Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 21 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 31 mars 2015
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 17 h 9, pour étudier la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada. (sujets : créer une loi fédérale sur l'aquaculture OU modifier la Loi sur les pêches : le pour et le contre; définir l'« aquaculture » : une activité de pêche ou d'élevage?; les processus actuels d'examen fédéraux et provinciaux : les progrès réalisés; et le mot de la fin).
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je m'appelle Fabian Manning. Je représente Terre-Neuve-et-Labrador. Je suis heureux de présider le comité.
Avant de donner la parole aux témoins, j'invite les membres du comité à se présenter.
Le sénateur Meredith : Sénateur Meredith, de l'Ontario.
La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur McInnis : Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Poirier : Sénatrice Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Wells : Sénateur David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le président : Le comité poursuit son étude spéciale sur la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada. Nous sommes ravis d'accueillir ce soir un grand groupe de témoins pour discuter avec nous. Avant de poursuivre, j'aimerais demander aux témoins de bien vouloir se présenter.
Ruth Salmon, directrice générale, Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture : Ruth Salmon, de l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture.
Pamela Parker, membre, conseil d'administration et comité des relations gouvernementales, Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture : Pamela Parker, de l'Atlantic Canada Fish Farmers Association et de l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture.
Terry Ennis, président, conseil d'administration, Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture : Je m'appelle Terry Ennis; je suis président et chef de la direction d'Atlantic Aqua Farms, à l'Île-du-Prince-Édouard.
Kevin Stringer, sous-ministre adjoint principal, Gestion des écosystèmes et des pêches, Pêches et Océans Canada : Kevin Stringer, sous-ministre adjoint principal au ministère des Pêches et des Océans.
Eric Gilbert, directeur général, Gestion de l'aquaculture, Gestion des écosystèmes et des pêches, Pêches et Océans Canada : Je m'appelle Eric Gilbert; je suis directeur général de Gestion des écosystèmes et des pêches au MPO.
Jay Parsons, directeur, Sciences de l'aquaculture, Gestion des écosystèmes et des pêches, Pêches et Océans Canada : Je m'appelle Jay Parsons; je suis directeur de la Direction générale des sciences de l'aquaculture, de la biotechnologie et de la santé des animaux aquatiques au MPO.
Le président : Merci beaucoup. Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier de prendre le temps de venir témoigner devant notre comité ce soir. Nous espérons avoir des échanges avec les sénateurs, et nous essayerons d'avoir le plus de discussions possible. Je sais que nous avons des déclarations, mais nous avons prévu, après les déclarations, d'essayer de traiter de quatre sujets ce soir, si c'est possible. Nous imposerons un temps limite pour chaque sujet. Je tiens à m'assurer que tout le monde en est au courant.
Premièrement, nous discuterons de la création d'une loi fédérale sur l'aquaculture ou de la modification de la Loi sur les pêches, ainsi que le pour et le contre. Deuxièmement, nous essaierons de déterminer si l'aquaculture est une activité de pêche ou d'élevage. Troisièmement, nous traiterons des processus actuels d'examen fédéraux et provinciaux et des progrès réalisés jusqu'à présent. Quatrièmement, nous aurons peut-être le temps de faire un résumé à la fin.
Je tiens à informer les sénateurs qu'après la séance publique nous poursuivrons nos travaux à huis clos durant quelques instants. Ne prenez donc pas la poudre d'escampette à la fin de la séance.
Je crois comprendre que vous avez des déclarations. Monsieur Ennis, allez-y en premier.
M. Ennis : Merci, sénateur. Je m'appelle Terry Ennis; je suis président et chef de la direction d'Atlantic Aqua Farms, une entreprise d'élevage de moules de l'Île-du-Prince-Édouard. Notre entreprise est la plus grande productrice de moules en Amérique du Nord. Nous produisons et transformons des moules fraîches et congelées sous la marque de commerce Canadian Cove. Je suis également président de l'AICA.
Tout d'abord, je tiens à préciser que dans mon industrie je suis un éleveur. Nos activités incluent l'ensemencement, l'alevinage, la protection et la récolte de nos animaux, qui nous appartiennent, soit dit en passant. Il s'agit de notre propriété ou de nos marchandises, pour le dire ainsi. Nous faisons toutes les activités qui sont normalement associées à une exploitation agricole. La différence est que nos activités sont aquatiques, tandis que les agriculteurs le font sur terre. À l'instar des agriculteurs terrestres, nous protégeons l'environnement dans lequel nous travaillons. Les agriculteurs ont tout intérêt à veiller à la santé et à la productivité de leurs terres, et c'est également notre cas en ce qui concerne nos eaux.
Il est fort probable que les moules que vous avez achetées à l'épicerie ou commandées au restaurant ont été élevées à l'Île-du-Prince-Édouard ou à Terre-Neuve-et-Labrador. Au Canada, nous offrons un produit que nous considérons comme le meilleur au monde, et le marché le confirme. Nous n'arrivons pas à en produire suffisamment pour satisfaire à la demande.
Notre industrie est réglementée par une Loi sur les pêches de 150 ans dont les auteurs n'avaient jamais même envisagé l'aquaculture au moment de la rédiger. Le terme « aquaculture » ne se trouve même pas dans la Loi sur les pêches. Par conséquent, la loi ne tient pas compte de notre importante industrie agroalimentaire légitime et agit comme si elle n'existait pas. En tant que propriétaire d'une entreprise qui procure des emplois bien rémunérés toute l'année à des Canadiens, qui fournit des aliments sains et nutritifs aux Canadiens et qui exporte ses produits très populaires aux États-Unis et ailleurs dans le monde, je trouve cette situation très frustrante.
Depuis plus de 30 ans, notre industrie demande la création d'une loi sur l'aquaculture. Beaucoup d'études indépendantes et de commissions et de comités gouvernementaux ont recommandé la création d'une telle loi. Même si je vous remercie de l'occasion de venir témoigner devant votre comité pour discuter avec vous aujourd'hui, il est grand temps d'arrêter de parler de la situation; il est temps de passer à l'acte. J'espère que vos délibérations, votre rapport, ainsi que l'imposant travail de l'AICA en vue d'aller de l'avant avec la création d'une loi, pousseront enfin le gouvernement à prendre des mesures concrètes en ce sens.
Nous passons beaucoup de temps à parler de l'élevage de saumon, mais il importe de comprendre que je veux également voir notre industrie croître en tant que mytiliculteur. Nous croyons que cela peut en partie être fait grâce à une loi nationale. Il faut une loi qui définira et reconnaîtra explicitement l'aquaculture dans la loi comme une utilisatrice importante et légitime — voire une gardienne — des ressources aquatiques de notre pays; qui veillera à ce que nous soyons réglementés en nous fondant sur des données scientifiques probantes; qui assurera une meilleure coordination entre les organismes de réglementation fédéraux et provinciaux, ce qui devrait mener à une réduction des doubles emplois et des chevauchements inutiles; qui précisera les rôles en matière de réglementation et de promotion au sein du gouvernement; et qui permettra à l'aquaculture d'avoir accès aux programmes d'assurance et de soutien qui sont offerts à nos homologues sur la terre ferme.
À mon avis, les entreprises comme la mienne ont la possibilité et la responsabilité de faire croître le secteur agroalimentaire du Canada atlantique. Nous avons le mandat de fournir aux gens sur les scènes locale et internationale des aliments sains et nutritifs, de créer des emplois et de générer des avantages sociaux dans nos collectivités côtières et rurales.
Le président : Merci, monsieur Ennis.
Mme Parker : Je m'appelle Pamela Parker, et je suis directrice générale de l'Atlantic Canada Fish Farmers Association. Je vous remercie encore une fois de nous donner l'occasion de discuter avec vous.
Notre association représente la salmoniculture dans les Maritimes, soit au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, les salmoniculteurs, les fabricants d'aliments, ainsi qu'une vaste gamme d'organismes et d'entreprises complémentaires.
J'aimerais vous faire part aujourd'hui d'un nouveau rapport sur la salmoniculture dans le monde qu'a récemment publié l'International Salmon Farmers Association. Ce rapport démontre que notre industrie est arrivée à maturité, qu'elle est florissante dans les collectivités côtières dans le monde et qu'elle produit l'un des aliments les plus sains, tout en ayant une faible empreinte environnementale. En outre, le rapport indique que le Canada est bien placé pour tirer profit de la demande croissante en protéines saines.
À la page 6 du rapport, on peut lire que les salmoniculteurs ont produit dans le monde 14,8 milliards de repas en 2012-2013. Cela représente beaucoup de repas sains pour nourrir une population croissante. C'est d'autant plus impressionnant lorsque nous nous rendons compte que la salmoniculture n'existait pas il y a 40 ans.
Ce qui est encore plus impressionnant, c'est que les salmoniculteurs ont produit tous ces repas à partir de seulement 0,00008 p. 100 des océans, soit 14,8 milliards de repas produits en utilisant seulement 262 kilomètres carrés d'océan. Cela fait de la salmoniculture l'une des industries productrices de protéines les plus efficaces dans le monde.
Le rapport souligne également que la production de saumon a été évaluée en 2012-2013 à 10 milliards de dollars américains, que l'industrie avait créé 121 000 emplois directs et indirects dans le monde et qu'elle avait stimulé la création indirecte de milliers d'emplois et la croissance économique dans une vaste gamme de secteurs. Si vous voulez voir l'effet d'entraînement de notre industrie, cela se trouve à la page 13 du rapport.
Au Canada atlantique, la salmoniculture est déjà l'un des plus importants moteurs économiques. Elle emploie 3 000 personnes au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse et génère annuellement 356 millions de dollars en activité économique. Notre région joue un rôle important dans le succès mondial de la salmoniculture. En fait, la moitié du saumon d'élevage au Canada provient du Canada atlantique. Grâce à nos vastes ressources aquatiques, à notre innovation et à notre expertise technique, nous avons tous les moyens de poursuivre notre croissance et de créer de la prospérité économique dans les collectivités côtières.
La création d'une loi fédérale sur l'aquaculture est fondamentale en vue de nous permettre d'atteindre notre plein potentiel et de garantir une industrie durable et responsable pour les générations à venir. Elle nous permettrait enfin de régler des problèmes de longue date, soit les tentatives de réglementer l'aquaculture au moyen de la Loi sur les pêches.
La Loi sur les pêches a été conçue en vue de permettre la fermeture de pêches permanentes et saisonnières, de fixer des limites ou des conditions quant aux engins de pêche et aux prises admissibles, d'interdire certains comportements et d'imposer des sanctions en cas de violations. Cependant, elle n'a pas été conçue pour la pisciculture, soit une industrie où la ressource appartient à des intérêts privés et où il faut intervenir en ensemençant régulièrement, en nourrissant les poissons et en les protégeant des prédateurs ou des maladies. La loi n'est pas non plus conçue en vue de permettre aux producteurs de fruits de mer d'avoir accès à des pêches existantes pour soutenir la croissance d'une nouvelle espèce ou d'espèces sous-exploitées et de définir la croissance nécessaire dans la production pour que le Canada soit concurrentiel dans un marché international. Des termes comme « culture », « promotion » et « croissance » sont des principes fondamentaux dans la pisciculture, mais ils n'ont pas leur place dans la Loi sur les pêches.
