministère des Pêches et des Océans.

Ian Roberts, directeur des communications, Marine Harvest Canada : Je m'appelle Ian Roberts. Je suis directeur des communications chez Marine Harvest Canada.

Le président : Nous avons avec nous une dame de la Colombie-Britannique en communication par vidéoconférence. Veuillez vous présenter, s'il vous plaît.

Alexandra Morton, biologiste indépendante, à titre personnel : Alexandra Morton, biologiste indépendante.

Le président : Je vous remercie.

Je crois que nous avons des remarques préliminaires. Comme les témoins sont très nombreux ce soir, je pense qu'on vous a dit que vous auriez trois ou quatre minutes pour les remarques préliminaires pour laisser le temps aux sénateurs de poser quelques questions. Je vous invite à vous en souvenir lorsque vous prendrez la parole. Je ne tiens pas à interrompre votre témoignage, mais, s'il le faut, je le ferai parce que nous devons avancer.

M. Proboszcz : Bonjour, sénateurs. Mon domaine est la biologie des pêches, et je m'intéresse depuis presque neuf ans aux enjeux de la salmoniculture à cage en filet en Colombie-Britannique. Je n'ai jamais vu une telle précipitation à vouloir donner de l'ampleur à ce secteur. Durant ces années, j'ai rencontré un éventail très varié de gens qui travaillent à protéger l'un des symboles mythiques du Canada, le saumon sauvage. Je tiens absolument à vous faire part de certains de leurs points de vue aujourd'hui.

Pendant plusieurs années, j'ai participé à un programme de surveillance des poux de mer qui était le fruit d'une collaboration entre le MPO, le secteur de l'aquaculture et des ONG. Côte à côte, nous avons vu de petits saumons sauvages juvéniles nager avec des saumons d'élevage et être infectés par des poux de mer. Clare Backman, directeur de la plus grande entreprise d'aquaculture au Canada, a témoigné devant la Commission d'enquête Cohen à ce sujet :

[...] oui, il peut y avoir salmoniculture dans les zones de multiplication de poux de mer. Je veux dire, c'est prouvé. Et, oui, quand le saumon rose, par exemple, est très petit, les dégâts peuvent être considérables...

Beaucoup de résidants de la Colombie-Britannique n'en reviennent pas que le gouvernement envisage des projets d'expansion. Watershed Watch a invité la population à faire connaître ses commentaires sur deux projets d'entreprise d'aquaculture dans le passage Clio de l'archipel de Broughton, et nous avons reçu plus de 500 messages en quelques semaines. Aujourd'hui, je vous ai donné une liste complète de commentaires, et j'aimerais revenir sur quelques-uns d'entre eux.

Reni Bontempo, de Coquitlam, a grandi à Prince-Rupert, au bord de l'océan, où l'abondance des produits de la mer a profité à sa famille et a permis à sa collectivité de prospérer. Elle s'oppose à ces projets d'expansion en raison des risques de contamination liés aux maladies et à la pollution et elle craint que ses enfants n'aient jamais la chance de connaître les dons magnifiques de la nature.

Marianne Mikkelsen écrit que, si ces projets d'aquaculture sont approuvés, ils auront des répercussions directes sur les pêcheurs de crevettes dans son village natal de Sointula. Elle craint que, si les pêcheurs de crevettes ne peuvent plus subvenir à leurs besoins, ils devront partir, et sa petite entreprise en subira les conséquences.

Je me suis récemment entretenu avec le chef Bob Chamberlin, de la Première Nation Kwikwasut'inuxw Haxwa'mis, qui s'inquiète depuis des années des répercussions du secteur de l'aquaculture sur le territoire de sa nation. Il a récemment voyagé le long du fleuve Fraser et s'est entretenu avec les Premières Nations de la protection du saumon sauvage et de l'organisation du soutien à la toute nouvelle alliance pour le saumon sauvage.

Un autre groupe, la Table ronde sur les pêches de la région Sea to Sky, n'a eu de cesse de faire valoir ses préoccupations au sujet de l'aquaculture à son député, John Weston. La table ronde est principalement composée de bénévoles très dévoués comme Dave Brown et Randall Lewis, qui veulent préserver le saumon sauvage de la Colombie- Britannique pour les générations à venir.

Encore la semaine dernière, j'ai participé à une réunion où Brian Riddell, de la Pacific Salmon Foundation, a parlé d'un projet de recherche de pointe sur les agents pathogènes dans le poisson sauvage et le poisson d'élevage. Ce travail monumental constitue la première fois que ces techniques seront appliquées à l'extérieur du génome humain et à ce degré. Nos connaissances sur les agents pathogènes dans le saumon sauvage et le saumon d'élevage vont exploser dans les années qui viennent. Il semble insensé de prendre de l'expansion aujourd'hui, avant que ce travail soit fait.

Les Canadiens attendent encore les détails de la mise en œuvre des recommandations de la Commission Cohen, qui a coûté 37 millions de dollars, notamment des recommandations 15, 16 et 17, qui prévoient que le ministère des Pêches et des Océans doit expressément tenir compte de la proximité des voies de migration du saumon rouge du Fraser au moment de choisir l'emplacement des fermes salmonicoles, qu'il doit, d'ici le 31 mars 2013, réviser les critères de choix d'emplacement de fermes salmonicoles, et qu'il doit appliquer les critères révisés à tous les emplacements autorisés de fermes salmonicoles et supprimer celles qui ne remplissent plus ces critères.

Ces projets d'expansion suscitent une indignation croissante. Beaucoup de gens ont essayé de bonne foi de dialoguer avec le MPO, mais leurs préoccupations ne sont pas entendues. Les résidants de la Colombie-Britannique ne laisseront pas le saumon subir le sort de la morue.

Merci de votre attention, mesdames et messieurs.

Le président : Merci, monsieur Proboszcz.

Chef Hanuse, c'est à vous.

Mme Hanuse : Merci de me donner l'occasion de participer à cette discussion collective aujourd'hui. Je suis très heureuse d'être ici. Je vous entretiendrai de quatre sujets ce soir.

Premièrement, j'aimerais vous parler de l'importance centrale du saumon pour les 'Namgis.

Deuxièmement, j'aimerais vous parler brièvement de la nécessité, d'après nous, d'une concertation plus large avec les Premières Nations, notamment celles des régions côtières de la Colombie-Britannique.

J'aimerais également vous parler de notre désir d'obtenir un moratoire qui irait au-delà des îles Discovery pour inclure le détroit de Johnstone et l'archipel de Broughton, qui font partie de nos eaux traditionnelles.

Quatrièmement, j'aimerais vous expliquer le travail que nous faisons pour créer un nouveau secteur en Colombie- Britannique, c'est-à-dire un secteur de l'aquaculture terrestre en parc clos. Je crois que les responsables du projet KUTERRA vous ont déjà fait part de leurs observations et que vous avez cela au dossier.

J'aimerais vous parler brièvement de ces quatre sujets aujourd'hui.

Je suis sûre que les représentants de nombreuses Premières Nations de la région côtière de la Colombie-Britannique vous ont déjà parlé de l'importance centrale du saumon pour nos peuples. Les réserves côtières de la Colombie- Britannique sont très petites, et cela traduit le fait que nous avons toujours été des collectivités maritimes dépendant principalement des ressources de l'océan. Dans l'arrière-pays de la Colombie-Britannique et dans d'autres régions du Canada, les réserves sont beaucoup plus grandes. Ce n'est qu'un élément parmi d'autres qui témoigne de l'importance centrale du saumon pour nous.

Pour vous donner une idée de cette importance par un autre exemple, dans notre propre bassin hydrographique, il y a 20, 25 ou 30 ans, les réserves ont atteint un seuil critique tel que, si nous avions continué de l'exploiter, le saumon aurait disparu. Pendant plus de 20 ans, nous nous sommes abstenus de pêcher le saumon dans le bassin hydrographique 'Namgis, qui est très important pour nous. Ce n'est qu'une indication de ce que nous sommes prêts à faire pour protéger le saumon dans notre région.

Nous avons également obtenu des fonds auprès du ministère des Pêches et des Océans pour procéder à une fertilisation lacustre là où nous exploitons une écloserie. Mais les deniers publics font toujours l'objet de demandes pressantes, et le ministère a dû imposer des restrictions budgétaires à cet égard.

Notre collectivité a donc décidé de se servir des ressources limitées qu'elle était capable d'obtenir des entreprises que nous exploitons et d'en consacrer une partie à la fertilisation lacustre. Nous avons dépensé entre 75 000 et 100 000 $ de nos propres ressources annuelles. C'est vous dire l'importance du saumon pour nous.

C'est ce que j'aimerais vous laisser à l'esprit concernant l'importance du saumon.

Nous savons qu'il est toujours difficile pour les gouvernements d'entamer des consultations. C'est un défi de taille, et nous le comprenons, mais nous sommes convaincus qu'il faut élargir les consultations avec les Premières Nations. Nous n'avons pas l'impression d'avoir été entendus dans le débat récent au sujet de l'expansion de l'aquaculture dans notre région.

Nous vous invitons instamment d'en tenir compte et de formuler des recommandations sur les moyens d'instaurer un processus rentable, mais qui permette à tous d'être entendus, y compris ceux qui ont des droits juridiques. C'est l'honneur de la Couronne qui est en jeu. Il y a obligation juridique de consulter. Et nous aimerions vraiment participer utilement à cet exercice.

J'aimerais aussi vous parler du fait que la situation qui était celle des îles Discovery est exactement celle qui prévaut dans notre région. Le saumon sauvage, le saumon du Fraser, passe par là. Leur route migratoire, s'ils passent par l'intérieur, traverse les eaux du détroit de Johnstone et de l'archipel de Broughton. Nous avons remis une carte avec notre mémoire : vous y constaterez la forte densité d'entreprises d'aquaculture dans notre région.

Le saumon ne sera pas plus protégé dans l'archipel de Broughton qu'il ne l'est dans le fleuve Fraser. Les répercussions et les torts découlant des agents pathogènes et des maladies ne sont pas moindres dans l'archipel de Broughton que dans le fleuve Fraser. Il n'y a donc aucune raison de ne pas élargir la portée du moratoire des îles Discovery à tout le détroit de Johnstone et à l'archipel de Broughton.

Il ne s'agit pas d'un moratoire illimité. Je crois que le moratoire recommandé par le juge Cohen allait jusqu'en 2020 pour qu'on puisse examiner les critères d'installation et terminer l'étude du génome. Nous demandons exactement la même chose pour le détroit de Johnstone et l'archipel de Broughton.

Enfin, je n'ai probablement pas besoin de m'étendre sur le sujet puisque Catherine Emrick et Eric Hobson vous ont parlé du travail que font les 'Namgis avec leurs partenaires pour essayer de développer un nouveau secteur. Nous ne sommes pas opposés au développement par principe. Si nous sommes inquiets, nous n'allons pas nous contenter de proposer un moratoire. Nous allons aussi chercher des solutions constructives, et c'est exactement ce que nous faisons dans le cadre du projet KUTERRA. Nous sommes encore en train de le roder, et il y a donc encore un peu de travail à faire. Nous nous ferons un plaisir de vous tenir au courant à mesure que nous avancerons. Mais nous voulons développer un nouveau secteur terrestre. On n'y utilise ni antibiotiques, ni hormones, ni stéroïdes. C'est ce qu'il faut faire pour éviter les maladies et les agents pathogènes de la salmoniculture à cages en filet. C'est donc une solution de rechange vraiment valable et viable qui permettrait de régler les problèmes que vous êtes précisément en train d'examiner aujourd'hui, à savoir les infestations de poux de mer et les répercussions des maladies.

Cela pourrait être une solution intégrale ou une nouvelle orientation à prendre, étant entendu que notre objectif fondamental est ici de protéger le saumon sauvage. Nous voulons le préserver pour les générations actuelles et à venir.

Merci beaucoup de m'avoir permis de faire quelques remarques préliminaires.

Le président : Merci, chef Hanuse.

M. Marty : Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité ici aujourd'hui. J'ai 18 années d'études universitaires à l'appui de mes responsabilités actuelles, dont un baccalauréat et une maîtrise en biologie des pêches, un doctorat en médecine vétérinaire et un doctorat en pathologie comparative.

J'ai été recruté par le laboratoire de diagnostic vétérinaire du ministère de l'Agriculture, qui est reconnu sur la scène internationale, pour travailler exclusivement sur le poisson et pour répondre à beaucoup des questions qui ont été soulevées aujourd'hui, et pour documenter ce qui se passe. Beaucoup d'idées sont, à mon avis, fondées sur des connaissances incomplètes. J'espère pouvoir vous communiquer une partie du savoir que j'ai acquis au cours des 11 dernières années que j'ai passées au service du ministère de la Colombie-Britannique.

