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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 7 - Témoignages du 5 mai 2014


OTTAWA, le lundi 5 mai 2014

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 17 heures, pour procéder à l'étude sur les mécanismes internationaux visant à accroître la coopération pour régler les disputes familiales transfrontalières, notamment les efforts du Canada pour favoriser l'adhésion et la conformité universelles à la Convention de La Haye sur l'enlèvement et renforcer la coopération avec les États non signataires, afin de défendre les intérêts des enfants.

La sénatrice Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bienvenue à la 10e réunion du Comité sénatorial permanent des droits de la personne.

[Français]

Le Sénat a confié à notre comité le mandat d'examiner les questions liées aux droits de la personne au Canada et à l'étranger. Je m'appelle Mobina Jaffer, je suis la présidente de ce comité et j'ai l'honneur de vous souhaiter la bienvenue à cette réunion.

[Traduction]

Avant de commencer, je demanderais à mes collègues de se présenter, en commençant par la sénatrice Unger.

La sénatrice Unger : Je m'appelle Betty Unger, et je suis d'Edmonton, en Alberta.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, Sherbrooke, province de Québec.

[Traduction]

La présidente : Dans le cadre de notre réunion du 2 décembre 2013, nous avons accepté d'étudier les mécanismes internationaux visant à régler les disputes familiales transfrontalières.

[Français]

Cette étude a pour but d'accroître la coopération pour régler les disputes familiales transfrontalières, notamment les efforts du Canada visant à favoriser l'adhésion et la conformité universelles à la Convention de La Haye sur l'enlèvement et à renforcer la coopération avec les États non signataires, afin de défendre les intérêts des enfants.

[Traduction]

Le problème de l'enlèvement parental international n'est pas nouveau. Cependant, au cours des dernières décennies, on constate une augmentation du nombre de cas, parallèlement à l'augmentation des déplacements internationaux, des relations internationales ainsi que des taux de divorces et de séparations légales. Dans de tels cas, un enfant est retiré de son environnement familial, qu'on appelle sa résidence habituelle, et amené dans une autre administration par un des parents. Cet enfant peut, ou non, continuer d'avoir des contacts avec le parent laissé derrière.

[Français]

Les cas d'enlèvement parental international peuvent être particulièrement éprouvants pour les personnes touchées. Selon les cas, le rapt peut avoir de graves conséquences sociales, psychologiques et même physiques sur l'enfant et sur le parent qui en est séparé. De plus, les différences entre les systèmes judiciaires d'un État à un autre ainsi que la distance géographique constituent souvent des obstacles qui font de la localisation et du retour de l'enfant enlevé, puis amené à l'étranger, un problème juridique international difficile à résoudre.

[Traduction]

Nous commençons nos audiences en souhaitant la bienvenue, par vidéoconférence, au sous-chef Murray Stooke, du Service de police de Calgary.

Sous-chef Stooke, je vous suis très reconnaissante. Je sais que vous avez accepté de nous rencontrer dans un court délai. Nous voulions vraiment recevoir un représentant d'un service de police provincial afin de connaître les défis auxquels vous êtes confrontés. Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire. Après votre exposé, nous aurons peut-être quelques questions à vous poser.

Sous-chef Murray Stooke, Service de police de Calgary : Je tiens à remercier le comité de nous avoir lancé son invitation pour connaître les expériences et les observations du Service de police de Calgary en ce qui concerne l'enlèvement international d'enfants.

Sur notre territoire, nous avons eu à gérer seulement 3 cas d'enlèvement international au cours de la dernière année, et un total d'environ 9 ou 10 cas au cours des 5 dernières années. Je peux peut-être vous fournir une très brève description de chacun des trois cas survenus durant la dernière année, puis vous formuler certaines observations sur la façon dont nous avons été touchés et la façon dont le régime fonctionne.

Le premier cas s'est produit en octobre de l'année dernière. Une famille des États-Unis, une mère et son fils adulte, a franchi la frontière à Estevan, en Saskatchewan. Ils sont retournés dans un endroit près de là cinq heures plus tard pour ramasser trois enfants qui avaient été laissés du côté américain et qui ont dû passer au Canada à la faveur de la nuit. Une alerte publique a été lancée, et il était clair que cette personne était entrée au Canada. Un travailleur des services sociaux de Calgary a communiqué avec le Service de police de Calgary pour nous dire que, selon lui, une personne qui correspondait à cette description voulait obtenir des services.

Nous avons été en mesure de trouver la famille. Dans le cadre de notre enquête, nous avons communiqué avec l'ASFC, qui a émis un mandat aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. La mère a été arrêtée par application de ce mandat. Les enfants ont été récupérés par les autorités chargées de la protection de l'enfance conformément à l'ordonnance d'un juge.

Le deuxième cas s'est produit tout juste il y a quelques semaines, en janvier. Une mère vivait et travaillait à Calgary avec son époux, un ressortissant mexicain. Elle a déclaré être victime de violence conjugale. Le mariage s'est effondré. Le couple est retourné au Mexique. Cependant, après Noël, la mère est revenue au Canada avec les enfants. Elle nous a indiqué qu'elle avait été victime de violence et que son époux avait tenté d'enlever les enfants au Mexique.

Dans ce dossier, nous avons communiqué avec la Couronne, la GRC et l'ASFC. Notre enquête est toujours en cours. Aucune accusation n'a été portée, et la mère continue de vivre et de travailler à Calgary.

Le dernier dossier dont je vais parler a commencé en Espagne. On nous a informés, il y a environ trois semaines, qu'une mère et sa fille étaient arrivées à l'aéroport international de Calgary en provenance de l'Espagne. La mère est citoyenne canadienne. On l'a laissée entrer au Canada sur présentation d'une photocopie d'un passeport canadien expiré.

La GRC a été informée par INTERPOL que le père avait déclaré que sa fille avait été enlevée. Le Service de police de Calgary a été appelé, et nous avons pu trouver la mère et la fille dans un hôtel de la ville. Nous avons rencontré l'enfant et la mère, tout comme les autorités responsables de la protection de l'enfance. À ce moment-là, on a laissé l'enfant avec la mère, et cette dernière s'est rendue dans un refuge pour victimes de violence familiale de Calgary. L'enquête est toujours en cours.

Je vais maintenant vous donner un aperçu général de la façon dont les choses fonctionnent. Dans les premières minutes suivant la réception d'une plainte liée à un cas d'enlèvement international d'enfant, il y a beaucoup d'incertitude. Habituellement, un agent de liaison de la GRC communique avec nous. D'habitude, il a uniquement des renseignements partiels à ce moment-là. On ne sait pas si une ordonnance de garde a été émise dans le pays d'origine ni si un mandat d'arrêt a été émis en raison de l'enlèvement. Cette confusion se dissipe après un certain nombre d'heures à mesure que l'enquête progresse.

C'est donc une situation difficile. C'est difficile d'agir rapidement en sachant exactement ce qu'il faut faire parce qu'on n'a pas tous les faits.

Au Service de police de Calgary, nous tentons de centraliser ces enquêtes. Nous avons un centre des opérations ouvert 24 heures sur 24 à Calgary dont nous nous servons pour fournir un soutien une fois la plainte reçue. Ensuite, nous communiquons avec notre unité des conflits familiaux, qui est composée de spécialistes qui s'occupent des cas d'enlèvement d'enfants. Nous collaborons aussi avec nos partenaires responsables de la protection de l'enfance en Alberta et travaillons sur le dossier à partir de là.

J'ai un certain nombre de commentaires à faire en ce qui concerne la sensibilisation, la prévention et l'application de la loi qui sont en jeu dans ce genre de dossier. Je vais maintenant vous en faire part.

Il ne semble pas y avoir de formation pour les forces de l'ordre récemment publiée sur cet enjeu. Il y a une formation qui date de 1998, mais notre service de police, du moins, n'a pas accès à du matériel à jour en ce moment sur nos pouvoirs dans le cadre de ces situations compliquées. Au Canada, nous bénéficions de ce qu'on appelle le Réseau canadien du savoir policier, un site de formation sur ordinateur auquel la plupart des agents de police du Canada ont accès et qui serait peut-être un bon module pour cette tribune, ou du matériel sur le Web aussi.

Il serait utile d'avoir accès à une liste de vérification pour les enquêteurs de police et les agents de liaison de la GRC de façon qu'ils n'oublient rien dans chaque cas. Tout est différent, et il y a des questions qu'il faut poser.

Nous croyons qu'une surveillance accrue aux points d'entrée et de sortie canadiens aiderait peut-être à prévenir certains cas d'enlèvement parental. Bien sûr, on ferait encore plus attention lorsqu'un seul parent accompagne le ou les enfants.

Nous nous demandons si les ministres fédéraux-provinciaux-territoriaux peuvent travailler en collaboration avec les autorités provinciales, peut-être grâce à une modification de la législation, pour inclure dans nos lois sur la protection de l'enfance qu'un soupçon d'enlèvement parental est une preuve qu'un enfant peut avoir besoin de protection, afin que les autorités chargées de la protection de l'enfance puissent toujours participer au règlement de ces dossiers. Le cas de la mère qui est récemment arrivée à Calgary en provenance de l'Espagne est un bon exemple de cela. Nous n'avons pas le pouvoir d'exiger de la mère qu'elle reste à Calgary ou qu'elle ne déménage pas dans une autre administration, et, actuellement, les autorités chargées de la protection de l'enfance n'ont pas pris en charge l'enfant.

De plus, et cela fait encore intervenir les ministres fédéraux-provinciaux-territoriaux, nous pourrions peut-être envisager l'utilité d'émettre une ordonnance aux termes de la loi sur la protection de l'enfance pour limiter les déplacements d'un parent soupçonné d'avoir enlevé un enfant. On pourrait aussi inclure des dispositions touchant la surveillance appropriée de l'enfant pour s'assurer que les autorités chargées de la protection de l'enfance puissent avoir un certain pouvoir sur la famille.

Pour terminer, il serait probablement utile de conclure des protocoles plus officiels entre les agents de liaison de la GRC et nous qui définissent des listes de vérification que les agences doivent respecter à chaque étape. Ces choses seraient probablement elles aussi utiles.

Je suis prêt à répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup. Vous nous avez fourni des renseignements utiles. Comme vous le savez, nous avons rencontré des représentants de la GRC, alors votre témoignage nous aide encore plus dans le cadre de notre étude.

J'ai une question rapide à vous poser avant de laisser la parole aux autres membres. Vous avez parlé d'un cas américain. Le système d'alerte AMBER était-il déjà en place? Est-ce ainsi que vous avez été alertés?

M. Stooke : Il n'y avait pas d'alerte AMBER, mais il y avait une veille-média. Je crois que, lorsque les autorités américaines ont déterminé que les enfants étaient disparus, elles ont communiqué avec l'ASFC et découvert que la mère était entrée au Canada. À ce moment-là, la veille-média a été déclenchée. Il ne s'agissait cependant pas à proprement parler d'une alerte AMBER.

La présidente : Je suis impressionnée de la rapidité avec laquelle vous avez pris de nombreuses mesures dans l'intérêt des enfants. Environ combien de temps cela a-t-il pris? On dirait que vous avez agi très vite.

M. Stooke : Dans la journée, les enfants avaient été récupérés par les services à l'enfance et à la famille de l'Alberta. Il y avait deux points de contact, et nous avons bénéficié de l'excellent soutien du service d'entraide sans but lucratif de Calgary, qui nous a appelés pour nous dire qu'il croyait que la mère était dans ses bureaux et demandait de l'aide. La mère trouvait qu'elle avait passé trop de temps à l'agence, et elle est donc partie. Cependant, nous avons pu retrouver la famille assez rapidement, dans l'heure, environ.

La présidente : Pour ensuite obtenir rapidement l'ordonnance d'un juge?

M. Stooke : Oui, les choses sont allées assez vite. Ce qui nous a aidés, c'est qu'il y avait eu infraction à la Loi sur l'immigration. Une infraction canadienne avait clairement été perpétrée. Il y avait une disposition nous permettant d'arrêter la mère, et cela est arrivé assez rapidement.

Ce qui est malheureux, c'est que les enfants ont été pris en charge en Alberta et qu'ils sont restés là pendant environ 90 jours. La mère était retournée aux États-Unis, et il a fallu un certain temps pour enquêter sur les allégations de violence des deux côtés de la frontière. Après l'enquête, le dossier a été transféré à un tribunal de la famille, l'affaire a été réglée, et les enfants ont été remis à leur père.

La présidente : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je veux d'abord vérifier auprès de notre témoin s'il peut entendre la traduction.

[Traduction]

M. Stooke : Non, je ne peux pas.

Le sénateur Boisvenu : Je vais vous parler en anglais. Mon anglais n'est pas très bon. Je ferai de mon mieux.

Je suis un nouveau membre du comité, alors je ne sais pas grand-chose de l'étude actuelle, mais comme j'ai travaillé avec des policiers pendant près de 15 ans dans ma région, je veux vous parler des alertes AMBER. Nous savons que, actuellement, nous pouvons télécharger une application sur des téléphones cellulaires. J'ai reçu cette information il y a tout juste un an.

Y a-t-il des publicités destinées à la population générale pour l'inviter à télécharger ce genre d'applications sur un téléphone cellulaire afin qu'elle puisse savoir qu'un enfant a été kidnappé? Savez-vous s'il y a de la publicité au sujet de cette application?

