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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 10 - Témoignages du 2 juin 2014


OTTAWA, le lundi 2 juin 2014

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 16 heures, afin d'étudier, pour en faire rapport, la façon dont les mandats et les méthodes de l'UNHCR et de l'UNICEF ont évolué pour répondre aux besoins des enfants déplacés dans les situations de conflits contemporains, en prêtant une attention particulière à la crise qui secoue actuellement la Syrie; et afin de mener une étude sur les mécanismes internationaux visant à accroître la coopération pour régler les disputes familiales transfrontalières, notamment les efforts du Canada pour favoriser l'adhésion et la conformité universelles à la Convention de La Haye sur l'enlèvement et renforcer la coopération avec les États non signataires, afin de défendre les intérêts des enfants.

La sénatrice Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue à la 13e séance que tient le Comité sénatorial permanent des droits de la personne au cours de la deuxième session de la 41e législature.

[Français]

Le Sénat a confié à notre comité le mandat d'examiner les questions liées aux droits de la personne au Canada et à l'étranger.

Je suis la sénatrice Mobina Jaffer et je suis présidente de ce comité. Je vous souhaite la bienvenue à cette séance.

[Traduction]

J'aimerais demander aux autres membres du comité de se présenter eux-mêmes, en commençant par la vice- présidente, soit la sénatrice Ataullahjan.

La sénatrice Ataullahjan : Je m'appelle Salma Ataullahjan, et je suis originaire de Toronto, en Ontario.

La sénatrice Seidman : Je m'appelle Judith Seidman, et je suis de Montréal, au Québec.

La sénatrice Unger : Je m'appelle Betty Unger, et je viens d'Edmonton, en Alberta.

Le sénateur Eggleton : Je suis le sénateur Art Eggleton, de Toronto.

La présidente : Le 6 mai 2014, le Sénat a adopté l'ordre de renvoi suivant :

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à étudier, pour en faire rapport, la façon dont les mandats et les méthodes de l'UNHCR et de l'UNICEF ont évolué pour répondre aux besoins des enfants déplacés dans les situations de conflits contemporains, en prêtant une attention particulière à la crise qui secoue actuellement la Syrie.

Honorables sénateurs, comme vous le savez, bon nombre de personnes suivent nos travaux. Des représentants du gouvernement sont venus nous parler des mandats du HCR et de l'UNICEF, de même que de la crise qui sévit en Syrie. Après ces représentants du gouvernement, nous entendrons aujourd'hui Furio De Angelis, représentant du HCR. Furio connaît notre comité, et il a accepté de contribuer à ses travaux. Avant que nous ne passions à son exposé, j'aimerais fournir, aux fins du compte rendu, des renseignements contextuels à propos de notre étude.

Le HCR — le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés — a été créé en 1950. Il s'agissait à l'origine d'un organisme temporaire dont la mission était de fournir de l'aide aux réfugiés européens à la suite de la Seconde Guerre mondiale. En 2003, l'Assemblée générale des Nations Unies a octroyé un statut permanent au HCR, dont le siège social est situé à Genève, en Suisse.

La mission du HCR, qui découle de la Convention de 1951 des Nations Unies relative au statut des réfugiés et à ses protocoles ultérieurs, consiste à travailler en collaboration avec les États pour veiller à ce que les réfugiés aient accès à une protection, à ce que certains droits bien définis leur soient octroyés et à ce que des solutions durables et à long terme leur soient offertes, par exemple le retour dans leur pays d'origine ou l'établissement dans un nouveau pays.

Au cours de ses premières années d'existence, le HCR s'est efforcé d'offrir une protection aux personnes qui fuyaient leur pays parce qu'elles craignaient avec raison d'y subir des actes de persécution, mais il ne leur offrait aucune aide matérielle.

Depuis ce temps, le HCR a assurément accru l'ampleur de ses interventions, et nous savons tous qu'une très lourde tâche l'attend. À l'heure actuelle, il semble avoir affaire à un nombre vertigineux de réfugiés.

Nous avons hâte d'entendre votre exposé.

Furio De Angelis, représentant au Canada, Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés : Merci, madame la présidente.

[Français]

Honorables membres du comité, mesdames et messieurs, au nom du HCR, je tiens à vous exprimer ma gratitude et à remercier le Comité sénatorial permanent des droits de la personne de m'avoir invité.

Le HCR est heureux d'avoir l'occasion de s'adresser au comité dans la mesure où il fait référence à la question des enfants déplacés par le conflit en Syrie.

Avant de commencer, toutefois, je voudrais brièvement vous présenter le rôle et le mandat du HCR.

Le HCR a pour mandat de diriger et de coordonner l'action internationale pour la protection des réfugiés à travers le monde et la recherche de solutions aux problèmes des réfugiés. La Convention de 1951 des Nations Unies relative au statut des réfugiés et le Protocole de 1967 constituent le fondement même de notre travail de protection des réfugiés. Bien que notre mission principale vise à garantir les droits et le bien-être des réfugiés, notre travail s'est développé par la suite pour inclure maintenant les personnes vulnérables, les personnes déplacées internes et les apatrides.

Avec un budget de plus de 4 milliards de dollars, le HCR travaille dans 126 pays et vient en aide à près de 35,8 millions de personnes.

[Traduction]

Madame la présidente, je vais maintenant vous parler de la situation en Syrie. On estime que, à l'heure actuelle, quelque 9,5 millions de Syriens ont besoin d'une aide humanitaire. Depuis le début du conflit en 2011, une multitude de Syriens ont traversé les frontières de leur pays afin de trouver refuge dans l'un des pays limitrophes. On estime à 2,8 millions le nombre de Syriens qui se sont enregistrés en tant que réfugiés dans ces pays. En outre, environ 6,5 millions de Syriens ont dû se déplacer à l'intérieur de leur pays en raison de la guerre.

L'exode des réfugiés syriens a pris des proportions alarmantes en 2013. D'après les données du HCR, de mai à novembre 2013, une moyenne de 127 000 personnes se sont inscrites chaque mois en tant que réfugiées. À la lumière d'une analyse récente des mouvements de population englobant les personnes qui fuient la Syrie et celles qui se sont déplacées à l'intérieur du pays, le HCR et ses partenaires prédisent que le nombre de réfugiés dans la région pourrait atteindre les 4,1 millions de personnes d'ici la fin de 2014, ce qui ferait des Syriens la plus vaste population de réfugiés visée par le mandat du HCR.

En août 2013, on a atteint le stade du million d'enfants syriens réfugiés. À l'heure actuelle, la moitié des réfugiés syriens inscrits dans les pays avoisinants sont âgés de moins de 18 ans. En d'autres termes, il y a environ 1,4 million d'enfants syriens réfugiés, et 75 p. 100 d'entre eux sont âgés de moins de 12 ans. La Jordanie et le Liban accueillent plus de 60 p. 100 de ces enfants.

En novembre dernier, le HCR a publié un rapport qui révèle l'effet dévastateur qu'a le conflit faisant rage en Syrie sur les enfants syriens qui sont devenus des réfugiés, la terrible souffrance qui leur est infligée et un certain nombre de difficultés que pose la protection des enfants, notamment celles liées aux traumatismes physiques et psychologiques qui leur sont occasionnés, au travail des enfants, à l'éducation dont ils sont privés et aux naissances non enregistrées.

Madame la présidente, chers membres du comité, j'aimerais passer brièvement en revue ces difficultés et vous donner une idée de ce que font le HCR et ses partenaires afin de tenter de les surmonter.

Tout d'abord, les traumatismes physiques et psychologiques. Le conflit syrien aura de graves conséquences d'ordre physique et psychologique sur les enfants réfugiés, qui ont été témoins d'horreurs innommables qu'ils auront du mal à oublier — des bombes et des missiles ont détruit leur maison, leur collectivité et leur école, et des amis et des membres de leur famille ont été tués, parfois sous leurs yeux. Ces enfants éprouvent des troubles du sommeil, ils sont victimes d'horribles reviviscences hallucinatoires et ils éprouvent des problèmes d'énurésie nocturne et même des troubles de la parole.

C'est à la maison que se trouve le plus important réseau de soutien sur lequel peuvent compter les enfants victimes de troubles psychologiques, mais les parents et les fournisseurs de soins de ces enfants sont aux prises avec leurs propres difficultés et peuvent avoir du mal à leur offrir le soutien émotionnel dont ils ont besoin.

Le HCR et ses partenaires — principalement l'UNICEF — fournissent un soutien psychologique aux enfants réfugiés syriens, y compris ceux qui ont été victimes de violence sexuelle ou auxquels on a imposé un mariage précoce. Ce soutien englobe des services de counseling familial, des services de soutien psychologique dispensés dans les écoles et l'organisation d'activités de loisirs dans des lieux qui leur sont adaptés. Les enfants bénéficient également du soutien psychologique offert par des ONG et des centres communautaires, de même que, dans la mesure du possible, par le personnel des centres d'enregistrement du HCR.

Selon l'UNICEF, 10 p. 100 des enfants réfugiés syriens de la région sont contraints de travailler. Selon une évaluation récente, près de la moitié des ménages au sein desquels au moins une personne travaille dépend partiellement ou entièrement du revenu généré par un enfant. De nombreux enfants travaillent de façon intermittente, passant d'un emploi à court terme — voire quotidien — à un autre, et bon nombre d'enfants travaillent de longues heures dans des conditions dangereuses ou dégradantes.

Le travail des enfants est un problème qui est directement lié à celui de la survie des familles de réfugiés. D'après des analyses sur le travail des enfants menées en Syrie et dans les pays accueillant des réfugiés syriens, la principale raison pour laquelle les enfants travaillent tient à la nécessité pour eux d'aider leurs parents à assumer les frais liés au logement et à la nourriture.

Les efforts que déploie le HCR afin de régler ce problème complexe comprennent la fourniture d'un soutien financier visant à aider les familles de réfugiés syriens vulnérables à assumer les coûts liés à leurs besoins urgents et fondamentaux, entre autres les dépenses médicales et les frais de logement; la création et la tenue à jour d'un système fonctionnel d'aiguillage permettant de cerner les enfants ayant besoin d'une protection, de gérer leur cas et de les diriger vers les services appropriés; et la fourniture de services de counseling social et de soutien émotionnel par des gestionnaires de cas et des travailleurs sociaux. Tous ces efforts peuvent permettre de prévenir le recours à de mauvaises mesures d'adaptation, par exemple le fait pour des parents de retirer leurs enfants de l'école et de les envoyer travailler.

Madame la présidente, chers membres du comité, en ce qui concerne l'éducation, je vous dirai que, selon une évaluation récente, 80 p. 100 des enfants syriens réfugiés au Liban et 56 p. 100 de ceux qui sont réfugiés en Jordanie ne fréquentent pas l'école.

Un rapport publié dernièrement par la Banque mondiale indique que les taux d'échec et de décrochage des enfants syriens étaient deux fois plus élevés que ceux de la moyenne des enfants libanais. Selon le HCR, 20 p. 100 des enfants syriens réfugiés au Liban abandonnent l'école, et ce problème touche principalement les enfants de 12 ans et plus.

En dépit des efforts déployés par les gouvernements et la communauté internationale, la fréquentation de l'école s'assortit de coûts prohibitifs pour certaines familles, qui doivent renoncer à inscrire leurs enfants à l'école ou doivent prendre la décision déchirante d'envoyer l'un de leurs enfants plutôt qu'un autre à l'école.

En outre, en Jordanie et au Liban, les salles de classe sont surpeuplées, et le nombre croissant d'élèves syriens pèse lourdement sur le système national d'éducation de ces deux pays. Par exemple, au Liban, il y a actuellement plus de 200 000 enfants réfugiés qui n'ont pas accès à des services d'éducation adaptés à leur âge, notamment parce que le système d'éducation public est complètement débordé.

Dans la mesure où leurs ressources le leur permettent, l'UNICEF et le HCR fournissent des uniformes, des livres, des sacs d'école et des articles de papeterie aux enfants syriens réfugiés au Liban et en Jordanie. De plus, afin de contrer le décrochage, des organismes des Nations Unies et leurs partenaires dispensent des cours d'appoint liés notamment à la littératie, à la numératie et aux langues.

J'aimerais maintenant aborder l'important sujet de l'enregistrement des naissances. Tout d'abord, je dois insister sur le fait que, au titre du droit international, l'enregistrement de la naissance est un droit conféré à tous les enfants. En plus de doter les enfants d'une identité juridique, cet enregistrement fait également office de preuve d'âge, ce qui constitue un élément crucial, vu qu'il peut leur permettre d'exercer certains droits et de bénéficier de mesures de protection destinées aux enfants.

De plus en plus souvent, des parents se voient contraints de fuir la Syrie avant d'avoir pu faire enregistrer la naissance de leur enfant, ou éprouvent des difficultés au moment de faire enregistrer la naissance d'un enfant ayant vu le jour en exil. Les enfants réfugiés dont la naissance n'a pas été enregistrée sont plus susceptibles d'être victimes de violence, de mauvais traitements et d'exploitation. L'enregistrement peut également contribuer à empêcher que des enfants se voient octroyer le statut d'apatride grâce à l'enregistrement de renseignements concernant ses parents et son pays de naissance, deux informations exigées par les États aux fins de l'octroi d'une nationalité à la naissance.

Même si les gouvernements de Jordanie et du Liban permettent aux réfugiés syriens de faire enregistrer leurs enfants nés dans leur pays, une kyrielle de naissances ne sont pas enregistrées, et ce, pour de multiples raisons, y compris la complexité du processus d'enregistrement et l'incapacité des parents de fournir des documents d'identité appropriés.

Au Liban, le taux d'enregistrement des naissances est faible. En date du 24 mai dernier, le HCR avait procédé à l'enregistrement de plus de 20 000 enfants syriens nés au Liban. D'après une enquête récente, jusqu'à 73 p. 100 de ces enfants ne se sont pas vu délivrer de certificat de naissance. Dans le cas de réfugiés de Za'atari, en Jordanie, plus de 1 400 enfants nés de la fin novembre 2012 à la fin juillet 2013 n'ont pas reçu de certificat de naissance.

Le HCR et ses partenaires collaborent avec les autorités des deux pays en vue d'assouplir les exigences en matière d'enregistrement des naissances auxquelles les réfugiés syriens doivent répondre. De plus, le HCR travaille auprès des réfugiés afin de mieux les informer à propos de l'importance de l'enregistrement des naissances et du processus connexe.

Madame la présidente, chers membres du comité, si vous le permettez, je conclurai mon exposé en indiquant que le HCR éprouve de la gratitude à l'égard de tous ceux qui, à ce jour, l'ont aidé financièrement à faire face à la crise humanitaire touchant les réfugiés syriens en général et les enfants réfugiés syriens en particulier. Cela dit, nous devons être réalistes : à l'heure actuelle, nous sommes incapables de prendre toutes les mesures requises en raison de l'ampleur des besoins et de la complexité des problèmes liés à la fourniture d'une protection. C'est la raison pour laquelle nous continuons de solliciter une aide financière accrue et soutenue. En avril 2014, le HCR n'avait reçu que 24 p. 100 des sommes dont il aurait besoin pour affronter la crise qui secoue la Syrie. Il devra donc faire des choix difficiles, et que certains besoins ne seront pas comblés.

En outre, le HCR enjoint à la communauté internationale d'offrir aux Syriens n'ayant d'autre choix que de fuir leur pays un plus grand nombre d'endroits où ils puissent s'établir. À ce jour, les États ont répondu promptement à l'appel que leur a lancé le HCR afin qu'ils offrent aux réfugiés syriens un plus grand nombre de lieux de réétablissement ou qu'ils prennent à leur intention d'autres formes de mesures en vue de les accueillir pour des motifs d'ordre humanitaire. Une vingtaine de pays ont offert des lieux de réétablissement afin de contribuer à la réalisation de l'objectif consistant à fournir d'ici la fin de 2014 une protection internationale à 30 000 des réfugiés syriens les plus vulnérables. Cependant, vu la gravité de la crise, le HCR a récemment fait appel à des pays de toutes les régions du monde pour qu'ils prennent des engagements pluriannuels dans le but d'offrir en 2015 et en 2016 un lieu de réétablissement à 100 000 réfugiés syriens supplémentaires et de prendre des mesures afin de les admettre sur leur territoire. De telles initiatives représenteraient non seulement une solution durable pour les réfugiés plus vulnérables, mais également un acte de solidarité et une façon concrète de contribuer à alléger le fardeau disproportionné que doivent assumer les pays limitrophes de la Syrie.

[Français]

Le Canada est un partenaire stratégique du HCR, et nous sommes profondément reconnaissants envers le gouvernement et le peuple canadiens pour le soutien continu qu'ils apportent aux interventions humanitaires du HCR à travers le monde.

Nous espérons ardemment que la situation en Syrie s'améliorera et que le Canada jouera un grand rôle dans l'amélioration du sort des déplacés syriens.

Honorables sénateurs et sénatrices, je vous remercie de m'avoir reçu aujourd'hui.

La présidente : Merci beaucoup pour votre présentation.

[Traduction]

Le sénateur Eggleton : Merci beaucoup de votre exposé. Il s'agit d'une situation alarmante. Le fait que le tiers des enfants syriens aient été placés constitue une réalité brutale, et je passe sous silence toutes ces terribles statistiques que vous avez mentionnées et les conditions de travail très difficiles avec lesquelles doivent composer les organismes des Nations Unies et les ONG.