La Loi sur les pêches ne tient pas compte des facteurs liés à l'entreprise agricole privée qui influent sur les produits d'aquaculture canadiens et leur compétitivité dans un marché international, et elle ne peut pas le faire. Or, c'est fondamental dans nos discussions sur la stagnation actuelle de l'industrie. Si l'aquaculture canadienne demeure uniquement réglementer par la Loi sur les pêches, c'est pratiquement garant d'une croissance minime, voire nulle.
Si nous allons de l'avant concernant une mesure législative moderne qui serait rédigée en tenant compte de qui nous sommes, soit des agriculteurs, le monde considérera que le Canada est ouvert au commerce et aux investissements, et une vague d'activité économique et d'emplois déferlera sur le Canada. Il y aura d'énormes avantages en particulier pour les collectivités rurales, côtières et des Premières Nations, et le Canada contribuera à fournir d'autres fruits de mer qui viendront compléter notre offre de produits provenant de nos pêches existantes.
Votre comité a passé beaucoup de temps à étudier l'importance de la recherche scientifique dans notre industrie, et je suis certaine que vous en êtes arrivés à la conclusion que la recherche est ce qui propulse notre industrie. Les travaux scientifiques ont influé sur nos pratiques agricoles et nos règlements, et l'industrie continuera de s'appuyer sur les recherches scientifiques. Reste-t-il des choses à apprendre? Oui. La recherche se poursuit.
Par contre, il ne faut pas confondre le besoin de continuer de soutenir et de faire progresser la recherche scientifique et l'innovation technique avec le besoin d'aller de l'avant avec une mesure législative qui positionnera le Canada comme un chef de file mondial en matière de pratiques exemplaires responsables grâce à des cadres de réglementation clairs, transparents et responsables.
L'avenir de la salmoniculture au Canada est très prometteur pour ce qui est de la production de fruits de mer frais et nutritifs pour des générations à venir. La salmoniculture a également le potentiel de revitaliser des collectivités côtières en créant des emplois de grande valeur et de nouvelles possibilités.
Merci de votre important travail. Une loi nationale sur l'aquaculture qui prévoit des règles justes et claires sera un jalon important pour l'aquaculture moderne et responsable au Canada.
Le président : Merci. Madame Salmon.
Mme Salmon : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Merci encore une fois de nous donner l'occasion de discuter avec vous. Nous vous sommes reconnaissants de l'invitation et de votre travail. Je sais que vous travaillez d'arrache-pied, et nous vous en remercions énormément.
Comme je l'ai mentionné, je m'appelle Ruth Salmon, et je suis directrice générale de l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture. Notre association représente les producteurs de fruits de mer de partout au Canada.
Comme vous l'avez certainement remarqué au cours de votre étude, très peu d'endroits dans le monde peuvent égaler les avantages naturels du Canada pour l'aquaculture. Nous avons un vaste territoire côtier. Nous avons une abondance d'eau fraîche et propre, un climat favorable, une riche tradition maritime et halieutique, des partenaires commerciaux établis et un engagement à l'égard de pratiques exemplaires responsables et durables.
L'aquaculture compte parmi les secteurs agroalimentaires en plus forte croissance dans le monde et fournit la moitié de la production totale de poissons dans le monde. Cela passera à 62 p. 100 d'ici 2030.
En 2012, notre association a lancé une stratégie nationale pour nous occuper de la stagnation de la production qui dure depuis plus d'une décennie. Nous avons déterminé que des réformes dans les lois, les règlements, les politiques et les programmes sont nécessaires pour renverser cette tendance et stimuler la croissance et la compétitivité dans notre secteur.
Comme vous n'êtes pas sans le savoir, l'industrie canadienne de l'aquaculture est principalement réglementée par la Loi sur les pêches, soit une mesure législative qui remonte à la Confédération et à une époque où l'aquaculture commerciale au Canada n'existait pas. L'essor rapide du secteur a forcé l'élaboration de règlements fédéraux, provinciaux et locaux, dont bon nombre ont été mis en œuvre avant même que l'aquaculture à l'échelle commerciale soit une activité importante. Par conséquent, un grand nombre de ces politiques et de ces règlements sont réactifs, redondants et inefficaces.
Notre association voit l'absence d'une mesure législative adéquate concernant notre industrie comme le principal obstacle aux investissements et à la croissance. En fait, si de véritables progrès en vue d'améliorer les lois, les règlements et les politiques au Canada sont réalisés en temps opportun, l'industrie croit pouvoir facilement doubler de taille au cours de la prochaine décennie. Il s'agit d'une prévision de croissance réelle, réalisable et responsable.
Le Canada demeure l'un des seuls grands producteurs de fruits de mer dans le monde à ne pas avoir de loi nationale expressément conçue pour réglementer cette industrie. D'autres pays que vous avez étudiés, comme la Norvège, le Chili, la Nouvelle-Zélande, l'Écosse, l'Irlande, l'Australie et les États-Unis, ont tous adopté des lois sur l'aquaculture. Il en va de même pour la majorité des provinces canadiennes, voir la totalité.
Depuis deux ans, l'AICA a fait part de ses points de vue concernant une loi sur l'aquaculture devant votre comité ainsi que bien d'autres comités permanents. Nous l'avons également fait en juin dernier lors du Conseil canadien des ministres des Pêches et de l'Aquaculture. Nous avions alors indiqué que notre association réaliserait d'autres travaux pour fournir plus de détails quant aux éléments que devrait contenir une telle loi, selon nous. Nous terminerons bientôt ce processus, et je peux vous faire part ce soir des principes sous-jacents qui ont guidé nos travaux.
L'AICA estime que la loi sur l'aquaculture devrait assurer une croissance responsable, la compétitivité et des pratiques exemplaires durables par l'entremise d'un cadre législatif et réglementaire moderne — et je mets l'accent sur « moderne » — et établir un régime de réglementation transparent qui sera solide, agile et adaptable, qui se fondera sur le risque et les données scientifiques et qui mettra l'accent sur les résultats. Au lieu d'essayer de faire rentrer de force l'aquaculture dans un régime de réglementation des pêches traditionnel et dépassé qui est fondamentalement inadéquat, la nouvelle loi doterait le gouvernement d'un régime expressément conçu pour l'aquaculture qui la reconnaît comme une activité agricole. Une telle loi devrait reprendre les principales obligations et les principaux pouvoirs, qui n'ont pas encore été modernisés, dans la Loi sur les pêches, la Loi sur la salubrité des aliments au Canada et la Loi sur les espèces en péril.
La nouvelle loi devrait prévoir des outils dernier cri en matière de conformité, de promotion et d'application, dont un mécanisme efficace d'octroi de permis et des sanctions administratives pécuniaires, ce qui permettra d'établir un régime de réglementation efficace et légitime reconnu par le public.
Une loi sur l'aquaculture devrait fournir un régime de réglementation tenant compte du fait que les mesures d'aide aux exploitants de ce secteur s'harmonisent bien avec les objectifs du gouvernement en matière de gestion du risque.
Permettez-moi de vous donner un exemple. En aquaculture, les maladies et les évasions entraînent des pertes pour les exploitants. Par conséquent, l'atténuation des risques et la recherche de façons peu coûteuses d'atteindre la conformité sont les grandes priorités de l'industrie et du gouvernement. Nos objectifs et ceux du gouvernement sont les mêmes.
La loi devrait rendre compte de cette réalité que l'industrie de l'aquaculture reconnaît et appuie, c'est-à-dire que la réglementation efficace de l'industrie est un aspect névralgique de l'édification de l'acceptation de nos produits d'élevage par les consommateurs et de l'appui public à l'égard de nos activités dans ce domaine.
La loi devrait éviter aux ministres de se retrouver dans des situations de conflits d'intérêts apparents en veillant à séparer les fonctions de réglementation et de promotion de l'industrie.
La loi devrait affirmer le rôle de direction du gouvernement fédéral en matière de réglementation tout en permettant aux provinces d'exercer sur une base quotidienne la surveillance réglementaire qui leur incombe, si certaines conditions sont remplies.
La loi devrait être un modèle poussé d'efficience pour le gouvernement fédéral, et elle devrait atténuer le besoin d'affecter les maigres ressources disponibles à des activités de réglementation reprises par les administrations provinciales.
En terminant, nous croyons qu'un cadre législatif et réglementaire moderne assorti de règles claires et transparentes pour tous les intervenants est essentiel pour cette très importante industrie. La première loi canadienne sur l'aquaculture assurera l'édification d'une industrie d'élevage dynamique et responsable, apte à nourrir les générations futures.
Le président : Merci, madame Salmon.
Monsieur Stringer, je crois que vous avez une déclaration préliminaire.
M. Stringer : Merci beaucoup. Nous sommes très heureux d'être ici à nouveau pour discuter de cette question. Comme l'ont souligné d'autres témoins, le comité a accompli un travail très important. Nous sommes impatients de lire les conclusions de cette étude, et je tiens à dire que c'est un honneur pour nous d'avoir été invités plus d'une fois à parler avec vous, à répondre à vos questions et à participer à ces travaux, comme c'est le cas aujourd'hui. De plus, sachez que c'est un plaisir immense que de se retrouver ici avec des représentants de l'industrie pour ce processus unique en son genre. Merci de nous avoir invités.
[Français]
Comme vous le savez, l'aquaculture au Canada dépend simultanément de plusieurs juridictions. Pêches et Océans Canada est l'agence fédérale principale. Le ministère veille à ce que l'aquaculture soit gérée de manière durable, conformément aux dispositions de la Loi sur les pêches et des règlements y afférents. La Loi sur les pêches date, comme on dit, de 1868, soit de la naissance de la Confédération ou presque. Elle a maintenant près de 147 ans et, au moment de sa rédaction, il était difficile d'imaginer un tel développement de l'aquaculture.
[Traduction]
Malgré cette lacune historique sur le plan des lois, l'aquaculture a réussi à s'implanter solidement au Canada. Nous en avons déjà entendu parler, et les membres du comité en sont bien conscients. Aujourd'hui, l'aquaculture représente environ le tiers de la valeur totale au débarquement des poissons pêchés au Canada. En fait, l'aquaculture compte pour la majeure partie des pêches de la Colombie-Britannique, avec une valeur au débarquement de 508 millions de dollars.
Comme le savent les sénateurs, Pêches et Océans Canada travaille depuis un moment sur la réglementation de l'aquaculture et sur un certain nombre d'ajustements réglementaires afin d'améliorer la cohérence de la réglementation relative à la gestion de l'environnement dans ce secteur. En tant que fonctionnaires, nous travaillons avec le régime en place, c'est-à-dire, la Loi sur les pêches. Mme Salmon en a parlé en 2012, mais nous avions déjà parlé de cela auparavant : il faut un régime réglementaire complet. Alors nous nous sommes débrouillés en fonction de cette optique et avec les outils que nous avons.
Au moment d'envisager une loi pour les besoins particuliers de l'aquaculture au Canada, il est bon d'examiner — et je suis convaincu que vous le ferez — les régimes réglementaires d'autres pays. Des États comme le Chili, la Nouvelle-Zélande, la Norvège et l'Écosse ont adopté des lois nationales qui mentionnent l'aquaculture dans leur titre et traitent essentiellement de ce sujet. D'autres pays n'ont rien en ce sens. Mais d'autres, comme l'Irlande, reconnaissent et réglementent l'aquaculture aux termes de dispositions particulières de leurs lois nationales sur les pêches, ce qui est une autre façon de faire.