M. Stooke : Monsieur le sénateur, je crois que vous parlez d'une initiative de la Missing Children's Society of Canada, dont le siège social est ici, à Calgary. Nous connaissons très bien ce dossier, et cela a été utilisé au moins une fois dans le passé, d'après ce que nous en savons. Selon nous, il s'agit d'une approche très novatrice. Ce n'est pas exactement le système des alertes AMBER, mais, en même temps, c'est une façon de transmettre des renseignements très rapidement partout au pays à toutes les personnes qui ont choisi de télécharger l'application sur leur téléphone. Nous croyons que c'est un très bon programme, et nous appuyons la Missing Children's Society of Canada dans le cadre de cette initiative.

Le sénateur Boisvenu : Ce qui me préoccupe, c'est que j'ai demandé à 10 personnes si elles connaissaient ce genre d'application, et seulement une personne a répondu par l'affirmative. Nous savons que, si une personne est portée disparue, disons, un enfant, la participation du public est très importante, parce que les gens sont les yeux des policiers. Ils peuvent facilement les aider s'ils voient l'enfant. Ça tient plus du commentaire, mais nous devrions faire plus de publicité pour faire connaître cette application.

Deuxièmement, on réfléchit au Québec à la possibilité de réduire les critères d'une alerte AMBER. Actuellement, il y a quatre critères...

[Français]

La présidente : Monsieur Boisvenu, je pense que vous pouvez continuer en français maintenant.

Le sénateur Boisvenu : Je disais que, au Québec, une réflexion a lieu pour déterminer si on devrait ou non réduire les critères de l'alerte AMBER. Actuellement, il y a quatre critères, et on se demande si on devrait les ramener plutôt à trois. Par comparaison avec les États-Unis, il y a beaucoup plus de déclarations d'alerte AMBER aux États-Unis qu'au Canada, surtout au Québec. Je pense que, au Québec, au cours des dix dernières années, il y en a eu peut-être quatre ou cinq. Selon vous, est-ce un outil qu'on n'utilise pas assez pour tenter de retrouver ces parents et, par ricochet, les enfants disparus ou enlevés?

[Traduction]

M. Stooke : Merci, monsieur le sénateur. Dans chaque cas, c'est un peu différent. Dans de nombreux dossiers à Calgary, l'avion est le principal mode de transport utilisé par la famille. C'est plus inhabituel lorsqu'un véhicule est utilisé, et là où le protocole d'alerte AMBER serait plus utile. Très certainement, par le truchement des solliciteurs généraux de la province, il y a là une occasion de procéder à une meilleure sensibilisation au sujet des alertes AMBER et de revoir ces règles pour voir si on pourrait les rendre plus utiles.

La sénatrice Unger : Sous-chef Stooke, vous avez répondu à beaucoup des questions que je voulais poser. Évidemment, vous connaissez bien la situation. Je me demande si on pourrait faire la promotion de vos idées partout au Canada. Par exemple, est-ce que l'Association canadienne des chefs de police parle de cette question à l'échelle nationale? Je crois que, à la lumière de ce que nous avons entendu, c'est un problème que l'on rencontrera de plus en plus souvent.

M. Stooke : Je suis tout à fait d'accord avec vous, madame la sénatrice. C'est un problème que l'on rencontrera de plus en plus souvent, et ce, pour un certain nombre de raisons dont le comité a déjà parlé. Je crois que l'Association canadienne des chefs de police et les associations provinciales sont bien placées pour aider à promouvoir la question et sensibiliser les agents de police partout au pays.

Par exemple, devrions-nous dresser une liste de vérification nationale en collaboration avec le bureau des enfants disparus d'Ottawa? L'ACCP et les associations provinciales peuvent aider à transmettre l'information à leurs membres et à s'assurer que tous les agents sont formés et sensibilisés.

La sénatrice Unger : Merci.

J'ai été un peu surprise d'apprendre qu'une des mères dans les situations dont vous avez parlé a pu entrer au Canada avec une photocopie d'un passeport. J'ai souvent traversé la frontière, et je peux vous dire que les agents que j'ai rencontrés étaient toujours beaucoup plus vigilants. Cela me surprend beaucoup. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Stooke : Encore une fois, c'est évidemment quelque chose dont on a parlé dans notre bureau, et, bien sûr, il revient à l'ASFC de comprendre de quelle façon cela s'est produit, même si je reconnais que la femme impliquée est une citoyenne canadienne qui arrivait au Canada. Je ne sais pas si cela est une bonne explication ou non.

La sénatrice Unger : Merci beaucoup.

La sénatrice Hubley : Bienvenue, sous-chef Stooke, et merci pour votre exposé. Vous avez répondu à bon nombre de nos questions, j'en conviens.

Je pense au troisième exemple que vous avez donné, la mère qui est arrivée avec sa fille d'Espagne et le père qui avait déclaré que sa fille était disparue. Pouvez-vous me dire quelles étapes il aurait dû suivre avant de pouvoir communiquer sa crainte au Service de police de Calgary?

M. Stooke : J'ai lu une partie du rapport de police qu'il a présenté en Espagne, du moins une traduction en anglais du document. Il a immédiatement informé les autorités locales que sa fille manquait à l'appel. De là, les étapes à suivre sont très semblables aux étapes qu'aurait dû suivre un citoyen canadien. Les services de police ont vérifié auprès de compagnies aériennes et constaté que la mère avait quitté le pays. Bien sûr, INTERPOL s'est mis de la partie, la GRC a été informée et, ensuite, le Service de police de Calgary a reçu un avis.

La sénatrice Hubley : Je crois que vous avez dit qu'aucune accusation n'a été portée, à ce moment-là, contre la mère.

M. Stooke : L'enquête est toujours en cours, mais il faut habituellement pas mal de temps pour bien comprendre ces situations. En ce qui concerne les services de police canadiens, nous ne sommes pas en possession d'une ordonnance de garde applicable au Canada. Il n'y a aucun mandat d'arrêt que l'on peut appliquer au Canada relativement à une infraction. Par conséquent, dans ces cas, les citoyens sont libres de vaquer à leurs occupations quotidiennes.

De l'autre côté, cependant, et à l'échelle internationale, ces mesures sont peut-être prises, mais il faut un certain temps pour y arriver, puis il faut procéder à un échange international avant que la décision prise à l'étranger puisse être applicable au Canada.

La sénatrice Hubley : Donc, même si vous ne pouvez pas contrôler la mère, les enfants ont été placés à ce moment-là. C'est exact?

M. Stooke : Dans ce cas, l'enfant n'a pas été placé. Il est avec sa mère. Nous aurions rencontré l'enfant, idéalement en présence des autorités chargées de la protection de l'enfance, pour déterminer si oui ou non l'enfant a besoin d'être protégé.

Dans ce cas, après l'entrevue, il a été déterminé qu'on pouvait très bien laisser l'enfant avec sa mère.

La sénatrice Hubley : En général, y a-t-il un protocole pour les enfants pris en charge? Y a-t-il quelqu'un qui les représente? Est-ce que quelqu'un protège les droits de l'enfant à ce moment-là?

M. Stooke : Je crois que, en ce moment, les services à l'enfance et à la famille de l'Alberta défendraient les droits de l'enfant.

Parfois, un enfant se retrouve au milieu du conflit entre la mère et le père. À Calgary, il y a une agence sans but lucratif, le CLERC, qui signifie Children's Legal and Educational Resource Centre, qui se spécialise dans la prestation d'un soutien juridique aux enfants qui ont des problèmes quelconques avec la loi. On parle de droit civil, en général, et cela concerne des questions comme la garde d'enfants et ce genre de chose, mais il y a une agence locale, ici, à Calgary, qui reçoit des fonds d'un donateur privé, de l'Alberta Law Foundation et qui, essentiellement, fournit une assistance semblable à l'aide juridique aux enfants.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Vous avez énoncé, dans votre mémoire, des faiblesses au niveau des pouvoirs des policiers. S'il y avait des modifications à apporter au Code criminel ou aux pouvoirs que l'on peut donner aux policiers, quelles seraient deux priorités, sur le plan de l'outillage, qui pourraient faciliter votre travail?

[Traduction]

M. Stooke : Je crois que nous avons deux ou trois idées. L'une d'elles, c'est de changer la législation provinciale pour définir un enfant qui se retrouve peut-être en situation d'enlèvement international. Il faut que les lois définissent ce qui est dans l'intérêt supérieur de l'enfant afin que l'on puisse déterminer si l'enfant est vraiment victime d'un enlèvement international, ce qui signifie qu'il a besoin d'aide. Cela donnerait aux autorités provinciales responsables de l'enfance et de la famille un pouvoir sur cet enfant. Dans un même ordre d'idées, pourrait-on demander aux tribunaux une ordonnance exigeant de la mère qu'elle reste dans l'administration afin que la famille ne puisse pas continuer à se déplacer d'une administration à une autre?

La troisième chose, c'est que, en ce moment, nous avons accès aux renseignements des transporteurs aériens, renseignements qui relèvent de la législation fédérale sur la protection des renseignements personnels. Les forces de l'ordre peuvent, sans ordonnance d'un tribunal, présenter une demande à un transporteur aérien afin de savoir si une famille ou une personne est sur un vol. Le transporteur aérien peut nous répondre. C'est à lui de le décider. Dans tous les cas dont nous nous sommes occupés jusqu'à présent, lorsque nous leur avons expliqué qu'il s'agissait d'une situation urgente, l'information nous a été fournie. Devrions-nous modifier le régime afin d'inclure une demande obligatoire ou une demande écrite qui permettrait de s'assurer qu'on obtiendra l'information? C'est une possibilité, mais, sur le plan opérationnel, nous n'en avons jamais vraiment eu besoin en fait.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Au sujet du dernier élément très important que vous venez de soulever, lorsque vous demandez des informations aux compagnies aériennes, est-ce que le fait que ce soit la compagnie aérienne qui ait la décision finale fait en sorte que les délais d'obtention de l'information soient rallongés par rapport à un pouvoir exécutoire que vous pourriez avoir, où la compagnie n'aurait pas le choix de donner immédiatement l'information? Est-ce que cela peut raccourcir les délais pour l'obtention de l'information?

[Traduction]

M. Stooke : Je crois que c'est une question que le milieu policier devrait se poser en collaboration avec les législateurs : le régime est-il adéquat? Si une famille prend un avion à destination d'un pays et qu'il y a une escale, on peut l'intercepter au premier arrêt. Nous avons besoin de ce genre de pouvoirs pour travailler assez efficacement et rapidement afin que les renseignements puissent être communiqués et que les décisions puissent être prises vite.

La présidente : Monsieur Stooke, nous avons trouvé votre exposé très intéressant. Cela viendra certainement enrichir notre étude. Encore une fois, nous vous remercions d'avoir pu vous libérer dans un si court délai.

Honorables sénateurs, j'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue, par vidéoconférence, à Mme Mary Turpel-Lafond, représentante des enfants et des jeunes du Bureau du Représentant des enfants et des jeunes de la Colombie-Britannique. Ce n'est pas la première fois que nous la rencontrons, et nous sonnes toujours enchantés lorsqu'elle vient nous parler des intérêts des enfants.

Nous accueillons aussi M. Irwin Elman et Mme Laura Arndt, du Bureau de l'intervenant provincial en faveur des enfants et des jeunes de l'Ontario. Nous sommes heureux de vous accueillir tous les deux.

Madame Turpel-Lafond, veuillez nous présenter votre exposé.

Mary Ellen Turpel-Lafond, représentante des enfants et des jeunes, Bureau du Représentant des enfants et des jeunes, Colombie-Britannique : Merci, madame la présidente, de l'invitation. C'est un honneur d'avoir l'occasion de venir vous parler de certaines des préoccupations liées à la question importante qu'étudie actuellement le comité. Je suis ravie que mon collègue, qui défend les droits des enfants en Ontario, soit là lui aussi aujourd'hui. J'ai présenté au comité un document qui décrit, de façon générale, toute une gamme de préoccupations, et je voulais en parler rapidement en guise d'introduction.

Bien sûr, en tant qu'agente indépendante de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique, mon travail consiste à superviser le système de protection de l'enfance de la Colombie-Britannique, à enquêter en cas de blessure et de décès d'enfant et à fournir des services de défense aux enfants concernant certaines catégories de services désignés dans la province de la Colombie-Britannique.

J'ai commencé ainsi pour vous rappeler que mon mandat au seul bureau de défense des enfants en Colombie-Britannique n'inclut pas nécessairement la catégorie de cas qui seraient considérés comme des enlèvements aux termes de la Convention de La Haye, et que le rôle des bureaux de défense et de coordination en Colombie-Britannique dans le cadre de ces situations n'est pas clair. Ce sera un aspect important de ma déclaration aujourd'hui, parce que, selon moi, nous devons prendre des mesures pour coordonner et renforcer le rôle des autorités et définir clairement les responsabilités touchant la prestation d'un soutien aux enfants et aux familles, particulièrement pour prévenir les enlèvements et les crimes contre les enfants et promouvoir la sécurité et une administration plus efficace de la Convention de La Haye, au Canada.

Je le dis en guise d'introduction. Ce n'est pas que je ne connais pas les dossiers, puisque, durant les sept années que j'ai passées à défendre les enfants, je me suis occupée de dossiers controversés en ce qui concerne la protection de l'enfance, mais, très souvent, il y a de l'incertitude en ce qui concerne les principaux responsables et l'intervention. Je parle ici des situations uniques qui se produisent dans la province de la Colombie-Britannique. Comme d'autres endroits au Canada, la Colombie-Britannique est une province diversifiée, multiethnique et multiculturelle. Nous avons une population extrêmement diverse. Les citoyens de la Colombie-Britannique sont de tous les horizons; il y a des immigrants reçus, des citoyens étrangers et des citoyens canadiens. Il y a beaucoup de cas de mineurs non accompagnés qui viennent en Colombie-Britannique pour un certain temps. Il y a beaucoup d'enjeux au sein de la province touchant l'importance de la convention, son application et le besoin d'établir un processus homogène et clair, dans un premier temps, pour prévenir les enlèvements et, deuxièmement, pour réagir rapidement et de façon appropriée lorsque cela se produit.