J'aimerais que nous discutions quelques instants de la question de savoir si la contribution du Canada est suffisante. Je crois savoir que la contribution financière que verse le Canada relativement à la crise syrienne est la sixième en importance dans le monde. Le Canada finance l'UNICEF et le HCR. Toutefois, je tiens à souligner que le ministre de l'Immigration a indiqué il y a deux ou trois mois seulement que le Canada n'avait accueilli que 10 réfugiés syriens. Seuls 10 réfugiés syriens sont arrivés au pays. C'est ce que le ministre a dit il y a quelques mois — je ne sais pas si les choses se sont améliorées depuis. Durant votre exposé, vous avez indiqué que vous tentiez d'offrir un lieu de réétablissement à quelque 30 000 réfugiés d'ici la fin de l'année. Savez-vous si le Canada accueillera un plus grand nombre de réfugiés syriens? En avez-vous discuté avec des représentants du gouvernement?

M. De Angelis : Comme vous et les autres membres du comité le savez probablement, il y a quelques jours, la semaine dernière, le haut-commissaire lui-même, M. António Guterres, est venu ici, à Ottawa, et durant son séjour de trois jours, il a rencontré des hauts fonctionnaires, y compris M. Alexander. Dans le cadre de ces rencontres, il a insisté sur un certain nombre d'éléments importants, notamment la question des lieux de réétablissement et celle de l'engagement du Canada à ce chapitre. À coup sûr, une attention y est accordée. Nous sommes pleins d'espoir, et nous sommes favorables à ce que le Canada prenne d'autres engagements en matière de réétablissement. Les besoins sont réels, et on nous a clairement dit que le Canada mettait l'épaule à la roue depuis le tout début de l'initiative — comme vous le savez, il s'est engagé à accueillir 1 300 des 30 000 réfugiés visés par le premier appel lancé à la communauté internationale.

Ainsi, par suite de la dégradation de la situation sur le terrain, le HCR a lancé un deuxième appel en vue du réétablissement de 100 000 réfugiés en 2015-2016. On nous a dit que le Canada participerait à cette initiative internationale, et nous sommes certains que ce sera le cas. Nous nous attendons à ce que le gouvernement fasse bientôt une annonce positive à ce sujet.

J'aimerais simplement souligner à quel point il est important que le Canada demeure un chef de file dans le cadre de ce processus, vu que, comme vous l'avez mentionné à juste titre, le Canada joue un rôle très important à l'échelle mondiale dans le cadre des affaires liées aux réfugiés. Bien entendu, avec les États-Unis et l'Australie, il est l'un des principaux pays de réétablissement — en cette matière, les quotas qu'il s'est fixés ont toujours été considérables à l'échelle mondiale.

En outre, le Canada joue un rôle important en ce qui concerne les questions liées à la gouvernance mondiale et aux réfugiés de toutes les régions du monde, et depuis le début de la crise humanitaire en Syrie, il a versé des sommes totalisant 353 millions de dollars aux seules fins de l'aide humanitaire. Nous sommes convaincus qu'il se montrera à la hauteur des difficultés du moment.

Le sénateur Eggleton : Je suis certain que le Canada contribuera à l'initiative. Comme je l'ai mentionné, il fournit une importante contribution financière.

Vous avez mentionné que nous devions accueillir 1 300 réfugiés. Ce nombre englobe 200 réfugiés syriens extrêmement vulnérables, de même que 1 100 Syriens visés par le Programme de parrainage privé de réfugiés. Bien que ce nombre semble dérisoire au regard de l'ampleur du problème, il représente une amélioration par rapport aux 10 réfugiés auxquels vous avez fait allusion.

Si vous le permettez, j'aimerais parler de la situation qui règne au Liban. Il semble que ce pays ait adopté une politique interdisant les camps de réfugiés — je n'en étais pas conscient avant que j'aie relu mes notes. En d'autres termes, les Syriens qui ont fui là-bas vivent dans des garages, des tentes et des refuges non officiels situés ici et là.

De plus, je crois comprendre que les Libanais réagissent violemment à la présence des Syriens, notamment en raison de préoccupations liées aux pénuries d'eau et au partage de l'eau avec ces réfugiés. En outre, des préoccupations ont été exprimées en ce qui concerne le système d'éducation — il semble que la coopération avec le ministère de l'Éducation du Liban soit difficile. Certaines difficultés ont trait à la question de savoir s'il faut dispenser le programme de cours syrien ou libanais, et d'autres, à la violence et à la discrimination dont font l'objet les Syriens dans les écoles ou à l'absence de programmes de cours de niveau supérieur à la neuvième année.

Comment s'y prendra-t-on pour régler quelques-uns de ces problèmes? Plus particulièrement, je constate que deux de vos principaux organismes, à savoir le HCR et l'UNICEF, ne disposent pas des ressources dont ils ont besoin pour réaliser leur mission. Je ne sais pas comment vous vous y prendrez pour régler tous ces problèmes, mais il semble que la manière dont les choses se déroulent a pour effet d'accroître les tensions au Liban. Pourriez-vous nous dire quelques mots à ce sujet?

M. De Angelis : Je vous remercie d'attirer l'attention sur la situation qui règne au Liban, vu que nous croyons tous que ce pays est véritablement le symbole de la crise qui sévit dans cette région. Lorsque je m'adresse à des Canadiens, j'ai l'habitude de leur rappeler que le Liban est un petit pays — sa superficie est deux fois supérieure à celle de l'Île-du- Prince-Édouard. Toutefois, à l'heure actuelle, il héberge près de 1,1 million de réfugiés. Vous avez donc une idée de l'effet que peut avoir sur la population un tel nombre de réfugiés.

Cela dit, nous constatons que les frontières sont demeurées ouvertes, et que les réfugiés syriens ont été intégrés — ou, plus exactement accueillis — au sein de la société libanaise, et que, à ce jour, le tout s'est fait de manière pacifique, en dépit du fait que ces réfugiés représentent actuellement 25 p. 100 de la population du Liban. Dans certains villages libanais, le nombre de réfugiés est beaucoup plus élevé que le nombre de villageois eux-mêmes.

Ainsi, on peut dire que les Libanais font preuve d'une très grande générosité — c'est le terme que l'on doit employer — et d'une énorme capacité de prendre vraiment en main le problème et de faire face aux difficultés qu'il pose pour leurs côtes et leur territoire. Il faut le mentionner, car je crois que nous devons d'abord faire preuve de gratitude à l'égard des populations qui sont en mesure d'affronter de telles difficultés dans de telles circonstances et leur accorder le mérite qui leur revient.

Toutefois, bien entendu, il y a des préoccupations. Toutes les activités relatives aux réfugiés comportent des éléments qui en soulèvent. Vous avez dressé une bonne liste des divers volets des activités liées aux réfugiés, en commençant par celui de l'enregistrement, dont vous avez souligné l'importance. On procède chaque jour à l'enregistrement de milliers de personnes, et chacun de ces enregistrements fait l'objet d'une vérification au bout de un an. Vous pouvez imaginer que l'on doive effectuer ces vérifications. S'il est si important que les gens s'enregistrent, c'est parce que c'est ce qui leur donne accès à des services. En outre, cette procédure permet de cerner les besoins et les cas particuliers pouvant exiger une aide ciblée, surtout en ce qui concerne les enfants, les mineurs non accompagnés, les mères de famille monoparentale et certaines personnes victimes de violence fondée sur le sexe.

Nous effectuons un suivi de l'incidence des programmes exécutés par les écoles et les établissements de soins de santé. L'élément le plus important, c'est que l'aide parvienne aux collectivités et aux réfugiés qu'elles accueillent. Comme vous l'avez indiqué, le Liban a adopté une politique interdisant les camps, de sorte que tous les réfugiés s'installent dans les collectivités. Par conséquent, bien entendu, toutes les personnes en mesure de soutenir les initiatives de soutien des réfugiés doivent pouvoir profiter de l'aide fournie.

La sénatrice Ataullahjan : Le ministre des Affaires étrangères du Liban a déclaré que le Liban voulait établir des camps faisant office de complexes résidentiels près de la frontière syrienne, mais que le HCR s'y était opposé. Pouvez- vous nous expliquer pourquoi?

M. De Angelis : Selon le droit des réfugiés, les camps ne doivent pas être établis près des frontières internationales. J'avancerais que cela tient à des raisons évidentes — les camps de réfugiés sont de nature civile, et ils doivent être situés le plus loin possible du lieu de conflit. Un camp situé près d'une frontière serait susceptible d'être visé par une opération transfrontalière, un bombardement ou une infiltration tirant leur origine d'une zone de conflit, comme ça s'est produit dans le passé, ce qui risquerait de poser des problèmes relativement à la protection contre toutes sortes d'éventualités, par exemple le recrutement forcé d'enfants. Pour des raisons de logistique et de protection, un camp ne doit pas être installé près d'une frontière. En règle générale, nous exigeons que le lieu d'établissement d'un camp soit situé suffisamment à l'intérieur d'un pays de manière à ce qu'il soit possible d'y instaurer un climat pacifique.

La présidente : J'ai une question complémentaire à vous poser. Si le Liban craint les camps, c'est parce qu'il a déjà vécu une expérience semblable dans le passé, lorsque des réfugiés de la Palestine se sont installés sur son territoire. Est- ce exact?

M. De Angelis : Je ne suis pas en mesure à ce moment-ci de vous expliquer précisément pourquoi le ministère libanais a adopté cette position. Bien entendu, comme nous le savons tous, le Liban a été en proie à des conflits intérieurs, et nous y sommes tous sensibles. Cependant, dans le cadre de l'ensemble des activités qu'il mène sur tous les continents, le HCR a toujours fait valoir, en ce qui a trait aux camps de réfugiés, que les frontières internationales ne constituaient pas un lieu sûr pour leur établissement.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais formuler une dernière observation concernant le Liban. Vous avez mentionné que de nombreux Libanais étaient accueillants à l'égard des réfugiés. Je le comprends — je crois qu'il est dans leur nature d'être accueillants. Toutefois, ce que disent les représentants d'organisations non gouvernementales, c'est que la tension monte et que les conflits gagnent en intensité. Lorsqu'on se trouve dans une situation où il y a une pénurie d'eau et où un système d'éducation est submergé par un afflux de réfugiés, les conflits et la violence peuvent éclater. Je pense qu'il s'agit là d'un élément qui exige une attention particulière.

M. De Angelis : Tout à fait. Lorsque le nombre de réfugiés au Liban était la moitié de ce qu'il est actuellement, on disait déjà qu'il s'agissait d'un fardeau insoutenable. À présent, ce nombre a doublé, et nous ne devons évidemment pas être surpris du fait que les problèmes liés à la fourniture de services fassent monter la tension. Cependant, la situation devrait nous inciter à nous mobiliser davantage et à lancer un appel en vue d'obtenir de l'aide internationale. Je crois que, à ce jour, les collectivités et les organisations internationales ont réussi à assurer le déroulement pacifique des activités relatives aux réfugiés, mais, bien sûr, le danger nous attend toujours au tournant.

La sénatrice Ataullahjan : Nous savons que l'on fait toujours pression sur les pays hôtes afin qu'ils fournissent des soins de santé aux réfugiés. Toutefois, ma question porte plus précisément sur la santé des mères et des enfants. Pouvez-vous nous parler des programmes de santé des mères, des nouveau-nés et des enfants destinés aux réfugiés?

M. De Angelis : Je ne suis pas certain d'être en mesure de vous fournir des précisions concernant le programme. Si vous le souhaitez, je vous transmettrai ultérieurement ces informations. Pour l'instant, de façon générale, je vous dirai, comme je l'ai mentionné plus tôt, que le conflit a eu d'énormes répercussions sur les infrastructures de soins de santé. Bien entendu, une partie des programmes d'aide vise à améliorer ces infrastructures, à former le personnel médical et à veiller à ce que les collectivités puissent offrir des soins et des installations médicales adéquates aux réfugiés qui en ont besoin.

Il s'agit d'une chose très importante puisque le nombre d'enfants réfugiés est très élevé. En fait, au Liban, près de la moitié des réfugiés sont des enfants, et nous devons assurément tenir compte de cette donnée au moment de concevoir et de mettre en œuvre nos programmes. C'est la raison pour laquelle j'ai indiqué d'emblée qu'il était extrêmement important dans le cadre de toute activité liée aux réfugiés que l'on puisse procéder le plus tôt possible à leur enregistrement et à la collecte de données les concernant. Nous devons accroître notre capacité de les enregistrer au cours des jours ou des semaines suivant leur arrivée, car autrement, ils risquent de disparaître dans la nature ou de s'intégrer dans les collectivités sans qu'on s'en aperçoive. En outre, l'enregistrement et la vérification de l'identité au bout d'une certaine période constituent une fonction essentielle puisqu'ils représentent la porte d'entrée menant à toutes sortes de services permettant de régler divers problèmes, par exemple des services de soins de santé aux mères et aux enfants.

La sénatrice Ataullahjan : Je vous saurais gré de me transmettre par écrit de plus amples renseignements à ce sujet. Merci.

M. De Angelis : D'accord, merci.

La présidente : Vous avez parlé de l'enregistrement des naissances, qui est devenu un grave problème non seulement dans les zones où se trouvent des réfugiés, mais dans l'ensemble des pays en voie d'industrialisation, car d'innombrables naissances ne sont pas enregistrées. J'ai lu quelque part que des dispositifs numériques permettaient d'enregistrer les naissances. Presque tout le monde possède un téléphone cellulaire. Il s'agit d'une réalité dans le monde d'aujourd'hui. Le HCR a-t-il envisagé d'utiliser des outils numériques aux fins de l'enregistrement des naissances dans les camps?

M. De Angelis : À l'heure actuelle, nous utilisons du matériel de collecte de données. Nous avons mis en œuvre des applications biométriques, et nous les mettons à jour selon les besoins. Divers systèmes nous permettent de procéder à l'enregistrement de données biométriques. L'ensemble fait partie du processus d'enregistrement.

C'est très important. L'une des difficultés posées par l'enregistrement — et qui explique en partie l'importance des percées technologiques dont vous avez parlé — tient à ce que, au Liban, les réfugiés sont très dispersés. Ils sont disséminés dans 1 700 lieux différents. Il s'agit de l'un des problèmes qui découlent de la politique d'interdiction des camps. Les camps peuvent créer divers problèmes, mais l'interdiction d'en établir a pour effet d'éparpiller les réfugiés dans toutes les zones urbaines du pays. En outre, comme les réfugiés se trouvent à 1 700 endroits différents, nous devons disposer d'un nombre suffisant d'appareils mobiles afin que nous puissions aller dans les lieux où se trouvent des réfugiés qui ne sont pas en mesure de se rendre à un bureau d'enregistrement.

La technologie est un élément de plus en plus important du processus d'enregistrement, et son importance continuera certainement de croître à mesure qu'elle progressera.

La sénatrice Seidman : Vous nous avez dit que, de mai à novembre, 127 000 personnes s'étaient enregistrées chaque mois. Quant au nombre d'enfants à risque — non seulement les enfants réfugiés syriens, mais également, comme vous l'avez indiqué, ceux des pays hôtes, en raison du fardeau occasionné par les réfugiés —, il nous laisse presque sans voix. Les pays hôtes sont très généreux, mais il ne fait aucun doute que la situation pèse lourdement sur leur société, leurs ressources et leurs systèmes d'éducation et de santé. Par conséquent, à bien des égards, dans cette région du monde, une génération entière risque d'être perdue.

En entendant parler de tout cela, j'éprouve un sentiment de frustration. Que pouvons-nous faire? Je songe à votre mandat et au travail que vous effectuez dans la région en collaboration avec l'UNICEF et d'autres organismes, et je fais allusion ici non seulement à l'aide humanitaire la plus urgente que vous fournissez, mais aussi aux activités de développement à plus long terme que vous menez et qui seront nécessaires.

Je vous serais reconnaissante de nous parler de la manière dont vous faites ce travail. Dans quelle mesure vos activités dans la région sont-elles coordonnées et intégrées avec celles d'autres organismes? Comment vous répartissez- vous le travail? Y a-t-il des chevauchements? Y a-t-il suffisamment de supervision et de mise en commun des pratiques? Les tâches sont-elles adéquatement partagées?

M. De Angelis : Merci de la question très importante que vous venez de poser. Au cours des dernières années, j'ai constaté à quel point la situation avait changé et s'était améliorée au chapitre de la coordination des activités des divers organismes de l'ONU et des partenaires, et je parle ici non seulement du HCR, mais des partenaires en général, de toutes les organisations internationales qui fournissent de l'aide aux réfugiés en situation d'urgence. La situation s'est améliorée comparativement à ce qu'elle était il y a de nombreuses années. Ce qui fait que c'est possible, c'est d'abord et avant tout la simple ampleur de ces nouvelles situations d'urgence.

Cela dit, de façon plus générale, outre la Syrie, d'autres pays sont aux prises avec des situations d'urgence, par exemple le Soudan du Sud et la République centrafricaine, sans oublier les crises plus anciennes qui n'en finissent plus, par exemple celles qui secouent la Somalie et l'Afghanistan. Il suffit de lire les journaux pour constater qu'il y a toujours des crises liées aux réfugiés. Des habitants de la Somalie, de l'Afghanistan et du Myanmar continuent de fuir leur pays. Ces énormes difficultés ont contraint les organismes et les partenaires à travailler de façon coordonnée, et ce, surtout en raison de l'évolution de la nature des conflits au fil du temps et de la présence de conflits intérieurs. Dans le cadre des conflits de ce genre, des gens sont déplacés d'une région à l'autre de leur pays, et pour faire face à ce problème, le HCR a adopté une démarche générale de l'ONU fondée sur le principe de la responsabilité sectorielle. Le HCR et d'autres organismes des Nations Unies participent ainsi à un système mondial visant à prendre en charge les situations d'urgence créées par les déplacements de personnes à l'intérieur d'un pays.