Pour d'autres, comme l'Australie et les États-Unis, l'aquaculture relève en grande partie des administrations des États constitutifs, et les conditions de sa gouvernance font parfois l'objet de lois particulières ou de dispositions enchâssées dans des lois sur les pêches. En fait, les États-Unis ont adopté une loi nationale à cet égard, la National Offshore Aquaculture Act.
Il convient aussi de souligner que la raison d'être des lois sur l'aquaculture varie d'un pays à l'autre. En ce sens, ce qui vient d'être soulevé au sujet de ce que la loi devrait contenir a toute son importance. La loi diffère selon les pays. La raison d'être de la loi norvégienne est — et nous paraphrasons, car la traduction s'est avérée difficile — la promotion de la rentabilité et de la compétitivité de l'industrie aquicole dans un cadre de développement durable afin de contribuer à la création de valeur économique sur les côtes. La Norvège confirme les droits de propriété des exploitants — ce qui leur permet de retirer et de repêcher les espèces qu'ils élèvent — et leur permet d'hypothéquer leurs permis pour amasser du capital.
Par ailleurs, la loi norvégienne ne prévoit pas grand-chose en matière de contrôle. Elle impose des exigences concernant la sélection des sites des piscicultures, surtout pour les salmonidés. Elle fixe des frais et impose un devoir de divulgation aux éleveurs. Elle impose des sanctions et prévoit des dispositions d'application de la loi pour les cas de non-conformité, dont des accusations criminelles, et elle donne au gouvernement le pouvoir de recouvrer auprès des exploitants le coût de l'application de la loi et de l'exécution des ordonnances. Il y a d'autres exemples.
L'Ireland's Foyle and Carlingford Fisheries Act contient un article très long sur l'aquaculture. C'est un peu comme si la Loi sur les pêches traitait de la délivrance et de la révocation des permis d'aquaculture, mais laissait les questions de réglementation possiblement liées à cette activité à d'autres articles de la loi ou à d'autres lois.
Je pourrais continuer. Il y a d'autres exemples, mais ce qu'il faut retenir, c'est que les lois sur l'aquaculture diffèrent d'un pays à l'autre. La raison d'être de ces lois semble dépendre des impératifs et des débouchés particuliers de chaque État, de son système légal et, bien entendu, du contexte politique et socio-économique dans lequel il se trouve.
Nous l'avons entendu aujourd'hui et nous continuerons de l'entendre, les intervenants de l'industrie ont manifesté leur intérêt pour un cadre législatif et réglementaire moderne qui permettrait le développement durable de l'aquaculture au Canada. La complexité de notre régime réglementaire en matière d'aquaculture est souvent montrée du doigt comme étant l'une des raisons qui limite la croissance du secteur.
En fait, la responsabilité du gouvernement est de veiller à ce qu'il y ait un cadre réglementaire rigoureux, mais qui permet quand même la croissance anticipée tout en protégeant l'environnement aquatique global et en assurant la durabilité de la ressource. Pour cela, nous disposons de différents outils. Une loi sur l'aquaculture fait certainement partie de ces outils.
Comme nous sommes des fonctionnaires, je ne crois pas que c'est à nous de dire qu'une loi sur l'aquaculture serait le meilleur outil. En tant que fonctionnaires, nous travaillons avec ce que nous avons. Nous pouvons toutefois parler des problèmes, des lacunes et des risques du cadre actuel, si cela peut être utile à vos travaux.
Au risque de me répéter, sachez que je suis très heureux d'être ici pour répondre à vos questions et participer à cette discussion.
Le président : Merci, monsieur Stringer. Je ne crois pas que M. Gilbert ou M. Parsons ont des déclarations préliminaires.
M. Parsons : Non.
Le président : Je demanderais maintenant au sénateur McInnis d'ouvrir le bal en nous faisant part de certaines observations au sujet de notre premier sujet de discussion — comme vous l'avez tous fait —, soit les pour et les contre d'une loi particulière sur l'aquaculture par rapport à la possibilité de modifier la Loi sur les pêches.
Le sénateur McInnis : Nous avons beaucoup entendu parler du besoin présumé d'une nouvelle loi sur l'aquaculture. Une telle loi serait-elle une utopie ou une solution tous azimuts? Quelque chose qui ressemblerait à ce qui se fait en Norvège?
Nous savons qu'il y a environ 70 lois et règlements fédéraux et provinciaux. Le degré de chevauchement et le manque d'uniformité dans la gouvernance de l'aquaculture sont extrêmement déroutants. Nous avons reçu un tableau à ce sujet. Le nombre de divisions ministérielles provinciales et fédérales touchées par cette question est renversant et l'on pourrait facilement croire que l'industrie peine à s'y retrouver, pour peu qu'elle s'y retrouve.
Maintenant, est-ce qu'une nouvelle loi viendrait annuler tout le bon travail accompli en Nouvelle-Écosse avec ses nouveaux règlements — permettez-moi de prêcher pour ma paroisse?
Monsieur Stringer, vous avez déjà dit que la réforme se ferait à l'intérieur du cadre actuel de la Loi sur les pêches, mais je suis certain que vous allez nous expliquer cela, ce soir. C'est un large débat. Comme nous sommes sur le point de rédiger notre rapport, je crois qu'il est important pour le comité de préparer les meilleures recommandations possible en la matière. À l'évidence, le statu quo ne saurait être envisagé. Le comité aimerait par conséquent connaître vos impressions à ce sujet.
Le président : Que tous ceux qui souhaitent formuler des commentaires sur quelque question que ce soit ne se gênent pas, et il en va de même pour ce qui est d'intervenir ou de contre-interroger.
Mme Salmon : Monsieur McInnis, vous avez soulevé de très bons éléments. L'un d'eux portait sur ce que votre province a fait, et je crois que c'est un aspect qui méritait grandement d'être souligné.
Nous nous sommes lancés dans ce travail en étant conscients que cela allait être très important. Le système de gouvernance canadien fait en sorte que les administrations fédérale et provinciales sont parties prenantes de la gestion de l'aquaculture, et nous ne proposons pas que cela soit modifié. Il est donc très important que les provinces soient en mesure d'appliquer la loi sur l'aquaculture si certaines conditions sont remplies.
En clair, cela signifie que nous ne préconisons pas la modification de la façon de faire actuelle. Les provinces ont un rôle important à jouer dans la gestion de l'aquaculture et il faut assurément que cela continue.
Vous avez aussi dit qu'il y a 17 mesures législatives, et vous vous êtes demandé s'il y avait lieu d'en éliminer quelques-unes. À l'instar de Kevin Stringer, nous reconnaissons que le Canada a des exigences rigoureuses en matière de réglementation et nous sommes d'accord avec cela. Nous ne voulons en aucun cas que cette rigueur réglementaire soit atténuée. L'industrie n'a jamais demandé l'assouplissement de la réglementation, elle n'a jamais dit qu'elle souhaitait être moins réglementée.
Ce que nous voulions, c'est une loi claire, moderne et cohérente qui veillerait à éliminer les chevauchements et les lourdeurs administratives, une loi qui serait capable d'expliquer en un seul document comment se fait la gestion de l'aquaculture.
Une loi nationale sur l'aquaculture permettrait d'expliquer comment l'aquaculture est gérée; elle nous indiquerait aussi comment nous sommes gérés et l'incidence que les différentes mesures législatives peuvent avoir sur nous. Il ne s'agit pas d'éliminer des mesures, mais bien de créer quelque chose qui serait beaucoup plus cohérent, clair et uniforme, pas seulement pour les consommateurs canadiens, mais aussi pour l'industrie. On verrait grâce à cela à créer un climat de confiance propice aux investissements puisque les investisseurs seraient à même de comprendre comment fonctionne l'industrie et de constater que le gouvernement la considère comme un secteur d'avenir.
Voilà les deux éléments que je souhaitais soulever. D'autres auront peut-être quelque chose à ajouter.
Mme Parker : Du point de vue de notre industrie, je voudrais ajouter que nous tenons à ce que les rôles de notre province soient maintenus. Or, étant donné le manque de clarté à l'échelon fédéral, il n'est pas rare que les provinces se retrouvent en situation conflictuelle.
De plus, je pense qu'il y a déjà des modèles au Canada. Contrairement à la Norvège qui n'a pas de provinces investies d'un rôle en matière de réglementation, le Canada doit composer avec cette complexité pour toutes ses industries du secteur des ressources. Les provinces et le gouvernement fédéral ont chacun leur rôle.
Pour dire vrai, nous n'en demandons pas plus. Nous souhaitons une clarification au niveau national, ce qui permettra aux provinces de mieux s'y retrouver. Cela permettra aussi au gouvernement fédéral de fixer les normes minimales que nous devrons chercher à atteindre, des points de référence selon lesquels il sera possible de jauger le rôle des provinces.
M. Stringer : J'ai deux ou trois observations à faire. Comme je crois l'avoir dit dans ma déclaration préliminaire, nous travaillons avec le système actuel. Nous nous sommes engagés à veiller à ce qu'il y ait un cadre réglementaire rigoureux. Nous avons les dispositions actuelles de la Loi sur les pêches et ce sont celles avec lesquelles nous travaillons. Nous avons évoqué les règlements sur les activités aquicoles et nous croyons qu'elles contribueront à cela. Nous proposerons d'autres éléments.
Cela ne signifie pas que ces aspects et d'autres ne peuvent être consignés dans une loi sur l'aquaculture et qu'il serait impossible de le faire dans un différent régime. Je ne crois pas que cela remet en cause l'important travail que nous avons fait jusqu'ici et que vous avez pu voir. D'autres ont aussi travaillé avec nous.
Parmi les éléments qui ont été soulevés et dont certains collègues ont parlé, il y a la notion du guichet unique, de cette « solution tous azimuts ». C'est une question qu'il faut se poser. Si vous deviez créer une loi sur l'aquaculture, y consigneriez-vous tout ce que les autres mesures législatives ont pu dire à ce sujet? Essayeriez-vous plutôt de définir l'aquaculture, d'instaurer un cadre juridique et de permettre l'émergence d'une vision? Je crois que nous tenterions de faire quelque chose en ce sens, même en ce qui concerne les pêches. L'industrie de la pêche doit encore se plier aux règlements du ministère des Transports et à d'autres exigences. Tout ne se résume pas à la Loi sur les pêches. Outre cette loi, d'autres mesures législatives contribuent à définir l'industrie de la pêche.
La dernière chose qu'il faut mentionner — et ce sera un enjeu de taille —, c'est que les relations fédérales-provinciales sont une dynamique extrêmement importante. Ruth et Pam en ont parlé. Nous avons une stratégie nationale sur laquelle nous travaillons avec les provinces. Nous avons un groupe de travail de sous-ministres que préside efficacement Eric Gilbert et l'un des sous-ministres adjoints de la province. C'est un milieu d'une grande complexité. Le groupe se réunit une fois par semaine et nous assurons une certaine coordination là où il le faut. Mais la question des compétences fédérales-provinciales est une question délicate où, sans l'ombre d'un doute, chaque ordre de gouvernement a ses responsabilités.