J'aimerais préciser quelques autres domaines de préoccupation suivant le mémoire que je vous ai présenté. Je crains bien que le Canada ne doive travailler de façon plus diligente au niveau fédéral pour appliquer le traité dans son territoire afin que nous puissions déterminer clairement les responsabilités et établir un mécanisme clair permettant de superviser et de coordonner les aspects politiques et pratiques, y compris la composante d'information du public. Il faut aussi s'assurer de mettre en place une formation appropriée à l'intention des responsables de l'appareil judiciaire et des représentants de l'État, des agents de police et d'autres intervenants, y compris un meilleur suivi des situations touchant la protection de l'enfance à l'échelle mondiale.

Lorsqu'on traite des demandes où il y a une possibilité d'enlèvement et qu'il faut prendre une décision touchant l'intérêt supérieur ou la vulnérabilité de l'enfant, il y a souvent des problèmes en ce qui concerne la solidité ou le fonctionnement du système de protection de l'enfance de l'autre pays. Dans certains cas, il n'y a pas de tel système et il peut y avoir des allégations de violence et de mauvais traitements. De très bons renseignements et une information solide et impartiale doivent être fournis compte tenu du contexte mondial de l'application de la convention, particulièrement dans le cas des enfants qui ont peut-être été sortis du Canada.

J'aimerais aussi souligner le fait qu'il peut être très avantageux pour le Canada de s'intéresser davantage à l'application de la convention dans le contexte de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. J'ai mis l'accent dans mes observations sur le fait que la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant a adopté une approche plus stricte touchant l'intérêt supérieur de l'enfant et sur l'important besoin d'écouter les points de vue de l'enfant ainsi que la façon dont nous en tenons compte. Je m'arrête ici pour souligner que, même au Canada, même dans une province, la Colombie-Britannique, nos lois sont assorties de pratiques différentes en ce qui concerne la façon dont nous obtenons et recevons les points de vue de l'enfant. En Colombie-Britannique, les points de vue de l'enfant sont très importants dans certaines lois. Par exemple, dans notre loi sur l'adoption, si un enfant a plus de 12 ans, on considère qu'il peut communiquer ses propres points de vue. S'il a de 7 à 12 ans, un rapport sera préparé sur ses points de vue. Puis, si l'enfant est âgé de moins de 7 ans, ce n'est pas clair.

Et lorsqu'il est question d'autres aspects du droit de la famille et du droit touchant la protection de l'enfance, il y a des différences. Il y a parfois des incohérences touchant la compétence provinciale en matière de famille et des incohérences au niveau des lois fédérales.

Lorsque nous veillons à l'application de la convention et nous nous assurons d'écouter les enfants et de respecter la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, il serait utile de bénéficier d'une approche nationale plus solide et plus claire en matière de coordination et de normes précises sur la façon dont nous recevons les points de vue des enfants et dont nous reconnaissons l'importance de les obtenir et d'en tenir compte, par exemple. On peut vraiment améliorer et renforcer les choses ici, et on utilise trop peu souvent une approche spéciale pour gérer ces problèmes.

Certaines des autres préoccupations que j'aimerais mentionner concernent l'âge de la majorité. Certaines de nos lois, et la Convention de La Haye elle-même semblent définir un enfant comme une personne âgée de moins de 16 ans. La Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant dit que c'est une personne âgée de moins de 18 ans. Dans notre législation provinciale et celle touchant la protection de l'enfance, l'âge de la majorité est 19 ans. Dans certains cas, nous offrons certaines mesures de soutien aux jeunes adultes même après l'âge de 19 ans. Entre le jeune de 16 ans qui, à partir de cet âge-là, n'est plus protégé par la convention, et le jeune de 18 ans, qui est protégé par l'autre Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, il y a une période pour laquelle il faut obtenir des éclaircissements. Je le souligne au comité et j'aimerais bien qu'on apporte certaines améliorations à ce sujet.

J'ai abordé rapidement la question des autorités centrales au Canada et la façon dont elles doivent coopérer en temps opportun, et je dirais que, même s'il y a des responsables provinciaux, une surveillance appropriée, indépendante et efficace à l'échelle nationale est nécessaire. Il faut attribuer cette responsabilité à une entité, qu'il s'agisse d'une commission nationale de défense des enfants, d'un organisme responsable des droits de la personne ou d'une autre organisation. Il faut déployer des efforts réguliers et ciblés pour s'assurer de renforcer la convention et ses dispositions et veiller à ce qu'on les applique à tous les enfants qui vivent au Canada et y sont élevés et qui peuvent être enlevés par un de leurs parents.

Ce qui me préoccupe au sujet des enjeux touchant la Convention de La Haye, c'est qu'il y a des différences dans les normes liées à la protection de l'enfance, même au sein du pays, en ce qui concerne les âges. Les dispositions sur la détermination de l'intérêt supérieur des enfants sont différentes. Nous avons récemment modifié notre droit de la famille en Colombie-Britannique et nous avons adopté une approche qui ressemble davantage à ce qui est prévu dans la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Nous avons inclus les responsabilités parentales et les droits des enfants.

Certaines de nos approches nationales relativement à ces enjeux pourraient très bien s'y harmoniser. Nous n'avons pas un cadre commun pour gérer l'intérêt supérieur d'un enfant. Comme je l'ai mentionné, la participation des enfants est extrêmement importante.

J'aimerais ajouter que, dans bon nombre de ces cas d'enlèvement, la situation est souvent très tranchée, c'est-à-dire qu'un enfant a été enlevé ou retiré de son lieu de résidence et qu'il y a fréquemment des allégations de violence et de méfait, des allégations d'actes criminels auxquels l'enfant aurait été exposé. La convention ne définit pas clairement l'intérêt supérieur de l'enfant et son droit de maintenir des liens avec tous les membres de sa famille.

À l'article 9 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, il est dit explicitement que l'enfant a droit à une vie familiale et qu'il ne faut pas le retirer à ses parents contre sa volonté sauf si on détermine que c'est dans son intérêt. Le maintien des liens continus avec les grands-parents et la famille est très important et exige une évaluation plus nuancée des enjeux. Cela peut exiger des ordonnances pour permettre à l'enfant de continuer de fréquenter des membres de sa famille qui vivent dans différents pays.

Encore une fois, je le souligne parce que, dans de nombreux cas, notre approche nationale touchant cette question doit être davantage harmonisée à la convention, et il faut tenir compte des faits dans les dossiers que nous considérons.

Je vais terminer ma déclaration préliminaire en affirmant que, selon moi, les cas touchant particulièrement le retrait d'enfants et les cas d'enlèvement sont probablement sous-déclarés. Il y a des problèmes récurrents touchant les déclarations et les interventions en retard, tandis que le nombre de dossiers a augmenté au cours des dernières années. Souvent, en raison de la vulnérabilité de l'autre parent naturel, il y a des raisons pour lesquelles certains cas ne sont pas déclarés rapidement. L'enfant revient d'une visite chez un parent, mais il y a de graves antécédents de violence familiale, par exemple. Il est peu probable que l'enfant revienne, mais le parent attend avant de le déclarer. Par conséquent, on ne tient pas compte de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Je le mentionne, parce que, en plus de l'application de ces dispositions, il faut mettre en place une stratégie de prévention pour protéger les enfants qui vivent dans des familles où il y a de la violence, particulièrement de la violence familiale et là où la menace de retrait de l'enfant existe ou lorsqu'on refuse de remettre l'enfant sauf s'il y a certaines conditions que l'autre parent doit respecter et qui sont primordiales pour le contrôle de la violence continu.

Nous ne pouvons pas séparer ces enjeux complètement des questions importantes touchant la violence contre les femmes dans le cadre de relations, et, en Colombie-Britannique, nous avons vu de nombreux exemples de cas où des femmes ne déclaraient pas ce qui se passait parce qu'elles étaient vulnérables. Lorsque le système s'en mêle, ce n'est pas toujours rapidement, et nous n'avons pas pu empêcher certaines situations alors que nous aurions pu être plus proactifs si nous avions bénéficié d'une stratégie claire et de normes nationales plus claires dans ce domaine.

Je vais m'arrêter ici et laisser mon collègue présenter sa déclaration préliminaire. Après cela, je pourrai répondre à vos questions. Merci.

La présidente : Merci beaucoup pour votre exposé.

Nous allons maintenant passer au représentant du Bureau de l'intervenant provincial en faveur des enfants et des jeunes.

Irwin Elman, intervenant provincial, Bureau de l'intervenant provincial en faveur des enfants et des jeunes (Ontario) : Merci, honorables sénateurs, et merci au greffier et à Mme Turpel-Lafond de m'avoir parlé du comité et de m'avoir invité à y comparaître. Honorables sénateurs, vous ne serez pas surpris d'apprendre que j'approuve tout ce que Mary Ellen a dit et son plaidoyer bien senti en la matière.

Je suis accompagné de Laura Arndt, directrice du développement stratégique de mon bureau, qui s'intéresse aux questions dont nous parlons aujourd'hui et qui, lorsque j'ai été mis au fait de cette occasion, m'a dit que nous devions passer la fin de semaine à rédiger le mémoire que vous avez sous les yeux.

Vous devez savoir que mon bureau est visé par un texte législatif exigeant que nous travaillions en partenariat avec les enfants et les jeunes pour faire avancer les choses. Le mot clé ici, dans notre législation, c'est « partenariat ». On retrouve cette notion partout dans la loi. Qu'il s'agisse de donner l'exemple en ce qui concerne la participation des enfants et des jeunes dans cette instruction ou d'interdire d'intervenir sans la permission de l'enfant notre loi exige de nous que nous travaillions avec les enfants, pour appliquer le principe de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant selon lequel ils ont le droit d'être entendus et de participer.

Je le précise, parce que tout ce que je vais dire à partir de maintenant est probablement influencé par notre législation et notre façon d'entrevoir la question. Je vous invite à profiter de l'occasion pour adopter ce genre de point de vue et réfléchir aux questions dont vous êtes saisis sous cet angle.

J'aimerais faire valoir que la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant est un outil très utile qui peut vous aider dans vos délibérations. Je sais que ce n'est pas le seul outil, mais c'en est un qui, selon moi, peut vous éclairer.

La première chose, c'est que la convention et son utilisation vous permettent de considérer les enfants comme des personnes plutôt que comme des biens, des objets. Souvent, dans le cadre des discussions dont vous êtes témoin et dans les décisions qui sont prises au sujet des enfants, nous croyons qu'il est question de systèmes. Nous croyons parler de processus. Nous pensons parler de conventions. Mais j'aimerais faire valoir que, en fait, ce sont des enfants dont nous parlons. C'est important de ne pas l'oublier, et ces enfants sont des personnes à part entière.

Par conséquent, en utilisant la convention et en utilisant le droit de participer, nous savons que, même dans ces situations très difficiles, les enfants ont le droit de participer à ce qui se passe, et ce, premièrement, qu'ils aient été enlevés ou non. Deuxièmement, il faut tenir compte de là où ils veulent être et, troisièmement, de la façon dont ils veulent retourner chez eux s'ils veulent le faire.

Dans les nombreuses situations différentes dont nous parlons, lorsque les enfants ont le droit de participer, ils passent du monde des objets à celui des sujets. J'aimerais faire valoir que, comme certains théoriciens le disent, ils ne sont plus déshumanisés, et deviennent humains. Quand les enfants deviennent des gens et des personnes, ils deviennent des citoyens, comme nous savons qu'ils le sont. Ils ont des droits. Ils deviennent des personnes à part entière, et le processus de guérison peut commencer.

Quand les enfants ont le droit de participer, même dans le cadre de la prise des décisions dont vous parlez, vous les aidez à devenir des personnes à part entière. C'est mon premier argument.

Le deuxième, c'est que, en tant qu'intervenant en Ontario, je constate souvent des différences entre les conventions, les politiques, les lois, les systèmes, les cadres en place et ce qui se produit sur le terrain. L'écart est immense, c'est parfois un abîme. Lorsqu'on tient compte de la convention et du droit d'être entendu, on commence à combler cet écart parce qu'on force les gens, les systèmes, les aidants, les forces de l'ordre et les défenseurs à réfléchir à l'enfant et à essayer de déterminer ce qui est le mieux pour lui. On peut ensuite utiliser les systèmes, les politiques et les cadres en place pour essayer de faire ce que l'enfant, les autres intervenants et nous croyons, j'imagine, être dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Cela aide à combler l'écart. Cela aide à respecter l'intention que les législateurs comme vous avaient lorsqu'ils ont créé les rapports, les politiques ou les textes législatifs.

Je crois aussi, lorsqu'il est question des droits des enfants — et, selon moi, le droit le plus important est le droit de participer, c'est un droit fondamental —, que c'est à vous d'établir les buts, les mesures et les normes à l'échelle du pays parce que, en tant que pays, nous avons adopté la CIDE. C'est à vous de déterminer comment vont les choses. Même lorsqu'il est question de l'enlèvement d'enfants, le fait de mettre un enfant au centre des préoccupations est nécessaire pour mesurer notre rendement. C'est pourquoi, dans nos observations, nous faisons valoir que le sujet des enlèvements d'enfants et de la situation canadienne devrait faire partie de l'examen par les Nations Unies de la Convention relative aux droits de l'enfant et du rapport que le Canada remet aux Nations Unies sur l'état de la situation.