Comme le HCR est un organisme qui se consacre aux problèmes des réfugiés, son mandat n'englobe pas expressément les activités menées à l'intérieur des frontières d'un pays. Il s'agit d'un élément très important, vu qu'il en fait ressortir un autre, à savoir la pertinence des organismes de développement comparativement à celle des organismes d'intervention d'urgence. De façon plus détaillée, je vous dirai qu'il s'agit là de l'élément clé de la réussite de la coopération entre le HCR et l'UNICEF. Depuis le milieu des années 1990, ces deux organismes sont liés par un protocole d'entente leur permettant d'unir les activités découlant de leur mandat particulier. Le HCR est un organisme qui se consacre exclusivement aux interventions d'urgence, tandis que l'UNICEF se consacre non seulement aux interventions d'urgence, mais également aux activités de développement — il mène des activités de ce genre dans des pays qui ne sont pas touchés par une crise ou une situation d'urgence.

Le haut-commissionnaire a fortement insisté sur le fait que les interventions d'urgence ne suffisent pas — elles doivent être complétées par des activités de développement. Au moment d'effectuer une intervention d'urgence, on doit semer les graines du développement futur. Si on ne le fait pas, on ne parviendra jamais à s'extirper d'une situation où on ne fait que réagir aux situations d'urgence, ce qui n'est pas viable à long terme ni même à moyen terme. Voilà pourquoi il est absolument crucial que les organismes de développement et les organismes d'intervention d'urgence coordonnent leurs activités à un stade précoce en cas de crise liée à des personnes déplacées. On ne le fait que depuis quelques années, mais les organisations des Nations Unies et les autres partenaires internationaux continueront assurément de fonctionner de cette façon.

La sénatrice Seidman : J'aimerais simplement essayer de comprendre comment vous vous y prenez pour travailler ensemble. Je suis d'accord avec ce que vous venez de dire. Vous possédez une vaste expérience en la matière. Vous venez d'indiquer que l'on ne peut évidemment pas demeurer tout le temps en situation d'intervention d'urgence, et que, pour éviter que ce ne soit le cas, on doit mener des activités de développement.

Par exemple, on doit prendre des mesures concernant l'un des problèmes manifestement critiques que vous avez mentionnés, à savoir l'enregistrement des naissances et des enfants réfugiés. Comme vous l'avez dit, si ces jeunes enfants ne sont pas enregistrés, ils deviennent des non-personnes susceptibles d'être victimes de la terreur et d'être exploitées, si l'on peut dire, de toutes sortes de manières.

Pourriez-vous, en prenant l'exemple du processus d'enregistrement des naissances et des enfants réfugiés, nous expliquer la manière dont vous vous partagez les activités d'intervention d'urgence et les activités de développement afin de tenter de régler le problème et de faire en sorte que tout se déroule comme il faut?

M. De Angelis : À mes yeux, comme vous l'avez indiqué, l'enregistrement des naissances est un exemple typique de la façon dont le mandat de l'UNICEF et celui du HCR peuvent se compléter de façon fructueuse. L'enregistrement de la naissance est un droit de la personne fondamental — c'est ce qui permet à une personne d'exercer tous les droits qui découlent de l'appartenance à un État. Cette question intéresse particulièrement le HCR, qui lui accorde une valeur accrue puisqu'il mène des activités de prévention de l'apatridie. En tant qu'organisme chargé de prévenir et de réduire l'apatridie, le HCR considère que l'enregistrement des naissances revêt une importance cruciale.

Ainsi, l'enregistrement des naissances présente un intérêt particulier pour nos deux organismes, vu que le fait d'être citoyen d'un pays est un droit de la personne fondamental. D'une part, on doit être en mesure de mener des activités de développement, ce qui relève du mandat de l'UNICEF, et d'autre part, on doit prévenir l'apatridie. Bien entendu, nous devons également prendre en charge les enfants réfugiés, ce qui représente un élément important des activités liées à la protection des réfugiés.

Sur le terrain, le travail est divisé. Je ne peux pas vous dire exactement comment les organismes se répartissent le travail sur le terrain, mais il y a assurément des situations où le travail est divisé et où les deux organismes mettent en commun leurs ressources, leur savoir et leur capacité de fonctionner, au bout du compte, exactement de la même façon, en fonction de mandats différents, mais complémentaires, avec le même objectif.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup.

Le sénateur Eggleton : J'ai une question complémentaire. Vous décrivez la relation entre le HCNUR et l'UNICEF et la coordination qui est assurée, mais il y a beaucoup d'intervenants dans tout cela. Bon nombre d'organismes de l'ONU, l'Organisation mondiale de la Santé, entre autres, participent, sans parler de toutes les ONG. Il me semble que, vu le manque de ressources avec lequel sont aux prises beaucoup de nos organisations, la coordination est particulièrement importante pour que toutes ces activités soient efficaces. À quel point cette coordination est-elle rigoureuse? À quel point la coordination de tout cela est-elle bonne?

M. De Angelis : La coordination s'améliore de plus en plus, pour des raisons évidentes. Il est impossible d'intervenir en cas de situations d'urgence de l'ampleur de celles dont il est question et de — et à juste titre — l'accent mis par les pays donateurs sur le fait que les activités soient efficaces, que l'argent soit bien dépensé et qu'il n'y ait pas de chevauchement ni de gaspillage des ressources. Le degré d'attention que les pays donateurs prêtent aux activités est à juste titre ce qui apporte ce « petit quelque chose de plus » qui rend vraiment l'intervention en cas d'urgence de mieux en mieux coordonnée.

Pour diverses raisons, l'un des points tournants importants a été le travail sur la question des personnes déplacées à l'intérieur des pays à la suite du changement de la situation géopolitique il y a une vingtaine d'années, lorsque la crise a commencé à sévir dans certains pays et que le HCNUR a commencé à envisager, pour la première fois, dans les années 1990, d'intervenir à l'intérieur des frontières des pays en question, dans de nouvelles situations, plutôt que d'attendre que les réfugiés franchissent les frontières internationales. À ce moment-là, la collaboration et la coordination avec les autres organismes sont devenues importantes et cruciales, puisque, comme je l'ai dit, le HCNUR avait été créé non pas pour travailler à l'intérieur des pays, mais plutôt pour travailler auprès des réfugiés à l'extérieur des frontières internationales. Ainsi, la collaboration avec d'autres organismes et le travail sur la question des personnes déplacées à l'intérieur des pays sont à la base de la collaboration accrue qui existe à l'heure actuelle. Et surtout, l'ampleur des situations d'urgence qui existent est énorme. Les besoins sont très grands, et le manque de financement à combler, très important. Si nous avons une occasion quelconque d'obtenir plus de dons et plus d'attention de la part des donateurs, il faut vraiment que nous fassions preuve non seulement d'efficacité, mais aussi du fait que les dons sont bien dépensés et ciblent les besoins.

La sénatrice Andreychuk : Merci d'avoir abordé le fait que le HCNUR a été créé pour recevoir les réfugiés à l'extérieur des zones de conflit et des pays concernés. Vous dites que, il y a une vingtaine d'années, ça a commencé à être davantage le cas, et c'est vrai. Nous savons que ce sont de plus en plus les conflits internes qui font en sorte que les gens sont déplacés.

Je pense que l'étude que nous menons, lorsque je l'ai proposée, devait porter non pas sur les dons, mais plutôt sur les organismes, pour que nous puissions vérifier si leur mandat et leur travail sont à jour ou si nous devons plutôt revenir sur ces éléments aux Nations Unies ou dans le cadre d'une autre tribune mondiale pour qu'ils correspondent davantage à ce qui se passe sur le terrain.

Vous dites que vous travaillez en Syrie. Comment faites-vous pour y entrer, si votre mandat est extérieur? Devez- vous demander l'autorisation du gouvernement pour entrer en Syrie? Le cas échéant, comment vous y prenez-vous? Devez-vous être invité, ou y a-t-il des négociations par l'intermédiaire du Conseil de sécurité de l'ONU ou d'une autre façon?

M. De Angelis : Tout le travail du HCNUR concernant les personnes déplacées à l'intérieur des pays s'inscrit dans le cadre d'une démarche globale des Nations Unies. Il s'agit de ce système des Nations Unies comprenant tous les divers organismes et le coordonnateur des affaires humanitaires chargé des activités relatives aux personnes déplacées à l'intérieur des pays. Le travail est réparti en divers secteurs d'intervention dont divers organismes sont responsables. Le HCNUR est responsable de la gestion des camps, de la protection et des articles de secours essentiels, par exemple, tandis que d'autres organismes, comme le PAM ou l'UNICEF, ont un rôle à jouer dans les domaines de l'alimentation ou de l'éducation des enfants. Le système fonctionne comme une seule machine. Évidemment, c'est ce système d'organismes de l'ONU qui reçoit l'autorisation du gouvernement de tenir des activités dans un pays. Le système de l'ONU a toujours l'autorisation du gouvernement concerné de tenir des activités à l'intérieur du pays. Bien entendu, certaines régions d'un pays, surtout lorsqu'il y a un conflit, échappent à l'emprise du gouvernement. À ce moment-là, on discute avec toutes les parties qui dirigent le territoire. Comme vous le savez, l'intérêt principal des organismes humanitaires et des programmes d'aide de l'ONU est de joindre les gens qui ont besoin d'aide humanitaire.

Pour qu'ils puissent joindre ces gens, il y a des négociations concernant l'accès et la prestation de l'aide.

La sénatrice Andreychuk : C'est ce que je ne comprends pas. Qu'est-ce qui se passe à l'intérieur des frontières de la Syrie en ce moment, là où le conflit est en cours? Les forces du gouvernement gagnent du terrain et en perdent, les forces de l'opposition en gagnent et en perdent elles aussi, et les civils sont pris au milieu de tout cela.

Comment faites-vous, au quotidien, pour savoir à qui vous avez affaire et qui dirige une région? Comment gérez- vous cela? Est-ce que votre présence engendre elle aussi des difficultés? Si je me trouvais dans un camp de réfugiés et que, un jour, les forces syriennes venaient me voir, puis si les forces de l'opposition venaient me voir le jour suivant, à qui ferais-je confiance et sur qui pourrais-je compter? Comment pouvez-vous garantir à vos réfugiés qu'ils vont être en sûreté et en sécurité?

M. De Angelis : Comme vous l'avez dit, si des factions belligérantes se déplacent ainsi, les organismes qui apportent l'aide humanitaire n'en font pas partie. La neutralité des interventions humanitaires doit être reconnue par toutes les factions belligérantes. Notre capacité sur le terrain est celle de comprendre la situation, de cerner les zones où l'aide humanitaire doit être apportée, puis de négocier un passage sûr avec toutes les autorités sur le terrain. Cela s'est déjà vu. Le HCNUR et ses partenaires ont déjà apporté de l'aide en négociant leur entrée dans les villes assiégées, moyennant un éventuel cessez-le-feu. On y arrive en étant sur place et en négociant avec les autorités locales.

Sur le plan de la force, nous ne prenons pas part au conflit; nous faisons partie de l'ONU pour apporter de l'aide humanitaire dont la population a besoin. Parfois cela fonctionne, et parfois non. Tout est lié à la volatilité de la situation. Parfois c'est très dangereux, et, malheureusement, le nombre de victimes au sein de l'ONU et chez les travailleurs humanitaires est à la hausse, et ce, en raison de cette situation.

La sénatrice Andreychuk : Les citoyens qui se trouvent à l'intérieur des frontières de la Syrie sont les plus vulnérables en ce moment.

M. De Angelis : Assurément. Tous les conflits actuels en Syrie, au Soudan du Sud et en République centrafricaine font des morts chez les civils. Il n'y a plus de forces armées comme on en voit dans les films. Celles-ci n'existent plus. Il y a seulement des gens qui en tuent d'autres. Il n'y a plus de distinction, surtout dans les situations d'urgence qui existent en Syrie, en République centrafricaine et au Soudan du Sud. Les répercussions et les pertes de vie sont subies en grande partie, voire entièrement, par les civils, qui sont sous les tirs croisés ou qui sont ciblés. Des civils sont tués parce qu'ils appartiennent à un groupe ethnique ou religieux différent de celui de l'agresseur. Ils sont pris dans des situations terribles pendant de longues périodes, et, dans certains cas, nous n'avons même pas accès à eux. Lorsque nous n'avons pas accès, nous ne savons pas ce qui se passe à l'endroit en question. Il se peut que des gens meurent sans que nous le sachions dans certaines situations.

L'obtention de l'accès est la première mesure et la plus importante pour le travail d'intervention en urgence et d'aide humanitaire.

La sénatrice Andreychuk : Tous les réfugiés qui sont sortis — comment avez-vous obtenu le mandat de vous rendre au Liban? Les autres ont reçu et installé des camps au Liban. Quel est le processus lorsqu'un pays ne tolère pas les camps? Quel processus vous permet d'entrer?

M. De Angelis : Le HCNUR était présent au Liban avant la crise, de même que nous sommes présents dans 126 pays, dont le Canada. Nous sommes présents là-bas à titre de représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Notre présence au Liban est attribuable à des crises antérieures, alors il n'y a pas eu de nouvelles négociations concernant la tenue de nouvelles activités au Liban. Le HCNUR y travaillait durant la crise des années 1980 et a toujours été présent dans ce pays. Lorsqu'une nouvelle crise survient, il s'agit simplement pour les bureaux du HCNUR et des autres organismes d'accroître la capacité, les ressources et le personnel pour donner de l'ampleur aux activités. Évidemment, il faut que le gouvernement participe.

La sénatrice Andreychuk : Comment le gouvernement participe-t-il? L'autre crise a eu lieu dans les années 1980. Nous connaissons la situation des réfugiés qui se sont installés là-bas. Aujourd'hui, il y a non plus quelques réfugiés, mais bien plus d'un million de gens qui s'installent. Que vous dit le gouvernement à ce sujet? Est-ce que c'est dans le cadre d'un processus officieux ou officiel qu'il permet à ces réfugiés de rentrer et qu'il vous permet de donner de l'expansion à vos activités dans la même mesure?

M. De Angelis : Il s'agit d'une collaboration ouverte avec le gouvernement; sinon, rien de tout cela ne serait possible. Il ne pourrait pas y avoir 1 700 endroits où des réfugiés se trouvent et où les responsables doivent les joindre. Bien entendu, le gouvernement du Liban a intérêt à recevoir les organismes internationaux et à collaborer avec eux, puisqu'ils offrent un secours humanitaire qui contribue au maintien de la stabilité, dont on doute toujours, comme nous l'avons dit déjà, car le seul fardeau de la crise suscite des craintes et des préoccupations supplémentaires. Le gouvernement prend entièrement part aux activités.

La sénatrice Andreychuk : J'ai une question simple au sujet de l'enregistrement des naissances. Les choses ont peut- être changé, mais beaucoup de gens sont dans un camp de réfugiés parce qu'ils veulent rentrer chez eux. Ils ne veulent pas se réinstaller au Canada; ils veulent rentrer chez eux. Cependant, le temps passe, et cela devient de plus en plus difficile, alors il faut commencer à parler de réinstallation plutôt que de retour à la maison.

Vous allez procéder à l'enregistrement des naissances, mais quel pays acceptera l'enregistrement? Enregistrez-vous les nouveau-nés en tant que Syriens? Y a-t-il des négociations avec le gouvernement syrien visant à les faire accepter? Parlez-vous de l'enregistrement des personnes nées dans le pays qui y ont droit?

M. De Angelis : Il y a le simple fait de posséder un document indiquant le nom de l'enfant et le nom des parents, ainsi que le lieu et le jour de naissance. Il y a une photographie de l'enfant, qui est authentifiée et vérifiée dans le cadre d'un processus d'enregistrement. C'est la meilleure chose qui puisse se produire dans cette situation particulière. Évidemment, les enfants sont enregistrés en tant que Syriens, puisqu'ils sont Syriens, et le document d'enregistrement indique qu'ils sont nés au Liban de parents qui sont des réfugiés dans ce pays.

Il s'agit donc de l'enregistrement des naissances qui est normalement reconnu dans le cadre du processus de réétablissement et qui est assurément reconnu par le gouvernement syrien une fois que la possibilité de retour existe.

La sénatrice Andreychuk : Vous dites « assurément ». Cela signifie-t-il que tous ces enregistrements — ils peuvent être utilisés pour le réétablissement, mais ces millions d'autres personnes vont obtenir un enregistrement de naissance. Avez-vous discuté avec les Syriens, ou est-ce que le gouvernement syrien a accepté ces enregistrements de naissance dans certains cas?

Vous dites « une fois que le conflit est terminé ». Cela fait en sorte que beaucoup de gens se retrouvent dans les limbes, surtout des jeunes. Nous savons qu'il existe d'autres camps et d'autres lieux où les gens naissent et passent la majeure partie de leur vie, en attendant de pouvoir entrer. N'y a-t-il pas de discussions avec les autorités syriennes visant à leur faire reconnaître ces gens immédiatement?

M. De Angelis : Je ne suis pas sûr que je pourrai expliquer ceci de façon tout à fait claire. Je ne me rappelle pas avoir vu de cas de réfugiés nés et enregistrés officiellement à l'étranger qui auraient eu de la difficulté à faire reconnaître leur nationalité après la crise.

Bien entendu, comme vous l'avez dit, la plupart des réfugiés rentrent chez eux. Ce n'est qu'un petit nombre de gens qui se réinstallent ailleurs. La plupart des réfugiés rentrent chez eux. Dans les cas de rapatriement de réfugiés, dans toutes les crises qui me viennent à l'esprit, je ne me rappelle pas qu'il y ait eu de problèmes d'admission des enregistrements de naissance des réfugiés par le pays d'origine.

Je pense vraiment que cela ne devrait pas poser problème.

La sénatrice Andreychuk : Madame la présidente, il serait utile que vous approfondissiez toute cette question de l'enregistrement des naissances, s'il y a des renseignements que vous pouvez nous transmettre. C'est un problème dont on m'a parlé personnellement dans le passé, alors il s'agissait peut-être de cas isolés, mais j'aimerais certainement savoir de quoi il retourne.