Le sénateur McInnis : En ce qui concerne les compétences, la Cour suprême de la Colombie-Britannique en a déjà parlé. La question est aussi abordée aux articles 91 et 92 de la Constitution. Il y est question de pouvoirs sur les pêcheries des côtes de la mer et de l'intérieur. Je l'ai peut-être avec moi. Quoi qu'il en soit, les pêches sont une compétence fédérale. Il est donc faux pour les provinces de dire que les pêcheries de l'intérieur relèvent d'elles.
Certains diront que la décision de la Cour suprême ne s'applique pas aux autres provinces. Je crains que ce ne soit pas le cas : toute contestation en Nouvelle-Écosse constituerait un précédent et c'est ce qui prévaudrait jusqu'à la décision de la Cour suprême du Canada.
Comment cela s'inscrit-il dans cette dynamique et, notamment, en Colombie-Britannique, maintenant que cela a été établi?
M. Stringer : Je fais deux commentaires avant de demander à Eric d'intervenir. Cette décision a bel et bien établi qu'il s'agissait de pêches et que cela relevait par conséquent du gouvernement fédéral. Soit dit en passant, cette responsabilité ne couvre pas tout. Les provinces gardent la mainmise sur les baux, mais tout ce qui concerne l'octroi des permis et la réglementation générale des activités d'aquaculture relève du gouvernement fédéral. La décision n'a pas eu à être appliquée ailleurs au pays. Elle n'a pas encore été testée dans d'autres provinces.
Des discussions ont eu lieu et des facteurs ont été pris en compte. Les provinces qui gèrent et réglementent cette activité ont exprimé leur point de vue dès le début, et elles souhaitent continuer de s'occuper de cette activité. C'est un régime que nous continuons d'administrer, et sa complexité ne fait aucun doute.
Les tribunaux nous ont accordé 18 mois pour élaborer un régime de réglementation. Nous l'avons fait, et il est entré en vigueur le 18 décembre 2010. Il s'appelle le Règlement du Pacifique sur l'aquaculture, le RPA, que nous administrons depuis ce temps, et qui fonctionne très bien, selon nous. Le régime a été géré efficacement. Par conséquent, il est possible de le faire.
Nous avons maintenu la relation que nous entretenions avec les autres provinces, et nous respectons leur compétence. Les provinces ne témoignent pas aujourd'hui, mais vous les entendrez souvent dire que cette relation ressemble à celle qui existe dans le domaine de l'agriculture. Les pisciculteurs possèdent les poissons qu'ils élèvent. Ils ont des droits de propriété privée sur eux, et ils jouissent de droits civils, et cetera. Nous ne nous mêlons pas de cela. Nous avons simplement indiqué en Colombie-Britannique que les tribunaux avaient jugé que cette activité relevait du gouvernement fédéral. Nous continuons de travailler avec les gens qui gèrent cette question ailleurs.
Eric, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Gilbert : Je pense que votre réponse était très bonne. Il s'agissait d'une excellente question. À mon avis, la question est la suivante : l'aquaculture est-elle ou non une activité de pêche?
À l'heure actuelle, trois différents régimes sont en vigueur au Canada. Il y en a un en Colombie-Britannique dans lequel nous jouons le rôle de principal organisme de réglementation. Nous avons négocié une sorte d'entente avec l'Île-du-Prince-Édouard, dans le cadre de laquelle nous assumons presque le rôle du principal organisme de réglementation. Dans les autres parties du pays, ce sont les provinces qui font fonction de principal organisme de réglementation. Beaucoup de chemin a été parcouru.
Dans les années 1980, les provinces et le gouvernement fédéral se sont rencontrés afin d'essayer de déterminer qui était responsable de cette nouvelle industrie qui se développait très rapidement au Canada. L'aquaculture relevait-elle des provinces ou du gouvernement fédéral?
Pour être honnête, à l'époque, le gouvernement fédéral et les provinces ont convenu de ne pas être du même avis. Nous avons réglé le problème en négociant un protocole d'entente sur la façon de gérer ce secteur, de manière à ce que les rôles et les responsabilités soient clairement répartis entre les deux ordres de gouvernement. Depuis, nous fonctionnons ainsi.
Dans une loi sur aquaculture, quelle qu'elle soit, nous envisageons de définir l'aquaculture. Habituellement, cette définition se trouverait dans la première partie de la loi. Il faudrait donc que la loi prépare le terrain de manière à ce que l'aquaculture soit considérée comme une activité de pêche, une activité agricole ou peut-être même comme quelque chose de nouveau. Ce pourrait être quelque chose qui ne correspond pas à l'industrie de la pêche et qui ne coïncide pas parfaitement avec l'agriculture. Ce serait quelque chose de nouveau qui soulignerait le caractère unique de l'aquaculture.
Mais ce que je veux dire, c'est que, quelle que soit la décision que nous prenons ou que le gouvernement fédéral prend en négociant avec les provinces au sujet de la nature de l'aquaculture, cela modifiera nécessairement la façon dont les provinces et le gouvernement fédéral travaillent ensemble. Je ne dis pas du tout que les choses seront mieux ou pire, mais je soutiens que cette définition aura assurément une incidence sur les responsabilités de chacun.
Le sénateur Wells : Je remercie encore une fois notre groupe d'experts; c'est bon de vous revoir. J'ai une question à poser à M. Stringer, mais avant de passer à cette question, je tiens à dire à Mme Salmon, qui est directrice générale à l'AICA, à Pamela Parker, qui est directrice générale de l'Atlantic Canada Fish Farmers Association, et à Terry Ennis, qui est un exploitant et qui siège au conseil d'administration, qu'il est stupéfiant d'entendre Mme Salmon dire que l'industrie de l'aquaculture pourrait doubler au cours des 10 prochaines années. Je n'en disconviens pas, car je pense que le rendement du Canada à cet égard est inférieur à ce qu'il devrait être. Je pense que nous l'avons certainement constaté au cours de nos délibérations des derniers mois.
Monsieur Stringer, je vous connais depuis quelques années tant pour le rôle que vous avez joué dans le domaine des pêches, que pour celui que vous avez joué dans le domaine de l'exploitation pétrolière et gazière. Il est important de noter que vous étiez directeur général des Ressources pétrolières à RNCan. Je remarque qu'en ce qui concerne l'industrie pétrolière, dont j'ai moi-même fait partie pendant un certain temps, le gouvernement du Canada a pris des mesures pour simplifier les processus afin d'améliorer la situation. Cela n'a pas nécessairement facilité les choses, mais cela a simplifié la tâche de l'industrie afin de lui permettre de faire ce qu'elle fait le mieux. Par exemple, le gouvernement du Canada a simplifié la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, connue sous le nom de LCEE 2012. Le processus s'est amélioré après la prise de cette mesure. Par ailleurs, le gouvernement du Canada a créé le Bureau de gestion des grands projets qui n'est pas un guichet unique, mais qui offre un portail unique pour les grands projets comme ceux que nous observons dans le secteur énergétique. Je pense que le terme « portail unique » décrit mieux le rôle du bureau que le terme « guichet unique », car de nombreuses mesures doivent être prises, et ces mesures relèvent de nombreux ministères et organismes. Le gouvernement fédéral a également établi l'Office de l'énergie de l'Atlantique à St. John's en 2008, je crois.
Nous avons déployé de nombreux efforts pour aider l'industrie pétrolière et gazière, compte tenu de la nécessité évidente et reconnue de rendre plus logique la réglementation et compte tenu peut-être de l'exhortation de l'industrie à le faire.
Nous entendons Mme Salmon dire que l'industrie pourrait doubler en 10 ans et que l'alliance bénéficie de l'appui de ses membres. Chaque fois que nous avons entendu des membres du secteur canadien de l'aquaculture au cours de nos délibérations, ils ont lancé le même appel.
Je sais que vous n'élaborez pas des politiques, mais vous recommandez leur adoption. Pourquoi croyez-vous qu'il est si difficile d'obtenir la coopération du secteur de l'aquaculture à cet égard, alors qu'il a semblé si facile d'obtenir la coopération du secteur énergétique?
M. Stringer : Je vous remercie de votre question. Je vais formuler quelques observations. Premièrement, ce secteur s'est accru considérablement. Une certaine stagnation a été observée, mais l'aquaculture contribue maintenant à 30 p. 100 de la valeur des débarquements du Canada. C'est là un pourcentage substantiel, et nous nous entendons pour dire que cette industrie s'apprête toujours à croître.
Ce que nous disons, selon moi, c'est que nous reconnaissons la nécessité de disposer d'un solide cadre réglementaire, et je pense que tout le monde en convient. Il ne reste qu'à déterminer quel outil nous utiliserons. En tant que fonctionnaires, notre tâche consiste à employer les outils dont nous disposons, de fournir des conseils à propos d'autres outils qui pourraient nous être utiles — dont l'adoption ne dépend pas de nos décisions —, et de dire ce que nous pensons des limites de nos outils actuels. Comme je l'ai indiqué, quel que soit le cadre réglementaire dont nous disposons, notre tâche et notre objectif consistent à favoriser la croissance qui doit survenir et à nous assurer qu'elle n'entrave pas la protection des systèmes aquatiques ou leur durabilité.
En ce qui concerne certaines des mesures dont nous avons parlé au comité et que nous avons entrepris de mettre en œuvre, je souligne que la réglementation des activités aquacoles est l'une des étapes qui permettront de protéger les systèmes aquatiques, d'assurer la clarté et la cohérence des mesures législatives qui, selon les dires, n'existaient vraisemblablement pas auparavant, et de délivrer des permis pluriannuels, au lieu de forcer les pisciculteurs à les renouveler chaque année. Nous entreprenons la mise en œuvre de ces mesures. Nous le faisons maintenant à l'aide des outils dont nous disposons en ce moment et en respectant le cadre actuel. Nous allons de l'avant à cet égard. Nous entendons dire qu'il y a une meilleure façon de faire les choses, et nous savons que vous examinez cette question.
Le sénateur Wells : Votre argument est de bonne guerre. Madame Salmon, depuis combien de temps préconisez-vous l'adoption d'une loi sur l'aquaculture, à défaut d'une meilleure expression?
Mme Salmon : L'industrie a commencé à plaider en faveur d'une loi longtemps avant que j'accepte un poste à l'AICA, et je suis au service de cette organisation depuis huit ans. Des rapports et des études recommandent l'adoption de cette loi depuis certainement 30 ans. Je songe à l'époque où notre association a commencé à discuter activement de cette question. Cela remonte peut-être à il y a 20 ans. C'est ce que je supposerais.
Le sénateur Wells : Je pense que l'on peut dire sans risquer de se tromper que cela remonte à de nombreuses années.
Monsieur Stringer, vous avez dit que le secteur de l'aquaculture s'apprêtait à croître. C'est une chose d'être sur le point de croître, mais c'en est une autre de croître pour de vrai. C'est ce que l'industrie prévoit.