Pour me préparer à cette séance, j'ai examiné certaines transcriptions d'audiences remontant à l'année dernière, quand vous étiez à Nanaimo. Alexandra Morton et d'autres ont témoigné ce jour-là. Nous avons beaucoup de divergences de vues, mais il y a une chose sur laquelle nous sommes d'accord et qu'il est important de comprendre selon elle. Je vais citer l'enregistrement. Elle parlait du lien entre les maladies du saumon sauvage et du saumon d'élevage :

C'est une question de dilution. Si vous vous trouvez à un terrain de football de distance d'une personne qui a la grippe, il y a peu de risques que vous l'attrapiez, mais si vous êtes dans un ascenseur en panne avec quatre personnes qui ont la grippe, vous allez probablement l'attraper.

Alors vous êtes dans l'ascenseur. Quatre personnes ont la grippe, mais vous, non. Vous allez probablement l'attraper, mais les gens qui se trouvent à une centaine de mètres ne l'attraperont pas.

Voyons un peu plus loin. Si vous êtes dans un ascenseur en compagnie de quatre personnes atteintes d'une maladie et que vous ne l'attrapez pas, il y a encore moins de chances qu'une personne se trouvant à une centaine de mètres de là l'attrape. J'ai examiné un certain nombre de poissons d'élevage morts. J'ai probablement observé plus de poissons d'élevage morts que n'importe qui d'autre et j'en suis venu à un diagnostic.

La deuxième situation est ce qui se passe dans nos fermes piscicoles. Je pense, compte tenu d'un programme conçu scientifiquement, que moins de 1 p. 100 des poissons morts dans ces fermes meurent d'une maladie qui pourrait contaminer le saumon sauvage. Au cours d'un an, 90 p. 100 des poissons d'élevage ne sont pas morts. Ils ont survécu. Les 9 p. 100 restants sont morts d'autre chose. Ce n'est pas une maladie infectieuse qui menace le saumon sauvage. Je pourrai vous donner d'autres détails tout à l'heure.

Donc, vous avez une ferme piscicole avec seulement 1 p. 100 de poissons morts d'une maladie infectieuse inquiétante et 99 p. 100 non infectés. Ils ne meurent pas de ces maladies. Il y a donc encore moins de chances que le saumon sauvage se trouvant dans les parages soit contaminé. Si nous pouvons déduire de ces données, qui sont assez solides, que peut-être 1 p. 100 de saumons sauvages mourront d'une maladie provenant d'une ferme piscicole en une année, faites la comparaison avec ce qui se passe en une journée. La mortalité des juvéniles qui migrent des eaux douces aux eaux salées est d'environ 3 p. 100 par jour. Il faudrait donc une année entière. Le saumon d'élevage est l'équivalent d'environ huit heures de mortalité chez le saumon sauvage.

Compte tenu de ces données, je pense qu'on peut raisonnablement dire que les maladies du saumon d'élevage ne représentent rien de plus qu'un risque minimal de tort grave pour les populations de saumon sauvage.

Le président : Merci, monsieur Marty.

Mme Farlinger : Bonjour, honorables sénateurs. Merci de m'avoir invitée à participer à cette discussion collective sur la santé du poisson et la gestion environnementale de l'aquaculture en Colombie-Britannique. Je suis accompagnée de mon collègue, qui s'est présenté tout à l'heure, Stewart Johnson, chef de la Section de la santé des animaux aquatiques à la station biologique du MPO, à Nanaimo. Nous serons tous deux heureux de participer à la discussion d'aujourd'hui et de répondre à vos questions s'il y a lieu.

Comme vous le savez probablement, Pêches et Océans est depuis 2010 le principal organisme de réglementation de l'aquaculture en Colombie-Britannique. Le ministère a élaboré un système de réglementation complet en vertu de la Loi sur les pêches, ainsi que le Règlement du Pacifique sur l'aquaculture, conçu pour faciliter la prospérité du secteur de l'aquaculture tout en veillant à la conservation et à l'usage durable de nos systèmes aquatiques.

Le très long littoral de la Colombie-Britannique attire des milliers d'espèces et favorise la pêche et bien d'autres activités de plein air. Il offre également des possibilités uniques en matière d'aquaculture, notamment pour les collectivités rurales, côtières et autochtones.

Jouissant d'un environnement naturel, dotés d'une solide réglementation et profitant d'un accès facile aux marchés et à une main-d'œuvre qualifiée, le Canada et la Colombie-Britannique sont bien placés pour jouer le rôle de chef de file mondial en aquaculture.

Mais des questions importantes doivent être soulevées au sujet de l'impact de l'aquaculture sur nos ressources halieutiques et sur notre environnement. Nous sommes responsables de nos ressources aquatiques, et, à ce titre, nous devons rester attentifs à circonscrire, comprendre et atténuer ces risques.

Cela veut dire, d'abord et avant tout, que notre réglementation doit s'appuyer sur des données scientifiques de classe internationale. Pendant des années, le ministère s'est attelé à des recherches sur la durabilité environnementale de l'aquaculture. Des programmes novateurs comme le Programme coopératif de recherche et de développement en aquaculture et le Programme de recherche sur la réglementation de l'aquaculture continuent de fournir des données cruciales qui alimentent nos méthodes de gestion, et c'est un processus permanent.

L'une de nos priorités actuelles est un programme de recherche intégrée qui vise à mieux comprendre les interactions entre le poisson sauvage et le poisson d'élevage. On vous en a parlé ici, aujourd'hui, mais c'est assez général. Il s'agit non seulement de notre travail avec la Pacific Salmon Foundation et Genome BC, mais aussi d'un nombre important de projets voués à l'examen des moyens de garantir la santé des poissons compte tenu de la cohabitation du poisson d'élevage et du poisson sauvage.

Par ailleurs, et conformément aux recommandations de la Commission Cohen, nous cherchons des moyens d'améliorer l'évaluation des risques relativement aux transferts pathogènes entre le saumon d'élevage et le saumon sauvage et nous nous interrogeons sur le moratoire actuel dont vous avez entendu parler tout à l'heure dans la région des îles Discovery.

La santé des poissons est aussi, comme je l'ai dit, au centre d'une collaboration entre le MPO et des scientifiques et universitaires de l'extérieur.

Depuis 2010, le Règlement du Pacifique sur l'aquaculture a permis de consolider les mécanismes de contrôle environnemental mis en place pour le secteur de l'aquaculture en Colombie-Britannique. Nous avons pour cela une série d'instruments. Le premier est une évaluation complète des projets de nouvelles installations. Outre les renseignements détaillés fournis par le candidat en matière d'environnement et autre, le ministère procède à une évaluation environnementale approfondie pour déterminer si les sites proposés conviennent.

Le deuxième — et il est question ici d'application de la réglementation et de conformité aux normes —, ce sont les conditions d'attribution des permis. Ces conditions sont strictes et d'ordre scientifique, et tous les exploitants doivent les remplir pour qu'on soit en mesure de limiter l'impact éventuel des fermes piscicoles sur l'environnement. Cela va des seuils de gestion des milieux benthiques à la production piscicole en passant par la santé des poissons, la gestion des poux de mer, les transferts de poisson, la prévention des échappées et la reddition des comptes. Je vous donnerai volontiers plus de détails si vous avez des questions.

Le troisième, ce sont les mesures de vérification de la conformité et de suivi de l'application de la réglementation en matière d'environnement. Lorsque nous avons lancé le Programme de réglementation de l'aquaculture en Colombie- Britannique, le gouvernement du Canada a prévu des ressources pour une équipe chargée du contrôle de l'environnement en aquaculture et une autre chargée de la conservation et de la protection, le mot clé pour les agents des pêches. Grâce aux vérifications de l'environnement et de la santé des poissons et aux inspections régulières de la conformité, ces équipes veillent à ce que les données fournies par le secteur privé soient exactes et que les exploitants respectent les conditions d'attribution de leurs permis.

Le ministère a également amélioré la transparence en affichant sur son site web les résultats des tests de santé des poissons effectués par le secteur privé et par lui-même ainsi que les données découlant des études des milieux benthiques, des renseignements sur les poux de mer et d'autres types d'information.

Pour ce qui est de la santé des poissons, le ministère collabore étroitement avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments sous les auspices du Programme national sur la santé des animaux aquatiques pour protéger les animaux aquatiques et prévenir l'introduction et la propagation de maladies parmi les poissons sauvages et les poissons d'élevage.

L'ACIA joue un rôle de premier plan dans le contrôle des maladies énumérées dans la Loi sur la santé des animaux, mais c'est le MPO qui assume la responsabilité de la recherche scientifique, du programme d'échantillonnage et de surveillance, et des conditions d'attribution des permis relativement à la santé des poissons. Ces conditions supposent notamment que chaque installation se dote d'un plan de contrôle de la santé des poissons qui couvre tous les aspects de l'exploitation piscicole susceptibles d'avoir un effet sur la santé des poissons locaux, ce qui permet, par extension, de réduire au minimum les risques pour la santé des poissons sauvages et pour l'écosystème. Ces plans prévoient des protocoles permettant de garder les poissons en bonne santé et des dispositions concernant l'échantillonnage, la surveillance, la tenue de dossiers et la reddition des comptes au MPO. Nos vétérinaires collaborent étroitement avec les professionnels de la santé des poissons qui, dans le secteur privé, sont chargés de la mise en œuvre de ces plans, de l'évaluation de la santé des poissons dans l'entreprise piscicole et de la reddition des comptes.

Conjuguées à nos activités de recherche scientifique, ces mesures permettent de veiller à ce que les risques pour la santé du saumon d'élevage et du saumon sauvage soient circonscrits et bien contrôlés. Je crois que cette solide gestion permet à nos réserves de poissons sauvages et de poissons d'élevage non seulement de coexister, mais de s'épanouir.

Merci de votre invitation. Il me fera plaisir de discuter avec vous.

Le président : Merci.

M. Roberts : Bonjour, je m'appelle Ian Roberts. Je suis directeur des communications chez Marine Harvest Canada. Cette entreprise est la plus grande entreprise d'élevage de saumon du monde : elle fournit un cinquième de la production de saumons et truites d'élevage au monde.

Quand j'étais jeune, un film m'a fasciné : « L'Odyssée sous-marine de l'équipe Cousteau ». C'est à peu près à cette époque-là que j'ai entendu le commandant Cousteau dire : « Nous devons cultiver la mer et en exploiter le cheptel, en remplaçant la chasse par l'agriculture ». J'ai fait carrière dans la salmoniculture parce que, moi aussi, j'avais à cœur de conserver les réserves limitées de produits que l'océan peut fournir.

En 1992, j'ai obtenu mon diplôme de technicien en aquaculture et je travaille dans une entreprise salmonicole depuis 23 ans. De 1998 à 2007, j'ai été directeur de la production chez Marine Harvest. J'ai travaillé avec la Première Nation Kitasoo/Xai'xais pour l'aider à développer la salmoniculture sur son territoire. Aujourd'hui, elle produit et conditionne 6 000 tonnes de saumon par an.

Le meilleur moyen d'organiser un élevage est d'imiter les conditions de vie naturelle de l'animal. Nos méthodes d'élevage suivent le cycle de vie naturel du saumon. Sa vie commence comme dans la nature : dans de l'eau douce. Nous avons donc investi dans des systèmes d'aquaculture en parc clos et contribué à les installer pour élever le saumon jusqu'au moment où, comme dans la nature, il est prêt à s'en aller dans l'océan.

Marine Harvest Canada produit plus de 1 000 tonnes de saumon par an dans des systèmes terrestres. Dès leur jeune âge, nous prenons soin de vacciner les poissons pour les protéger des agents pathogènes qu'ils pourraient rencontrer dans l'océan. Lorsqu'ils sont prêts à vivre en eau de mer, nous les transférons avec soin dans des enclos en mer, où ils restent et se développent jusqu'à une taille commerciale d'environ six kilogrammes.

Comme les sénateurs le savent très bien, notre pays a la chance d'avoir de vastes ressources. Comme les autres agriculteurs canadiens, nous les exploitons de façon responsable. Le Canada a l'avantage d'avoir de vastes côtes convenant très bien à l'aquaculture grâce aux marées qui fournissent oxygène et eau propre à nos poissons.

Comme beaucoup d'entre vous l'ont vu lorsque vous avez visité notre exploitation l'année dernière, les exploitants d'entreprises salmonicoles canadiens sont des chefs de file mondiaux. Nos employés sont professionnels, nos activités s'appuient sur du matériel de pointe et nos poissons sont en bonne santé et élevés dans des conditions éthiques.

Le Canada joue un rôle de premier plan dans le monde du point de vue de l'exploitation responsable des océans. Les entreprises d'aquaculture canadiennes et les organismes canadiens voués à la conservation ont travaillé ensemble et facilité l'élaboration de normes de certification mondiales des produits de la mer qui ont contribué à relever continuellement le niveau.

Je suis fier de dire que les entreprises d'aquaculture canadiennes, dont Marine Harvest, ont relevé le défi de respecter les normes mondiales les plus élevées. La Colombie-Britannique est la seule région au monde où tous les éleveurs de saumon de l'Atlantique sont certifiés en vertu de la norme externe dite des pratiques d'aquaculture exemplaires — Best Aquaculture Practices. Marine Harvest Canada est l'une de deux entreprises au monde qui ont obtenu les résultats les plus élevés à l'égard de cette norme, soit une cote de quatre étoiles. Je dois dire que la première à avoir obtenu cette cote est également canadienne.