Ma dernière question est la suivante : Vous avez dit que la plupart des réétablissements ont lieu aux États-Unis, au Canada et en Australie. C'est vrai. Y a-t-il des discussions à ce propos avec les autorités européennes?

M. De Angelis : Certainement. À l'heure actuelle, il y a plus de 25 pays d'accueil. Nous parlons toujours des États- Unis, du Canada et de l'Australie parce que ce sont ces pays qui comptent pour la proportion la plus importante — peut-être 90 p. 100 — des 80 000 endroits, plus ou moins offerts par les pays d'accueil. Cependant, d'autres pays en Europe ont des programmes de réétablissement de plus petite envergure, mais qui sont parfois très utiles, puisqu'ils acceptent des cas difficiles, plus spécialisés ou de problèmes de santé — des pays comme la Suède, par exemple.

D'autres pays peuvent avoir un quota de 500 réfugiés, par exemple, mais ces quotas sont utilisés stratégiquement à l'échelle mondiale. Pour le premier quota de 30 000 places de l'année 2013-2014, 20 pays ont offert des places, dont le Canada — les 1 500 places dont j'ai parlé déjà —, et 20 autres pays ont pris part à cet exercice.

Les grands pays d'accueil ne sont assurément pas les seuls à recueillir des réfugiés, mais ce sont certainement les plus importants.

Le sénateur Munson : Dans votre déclaration préliminaire, vous disiez que, en avril 2014, le HCR avait reçu seulement 24 p. 100 des fonds dont il a besoin pour intervenir relativement à la crise en Syrie. Vous avez dit que cela l'oblige à faire des choix difficiles. Quels sont ces choix difficiles?

Les chiffres en question sont astronomiques. Comme un autre sénateur le disait, ils sont même difficiles à saisir. Est- ce que les enfants meurent dans les camps parce que des choix difficiles doivent être faits?

M. De Angelis : Oui. Il y a des choix vraiment difficiles. Lorsque le niveau de financement des opérations relatives aux réfugiés est faible et n'atteint pas les cibles fixées, l'aide aux réfugiés est réduite. Cette situation est particulièrement grave lorsqu'il s'agit du financement du Programme alimentaire mondial, PAM, des Nations Unies, par exemple, qui fournit de la fourniture. On vient de m'apprendre que, en République centrafricaine, il y a des camps de réfugiés où, à l'heure actuelle, on ne fournit que 900 calories par personne plutôt que la quantité minimale qui est habituellement de 2 000 calories.

Lorsque financement n'atteint pas le niveau prévu, même les rations alimentaires sont réduites. Lorsque je parle de nourriture, vous pouvez imaginer ce qu'il advient de tout le reste.

Il y a une réduction de l'aide aux réfugiés dans son ensemble.

La capacité de régler les problèmes de santé va être amoindrie. C'est une réduction graduelle dans l'ensemble; c'est ainsi que les choses se passent lorsque le financement est faible. Ce n'est pas qu'un secteur peut être fermé complètement, puisqu'on ne peut pas fermer un hôpital immédiatement, disons. C'est plutôt une réduction générale de l'ensemble de l'aide.

C'est très douloureux, pour des raisons évidentes. Ce peut être très douloureux pour les gens.

Le sénateur Munson : À la lumière de cette réalité, penchons-nous sur une autre partie de votre déclaration. Vous avez parlé du fait que le HCR et ses partenaires, principalement l'UNICEF, fournissent du soutien psychosocial. Dans ce contexte, ce sont des mots qui font plaisir à entendre. Les initiatives touchent notamment le counseling familial, le soutien à l'école, des activités de loisirs et des espaces accueillants pour les enfants et les adolescents.

Dans le contexte en question, comment arrivez-vous à fournir ces choses? C'est encore une zone de guerre. Comment cela fonctionne-t-il? Je trouve simplement cela très difficile.

M. De Angelis : Ces activités sont très importantes. Toutefois, comme vous pouvez l'imaginer, en cas de crise, il s'agit des activités qui sont normalement réduites. On s'occupe de l'aide de base; en cette période de faible financement, on essaie d'abord de nourrir les réfugiés et de leur fournir de l'aide de base. Lorsque nous en arrivons au soutien psychosocial et à son importance, surtout pour traiter les troubles de stress post-traumatique — ce sont les choses qui peuvent être réduites lorsque le niveau de financement est très bas.

Cependant, ce sont des choses particulièrement pertinentes, surtout dans le contexte syrien, vu la nature dramatique et violente des répercussions subies par les enfants. On le constate au moment de l'enregistrement; c'est aussi à ce moment-là que les besoins des particuliers sont consignés. Il y a des formulaires précis à remplir pour cerner certains besoins psychosociaux à combler. Les programmes sont ensuite élaborés et mis en place.

C'est pour cette raison que, comme je le disais, l'enregistrement est un point de départ si crucial pour le reste de l'aide humanitaire.

Des espaces accueillants pour les enfants — ce sont des mots agréables à entendre, et cela peut sembler être un luxe, direz-vous, dans certaines situations, mais dans le contexte de la brutalité qui existe aujourd'hui, et pas seulement en Syrie... Il y a aussi énormément de brutalité au Soudan du Sud ou en République centrafricaine. Il s'agit d'un moyen important qui nous permet d'espérer que les enfants puissent surmonter le stress et le traumatisme psychologique, avec du soutien.

Le sénateur Munson : J'ai une autre brève question à poser. Il y a des réfugiés oubliés. Je remarque dans votre document de travail qu'il y a 530 000 Palestiniens qui sont chez eux en Syrie et qu'il y a 68 000 réfugiés, provenant surtout de l'Afghanistan, de l'Irak, de la Somalie et du Soudan. Qu'advient-il de ces populations, étant donné que nous nous concentrons sur les réfugiés syriens et les gens qui sont réfugiés dans leur propre pays?

M. De Angelis : L'Office de secours et de travaux des Nations Unies, l'UNRWA est aussi intervenu en Syrie. Il s'agit d'un organisme de l'ONU qui s'occupe en particulier des réfugiés palestiniens. Il travaille — selon ce qu'il peut faire en Syrie — pour les Palestiniens et dans d'autres pays de la région où des Palestiniens vivent.

Lorsque des Palestiniens se trouvent à l'extérieur de la région où l'UNRWA tient ses activités, ils relèvent automatiquement du mandat du HCR. Toutefois, dans la région où des réfugiés syriens se trouvent — au Liban, en Jordanie —, l'Office de secours et de travaux des Nations Unies, qui est un organisme chargé de s'occuper en particulier des réfugiés palestiniens, mène ses activités, et les réfugiés palestiniens relèvent de son mandat. Évidemment, il y a une collaboration et un chevauchement des programmes, et les réfugiés palestiniens, s'ils se trouvent au Liban, sont visés par le même programme d'aide aux réfugiés que les autres. Il s'agit d'une distinction juridique, mais, en réalité, sur le plan de l'exécution des activités, il n'y a pas de différence.

La présidente : Notre étude porte sur les mandats du HCR et de l'UNICEF, la Syrie servant d'étude de cas, ce qui nous distrait parfois un peu du sujet. L'étude ne porte pas principalement sur la Syrie, qui est simplement le cas de figure.

Le mandat du HCR a évolué au fil des ans. Dans les années 1960 et 1970, sa portée géographique a été accrue pour qu'elle inclue de plus en plus de pays en dehors de l'Europe, puis il a commencé à gérer les camps de réfugiés et l'aide humanitaire dans les années 1980 et 1990. À la fin des années 1990, l'organisation s'est vu confier certaines responsabilités à l'égard des personnes déplacées à l'intérieur des pays. D'après ce que je comprends, le programme du HCR inclut maintenant aussi les apatrides, les migrants irréguliers et les victimes de catastrophes naturelles.

Comment ces changements sont-ils apportés? Qui décide que le mandat du HCR va être étendu? Comment le processus d'approbation se déroule-t-il? Comment approuvez-vous l'accroissement de la portée du mandat?

M. De Angelis : Le HCR a été créé par l'Assemblée générale à titre d'organe subsidiaire de celle-ci. Il a donc été créé par une résolution de l'Assemblée générale. L'acte constitutif du HCR est une résolution de l'Assemblée générale. Cette résolution a été adoptée en décembre 1950, et elle a pris effet le 1er janvier 1951. Elle constitue notre mandat à titre d'organisme s'occupant des réfugiés.

L'autre mandat que le HCR tient directement de l'Assemblée générale et qui découle d'une résolution est le mandat concernant les apatrides ainsi que la prévention et la réduction de l'apatridie. À partir des années 1970, il y a eu diverses résolutions de l'Assemblée générale visant à désigner un organisme pouvant s'attaquer au problème de l'apatridie en général, étant donné que, dans la Convention sur la réduction des cas d'apatridie de 1961, à laquelle le Canada est partie, on précise à l'article 11 qu'un organisme international sera chargé d'aider les apatrides à régler les problèmes qu'ils ont avec leur gouvernement. Donc, cette organisation internationale, l'Assemblée générale... Cette fonction a été confiée au HCR. Donc les deux mandats du HCR, pour ce qui est des réfugiés, qui découlent de la résolution de décembre 1950 de l'Assemblée générale, et, pour ce qui est des apatrides, de la résolution de 1974, si mes souvenirs sont exacts, ce sont là les deux mandats complets du HCR. Ce sont les deux mandats du HCR.

L'Assemblée générale ne nous a pas confié le mandat en bonne et due forme pour ce qui est des personnes déplacées à l'intérieur des pays, mais notre capacité de leur venir en aide a été reconnue, en raison de notre expérience et de notre expertise. Ainsi, le HCR aborde les problèmes de déplacement au sein des pays en collaboration avec d'autres organismes de l'ONU, selon le principe de la responsabilité sectorielle, une démarche de groupe, sous la direction du coordonnateur des affaires humanitaires des Nations Unies, les divers organismes mettant à contribution leur expertise et leur mandat d'une manière unifiée, distincte de la démarche relative aux réfugiés et aux apatrides, à l'égard desquels HCR peut affirmer qu'il a un mandat particulier, unique et mondial. Mais dans le cas des personnes déplacées à l'intérieur des pays, le HCR est l'une des parties qui s'en occupe, avec, comme vous le disiez, non seulement d'autres organismes de l'ONU, mais aussi des intervenants internationaux et des ONG internationales.

Madame la présidente, vous avez parlé de personnes déplacées à la suite de catastrophes naturelles. Cela ne relève pas de nous. Le HCR n'a pas de mandat en ce qui concerne les catastrophes naturelles, car son mandat est lié aux catastrophes d'origine humaine, à la guerre et à la persécution, au déplacement causé par les guerres, par les actes humains. En ce qui concerne toutefois les catastrophes naturelles, il n'y a pas encore d'organisme ayant un mandat les concernant.

En 2011, la Norvège a pris l'initiative d'un processus international qu'on appelle le processus Nansen, et qui vise à ce moment-ci à créer un cadre juridique permettant d'aborder la situation de gens déplacés internationalement par des catastrophes naturelles. C'est en cours de préparation. Le processus est en train d'être créé. Cette partie du droit international est en cours d'élaboration pour l'instant. Les gens qui sont déplacés à cause d'une catastrophe naturelle survenue dans leur propre pays relèvent de la catégorie des déplacements à l'intérieur des pays, mais les gens qui sont déplacés à l'extérieur de leur pays à cause d'une catastrophe naturelle ne sont pour l'instant visés par aucun cadre juridique international permettant d'aborder cette situation particulière, puisqu'ils ne sont pas des réfugiés au sens du droit des réfugiés.

La présidente : Je vais devoir vous interrompre, puisque nous avons pris plus de temps que prévu. Il est évident que nous allons devoir faire appel à vous de nouveau. Nous vous avons posé des questions, et je vous serais très reconnaissante si vous pouviez fournir les réponses au greffier du comité, qui les fera suivre à tous les membres du comité.

Si je puis ajouter trois autres questions à celles auxquelles vous allez nous fournir des réponses, d'après ce que la sénatrice Andreychuk disait, je ne comprends pas encore tout à fait bien comment vous vous occupez des personnes déplacées à l'intérieur des pays. Pouvez-vous préciser qui vous invite? J'ai compris que vous disiez que les négociations pouvaient être utiles. Quel est le processus?

La deuxième chose à laquelle j'aimerais beaucoup que vous puissiez répondre est la suivante : dans mon autre vie, je passais toute la journée à m'occuper de la question de la définition de « réfugié », la définition étant qu'il faut être à l'extérieur du pays et qu'il faut avoir une crainte fondée de persécution fondée sur la race, la religion, la nationalité, l'appartenance à un groupe social ou l'opinion politique. J'ai toujours trouvé, comme beaucoup d'autres gens, que le fait que le sexe ne fasse pas partie de la définition posait problème. Pendant des années, lorsque j'en parlais et que j'insistais là-dessus, les gens m'ont dit que, si on commençait à parler du sexe, les choses allaient empirer pour les réfugiés.

La solution qu'on a trouvée au Canada, c'est d'établir des lignes directrices concernant le sexe pour régler le problème de l'absence du sexe dans la définition. J'aimerais que vous nous donniez une idée de ce que font les autres pays. D'après ce que je comprends, beaucoup de pays abordent cette question dans le cadre de celle du groupe social, mais ce n'est pas la bonne solution, car cela entraîne souvent des dérapages. Je vous en serais reconnaissante si vous pouviez nous donner un peu d'information là-dessus.

Je vous remercie d'être venu. Encore une fois, j'aimerais que vous fassiez part à la direction de notre grande déception par rapport au fait que le haut-commissaire n'ait pas pu venir nous rencontrer même s'il était ici pendant notre étude sur le mandat du HCR. Nous espérons pouvoir le rencontrer la prochaine fois qu'il sera ici, puisque notre comité s'est engagé à examiner de près le mandat du HCR. Nous avons l'impression d'avoir raté l'occasion d'entendre son témoignage.

Évidemment, vous avez très bien représenté le HCR. Comme toujours, vous avez bien collaboré avec nous, et nous avons hâte d'avoir de nouveau l'occasion de discuter avec vous.

Nous allons maintenant passer à notre étude sur la Convention de La Haye. Je dois dire que je suis membre du comité depuis de nombreuses années et que, de temps à autre, nous avons droit à une vraie belle surprise. Je pense que nous y avons droit aujourd'hui, puisque le secrétaire général a trouvé le temps de nous rencontrer. Je tiens à remercier le ministère des Affaires étrangères d'avoir organisé la rencontre.

Nous sommes au beau milieu d'une étude portant sur des questions auxquelles vous réfléchissez constamment. Le fait que vous soyez ici donne de la force à notre travail et nous permettra de mieux comprendre comment les choses fonctionnent. Nous avons hâte d'écouter ce que vous avez à dire. Je crois savoir que vous avez une déclaration préliminaire à faire, et nous vous poserons des questions une fois que vous l'aurez présentée.

Christophe Bernasconi, secrétaire général, Conférence de La Haye de droit international privé : Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, c'est un réel privilège et un réel plaisir pour moi d'être ici pour vous parler de la Convention de La Haye sur l'enlèvement d'enfants. J'aimerais vous remercier de tout cœur de l'invitation que vous avez lancée à l'organisation de la Conférence de La Haye, et je tiens également à remercier le ministère de la Justice et le ministère des Affaires étrangères d'avoir organisé la rencontre d'aujourd'hui, ainsi que d'autres rencontres auxquelles je vais prendre part pendant mon séjour à Ottawa.

C'est avec grand plaisir que je suis ici pour vous parler de la Convention de La Haye. Comme vous le savez certainement, il s'agit d'une initiative canadienne, ce qui fait qu'il est donc significatif pour moi d'être au Canada pour en parler.

C'est également pertinent parce que le Canada continue de jouer un rôle très important dans la promotion de la convention, en discutant avec les représentants des États non contractants et en les encourageant à devenir partie à la convention. Je parle ici du Processus de Malte. Je crois savoir que vous vous intéressez à ce processus, et j'en parlerai avec plaisir, mais vous vous intéressez aussi à la supervision en général des activités relevant de la convention, et le Canada joue un rôle très actif et très utile dans ce travail.

Avec votre permission, madame la présidente, j'ai pensé qu'il serait utile que je prenne deux ou trois minutes à ce moment-ci pour parler de la Conférence de La Haye en général, de façon à mettre les choses en contexte et à vous donner une idée des conditions dans lesquelles elle tient ses activités.

La Conférence de La Haye de droit international privé est un organisme intergouvernemental dont la création remonte à 1893, donc une organisation qui existe depuis passablement longtemps. D'après son acte constitutif, le mandat de l'organisme est de travailler à l'unification progressive des règles de droit en droit international privé. Ce que nous entendons par « droit international privé », c'est essentiellement l'ensemble des panneaux sur la route — la signalisation routière — qui indique comment on doit s'orienter dans un contexte transfrontalier. Prenez l'exemple d'un contrat commercial transfrontalier, d'une relation familiale transfrontalière ou d'une opération financière transfrontalière. Dans ces situations, les parties intéressées veulent savoir quel tribunal a compétence pour trancher un litige et ce qu'il est possible de faire sur le plan de la reconnaissance et de l'application de jugements rendus à l'étranger. Y a-t-il un mécanisme de collaboration en place pour permettre aux États concernés de surmonter les obstacles que posent ces situations transfrontalières, qui sont souvent complexes et de nature délicate?