Enfin, je veux vous dire que je reconnais qu'il y a une dimension mondiale à ces enjeux locaux dans toutes nos provinces, mais particulièrement en Ontario. Ce que je veux dire, c'est que lorsqu'un enjeu comme l'enlèvement d'enfants est soulevé en Ontario, cela révèle le tissu social de la province. Cela rappelle que nous sommes une province vraiment diversifiée et tellement connectée au monde que cela est un aspect de plus à la question de l'enlèvement des enfants; notre compréhension de cela et notre capacité d'être reliés à l'échelle mondiale. Il y a un juste équilibre à trouver entre la façon dont les autres cultures envisagent le fait d'être parent et la question des droits des enfants. Il faut trouver le juste équilibre entre l'opinion des parents impliqués, les droits de l'enfant et ce qu'il veut et les textes législatifs, comme Mme Turpel-Lafond l'a mentionné au sujet de la Colombie-Britannique. En Ontario, c'est la même chose : il y a différents textes législatifs qui guident les différentes administrations qui s'occupent des différents cas.

Selon moi, ce qui est vraiment intéressant, c'est que tous les pays, sauf un, je crois — les États-Unis — ont ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, ce qui signifie qu'il s'agit d'un fondement à partir duquel les pays peuvent commencer à parler de tous les enjeux qui nous intéressent ici. Pour moi, c'est important, à l'échelle nationale et à l'échelle internationale.

Nous pouvons aborder certains aspects précis si vous avez des questions durant la période de discussion, mais je voulais m'arrêter ici.

Je crois qu'il me reste une ou deux minutes. Je pense à un dossier dont je me suis occupé il y a quelques mois. Il s'agissait d'un jeune homme en Jamaïque. Il avait 12 ans. Il était né au Canada. Il était citoyen canadien. Sa mère était Jamaïcaine, et son père était né au Canada. La famille s'est séparée. La mère a pris son fils et est retournée en Jamaïque avec le consentement du père, et ils vivaient là-bas. J'ai reçu un appel de l'intervenant responsable de la protection de l'enfance en Jamaïque, qui m'a dit : « Il y a ici un de vos citoyens, un enfant de 12 ans qui veut retourner dans son pays, mais nous ne pouvons pas l'aide. »

Le problème du garçon, c'était que son père était un citoyen canadien, qu'il détenait son passeport et qu'il ne voulait pas le lui remettre. Le jeune homme ne pouvait pas présenter une demande pour obtenir son passeport en raison d'une limite du système. La mère en Jamaïque ne semblait pas pouvoir demander à l'ambassade ou au gouvernement canadien de l'aider à présenter une demande pour que le jeune homme puisse obtenir un passeport et puisse venir vivre avec un ami de la famille. Je crois que le père ne voulait pas que son fils revienne. C'était donc un peu le contraire d'un enlèvement d'enfant. C'était quasiment une situation d'abandon d'enfant international.

Bien sûr, j'ai dû parler au jeune homme, qui est âgé de 12 ans. Il voulait revenir au Canada. Très franchement, il estimait pouvoir obtenir une meilleure éducation au Canada. Il était âgé de 12 ans et il voulait revenir vivre en Ontario et y fréquenter l'école. Nous avons dû intervenir. Même si, comme Mme Turpel-Lafond l'a dit, cela échappait à notre mandat, nous avons dû intervenir auprès du gouvernement canadien. Nous n'avons pas trouvé une autre manière de faire, même grâce aux différents modes offerts par le gouvernement fédéral ou par le truchement d'autres organismes de défense qui auraient pu appuyer ce jeune homme. Cela m'a rappelé l'importance d'écouter ce jeune de 12 ans. Si nous reconnaissions cela et que nous reconnaissions l'importance de sa participation, ce jeune de 12 ans aurait eu la possibilité de revenir dans son pays beaucoup plus facilement que cela. Je vais m'arrêter ici.

Laura Arndt, directrice du développement stratégique, Bureau de l'intervenant provincial en faveur des enfants et des jeunes (Ontario) : En ce qui concerne ce que l'intervenant a déjà dit au sujet de la nature des enlèvements, j'aimerais préciser ce que nous voulons dire lorsque nous parlons de « la dimension mondiale ».

En réalité, nous travaillons souvent, en tant qu'intervenants, dans le cadre de systèmes de protection de l'enfance et de services à l'enfance où les enfants sont retirés à leur famille et doivent vivre et exister d'une nouvelle façon. Lorsque j'ai réfléchi à la question, c'était difficile, parce qu'on ne parle pas vraiment d'immigration. Ce n'est pas non plus une question simple de droit de la famille. Il n'est pas simplement question de la convention, que ce soit la CIDE ou celle de La Haye. Ça devient vraiment une discussion plus générale sur la dimension mondiale de ces enjeux locaux. C'est la même chose lorsqu'un enfant est pris en charge. Ces enfants retournent souvent chez eux lorsque survient une crise parce que, peu importe les difficultés qu'il y avait à la maison, c'est tout de même chez eux. En réalité, dans ces situations, on constate souvent, dans les exemples qui nous sont donnés à voir, que les parents font la même chose.

En raison de leur incapacité de gérer ce qui se passe, ils retournent chez eux, et à ce moment-là, le droit de la famille a une portée mondiale. L'enjeu « local » de retourner à la maison, nous pouvons tous le comprendre. Mais lorsque cet enjeu local devient un enjeu mondial dans le contexte du droit de la famille, c'est là que les choses deviennent plus difficiles.

Comme l'intervenant l'a aussi dit lorsque nous en parlions, on a la Convention de La Haye qui compte 92 États signataires, puis il y a la CIDE que tout le monde a ratifiée sauf deux pays. L'une des meilleures façons de nous rapprocher est d'entreprendre un dialogue. Lorsqu'on commence un dialogue en parlant d'une convention que quelqu'un a déjà signée, et que la nature des activités d'application et des interventions juridiques cible l'intérêt supérieur de l'enfant, on commence à bâtir des ponts. Je crois que c'est là que l'Unité consulaire pour les enfants vulnérables, qui relève des services consulaires, a vraiment l'occasion de renforcer certains des travaux qu'elle réalise. Il faut vraiment ancrer solidement les dispositions de la CIDE afin de s'y retrouver.

Cela signifie aussi à l'échelle nationale, pour le Canada, que ces enjeux locaux ont une dimension mondiale au sens où — nous voici, ici, deux intervenants dans deux des principales destinations de l'immigration au pays... Nous avons la possibilité d'interagir avec les communautés de nouveaux arrivants et des immigrants qui s'établissent ici et qui ont de très forts liens avec leur pays d'origine. Le fait de renforcer certains des partenariats et des efforts de collaboration avec ces collectivités, ici, au Canada, permet d'en faire un enjeu familial et nous permet de nous y retrouver parmi certains aspects complexes des politiques et de la diplomatie par le truchement des diverses collectivités en cause. Nous devons renforcer nos partenariats avec ces collectivités, comprendre qu'il y a des différences culturelles et linguistiques et que les pratiques et les systèmes de valeurs sont différents.

Mais, en réalité, du fait que nous pouvons composer avec ces aspects, nous avons aussi la capacité de renforcer les politiques mêmes qui entrent en jeu au Canada, en ce qui concerne le bien-être des enfants et leur prise en charge par les systèmes. Nous avons fait un excellent travail à l'égard d'un cadre eurocentrique, mais nous n'avons pas été aussi doués lorsqu'il s'est agi d'élargir ce cadre pour mieux tenir compte des complexités du passage du monde du local au mondial.

L'autre chose sur laquelle a beaucoup insisté l'intervenant dans son exposé, c'est que nous avons la capacité de renforcer le rôle de la représentation. La plupart des provinces du pays ont établi un organisme officiel. Leur mandat est provincial, mais il y a des mécanismes qui permettent à ces mandats provinciaux, comme l'a déjà expliqué Mary Ellen... Nous pouvons intervenir de façon accrue, mais nous n'avons pas le mandat pour le faire dans ce secteur, car les dispositions législatives qui nous encadrent prévoient très précisément comment nous pouvons faire notre travail.

L'une des choses que nous espérons pour l'avenir, c'est qu'il y aura une capacité, grâce à des relations avec le Sénat et les gouvernements fédéral et provinciaux, de commencer à comprendre que ce groupe d'enfants est très unique — et, certes, petit à l'heure actuelle —, mais ces enfants ont besoin de ressources et de mesures de soutien au chapitre de la représentation. Dans le cadre de ce dialogue, nous espérons avoir l'occasion d'intégrer les organismes de représentation provinciaux au réseau d'organes de soutien qui travaillent déjà en partenariat.

Le caractère unique d'un organisme indépendant qui n'est pas lié par les enjeux stratégiques fédéraux et provinciaux... Parce que, à la lumière des cas et des facteurs en jeu que nous avons examinés, nous constatons que la bureaucratie est pour les familles une aussi grande source de frustration que les réalités reliées à la recherche de leurs enfants. Mais il devient très important qu'un organisme indépendant soit en place et puisse travailler dans ce cadre pour s'assurer que les questions posées accordent la priorité aux besoins des enfants et sont prises en considération.

La première étape est alors celle de déterminer, comme en a déjà parlé Mary Ellen, l'orientation à prendre relativement au commissaire national à l'enfance dans le pays. Comme le prévoit déjà la CIDE, il faut commencer par établir les infrastructures de base pour montrer que les enjeux auxquels nous nous attaquons exigent l'attention d'un commissaire national à l'enfance.

Un commissaire à l'enfance pourrait ensuite travailler avec les provinces et les territoires pour réagir à un certain nombre d'enjeux soulevés par les services de police, les tribunaux, des associations d'avocats en droit de la famille et les différents organismes en place. Cela permettrait aussi aux provinces et aux organismes de défense des droits d'assumer un rôle plus actif dans le cadre des activités prévues par la CIDE.

Comme vous le savez, le Canada rend actuellement des comptes tous les cinq ans. L'un des secteurs qui ne sont pas pris en charge dans cet exercice est celui-ci. C'est un problème croissant, comme l'indiquent les chiffres. C'est relativement modeste. Comme l'a dit Mary Ellen, les chiffres sont à la hausse, et nous ignorons combien de cas ne sont pas signalés.

L'idée, c'est qu'en travaillant avec les intervenants provinciaux dans le cadre d'un réseau d'organes de soutien et de ressources, nous aurons d'autres façons de rendre des comptes aux termes la CIDE sur certains de ces problèmes afin de renforcer et d'améliorer les rapports que produisent déjà les organismes fédéraux et provinciaux.

Mais nous croyons qu'il y a un rôle pour les intervenants lorsqu'il s'agit de soutenir le travail qui doit être effectué à ce chapitre. La réalité ne tient pas seulement au rapatriement des enfants; il faut aussi s'assurer que, au fur et à mesure, c'est l'intérêt supérieur de l'enfant qui est privilégié, peu importe où il se retrouve. Cela devrait être la priorité absolue dans le processus décisionnel à l'avenir.

La présidente : Cet exposé était exceptionnellement intéressant et très instructif. Merci beaucoup.

Avant de passer aux questions, vous avez dit tous les trois quelque chose qui pique ma curiosité. Il y a l'Unité consulaire pour les enfants vulnérables. L'un ou l'autre de ces bureaux s'attache-t-il à la question des mariages forcés chez les jeunes?

Mme Turpel-Lafond : En Colombie-Britannique, je peux dire que nous sommes aux prises avec tout l'éventail d'enjeux entourant le mariage forcé et, parfois, des enfants sont promis en mariage à une personne dans un autre pays. Cela peut se faire avec ou sans le consentement parental, alors de délicates questions touchant le bien-être de l'enfant font surface.

Le problème que nous connaissons le plus souvent — la zone grise —, c'est les cas où il n'y a aucune ordonnance de garde. Il y a le retrait d'un enfant, ou la menace de retrait d'un enfant : en général, c'est pour une visite familiale dans le pays d'origine ou lorsque la famille est répartie dans plusieurs pays. Mais la menace que l'enfant soit pris et ne revienne jamais est omniprésente.

Certaines des exigences en Colombie-Britannique... Par exemple, si la GRC fait appliquer une ordonnance de garde et empêche une personne de quitter le pays avec un enfant, très souvent, ces ordonnances de garde doivent, premièrement, être en vigueur et, deuxièmement, contenir des dispositions très détaillées permettant le dépôt d'accusations criminelles, si vous voulez. Nous avons ce problème à notre aéroport — YVR à Vancouver, notre plus grand aéroport —, car nous n'avons là-bas pas d'unité de protection de l'enfance prête à passer à l'action.

Nous avons fait beaucoup de faux pas sur le plan de l'anticipation et de l'intervention devant ce qui est un problème connu, à savoir la menace d'enlèvement et l'enlèvement réel d'enfants de leur contexte familial au Canada pour les emmener à un endroit — peut-être juste pour un séjour ou une visite —, mais il est très probable qu'ils ne reviennent jamais.

Quel que soit l'objectif, que ce soit pour un mariage ou pour des raisons religieuses ou culturelles qui doivent être examinées à la lumière de l'intérêt supérieur, il y a une zone grise où nous ne travaillons pas de façon efficace pour protéger et soutenir les enfants.