Marine Harvest Canada est la première entreprise d'Amérique du Nord à avoir obtenu une certification au titre de la norme de l'Aquaculture Stewardship Council applicable au saumon. La certification de l'ASC est considérée comme la norme environnementale la plus stricte au monde : elle a été élaborée par le Fonds mondial pour la nature, en collaboration avec de nombreux organismes canadiens voués à la conservation.

Les nombreuses côtes aptes à l'aquaculture au Canada, notre main-d'œuvre qualifiée et notre détermination à respecter les normes mondiales les plus élevées sont autant d'atouts pour concrétiser la vision d'avenir du commandant Cousteau.

Je vous remercie de m'avoir permis de vous parler de cette importante question.

Le président : Merci, monsieur Roberts.

Je crois que notre invitée par vidéoconférence a des remarques préliminaires à formuler.

Mme Morton : Oui. Merci beaucoup de cette deuxième occasion de m'adresser à vous.

Comme les cinq comités qui vous ont précédés, vous êtes appelés à trouver un équilibre entre ce que demande le secteur de la salmoniculture, d'une part, et les droits et intérêts des Canadiens, d'autre part.

Les entreprises salmonicoles produisent autant de poissons qu'il est possible dans le plus petit espace possible et selon un régime artificiel. Ce sont donc des parcs d'engraissement. Les parcs d'engraissement ont un effet profond et dangereux sur les virus. Nous le savons parce que nous avons dû faire face à la grippe aviaire, à la grippe porcine, à l'encéphalopathie des cervidés, pour n'en donner que quelques exemples. Lorsqu'une maladie se déclare dans un parc d'engraissement, comme l'épidémie de grippe aviaire dans la vallée du Fraser au début de l'année, on met en place des mesures de quarantaine strictes pour enrayer la maladie. C'est tout simplement impossible dans une entreprise d'aquaculture parce qu'il n'y a qu'un filet entre le poisson sauvage et le saumon d'élevage et que les agents pathogènes le traversent tout simplement.

Quand le virus de l'AIS, qui est une forme de grippe, s'est glissé dans les élevages de saumon, il a abandonné une partie de sa séquence génétique pour se transformer, de virus bénin qu'il était, en l'un des virus les plus mortels qui soient pour le saumon. En Norvège, les poux de mer résistent actuellement aux médicaments au point que les traitements provoquent la disparition de la peau des poissons vivants. Les vétérinaires norvégiens ont publié des images dans les médias la semaine dernière parce qu'ils sont très inquiets du bien-être de ces poissons.

La plupart des saumons d'élevage de la Colombie-Britannique qui sont vendus dans les supermarchés sont infectés par le réovirus pisciaire, que nos collègues norvégiens associent aux affections cardiaques du saumon. Lorsqu'une scientifique du MPO a révélé les premiers éléments de preuve solides de ce qui arrive à notre saumon rouge du Fraser, à savoir qu'un virus est associé au saumon d'élevage, on l'a empêchée de parler. Lorsque la catastrophe s'est produite, elle n'a pas été autorisée à participer aux réunions et à parler de cette constatation extraordinairement importante.

Cela fait trois ans et demi que je travaille à retracer des virus dans le saumon d'élevage de la Colombie-Britannique. Quand je vois qu'on demande d'installer trois nouvelles entreprises sur le trajet migratoire du saumon rouge du Fraser, au nord des îles Discovery, sans consultation préalable des collectivités autochtones vivant le long du fleuve Fraser, et que je vois une entreprise de salmoniculture de la baie Sir Edmund qui a triplé de volume en dépit de l'opposition des collectivités autochtones locales, je dis que nous sommes en présence d'une bombe biologique à retardement qui aura des répercussions sociales et commerciales.

Le projet de réglementation de l'aquaculture que vous êtes en train d'examiner permettrait de tuer le saumon sauvage pour protéger le saumon d'élevage. Maintenant, le MPO et Génome Canada se sont associés pour effectuer la plus vaste étude jamais réalisée sur l'échange potentiel d'agents pathogènes entre le poisson d'élevage et le poisson sauvage. Sans attendre les résultats de cette extraordinaire étude, le gouvernement fédéral a accordé des permis sur neuf ans au secteur privé.

Aujourd'hui, les scandales qui se multiplient au sujet du saumon d'élevage en Norvège ont incité les responsables politiques du pays à offrir de généreux stimulants aux entreprises privées pour qu'elles s'installent dans les terres et se mettent en quarantaine pour leur propre bien. Vous êtes la chambre dite de second examen objectif et vous avez la possibilité, ici, d'ouvrir la voie à une aquaculture de prestige, un secteur de l'aquaculture isolé du saumon et du homard sauvages, produisant ses propres aliments et recyclant ses déchets.

Beaucoup d'entreprises doivent prendre de la maturité, et ce secteur est tout simplement trop important pour se permettre de déverser les déchets bruts de parcs d'engraissement dans les zones les plus précieuses de pêche du saumon sauvage du Canada tout en réclamant des mesures législatives extraordinaires qui leur faciliteront la vie.

Merci beaucoup de m'avoir accueillie aujourd'hui. Je me ferai un plaisir de participer à la discussion.

Le président : Je vous remercie, madame Morton.

Nous allons procéder un peu différemment ce soir. Le sénateur McInnis va poser une question, et nous allons nous intéresser un moment à l'impact des maladies des poissons élevés dans des parcs d'engraissement sur le poisson sauvage et à quelques solutions qui pourraient être proposées ici.

Je rappelle que nous avons trois sujets à aborder ce soir. Nous tâcherons de rester concentrés sur nos sujets de ce soir. Après avoir consacré un peu plus d'un an à cette étude, nous comprenons bien qu'il y a des centaines d'enjeux, mais ceux qui nous intéressent ici ce soir sont ceux que nous avons jugés importants, et nous aimerions avoir d'autres avis à cet égard.

J'aimerais donner la parole au sénateur McInnis, à qui je vais demander d'aborder le sujet de l'impact des maladies des poissons élevés dans des parcs d'engraissement sur le poisson sauvage, et des solutions proposées.

Le sénateur McInnis : Cela concerne peut-être plus particulièrement, mais pas exclusivement, le saumon sauvage juvénile. J'ai appris, à la lecture de plusieurs rapports, qu'il existe des milliers de virus. On nous a parlé du réovirus pisciaire. Nous avons lu et entendu beaucoup de choses sur l'anémie infectieuse du saumon. On entend beaucoup parler du pou de mer et de son traitement par des médicaments ou des pesticides.

La question est celle-ci : en réalité, quels sont les effets nocifs de l'élevage de poisson en parc d'engraissement en filet sur les réserves de saumon sauvage?

M. Marty : En 2007-2008, nous avons fait une étude dans l'archipel de Broughton, où l'on a fait beaucoup de recherches sur le pou de mer. Nous voulions en savoir plus, parce que tout le monde s'intéressait seulement au pou de mer. Les vétérinaires savent tous que toutes sortes de parasites comme les poux de mer ont tendance à s'installer sur des animaux malades, bétail ou moutons. Quand on observe des parasites externes sur eux, on veut savoir ce qui se passe par ailleurs. Personne n'a jamais fait cela. Pendant des années, on a seulement parlé du pou de mer. C'est pour cela que nous sommes allés effectuer un examen médical plus complet de ces poissons.

En 2007, nous avons constaté qu'ils étaient parasités par des poux de mer, mais pas beaucoup. En 2008, ils en avaient moins, mais il se passait autre chose dans ces poissons.

En 2007, environ 30 p. 100 des poissons d'un de nos échantillons avaient des cellules hépatiques anormales, avec un noyau, une sorte de cerveau de la cellule de la taille d'un deux dollars quand on l'agrandit au microscope. Soit, comparativement, cinq ou six fois plus. Les noyaux de leurs cerveaux étaient cinq fois plus grands que la normale. Ce n'était pas le cancer, mais c'était anormal.

L'étude du MPO a aussi montré que ces poissons ne grandissaient pas bien. On n'y voyait pas de réserves de graisse. Nous avons vu toutes sortes d'autres parasites, et c'est quelque chose que Genome BC pourra mieux analyser.

Je m'occupe aussi en ce moment d'un projet dont le MPO est chargé. Il y a un programme au ministère où des techniciens vont prendre des échantillons de poissons morts dans les fermes d'élevage. Ils font une trentaine de vérifications de ce genre par trimestre dans toute la province. La raison pour laquelle ils prélèvent des échantillons de poissons morts est que ces poissons sont le plus susceptibles d'être porteurs d'une maladie parmi celles qui nous inquiètent. Si on veut savoir ce qui tue les poissons, il faut examiner les poissons morts et non les poissons vivants qui sautillent dans les parcs. Il faut s'intéresser à ceux qui meurent.

Nous observons aussi ces poissons. Nous le faisons depuis plusieurs années et nous avons une idée de ce qui se passe dans ce secteur. Nous avons constaté que le saumon sauvage est porteur de toutes sortes de parasites et de certaines anomalies, comme les anomalies hépatiques, et que le saumon d'élevage a ses propres anomalies dont aucune, sauf l'infection au pou de mer, n'est semblable. Pour moi, l'observation des poissons morts et des poissons malades prouve bien qu'il n'y a pas grand-chose qui passe du saumon d'élevage au saumon sauvage. Genome BC va probablement en trouver d'autres, mais il n'y a pas beaucoup de parasites sur le saumon d'élevage.

L'une des raisons à cela est que la plupart des parasites sont conçus pour quitter le poisson adulte quand il arrive dans l'environnement. Ils se trouvent un autre hôte, un ver dans le limon. Ils y restent tout l'hiver jusqu'à ce que les jeunes poissons reviennent au printemps, et ils les infectent pendant le printemps.

Le problème des poux de mer est que les fermes d'élevage pourraient commencer à faire cela avec des poux qui ne sont pas naturels. Alexandra et moi avons publié des articles depuis 2007 ou 2008 pour expliquer que le pou de mer n'est pas vraiment un problème à l'échelle d'une population. Ils infectent des individus, mais on contrôle bien la situation avec les mesures qu'on a prises. D'après moi, il n'y en a pas tant que cela.

Vous pouvez penser la même chose d'un ascenseur ou d'un hôpital. Il y a des maladies qui vont et qui viennent dans un petit enclos, la ferme d'élevage. Certaines maladies font cela, mais, dès qu'on va dans la nature sauvage, les choses se passent autrement. La grippe se transmet dans un ascenseur. Si vous allez dans la nature, les poissons vont essaimer. Les maladies ne se propageront donc plus. Un ou deux poissons peuvent l'attraper, mais ils ne le propagent pas à d'autres. C'est pour cela que, d'après mes observations, c'est un risque minimal.

On a ce programme en cours : nous échantillonnons 600 à 800 poissons par an, et, s'il se passe quelque chose de nouveau, nous pouvons le repérer tout de suite et l'analyser ou essayer de le contrôler.

Mme Morton : Il y a quelques points à relever ici. D'abord, une méta-analyse a été faite par un ex-scientifique célèbre du MPO, Ransom Myers. Il s'est intéressé aux populations de saumons sauvages exposés et non exposés aux fermes salmonicoles. Il a publié un article en 2008, où il a expliqué que partout où il y avait des saumons d'élevage, les saumons sauvages connaissaient un déclin exceptionnel.

Je ne sais pas pourquoi on n'en tient jamais compte dans le travail de Kristi Miller. Personne n'a jamais pu comprendre pourquoi le saumon rouge du Fraser meurt avant de frayer. Ils entrent dans les rivières et meurent juste avant de frayer. Quand elle s'est intéressée à leurs systèmes immunitaires, ils étaient en train de lutter contre un virus cancéreux très semblable à ce que le MPO a appelé le virus de la leucémie des salmonidés, qui faisait des ravages parmi les saumons d'élevage des îles Discovery exactement au moment où le saumon rouge du Fraser a commencé à décliner. Cette étude est très problématique.

Il y a une chose que M. Marty ne mentionne pas, c'est : que se passe-t-il en cas d'épidémie? Je suis allée à la ferme aquacole de Kingcome Inlet, où il y a une épidémie de nécrose hématopoïétique infectieuse (NHI), et ils n'arrivent pas à sortir les poissons assez vite. Il y a des morceaux de globes oculaires et d'abats qui dérivent, et là-dessous, il y a des harengs qui viennent dans la baie de Kingcome Inlet pour y frayer, et il y a de jeunes saumons qui sortent. Le volume de charge virale dans l'environnement naturel dépasse de loin ce à quoi le saumon sauvage est habitué, parce que, dans la nature, les poissons malades sont mangés par des prédateurs. C'est la troisième chose que je veux rappeler.