Pour les aider à le faire, la conférence établit les conventions de La Haye. À l'heure actuelle, il y a 38 conventions de La Haye inscrites au registre, et la Convention de La Haye sur l'enlèvement d'enfants est donc l'une des 38 conventions. J'ai demandé au greffier de vous distribuer trois petits documents. Il y en a un qui indique les pays dans lesquels la Conférence de La Haye est active. Il y a une première carte qui indique les membres de l'organisation, et il s'agit des pays qui figurent en bleu foncé. Le Canada est membre de la conférence depuis 1968, et c'est un membre actif de celle-ci depuis. Comme vous pouvez le voir dans le bas de la page, il y a aussi quelques États qui sont dans le pipeline, pour ainsi dire, qui sont en train de se joindre à l'organisation.

Au verso de cette carte, vous pouvez voir une liste de tous les États liés, c'est-à-dire les États qui, sans être membres de l'organisation, et donc sans contribuer à son budget, sont partie à au moins une de nos conventions. Au total, il y a 144 États liés; ceux-ci sont soit membres de la conférence, soit partie à au moins une de nos conventions.

La raison pour laquelle je vous dis cela, c'est qu'il est difficile d'élaborer de nouvelles conventions pour le monde, car les systèmes juridiques diffèrent beaucoup à l'échelle de la planète. Il est aussi difficile d'assurer le bon fonctionnement de ces conventions, d'assurer les services postérieurs aux conventions, comme nous les appelons, car c'est une chose que de rédiger les conventions, de les établir, mais c'en est une autre de s'assurer qu'elles fonctionnent bien en pratique.

Les 38 conventions dont j'ai parlé ne sont pas toutes de la même importance; en fait, elles ne sont pas tout en vigueur. Je dirais qu'il y a de 12 à 15 conventions fondamentales qui concernent les relations familiales et le droit de la famille, les questions procédurales transfrontalières et les questions commerciales et financières. Le Canada est partie à quatre conventions. En plus de la convention sur l'enlèvement d'enfants, il y a la convention sur les trusts, la convention sur l'adoption et la convention sur la signification des actes judiciaires et extrajudiciaires.

Il y a une série d'autres conventions qui ont été ratifiées par beaucoup de pays et qui établissent des normes internationales sans toutefois être encore en vigueur au Canada. J'aimerais profiter de l'occasion pour encourager toutes les autorités concernées à poursuivre leurs efforts en vue d'examiner ces autres conventions et d'évaluer leur pertinence pour le Canada. Je sais qu'il y a beaucoup de travail en cours dans ce domaine en particulier, ainsi que sur la Convention de La Haye sur la protection des enfants de 1996. Il y a l'Apostille qui est en cours d'évaluation. Il s'agit de la convention la plus ratifiée des conventions de La Haye, 106 États contractants l'ayant ratifiée dans le monde, mais le Canada n'y est pas encore partie. Nous continuons évidemment d'aider nos collègues des ministères concernés à évaluer ces conventions.

Le problème, c'est que nos ressources sont limitées. Le budget global de l'organisation est de 3,8 millions d'euros. Notre personnel compte une trentaine d'employés au bureau de La Haye, et nous avons des bureaux régionaux à Buenos Aires et à Hong Kong qui nous aident à faire notre travail dans ces régions importantes. Il y a parfois cependant de la frustration, en ce sens que nous n'avons pas les moyens, sur le plan financier ou des ressources humaines, de faire ce qui selon nous devrait et pourrait être fait pour promouvoir ces conventions de façon efficace et en assurer l'application et la mise en œuvre adéquates dans les divers États contractants.

C'était ma petite déclaration préliminaire, madame la présidente. Je vais formuler quelques observations avec plaisir au sujet de la Convention sur l'enlèvement d'enfants en particulier. Vos audiences antérieures m'indiquent que vous connaissez très bien la nature, l'objectif et le contenu de la convention. Encore une fois, je vais vous faire part de quelques réflexions au sujet de ce que nous considérons comme étant les principaux défis et objectifs pour les années qui viennent.

Une des prochaines choses importantes relativement à la Convention sur l'enlèvement d'enfants, c'est la commission spéciale sur l'application concrète de la convention, qui réunit régulièrement les experts de tous les États contractants pour discuter de l'application de la convention, la rencontre étant pour l'instant prévue pour la fin de 2015 ou le début de 2016. Il s'agit encore d'un processus à moyen ou à long terme, mais nous sommes déjà en train de préparer cette réunion. Il y a quelques difficultés à ce chapitre.

Si vous me demandez par exemple quelles sont les statistiques liées à l'application de la convention, combien de cas d'enlèvements d'enfants il y a dans le monde qui relèvent de la convention, je serais gêné de vous dire que, à titre de secrétaire général de l'organisation, je ne peux pas vous fournir une réponse fiable, complète et à jour en ce qui concerne les statistiques. Pourquoi? Parce que nous ne recevons pas l'information que nous demandons de la part de tous les États contractants.

J'ai commencé à assumer mes fonctions de secrétaire général en juillet dernier, et l'une de mes priorités est de m'assurer que nous recevons une rétroaction continue de la part de tous les États contractants, afin que nous puissions savoir combien il y a de cas relevant de la convention, combien de temps il faut pour les traiter et quelle est l'issue du processus. S'agit-il d'un cas où l'enfant est rendu à l'issue d'un processus judiciaire, où l'enfant est rendu volontairement, ou encore d'un cas où il y a un refus judiciaire de rendre l'enfant, surtout, en fonction de l'exception de l'alinéa 13.1b), exception liée au risque grave, qui, d'après ce que je comprends, a été abordée ici aussi?

Ce serait extraordinaire si le Canada pouvait nous aider à cet égard à encourager tous les autres États contractants à nous fournir ces chiffres. Nous sommes en train de mettre au point un logiciel que nous allons bientôt envoyer à toutes les autorités centrales concernées pour faciliter l'acheminement de l'information dans la mesure du possible.

J'encouragerais aussi de tout cœur le Canada à continuer à déployer les efforts énormément appréciés qu'il déploie en discutant avec les États non contractants et en essayant de les convaincre de devenir partie à la convention. Le Canada a joué un rôle de pionnier en lançant le Processus de Malte. Bill Crosbie, qui est venu témoigner lui aussi, est coprésident du groupe de travail sur la médiation et sur le Processus de Malte, et il fait de l'excellent travail pour ce qui est de la sensibilisation des États non contractants.

Je peux vous dire que nous prévoyons une mission conjointe Canada-La Haye, si je puis dire, une sorte d'« équipe de rêve » qui se rendra au Moyen-Orient et en Indonésie pour discuter avec les fonctionnaires concernés et les encourager à ratifier la convention. Ce travail est important, il est difficile, il est délicat et il exige beaucoup d'effort, de temps et de patience, mais il vaut vraiment la peine d'être fait.

Le troisième défi, c'est ce que j'ai déjà mentionné, c'est-à-dire l'alinéa 13.1b), exception liée au risque grave, qui est appliquée de diverses façons et sous différentes formes par les États contractants. Nous avons créé un groupe de travail en vue de mettre au point un guide de bonne pratique pour l'application de l'exception liée au risque grave, pour que l'application de cette exception soit le plus uniforme possible, car il devait s'agir d'une exception, justement, qui ne serait appliquée que dans des cas très précis et rares. C'est un peu devenu une exception générale, et nous devons prêter une grande attention à cela. Encore une fois, le Canada joue un rôle actif au sein de ce groupe.

Personnellement, je pense que la meilleure intervention possible, relativement à l'enlèvement d'enfants, c'est d'empêcher que l'enlèvement ne se produise : prévention, prévention, prévention. Il y a un certain nombre de choses pouvant être faites à ce chapitre selon nous. Je ne m'exprime pas en tant que représentant de l'organisation, mais personnellement, je crois en l'utilité de ce que nous appelons un formulaire modèle de consentement au voyage. Je vous le dis parce que j'ai moi-même fait un mariage mixte : ma femme est Canadienne. Nous vivons aux Pays-Bas, et ma femme vient souvent au Canada avec les enfants. J'ai créé mon propre formulaire modèle de consentement au voyage : « Je, soussigné, consens à ce que ma femme se rende au Canada avec — les deux enfants. » Ma femme se faisait régulièrement demander par l'agent d'immigration pourquoi elle voyageait seule avec ses enfants. Elle lui montrait alors mon formulaire de consentement, qui est rédigé sur du papier à en-tête de la Conférence de La Haye, et l'agent d'immigration était plutôt impressionné de voir un consentement au voyage des enfants rédigé sur du papier à lettre de la Conférence de La Haye.

Il existe déjà divers modèles, dont un qui a été mis au point par le ministère des Affaires étrangères ici, au Canada, et qui peut être téléchargé à partir du site web du ministère. Je crois savoir que, depuis qu'il a été révisé, le nombre de visionnements et de clics a beaucoup augmenté, mais je crois quand même qu'il serait utile qu'il y ait un formulaire de consentement de la Conférence de La Haye qui serait le même pour les voyages partout dans le monde, et qui contribuerait certainement à réduire le nombre d'enlèvements.

Je fais le suivi d'un modèle en particulier qui a été élaboré par une fondation américaine appelée I CARE Foundation, et qui, à mon avis, est un document bien rédigé. Nous savons, d'après l'expérience de cette fondation, que le document a déjà été utilisé dans environ 500 cas, y compris dans le cas du Canada, pour y entrer comme pour en sortir.

Tous les enfants reviennent. Dans trois cas, nous savons que le parent qui voyageait avec les enfants a menacé de ne pas revenir, malgré le fait qu'il avait signé le formulaire de consentement avec son conjoint ou son époux. Ce qu'on a pu faire, dans ces situations, c'est simplement de dire au parent : « Écoutez, si vous ne revenez pas d'ici 24 heures, nous allons émettre une ordonnance de retour dans l'État où vous vous trouvez, qui sera exécutée immédiatement, et les enfants rentreront chez eux. » Dans les trois cas, on n'a pas eu à émettre d'ordonnance, et le parent est revenu.

Encore une fois, ce n'est qu'une illustration des avantages que présente un tel formulaire de consentement modèle. Si un seul enlèvement peut être évité grâce à ce formulaire, personnellement, je pense qu'il en vaut la peine.

L'autre mécanisme qui s'est avéré être très utile est ce que nous appelons la concentration des pouvoirs dans les États signataires. Ainsi, au lieu que tous les tribunaux généraux de première instance aient la compétence voulue pour se pencher sur des affaires d'enlèvement relevant de la Convention de La Haye, on ne désigne qu'un certain nombre de tribunaux et on leur attribue la compétence nécessaire pour étudier ces cas. C'était l'avantage évident du perfectionnement des experts au sein des tribunaux compétents; ce sont toujours les mêmes personnes qui examinent ces cas. Elles acquièrent des connaissances précises. Ce mécanisme a également l'avantage d'accélérer ensuite les processus, puisque ces personnes n'ont pas besoin de commencer par se familiariser avec le mécanisme prévu par la Convention de La Haye avant de se pencher sur les affaires en question. Vous comprendrez bien qu'il n'y a pas de temps à perdre dans ces cas-là.

Je ne suis pas absolument certain de la situation au Canada en ce qui concerne la concentration des pouvoirs. Je vous prie de ne pas me citer à ce sujet, mais je pense qu'au moins trois provinces ont établi une forme de concentration des pouvoirs. Toutefois, elle n'est pas appliquée partout au pays, et ce pourrait être une chose que vous souhaiterez peut-être recommander également.

Enfin, madame la présidente, je pense que le défi global lié à la convention est l'uniformisation de son application et de son interprétation partout dans le monde. Nous comptons maintenant parmi un nombre allant jusqu'à 92 États signataires de diverses parties du monde et aux diverses traditions juridiques qui font en sorte qu'il est de plus en plus difficile de s'assurer que la convention est appliquée de façon uniforme. C'est pour cette raison que nous tenons ces réunions de la commission spéciale. Elles sont très importantes. Nous avons produit toutes sortes de publications dans le but d'encourager et de faciliter cette uniformisation de l'interprétation.

Nous avons un défi à surmonter à cet égard. Nous disposons d'une base de données électroniques contenant la jurisprudence de partout dans le monde relativement à la Convention de La Haye sur l'enlèvement d'enfants. Elle s'appelle INCADAT. Il s'agit d'une base de données gratuite accessible sur notre site web qui contient près d'un millier d'affaires résumées en français et en anglais et qui fournit une courte analyse juridique de chaque affaire. Malheureusement, en raison d'un manque de ressources, nous avons dû mettre fin au contrat de l'un de nos conseillers externes. Honnêtement, je dois envisager la possibilité de renoncer à maintenir ce site web parce que nous n'avons pas les moyens de le tenir à jour et de le rendre aussi complet qu'il devrait l'être. Nous faisons des efforts pour trouver des fonds privés ou encourager les États signataires à contribuer au budget supplémentaire de l'organisation afin de faciliter ces types d'efforts.

Je m'excuse de formuler ces commentaires, mais je pars du principe que, si je ne vous le dis pas, vous ne le saurez peut-être pas. Je préfère vous confronter à cette réalité pour que vous sachiez dans quelle sorte de réalité nous menons nos activités au bureau. Nous ne sommes pas les Nations Unies : nous n'avons pas un grand édifice et des centaines de personnes qui travaillent pour nous; nous ne sommes pas l'Union européenne, et nos moyens ne sont pas très importants. Non, nous sommes petits. Le fait d'être petit a aussi ses avantages. Nous faisons ce que nous pouvons; nous faisons de notre mieux. C'est un plaisir et un honneur de travailler pour cette organisation, mais, encore une fois, c'est parfois un peu difficile.

C'était ma déclaration préliminaire.

La présidente : Merci beaucoup de votre exposé. C'est très intéressant, ce que vous avez dit au sujet de formulaires de consentement parce que nous savons que, par exemple, au Mexique, on ne peut pas amener un enfant sans que les deux parents aient signé un formulaire. Les douaniers vont le demander. C'est le genre de choses que nous pouvons certainement étudier.

Le juge Chamberland est venu ici. Nous sommes très fiers de ce que le Réseau de juges et lui font. Je respecte beaucoup le fait que ce n'est pas une chose où nous pouvons avoir un réseau parlementaire, puisque le processus lié au traité, comme nous le savons tous, est d'ordre exécutif. Je veux que vous me disiez si vous pensez que le Parlement a un rôle à jouer en ce qui concerne... Nous avons certainement un rôle à jouer, puisque nous nous penchons sur cette question. Par exemple, nous entretenons une bonne relation avec les parlementaires de la Jordanie, et nous pourrions travailler pour les encourager relativement à des questions mutuellement avantageuses. J'aimerais connaître votre point de vue sur la possibilité que des parlementaires participent plus activement à la promotion de certains des enjeux dont vous venez tout juste de parler.

M. Bernasconi : Madame la présidente, je salue vos efforts, à cette étape, visant à étudier l'application de la convention, mais aussi les efforts que vous déployez pour faire appel à vos collègues d'autres administrations et les encourager à se pencher sur l'affaire. De notre côté, le champ d'action est limité, et je pense qu'un dialogue entre les députés pourrait être un moyen très fructueux d'encourager les autorités compétentes des autres États à au moins examiner la convention, à l'évaluer et, enfin, à la ratifier.

S'il vous faut plus d'information quant à l'application de la convention, de l'information que vous aimeriez communiquer à vos collègues des autres États, nous sommes toujours heureux de vous aider par tous les moyens. Je suis sûr qu'il en va de même pour vos collègues des divers ministères canadiens.

Il est certain que j'accueillerais favorablement une telle initiative. Nous entretenons quelques liens avec des députés d'autres pays. Comme vous dites, aucun réseau n'a été établi, mais des efforts ciblés de façon bilatérale — peut-être même de façon régionale — pourraient certainement donner des résultats utiles.

La présidente : L'autre chose que le comité étudie et sur laquelle il se concentre, c'est le Processus de Malte. Nous sommes heureux que le Maroc s'y soit joint, et nous étudions des façons d'encourager d'autres pays qui ont pratiqué la sharia ou la loi islamique et qui sont réticents à se joindre à la communauté de La Haye et à ratifier la Convention de La Haye sur l'enlèvement d'enfants à le faire. J'aimerais entendre votre point de vue sur notre situation à cet égard, sur les progrès que nous faisons et sur la distance qu'il nous reste à parcourir.

M. Bernasconi : Merci de poser la question.

Je commencerais par dire que nous accordons une grande importance au Processus de Malte. Il s'agit d'une initiative très importante à l'intérieur du cadre global de la convention sur l'enlèvement d'enfants. Encore une fois, j'aimerais remercier le Canada du rôle actif qu'il joue pour ce qui est de faciliter ce processus.

Jusqu'ici, nous avons tenu trois conférences à Malte, d'où le nom. À cette étape, nous n'avons aucun plan particulier ni de plans concrets pour la tenue d'une quatrième de ces conférences à Malte parce que nous pensions que, à cette étape, il faut dialoguer davantage avec les pays concernés dans diverses parties du monde.

Vous avez peut-être entendu parler récemment du fait que l'Irak a ratifié la convention. Cette accession n'est pas le résultat direct du Processus de Malte, mais elle est manifestement très pertinente par rapport à ce processus. Cela revient également aux efforts que nous déployons de concert avec Bill Crosbie dans le but de faire appel à l'Indonésie, le plus grand État musulman de la planète. Il serait extrêmement pertinent d'amener l'Indonésie à ratifier la convention, en effet.

Ce que nous constatons dans le cadre du Processus de Malte, c'est que, lorsqu'on parle à des experts de la sharia, le premier problème est lié au fait qu'il n'y a pas de loi de la sharia unique sur ces questions. Il y a diverses écoles de pensée et diverses formes d'application de leurs préceptes dans le cadre donné.