Si le gouvernement du Canada, par l'intermédiaire du ministère des Pêches et des Océans, devait présenter une loi — il va de soi qu'elle serait étudiée par le Parlement —, il incomberait à l'industrie de joindre le geste à la parole et de faire ce qu'elle a dit qu'elle ferait. À mon avis, il n'y a aucun défi que je pourrai leur demander de relever, qui serait plus exigeant que celui de faciliter l'adoption de cette loi. Même si vous faites partie de la bureaucratie et que vous ne prenez pas de décisions en tant que telles, vous êtes tenus de faire adopter un cadre réglementaire qui non seulement est moderne et solide, mais qui appuie aussi l'industrie, tout comme nous avons été obligés d'appuyer le secteur pétrolier et gazier. C'est une importante distinction à faire.
M. Stringer : Je ne veux pas discuter de la question de savoir si une loi sur l'aquaculture est le meilleur outil à nous procurer. Toutefois, je tiens à indiquer qu'à mon avis, nous avons une idée générale du genre de régime de réglementation qui est requis.
Nous pensons que le gouvernement du Canada doit travailler à l'élaboration de cette loi avec les provinces, lorsqu'elles ont déjà mis en vigueur des régimes de cette nature. Il y a plus d'une façon d'atteindre notre objectif. Nous disposons en ce moment d'un ensemble d'outils et d'un programme de réglementation que nous avons exposé au comité, et nous allons les utiliser. Si une loi sur l'aquaculture finit par être rédigée ou si la Loi sur les pêches finit par être modifiée, nous nous servirons de cela aussi, mais je comprends certainement l'argument que vous faites valoir.
Le sénateur Wells : Merci.
Le sénateur Meredith : J'aimerais donner suite à la question de mon collègue. Madame Parker, à la fin de votre déclaration, vous avez parlé d'une activité économique de l'ordre de 10 milliards de dollars aux États-Unis et de l'ordre de 356 millions de dollars localement, et vous avez déclaré que : « La création d'une loi fédérale sur l'aquaculture est fondamentale en vue de nous permettre d'atteindre notre plein potentiel et de garantir une industrie durable et responsable pour les générations à venir. »
À quoi ce potentiel ressemblerait-il? La question précédente mentionnait le fait que l'industrie demande une loi sur l'aquaculture depuis plus de 30 ans. En l'absence d'une loi complète à ce sujet, comment pourrions-nous réaliser ce plein potentiel?
Mme Parker : À l'heure actuelle, un grand nombre de nos entreprises canadiennes et des entreprises dont le siège social est, disons, en Norvège, investissent dans d'autres pays. Elles n'investissent pas au Canada en ce moment. Même nos entreprises locales investissent à l'étranger parce qu'elles ne sont pas convaincues que la confusion disparaîtra. Il s'agit là d'un enjeu très complexe. Nous passons beaucoup de temps à tenter d'expliquer au public la façon dont nous sommes réglementés, et c'est une tâche ardue.
Avec tout le respect que je dois à la ministre des Pêches et des Océans, je pense que, dans le cadre de la Commission Cohen, même la ministre avait du mal à expliquer comment l'industrie est réglementée, en raison de ses nombreux éléments différents et contradictoires. Une loi sur l'aquaculture reconnaîtra, bien entendu, que d'autres lois fédérales doivent être prises en compte, mais, avec un peu de chance, les complications que cela entraîne seront clarifiées.
Cela convaincra notre industrie que le Canada dispose des outils nécessaires pour qu'elle aille de l'avant. Ainsi, nous comprendrons clairement comment les produits liés à la santé des poissons seront réglementés ou comment l'impact benthique ou environnemental sera surveillé et réglementé. Ensuite, nous pourrons donner des précisions au public, et nous serons en mesure de voir ces renseignements rendus publics.
Des pisciculteurs exercent en ce moment leurs activités dans certaines provinces, mais non dans la totalité d'entre elles. Grâce à l'existence d'une réglementation des activités aquacoles, le public serait informé annuellement du rendement environnemental de notre industrie.
La désinformation sera plus difficile à clarifier, et les collectivités auront plus de mal à comprendre elles-mêmes les avantages apportés par l'industrie, à les expliquer à leurs membres, et à répondre aux questions en suspens. Lorsque vous avez été exposés pour la première fois au processus, bon nombre d'entre vous ne l'ont pas compris complètement, et vous vous posiez de nombreuses questions. La confusion régnait, et il était très difficile d'y voir clair.
Si notre industrie est définie, et si nous sommes en mesure de décrire clairement les différents aspects de ses activités, qui sont identiques à celles d'éleveurs de bétail, je pense que cela aidera grandement l'industrie.
Certes, nous devons respecter l'environnement dans lequel nous exerçons nos activités. Certaines de nos fonctions seront toujours assujetties à la Loi sur les pêches, comme d'autres industries qui exploitent des ressources dans un milieu marin, que ce soit l'industrie pétrolière ou gazière, ou même une estacade de billes en Colombie-Britannique, doivent respecter certaines des règles prévues par la Loi sur les pêches. Nous devrons faire de même, mais je crois que des précisions doivent être fournies et que le désir du gouvernement fédéral de reconnaître notre industrie contribuera grandement à attirer des investissements dans nos entreprises piscicoles et à aider ces entreprises à inspirer la confiance.
Le sénateur Meredith : Merci. Madame Salmon, pour donner suite à votre exposé, j'aimerais savoir pourquoi, selon vous — et, monsieur Stringer, vous pourrez intervenir une fois qu'elle aura formulé ses observations —, le MPO est un peu réticent à entendre les raisons pour lesquelles vous pensez qu'une Loi sur l'aquaculture devrait être adoptée.
Mme Salmon : Voilà une excellente question. Je répète que je conviens avec Kevin Stringer que les fonctionnaires utilisent l'outil qui est à leur disposition. En toute honnêteté, je crois qu'ils font un bon travail. La réglementation des activités aquacoles est un bon exemple du genre de résultats du rendement et du genre d'approche moderne que nous chercherons à reproduire dans une loi sur l'aquaculture. C'est là un exemple de règlement censé, mais il y a de nombreux autres exemples de modifications qu'il faudra apporter à la Loi sur les pêches, une fois qu'ils auront terminé d'élaborer la réglementation des activités aquacoles.
Nous parlons de l'adoption d'une mesure législative nationale; une mesure de nature non contraignante dont l'approche est moderne, une mesure qui examine les résultats du rendement, qui n'est pas inefficace et qui n'exige pas beaucoup de temps.
Pour être juste envers le MPO, je dois admettre que le ministère se sert de l'outil dont il est doté. Pourquoi n'avons-nous pas élaboré une loi sur l'aquaculture plus rapidement? C'est probablement dû à un certain nombre de différentes raisons. Notre industrie est complexe, et c'est en partie la raison pour laquelle, il y a deux ans, notre association a décidé de s'efforcer de faire ses devoirs et de ne pas compter sur le gouvernement pour résoudre ses problèmes. Voilà où nous en sommes en ce moment. Nous devons préciser exactement ce à quoi une loi sur l'aquaculture devrait ressembler et comment elle pourrait être abordée.
Je pense que, dans le passé, il était très déroutant d'aller de l'avant. Diverses lois interviennent dans ce processus, dans lequel les provinces jouent également un rôle. Nous élevons diverses espèces de poissons, et aucune solution unique n'est appropriée. Je pense que c'est probablement la raison pour laquelle il n'est pas facile de faire progresser cette activité. Toutefois, nous espérons que notre association contribuera à préciser certaines des voies à suivre et que cela facilitera la prise de quelques-unes de ces décisions.
Le sénateur Meredith : Monsieur Stringer, souhaitiez-vous formuler des observations à ce sujet?
M. Stringer : Merci. Comme Ruth Salmon vient de l'indiquer, je dirais que la loi sur l'aquaculture a fait l'objet de nombreuses discussions au cours des cinq ou dix dernières années, mais que ce n'est qu'au cours des deux ou trois dernières années, que l'AICA a officiellement déployé de vrais efforts ciblés. Dans le cadre de ces discussions, des idées ont été proposées, et des questions ont été échangées afin de déterminer ce qui figurerait dans la loi. Ruth vient de mentionner le fait qu'ils sont en train d'achever un document qui pourrait traiter du contenu de la loi. Mais, en attendant, nous persévérons.
Pourquoi cela ne s'est-il pas produit? En partie parce que ce travail n'a pas été fait, en partie parce que le régime actuel qui est visé par les réformes n'est peut-être pas aussi efficace; il peut l'être ou pas. Toutefois, la plateforme est suffisamment adéquate pour que nous puissions faire avancer les choses.
En ce qui concerne la question qui a été soulevée par les sénateurs tout à l'heure, je pense que les provinces se prononceront là-dessus. Il y a différents pouvoirs et différents régimes dans chaque province. Elles ne font pas les choses de la même manière. Il n'est pas facile d'imposer une façon de faire ou d'établir des normes. Nous travaillons avec le régime que nous avons, nous effectuons les réformes et nous collaborons avec l'industrie.
Je suis tout à fait d'accord avec Ruth lorsqu'elle dit que nous avons une bonne relation de travail avec l'industrie, les provinces et les autres acteurs, malgré qu'il soit parfois difficile de déterminer les prochaines étapes à suivre et de les entreprendre. C'est une grande initiative, et nous accueillerons très favorablement les points de vue du comité sur ce qu'il est préférable de faire.
La sénatrice Raine : Je sais que c'est très difficile, car vous avez tout à fait raison, nous n'avons pas de loi sur l'aquaculture, mais l'arrivée de la nouvelle réglementation nous donnera des outils pour régir et réglementer l'aquaculture au Canada.
Le MPO a une organisation fantastique dans l'ensemble du pays, il dispose de nombreuses données scientifiques et il a beaucoup de scientifiques et de personnes sur le terrain. Or, si nous avons un tout autre régime, ministère, ou peu importe, je crains qu'il y ait des cloisonnements — c'est le MPO, ce n'est pas l'aquaculture —, et que nous commencions à perdre les précieuses ressources scientifiques qui ont été accumulées.
J'aimerais poser la question suivante aux représentants de l'industrie. S'il n'y a pas de loi sur l'aquaculture, pouvons-nous réglementer l'industrie d'une façon efficace, appropriée et moderne qui vous permettra de prendre de l'expansion et d'investir, étant donné que notre principal objectif, c'est qu'il n'y ait aucune incidence sur le poisson sauvage? Évidemment, tout le monde s'entend là-dessus, mais peut-on le faire sans une loi sur l'aquaculture?
M. Ennis : Nous sommes actuellement régis par le MPO et la Loi sur les pêches, bien sûr, mais nous avons aussi beaucoup d'interactions avec Agriculture et Agroalimentaire Canada. Vous avez demandé s'il y aurait une certaine confusion à l'avenir. Je pense que nous travaillons actuellement dans ce système selon un certain cadre de réglementation et que nous gérons nos entreprises selon une perspective d'élevage tout en étant soutenus par les programmes Agri-marketing sur le plan international et en développant de nouveaux marchés pour nos produits. Je crois que nous faisons maintenant très bien les deux.
Nous en avons certes débattu à l'association et entre nos membres; nous nous sommes demandé si en vertu d'une loi sur l'aquaculture, cela relèverait de la compétence du MPO, d'Agriculture Canada ou d'un nouveau ministère. Nous n'en sommes pas encore arrivés à une conclusion. Le MPO a certes fait beaucoup de progrès ces dernières années. Les responsables qui sont ici et bien d'autres personnes ont consulté l'industrie et les autres acteurs, et ils apportent des améliorations.