Il est très difficile d'étudier les maladies du poisson sauvage parce que les prédateurs font le nettoyage. Nous devons donc absolument attendre les résultats de l'étude de Mme Miller et de Génome Canada avant de pouvoir répondre à cette question parce que le travail n'a pas encore été fait.

M. Marty : J'aimerais préciser une ou deux choses. D'abord au sujet de la leucémie des salmonidés. La question a d'ailleurs été abordée par la Commission Cohen. Dans le deuxième volume du rapport final, on peut lire ceci aux pages 113-114 de l'anglais :

J'ai examiné la théorie avancée par Alexandra Morton, directrice générale de la Raincoast Research Society, sur l'anémie marine chez le saumon quinnat en pisciculture, mais je ne peux y adhérer...

Il dit bien : « Je ne peux y adhérer... ».

Je suis d'accord avec le juge Cohen. Je n'ai jamais rien diagnostiqué du genre, il n'y a pas eu de cas de leucémie des salmonidés depuis 11 ans en Colombie-Britannique. Je suis plutôt d'accord avec M. Sheppard. Ou bien il n'y en a jamais eu ou bien cela a existé au début des années 1990 et cela a disparu.

Ces deux situations arrivent avec les maladies. Parfois, une nouvelle souche apparaît. Elle va prendre le contrôle et tuer un grand nombre d'animaux dans une population. Celle-ci va s'immuniser, et on n'entendra plus jamais parler de la maladie. Je pense qu'on peut exclure cela.

La NHI est un bon exemple de la façon dont l'évolution des techniques a permis d'améliorer réellement les interactions entre le poisson d'élevage et le poisson sauvage. De 2002 à 2004, les poissons de 36 fermes aquacoles ont été infectés par la NHI durant 22 mois. Comme l'a dit Alexandra, c'est une maladie grave, probablement la plus grave pour le saumon de l'Atlantique.

On a depuis trouvé un vaccin. Certaines fermes aquacoles ont commencé à l'utiliser. Je pense que Marine Harvest l'emploie exclusivement depuis 2007. Il y a eu une épidémie dans des secteurs. On ne s'y attendait pas. On n'a pas vacciné. Le vaccin est coûteux et stresse le poisson, mais cette épidémie a touché trois fermes pendant trois mois.

Donc, grâce aux nouvelles techniques et au vaccin, 22 mois et 36 fermes plus tard il y a 10 ans, il n'y a plus eu d'épidémie. Puis il y en a eu une en 2012 qui a touché trois fermes pendant trois mois. D'après certaines recherches effectuées par le MPO, on peut dire que, s'ils continuent à vacciner leurs poissons, nous n'aurons probablement plus jamais d'épidémie de NHI dans une ferme salmonicole de Colombie-Britannique.

Le président : Je vous remercie. C'est une discussion intéressante, assurément.

M. Proboszcz : En guise d'aparté, j'aimerais citer les paroles inoubliables de Carl Sagan, qui disait que l'absence de preuve n'est pas une preuve d'absence. Je pense que c'est le cas ici. Le juge Cohen en est arrivé, en fait, à la même conclusion quant aux effets des agents pathogènes sur le poisson sauvage.

Nous avons fait un certain nombre d'études sur les maladies et les répercussions des agents pathogènes dans les fermes aquacoles financées par l'argent des contribuables, mais il a conclu qu'on n'avait pas suffisamment examiné les virus et les bactéries et qu'il fallait le faire sur le poisson sauvage.

La science est par nature incertaine. Pour un scientifique sérieux, l'incertitude est le moteur de la recherche. Cela dit, je pense que nous devons nous méfier des gens qui détournent ce principe et s'en servent pour maintenir le statu quo. Je crois que le statu quo, ici, continue de mettre le poisson sauvage en danger, surtout si l'on envisage une expansion et compte tenu de la plus vaste enquête qu'on ait jamais eue au Canada sur le saumon sauvage, je parle de la Commission Cohen, qui a coûté 37 millions de dollars pour aborder précisément ces questions. Le juge Cohen nous a donné un modèle pour protéger le saumon, plus précisément en indiquant les projets de recherche à entamer. Ils sont en cours, et il serait insensé de parler d'expansion avant que ce travail soit terminé.

Mme Hanuse : Mon ami m'a enlevé les mots de la bouche, j'allais dire à peu près la même chose. Le juge Cohen a soulevé la question même que vous posez aujourd'hui et y a répondu :

[...] j'arrive à la conclusion que la présence de fermes pratiquant l'élevage en filet dans les îles Discovery pose un risque de préjudice grave pour le saumon rouge du Fraser par la transmission de maladies et d'agents pathogènes.

Donc cette question a trouvé une réponse, et ce, après des dépenses de 36 à 37 millions de dollars, comme l'a rappelé mon ami : c'est de faire des recherches.

Il y a encore beaucoup à faire. Je vous implore de ne pas vous en tenir à une étude isolée ou à 10 études isolément. Il existe de très nombreuses études. Il existe un énorme corpus scientifique à examiner dans sa totalité.

Je vous invite à ne pas vous limiter à une ou deux études, mais à vous intéresser à l'ensemble des études scientifiques qui ont été faites, parce que l'enjeu est trop important. Il n'y aura plus de saumon sauvage si nous nous trompons. Il faut faire les choses comme il faut en faisant les recherches nécessaires pour combler les lacunes qui restent. Il faut attendre les résultats du travail de Genome BC et les critères d'observation à élaborer avant d'envisager l'expansion de l'élevage.

Mme Farlinger : Je vais laisser à mon collègue, M. Johnson, le soin d'aborder certains points précis, mais je crois utile de donner une idée générale, très brièvement, de la recherche en cours avec le MPO et d'autres partenaires.

Je dirais que toute cette conversation et tous ces problèmes très intéressants et difficiles à résoudre s'inscrivent dans une situation où nous avons observé d'énormes fluctuations dans les réserves de saumon le long de la côte américaine et autour du Pacifique, jusqu'en Russie. Au cours des cinq dernières années, nous avons vu deux des plus grandes montaisons de saumon rouge du Fraser. La productivité du saumon rouge a systématiquement augmenté. Il y a beaucoup de facteurs en jeu ici. On a enregistré des changements et des fluctuations remarquables l'année dernière. Certaines des conditions dont nous parlons perdurent, quoiqu'on ait réglé beaucoup de ces éléments grâce à de nouvelles pratiques et à des changements dans la réglementation de l'aquaculture.

Premièrement, pour ce qui est des projets de recherche, le Programme de recherche sur la réglementation de l'aquaculture du MPO a permis de financer un vaste programme de recherche dans le détroit de Géorgie et dans les eaux adjacentes, c'est-à-dire jusqu'au détroit de Johnstone, pour évaluer la santé des saumons rouges sauvages juvéniles. Plusieurs personnes ont parlé du saumon rouge juvénile et de ses interactions avec le saumon d'élevage. Ce programme a permis d'examiner l'état d'infection au pou de mer de très nombreux saumons juvéniles, et, dans le cas du saumon rouge, de chercher d'autres types d'infection par des agents pathogènes et d'autres signes de maladie.

Deuxièmement, le Programme coopératif de recherche et développement en aquaculture permet en ce moment de financer un vaste projet d'examen des périodes de migration et de la répartition du saumon dans les îles Discovery et le détroit de Johnstone. Stewart vous parlera de certains détails, mais on se sert de relevés au chalut, de prélèvements à la seine coulissante et d'études hydroacoustiques pour mieux comprendre comment, précisément, le saumon juvénile utilise le détroit de Géorgie, dont la zone des îles Discovery, en s'intéressant plus particulièrement au saumon rouge du Fraser et, à un moindre degré, au saumon quinnat.

Cette recherche fournit des renseignements qui permettent de mesurer le risque de transfert de maladies entre le saumon d'élevage et le saumon sauvage, mais aussi de comprendre les conséquences de ce genre de transfert et d'améliorer la réglementation.

Comme on l'a dit à plusieurs reprises, Sciences-MPO collabore avec Genome BC et avec la Pacific Salmon Foundation pour poursuivre un programme de recherche visant à circonscrire certains microbes présents. Je dois dire qu'il faut être prudent quand on parle de ce programme : c'est bien une recherche sur les microbes présents, non sur les maladies, mais les microbes proprement dits. L'objectif à long terme de ce programme est de circonscrire les microbes présents dans la région qui méritent un suivi permanent en raison de leur potentiel de contamination du saumon, et ce afin de mieux comprendre leurs origines éventuelles et leurs modes d'interaction.

Quatrièmement, Sciences-MPO a élaboré des modèles de circulation océanique qui ont été appliqués aux régions des îles Discovery et de l'archipel de Broughton en Colombie-Britannique. Ces modèles ont été créés par des spécialistes des courants océaniques et des océanographes. Ils ont permis d'examiner le risque de propagation du pou de mer et d'autres agents pathogènes.

Là encore, les modèles de circulation océanique servent actuellement à observer le risque de transmission hydrique de la nécrose hématopoïétique infectieuse (NHI) dont on a parlé tout à l'heure, entre le saumon d'élevage et le saumon rouge sauvage dans la région des îles Discovery.

Je rappelle qu'on comprend mal le rôle du réovirus pisciaire dans l'inflammation des muscles squelettiques et cardiaques (HSMI) ou d'autres maladies et que le MPO collabore avec ses collègues canadiens et étrangers pour faire des recherches à ce sujet.

Je vais maintenant passer la parole à mon collègue, qui va vous donner certains détails.

M. Johnson : Arrêtez-moi, s'il vous plaît, si cela devient trop spécifique.

Je vais commencer par les études sur la pathologie du saumon rouge. Pour comprendre en quoi le poisson d'élevage peut menacer le poisson sauvage, il faut d'abord connaître l'état du saumon sauvage avant toute interaction avec le saumon d'élevage. À cet égard, depuis 2010, nous procédons à de vastes études dans tout le détroit de Géorgie et le détroit de Johnstone pour observer le degré d'infection au pou de mer et déterminer la présence parmi les saumons rouges d'un certain nombre d'autres agents pathogènes et parasites dont certains sont familiers et d'autres sont nouveaux en Colombie-Britannique. Jusqu'ici, nous avons vérifié des milliers de saumons rouges juvéniles dans toutes les montaisons du fleuve Fraser, à la recherche du virus de l'anémie infectieuse du saumon (AIS), du virus de la septicémie hémorragique virale (SHV), du réovirus pisciaire et de la bactérie du saumon responsable de la maladie rénale bactérienne (MRB). Nous n'avons rien trouvé du genre dans les animaux que nous avons examinés.

Nous avons parlé de la NHI aujourd'hui, qu'on croyait en cause au départ, comme Mme Morton l'a expliqué plus tôt, en raison du déclin du saumon rouge du Fraser. Nous avons vérifié un grand nombre de poissons, et, oui, nous avons constaté que, effectivement, les saumoneaux rouges sont porteurs de la NHI tout au long de leur migration avant d'entrer en contact avec des saumons d'élevage. Cela peut représenter une proportion assez importante. Entre 5 et 10 p. 100 de ces poissons ont déjà été exposés. Ce n'est pas étonnant puisque nous savons qu'il y a déjà eu d'importantes épidémies de NHI dans les populations du fleuve Fraser. Cela se passait dans les années 1970, et même avant. On a fait beaucoup de travail depuis pour se faire une idée de ce dont les saumons rouges sont porteurs, et c'est crucial si on veut mesurer le risque. Je dois dire aussi qu'ils sont porteurs d'un certain nombre d'autres parasites qui font naturellement partie de l'environnement du fleuve Fraser.

En général, la plupart des poissons que nous avons examinés sont en bon état morphologique. Nous avons prélevé des échantillons par chaluts à larges mailles et par seines coulissantes de grande taille. On serait enclin à penser que, si des poissons ne vont pas très bien dans le secteur, il s'en trouverait dans notre échantillon puisque nous avons balayé toute la zone entre l'embouchure du fleuve Fraser jusqu'au détroit de Johnstone.

Le sénateur McInnis : Vous avez dit que vous n'avez trouvé aucune trace d'anémie infectieuse du saumon.

M. Johnson : Non, en effet. On a prélevé au total environ 12 000 échantillons sur la côte du Pacifique, dans l'État de Washington, en Oregon et en Alaska, et l'ACIA en a fait autant en Colombie-Britannique, dans le cadre de projets visant à vérifier la présence éventuelle d'anémie infectieuse parmi toutes sortes de saumons du Pacifique. On n'a rien trouvé. Je peux vous donner les chiffres exacts si vous voulez.

Nous avons un peu parlé de la migration et de la durée de résidence. C'est une autre caractéristique importante. Quand on pense au nombre de saumons qui sortent du fleuve Fraser, il faut savoir que le saumon rouge n'en est qu'une petite partie. Je ne suis pas exactement un écologiste de la pêche, mais on m'a dit que, en moyenne, il y a entre 500 et 600 millions de saumons juvéniles qui transitent entre le fleuve Fraser, le détroit de Johnstone et les îles Discovery. Nous voulions comprendre combien de temps ces poissons restent dans le détroit de Géorgie et combien de temps il leur faut pour passer par les îles Discovery. Cette région est intéressante parce qu'on trouve des courants puissants et beaucoup de ressources alimentaires. Il faut donc savoir dans quel état de santé se trouvent les poissons avant d'y arriver et dans quel état de santé ils sont à la sortie. Il faut aussi savoir combien de temps ils y restent.