Il semble que, en général, on s'entend — ce qui a récemment été confirmé à l'occasion d'une rencontre que nous avons eue à La Haye avec des spécialistes de la sharia — pour dire que la convention ne contient aucune disposition qui serait fondamentalement contraire à la sharia. Cette loi est elle aussi fondée sur l'idée de l'intérêt supérieur de l'enfant. C'est un genre de point d'entrée commun permettant d'entamer la discussion avec ces États. Bien entendu, l'intérêt supérieur de l'enfant pourrait ensuite être interprété de diverses manières dans le contexte de la sharia, mas je pense qu'il est absolument crucial que nous poursuivions ce dialogue avec les États appliquant la sharia et avec ceux où cette loi est influente. Si possible, j'aimerais vraiment qu'on en arrive à une situation où le Maroc, l'Irak et l'Indonésie ont ratifié la convention. Nous disposerions ainsi d'une masse critique qui nous permettrait de poursuivre nos efforts et d'encourager d'autres États à la ratifier eux aussi.

Je dois vous dire, madame la présidente et mesdames et messieurs, que ce projet comporte des défis. Ce n'est pas un processus facile. L'accession par l'Irak est un peu sortie de nulle part, si vous me permettez l'expression. Je tiens des conversations régulières avec l'ambassadeur irakien à La Haye. La convention entrera en vigueur le 1er juin en Irak. Les Irakiens ne savent même pas qu'ils doivent désigner une autorité centrale : cela montre bien tout le travail qu'il reste à faire pour assurer, d'une part, la mise en œuvre de la convention et, d'autre part, son application dans ces circonstances.

Nous allons certainement nous adresser aux responsables irakiens afin de les encourager à se joindre au Processus de Malte, d'apprendre de l'expérience acquise avec d'autres pays et de déterminer ce que nous pouvons faire pour les aider. Le problème, c'est que l'Irak n'est pas membre de l'organisation. Comme nos ressources sont assez limitées, nous devons établir des priorités en ce qui concerne notre assistance technique, et l'un des critères que nous appliquons est que les membres de l'organisation obtiennent l'accès à l'assistance technique en priorité, contrairement aux pays qui n'en sont pas membres.

La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie de votre présence. Ma question concerne également le Processus de Malte, mais, comme vous l'avez expliqué, je vais passer à une autre question.

Vous avez dit qu'à l'occasion d'une rencontre récente avec des spécialistes, ils avaient décidé que la Convention de La Haye ne contenait aucune contradiction avec la sharia. Quelle a été la réaction de certains des États musulmans? Ce message leur a-t-il été transmis : que l'intérêt supérieur de l'enfant est prévu dans la sharia?

Je suis musulmane pratiquante, et des experts ont témoigné ici, mais, vers la fin, j'étais très confuse quant à ce qui est considéré comme l'intérêt supérieur de l'enfant aux termes de la sharia. Je peux imaginer la confusion des personnes qui ne sont pas musulmanes à propos de la façon dont elle doit être interprétée. Il me semble n'y avoir aucune indication claire et nous avons entendu des versions différentes de divers groupes.

L'Égypte a modifié ses lois en 1921, il me semble, et a augmenté l'âge des enfants auxquels la sharia s'appliquait. Quelle a été la réaction de certains des autres États musulmans?

M. Bernasconi : Merci de poser la question. Il s'agit manifestement d'une question cruciale et très pertinente, et, avant de répondre, je dois dire que je ne suis moi-même pas expert en ce qui concerne les affaires liées à la sharia; ma réponse sera donc très générale parce que je ne veux pas dire quoi que ce soit qui pourrait être inexact.

Le fait est que, à l'occasion de la rencontre qui a eu lieu à La Haye, cette analyse a été faite devant d'autres participants d'États musulmans et que la déclaration n'a suscité aucune opposition générale, si je puis dire. Je pense qu'on s'entend généralement pour dire que la sharia est elle aussi fondée sur le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant. Comme je l'ai dit, c'est le point d'entrée commun. La question qu'il faut ensuite se poser, c'est ce que signifie l'intérêt supérieur de l'enfant. Vous allez trouver un certain nombre de représentants de la sharia qui diront que l'intérêt supérieur de l'enfant est qu'il puisse grandir dans un contexte musulman, et ce pourrait être un obstacle au retour de l'enfant en vertu de la convention.

Ce qui est vraiment important, ce qui est capital, c'est que nous poursuivions ce dialogue, que nous continuons d'apprendre les uns des autres et que nous déterminions ce qui peut être fait, car, à mon avis, le but ultime du Processus de Malte est encore de faire en sorte que ces États se joignent à la convention. Je ne pense toutefois pas que nous soyons rendus à l'étape où nous pouvons déployer des efforts plus importants pour les encourager fortement à ratifier la convention.

Je pense que nous sommes encore dans le processus d'apprentissage. Il faut encore que nous tenions ces discussions. Nous devons encore tirer d'autres leçons de l'expérience marocaine. La convention est en vigueur au Maroc depuis un bon moment; pourtant, je dirais honnêtement que nous ne connaissons pas vraiment la réalité de sa mise en application pratique au Maroc. C'est la même chose pour la convention de 1996 au Maroc qui est en vigueur elle aussi. C'est pourquoi toutes ces rencontres sont importantes. Chaque fois que nous apprenons quelque chose, nous ajoutons une pièce au casse-tête. C'est un long processus. C'est un processus chronophage, mais je pense que c'est un processus qu'il vaut vraiment la peine de mener.

La sénatrice Ataullahjan : Si je vous demandais quelle est la situation actuelle du Processus de Malte, quelle serait votre réponse?

M. Bernasconi : La situation actuelle, c'est que le groupe de travail sur la médiation, technique très importante dans les États appliquant la sharia utilisée pour surmonter les défis que posent ces situations familiales difficiles, est très actif. Le dialogue se poursuit. Au Bureau permanent, nous entretenons une excellente relation avec les deux coprésidents du Processus de Malte, et nous poursuivons ce dialogue. Mais nous le poursuivons au cas par cas.

Nous avons récemment participé à une rencontre en Tunisie, par exemple, où on a fait la promotion d'un certain nombre de nos conventions de La Haye par l'intermédiaire des États du Maghreb et des États du Moyen-Orient, et nous avons profité de cette occasion pour organiser en parallèle une rencontre des intervenants du Processus de Malte et du groupe de travail sur la médiation où on a seulement parlé de Malte et de la médiation ainsi que de la convention sur l'enlèvement d'enfants. Nous avons sauté sur toutes ces occasions pour tenter d'accélérer le processus et, encore une fois, de poursuivre le dialogue.

Ce que j'espère, c'est que nous puissions tenir une quatrième conférence à Malte dans un avenir pas trop lointain, mais je ne peux vraiment pas donner d'indications précises quant au moment où elle aurait lieu parce que, selon moi, cela dépendra vraiment de la façon dont la situation évolue avec l'Irak et de la façon dont elle évolue avec l'Indonésie.

Nous avons tenu des discussions assez prometteuses avec des représentants des Philippines également. Je pense que ce pays pourrait ratifier la convention, lui aussi, dans un délai raisonnable. Nous discutons également de la convention avec les autorités indiennes.

Selon moi, une fois que nous aurons atteint la prochaine étape de cette discussion, quand nous aurons l'impression que, oui, il y a vraiment des nouvelles à communiquer en ce qui concerne le Processus de Malte, nous allons organiser une vraie conférence à Malte. J'ai le grand plaisir de pouvoir dire que le gouvernement de Malte continue aussi d'offrir un très grand soutien et qu'il serait disposé à appuyer une telle conférence.

La sénatrice Andreychuk : Merci de votre présence.

Je pense que le public ne connaît pas assez bien les conventions de La Haye. Elles ne font pas partie du discours, pas même dans le milieu juridique. Je pense que votre présence ici est très utile.

Vous nous avez remis un document énonçant toutes les conventions de La Haye. Avez-vous une feuille de ce genre qui indique la date à laquelle les conventions sont entrées en vigueur, à partir de la première? Je dis cela parce que nous avons étudié d'autres conventions et constaté que certaines d'entre elles sont désuètes et qu'elles ne valent peut-être pas la peine d'être poursuivies en ce moment, parce que des événements les ont rendues dépassées, et il y en a d'autres qui valent la peine de faire l'objet d'une étude plus poussée. Je regarde cette masse de conventions, et ce serait bien qu'il y ait un moyen rapide et efficace et que je n'aie pas à faire toute la recherche.

M. Bernasconi : Nous pourrions certainement vous fournir ces détails.

La sénatrice Andreychuk : Je pense que ce serait de bons renseignements contextuels pour notre étude.

Vous dites qu'il y a un modèle de formulaire de consentement. C'est à cette question que je veux en venir. Une partie du problème lié au modèle de formulaire de consentement qui a été soulignée est le fait que, si deux parties qui organisent leur séparation collaborent en ce qui concerne les enfants, ce consentement fonctionne. Il fonctionne certainement lorsque les parties sont encore ensemble. Mais une partie signe le formulaire de consentement en croyant que l'enfant sortira du pays à cette fin, puis le parent amène l'enfant dans une autre direction.

Disons, par exemple, que vous voulez emmener l'enfant dans un autre pays pour qu'il rende visite à la belle-famille et aux grands-parents. Ce voyage semble raisonnable pour trois semaines, mais ensuite, la quatrième semaine, l'enfant n'est pas de retour. La cinquième semaine, il n'est toujours pas de retour, et il ne revient pas. Vous dites que vous n'avez jamais vu ce genre de cas?

M. Bernasconi : Non, pas en ce qui concerne le formulaire de consentement modèle auquel j'ai fait allusion. Il est assez nouveau, mais il a fait l'objet d'une vaste promotion et a été utilisé dans 16 pays différents; des efforts visent à faire en sorte qu'il soit utilisé dans divers pays du monde. Je ne sais pas dans combien d'États il a été utilisé, mais il donne les résultats escomptés, puisque ce qu'on peut faire grâce à un tel formulaire de consentement modèle, c'est obtenir la production d'ordonnances de retour. Par ailleurs, je pense qu'il constituerait un moyen très intéressant et efficace de limiter les recours à l'alinéa 13.1b). On dispose de tous les consentements donnés précédemment et d'une promesse de retour avec l'enfant, et, selon la mesure dans laquelle le formulaire de consentement modèle est détaillé, on peut aussi obtenir un commentaire attestant qu'il n'y a aucun problème de violence conjugale et que sais-je encore. Par conséquent, on a des preuves que le retour de l'enfant ne pose aucun problème — que c'est plutôt le contraire.

La sénatrice Andreychuk : Dans les 16 cas où le formulaire de consentement a été utilisé...

M. Bernasconi : Non, il y a eu environ 500 cas.

La sénatrice Andreychuk : Les 500 cas émanaient-ils de pays qui ont ratifié la convention ou d'autres pays?

M. Bernasconi : Il y en a des deux. Certains sont d'États signataires; certains sont d'États non signataires.

La sénatrice Andreychuk : Les États non-signataires prenaient-ils part au Processus de Malte?

M. Bernasconi : Je pense que c'était le cas pour certains, mais il faudrait que je vérifie cette information auprès des promoteurs de ce formulaire de consentement modèle. Il s'agit d'un modèle que nous gardons à l'œil, et nous surveillons son évolution. Encore une fois, il n'a été lancé que récemment, mais je pense que c'est une initiative qui vaut la peine qu'on la garde à l'œil.

La sénatrice Andreychuk : Pour faire le suivi de ce que notre présidente a dit, je sais que, dans le cas d'une autre convention, nous avons reçu un nombre phénoménal de ratifications après que nous avons obtenu la participation parlementaire et que nous avons certainement dû obtenir les ressources nécessaires partout dans le monde. Nous nous engagions dans le processus et rencontrions toutes les parties pour leur expliquer une convention, car il y a toujours ces mythes qui circulent concernant les conventions, selon lesquelles on renonce à sa souveraineté nationale, et cetera, si on ratifie une convention internationale. Nous avons été en mesure de remettre l'information entre les mains de parlementaires. Ensuite, de bonnes choses se sont produites, et la convention a été ratifiée.

Pensez-vous que les parlementaires pourraient entreprendre, de façon structurée, de rencontrer leurs homologues de pays comme l'Indonésie afin que mieux faire connaître les effets réels de cette convention?

M. Bernasconi : Je suis tout à fait de cet avis, comme je l'ai laissé entendre dans ma réponse précédente. Malheureusement, à l'heure actuelle, il n'y a pas beaucoup d'efforts déployés sur ce plan — celui des échanges parlementaires transfrontaliers —, mais j'encouragerais à coup sûr de tels échanges et de telles discussions. Comme je l'ai dit, nous sommes prêts à faciliter et à soutenir ces échanges si vous croyez que c'est nécessaire. Tout à fait.

Les expériences antérieures montrent que, quand nous essayons de promouvoir la convention sur l'enlèvement d'enfants ou toute autre convention, la réaction initiale est la suivante : « La Conférence de La Haye? Qu'êtes-vous? Qui êtes-vous? Qu'est-ce que vous faites? » Ensuite, nous essayons de nous expliquer, et nos interlocuteurs commencent à comprendre qu'en fait, il est intéressant que nous parlions de cela, car ils sont aux prises avec les mêmes problèmes. Ils ont les mêmes problèmes, c'est juste qu'ils ne savaient pas qu'il existait une convention qui leur permettrait de surmonter ces difficultés. C'est la première série de discussions. Il faut ensuite en mener une deuxième série, peut-être avec d'autres experts ou représentants gouvernementaux.

Parfois, les députés prennent part à ces discussions. Il est très utile d'avoir des discussions préliminaires avec eux. Quand la convention est présentée au Parlement en vue de l'adhésion à celle-ci ou de sa ratification, cela ne peut qu'accélérer la procédure. Tout ce qui peut être fait en amont pour faciliter les discussions ultérieures en vaut certainement la peine.

La sénatrice Andreychuk : Vous avez dit que la loi de la charia représente une des difficultés qui nuisent à la ratification de cette convention ou à l'adhésion à celle-ci. Y a-t-il un autre sujet ou un autre problème qui vous préoccupe? Cet élément semble revenir constamment; mais y en a-t-il un autre?

M. Bernasconi : Je ne pense pas qu'il y ait une entrave, un obstacle, une difficulté ou un problème nuisant à l'adhésion à la convention, outre la volonté politique de le faire, bien entendu. En toute franchise, certaines régions de l'Afrique et peut-être de l'Asie-Pacifique n'ont pas entendu parler de la convention. C'est pourquoi je dis que plus il y aura de voix — y compris des députés — qui participeront à ce dialogue, mieux ce sera.

La principale difficulté tient essentiellement à l'alinéa 13.1b) et au maintien du dialogue avec les États où prévaut la charia. L'autre difficulté a trait à la mise en œuvre et à l'application plus ou moins uniformes de la convention. C'est notre travail, notre mandat et notre rôle de nous assurer que plus d'États adhèrent à cette convention, qui exprime certains droits de la personne fondamentaux inscrits dans la Convention de 1989 des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.

La sénatrice Unger : Merci beaucoup de votre intéressant exposé.

Quels sont les principales difficultés et les principaux obstacles auxquels sont confrontés les États signataires quand ils essaient de convaincre d'autres États de se joindre à eux?

M. Bernasconi : Sur le plan strictement opérationnel, il faut expliquer aux États signataires éventuels qu'ils doivent établir une autorité centrale. Ils pensent alors immédiatement aux ressources, aux employés et aux coûts associés à cette initiative. Généralement, chaque État doit avoir une division, une agence de soutien et de protection à l'enfance et à la famille ou des services sociaux qui pourraient jouer le rôle d'autorité centrale. Je ne pense pas que ce soit un obstacle réel et fondamental.

La difficulté suivante consiste à former les juges, qui doivent savoir comment appliquer convenablement la convention. C'est là que l'utilisation du réseau de juges de La Haye devient si importante.

J'aimerais féliciter encore fois le Canada pour les efforts déployés à cet égard et applaudir la participation active de certains Canadiens, comme le juge Jacques Chamberland, du Québec, et la juge Robyn Diamond, du Manitoba. Ce réseau est une source formidable d'informations générales sur la façon dont la convention doit être appliquée.

Il y a ensuite une troisième difficulté, c'est-à-dire la formation générale des praticiens et des employés des services sociaux susceptibles de participer à l'application de la convention. Ces trois difficultés fondamentales doivent être surmontées.

La sénatrice Unger : Vous avez dit que l'Irak songeait à signer la convention. Je me demande à quels obstacles on serait confronté si on essayait d'amener cet État à participer pleinement au Processus de Malte.

M. Bernasconi : L'Irak est un État adhérent, en ce sens qu'il aura seulement des rapports fondés sur des traités dans le cadre de la convention si les autres États contractants ont accepté son adhésion. Tant que l'Irak n'aura pas d'autorité centrale désignée... Je ne vois pas comment on pourrait accepter son adhésion tant que cet État n'aura pas soumis un profil de pays qui fournit de l'information de base sur la façon dont la convention a été mise en œuvre là-bas, y compris sur le plan du droit national.

Au fait, le profil de pays est une autre initiative canadienne fort utile. Nous avons élaboré un questionnaire de base que nous demandons aux nouveaux États adhérents de remplir. Les autorités irakiennes n'étaient tout simplement pas au courant de ce genre de choses. Il y a là-bas beaucoup de volonté politique de signer la convention et de faire partie de la communauté qui protège les droits des enfants, mais l'Irak a certainement besoin du soutien, de l'aide et de l'assistance de la communauté internationale pour que les choses fonctionnent, car ce pays n'a pas l'expertise nécessaire à cette fin. Il n'a pas nécessairement la culture et les antécédents nécessaires sur le plan du droit international privé pour mettre en œuvre adéquatement de telles conventions.

En conséquence, j'ai déployé des efforts auprès de l'ambassadeur irakien pour encourager l'Irak à devenir membre de l'organisation afin que ce pays ait accès à de l'assistance technique. En coopération avec les États contractants et les membres de l'organisation actuels, nous fournirons une assistance technique de base à l'Irak. Nous verrons ce que nous pouvons faire, même si l'Irak n'est pas membre de l'organisation.