Mme Arndt : Nous ne sommes pas intervenus dans des affaires de mariage forcé. Nous entrons souvent en contact avec des enfants qui sont venus au pays sans accompagnement et qui s'y trouvent maintenant sans statut et, à ce stade, participent à l'économie clandestine — les services, la prostitution — et ont des problèmes d'itinérance. Bref, c'est en grande partie ce qu'on voit dans les médias. Mais, parce qu'ils sont des enfants, ils continuent de se cacher, car ils ont peur que, s'ils sortent des abris et du milieu où ils se trouvent, on va les mettre dans un avion et leur demander de quitter le pays.

La chose que ces jeunes savent lorsqu'ils viennent au Canada, c'est qu'il est très difficile d'accéder à la citoyenneté ou un quelconque type de résidence une fois qu'ils sont arrivés, alors nombre d'entre eux demeurent dans le monde clandestin. Nous voyons un nombre croissant de ces jeunes qui arrivent et survivent dans le système d'abris de services d'aide aux itinérants. Ces chiffres augmentent chaque année en Ontario.

La sénatrice Andreychuk : Merci d'avoir présenté ces exposés. Ils nous ont beaucoup éclairés, et ils illustrent toute la complexité de l'enjeu.

Lorsque vous parlez des lois canadiennes, nous avons un régime fédéral. Nous parlons souvent du fait que l'administration de la justice est de ressort provincial, que le droit pénal est de ressort fédéral, puis qu'il y a les lois relatives au bien-être des enfants, qui sont toutes de ressort provincial. Il y a toutes ces couches, puis les ministères de la Santé qui s'en mêlent, entre autres. Bien souvent, je ne sais plus où donner de la tête, avec tous ces organismes et toutes ces autorités.

Ensuite, on va sur la scène internationale, où certains pays ne sont pas aussi réactifs que les gouvernements dont il est question ici. Certains pays n'en ont pas la capacité. Ils sont encore en développement. Bien des pays sont en crise. Nous voyons beaucoup de réfugiés et d'immigrants arriver de zones déchirées par la guerre. Certains y retournent. D'autres, pas.

J'observe la situation, et je pense au fait que c'est moi qui ai proposé d'examiner l'étude de la Convention de La Haye en faisant valoir la même chose que vous, à savoir le fait que les enjeux sont non plus locaux, mais mondiaux. Si vous allez parler de la scène mondiale, vous devez avoir en place des mécanismes locaux.

Selon mon interprétation, de nombreux parents sont très optimistes lorsqu'ils forment un couple et ensuite ont un enfant. Lorsque la situation prend un mauvais tournant — et s'ils sont en couple avec un étranger — et qu'ils constatent que leur enfant est disparu, à cause de l'un ou l'autre des facteurs ou des faits que vous avez présentés, alors ils veulent une réponse simple. L'enfant est simplement parti, et ils veulent simplement qu'il revienne. Ensuite, bien sûr, nous avons ce système qui dit que ce n'est pas si simple.

Alors, j'ai été enchantée de voir que le gouvernement fédéral réagit et qu'il publie maintenant de plus amples lignes directrices à l'intention des parents, de sorte que, lorsqu'ils présentent une demande de passeport, ils savent dans quoi ils s'engagent. Cette orientation est relativement nouvelle, alors nous commençons à prendre des mesures.

J'aimerais en apprendre davantage sur la façon d'informer les parents pour qu'ils entretiennent des attentes réalistes lorsqu'ils se retrouvent dans une situation internationale. C'est une chose. L'autre, c'est que... J'ignore qui a parlé de surveillance du gouvernement fédéral. Ayant travaillé au tribunal de la famille — nous avons quelque chose en commun avec la cour provinciale de la Saskatchewan, madame Turpel-Lafond —, je suis très consciente de la compétence provinciale et du fait que les provinces maintiennent leur rôle. Si le gouvernement fédéral déclarait qu'il allait commencer à jouer un rôle de surveillance, je crois que cela déclencherait toute une discussion sur les compétences fédérales et provinciales. Le gouvernement a plutôt fait preuve de prudence et commencé à exercer un rôle de facilitateur. Je me demande si nous sommes le bon comité pour recommander l'élargissement du mandat d'organismes provinciaux comme le vôtre. Nous nous aventurons peut-être sur un territoire où nous nous sommes parfois hasardés à suggérer l'examen d'un problème lorsque nous en voyons un, mais où nous n'avons jamais présenté de recommandation. C'est un préambule confus. Je ne sais pas si quelqu'un aimerait en parler.

La question de la Convention de La Haye a un peu posé problème, parce que nous avons entamé cette conversation pour que les pays soient disposés à comprendre que nous sommes à une époque de mondialisation et que, si une ordonnance de garde est prononcée au Canada, elle doit être respectée ailleurs, et l'inverse est aussi vrai. Bon, est-ce le bon moment d'introduire les droits de l'enfant, compte tenu de la complexité des enjeux auxquels fait face le Canada, alors que nous n'avons même pas fait ratifier la convention par les pays que nous aimerions voir le faire, compte tenu de toutes les différences culturelles, et cetera?

Je propose que nous utilisions la Convention relative aux droits de l'enfant pour mettre les responsabilités en lumière, et les pays qui n'ont pas signé la Convention de La Haye devraient revoir leur position et la signer. Ensuite, nous pouvons commencer à bâtir. Nous avions un juge qui a dit haut et fort que, si nous pouvons amener les juges et les avocats à commencer à assurer une forme de symétrie et à harmoniser les définitions — comme les droits de l'enfant — au moyen de documents de travail, nous pourrons passer à la prochaine étape. Alors, nous avons cette première étape où nous devons interpeller les pays et essayer d'établir des pratiques exemplaires qui comportent des similitudes.

Tout cela pour demander où devrait commencer le comité, compte tenu de la complexité de l'enjeu sur le plan international. Je me demande si je ne suis pas en train de proposer qu'on essaie d'informer les parents — peut-être plus tôt et de façon plus large — et si ce ne serait pas le rôle du gouvernement fédéral que de déterminer à quel point ce serait difficile à faire et les parents devraient être avertis. Est-ce quelqu'un voudrait répondre?

Mme Turpel-Lafond : C'est avec plaisir que je prends la parole, et je remercie la sénatrice Andreychuk de ses commentaires. Je sais qu'elle possède une vaste expertise relativement à ces enjeux, et c'est pourquoi nous sommes heureux de voir que le comité sénatorial se penche sur la question.

Juste pour clarifier la question de la surveillance : pour moi, ce qui est important, c'est qu'il y ait une responsabilité fédérale claire et un organisme qui a le rôle de promouvoir la Convention de La Haye, conformément à la convention, à l'intérieur de nos frontières. Je crois qu'il y a des angles morts, même au Canada. Même je crois toujours que nous sommes meilleurs que d'autres endroits, je regarde les délais, en Colombie-Britannique, entre le moment où survient un incident et la mesure correctrice prise, que ce soit la diffusion d'une alerte AMBER ou une ordonnance d'exécution proprement dite. Comme l'ont déjà appris les membres du comité, une grande partie du travail relatif à cette convention est la médiation; amener le système de bien-être des enfants ou de droit de la famille d'un autre pays à négocier, par l'intermédiaire de son consulat, le retour de l'enfant, avant l'ouverture d'une enquête criminelle proprement dite.

Au Canada, nous n'avons pas une direction suffisante. Je sais qu'il y a des personnes qualifiées qui travaillent dans le domaine, mais, même lorsqu'il s'agit de promouvoir des pratiques claires, comme vous le diront des juges, des avocats, des policiers et d'autres intervenants, le point où la visite d'un enfant à l'étranger devient un enlèvement n'est pas clair. Il faut une certaine expertise pour examiner cette question, ainsi qu'un organisme à l'écoute des enfants dans une ère de mondialisation.

C'est pourquoi nous jugeons qu'il est si important de songer à instaurer une commission, un commissaire ou un bureau national à l'enfance pour promouvoir ces questions, les examiner et regarder la situation canadienne en matière de conformité. Nous pouvons établir des pratiques exemplaires et nouer des liens avec d'autres États-Nations en ce qui concerne ces pratiques.

Je ne dis pas qu'il y a lieu de se targuer d'être le pays le plus mondialisé, mais nous sommes extrêmement mondialisés. La Colombie-Britannique est extrêmement mondialisée si on regarde où vont les familles; mais nous courons un risque, du fait que nos processus ne sont pas solides. Nous pouvons émettre une alerte, mais elle ne veut rien dire dans l'autre pays. C'est une réelle difficulté. Nous devons améliorer les choses à l'intérieur de nos frontières. Nous ne voulons pas écraser l'autorité des provinces ni empiéter sur celle-ci. Mais, selon moi, le problème tient au fait que nous avons des représentants de l'administration de la justice provinciale qui disent : « S'il vous plaît, aidez-nous à améliorer l'efficacité, de sorte que nous puissions mieux réagir et ne pas devoir recourir à un processus aussi onéreux. »

Les processus civils sont extrêmement onéreux pour la famille. Nous parlons de gens qui ont des ordonnances de garde très explicites. Oui, nous devons informer les parents de ce qu'ils doivent rechercher, mais leur capacité de recourir à la justice peut être hautement compromise par leur propre statut. Comme je l'ai dit, les problèmes de violence, entre autres, au sein de la famille rendent les choses vraiment nébuleuses et complexes. Nous devons gérer ces enjeux au Canada.

Il arrive souvent que l'enlèvement soit le produit d'un incident de violence familiale au Canada. Une personne a été signalée aux autorités locales, il y a eu de la violence dans la famille, puis la personne emmène l'enfant faire un séjour à l'étranger, mais il n'y a aucun retour en perspective.

Au Canada, nous pouvons penser de façon plus concertée. Nous avons fait de l'excellent travail, mais je ne peux m'empêcher de constater que c'est le fruit de quelques personnes à quelques endroits, alors qu'il faut un effort vraiment coordonné pour faire de cette question un enjeu important.

J'attirerais votre attention sur un secteur parallèle, à savoir l'adoption. Les enjeux relatifs à l'adoption internationale se rapprochent beaucoup de ceux-ci. Il arrive qu'un pays interrompe complètement les adoptions internationales. Nous avons un grand nombre de familles qui sont aux dernières étapes du processus d'adoption, mais, pour une raison politique ou une autre, un pays peut l'interrompre, même si la Convention relative aux droits de l'enfant le permet. Une dynamique semblable opère ici, et nous ne savons jamais tout à fait s'il y a une direction fédérale forte à ce chapitre. Cela devient compliqué.

J'avance respectueusement que nous pouvons toujours prendre des mesures pour la renforcer, inciter d'autres pays à se conformer, mais il faut une forte présence canadienne — par l'intermédiaire d'une commission à l'enfance, qui permettrait de ne pas s'en remettre exclusivement à des initiatives consulaires et informelles — pour faire de cette convention une réalité au Canada.

M. Elman : Sénatrice Andreychuk, je suis heureux de vous revoir et de constater que vous militez toujours pour les droits des enfants. Merci. Je voulais simplement le dire. Cela fait longtemps que je ne vous ai pas vue.

Vos commentaires m'ont fait penser à une histoire que m'a racontée une jeune femme. Elle m'est restée dans la tête. Elle influence la façon dont je vois les choses, et je tiens à vous la raconter. Si cela vous aide, fantastique; sinon, vous aurez perdu deux minutes de votre temps.

Une jeune femme faisait partie d'un groupe de jeunes qui nous aidait dans le cadre d'une enquête. Notre bureau est appelé à intervenir dans le cadre d'enquêtes relatives à la mort d'enfants en Ontario, et nous rassemblons des jeunes. Ils nous informent, et nous essayons de faire valoir la voix de l'enfant dans le processus d'enquête.

Cette enquête touchait une fille de 14 ans qui passait constamment d'un foyer d'accueil à un autre. Elle s'est retrouvée dans un foyer d'accueil où elle voulait demeurer, mais on lui a demandé de déménager. La première nuit qu'elle a passée dans ce nouveau foyer d'accueil, après de nombreux déménagements, elle a décidé qu'elle ne voulait pas être là. Elle s'est levée au milieu de la nuit, a pris un oreiller et a étouffé un autre enfant — âgé de deux ans — dans le foyer d'accueil. L'enquête portait sur l'enfant du foyer d'accueil âgé de deux ans, mais il n'était pas étonnant de constater qu'une grande part de la discussion durant l'enquête portait sur ce qu'on aurait pu faire pour empêcher la fille de 14 ans de faire cela.

J'étais parmi le groupe de jeunes, qui parlaient des enjeux soulevés dans le cadre de l'enquête et du fait de toujours déménager d'un foyer à l'autre, ce qui est souvent la réalité des enfants pris en charge par le système ontarien.