Sous la direction de la ministre Shea, il y a eu beaucoup de progrès, et nous en sommes heureux. Nous voulons que l'on prenne des mesures, grâce à une loi sur l'aquaculture, pour donner confiance à tous les Canadiens, ceux qui s'opposent à l'aquaculture et ceux qui travaillent dans l'industrie, et pour répondre aux besoins de tout le monde. Nous pensons que modifier légèrement la Loi sur les pêches pourrait améliorer la situation, mais cela ne nous permettra pas d'accomplir tout ce que nous voulons accomplir, d'autant plus que le Sénat et votre comité ont regardé ce qui se fait à d'autres endroits où ce modèle fonctionne très bien. Je crois que nous en sommes presque arrivés à la conclusion inéluctable qu'il nous faut une loi, mais nous tentons de trouver des raisons qui justifieraient de ne pas en avoir une. Il est bien que notre industrie en soit là, après de nombreuses années d'efforts pour faire progresser les choses.
Je pense que cela peut fonctionner. Quant à savoir si cela relèvera du MPO ou d'Agriculture Canada; quelqu'un d'autre peut en débattre. Je préférerais que ce soit le MPO, mais je ne parle pas au nom de tous les membres de l'industrie. C'est certainement une chose que nous pourrons régler plus tard.
Mme Salmon : Je voulais souligner que cette industrie repose sur la science et qu'elle doit continuer de reposer sur la science. C'est le fondement même de notre industrie.
La protection des stocks sauvages et de l'habitat est essentielle. Cela doit continuer. Cela ne veut pas dire qu'il ne peut y avoir de croissance dans l'industrie. On peut travailler main dans la main, à égalité. Nous voulons une mesure législative moderne, fondée sur des données scientifiques, souple et crédible, qui protège l'environnement et les aspects de la Loi sur les pêches. Les aspects de la Loi sur les pêches liés à la conservation et à la protection sont essentiels. Nous voulons qu'on accorde plus d'importance à la science qu'on ne le fait actuellement, et nous voulons que la communication scientifique fasse davantage partie de notre industrie.
Tout ce qui est important pour vous l'est aussi pour nous. Nous pensons aussi qu'une croissance durable est possible.
La sénatrice Raine : Vous dites donc que vous avez besoin de cette loi pour que les gens qui s'opposent à l'aquaculture aient l'assurance que l'industrie est bien réglementée. Est-ce que la loi permettra de faire cela?
Mme Salmon : Absolument.
M. Ennis : C'est certainement un élément très important. Je dirais à quiconque s'oppose à l'aquaculture que certains des meilleurs gardiens de l'océan sont les gens qui travaillent dans cette industrie, parce qu'ils gagnent leur vie tous les jours sur l'océan. Nous ne voulons certainement pas créer de problèmes. Nous voulons assurer la viabilité et la durabilité de notre industrie pour de nombreuses générations à venir.
Une question a été posée tout à l'heure au sujet du développement économique. Il a une incidence considérable sur les collectivités rurales, et il y a certes beaucoup de possibilités à ce chapitre. Si on jette un coup d'œil aux statistiques mondiales relatives à la consommation des produits de la mer, à la croissance démographique et aux facteurs économiques, on constate que la pêche d'espèces sauvages ne pourra pas suffire à la demande. M. Stringer a mentionné tout à l'heure qu'environ 30 p. 100 des produits de la mer canadiens proviennent actuellement de l'aquaculture. Dans 20 ans, ce pourcentage pourrait être de loin supérieur si l'aquaculture est bien exploitée.
Le président : Nous avons déjà abordé le prochain sujet, mais j'aimerais avoir quelques explications de plus. C'est un sujet auquel nous nous intéressons tous, d'un bout à l'autre du pays, à savoir s'il faut définir l'aquaculture comme une activité de pêche ou comme une activité d'élevage. Nous avons déjà entendu quelques commentaires ce soir à ce sujet, mais je vais demander au sénateur Wells de nous présenter ses observations ou de poser une question, à sa guise, pour débuter cette partie de la discussion.
J'aimerais que nous mettions l'accent là-dessus, car l'un des principaux points qui ont été soulevés à plusieurs occasions, c'est qu'il sera très important, si le gouvernement parvient à mettre en place une loi sur l'aquaculture, d'établir précisément s'il s'agit d'une activité de pêche ou d'une activité d'élevage.
Le sénateur Wells : Pour tout dire, j'ai été président d'une entreprise appelée Atlantic Halibut Farms; je connais donc assez bien l'agriculture et tout ce qui s'y rattache.
Lorsqu'il est question d'agriculture, que ce soit la pisciculture ou les activités agricoles plus communes pratiquées dans les champs, comme l'élevage du bétail ou la culture de produits agricoles, nous parlons de l'alimentation et de l'élevage de juvéniles. Nous parlons de lots ou d'espaces spécifiques. Nous les appelons des aliments de croissance, que ce soit pour les produits de la mer ou le bétail. Nous laissons parfois ces espaces en jachère; c'est un terme utilisé tant dans les exploitations aquacoles que dans les exploitations agricoles.
La pêche est contrôlée, ce qui n'est pas toujours le cas pour la pêche sauvage. Dans l'industrie aquacole, la pêche est contrôlée. Si on a besoin de 10 000 kilos d'un produit, on les obtient. Pour ce qui est de la pêche sauvage, si on veut 10 000 kilos d'un produit, on espère pouvoir les obtenir grâce aux engins de pêche ou aux méthodes qu'on utilise. Évidemment, on contrôle les stocks en régissant la pêche en fonction des quotas, des allocations ou de l'ouverture et la clôture des saisons, ce qu'on ne fait pas, ce qui n'est pas réglementé dans l'industrie de l'aquaculture. Les éleveurs utilisent leur produit quand ils en ont besoin. Il n'y a pas de saison définie. Elle peut être définie par les conditions météorologiques ou d'autres facteurs, mais elle n'est pas définie par la réglementation.
En ce qui concerne les règlements qui la régissent, et c'est la Loi sur les pêches, qui a été élaborée en 1867, l'aquaculture est la quadrature, et la loi est le cercle. Je pense que c'est ce que tous les exploitants qui sont soumis... Les règles ont été établies pour quelque chose de complètement différent. C'est un peu comme si le code de la route pour nos véhicules avait été conçu pour l'époque des voitures à cheval. C'est ce à quoi nous sommes confrontés actuellement, selon moi.
Ce n'est qu'un élément de discussion pour amorcer cette partie de la séance. J'invite mes collègues à formuler des observations ou à donner leur point de vue.
Mme Salmon : Vous avez très bien résumé la situation. C'est tout à fait exact. Les autres pays, les Nations Unies, tout le monde définit l'aquaculture comme une activité d'élevage. Nous savons que cela n'a pas toujours été le cas dans certaines affaires récentes, mais peut-être qu'il en a été ainsi parce que la loi au Canada ne définissait pas clairement ce qu'est l'aquaculture.
Partout ailleurs où on pratique l'aquaculture, les Nations Unies la définissent comme une activité d'élevage. N'importe quel aquaculteur au Canada nous dirait qu'il est éleveur. C'est ce qu'il fait. Pour nous, c'est une distinction très nette.
Le sénateur Wells : Nous pourrions peut-être entendre le point de vue de M. Gilbert ou de M. Parsons. Je les ai connus tous les deux il y a de nombreuses années grâce à leurs actions dans l'industrie aquacole, en particulier M. Parsons. Avez-vous des commentaires à formuler sur cette question?
Je dois dire encore une fois que Jay Parsons doit travailler dans l'industrie aquacole depuis plus de 20 ans, car c'est depuis ce temps que je le connais, je crois.
M. Parsons : Je vous remercie de me donner l'occasion de formuler des commentaires. Comme vous l'avez mentionné, je me suis impliqué dans le secteur aquacole par l'entremise du milieu universitaire, en travaillant avec l'industrie et plus récemment avec le gouvernement, afin d'appuyer la gestion et la réglementation de l'aquaculture par les travaux scientifiques que nous effectuons.
Comme vous l'avez souligné, les étapes propres à l'aquaculture sont très différentes de celles de la pêche du poisson sauvage. Par ailleurs, un certain nombre des étapes relatives au stock reproducteur, dont l'alevinage et le contrôle du stock, la nourriture, le contrôle de l'exploitation et la surveillance, sont des activités qui correspondent à des pratiques comparables dans l'élevage terrestre des animaux.
Il a déjà été mentionné, je crois, que des décisions de justice ont été rendues selon une perspective différente en vertu de notre cadre actuel, et mes collègues de la direction sauront mieux que moi vous parler de ces aspects en particulier. Cela dit, l'aquaculture — qui a lieu dans un milieu aquatique — a également des aspects communs avec les pêches. Évidemment, tout n'est pas clairement défini entre les deux; la pêche et l'aquaculture ont lieu dans un environnement commun, mais les aspects relatifs à l'élevage s'apparentent grandement aux pratiques en milieu terrestre.
M. Gilbert : Ceux d'entre vous qui me connaissent depuis longtemps savent que j'essaie d'accomplir mon travail de façon très pragmatique et que je dois réaliser le mandat du ministère en ce qui concerne l'aquaculture. Comme l'a dit mon collègue Kevin, nous devons travailler avec les outils à notre disposition. L'un de ces outils est une décision rendue par la Cour suprême, en Colombie-Britannique, qui indique que l'aquaculture est une pêche. Nous avons décidé d'appliquer cela de façon concrète en Colombie-Britannique, mais en fait, la décision a été prise en vertu de la Constitution canadienne. Sur papier, l'aquaculture est une pêche dans l'ensemble du Canada, et c'est cela, la réalité.
Si vous le permettez, j'aimerais revenir sur le point que j'ai soulevé tout à l'heure, soit que si nous avions une loi sur l'aquaculture qui s'en tiendrait au fait que sur le plan juridique, l'aquaculture est une pêche, alors cela aurait des conséquences. Cela voudrait dire que pour la première fois, nous aurions une loi nationale sur l'aquaculture, mais aussi que l'aquaculture relèverait en grande partie de la compétence fédérale, puisque les pêches relèvent uniquement de la compétence fédérale, comme vous le savez tous. C'est une situation très complexe.
Pour régler ou examiner la question à laquelle nous sommes confrontés d'un point de vue juridique, il faudrait faire appel au plus haut niveau décisionnel du gouvernement, et ce ne serait pas facile, car certaines provinces aimeraient l'idée que l'aquaculture soit considérée comme une pêche, mais d'autres non. S'ensuivrait une autre série de discussions entre les deux ordres de gouvernement. Au bout du compte, nous serions peut-être dans une meilleure situation, mais combien de temps cela prendrait-il? Je pense que personne ne le sait.
Encore une fois, le cœur de la question est lié au fait qu'on ne définit pas ce qu'est l'aquaculture, mais peu importe ce que nous déciderons, il y aura des avantages et des inconvénients. Je peux vous dire que nous travaillons à l'intérieur du cadre que nous avons actuellement et que nous faisons des progrès, quoique à un rythme plus lent que ce que souhaiterait l'industrie. Toutefois, le Règlement sur les activités liées à l'aquaculture, ou RAA, permettra d'améliorer sensiblement les choses sur le plan des emplacements, de l'exploitation quotidienne et de ce que fera concrètement le MPO pour assurer une meilleure gestion de l'industrie.