Il y a une certaine limite à ce que nous pouvons faire en de telles circonstances, alors il est important d'encourager l'Irak à devenir membre de l'organisation; et c'est d'ailleurs précisément ce que la Tunisie a choisi de faire. Elle a dit qu'elle se joindra d'abord à l'organisation. Je pense qu'en octobre 2014, quand la période de six mois sera terminée, la Tunisie deviendra membre de l'organisation. Puis, elle se tournera vers nous pour obtenir de l'assistance technique ainsi que votre aide, par exemple, concernant la Convention sur l'enlèvement d'enfants, qui a déjà fait l'objet d'une vaste promotion en Tunisie, où elle suscite beaucoup d'intérêt. Avec la participation du Maroc et peut-être de la Tunisie ainsi que, plus tard, de l'Irak, de l'Indonésie et des Philippines, la situation va commencer à changer, et nos efforts communs vont porter leurs fruits.

Le sénateur Munson : Il est toujours intéressant de discuter des droits des enfants. J'ai deux ou trois questions d'ordre pratique à poser.

Dans vos observations préliminaires, vous sembliez un peu pessimiste. Par exemple, vous avez dit que vous n'avez pas les moyens nécessaires pour promouvoir toutes ces conventions et que vous n'avez pas non plus les données relatives aux enlèvements d'enfants ni assez de statistiques. Vous avez parlé de « renoncer à maintenir » un site web, je crois. Quel est votre budget? De quoi avez-vous besoin pour mener adéquatement vos activités?

M. Bernasconi : Vous me posez là une autre question pertinente, et je vous en remercie.

Nous avons deux budgets. Le budget ordinaire couvre les salaires et le fonctionnement de l'organisation. Comme je l'ai dit, nous comptons une trentaine d'employés dont le salaire provient de ce budget. Le budget ordinaire total de la Conférence de La Haye de droit international privé se chiffre à environ 3,8 millions d'euros. C'est tout ce que nous avons pour payer les salaires, certains régimes de retraite et d'autres choses. Les réunions que nous organisons pour négocier ces conventions ont lieu non pas dans nos bureaux, qui sont bien trop petits, mais au Palais de la Paix, où nous louons des locaux. Nous payons aussi des interprètes. Il y a toutes sortes de coûts associés à l'élaboration la convention, ce qui exerce beaucoup de pressions sur le budget.

Heureusement, nous avons aussi un budget supplémentaire auquel les États, de façon volontaire, peuvent contribuer en versant un financement ou une contribution en nature. Le Canada l'a fait par le passé.

Mais nous avons de la difficulté ne serait-ce qu'à présenter aux membres de l'organisation un budget qui suivrait l'inflation. Si ma mémoire est bonne, les budgets des sept dernières années ne l'ont même pas suivie. L'organisation est essentiellement en train de rétrécir parce que nous n'arrivons même pas à pallier l'inflation.

Il est difficile pour moi de dire de quoi nous aurions vraiment besoin. S'il n'y avait pas de Conférence de La Haye et que quelqu'un avait soudain l'idée géniale de créer une organisation gouvernementale internationale qui s'attaquerait à certains problèmes — qu'ils soient liés à la famille, aux finances, aux entreprises, au droit financier ou aux problèmes juridiques ou procéduraux —, je pense qu'on obtiendrait facilement un budget qui serait trois, quatre ou cinq fois plus important que celui dont nous disposons actuellement pour réaliser le travail qui nous semble nécessaire.

J'aimerais ajouter qu'il est très difficile d'avoir ce genre de discussions avec les membres, car il arrive souvent qu'ils soient eux-mêmes soumis à certaines pressions. Les budgets des ministères concernés font l'objet de compressions, notamment. Nous déployons donc des efforts pour solliciter des donateurs privés, des fondations et des fondations privées afin qu'ils appuient les activités de la Conférence de La Haye, surtout en ce qui concerne l'assistance technique, l'organisation de séminaires et la prestation de formation, entre autres choses. Cependant, je crois personnellement que le financement privé est seulement possible tant et aussi longtemps qu'il n'est assorti d'aucune obligation.

Je cherche essentiellement des donateurs privés qui sont prêts à mettre de l'argent sur la table et à dire : « Bonne chance pour sauver le monde. Utilisez ces fonds comme bon vous semble. » Je n'accepterais pas qu'un donateur me dise quoi faire avec son argent.

J'ai parlé de la base de données INCADAT, qui est confrontée à d'importantes difficultés à cause d'un manque de ressources. Quand j'ai dit cela aux gens du milieu juridique — c'est-à-dire aux cabinets d'avocats et aux praticiens —, on m'a répondu : « Mais nous ne le savions pas, et nous nous servons de cette base de données; c'est un de nos outils de base, et nous l'utilisons presque chaque jour. Dites-nous ce que nous pouvons faire pour appuyer vos efforts. »

Je suis donc en train de solliciter un certain nombre de cabinets d'avocats afin de les amener à verser un financement, ne serait-ce que de 10 000 $ ou euros. Il suffit que quelques cabinets versent une contribution pour qu'on ait soudain les moyens de payer un cabinet pendant un an afin qu'il travaille sur INCADAT et qu'il remette à jour cette base de données.

Le sénateur Munson : Merci. Vous nous donnez des renseignements importants.

En tant que parlementaires, nous nous intéressons toujours au rôle du Canada à ce chapitre. Il y a quatre questions formulées dans notre document de travail aujourd'hui, mais je vais essayer de toutes les combiner. Comment l'engagement du Canada se compare-t-il à celui des autres pays? Quelle est la mesure de notre contribution financière; est-elle comparable à celle des autres pays? Est-elle plus élevée? Quel est notre bilan sur le plan de la conformité par rapport aux autres États parties à la Convention de La Haye sur l'enlèvement d'enfants? Qu'est-ce que notre pays pourrait faire de plus pour améliorer la coopération de tous les États — qu'ils aient signé ou non cette convention — au chapitre du règlement des disputes familiales transfrontalières?

Je sais que je viens de poser quatre ou cinq questions, mais j'aimerais savoir dans quelle mesure le Canada a participé aux divers efforts à cet égard. Quel est notre apport dans le travail bénéfique que vous réalisez?

M. Bernasconi : Nous considérons assurément le Canada comme un allié fidèle et solide et un grand défenseur de la Conférence de La Haye, et nous lui en sommes reconnaissants. Il est vrai également que le Canada est un des principaux donateurs de l'organisation. Je ne vais pas vous fournir tous les détails — je pense qu'ils sont complexes et plutôt ennuyeux —, mais nous fonctionnons selon un système d'unités. Certains membres versent une seule unité budgétaire. D'autres en versent 3, 5, 10, 15, 25 et même 33.

Il y a six grands donateurs qui versent 33 unités, et le Canada est l'un d'entre eux; les autres sont les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et le Japon. Voilà les six principaux donateurs. Ils versent chacun 33 fois 6 000 euros. Je vous laisse faire le calcul. Une unité équivaut environ à 6 000 euros. Donc, essentiellement, le Canada contribue à hauteur d'environ 200 000 euros au budget ordinaire de l'organisation. Il y a d'autres États plus petits qui versent une seule unité, ce qui veut dire que la contribution ordinaire au budget de l'organisation se chiffre à environ 6 000 euros.

Nous n'avons pas de rapports sur la conformité en tant que telle. Nous n'attribuons pas de cote aux États ni n'évaluons leur rendement en ce qui concerne l'application de ce genre de conventions. Je ne pense pas que ce serait une bonne idée. Nous sommes le secrétariat; ce n'est pas notre rôle de jouer à la police.

Une chose qui s'est révélée très utile, ce sont les commissions spéciales, qui permettent de rassembler tous les États signataires. Il est déjà arrivé par le passé qu'un certain État signataire ait un problème et que tous les autres États disent : « Vous avez vraiment un problème et vous devriez le régler. » Les représentants de l'État en question retournent chez eux avec un message à livrer aux dirigeants afin de remédier à la situation.

Pour ce qui est de ce que le Canada pourrait faire, il y a bien des choses dont nous pourrions discuter. Appuyez nos efforts en vue d'améliorer ce que nous appelons « INCASTAT , le logiciel statistique qui recueille tous les renseignements pertinents concernant le nombre de cas et les activités liées à la Convention sur l'enlèvement d'enfants. De plus, veuillez continuer à soutenir nos efforts pour tendre la main à de nouveaux États signataires, ce qui représente une contribution extrêmement importante et précieuse du Canada. Par ailleurs, une contribution au budget supplémentaire serait extrêmement appréciée.

Dans un monde idéal — à mon sens, du moins —, la Conférence de La Haye serait dotée d'un collège ou d'une académie judiciaire ou d'une sorte de centre de formation où des groupes de juges et de praticiens pourraient se rendre afin d'obtenir une formation dispensée non seulement par nous-mêmes, le Bureau permanent — car le temps que nous pouvons consacrer à cela est limité —, mais aussi par un nombre suffisant d'experts et de praticiens qui pourraient jouer ce rôle. Il suffit essentiellement d'avoir les fonds nécessaires et de faire venir les gens à La Haye ou d'envoyer les experts adéquats dans les pays où il y a de tels besoins en formation afin qu'ils la dispensent.

C'est une question de ressources. C'est une question de finances, d'où nos efforts pour trouver des donateurs privés. Le message que je reçois des capitales des pays où nous avons une ambassade, c'est que notre budget n'affiche aucune croissance nominale; il ne va pas augmenter. J'encourage les États à contribuer volontairement au budget supplémentaire. Voilà comment vous pouvez aider à changer les choses.

La présidente : Monsieur Bernasconi, je dois mettre un terme à la discussion parce que je sais que vous avez un autre engagement. Je veux que vous sachiez que vous êtes toujours invité à venir nous parler quand vous êtes à Ottawa. Il y a certainement beaucoup de travail que nous pouvons réaliser ensemble. Nous avons des choses à apprendre de vous. Encore une fois, je veux remercier les représentants de Justice Canada et du MAECD d'avoir libéré assez de temps pour que vous puissiez comparaître devant nous. Merci beaucoup.

M. Bernasconi : Madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs, merci.

La présidente : Chers collègues, nous accueillons le dernier groupe de témoins de la séance d'aujourd'hui. Je suis ravie de vous présenter Yasmin Haque, directrice adjointe du Bureau des programmes d'urgence de l'UNICEF, et François Ducharme, spécialiste des interventions d'urgence de ce même bureau, qui comparaissent tous deux par vidéoconférence.

Madame Haque, vous êtes accourue à notre rescousse avec très peu de préavis. Manifestement, vous avez l'habitude des situations d'urgence, et votre témoignage est très important pour nous. Sans vouloir m'ingérer de quelque façon que ce soit dans vos observations préliminaires, je veux vous dire que nous avons discuté de la Syrie, mais que nous voulons vraiment nous concentrer sur le mandat de l'UNICEF et ses activités sur le terrain. Nous savons que vous êtes un organisme humanitaire et que vous axez maintenant davantage vos efforts sur le développement.

J'aimerais vous raconter une brève anecdote : quand j'étais à Darfour, le Canada était le premier pays à se rendre là- bas quand la crise a éclaté, et une femme m'a dit que votre travail sur le plan de l'éducation avait été très bénéfique. Même si les enfants étaient affamés, le fait de leur avoir donné une éducation dans les camps a permis d'améliorer la situation. Partout où j'ai voyagé au Soudan, j'ai apporté vos boîtes de l'UNICEF aux enseignants. Un grand nombre d'entre nous ici sont bien au fait de votre travail sur le terrain. Nous voulons que vous nous aidiez avec les mandats. Quelles sont les lacunes liées aux mandats sur lesquelles nous devrions nous pencher?

Je crois savoir que vous avez aimablement préparé un exposé à notre intention.

Yasmin Haque, directrice adjointe, Bureau des programmes d'urgence, Administration centrale de l'UNICEF : Madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie. Salutations de New York, et tout particulièrement du Bureau des programmes d'urgence.

C'est vraiment un honneur pour moi d'avoir cette occasion de remercier le gouvernement et la population du Canada du très généreux soutien fourni aux enfants de partout dans le monde et en particulier aux enfants syriens de diverses régions qui sont maintenant confrontés à une crise.

Il est aussi réconfortant pour nous de constater que, trois ans plus tard, alors que nous nous attendions à ce que les gens commencent à être las de réagir à cette crise, le malheur des enfants en Syrie continue de susciter de l'intérêt et de l'attention. Cela nous aide beaucoup dans notre travail.

De fait, quand la crise a débuté, il était clair pour nous qu'elle toucherait surtout les enfants, et c'est encore vrai aujourd'hui. Cela signifie que les enfants en Syrie et dans tous les autres pays où ils ont fui demeurent vulnérables, exposés à des risques; et notre travail visant à cerner ces risques, à les réduire au minimum et à nous assurer que nous remplissons nos obligations — énoncées dans nos principaux engagements pour les enfants touchés par une crise humanitaire — demeure pertinent.

Cela veut dire que nos efforts visent à aider les enfants de la Syrie et ceux de partout ailleurs. Nous voulons aider les enfants qui se trouvent en Syrie tout comme ceux qui ont fui à l'étranger avec leur famille, et, peu importe leur situation, nous sommes en mesure de leur fournir le soutien dont ils ont besoin.

Madame la présidente, je vais aborder de front votre question au sujet du mandat, car elle me semble importante.

L'UNICEF ne fait aucune distinction entre les enfants en fonction de l'endroit où ils sont. Notre mandat est de nous occuper des enfants partout. Ce mandat est étroitement lié à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et à la façon dont nous avons énoncé nos obligations en ce qui concerne le type de soutien que nous offrons aux enfants dans le cadre de crises humanitaires.

Dans le cas de la crise en Syrie, nous estimons qu'environ la moitié des 9,3 millions de personnes touchées à l'intérieur de la Syrie, y compris les 6,5 millions de PDIPP, sont des enfants. Nous estimons aussi que, des 2,8 millions des réfugiés syriens, le nombre d'enfants réfugiés est 10 fois plus élevé qu'il y a seulement un an. Nous estimons que 3,5 millions de personnes sont coincées dans des endroits considérés comme difficiles ou quasiment impossibles d'accès, ce qui inclut des centaines et des milliers d'enfants, possiblement 1 million d'enfants.

Pour nous, l'un des principaux éléments sur lesquels nous mettons l'accent est la protection de l'enfance, parce qu'il s'agit en premier lieu d'une crise de protection. Nous savons que des enfants risquent d'être séparés de leur famille et d'être directement touchés parce qu'il s'agit d'un conflit armé. Ils risquent d'être recrutés par certains des protagonistes du conflit et d'être arrêtés, détenus et victimes de mauvais traitements.

Nous savons aussi que tous les enfants ne bénéficient pas des services vraiment fondamentaux auxquels ils ont droit. Nous avons fait des percées dans certains de ces domaines, mais, dans de nombreux cas, nous n'avons pas encore pu joindre tous les enfants qu'il faut. Je n'entrerai pas dans les détails puisque vous pourrez me poser des questions précises à ce sujet si vous y tenez, mais, pour vous donner une idée des défis auxquels nous sommes confrontés sur le terrain, l'un d'eux est notre incapacité d'aller dans certains endroits difficiles d'accès. Nous estimons, avec des partenaires des Nations Unies, qu'il y a environ 262 endroits où vivent 3,5 millions de personnes.

Nous avons beaucoup de difficulté à livrer des fournitures médicales, surtout à certaines parties de la population dans des zones contrôlées par l'opposition. Il s'agit de seringues et de choses du genre. Nous avons obtenu de bons résultats dans le cadre de la campagne contre la polio dans ces régions, mais le traitement de la polio est simple : des bénévoles s'en occupent, et il faut simplement administrer aux enfants deux gouttes d'un médicament. Lorsqu'il est question de vaccins, comme celui contre la rougeole, nous savons que nous n'atteignons pas les enfants, parce que les seringues elles-mêmes sont difficiles à transporter.

Le troisième grand défi auquel nous sommes confrontés, c'est l'insécurité. Comme vous le savez, 16 employés des Nations Unies ont été tués depuis le début du conflit. Aucun employé de l'UNICEF n'a perdu la vie, mais c'est un grand défi pour tous les intervenants du milieu humanitaire.

Le quatrième défi, c'est le caractère très complexe de l'accès aux négociations et de la planification des interventions auxquelles nous devons nous adonner, et le fait d'avoir à interagir avec un large éventail de groupes d'opposition dont les alliances changent. Nous devons constamment interagir avec de nouvelles parties.

Le cinquième grand défi auquel nous sommes confrontés cette année est le sous-financement. Jusqu'à présent, nous estimons avoir obtenu seulement 30 p. 100 du financement que nous avons demandé compte tenu de nos besoins en Syrie et dans tous les pays voisins.

Vous avez demandé de quelle façon notre travail répond ou peut répondre aux besoins des enfants. Comme je l'ai déjà mentionné, c'est vraiment notre mandat de les joindre, d'aider à faire des droits des enfants une priorité et, d'une certaine façon, de nous assurer d'atténuer la politisation de l'aide humanitaire. Grâce à nos programmes en matière d'eau, d'assainissement et d'hygiène, l'eau circule dans des canalisations. Nous avons un meilleur accès, et j'ai mentionné la lutte contre la polio.

Parallèlement, nous avons travaillé en collaboration avec d'autres intervenants dans le cadre de l'initiative « Pas de génération perdue » qu'a grandement appuyée le gouvernement du Canada. Il a été très important pour nous de ne pas nous enliser dans l'aspect de la gestion humanitaire quotidienne. Nous devons vraiment regarder vers l'avenir pour voir ce qu'il faut mettre en place aujourd'hui afin que les enfants touchés par la crise aient l'occasion de réaliser leur plein potentiel. C'est là que l'initiative « Pas de génération perdue » est très importante, en ce sens qu'elle nous aide à ne pas oublier des enjeux clés comme l'éducation, le soutien psychosocial, la protection de l'enfance et notre travail auprès des jeunes afin qu'ils contribuent à rebâtir l'avenir qui, en ce moment, semble peu reluisant.