La jeune femme, qui faisait partie du groupe d'enquête, était âgée d'environ 20 ans et vivait seule. Elle a dit : « Lorsque j'étais en foyer d'accueil, nous déménagions constamment d'un foyer à l'autre. Lorsque nous déménagions, nous devions toujours mettre nos choses dans des sacs à ordures. On allait à un foyer particulier, on mettait ses choses dans la voiture d'un travailleur, puis on déménageait. » Elle a ajouté : « Nous, les jeunes, nous trouvions cela si humiliant de déménager de cette façon, que certains d'entre nous nous sommes réunis et avons recueilli de l'argent, avec les travailleurs, pour acheter des valises pour que les enfants de notre organisme n'aient plus à déménager d'un foyer à l'autre avec un sac à ordures. »

Je croyais que l'histoire était terminée et illustrait bien la prise en main de sa destinée chez les jeunes, ou je ne sais quoi, et j'ai dit : « C'est merveilleux. » Elle a répondu : « Ce n'est pas la fin de l'histoire. » Désolé pour vous aussi. Elle a dit : « Je croyais que c'était la solution. » Je ne dirais jamais que, selon elle, nous n'aurions pas dû faire cela. Elle a dit : « Je me suis aperçu que les valises ne réglaient pas le problème. J'ai compris que, si j'avais été dans un foyer où je me sentais vraiment bien et en sécurité et que j'avais l'impression d'avoir le contrôle sur le déménagement, au moment où je devais déménager au prochain foyer, une impression de contrôle — par exemple, je savais que je devais déménager parce que je causais trop de problèmes —, mais si j'avais eu l'impression de faire partie de la décision et de déménager d'un endroit où on se souciait de moi jusqu'à un autre endroit où on se souciait de moi, je me serais fiché des sacs à ordures. J'ai constaté que les sacs à ordures étaient une solution institutionnelle à un problème humain, alors que j'avais besoin d'une solution humaine à un problème humain. » Elle m'a pointé du doigt et dit : « Les gens comme vous ne sont pas très bons là-dedans. Vous ignorez comment vous y prendre. » Je sais pourquoi elle a dit ça : c'est parce qu'ils deviennent si durs, et je crois que c'est le domaine dans lequel vous évoluez. La plupart des situations où vous intervenez exigent des solutions humaines, mais vous êtes une institution qui tente de tracer les lignes d'une convention qui est une autre institution.

Madame la sénatrice, lorsque vous avez parlé de tous ces organismes qui essayaient de trouver la bonne chose à faire, cela m'a donné matière à réflexion; en fait, vous devez vous asseoir avec l'enfant et déterminer avec lui ce qu'il faut faire, puis les intervenants doivent faire en sorte que cela se matérialise. C'est votre travail : déterminer comment réaliser cela, et, je ferais valoir que c'est beaucoup plus difficile que d'essayer de rédiger un texte de loi, mais c'est ça, le travail. Les jeunes ont fait savoir que c'était la solution.

Si vous pensez au nombre de cas que nous devons gérer, nous pouvons le faire. S'il y a 100 ou 200 cas dans le pays, nous pouvons déterminer comment placer l'enfant au centre et ce qui doit être fait, puis le faire. Nous avons assez d'institutions pour cela. C'est seulement une question de savoir comment accéder à cette solution humaine, et cette histoire m'est toujours restée. Je crois que c'est vrai pour tous les aspects de mon mandat, et certainement ici. Elle a qualifié cela de « solutions institutionnelles » et — Laurie, vous avez parlé de « sentiments structurels » — le fait de créer des structures assorties de sentiments pouvant atteindre ce niveau, et je crois que c'est vraiment ce qu'il faut faire.

La sénatrice Hubley : Merci beaucoup d'avoir présenté ces exposés. Ils étaient très intéressants.

Monsieur Elman, je vais revenir en arrière. Votre discours résonne toujours dans ma tête; c'était un plaidoyer enflammé pour les enfants, et je vous en suis certainement reconnaissante.

Vous nous avez raconté l'histoire de John, cet enfant de 12 ans dont la mère, après s'être séparée, est retournée dans son pays natal — la Jamaïque — et a emmené John. Un an plus tard, elle voulait que John vienne au Canada et John voulait aller au Canada, mais le père ne voulait pas, pour une quelconque raison. Je m'interroge sur le genre de dilemmes ou de conflits auquel vous devez faire face lorsque les droits de l'enfant se butent à l'irresponsabilité d'un parent. Où est la ligne? Je pensais à cela lorsque vous nous racontiez cette histoire. Je me demandais si vous aviez des commentaires à ce sujet.

M. Elman : J'ai mes propres idées. Je suis certain que c'est aussi vrai pour Mmes Turpel-Lafond et Arndt, alors j'espère qu'elles prendront la parole aussi.

Cette question m'a été posée, en ma qualité d'intervenant, à de nombreuses reprises dans toutes sortes de contextes. L'une des choses qui me viennent à l'idée, c'est que le fait de donner à un enfant le droit de participer ne signifie pas nécessairement qu'il a le droit de prendre la décision. Il a le droit d'être entendu. Comme l'a fait valoir mon épouse, dès que je parle du fait d'être entendu... Pas le genre de situations où je vous dis comment s'est passée ma journée et vous répondez « oui, je t'ai entendu, chéri », et je répète les dernières phrases que vous venez de dire; une véritable écoute engagée. Lorsque vous parlez de ce type de droit d'être entendu et de participer, vous avez déjà fait la moitié du chemin. C'est la première chose que je veux faire valoir en ce qui concerne le droit d'être entendu, le droit d'être reconnu et le droit de présenter son opinion pour qu'elle soit prise en considération. Nous jouissons de ce droit en tant qu'êtres humains.

Même lorsque l'enfant vieillit, qu'il atteint l'âge de 16 ou 17 ans et qu'il veut prendre ses propres décisions, mais vit toujours sous le toit de ses parents, il est presque toujours mieux — surtout avec les jeunes dont je suis chargé, selon moi — de permettre à l'enfant de prendre la décision, à condition que vous soyez là pour l'aider s'il a pris une décision qui se révèle une erreur. Le consentement et le droit de participer ne sont pas une occasion unique. Cela devrait être un processus, intégré à une relation de confiance avec une personne chère, que ce soit le travailleur social, le parent de la famille d'accueil, le travailleur du foyer, si c'est dans le cadre du système, ou, sinon, le parent. C'est le lien de confiance entre le parent et l'enfant et la relation fondée sur l'écoute, en accordant le droit de participer, qui fera que l'enfant prend une décision saine et devient un adulte fort et productif, si vous voulez l'envisager de cette façon, en tant que citoyen dans notre pays.

Je pense à ces deux choses lorsque cette question se présente.

Mme Turpel-Lafond : En ce qui a trait à l'importance de respecter les opinions de l'enfant, prévues à l'article 12 de la Convention des Nations Unies. Nous avons ratifié cette convention, alors le système canadien doit s'efforcer de le refléter.

Votre façon d'écouter l'enfant et ses opinions est très importante. J'approuve entièrement le point de vue qu'a présenté M. Elman.

La difficulté, pour les cas relevant de la Convention de La Haye, c'est la façon d'obtenir les opinions de l'enfant et de les présenter à un décideur. Quel âge doit avoir l'enfant pour que vous puissiez le consulter directement? Seulement s'il a plus de 12 ans?

Encore une fois, je vous renvoie à la Colombie-Britannique. Selon l'Adoption Act de la Colombie-Britannique, si vous avez 12 ans et plus, vous pouvez parler directement; si vous êtes âgé de 7 à 12 ans, quelqu'un recueille vos opinions; si vous êtes âgé de moins de 7 ans, ce n'est pas clair. La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents prévoit quelque chose de différent. La Loi sur la sécurité communautaire des familles prévoit quelque chose de différent. Il n'y a pas d'uniformité au Canada. Nous avons ratifié la convention, mais nous ignorons comment mettre en place des pratiques exemplaires pour recueillir les opinions de l'enfant et leur accorder de l'importance.

Je suis tout à fait d'accord avec M. Elman. Le simple fait d'écouter activement un enfant pour connaître ses opinions ne signifie pas que ses opinions seront déterminantes, mais cela reflète le respect qui règne au Canada à l'égard de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et le respect qu'a le Canada pour les enfants, qui ne sont pas la vulgaire possession de leurs parents ou de quiconque. Ce sont en fait des titulaires de droit indépendants que nous devons écouter. C'est très important, car, très souvent, dans ces cas, l'enfant a une opinion. Outre les cas d'aliénation parentale qui surviennent parfois, auxquels se superposent toutes sortes de conflits familiaux, l'opinion de l'enfant — lorsqu'elle est présentée librement, sans l'influence, si vous voulez, de l'hostilité qui peut régner — est un facteur très important que doit prendre en considération l'État pour que l'enfant demeure la priorité. Il ne s'agit pas de simplement rendre à quelqu'un sa possession. Il est question de développement de la personne et de la possibilité pour un enfant de vivre et de grandir, et cela tient à tout un ensemble de valeurs canadiennes, comme la ratification de la convention. Il est crucial de codifier notre façon de le recueillir et de nous assurer que les juges et d'autres intervenants le font, et il faut aussi s'assurer que les représentants de consulats canadiens reflètent cela. Je crois que nous avons fait du bon travail dans bien des cas, mais, à mon avis, pas dans tous les cas.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Tout d'abord, je vous remercie de votre présence. Cette information améliore mes connaissances, car je ne suis pas familier avec les travaux de ce comité. Je tiens à remercier la sénatrice Andreychuk, car elle est entrée dans le vif du sujet qui me semble au centre de ce dossier et de sa complexité.

Nous savons que la protection des enfants, les lois sur la famille et le travail des policiers sont des responsabilités d'abord provinciales. J'essaie de voir ce qu'on pourrait faire plutôt que de créer de nouvelles structures. Vous proposez de créer une nouvelle structure, soit une espèce d'ombudsman ou de commissaire à l'enfance. Je conçois aussi que ce soit très aléatoire d'une province à l'autre. Les provinces ont la majeure partie de la responsabilité. D'une part, il n'existe aucune homogénéité entre les provinces. D'autre part, la mixité culturelle que nous ont amenée des vagues d'immigration importantes au Canada, ces dernières années, fait en sorte que ce problème n'ira pas en décroissant. Il fait maintenant partie du décor canadien et il continuera d'en faire partie.

Il faut trouver des pistes de solution pour faire en sorte, au sein d'un système complexe, que les résultats soient efficaces. Le défi de l'avenir, dans un contexte de complexité majeure, est d'obtenir des résultats efficaces tout en ayant l'enfant comme préoccupation principale. On dit que c'est l'enfant qui doit être au centre de nos préoccupations.

Avec les outils dont on dispose, comment peut-on réduire la complexité du travail de l'ensemble des intervenants au sein des structures actuelles? Je ne sais pas si ma question est claire, madame Turpel?

[Traduction]

Mme Turpel-Lafond : Je suis tout à fait d'accord avec votre description du contexte de votre question, à savoir que ce problème ne va pas en décroissant; il devient plus fréquent : les familles réparties dans plusieurs pays, les enfants nés au Canada ou arrivant au Canada avec un éventail de relations parentales et familiales dans un contexte international. La tendance est à la hausse. La question de savoir si nous avons un cadre suffisamment stable au Canada pour gérer ces enjeux en est une que les Canadiens devraient se poser. La Convention de La Haye en fait partie, mais je crois que les problèmes que vous avez cernés sont intéressants.

Est-ce décousu? Oui, c'est décousu. Même les autorités centrales prévues dans la convention, que j'ai consultée hier soir, sont désuètes. Lorsque j'y ai jeté un coup d'œil, j'ai constaté que nous n'avions pas de site web particulier qu'on peut consulter pour obtenir toute l'information. Il n'est pas facile de s'y retrouver dans tout ça.

Il y a des choses fondamentales qu'il faut faire pour rendre cela plus facile. La sénatrice Andreychuk a parlé d'informer les familles au point d'entrée ou d'offrir une éducation sociale sur ce qu'on fait au Canada. Premièrement, il faut définir clairement ce que nous faisons dans chaque province et chaque territoire.

La présidente : Vouliez-vous ajouter quelque chose?

Mme Arndt : J'ignore si notre réponse comprendra tous les éléments que vous recherchez. Nous parlons d'ajouter des couches sous la forme d'un commissaire national en partie parce qu'il faut se doter d'un organisme centralisateur et coordonner les composantes et les ressources en matière d'éducation qui seront déployées à l'échelon provincial tout en travaillant en partenariat à l'échelon fédéral.

Mme Turpel-Lafond : Il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire. Nous ne devrions pas nous reposer sur nos lauriers. Je ne dis pas que nous devons immédiatement créer un gros bureau indépendant. Nous devrions aspirer à cela, mais nous avons besoin de bons renseignements. Nous avons besoin d'un seul site web qui explique clairement quels sont les outils et qui sont les responsables et qui est tenu à jour. Nous avons besoin de normes canadiennes de collaboration pour faire appliquer les mesures de soutien à l'enfance, et les ordonnances, recourir aux alertes AMBER et faire intervenir les autorités civiles, comme les services de police. Nous devons nous assurer que les gens puissent intervenir rapidement lorsqu'un enfant a été enlevé. Un enfant est en danger lorsqu'il a été enlevé subitement et brusquement, ou lorsqu'une décision a été prise pour l'éloigner de sa famille. Dans ces cas, une intervention expéditive s'impose.

Dans certains cas, nous le comprenons, mais dans d'autres, cela nous échappe. Parfois, lorsque c'est un problème transfrontalier avec notre voisin du Sud, les États-Unis, on réagit plus rapidement, par exemple, que lorsque la personne est en Arabie saoudite. Cela dépend quel est l'autre pays et à quelle distance il est. Lorsqu'il y a une grande distance géographique — et parfois ethnoculturelle —, cela devient difficile et prend beaucoup trop de temps. Je suggère que le comité formule des recommandations pratiques et raisonnables en vue de mettre en place un processus national aspirant à la clarté, pour que nous puissions faire appliquer de façon expéditive et efficace la convention au Canada et protéger les relations familiales et l'intérêt des enfants.