En 2014, nous avons mesuré le temps écoulé entre le moment où ils quittent le fleuve au moment où ils traversent le détroit de Johnstone et nous avons calculé qu'il s'écoule environ sept semaines au cours desquelles ils vivent dans le détroit de Géorgie. En 2014, la plupart des saumons rouges du fleuve Fraser ont traversé la région des îles Discovery en l'espace de deux semaines environ. Les saumons roses et les saumons kéta y sont restés environ quatre semaines. On parle de centaines de millions de poissons qui font la traversée en très peu de temps. Nous poursuivrons ces études au cours des prochaines années pour confirmer les observations enregistrées en 2014 et au cours des années antérieures.

Le sénateur Meredith : Monsieur Roberts, vous avez entendu M. Marty parler de confinement. Que faites-vous chez Marine Harvest Canada quand on trouve quelque chose? Est-ce que vous recueillez des données sur l'impact sur le poisson sauvage? Pourriez-vous nous parler de certains de ces résultats? Collaborez-vous avec le MPO quand vous constatez que des maladies ont été transmises au poisson sauvage?

M. Roberts : Votre question anticipe sur ce que j'allais dire. Bien sûr, notre priorité est de surveiller la santé de nos saumons d'élevage. Et, oui, nous faisons un suivi régulier. Oui, aussi, nous fournissons ces données pour veiller à ce que nos poissons soient en bonne santé.

Nous participons à des études en collaboration avec le MPO et d'autres ministères, ainsi qu'à des études sur le saumon sauvage. Je n'ai pas d'information à ce sujet ici même. Comme la plupart des gens en conviendront, et je crois que cela a été dit à la Commission Cohen, nous avons une bonne idée de l'état de santé de nos saumons d'élevage en Colombie-Britannique, mais nous ne savons pas grand-chose de l'état de santé du saumon sauvage.

C'est rassurant de voir le travail qui se fait au MPO actuellement, auquel participe d'ailleurs Marine Harvest Canada. Quel que soit le nouveau projet proposé, il faut préalablement faire certaines études scientifiques sur le saumon sauvage du secteur. Je suis sûr que nous pouvons vous communiquer ces renseignements si vous les souhaitez.

J'ai une correction à apporter à ce sujet. Mme Hanuse a déclaré que nous gardons nos poissons en bonne santé en utilisant des hormones ou des stéroïdes. Ce n'est tout simplement pas vrai, et je tiens à le préciser. En fait, les salmoniculteurs de Colombie-Britannique, les salmoniculteurs canadiens et les salmoniculteurs du monde entier ne se servent pas d'hormones pour élever leurs poissons, et ils n'utilisent pas non plus de stéroïdes. En tout cas, cela ne se fait certainement pas dans les secteurs que je connais où des projets d'application pour la santé des poissons sont proposés.

C'était différent il y a 23 ans, quand j'ai commencé. Il n'existait pas de vaccins efficaces pour nos poissons. Dans les fermes piscicoles, on avait plusieurs générations de poissons à la fois. On n'avait pas souvent la visite de spécialistes pour veiller à la santé de nos poissons.

Aujourd'hui, c'est autre chose. Comme Gary l'a expliqué, on a des vaccins efficaces. Chez Marine Harvest Canada, on a développé des vaccins efficaces contre une maladie courante du saumon rouge, la NHI, et cela marche très bien. De plus, on garde une seule génération de poissons à la fois. Je pense que les sénateurs qui sont venus en Colombie- Britannique ont vu une seule génération de poissons. C'est ce qui permet de prévenir la transmission d'agents pathogènes à la génération suivante.

Enfin, il y a beaucoup de spécialistes de la santé du poisson dans notre personnel. Je peux aussi parler au nom des autres entreprises membre de la BC Salmon Farmers Association, où des spécialistes de la santé du poisson font des vérifications régulières et fournissent des données aux organismes de réglementation qui les vérifient également. Toutes ces entreprises ont aussi des médecins vétérinaires qui veillent à la santé de nos poissons.

Le sénateur Meredith : Monsieur Marty, voulez-vous dire quelque chose?

M. Marty : Il y a un projet sur lequel ils travaillent, ce réovirus pisciaire. Nous collaborons avec Marine Harvest Canada depuis de nombreuses années. Ils ont présenté des échantillons. Ils nous ont permis d'examiner leurs échantillons archivés depuis 2000. Dans bien des cas, ils ne savaient pas pourquoi les poissons mouraient. Personne ne savait rien du réovirus pisciaire à l'époque. Nous avons une excellente équipe de diagnostic moléculaire qui a fini par le découvrir. Tous les échantillons soumis étaient porteurs du réovirus. Quand j'ai examiné la pathologie, et il y avait un autre pathologiste qui s'y est intéressé également, on n'a trouvé aucune trace de la maladie norvégienne, la HSMI. Le réovirus pisciaire est très courant dans nos poissons, y compris les poissons sauvages. Il est moins présent en Alaska, mais nous n'avons trouvé aucune trace de la HSMI dans nos poissons.

Le président : Sénateur McInnis, comme je l'ai dit, le sujet suivant est très relié au premier, à savoir l'impact des infestations de pou de mer dans les sites d'aquaculture sur les saumons sauvages juvéniles et les solutions proposées.

Le sénateur McInnis : Quand nous sommes allés dans l'Ouest, on nous a dit que le pou de mer est un parasite externe courant à l'état naturel et qu'il ne menace pas la santé humaine. Cela dit, le saumon d'élevage peut être une source de poux de mer pour les saumons sauvages juvéniles. On sait que les aquaculteurs de la Colombie-Britannique prennent des mesures proactives à l'égard de ce parasite. Ces mesures permettent d'éviter que le pou de mer du saumon d'élevage ne menace pas le saumon sauvage juvénile en migration.

Si je peux me permettre, j'aimerais entendre Mme Hanuse, qui demandait, je crois, pourquoi on observe de l'aquaculture près des trajets de migration.

Mme Hanuse : Excusez-moi, pouvez-vous répéter la question?

Le sénateur McInnis : C'est au sujet de parcs d'élevage de saumon en filet à proximité de trajets de migration du saumon. S'il n'y en a pas, il n'y aura pas d'infection. Quoi qu'il en soit, je ne tiens pas à en faire le sujet principal. J'aimerais avoir votre avis sur le sujet numéro 2.

Mme Hanuse : Au sujet du pou de mer? Je n'ai pas d'entreprise de pêche...

Le sénateur McInnis : Ce n'est pas nécessairement vous. Je parlais de la migration.

Mme Hanuse : Désolée. La question était pour moi?

Le sénateur McInnis : Je vous reviendrai plus tard, avant la fin de la séance.

Le président : Mme Morton aimerait parler.

Mme Morton : La raison pour laquelle les saumons d'élevage se trouvent sur le trajet migratoire des saumons sauvages est qu'ils ont tous exactement les mêmes besoins.

Quant au pou de mer, ce sont les efforts énormes déployés par presque tous les groupes environnementaux de Colombie-Britannique qui ont incité les entreprises d'aquaculture à traiter leurs poissons avant la migration des saumons sauvages juvéniles. C'est ce qui a permis d'enrayer l'épidémie. Nous avons protégé le saumon rose du secteur de gestion des pêches 12 grâce à ce plan, je parle du saumon rose de l'archipel de Broughton.

Ce serait intéressant de parler à nos collègues norvégiens et aux partis politiques qui s'occupent de ce secteur d'activité là-bas. Le pou de mer est devenu résistant à tout, et on voit déjà des traitements au peroxyde d'hydrogène sans recherche préalable. Quand on soulève les bâches et qu'il se dégage du peroxyde d'hydrogène, qu'est-ce qui arrive à tous les saumons juvéniles qui se trouvent juste à l'extérieur de l'enclos, maintenant que c'est imbibé de ce médicament? Tous ces problèmes dans les parcs d'engraissement sont actuels et ils évoluent, parce que c'est la nature des agents pathogènes.

On peut régler provisoirement le problème du pou de mer. Je ne sais pas où on en est à ce sujet dans le territoire des Kitasoo/Xai'xais. Cela doit être assez grave, parce qu'ils utilisent du peroxyde d'hydrogène. Il n'y a pas d'études en cours dans ces endroits. On ne sait donc pas ce qui se passe ailleurs concernant le pou de mer.

M. Roberts : Si vous permettez, j'aimerais dire un mot, parce que c'est Marine Harvest Canada qui exploite à Klemtu. On sait que, depuis plus de 10 ans, notre personnel cherche des solutions de rechange et se dote de plus d'instruments pour régler le problème du pou de mer.

Nous avons un médicament, le benzoate d'émamectine, disponible depuis 1999 et encore utilisé avec circonspection. Mais nous cherchons d'autres moyens, et ce n'est pas comme s'il y avait urgence de faire les choses autrement. La procédure réglementaire est terminée, et Marine Harvest Canada peut maintenant l'utiliser. Je peux dire qu'il y a eu beaucoup d'études sur les effets éventuels du peroxyde d'hydrogène. Bien sûr, ce produit se transforme en eau et en oxygène après sa diffusion.

Là encore, je tiens à dire que son usage n'a pas été une décision prise à la légère. Cela fait plus de 10 ans, et on a fait beaucoup de recherches pour s'assurer que c'est à la fois efficace et sûr.

M. Proboszcz : J'ai participé à certaines activités de suivi en collaboration avec Marine Harvest Canada et le MPO il y a un certain nombre d'années. Nous avons publié un article sur certaines données recueillies par des universitaires et des ONG. Je pense que c'est de cela que parle Alex. Il semble que le secteur ait réussi à éviter le déclin du saumon rose grâce à un traitement précoce aux médicaments. Mais, comme on l'a dit, on s'inquiète de l'usage de ces médicaments. Cela marche sur les crustacés, comme les poux de mer, et cela peut avoir des effets sur la base alimentaire marine, qui est faite de crustacés. Il y a aussi le problème de la résistance. Je veux juste le signaler.

Et puis, et cela nous renvoie à Carl Sagan, c'est déjà le cas. Nous ne savons pas ce qui se passe actuellement dans les élevages et nous ne collectons pas de données sur les poux de mer parasitant les poissons sauvages dans l'archipel de Broughton. Nous devons continuer notre travail dans l'archipel. Nous devons le faire aussi sur les îles Discovery, car nous ne sommes pas sûrs de ce qui se passe là-bas, sur la côte ouest de l'île de Vancouver. Nous avons besoin de données. Nous ne pouvons pas nous contenter d'affirmer que les poux de mer ne sont plus un problème. Nous devons poursuivre nos collectes de données pour étayer ces affirmations.

M. Roberts : Je voudrais apporter une rapide clarification sur ce point. On ne cesse de parler d'une fenêtre d'opportunité. Je crois que la plupart des chercheurs sont d'accord pour considérer que cette question des poux de mer, et que ce soit un problème ou pas d'ailleurs, est bien gérée par les salmoniculteurs.

Je ne peux pas parler d'une catastrophe hypothétique, ça n'a pas eu lieu, mais je peux parler de ce graphique. Si nous remontons à l'année 2000, lorsque le saumon rose de l'archipel de Broughton a battu les records des 100 dernières années. Il n'y en a jamais eu autant. C'était avant que nous ayons une gestion effective des poux de mer. Nous produisions à peu près la même biomasse en 2000 qu'aujourd'hui, et nous avons vu un record pour le saumon rose, avec peu de gestion. Le tableau est bien plus complet quand on regarde les choses dans leur ensemble, les remontées de saumon et toutes les variables associées. Je crois que la plupart des chercheurs sont d'accord sur le fait que ce problème, s'il en est un, est bien géré par les salmoniculteurs en Colombie-Britannique.

M. Marty : Concernant le peroxyde d'hydrogène, je ne suis pas au courant d'études de terrain dans l'archipel de Broughton, mais une étude de laboratoire a été publiée en 2008, elle s'intitule Toxicity of Five Therapeutic Compounds on Juvenile Salmonids. La référence se trouve dans ma liasse de documents.

L'étude a porté sur la truite arc-en-ciel, le saumon coho et le saumon quinnat. L'une des conclusions de cette étude était que : « les petits poissons sont souvent plus tolérants que les gros. » En général, si on traite suffisamment pour lutter contre les poux de mer, le produit déversé se dilue. J'en ai parlé alors que nous travaillions sur l'agrément, avec la participation de nos représentants provinciaux; c'était le premier agrément provisoire pour ce traitement et nous avons dit que nous ne pensions pas que cela allait être un risque majeur pour les poissons sauvages.