J'aimerais faire un dernier commentaire. Encore une fois, mon opinion personnelle au sujet de la nécessité d'une loi n'a pas d'importance, mais je dirais que depuis 2010, depuis que nous nous occupons d'aquaculture en Colombie-Britannique et que nous avons élaboré ce nouveau programme, je crois qu'il est juste de dire que nous avons vu une amélioration sur le plan du permis social à ce chapitre dans cette province. De plus en plus de gens sont intéressés à examiner toute l'information que nous pouvons leur fournir; nous avons accès à cette information, puisque nous sommes le principal organisme de réglementation. La transparence le justifie.
Après cinq années de compétence fédérale en Colombie-Britannique, en vertu de la Loi sur les pêches, puisque l'aquaculture est une pêche, nous sommes sur le point de permettre une expansion de l'industrie. D'ailleurs, nous avons délivré deux nouveaux permis pour de nouveaux emplacements en Colombie-Britannique, non seulement parce que nous avons les outils nécessaires, mais aussi parce que l'acceptation du concept de l'aquaculture est en hausse en Colombie-Britannique.
Je ne peux que dire ceci : même en ce qui concerne les deux nouveaux sites, on a délivré des permis au nom des Premières Nations, ce qui constitue une première. Il y a huit ou dix ans, un mouvement au sein des Premières Nations s'opposait à la pisciculture. Aujourd'hui, cinq ans après la mise en œuvre du Règlement du Pacifique sur l'aquaculture, même les Premières Nations demandent des permis pour la salmoniculture. Cela en dit long.
M. Stringer : Je veux ajouter deux ou trois éléments à ce qu'ont dit mes collègues. Premièrement, pour ce qui est de déterminer s'il s'agit d'une activité d'élevage ou de pêche, c'est vraisemblablement les deux. C'est un débat intéressant. J'entends régulièrement divers points de vue à ce sujet. Comme bien des gens l'ont souligné, si l'on devait le définir, les conséquences seraient très importantes.
En ce moment, il y a les décisions rendues par les tribunaux et la façon dont les provinces gèrent la situation concrètement, et jusqu'à maintenant, nous respectons la décision du tribunal, le cas échéant, et la compétence provinciale et nous avons de bonnes relations avec les provinces — et ainsi de suite.
Deuxièmement, nous avons tous dit, et je l'ai fait dans ma déclaration préliminaire, qu'au moment de la rédaction de la Loi sur les pêches, en 1868, il était difficile d'imaginer la situation de l'aquaculture moderne, et il serait donc difficile de dire que c'est un outil parfait.
On a souligné également qu'on n'avait pas imaginé la pêche sauvage moderne non plus. C'est ce que disent des gens du monde des pêches et d'ailleurs également. Il est difficile de modifier la Loi sur les pêches. Nous avons apporté quelques changements, mais ils ne sont pas nombreux. Toutefois, nous avons réussi à faire fonctionner les choses, tant du côté de la pêche sauvage que de l'aquaculture. Des efforts ont été déployés pour modifier la Loi sur les pêches en fonction de la pêche sauvage. Pour ce qui est de savoir si cela a fait en sorte que le cadre réglementaire est approuvé, je n'en suis pas complètement sûr, mais ces choses ont été mises de l'avant, et l'on fait des propositions également en ce qui concerne l'aquaculture. Nous avons réussi tant du côté de la pêche sauvage que de celui de l'aquaculture.
Le président : Merci, sénateur Wells. Une fois de plus, nous avons eu droit à une excellente discussion.
Je veux passer à notre troisième sujet.
Le sénateur McInnis : Puis-je lire quelque chose aux fins du compte rendu? C'est important. Je viens de trouver la citation que j'avais. Il s'agit d'un passage de la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique :
« l'aquaculture de poissons » est une « pêche » et elle relève de la compétence exclusive du Parlement conformément au paragraphe 91(12) de la Loi constitutionnelle de 1867.
La cour « a décidé que la majorité des dispositions de la loi provinciale régissant l'aquaculture ne relèvent pas des compétences constitutionnelles de la province ».
Je pense que c'est un élément extrêmement important, une déclaration très importante. Elle dit ensuite que la seule compétence que la province a, c'est celle s'appliquant aux plantes marines, dans le fond marin. C'est un élément important pour la suite des choses, pour ce que nous allons faire.
Excusez-moi.
Le président : Non, c'était une bonne intervention.
M. Ennis : On a entendu à quelques reprises ce soir que le MPO doit travailler avec les outils qu'il a à sa disposition. Il me semble que c'est aussi le cas des tribunaux. Ils doivent définir l'aquaculture en tant que pêche parce qu'il n'existe pas de définition. En examinant la Loi sur les pêches, on se rend compte que ce n'est même pas là.
Le sénateur McInnis : C'est dans la Constitution.
M. Ennis : Je n'en ai pas encore fait la lecture. Eric vient de faire de bonnes observations, et à la toute fin, il a dit que les Premières Nations ont fait des demandes de permis. Il règne déjà une grande confusion quant à savoir s'il s'agit d'une activité d'élevage ou de pêche, mais je trouve intéressant qu'elles aient fait des demandes de permis. Pour revenir à ce que disait David, pour ce qui est de déterminer s'il s'agit d'une activité d'élevage ou de pêche, je pense que nous convenons tous qu'il faut préciser les choses à cet égard.
Le président : Les mots sont importants.
Nous passons maintenant à notre troisième sujet de discussion de la soirée, et je vous remercie encore une fois de vos excellents commentaires. Pour en revenir à ce que j'ai dit dans ma déclaration préliminaire, il s'agit des processus existants de révision fédérale et provinciale.
J'aimerais que nous discutions — et je crois que c'est le sénateur McInnis qui commencera — des progrès réalisés dans le cadre de l'Initiative nationale pour des plans d'action stratégiques en aquaculture et du protocole d'entente qui a été signé avec les provinces de l'Atlantique il y a un certain temps. Il s'agit essentiellement d'obtenir le point de vue des gens rassemblés ici ce soir sur ce qui se passe jusqu'à maintenant sur le plan des processus de révision fédérale et provinciale. Pouvons-nous en retirer quelque chose? Nous faut-il adopter un décret? Ce que nous essayons de faire en partie, c'est trouver un moyen de faire progresser les choses.
Je cède la parole au sénateur McInnis, qui lancera la discussion.
Le sénateur McInnis : Je serai très bref. En fait, les gouvernements fédéral et provinciaux — et je crois que toutes les provinces sont représentées ici, n'est-ce pas? Je pense que oui. On examine les cadres réglementaires pour favoriser l'harmonisation des régimes, ce qui réduirait le fardeau réglementaire.
Je crois comprendre que le comité a été formé en 2010, soit il y a cinq ans. Je sais par expérience que ces choses ne changent pas rapidement, mais il serait intéressant de savoir où vous en êtes à cet égard. Vous avez peut-être beaucoup d'information maintenant sur la situation. On parle peut-être de consolidation, d'accélération des choses, et cetera. Pourriez-vous nous donner votre point de vue?
M. Stringer : Je vais commencer, et je demanderai à M. Gilbert d'intervenir.
J'ai quelques observations à faire sur la façon dont nous collaborons avec les provinces. Le Conseil canadien des ministres des Pêches et de l'Aquaculture comprend un organisme qui est coprésidé par M. Gilbert et l'un des SMA des provinces. En raison de la question des compétences, du partage des compétences, de la situation en Colombie-Britannique et de celle de l'Île-du-Prince-Édouard, il nous faut avoir de bonnes relations de travail. Un certain nombre de groupes ont participé, et peut-être que certaines personnes présentes nous ont aidés à aller dans cette voie, c'est-à-dire que nous avons besoin d'une stratégie nationale pour l'aquaculture. Nous savons qu'à l'heure actuelle, la compétence est diffuse; essayons donc, à tout le moins, de réunir le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires pour trouver une série d'objectifs qui constitue, en fait, un plan d'action comprenant des objectifs pour chaque année, la première, la deuxième et la troisième, afin de réaliser des progrès dans les aspects dont nous partageons la responsabilité. Il y avait des éléments liés à la recherche, à la réglementation et au développement économique. Je vais demander à M. Gilbert de nous dire où en sont les choses. Je sais qu'une évaluation a été effectuée récemment, et je sais quels engagements il faut renouveler pour aller de l'avant.
C'est l'un des outils que nous avons en commun avec les provinces et les territoires pour essayer de coordonner, de réglementer et de garantir des choses. Par exemple, je sais que vous avez parlé de la santé des poissons récemment. C'est une compétence que les provinces et le gouvernement fédéral ont en commun. Nous avons besoin d'une réglementation uniforme sur la santé des poissons, et nous devons nous assurer d'établir des normes.
Je vais demander à M. Gilbert de parler de certains éléments en particulier en ce qui concerne l'évaluation et ce que nous pourrions en retirer.
M. Gilbert : L'Initiative nationale pour des plans d'action stratégiques en aquaculture, ou l'INPASA, a été une première dans l'histoire du Canada. En 2010, pour la première fois, nous avons donné aux deux ordres de gouvernement une stratégie nationale pour régler bon nombre de problèmes de l'industrie aquacole. C'était un projet ambitieux. Je pense que nous devions réaliser près de 160 mesures en cinq ans.
Comme je l'ai dit, il s'agissait d'une stratégie provinciale-fédérale-territoriale, mais nous avons mobilisé l'industrie dans une large mesure pour son élaboration. Nous avons tenu de nombreuses consultations et réunions partout au pays, ce qui inclut des discussions avec les Premières Nations et les organismes de conservation.
C'était une première. Parce que c'était une première, c'était un projet très ambitieux et nous en sommes à notre cinquième année. Nous avons donc évalué où nous en sommes. Je dirais que nous n'avons pas accompli tout ce qui était prévu dans la stratégie, mais nous nous sommes attaqués à la plupart des mesures et avons agi pour bon nombre d'entre elles.
On parle ici du gouvernement, et il faut donc du temps, mais le premier exemple que je vous donnerais, c'est la version renouvelée du Code national sur l'introduction et le transfert d'organismes aquatiques, qui était en vigueur en 2005, si je me souviens bien. Il faut le renouveler. C'est un code national qui définit les rôles et les responsabilités non seulement dans la famille fédérale, mais également dans les provinces et même dans l'industrie, puisqu'il concerne le transfert d'organismes aquatiques, surtout des questions liées à la santé des poissons, donc du point de vue du transfert de maladies.
Le code a été approuvé par tous les ministres, tant à l'échelle provinciale qu'à l'échelle fédérale, et l'élément déclencheur, c'est le nouveau rôle qu'aura l'Agence canadienne d'inspection des aliments. L'ACIA est déjà responsable de l'exportation et de l'importation des organismes vivants, mais bientôt, elle mettra en œuvre le volet national du Programme national sur la santé des animaux aquatiques. Ainsi, l'organisme fédéral se chargera d'une partie des anciennes responsabilités qu'avait le MPO relativement à la santé des poissons. Nous devons donc définir un nouveau régime de règles et de responsabilités pour nous tous et nous assurer que l'ACIA participera et coordonnera ses mesures avec les nôtres et celles des provinces.