Nous avons fait de bonnes choses, comme je l'ai dit plus tôt, surtout parce que nous avions à quelques endroits de bons leaders qui comprennent ces cas. Toutefois, ce que j'ai tendance à observer — dans un qui cas survenu à un endroit particulier dans le pays, qui risque d'être hautement médiatisé —, c'est que les représentants élus, les représentants de la police et d'autres intervenants éprouvent de grandes frustrations du fait que le mécanisme ne fonctionne pas, et on fait appel aux représentants consulaires. À ce stade, il s'agit d'une crise, alors que le système devrait être bien huilé.

Lorsqu'on en est à la crise, cela ne fonctionne pas bien. Entre les crises, nous avons besoin d'un système stable et d'approches uniformes. Nous devons promouvoir cela par l'intermédiaire des organismes internationaux auxquels nous avons adhéré. Ce qui est primordial, c'est que nous ayons des normes, des règles et des procédures plus claires à l'intérieur de nos frontières. Nous devrions être directs à l'endroit de nos citoyens et des visiteurs sur les normes en place et les interventions attendues.

La présidente : Je vous remercie tous les trois d'avoir présenté vos exposés. La séance a été très instructive. Certes, nous allons réfléchir à ce que vous avez dit.

J'aimerais passer à notre troisième groupe de témoins. Je vous suis reconnaissante de votre patience. J'aimerais souhaiter la bienvenue à Penelope Lipsack, avocate, Direction des services juridiques, ministère de la Justice de la Colombie-Britannique; et Shane Foulds, conseiller juridique, ministère du Procureur général de l'Ontario. Ils comparaissent tous deux par vidéoconférence. M. Foulds va commencer.

Shane Foulds, conseiller juridique, ministère du Procureur général de l'Ontario : Merci. Bonsoir, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité. J'aimerais commencer par vous remercier, honorables sénateurs, de nous avoir donné l'occasion de contribuer à cette importante étude sur les enlèvements d'enfants internationaux.

Je suis conseiller principal de l'autorité centrale de la province de l'Ontario. Notre bureau est chargé d'administrer la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants. La convention a pour objectif explicite de protéger l'enfant, sur le plan international, contre les effets nuisibles d'un déplacement ou d'un non-retour illicites et d'établir des procédures en vue de garantir le retour immédiat de l'enfant dans l'État de sa résidence habituel, ainsi que d'assurer la protection du droit de visite.

La Convention de La Haye exige que tous les États contractants établissent une autorité centrale qu'on pourra joindre pour signaler des cas d'enlèvement d'enfants visés par la convention.

Étant donné la structure constitutionnelle unique du Canada, c'est le gouvernement fédéral qui a négocié la convention, mais l'administration du droit de la famille est de ressort provincial. Ainsi, au Canada, nous avons 10 autorités centrales provinciales ainsi que trois autorités centrales territoriales.

En Ontario, le texte intégral de la Convention de La Haye a été intégré à la Loi portant réforme du droit de l'enfance adoptée par l'Assemblée législative provinciale. En Ontario, l'autorité centrale est le ministère du Procureur général, qui travaille conjointement avec le programme provincial d'exécution des ordonnances de pension alimentaire.

Le ministère du Procureur général représente les intérêts juridiques de l'autorité centrale et assure un soutien constant sur le plan des communications, y compris la réponse aux demandes de renseignement des médias ainsi que la gestion des cas proprement dits.

L'autorité centrale de l'Ontario s'occupe des demandes sortantes et des demandes entrantes. Les demandes sortantes sont celles envoyées de l'Ontario à un autre État contractant pour qu'un enfant soit retourné en Ontario, et les demandes entrantes sont celles envoyées à l'Ontario d'un autre État contractant pour qu'un enfant soit retourné à cet État.

Les représentants de l'autorité centrale de l'Ontario n'ont pas l'habitude de représenter devant un tribunal les parents dont l'enfant a été enlevé dans un autre État contractant. Toutefois, l'Ontario offre une aide juridique aux parents délaissés par ailleurs admissibles à l'aide juridique.

Cependant, un représentant de l'autorité centrale de l'Ontario peut comparaître devant un tribunal à titre d'amicus curiæ, ou ami de la cour, et de présenter des extraits de droit canadien pour aider les tribunaux dans d'autres administrations.

Le principal objectif de l'autorité centrale est d'assumer les tâches imposées par la Convention de La Haye. Ces tâches sont de prévenir de nouveaux dangers pour l'enfant ou des préjudices pour les parties concernées, en prenant ou en faisant prendre des mesures provisoires; d'assurer la remise volontaire de l'enfant ou de faciliter une solution amiable; d'échanger, si cela s'avère utile, des informations relatives à la situation sociale de l'enfant; de fournir des informations générales concernant le droit de leur État relatives à l'application de la convention; d'introduire ou de favoriser l'ouverture d'une procédure judiciaire ou administrative, afin d'obtenir le retour de l'enfant et, le cas échéant, de permettre l'organisation ou l'exercice effectif du droit de visite; d'assurer, sur le plan administratif, si nécessaire et opportun, le retour sans danger de l'enfant; et aussi d'accorder ou de faciliter, le cas échéant, l'obtention d'aide et de conseils juridiques, y compris la participation d'un avocat; et, enfin, de se tenir mutuellement informées sur le fonctionnement de la convention et, autant que possible, lever les obstacles éventuellement rencontrés lors de son application.

Dans le cadre de ces fonctions, notre bureau partage la joie qu'éprouvent les parents d'un enfant qui est récupéré et partage aussi les frustrations inhérentes à l'interaction avec des États non conformes.

J'aimerais conclure en décrivant le travail de la province de l'Ontario. C'est notre bureau qui — bon an, mal an — traite le plus grand nombre de cas au Canada; c'est-à-dire que nous voyons le plus grand nombre de déplacements illicites, à partir de l'Ontario et vers l'Ontario. Nous traitons actuellement 44 cas. De ce nombre, 17 sont des cas entrants de retour, 7 sont des cas entrants d'accès, 18 sont des cas sortants de retour et 2 sont des cas sortants d'accès.

La présidente : Merci beaucoup.

Pouvons-nous maintenant écouter Mme Lipsack?

Penelope Lipsack, avocate, Direction des services juridiques, ministère de la Justice de la Colombie-Britannique : Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser au comité au sujet de la Convention de La Haye. Je suis avocate pour le ministère de la Justice de la Colombie-Britannique ainsi que l'autorité centrale déléguée pour la Colombie-Britannique aux termes de la convention. Le succès de toute convention dépend, en grande partie, de la coopération mutuelle des parties signataires. Comme vous l'avez entendu, l'autorité centrale est le bureau ou la personne par l'intermédiaire duquel ou de laquelle chaque État s'acquitte de ses obligations prévues par la convention. Elle joue un rôle vaste et souple en vue de favoriser l'atteinte des objectifs de la convention. Je vais décrire comment les autorités centrales provinciales et territoriales canadiennes peuvent contribuer à la coopération transfrontalière et à favoriser le respect de la convention. Pour faciliter la compréhension, je vais désormais parler des autorités centrales provinciales, même si, bien sûr, les autorités centrales territoriales exercent les mêmes fonctions.

Les autorités centrales participent à l'éducation de la population, des avocats et des d'autres intervenants au sujet de la convention au moyen de conférences et de documents écrits. Certaines provinces, y compris la Colombie-Britannique, ont un site web destiné à fournir de l'information sur le fonctionnement de la convention. Bon nombre de parents qui m'ont contactée l'ont fait après avoir consulté le site web de la Colombie-Britannique.

Lorsque des parents contactent mon bureau parce qu'ils craignent qu'un enlèvement ait lieu, nous les aiguillons vers un avocat, nous leur offrons de l'information sur la convention et nous leur proposons de consulter d'autres sites Web qui fournissent de l'information sur la manière de prévenir un enlèvement. Si des parents contactent mon bureau après qu'un enlèvement a eu lieu, nous les aiguillons vers un avocat, vers la police, vers notre site web de la Colombie-Britannique sur l'enlèvement d'enfants et vers d'autres ressources qui les aideront à faire face à la crise à laquelle ils sont confrontés.

Comme l'a dit M. Foulds, les cas d'enlèvement sont décrits comme étant entrants ou sortants. Les autorités centrales surveillent de près les cas sortants en communiquant avec l'autorité centrale étrangère de façon régulière pour obtenir des informations à jour. Cela permet de veiller à ce que le pays étranger sache que nous portons attention à l'évolution et à l'issue du cas. Au fil du temps, il arrive souvent que nous établissions des relations de travail étroites avec le personnel de l'autorité centrale étrangère, ce qui favorise la communication et la coopération pour les cas futurs.

Les autorités centrales fourniront de l'aide aux deux parties d'un cas relevant de la Convention de La Haye, mais ce sur quoi nous nous concentrons, c'est la promotion de l'atteinte des objectifs de la convention. En d'autres termes, nous aidons plus souvent les parents délaissés que les ravisseurs.

Les autorités centrales favorisent la rapidité des procédures relevant de la convention en aidant le parent délaissé à obtenir les services d'un avocat, en fournissant des éléments de preuve liés aux droits de garde du parent délaissé en vue de les présenter au tribunal étranger et en fournissant de l'information au sujet des lois et des ressources de la province, qui peuvent protéger un enfant et un parent ravisseur à leur retour.

Les autorités centrales surveillent également les cas portés devant les tribunaux de nos propres provinces afin de garantir notre conformité avec la convention. Si les procédures devant le tribunal d'une province ne se terminent pas rapidement, l'article 11 de la convention autorise une autorité centrale à demander une explication concernant le retard du tribunal.

Les autorités centrales peuvent travailler de concert avec les juges de leur province afin d'élaborer des lignes directrices sur le traitement efficient des cas relevant de la Convention de La Haye. Elles aident les avocats canadiens et étrangers en les aiguillant vers jurisprudence internationale, ce qui contribue à une application internationale uniforme de la convention.

À l'occasion, les autorités centrales reçoivent de l'aide du ministère fédéral des Affaires étrangères sur des cas sortants, notamment lorsqu'il est question de protection de l'enfance. Lorsque cela est nécessaire, le personnel consulaire facilitera la communication avec une autorité centrale étrangère en communiquant avec elle dans sa propre langue. Ces communications peuvent avoir pour avantage supplémentaire de montrer à l'autorité centrale étrangère que le Canada s'intéresse aux cas relevant de la Convention de La Haye et qu'il en surveille l'évolution.

Les autorités centrales travaillent en étroite collaboration avec d'autres partenaires, comme les Services nationaux des enfants disparus de la GRC, des organismes fédéraux comme Passeport Canada, des organisations sans but lucratif comme le Missing Children's Society of Canada, et des organismes de services sociaux, qui fournissent tous une aide inestimable en vue de retrouver les enfants, veiller à leur bien-être et leur assurer un retour sécuritaire au Canada.

Les autorités centrales provinciales rencontrent leurs homologues fédéraux aux deux à trois ans environ pour en apprendre davantage au sujet des lois et des initiatives fédérales et provinciales relatives à la convention et pour échanger de l'information sur les pratiques exemplaires connexes. En 2013, les autorités centrales canadiennes ont rencontré le personnel des autorités centrales des États-Unis et du Mexique. Nous en avons appris au sujet des systèmes juridiques et des procédures opérationnelles de l'un et de l'autre dans le cadre d'une réunion fort utile et instructive. Chaque autorité centrale a sa propre façon de s'acquitter de ses obligations établies par la convention, mais ce ne sont que des exemples de la façon dont elles contribuent au succès de celle-ci.

La présidente : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions.

La sénatrice Andreychuk : Merci à vous deux pour vos exposés. Ce que je comprends, c'est que vous êtes les autorités centrales ou l'expertise, à tout le moins, en ce qui a trait à la Convention de La Haye. Une simple question pratique : lorsque les gens vous contactent, sont-ils au courant de la Convention de La Haye, ou vous contactent-ils pour vous dire qu'ils veulent retrouver leurs enfants, puis vous devez leur expliquer le processus?

Mme Lipsack : C'est un petit peu des deux. Habituellement, je dirais que lorsque les parents me contactent, ils ont entendu parler de la Convention de La Haye. Soit qu'ils ont lu sur le sujet sur Internet soit que notre société de services juridiques leur a recommandé de consulter mon bureau. Donc, ils sont au courant, dans une certaine mesure, de l'existence de la Convention de La Haye, mais ils n'en connaissent pas parfaitement le fonctionnement.

M. Foulds : Je suis d'accord. En fait, à la lumière de discussions avec d'autres avocats et gestionnaires de cas du bureau, nous sommes souvent épatés par le niveau de connaissance que les parents délaissés ont de la Convention de La Haye et de leurs droits qui en découlent. Il semble qu'il y a, maintenant, beaucoup d'information facilement accessible pour les parents délaissés, et ils se présentent souvent armés de cette information et en ayant une assez bonne compréhension de leurs droits, de ce qui peut être fait et de ce qu'ils aimeraient qui soit fait.

La sénatrice Andreychuk : Monsieur Foulds, vous dites qu'ils se présentent armés de connaissances sur la Convention de La Haye. Est-ce parce que leur enfant a été enlevé et qu'ils ont, comme vous le dites, rencontré un avocat ou d'autres intervenants, puis qu'ils ont été informés de la Convention de La Haye, ou ont-ils compris qu'il y a une sorte de processus, avant même qu'il y ait rupture du partenariat et l'enlèvement de l'enfant?