M. Johnson : Je vais poursuivre sur ce qu'a dit Gary à propos du peroxyde d'hydrogène. S'il ne tue pas les saumons qui sont traités, saumons qui peuvent être de toutes tailles, une fois dilué il est probable qu'il n'ait pas d'effet important, voire pas d'effet du tout, sur les poissons sauvages se trouvant à proximité de la salmoniculture. Si je ne me trompe pas, n'hésitez pas à me corriger, les traitements par bains durent assez longtemps. Si les poissons survivent à cette concentration de peroxyde d'hydrogène pendant une telle durée, une fois que la concentration baisse, le risque est probablement très faible. Le produit se disperse rapidement dans l'eau de mer; il y a eu des publications sur la dispersion du peroxyde d'hydrogène dans la baie de Fundy.

Il y a aussi la résistance au médicament Slice. Je crois que l'avantage que présente la Colombie-Britannique, pour ce qui est de l'absence de résistance au Slice, tient au fait que les poissons sauvages sont porteurs de grandes quantités de poux de mer et qu'ils servent de réservoir de population, ce qui permet d'empêcher qu'une résistance ne s'installe. Ce n'est pas comme dans la baie de Fundy où il n'y a pas beaucoup de saumons sauvages, donc pas de source de poux de mer. En Colombie-Britannique, chaque année un grand nombre de poux de mer reviennent, et leurs progénitures réinfectent les saumons d'élevage, ils se reproduisent avec les poux de mer déjà présents et je crois personnellement que c'est la raison pour laquelle nous n'avons pas eu de résistance au Slice.

Mme Morton : Les saumons d'élevage ont tous des écailles. Quand ils sont introduits dans la salmoniculture, ils sont à peu près gros comme ça. Au moment où ils sont parasités par les poux de mer, ils pèsent environ cinq à sept livres. Mais les jeunes saumons kéta et les jeunes saumons roses qui quittent massivement les rivières en ce moment pèsent moins d'un demi-gramme. Ils sont grands comme ça, n'ont pas d'écailles, et leurs lamelles branchiales sont fines comme des cheveux. Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Johnson, ce sont des poissons très différents et ces dosages sont susceptibles de les affecter de plusieurs façons.

M. Johnson : Si je ne me trompe pas, le peroxyde d'hydrogène est aussi utilisé aux États-Unis pour traiter les alevins et d'autres petits poissons afin de régler les problèmes de champignons.

Mme Farlinger : À propos d'un commentaire qui a été fait il y a quelques minutes sur les demandes d'implantation de sites et les exigences d'information, le coût estimé du montage d'un dossier de demande d'implantation, et de toutes les informations qui sont requises, peut atteindre les 2 millions de dollars pour une entreprise, avant qu'elle ne soit en état de faire sa demande.

Les informations requises sont une sorte d'observation des niveaux historiques de poux de mer dans les salmonicultures existantes dans le secteur, les niveaux de poux de mer sur les poissons sauvages du secteur, la présence de divers pathogènes et maladies chez les poissons d'élevages et les poissons sauvages, la proximité des autres élevages, la proximité de rivières, un examen des données benthiques ainsi qu'un échantillonnage. J'ai dit tout à l'heure que certaines des études sur la circulation de l'eau examinent les prédictions concernant la matière organique issue de l'élevage, la distance qu'elle parcourt et la fréquence de mise en jachère nécessaire pour supprimer cet impact.

Le secteur fournit ces échantillons. Il fournit les images vidéo afin que les inspecteurs du MPO puissent évaluer la valeur des écosystèmes présents dans la zone. Par exemple, ils vérifient la présence de coraux, de gisements d'ormeaux ou de récifs d'éponges. Ce sont des éléments estimés et le MPO ne veut pas donner son accord pour l'implantation d'aquacultures à proximité.

Il y a aussi la possibilité d'interactions avec les mammifères marins et la présence d'espèces recensées par la LEP.

Donc, tandis que beaucoup d'activités se poursuivent une fois que l'aquaculture est agréée, il y a beaucoup d'échantillonnages à faire et beaucoup d'exigences à remplir avant de faire une demande d'agrément. Alors que le MPO met à jour les critères d'implantation — nous avons mené des consultations là-dessus en 2014 et nous continuerons en 2015 —, ces informations, que nous ne prenions en compte que pour la demande, sont en train d'être incorporées dans les lignes directrices présidant au choix des sites. Nous constatons donc qu'à mesure que nous avançons, que nous améliorons notre processus réglementaire et que nous obtenons plus de résultats scientifiques, les critères de demande d'implantation de site aquacole, mais aussi les critères retenus pour les exigences de conditions d'agrément après l'installation de la ferme aquacole, continuent d'évoluer.

Le président : Madame Morton, souhaitez-vous faire une remarque sur ce sujet?

Mme Morton : Non.

Le président : Nous allons passer au sénateur Meredith, qui va ouvrir le débat au sujet des lacunes de la recherche en aquaculture sur la santé des poissons.

Le sénateur Meredith : Monsieur Proboszcz, vous avez déclaré que vous ne vouliez pas que ce secteur se développe davantage. M. Roberts serait probablement en désaccord avec vous. Les débats ont été cordiaux jusqu'ici, et je ne veux pas être l'instigateur d'une dispute. Les deux premiers sujets ont été traités dans de bonnes conditions, avec des arguments pour et contre en ce qui concerne la santé des poissons.

Diriez-vous qu'il y a des lacunes identifiables dans les recherches sur la santé des poissons? Quelles sont ces lacunes, pouvez-vous les identifier?

Encore une fois, monsieur Marty, vous pouvez intervenir, ainsi que M. Roberts, du secteur aquacole.

M. Proboszcz : Je ferais d'abord référence à l'enquête Cohen qui a recensé un certain de nombre de projets de recherche consacrés spécifiquement aux pathogènes et aux poux de mer et qui observent tout simplement les effets des migrations de poissons sauvages à proximité des fermes aquacoles. Cela inclut plus généralement un grand nombre de recherches de qualité qui à mon sens doivent être menées.

Je dirais aussi que l'une des lacunes concerne la surveillance continue, donc pas de la recherche proprement dite, mais une évaluation de pathogènes spécifiques sur les poissons sauvages. Cela devrait être fait, ainsi qu'une surveillance générale sur une longue durée. C'est assez facile à étudier.

J'ai participé à ce type de recherches dans l'archipel de Broughton. On peut suivre les jeunes saumons lors de leur migration. On fait un échantillonnage avant les fermes aquacoles, pour les poux de mer ou les pathogènes, et un autre après les fermes aquacoles. On peut donc voir si les saumons ont attrapé quelque chose. C'est assez simple à faire et je pense que cela devrait être généralisé dans toute la Colombie-Britannique.

Je dirais aussi que, lorsqu'on élabore des critères d'implantation pour les fermes aquacoles, il faut que ces critères soient basés sur des faits scientifiques prenant en compte toutes les migrations de saumons sauvages en Colombie- Britannique, pas uniquement le saumon rouge, mais aussi le saumon rose, le saumon kéta, le saumon quinnat, et les autres.

Je dirais aussi que ces recherches doivent être menées en toute indépendance du gouvernement. Je citerai simplement une remarque de l'enquête Cohen :

Aussi longtemps que le MPO aura pour mandat de promouvoir la salmoniculture, il y aura un risque de le voir agir d'une manière qui favorise les intérêts du secteur de la salmoniculture au détriment de la santé des populations de poissons sauvages.

Le juge Cohen a donc recommandé que le gouvernement du Canada retire au ministère des Pêches et des Océans le mandat de promouvoir la salmoniculture en tant que secteur industriel et le saumon d'élevage en tant que produit.

Je pense qu'il est très important qu'il y ait une certaine indépendance par rapport au MPO et au secteur pour la mise en œuvre de ces travaux de recherche, parce que cela concerne le saumon qui appartient à tous les Canadiens. Il faut protéger ce patrimoine.

Le sénateur Meredith : Monsieur Proboszcz, suggérez-vous de créer un organisme indépendant, avec toute sa bureaucratie et ainsi de suite, soit une instance qui superviserait la recherche et qui mettrait en place davantage de restrictions pour le secteur de l'aquaculture? Est-ce cela que vous proposez?

M. Proboszcz : Non. Je dis que, lorsqu'on mène ce genre de recherches et effectue ce genre de suivi, il faut une certaine indépendance.

Le sénateur Meredith : Qui contrôlerait?

M. Proboszcz : J'en reviens à l'exemple que je vous ai donné plus tôt, celui de la Fondation du saumon du Pacifique qui mène un projet de recherche très complet sur certaines des recommandations de Cohen en partenariat avec Genome BC. Cela serait un très bon modèle. Le MPO est impliqué, mais il y a aussi une certaine indépendance. Voilà ce que je propose.

M. Roberts : Lorsque le juge Cohen a rédigé son rapport final, nous avons rapidement lu les 1 200 pages, et je crois que, dans les deux jours, les salmoniculteurs de Colombie-Britannique ont publiquement déclaré qu'ils étaient d'accord avec ses conclusions et ses recommandations. Une grande partie de ce qu'a dit Stan aujourd'hui est en accord avec cela.

Je me dois de citer le juge Cohen pour étayer mon argument. Il a dit ceci en ce qui concerne les principaux facteurs :

Je suis également convaincu que les conditions marines qui régnaient en 2007, tant dans le détroit de Georgia que dans le bassin de la Reine-Charlotte, ont sans doute été les principaux facteurs expliquant les faibles montaisons de 2009.

Il a poursuivi, à propos de la salmoniculture, en disant que les données présentées au cours de l'enquête n'avaient pas montré que les salmonicultures avaient un impact négatif marqué sur les saumons rouges du Fraser, mais qu'il faudrait encore 10 années de données réglementaires « avant qu'on ne puisse établir avec plus de certitude les relations qui pourraient exister. »

Il était satisfait des 10 années de données dont il disposait. En fait il a été élogieux à propos de la quantité de données qu'il a eues à sa disposition sur la salmoniculture en Colombie-Britannique et a demandé à ce que cela se poursuive sur les 10 prochaines années, ce sur quoi nous étions d'accord. Nous étions aussi d'accord avec sa conclusion, soit qu'il manquait de données sur le saumon sauvage. C'est pourquoi Marine Harvest fait partie des projets dont vous avez entendu parler ce soir autour de Genome BC, mais aussi des recherches avec la Fondation du saumon du Pacifique, pour que nous puissions avoir une meilleure compréhension du saumon en Colombie-Britannique. Nous soutenons cela.

Mme Morton : Je voudrais que nous revenions sur le problème des saumons rouges du Fraser qui meurent dans les rivières. Cela s'appelle la mortalité avant le frai. Il en mourrait tellement dans les rivières qu'on a dû réduire les pêches commerciales. Bien que le nombre de poissons devant revenir fût connu, il a fallu commencer à prendre en compte ceux qui allaient mourir dans les rivières. Personne n'a compris ce qui se passait jusqu'à ce qu'on demande l'avis de Christie Miller. Elle exerce dans un domaine scientifique que personne parmi nous ne connaît. Cela s'appelle le profilage génomique. C'est un outil très puissant qui permet de lire le système immunitaire. Elle a été la première à découvrir que tous les saumons rouges qui mourraient avaient une réaction immunitaire différente de ceux qui survivaient. Je ne suis pas qualifiée pour me prononcer sur ces résultats, mais le MPO ne lui permet pas de se rendre aux réunions. Les médias ont pas mal parlé de cela. Il y a eu des échanges de courriers électroniques en interne à ce sujet. Voilà le genre de choses.

Quand M. Johnson parle de la survie des jeunes saumons rouges lors de leur traversée du détroit de Géorgie, il n'évoque pas l'étude ultérieure, qui a consisté à équiper les saumons rouges d'émetteurs radio et à les suivre dans leur descente du fleuve Fraser. Il y a une mystérieuse baisse des effectifs après qu'ils aient passé la première série de salmonicultures.

S'agissant de l'augmentation du taux de survie des saumons rouges du Fraser ces dernières années, Marine Harvest a annoncé une réduction du nombre de fermes dans les îles Discovery. Je fais des études pour savoir quelles fermes aquacoles étaient pleines, et elles sont bien moins pleines qu'elles ne l'ont déjà été.

En ce qui concerne le virus de la leucémie du saumon, je sais que c'est un sujet très sensible, mais le MPO l'a soulevé. Le MPO a publié une dizaine d'articles depuis les années 1990 dans une revue nommée Cancer Research. Ce virus a pratiquement balayé les élevages de saumon quinnat et les éleveurs sont passés au saumon atlantique. Mais quelques élevages de saumon quinnat ont été maintenus; M. Marty travaillait dessus et il dit dans son rapport que les symptômes enregistrés correspondent à un diagnostic de leucémie plasmacytoïde. Je ne peux pas non plus juger du travail de M. Marty, mais il a vu des symptômes qui, selon lui, étaient ceux de la leucémie plasmacytoïde.