Je pense que c'est une grande réalisation. Pour la première fois, nous pouvons dire à tous les gens qui veulent le savoir, dont les Canadiens qui ne travaillent pas dans l'industrie aquacole, comment nous gérons la santé des poissons au pays.
Comme deuxième exemple, il y a la modernisation du Programme canadien de contrôle de la salubrité des mollusques. Encore une fois, il s'agit de la sécurité des aliments, de la santé de mollusques et de l'accès au marché, et on prévoyait moderniser ce volet dans le cadre de l'INPASA. Nous sommes sur le point de terminer le processus.
Je dois mentionner que sur le plan de la structure de gouvernance, comme vous l'avez mentionné, un PE a été signé avec les provinces de l'Atlantique, le Québec et la Colombie-Britannique. Cela est venu des SMA, lorsque nous ne nous entendions pas sur les responsabilités de chacun en matière d'aquaculture, et nous avons dit ceci : réglons la question, mettons de côté le volet légal et déterminons quelles sont concrètement les responsabilités de chacun. Ces PE existent depuis des décennies, et il y a une structure de gouvernance, un comité fédéral-provincial, qui s'occupe des activités quotidiennes des deux côtés, fédéral et provincial, en ce qui a trait à l'aquaculture. L'INPASA a été créée sur cette base. Le mécanisme d'application à l'échelle provincial, c'était le comité du PE, qui était responsable d'examiner les priorités chaque année, de suivre les progrès concernant ces priorités et de faire rapport à l'échelle nationale sur les progrès réalisés durant l'année.
L'INPASA n'était peut-être pas parfaite, mais elle a été une réussite sur le plan de la coordination entre les gouvernements fédéral et provinciaux. De plus, nous avons livré la marchandise sur le plan des mesures prioritaires.
Enfin, comme je l'ai dit, cette stratégie prendra bientôt fin, et à titre informatif, toutes les provinces et nous convenons que nous devrions la renouveler. Nous avons besoin d'une stratégie nationale sur l'aquaculture, et nous convenons également que la nouvelle stratégie devrait être un peu mieux ciblée. Il faudrait peut-être qu'elle soit un peu moins ambitieuse que la précédente, mais nous devrions pouvoir prendre toutes les mesures sur lesquelles nous nous entendons.
Le sénateur McInnis : Ne s'agirait-il pas d'un bon véhicule pour la loi, le cas échéant?
M. Gilbert : Pour ce qui est des discussions avec les provinces, sans aucun doute.
Le sénateur McInnis : À quelle fréquence vous réunissez-vous?
M. Gilbert : Les ministres responsables de l'Aquaculture et des Pêches se rencontrent une fois par année, habituellement en juin. Les sous-ministres des organismes responsables, fédéraux et provinciaux, tiennent trois conférences téléphoniques durant l'année. Dans ce cadre, nous avons ce que nous appelons le Comité de gestion stratégique de l'aquaculture, que je copréside avec un représentant d'une province. Le comité se réunit au besoin, donc quatre ou cinq fois par année, ou peut-être plus.
Lorsque nous avons élaboré le Règlement sur les activités d'aquaculture, il nous fallait mobiliser les provinces, et nous l'avons fait par le Comité de gestion stratégique. L'an dernier, nous avons tenu 8 ou 10 réunions — conférences téléphoniques ou réunions en personne. C'est assez utile et cela fonctionne bien.
M. Stringer : Que l'on adopte une loi ou que l'on agisse dans le cadre actuel, ce qu'il y a de bon dans la présente structure, c'est que tout part des ministres, et les ministres reçoivent un rapport chaque année, qu'il y ait des progrès ou non. Les ministres en discutent, un rapport est présenté, et cetera, de sorte qu'on impose une certaine discipline. Ensuite, des sous-ministres se réunissent et lorsqu'ils le font trois fois par année, je peux vous garantir qu'une série d'activités a lieu pour déterminer quels progrès ont été faits, vous savez. Nous avons également un bon lien. C'est un lien qui s'impose et qu'il s'agisse de l'INPASA ou de nos activités normales, cette structure d'engagement avec les provinces et les territoires est très utile
La sénatrice Raine : Que signifie INPASA?
M. Gilbert : Initiative nationale pour des plans d'action stratégiques en aquaculture.
Le sénateur Meredith : Dans le cadre de votre collaboration avec les provinces, soulèvent-elles des préoccupations au MPO quant aux mesures que vous prenez dans le cadre de la nouvelle initiative?
M. Gilbert : Je peux vous assurer qu'elles expriment d'innombrables préoccupations de façon régulière.
Le sénateur Meredith : Comment intervenez-vous?
M. Gilbert : Tout dépend de ce dont il s'agit. Parfois, la province utilise cette plateforme pour discuter des problèmes dont nous ne sommes pas responsables, mais au sujet desquels nous devons l'aider à titre de membres du principal organisme.
L'entrée en jeu de l'Agence canadienne d'inspection des aliments est un bon exemple du fait que les gens de l'ACIA n'étaient pas habitués de collaborer avec les responsables provinciaux de l'aquaculture. Ils ont déjà un réseau en place pour le volet de l'agriculture, mais puisqu'ils récupèrent le programme sur la santé des animaux aquatiques, ils doivent établir ce réseau. L'élaboration du Programme national sur la santé des animaux aquatiques constituait une entreprise majeure de l'ACIA, qui a eu recours au CGS — le sous-comité du Conseil canadien des ministres des Pêches et de l'Aquaculture — pour traiter avec la province. Le processus s'est avéré très efficace.
Chaque fois qu'un membre du CCMPA prend des mesures concernant une initiative de réglementation, cela fait l'objet de discussions, non seulement sur le plan de la communication d'information, mais également pour ce qui est de la coordination.
Le sénateur McInnis a dit que le gouvernement néo-écossais prend des mesures sur le plan de la réforme réglementaire. Nous communiquons beaucoup pour nous assurer que dans le cadre de l'élaboration du Règlement sur les activités d'aquaculture, nous ne ferons rien qui recoupe les mesures que la province prévoit prendre. C'est un autre exemple. Si des problèmes se posaient sur le plan de l'accès au marché, par exemple, nous pourrions tenir une conférence téléphonique très rapidement pour que les représentants fédéraux et provinciaux en discutent.
À mon avis, cette structure de gouvernance est très utile. En fait, je la considère indispensable, car l'aquaculture est une compétence partagée et on a dit maintes fois dans le passé que le manque de coordination entre le gouvernement fédéral et les provinces empêche l'industrie d'aller de l'avant et accroît la confusion. Ainsi, le CCMPA et le Comité de gestion stratégique de l'aquaculture ont été conçus et mis en place il y a peut-être 10 ans, et l'objectif était justement d'améliorer la coordination.
Ce n'est pas parfait. Ce n'est pas comparable à une loi sur l'aquaculture sur le plan de la coordination, mais cela a été certainement très efficace et utile.
Le sénateur Meredith : Merci beaucoup.
Le président : Je remercie nos témoins.
Le sénateur McInnis : Nous savons tous que des gens s'opposent à l'aquaculture à différents niveaux. Vous parlez de la croissance de l'industrie. Quel effet cela a-t-il eu sur la croissance de votre industrie? Cela a-t-il empêché les sociétés d'aller de l'avant?
Mme Salmon : C'est une question intéressante et une très bonne question, car comme c'est le cas pour d'autres industries, une petite minorité s'oppose à la nôtre avec véhémence, ce qui représente un défi. Toutefois, du point de vue de l'industrie, le plus important, c'est que le gouvernement fédéral comprenne ce que l'industrie peut devenir et qu'il l'aide à croître. C'est ce que nous n'avons pas encore observé. Encore une fois, je ne veux pas critiquer ce qui s'est passé auparavant, car du bon travail a été effectué et notre industrie est importante, mais nous pourrions en faire tellement plus. Au cours des 10 dernières années, nous avons perdu 42 p. 100 de la part de marché, et d'autres pays sont plus avancés. Ce que nous considérons comme un obstacle, c'est le fait que nous avons besoin de l'adoption d'une approche moderne sur la façon dont notre industrie est gérée. Nous avons besoin d'un gouvernement qui élabore une vision pour la croissance tout en assurant la viabilité de l'environnement.
Nous pouvons parler des mots et des définitions et dire que c'est trop difficile. Nous pouvons dire que nous avons un système de gouvernance complexe. Nous le savons tous. Cependant, ne perdons pas de vue notre objectif de soutenir une industrie de production alimentaire essentielle qui peut faire énormément pour les communautés côtières et les Premières Nations. Elle peut être un moteur économique et produire des produits sains et nutritifs dont ont besoin non seulement les Canadiens, mais le monde entier.
Je crois qu'il nous faut prendre du recul et comprendre ce dont nous parlons ici. Nous pouvons trouver toutes les raisons pour lesquelles il est difficile de le faire parce que cela n'a jamais été fait auparavant, mais quel est l'objectif? Nous voulons que le Canada soit un chef de file dans une industrie des produits de la mer qui respecte l'environnement, qui va de l'avant et qui crée non seulement des emplois, mais une protéine saine. Je termine avec cette observation, car nous devons nous rappeler pourquoi nous faisons cela.
Le sénateur McInnis : Cependant, nous voulons bien le faire.
Mme Salmon : C'est tout à fait vrai, et notre obstacle, ce ne sont pas les enjeux publics, qui posent des difficultés, bien sûr, mais cela n'empêche pas notre industrie de progresser.
Mme Parker : J'aimerais ajouter quelque chose à ce qu'a dit Mme Salmon. Je suis d'accord avec elle. Notre industrie, c'est une industrie d'élevage. Au bout du compte, la Loi sur les pêches est un outil de conservation et de protection. Ainsi, cela place le gouvernement dans une situation de conflit dans le cadre de la Loi sur les pêches — promouvoir une industrie qui mène ses activités dans le milieu marin, ou excusez-moi, permettre une industrie comme la nôtre, qui mène des activités d'élevage dans un milieu marin —, lorsque le but est la protection et la conservation. C'est peut-être pourquoi il est plus difficile de décider d'aller de l'avant.
Le sénateur McInnis : Les activités sont menées sur des propriétés publiques — des terrains. Les activités ont lieu sur terre. Il y a une différence. Du côté du public, on peut dire que pour les terres privées, les activités sont menées sur les terres. C'est différent — il y a une grande différence. Merci.
Le président : Merci beaucoup. Nous voulons remercier nos témoins. Encore une fois, vous avez beaucoup contribué à nos discussions et à nos consultations. S'il vous vient quelque chose à l'esprit plus tard et que vous croyez que cette information pourrait nous éclairer, vous pouvez la communiquer au comité en tout temps. Nous espérons pouvoir terminer notre rapport après le congé de Pâques et le présenter au Sénat d'ici juin. C'est ce que nous prévoyons faire. C'est ce qui est souhaité, mais on ne sait jamais ce qui peut arriver. Je vous remercie de votre présence.
Plaît-il au comité de poursuivre la séance à huis clos?
La sénatrice Stewart Olsen : Absolument.
Le président : Conformément à l'article 12-16 du Règlement. Ceux qui sont pour?
Des voix : D'accord.
Le président : Ceux qui sont contre? Adopté.
Nous allons prendre un moment.
(La séance se poursuit à huis clos.)