M. Foulds : À mon avis, c'est la première hypothèse qui est la bonne. C'est-à-dire que, lorsque l'événement se produit — lorsque le non-retour ou le déplacement illicite se produit —, ils s'informent en parlant à un avocat ou à l'une des ONG, ou en effectuant leurs propres recherches sur Internet. Ils s'informent et constatent qu'il y a des autorités centrales dans chaque province qui peuvent les aider à faire en sorte que leur enfant retourne dans leur province.

La sénatrice Andreychuk : Est-ce que l'un de vous peut nous dire si les enlèvements vers l'étranger se font habituellement de votre province à l'autre pays, ou s'il y a des déplacements à l'intérieur du Canada avant que l'enlèvement devienne un enlèvement international?

Mme Lipsack : En ce qui a trait à la Colombie-Britannique, je peux dire que le déplacement se fait habituellement du point A au point B. Habituellement, le parent ne se déplace pas à l'intérieur du Canada en premier.

La sénatrice Andreychuk : En Ontario?

M. Foulds : Je suis d'accord avec elle. Selon les données empiriques, je pense que c'est exact. Habituellement, un enlèvement a lieu en Ontario, et implique un parent qui retourne chez lui, pour ainsi dire, dans son pays d'origine. Habituellement, c'est comme le dit Penny : du point A au point B.

La sénatrice Andreychuk : Les questions de garde sont de ressort provincial, et nous avons 10 provinces et 3 territoires. Des mesures ont été prises à l'échelon fédéral afin de faire en sorte que nous disions tous la même chose lorsque nous nous adressons à la population, parce qu'elle se déplace maintenant d'une province à l'autre, voire d'un pays à l'autre.

Comment pouvez-vous assurer l'uniformité d'une province à l'autre? Quels mécanismes utilisez-vous pour livrer un message uniforme?

M. Foulds : Comme l'a dit Penny, non seulement nous nous rencontrons aux deux ou trois ans, mais nous tenons régulièrement des téléconférences avec les autorités centrales de l'ensemble du pays. Nous nous parlons des affaires habituelles sur lesquelles nous travaillons. Grâce à ce processus, nous nous assurons d'aborder des situations du même angle, et je pense que nous le faisons, la plupart du temps. Nous semblons tous vivre les mêmes frustrations. Nous sommes tous confrontés aux mêmes difficultés. La plupart du temps, nous essayons de communiquer notre message à la population générale d'une voix unie.

Mme Lipsack : Aussi, lorsqu'un de nos collègues nous fait part d'une bonne idée qu'il a ou d'une pratique exemplaire qu'il emploie, nous, les autres, essayons de les appliquer en vue d'obtenir le même succès.

La sénatrice Andreychuk : J'aimerais ajouter quelque chose à ma propre question : contactez-vous l'autre pays, ou travaillez-vous toujours par l'intermédiaire du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement?

M. Foulds : Nous communiquons toujours avec l'autre pays directement. La communication se fait de l'autorité centrale à l'autre. Si le déplacement illicite se produit entre l'Ontario et les États-Unis, par exemple, l'autorité centrale de l'Ontario communiquera directement avec l'autorité centrale américaine afin que l'affaire soit traitée.

Le seul moment où l'autorité centrale fédérale est vraiment mise à contribution, c'est lorsqu'il y a une situation où nous ne savons pas où se trouve le parent ravisseur. L'autre pays signataire fera souvent suivre la demande de retour en vertu de la Convention de La Haye à l'autorité centrale fédérale de sorte que des recherches soient entreprises, que le parent ravisseur soit retrouvé et, puis, que la demande soit transmise à l'autorité provinciale et centrale appropriée.

Simplement pour que ce soit clair : en ce qui a trait au traitement de l'affaire au quotidien, cela relève entièrement des autorités centrales provinciales.

La sénatrice Andreychuk : Y a-t-il de la formation? Cela passe par un bureau, mais les gens entreront dans votre système. Les gens, au sein de la bureaucratie, sont-ils au courant qu'ils doivent s'adresser à vous lorsqu'il y a une affaire d'enlèvement? Qui s'occupe des affaires d'enlèvement avant qu'elles ne soient portées devant les tribunaux?

Mme Lipsack : En ce qui a trait à la Colombie-Britannique, mon nom, mon adresse de courriel et mon numéro de téléphone sont là. Lorsque les gens consultent Internet ou obtiennent de l'information au sujet de la personne à contacter, ils arrivent à moi, et ils communiquent avec moi directement. Il est très rare que quelqu'un d'autre au sein du ministère de la Justice reçoive une demande de renseignements au sujet d'un enlèvement. Lorsque c'est le cas, oui, ils savent qu'ils doivent me la transmettre immédiatement.

Il y a très peu de pertes au sein de la bureaucratie, pour ainsi dire.

La sénatrice Andreychuk : On nous a dit qu'il y avait un délai — qu'il faut du temps avant que nous en venions à déterminer qu'une affaire relève de la Convention de La Haye. Qui est-ce qui détermine si une affaire d'enlèvement est d'intérêt national, plutôt qu'international, ce qui vous mène à la Convention de La Haye?

Mme Lipsack : Dès la toute première communication que nous avons avec le parent, nous établissons les faits. Si le parent nous dit que son enfant a été enlevé en Saskatchewan et emmené en Colombie-Britannique, je sais alors qu'il ne s'agit pas d'une affaire relevant de la Convention de La Haye, et je vais le renvoyer à quelqu'un d'autre. Mais s'il me dit qu'il s'agit d'un enlèvement du Canada vers le Royaume-Uni, je sais qu'il s'agit d'une affaire relevant de la convention de La Haye, et nous procédons à partir de cela.

La sénatrice Andreychuk : Est-ce que les affaires dont vous vous occupez concernent principalement des États parties à la Convention de La Haye? Travaillez-vous en fonction du Processus de Malte? Ou êtes-vous confrontés au problème d'avoir à trouver une solution pour les affaires qui ne figurent dans ni l'une ni l'autre des catégories?

M. Foulds : Les autorités centrales provinciales traitent exclusivement des affaires relevant de la Convention de La Haye, c'est-à-dire les enlèvements ou les déplacements illicites à partir d'un pays ou vers un pays signataire de la convention. Ce sont les seules affaires dont traitent les autorités centrales.

S'il s'agit d'un enlèvement vers un État non signataire de la convention, l'affaire est renvoyée au ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, qui fera le suivi auprès de l'autre pays pour voir s'il y a une entente bilatérale et d'autres choses de ce genre.

La sénatrice Andreychuk : Est-ce la même chose en Colombie-Britannique?

Mme Lipsack : Oui, ça l'est.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais vous poser une question au sujet des contrôles officiels à la sortie. Nous n'en avons pas, mais certains pays en ont. On en a parlé à deux ou trois reprises dans le cadre d'exposés présentés ici par le passé comme étant une méthode permettant de réduire une grande partie des sorties des enfants à l'extérieur du pays. Selon vous, le travail que vous réalisez serait-il ce qu'il y a de plus utile, ou pensez-vous que d'autres mesures peuvent également être prises au lieu de contrôles officiels à la sortie en vue d'intercepter les gens à la frontière?

Mme Lipsack : Si des contrôles à la sortie pouvaient être mis en place, ils seraient certainement utiles, mais nous devons nous rappeler qu'il y a deux types d'enlèvements. Il y a ceux où les enfants sont emmenés à l'extérieur du pays sans permission, et c'est ce pour quoi un contrôle à la sortie serait utile. Mais il y a d'autres cas où un parent emmène l'enfant à l'extérieur du pays avec le consentement du parent délaissé, qui, habituellement, croyait qu'ils partaient pour un congé ou une courte visite. C'est une fois que le parent est dans le pays étranger avec l'enfant qu'il dit : « Je ne reviens pas. » Un contrôle à la sortie n'aurait aucune incidence dans ces cas.

Je dirais que la proportion d'enlèvements illicites par rapport à celle de non-retours illicites est sensiblement la même.

Le sénateur Eggleton : Je vois. C'est intéressant. Merci.

La sénatrice Hubley : J'ai simplement une question très courte, et cela porte sur la chaîne de gens qui sont avisés lorsqu'on signale l'enlèvement d'une personne. Les gens se rendent à la police ou à la GRC en premier, n'est-ce pas? Quand l'affaire atterrit-elle entre les mains d'une autorité centrale?

M. Foulds : Une personne pourrait se rendre à la police et, peut-être, essayer de déposer des accusations criminelles. C'est un tout autre volet.

Sur le plan logistique, ce qui se produit habituellement, c'est que le déplacement ou le non-retour illicite a lieu; le parent délaissé, soit par l'intermédiaire d'un avocat ou en parlant à une ONG ou en se renseignant, est informé de la Convention de La Haye, apprend l'existence de l'autorité centrale de sa province et communique avec notre bureau directement.

Durant cette première consultation, notre bureau ferait ressortir les faits de l'affaire afin de s'assurer qu'elle correspond aux critères généraux de la Convention de La Haye : l'enfant a moins de 16 ans, le déplacement a eu lieu vers un État partie approprié, un État de la communauté internationale. Nous transmettrions ensuite les documents appropriés au parent délaissé afin qu'il les remplisse, de même que sa demande administrative aux termes de la Convention de La Haye. Nous la recevrions et nous nous assurerions que l'affaire correspond à tous les critères de la Convention de La Haye, pour ainsi dire. Ensuite, nous communiquerions avec l'autorité centrale concernée, nous enverrions la demande en vertu de la Convention de La Haye à cette autorité centrale et lui demanderions d'assurer le suivi de l'affaire. Qu'il s'agisse d'une affaire où le parent délaissé demande qu'on tente d'obtenir un retour volontaire ou que le parent délaissé demande une aide juridique ou simplement les services d'un avocat, l'autre État partie peut l'aiguiller vers à un avocat en particulier.

Il y a certaines autorités centrales, en fait, qui représenteront le parent délaissé devant le tribunal également. Donc, cette autorité se chargera de l'affaire, de la demande administrative en vertu de la Convention de La Haye, la convertira en une demande en vertu de la Convention de La Haye destinée à un tribunal et dirigera l'audience.

La sénatrice Hubley : Donc, en règle générale, la police ne détermine pas s'il s'agit d'une affaire relevant de la Convention de La Haye? Si elle a de l'information sur un enlèvement, elle ne détermine pas, n'est-ce pas, s'il s'agit d'une affaire relevant de la Convention de La Haye à ce stade-là? Elle ne vous renvoie pas l'affaire?

Mme Lipsack : À l'occasion, la police nous renvoie des affaires directement, ou elle peut dire au parent qu'il devrait nous contacter directement, mais ce n'est pas elle qui détermine s'il s'agit d'une affaire qui relève de la Convention de La Haye ou non. Elle peut simplement dire : « Il semble que cela pourrait l'être. Je vais vous renvoyer à quelqu'un. »

La présidente : J'aimerais aborder d'autres processus dont vous n'avez pas parlé, et cela ne vous concerne peut-être pas, et je respecte cela. Le premier est le Processus de Malte.

De temps à autre, avez-vous à tenir compte de cela, et comment vous y prenez-vous? Je sais qu'il n'est pas aussi officiel que le processus de La Haye. Je comprends cela, mais il est peut-être applicable de temps à autre.

Mme Lipsack : Je n'ai jamais eu quoi que ce soit à faire avec cela. Ce que j'en comprends, c'est qu'il y a un comité de gens qui traitent de ce sujet, et je n'ai aucun lien avec celui-ci.

La présidente : Est-ce votre cas, monsieur Foulds?

M. Foulds : C'est exactement la même chose pour notre bureau. Encore une fois, l'autorité centrale de l'Ontario traite exclusivement des affaires qui relèvent de la Convention de La Haye.

La présidente : En 1996, il y a eu la Convention sur la protection des enfants, que le Canada n'a pas ratifiée. Est-ce qu'un de vos bureaux a joué un rôle là-dedans, et pouvez-vous nous dire si vous savez pourquoi elle n'a pas été ratifiée?

Mme Lipsack : Je n'ai pas travaillé directement sur cette convention. En Colombie-Britannique, c'est un groupe de réflexion différent qui en est responsable. Tout ce que je peux dire, c'est que la Colombie-Britannique s'y affaire et est prête à l'accueillir favorablement.

M. Foulds : La situation est essentiellement la même en Ontario. Notre bureau ne recourt pas directement à la convention de 1996. Je sais qu'il y a des avocats et des personnes responsables des politiques au ministère du Procureur général qui l'examinent et l'analysent. J'imagine que, de temps à autre, on en parle afin qu'elle soit soumise à un examen du gouvernement fédéral, mais, si je comprends bien, ce n'est pas une question très brûlante ni d'actualité. Je pense, peut-être, qu'il arrive que les choses changent, mais je pense qu'il n'y a rien à l'horizon, à ce que je sache.

La présidente : Ce qui nous préoccupe, je pense, c'est que cela fait 18 ans que nous parlons de ratification. J'aimerais vraiment beaucoup que vous parliez à vos collègues et que vous puissiez nous fournir quelque chose par écrit. Nous sommes un peu curieux de savoir pourquoi il faut 18 ans pour ratifier quelque chose. Nous aimerions avoir votre opinion là-dessus.

J'aimerais profiter de cette occasion pour vous remercier de vos exposés. Nous serons enchantés de travailler à nouveau avec vous dans l'avenir.

J'aimerais informer les membres du fait que, la semaine prochaine, nous allons nous pencher sur le projet de loi sur la Journée du pape Jean-Paul II ainsi que sur la question des travailleurs de l'industrie du textile.

(La séance est levée.)


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