Quand Mme Miller a commencé son travail, tous ces élevages de saumons quinnat ont disparu. Toutes les aquacultures de saumon quinnat qui avaient connu des cas de leucémie plasmacytoïde ont été retirées des îles Discovery, les premiers saumons rouges à être partis en mer après la fermeture de ces élevages, qui avaient été touchés par la maladie, ont fait leur migration en 2008 et sont revenus en 2010. Mme Miller n'a pas trouvé dans leur système immunitaire la signature associée à la mortalité.

Ce travail est véritablement extraordinaire. On ne voit pas souvent ce genre de signaux dans le monde biologique, et le MPO a caché ces résultats. Le budget a été annulé. Les recherches ont été annulées. C'est ce qu'elle a déclaré.

La durée de cette réunion ne me permet pas de développer, mais il y a des parcs d'engraissement. On ne laisse pas entrer d'oiseaux sauvages dans les parcs d'engraissement, ni de cervidés sauvages. Ce sont des règles de base en épidémiologie. Nous ne devrions pas en faire fi dans le cas des salmonicultures, car c'est la même chose. Les paramètres biologiques sont identiques.

Le président : Monsieur Marty, votre nom a été cité, je vous donne donc la parole.

M. Marty : Au sujet de la leucémie plasmacytoïde et de mes rapports qui font la preuve de sa présence, je ferai une analogie. Disons que j'aie un cadenas à code et qu'il faille quatre chiffres pour l'ouvrir. Je vous donne un des chiffres, mais pas les trois autres. Pourriez-vous ouvrir le cadenas? Non.

La leucémie plasmacytoïde, ou leucémie du saumon, se diagnostique par quatre critères différents, vous trouverez ça dans les articles qu'Alexandra cite dans ses écrits et qui sont la base de la description de la maladie. En réalité deux suffisent. Il y a cette chose que j'ai vue dans le rein. Je me suis dit : « Eh bien, voilà un signe. C'est bon, ça en fait un. » Mais c'est une leucémie. C'est un cancer. Il faut le trouver aussi dans un autre organe. Pour mon dossier, j'ai regardé les autres organes et je n'ai jamais rien trouvé. Si vous ne trouvez rien dans les autres organes, c'est la preuve qu'il ne s'agit pas de la maladie.

Voilà un bon exemple de quelqu'un qui n'est pas expert et qui utilise des données pour essayer de vous convaincre de la présence de la maladie, alors qu'un expert utilisera les mêmes données pour vous prouver son absence. En réalité, les résultats que cite Alexandra sont la preuve que les saumons n'avaient pas la leucémie plasmacytoïde parce qu'ils ne présentaient pas les quatre symptômes permettant de confirmer le diagnostic.

Par ailleurs, il y avait une salmoniculture, Yellow Island, qui a produit du saumon le long de la rivière Campbell au cours de ces 10 dernières années, uniquement du saumon quinnat, je crois, en tout cas uniquement du saumon du Pacifique. Elle est toujours en fonctionnement. L'essentiel du saumon quinnat, et Ian peut en témoigner pour son propre élevage, a été remplacé, je crois, par du saumon de l'Atlantique. Si c'est vrai, alors, Alexandra serait en train de dire que l'élevage du saumon de l'Atlantique est bon pour le saumon rouge. Mais je ne crois pas que c'est ce qu'elle ait voulu dire.

M. Johnson : Permettez-moi de faire quelques observations. La première concerne l'équipe de scientifiques qui travaillent avec moi. Toutes les personnes qui composent cette équipe sont des experts de la santé piscicole de réputation internationale en tant que spécialistes des maladies de la faune aquatique. La plupart enseignent au niveau universitaire et appartiennent à un éventail de comités d'envergure internationale, et plusieurs ont des responsabilités rédactionnelles dans des revues spécialisées en matière d'examen collégial, toujours dans le domaine de la santé de la faune aquatique. Je dirais donc que leur niveau est tout de même plus qu'honorable.

Par ailleurs, on ne m'a jamais enjoint de m'abstenir de faire rapport sur tel ou tel sujet. Cela fait longtemps que je n'appartiens plus au MPO, mais je m'inquiète d'entendre certaines personnes dire que notre production scientifique n'est pas fondée sur les faits, car elle l'est bel et bien.

Je poursuis mes observations. S'agissant du profil génomique, je confirme que Mme Miller fait du profil génomique, ainsi que plusieurs autres membres de notre personnel, dans la région Pacifique, mais aussi dans d'autres régions. À titre d'exemple, Simon Jones travaille depuis un certain temps avec Ben Koop au projet de l'Université de Victoria financé par Genome BC afin d'étudier les effets du pou du poisson et la manière dont réagit l'appareil génétique des différentes espèces de saumon quinnat à ce parasite.

Par ailleurs, j'ai récemment achevé un projet en collaboration avec M. Matt Rise, qui occupe la chaire canadienne de recherche à l'Université Memorial, et avec M. Kyle Garver, l'un des virologues de notre groupe. Pour ce faire, nous avons utilisé la séquence d'ARN afin de fixer le profil de la réponse du saumon rouge au réovirus pisciaire. Mme Miller n'est donc pas la seule membre du service à effectuer ce genre de travaux.

J'ai également appris que — et je précise qu'il s'agit d'une conversation que j'ai eue moi-même avec elle —, s'agissant de l'état des connaissances concernant la relation de cause à effet dans la mortalité liée à la signature du génome, on a découvert des indices probants de réponse analogue à la leucémie; cependant, à ce jour, le lien n'a pas été établi avec une maladie provoquée par cet agent pathogène. Il en va de même pour le parvovirus et la SRM. On a eu beaucoup de mal à établir la corrélation entre la présence de ces agents pathogènes et les profils qu'elle a observés. Je sais qu'elle continue d'y travailler d'arrache-pied, et j'ai eu l'impression qu'elle pourrait réussir un jour dans son entreprise.

M. Roberts : Permettez-moi deux commentaires et une précision. Tout d'abord, comme l'a dit Gary, Mme Morton a mentionné que l'on avait ouvert, puis fermé des élevages de saumon du Pacifique dans la région, ce qui a créé une remontée record de saumons rouges. Je voudrais replacer les chiffres dans leur contexte et dire qu'il y avait deux élevages de saumon du Pacifique dans le secteur : l'un a fermé ses portes, mais l'autre existe toujours. Comme l'a dit Gary, cette exploitation subsiste, si bien que l'hypothèse en question s'en trouve tout simplement démentie.

En deuxième lieu, Marine Harvest n'a pas reconstitué le stock d'un si grand nombre d'élevages au cours d'une année, et le phénomène s'explique par les fluctuations de rendement. J'ai d'ailleurs répondu à l'assertion de Mme Morton sur ce sujet dans un article que j'ai publié et que je me ferai un plaisir de communiquer ultérieurement au comité pour que ses membres puissent en prendre connaissance. J'ai établi un graphique rapprochant le nombre d'exploitations piscicoles au cours des six ou sept dernières années et le retour de la population de saumon du Fraser : il n'y a tout simplement aucune corrélation.

Depuis 2007, nous avons enregistré avec le plus grand soin le nombre d'exploitations piscicoles en activité, ne fut-ce que pendant une seule journée, durant cette période de l'exode printanier. On trouve cela, carte à l'appui, dans le document de référence que je vous ai remis. J'ai inclus ces données en même temps que le nombre de saumons du Fraser faisant retour dans la région, et il n'existe absolument aucun lien. L'information est donc totalement fausse.

Mme Morton : Pour revenir à ce qui est arrivé à Mme Miller lorsqu'elle a fait cette découverte, je dirai qu'elle a publié l'article dans le Journal of Science, qui est l'une des publications scientifiques les plus prestigieuses à l'échelle mondiale. Si vous avez vu mon documentaire intitulé Salmon Confidential, que l'on trouve en ligne, vous y entendrez Mark Hume du Globe and Mail déclarer qu'il n'avait pas réussi à la contacter, car on ne l'avait pas autorisé à lui téléphoner. Il semble que des centaines de journalistes aient souhaité s'entretenir avec elle, étant donné qu'elle disait dans son article que les poissons ayant cette signature dans leur système immunitaire ne survivaient pas. C'était donc la première fois que l'on identifiait un élément expliquant pourquoi le stock de saumons le plus important au monde était en voie de disparition. Or, le MPO ne l'autorisait pas à en parler aux médias.

Je ne veux pas débattre de la valeur scientifique de sa découverte, car je ne suis pas profileur génomique. Cependant, j'ai consulté Ian Roberts à propos des élevages de saumon du Pacifique et j'ai lu le rapport établi par l'industrie salmonicole. On y dit qu'il n'y avait pas d'élevages du saumon en exploitation après 2008. S'il y en avait d'autres hormis la petite exploitation de Yellow Island, alors qu'on me dise où elles se trouvent, parce que j'ai, pour ma part, consulté les rapports présentés par l'industrie.

La sénatrice Raine : Je m'apprête à poser une question qui a déjà été posée, mais la chose m'intrigue. Nous nous penchons sur les modalités de régulation de l'aquaculture afin de préserver et de protéger le saumon sauvage. Tel est, dirais-je, notre objectif. Nous cherchons les meilleures façons de laisser opérer l'aquaculture et de l'encourager, dans la mesure où elle opère de façon cohérente et absolument durable. Or, nous nous trouvons pris dans un débat entre scientifiques qui s'accusent mutuellement d'avoir fait telle ou telle déclaration. Nous ne sommes pas des scientifiques, mais nous recevons un énorme volume d'informations provenant de scientifiques et nous sommes assistés par un groupe d'analystes compétents.

On s'entend à dire que le poisson est une excellente source de nutrition. Par conséquent, si nous pouvons l'élever de façon durable et écologique pour alimenter la population mondiale, il me semble parfaitement justifié de rechercher les façons de le faire, dans le respect de l'environnement.

Notre étude est loin d'être terminée, certes, mais nous avons noté un certain nombre de choses. Par exemple, s'agissant du choix du site d'un élevage de saumon, il semble que les gens qui habitent le secteur en sachent beaucoup plus long que les scientifiques avec leur modélisation. Je crois que les premières personnes à consulter, ce sont les communautés des Premières Nations qui habitent dans le voisinage. Il faut absolument recueillir, dans toute la mesure du possible, leur avis sur la viabilité et sur la localisation des sites piscicoles, car en les consultant on se donne les meilleures chances de choisir des sites adéquats.

J'aimerais entendre le point de vue de la chef Hanuse sur la question. Vous dites qu'il n'y a pas actuellement de consultations, mais je crois savoir que cela se faisait dans le passé, et qu'on l'envisage pour l'avenir.

Mme Hanuse : Je ne dirais pas qu'il n'y a pas de consultations, mais qu'elles ne vont pas assez loin. Certains membres de ma communauté sont pêcheurs, et ils connaissent à fond le secteur. Pour ma part, ce n'est pas mon métier et je n'ai pas pu répondre à votre observation concernant les informations sur le choix du site. Il y a sans aucun doute dans ma communauté des gens qui connaissent dans le moindre détail les eaux environnantes et les îles du secteur. Je ne doute pas qu'ils aient beaucoup d'informations à communiquer en matière de critères de choix de site, de même que sur les flux de bancs de poissons, par exemple les voies de migration. Je suis très favorable à ces consultations et nous aimerions beaucoup coopérer.

Je répète toutefois qu'il faut un financement public pour amorcer ce dialogue et ces consultations, de même que pour réunir toutes ces informations. Rien ne pourra se faire sans un certain financement, et c'est à prendre en considération pour l'établissement des modèles.

J'aimerais apporter une précision à mon ami, M. Ian Roberts. Nous vous avons soumis une documentation, laquelle comprend du matériel promotionnel dans lequel nous disons que nos produits ne contiennent pas d'hormones. Je voudrais souligner que la question nous avait été posée par l'équipe chargée de notre campagne de commercialisation, car on sait bien que les consommateurs veulent savoir si un produit contient des hormones. Nous ne voulions pas laisser entendre, pour autant, que l'industrie des parcs en filet utilise des hormones, mais tout simplement que nous, nous ne les employons pas. Je tenais à apporter cette précision.

La sénatrice Raine : En effet, une bonne partie du débat entourant l'aquaculture est sans aucun doute centrée sur la commercialisation des produits de la mer provenant de l'Alaska et de la pêche du poisson sauvage.

Monsieur Roberts, s'agissant du choix d'un site, à qui vous adressez-vous en premier? Est-ce que vous consultez en priorité les Premières Nations?

M. Roberts : En effet, c'est ce que nous faisons et je vais vous en donner un exemple. En 2010, nous avons rencontré le chef d'une bande fixée à proximité de Port Hardy. Il voulait savoir s'il serait possible d'implanter la pisciculture dans sa communauté afin d'en diversifier l'économie et d'inciter ses membres à revenir de Vancouver et des autres régions de la Colombie-Britannique vers leur communauté d'origine. Au cours des quatre dernières années, nous avons discuté du potentiel que pourraient offrir de tels sites, et, en juin dernier, nous avons organisé une initiative de portes ouvertes pour que la communauté locale puisse se prononcer sur les projets envisagés.

D'ailleurs, nous avons eu une expérience analogue avec Kitasoo/Xai'Xais, et nous avons avec eux un accord en vigueur depuis 1998. Nous avions été invités à une séance de pourparlers pour déterminer si la culture du saumon serait viable dans le secteur. Eh bien, aujourd'hui, nous en produisons 6 000 tonnes et nous avons passé avec les Premières Nations riveraines 11 accords officiels à long terme régissant l'exploitation sur leur territoire.

Vous avez parfaitement raison : c'est aux populations locales que nous nous adressons pour en apprendre davantage sur la région et décider si nous pouvons coopérer. Comme l'a dit le chef Wallace à Tlatlasikwala, il s'agit de ramener vers le village une population initialement nombreuse, mais qui s'est dispersée.

Mme Hanuse : Il importe d'établir une distinction entre les Premières Nations qui pourraient être intéressées par l'implantation de l'aquaculture sur leur territoire, et celles qui ne le souhaitent pas. Lorsque la nation est intéressée, les choses marchent bien, mais lorsqu'elle ne l'est pas, c'est une autre paire de manches. Il faut aussi faire la distinction entre les consultations publiques qui réunissent toutes les parties concernées au sein de la communauté, et le devoir légal de consultation qui incombe à la Couronne. Souvent, la ligne de démarcation reste floue.

Lorsqu'il y a consultation publique, toutes les parties prenantes se réunissent, expriment leurs préoccupations et proposent des solutions. Le devoir légal de consultation est une démarche légèrement différente, car la Couronne est légalement obligée de venir procéder à des consultations, et c'est là qu'il y a peut-être quelques carences.

C'est un domaine du droit en évolution constante, et nous avons beaucoup de mal à satisfaire aux normes que nous imposent les tribunaux. Cependant, nous devons y parvenir en raison de la protection constitutionnelle de l'article 35.

Je dirais qu'il faut parvenir à une meilleure participation et à une meilleure application de la part des Premières Nations, dès la première étape d'élaboration d'un cadre réglementaire ou d'un faisceau de politiques visant à consulter les Premières Nations.

Nous ne voulons pas nous opposer indéfiniment à l'aquaculture, mais nous avons des inquiétudes à propos des connaissances scientifiques actuelles. Si vous nous offrez une tribune au sein de laquelle nous pourrons établir un dialogue constructif tout en ayant la garantie que nos préoccupations concernant les aspects scientifiques seront prises en compte et qu'il n'y a pas de risque pour le saumon sauvage, alors nous pourrons tous avancer ensemble. Mais nous n'en sommes pas là.

Tout ce que nous demandons, c'est que l'on mette sur pied un forum de dialogue constructif et que l'on veille à ce que la Couronne s'acquitte honorablement de ses obligations.

Telles sont mes réflexions et mes suggestions quant aux défis auxquels nous sommes confrontés.

Mme Morton : Je comprends le point de vue de la sénatrice Raine, mais je m'inquiète des nations riveraines du fleuve Fraser. En effet, leurs saumons doivent traverser d'énormes quantités de matières fécales qui proviennent des exploitations piscicoles. Or, ces nations riveraines n'ont pas été consultées.

Je voudrais également vous exhorter à consulter les responsables politiques de la Norvège, car ils proposent d'éliminer le coût des permis d'exploitation — ce qui correspond à environ 1 million de dollars canadiens — lorsqu'on propose d'établir une exploitation piscicole sur la terre ferme. Cela s'explique par les protestations incessantes que provoque la pisciculture dans ce pays.

Et je pose la question de Dzawada'enuxw, originaire d'une Première Nation et qui a dit « non » à la ferme piscicole que possède aujourd'hui Mitsubishi à l'embouchure de Kingcome Inlet; je rappelle que cette ferme piscicole a triplé sa superficie dans une petite baie dont la surface est de 1 000 mètres par 750 mètres. Ils ont dit « non », mais sans résultat.

Je sais que les Kwikwasut'inuxw, au sein desquels j'ai été adopté, ont dit « non »; mais il y a tout de même 27 terrains d'élevage implantés sur leur territoire.

Comme l'a dit la chef Hanuse, lorsqu'un village est d'accord, il obtient ce qu'il souhaite; mais ceux qui s'opposent n'ont pas nécessairement gain de cause; les nations riveraines du fleuve Fraser, par exemple, sont laissées complètement à l'écart de cette transaction.

Le sénateur McInnis : Peut-être que c'est là une bonne charnière de conclusion. Comme l'a dit la sénatrice Raine, nous allons rédiger un rapport, et nous savons que l'industrie de l'aquaculture doit affronter un grand nombre de difficultés, dont l'anémie infectieuse du saumon, peut-être pas sur la côte du Pacifique, mais sans aucun doute dans la région Atlantique; et puis il y a les conséquences du pou du poisson, résultant de l'aquaculture et qui affecte l'écosystème, ainsi que le traitement pour l'anémie infectieuse du saumon et le traitement pour le pou du poisson, sans oublier les conditions adéquates pour les choix de sites, tels que la profondeur, les courants et les voies migratoires.

Notre comité a visité un grand nombre d'établissements de recherche, que ce soit à Terre-Neuve, à l'Île-du-Prince- Édouard, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse ou en Colombie-Britannique. Nous avons examiné toutes sortes d'études et de travaux indépendants entrepris par le secteur, mais aussi par les chercheurs et les experts, sans omettre bien sûr les autorités fédérales et provinciales.

Comme l'a dit M. Proboszcz, il me semble que toutes ces études prêtent quelque peu à contestation. Quant à moi, j'ai l'impression qu'elles sont entreprises de façon isolée; or, il me semble que l'on répondrait bien mieux aux intérêts du public, tout comme de l'industrie elle-même, en regroupant nos compétences et en agissant collectivement.

J'ai déjà évoqué cette option dans le passé et je vois deux possibilités pour vous : soit créer un centre d'excellence, soit laisser faire la concurrence. Il arrive parfois que la concurrence selon le modèle conservateur modéré ait d'excellents résultats; si on confie la production à des entreprises, il ne fait pas de doute qu'elles y parviendront. Cependant, nous sommes trop fragmentés.

Monsieur Marty, vous avez parlé des lacunes dans les connaissances. Comment nous y prendre pour édifier un consensus? Comment nous y prendre pour avancer? Si nous ne saisissons pas l'occasion de faire quelque chose de concret, nous allons nous retrouver exactement dans la même situation d'ici 5 ou 10 ans.

Des recherches exceptionnelles ont été accomplies. Lorsque nous nous sommes rendus à St. John's, Terre-Neuve, à l'Université Memorial, j'ai pu observer des recherches d'un calibre exceptionnel. S'agissant du pou du poisson, je me suis rendu à St. Andrews au Nouveau-Brunswick : là, ils travaillent sur un procédé d'élimination du pou du poisson au moyen de l'eau douce. Les travaux se poursuivent au collège vétérinaire de l'Île-du-Prince-Édouard, à Campbell River, et un peu partout.

Notre pays est immense. Comment pouvons-nous réussir à constituer un groupement d'organismes capables de travailler collectivement sur ces questions?

Le président : Qui souhaite répondre à cette question?

M. Johnson : Je participe, pour ma part, à un grand nombre de projets de recherche différents dans l'ensemble du Canada. En effet, il existe de nombreuses équipes qui travaillent sur le pou du poisson, mais j'ajoute que la plupart des chercheurs savent très bien ce qui se fait, dans ce domaine, dans les autres régions du pays. Comme vous l'avez dit, nous sommes un pays immense, mais nos équipes sont très réduites, de même que nos ressources, alors on ne peut pas toujours tout faire.

J'ajoute que nous œuvrons au sein d'une communauté internationale qui offre un cadre plus large. Ainsi, en Colombie-Britannique, nous coopérons de façon très efficace avec les organismes américains qui s'occupent des maladies virales, de même qu'avec des chercheurs universitaires américains et les personnes concernées en Alaska. Nous ne sommes donc pas totalement coupés du reste du monde scientifique.

Là où le bât blesse, c'est dans notre capacité de communication, notamment avec les personnes qui ne disposent pas nécessairement d'un bagage scientifique. Je dois reconnaître que je suis moi-même assez médiocre en la matière. Selon moi, si nous réussissions à mieux faire connaître tout ce qui se fait au Canada, les gens seraient très impressionnés.

Je voudrais également dire que les activités d'évaluation des risques déployées par le ministère contribueront, au moins en Colombie-Britannique, à réunir et à intégrer une grande partie des connaissances acquises en matière de pathologie et de risque de maladies ou de migration du saumon. C'est là un de nos objectifs. Les activités d'évaluation des risques permettront de réunir toutes ces connaissances, d'y intégrer les travaux publiés antérieurement et d'en rendre l'examen possible sous une même rubrique. Cela représente un travail considérable, car ces travaux sont le fruit d'un grand nombre d'années de travail, et ils ne sont pas toujours accessibles au non-initié; par exemple, certaines recherches ont été publiées dans la documentation parallèle provenant de l'Alaska ou d'ailleurs.

Autre sujet qu'il faut aborder : celui des priorités en matière de recherche. Nous disons vouloir une communauté de chercheurs de qualité et bien organisés. Mais comment allons-nous fixer nos priorités en matière de recherche? Durant l'enquête du juge Cohen, on a appris que le déclin du saumon rouge était dû à la nécrose hématopoïétique infectieuse (NHI) qui sévit dans les fermes piscicoles; or, la NHI n'a pas été évoquée aujourd'hui.

Nous travaillons, quant à nous, sur la NHI du saumon rouge et je ne dis pas que ce ne soit pas une bonne chose, car il s'agit d'une maladie endémique chez le poisson; mais voilà que nous entendons à nouveau parler de l'anémie infectieuse du saumon (AIS), alors que, dans mon service, nous n'avons rien constaté de ce côté-là.

Je crois que nous avons tendance à réagir aussi rapidement que possible aux problèmes, mais au fur et à mesure qu'ils surgissent. Cependant, notre communauté de chercheurs demeure réduite, et presque toutes les équipes disponibles au Canada s'efforcent d'y répondre en même temps.

Je crois que je vais m'en tenir là.

Le président : Je vous remercie.

Il nous reste à peine deux minutes. Monsieur Marty, souhaitez-vous ajouter quelque chose? Vous serez peut-être le dernier... à moins que votre déclaration ne suscite une nouvelle controverse.

M. Marty : Nous pourrions peut-être nous inspirer de l'excellent modèle adopté par l'État de l'Alaska, où le climat est très analogue. En général, les gens évitent d'aller sur le terrain en plein mois de janvier. Mais il y a là une équipe qui organise chaque année, pendant la troisième semaine du mois de janvier, le Symposium scientifique maritime de l'Alaska. Toutes les équipes y participent lorsqu'elles travaillent sur un projet bénéficiant d'un financement. Il faut donc réunir l'argent permettant d'aller présenter, chaque année au mois de janvier, son rapport de recherche au Symposium scientifique maritime de l'Alaska.

Les responsables de cette initiative savent bien que certains scientifiques excellent à communiquer le résultat de leurs recherches au grand public, mais que d'autres y sont moins aptes. C'est pourquoi ils organisent une demi-journée durant laquelle les scientifiques qui ont un talent pour la communication présentent au public une synthèse des travaux en cours. On fait venir pour l'occasion quelqu'un qui joue du piano tandis que sont projetées de très belles photos de l'Alaska. Nous pourrions peut-être nous inspirer de cet exemple au Canada.

Nous pourrions, par exemple, organiser cette manifestation en alternance avec Ottawa et Montréal. Ce serait l'occasion d'inviter le public, notamment les enfants, à assister à cette demi-journée de présentation plus générale des travaux, tandis que le reste du symposium serait consacré à des consultations plus techniques entre scientifiques. Si les autorités gouvernementales acceptent de financer cela, il faudrait alors que vous couvriez les frais de déplacement des chercheurs. Il y a toutes sortes de modalités possibles, mais je crois que ce serait une façon d'élargir la diffusion des résultats auprès du public, tout en regroupant les scientifiques.

Le président : Il nous reste une minute et j'ai trois demandes de parole. Il va me falloir clôturer la séance. Je dois dire que nous avons eu une discussion de qualité qui nous a permis d'apprendre des choses précieuses.

Je demanderai à nos témoins, s'ils jugent utile d'ajouter des éléments à nos discussions d'aujourd'hui, de bien vouloir nous les adresser par écrit afin que nous puissions les intégrer à nos propres délibérations portant sur le rapport. Je n'ai pas le temps de donner la parole à tout le monde et je ne veux pas être injuste en ne la donnant qu'à une seule personne.

Merci pour le temps que vous nous avez consacré ce soir. La discussion a été riche et les opinions exprimées très variées. Voilà qui nous donne à nous, membres du comité, ample matière à réflexion alors que nous poursuivrons notre étude. Merci d'avoir été des nôtres ce soir.

(La séance est levée.)


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