Nous avons essayé de voir de quelle façon nous pouvions mettre davantage l'accent sur l'équité dans nos interventions et dans tout ce que nous faisons. Nous avons des exemples au Liban et en Jordanie où nous avons travaillé avec des partenaires et avons milité très efficacement pour essayer de cibler et d'identifier les enfants les plus vulnérables et ceux qui ont le plus besoin de soutien. Ce sont les enfants les plus vulnérables de la région, pas seulement les enfants qui viennent de la Syrie, mais, par exemple, dans les mêmes endroits, il y a des réfugiés des pays d'accueil et de la Palestine qui sont très vulnérables. Notre objectif est de se pencher sur la situation des enfants dans une région précise et de cerner ceux qui sont le plus vulnérables afin de les joindre du mieux que nous pouvons. L'aspect important, c'est notre contrôle des graves manquements aux droits des enfants, et c'est un sujet sur lequel nous présentons régulièrement des rapports au secrétaire général.

Il a été mentionné que nous avons dû redoubler d'effort sur le plan de la défense des droits. Nous avons dû examiner notre façon de travailler. L'UNICEF était, au départ, une organisation de secours, mais on a très vite compris qu'il fallait aller plus loin que les simples activités de secours et établir des cibles pour aider les enfants à survivre, à surmonter leurs difficultés, à se développer et à vivre dans des environnements où ils bénéficient d'une protection et du soutien dont ils ont besoin.

Si vous me demandez si l'UNICEF est un organisme humanitaire ou de développement, je vous dirai que nous sommes les deux, selon la situation à laquelle nous sommes confrontés, les situations auxquelles nous appliquons nos programmes, de ce que nous avons appris au cours de nos décennies d'œuvres humanitaires et ce que nous avons appris dans le cadre de diverses crises humanitaires sur la façon d'être un meilleur partenaire dans ce domaine sur le terrain.

Vous comprendrez donc que nous ne travaillons pas seuls. Nous travaillons avec nos partenaires, avec des homologues au sein de gouvernements et très étroitement avec nos partenaires de la société civile. C'est aussi très important de travailler avec les enfants et d'intégrer leur point de vue dans nos interventions, et, pour nous, d'apprendre des situations auxquelles ils sont confrontés. C'est un aspect très important de ce que nous faisons et de nos activités de défense.

En ce qui concerne nos opérations, j'ai parlé de partenariats. L'autre chose dont je dois parler, c'est la gestion du risque. Dans des situations comme celle-ci, nous devons analyser très clairement quels sont les risques pour nos programmes et de quelle façon les atténuer. C'est important pour nous de renforcer notre présence sur le terrain.

Nous n'avons pas eu la tâche facile, mais nous renforçons notre présence dans des régions comme Homs, Tartous, Kameshli, Alep, et nous planifions la renforcer à Daraa. C'est extrêmement important de continuer à dialoguer et à créer des partenariats avec les gouvernements, avec les autorités locales et avec les intervenants locaux sur le terrain, pour gagner leur confiance et vraiment les mobiliser afin de pouvoir répondre aux besoins des enfants.

Dans les endroits où nous ne pouvons pas surveiller nos programmes, nous travaillons en collaboration avec environ 41 intervenants dans 14 gouvernements qui procèdent à ce que nous appelons une surveillance tierce pour nous aider à mieux comprendre de quelle façon nos programmes répondent aux besoins des gens.

Madame la présidente, je crois bien que je vais m'arrêter ici. Je suis prête à répondre à vos questions ou à vous fournir des éclaircissements. Je peux aussi vous fournir tous les autres chiffres dont vous pourriez avoir besoin.

La présidente : Merci beaucoup pour votre exposé. Tous les membres du comité comprennent bien que, depuis votre création, vous êtes passé d'un programme d'aide d'urgence à une organisation qui œuvre dans le domaine plus général du développement, comme vous l'avez déjà dit. Nous avons notre petite idée, mais pourquoi vos mandats ont-ils changé au fil du temps? Qui décide de quelle façon votre mandat change?

Mme Haque : Je vais vous dire ce que j'en pense, madame la présidente.

Nous oeuvrons dans le contexte de la Convention relative aux droits de l'enfant. Le mandat de l'UNICEF est d'aider les gouvernements et de veiller aux droits de tous les enfants, où qu'ils soient. Notre principe, c'est que nous travaillons afin de faire progressivement respecter les droits des enfants. On parle des droits des enfants, dans une situation stable comme dans un cadre humanitaire.

Nous avons défini très clairement quels résultats nous voulions obtenir dans une situation de crise humanitaire. Il s'agissait d'une étape importante afin que nous puissions présenter des rapports sur les résultats que nous obtenons et mesurer si nous avons une influence positive ou non.

Le cadre général est la Convention relative aux droits de l'enfant. Tous les deux ou trois ans, et, en ce moment, pour la période de 2014 à 2017, nous définissons un plan stratégique, qui est approuvé par notre comité de direction et qui décrit les activités auxquelles s'adonnera l'UNICEF, les résultats qu'elle tentera d'obtenir et la façon dont elle y arrivera, la façon dont elle mesurera ses progrès et les coûts prévus.

Nous avons des piliers qui définissent notre mandat en fait de survie des enfants, d'éducation, d'eau et d'assainissement, de nutrition et de protection de l'enfance. Il y a aussi toute la question de l'inclusion sociale. Pour nous, il est important que notre mandat humanitaire se reflète adéquatement dans ces piliers techniques.

Plus tard, au besoin, je vous ferai parvenir notre plan stratégique approuvé par notre conseil ainsi que le cadre de résultats que nous utilisons dans nos travaux. C'est l'endroit où nous formulons un énoncé au conseil, qui s'inscrit dans notre mandat général fondé sur la Convention relative aux droits de l'enfant, au sujet des éléments sur lesquels nous mettrons l'accent durant la présente période de quatre ans.

J'espère vous avoir donné une meilleure idée de notre situation.

La présidente : En effet, et c'est très utile. Veuillez envoyer le rapport au greffier du comité, et il s'assurera que nous le recevrons.

Y a-t-il des formes d'aide qui passent entre les mailles du filet et sur lesquelles on ne met pas suffisamment l'accent en ce qui concerne les enfants?

Mme Haque : Si vous parlez de la Syrie en particulier...

La présidente : Pas nécessairement la Syrie, en général.

Mme Haque : En général, si nous examinons les tendances au cours des dernières décennies, nous constatons que le taux de mortalité avant cinq ans a diminué. Les graves problèmes de malnutrition sont aussi en baisse.

Plus d'enfants vont à l'école, ont accès à de l'eau et à des conditions plus salubres et sont dans des environnements où l'on s'attaque aux graves violations dont ils sont victimes.

Il ne fait aucun doute qu'il y a des améliorations.

En ce qui concerne les défis, c'est un défi lié à la situation, puisqu'une plus grande proportion de la population à l'échelle mondiale vit en zone urbaine. La façon de réaliser de meilleurs programmes en contexte urbain est l'un des éléments sur lesquels nous devons nous concentrer.

En ce qui concerne la protection de l'enfance, c'est un énorme mandat, et nous analysons tout, de l'enregistrement des naissances aux enfants qui ont des démêlés avec la justice. Pour nous, il a toujours été important que les enfants ne soient pas laissés pour compte dans ce processus. C'est pourquoi il faut procéder à des diagnostics de l'ensemble des systèmes de protection de l'enfance, qu'il s'agisse d'enregistrement des naissances ou des enfants victimes de violence qui entrent dans le système de santé, des enfants qui décrochent et qui sont donc davantage exposés à la violence s'ils se trouvent dans les rues, des enfants qui occupent des emplois dangereux et des enfants victimes d'exploitation sexuelle. Ce sont les divers secteurs pour lesquels, d'une certaine façon, il est plus difficile d'obtenir des rapports, auxquels il est plus difficile de s'attaquer et pour lesquels il est plus difficile de mettre en place des systèmes de prévention. Nous pouvons prévenir certaines maladies en nous assurant que les enfants obtiennent les vaccins dont ils ont besoin. Mais, dans certains domaines, c'est très difficile.

Le deuxième aspect de notre travail, c'est que nous essayons d'aider les jeunes à aller à l'école, et nous avons constaté que les taux d'inscription augmentent, mais la question est de savoir si les enfants terminent leurs études primaires, ce sur quoi l'UNICEF met l'accent. En outre, lorsqu'ils terminent leurs études primaires, il faut se demander s'ils ont obtenu un apprentissage de qualité. Peuvent-ils terminer l'école primaire en ayant atteint les principaux objectifs d'apprentissage auxquels on pourrait s'attendre? La qualité de l'éducation est un enjeu très important.

Puis, il y a, bien sûr, la transition du primaire au secondaire. Nous constatons qu'il y a de plus en plus d'enfants dans le monde entier qui terminent leurs études primaires, mais combien d'entre eux poursuivent au secondaire? C'est là qu'il est important, surtout lorsqu'il est question des enjeux des jeunes et des adolescents, de pouvoir savoir quels sont les enfants qui vont à l'école, de s'assurer que plus de jeunes terminent leurs études secondaires afin qu'ils aient l'occasion d'apprendre les compétences et les aptitudes dont ils ont besoin pour survivre dans un monde qui devient rapidement de plus en plus complexe, que ce soit en raison de la complexité de la situation économique, des diverses crises liées aux conflits sur la planète ou des menaces liées à la drogue, la toxicomanie et même le VIH/sida. C'est très important de voir cette transition à l'avenir.

Même si nous procédons à une analyse minutieuse des plus grands besoins, nous travaillons en collaboration avec des partenaires et des gouvernements pour y répondre. La question consiste à connaître l'étendue de nos relations et la qualité de nos rapports. De plus, joignons-nous ceux qui en ont le plus besoin? Je crois que de cibler ce 25 p. 100, et réduire cette fourchette au dernier 5 p. 100, est notre plus grand défi. De quelle façon pourrons-nous joindre les enfants les plus marginalisés que personne ne joint?

C'est là-dessus que nous concentrons une bonne partie de nos programmes, et c'est, bien sûr, sur cet enjeu que met l'accent notre directeur exécutif, qui est personnellement très déterminé à examiner les questions d'équité et à joindre les enfants que nous ne réussissons habituellement pas à joindre.

La présidente : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à la vice-présidente, qui posera une question.

La sénatrice Ataullahjan : Merci pour votre exposé.

Votre rapport « En état de siège » sur la crise en Syrie révèle que 8 000 enfants arrivent aux frontières de la Syrie sans parent. Qu'arrive-t-il dans ces cas? Quel est le mandat de l'UNICEF en ce qui concerne le fait d'aider ces enfants?

Mme Haque : Comme je l'ai mentionné, l'une des plus importantes menaces qui pèsent sur les enfants dans de nombreuses situations de conflit, ou dans toute situation où ils sont déplacés, c'est d'être séparés de leurs parents. C'est à ce moment-là, lorsqu'ils traversent les frontières, que nous travaillons en très étroite collaboration avec l'UNHCR des Nations Unies, notre partenaire, pour enregistrer les enfants qui ont été séparés et qui ne sont pas accompagnés. Nous pouvons ensuite utiliser un système permettant de garder la trace des familles et de réunir les enfants avec leurs parents pour, dans la mesure du possible, réunir justement les enfants avec leurs parents ou, à tout le moins, avec des membres de leur famille élargie.

Notre rôle consiste à travailler en collaboration avec nos partenaires. C'est habituellement une question liée à la protection de l'enfance. Nous travaillons en très étroite collaboration avec le CICR et nos ONG partenaires sur le terrain pour trouver des façons d'utiliser notre réseau pour réunir les enfants et leur famille.

Au cours des dernières années, nous avons aussi essayé d'utiliser les technologies mobiles pour nous aider à y arriver. C'est notre système Rapid FTR, dans le cadre duquel tout le processus d'enregistrement et de communication de l'information est renforcé et accéléré afin que nous n'ayons pas à utiliser un processus trop laborieux où il faudrait accumuler des rapports et les vérifier.

C'est ainsi, en gros, que nous tentons de réunir les enfants et leurs parents ou leur famille.

La sénatrice Ataullahjan : La semaine dernière, un de nos témoins a parlé du fait que tout ce qui peut possiblement compliquer les programmes de protection des enfants se trouve en Syrie, particulièrement sur le plan de l'exploitation. Que fait-on pour éviter le recrutement d'enfants soldats, la violence sexuelle, le viol ou le mariage forcé, entre autres? Y a-t-il un problème plus prévalent que les autres?

Mme Haque : Ce sont les principaux problèmes auxquels nous sommes confrontés. C'est particulièrement problématique dans les cas où soit nous n'avons pas pu joindre les enfants, soit nous n'avons pas pu les joindre par le truchement de nos partenaires. Nous avons essayé de renforcer ce mécanisme redditionnel, d'obtenir les preuves nécessaires et de nous assurer de parler des chiffres.

Si je disais qu'un des problèmes est plus grave que les autres, je crois qu'ils sont tous très difficiles. Vous les avez nommés avec justesse : le rôle des enfants recrutés, où les enfants sont arrêtés et détenus, l'utilisation d'armes lourdes, qui provoquent la mort et les mutilations, des victimes de supposés massacres. Nous savons que la violence sexuelle est sous-déclarée, dans toutes les situations et dans toutes les crises auxquelles nous sommes confrontés. Nous avons obtenu des rapports selon lesquels la violence sexuelle cause des stigmates, tant chez les garçons que chez les filles.

Des attaques sur des écoles ont été déclarées. On les utilise comme des centres de détention, et il y a eu des meurtres ciblés d'enseignants et d'employés du domaine médical. Il s'agit d'une grave violation contre les enfants aussi parce qu'on leur refuse ainsi le droit d'accès à ces services. Il y a aussi des attaques contre des infrastructures sanitaires, des installations gérées par l'opposition et des attaques contre du personnel de santé.

Aucune de ces violations n'est plus grave que l'autre. Elles sont toutes visées par la résolution du Conseil de sécurité qui en fait de graves violations contre les enfants. Par conséquent, je ne crois pas qu'il faut essayer de les mettre en ordre de priorité, il faut plutôt dire que ce sont de graves violations auxquelles les enfants sont confrontés, et nous devons trouver des façons d'améliorer les rapports, mais, ce qui est encore plus important, de les prévenir et de les régler comme il se doit.

La sénatrice Ataullahjan : C'est un tableau très sombre.

Mme Haque : Mon collègue peut-il ajouter quelque chose à ce sujet?

La sénatrice Ataullahjan : Absolument, oui.

François Ducharme, spécialiste des interventions d'urgence, Bureau des programmes d'urgence, Administration centrale de l'UNICEF : Merci.

En ce qui concerne le recrutement des enfants, depuis pas mal de temps, l'UNICEF défend les intérêts des enfants avec le Bureau du Représentant spécial conjoint de Damas et d'autres États membres influents, pour essayer de renverser les tendances en ce qui concerne le recrutement des enfants dans la région. De telles activités de défense à un haut niveau ont toujours été réalisées par l'UNICEF, à Damas et au niveau de l'Administration centrale.

Mme Haque : Je tiens aussi à souligner que le rapport du secrétaire général qui a été publié porte aussi là-dessus. À la lumière de la résolution 2139 du Conseil de sécurité, il souligne l'importance de renforcer ces activités de défense. Nous reconnaissons aussi le travail du Canada, qui a été un grand défenseur et qui a beaucoup parlé de toute la question des violations graves, surtout le recrutement des jeunes. C'est un dossier où nous bénéficions d'un bon soutien.

La sénatrice Ataullahjan : On nous brosse ce sombre portrait, les choses ne semblent vraiment pas aller, et maintenant il y a la polio qui réapparaît en Syrie et qui s'est propagée à l'Irak. La polio était à l'état endémique dans trois pays, on l'avait presque éliminée. Que fait-on pour contrôler cette maladie? Procède-t-on à une vaccination généralisée? Quelle est la réaction? Les gens acceptent-ils la vaccination? Au Pakistan, il y a une grande peur et beaucoup de propagande à l'égard des vaccins. Êtes-vous confrontés à une situation semblable ou les gens l'acceptent- ils?

Mme Haque : C'est une question très importante. Dans toutes les crises, c'est l'une des principales choses que nous voyons. C'est l'une des tragédies de cette crise, la polio qui réapparaît. Il a fallu beaucoup d'efforts et on a dû rassurer la population et s'employer à défendre les intérêts des personnes concernées pour obtenir le niveau d'attention nécessaire.

Je crois que c'est l'un des sujets sur lesquels nous pouvons dire que nous sommes sur une lancée positive. Nous estimons que, dans le cadre de la sixième ronde de campagnes à l'échelle du pays — on parle à l'échelle de la Syrie, la sixième ronde cette année — qui a eu lieu du 4 au 8 mai, nous avons pu joindre environ 2,8 millions d'enfants, ce qui est supérieur aux résultats de l'année passée.

Ma collègue me corrigera peut-être, mais je ne crois pas que le refus soit l'une des principales raisons pour lesquelles nous n'avons pas joint les enfants. Le problème est davantage la capacité de négocier l'accès, pour transporter les vaccins à certains endroits afin de s'assurer que la chaîne est maintenue et de travailler en étroite collaboration avec les gouverneurs et les autorités locales. Je crois que c'est là que nous devons apprendre de notre expérience qui nous a amenés à élargir la couverture pour la polio pour faire avancer les choses.

Vous comprendrez aussi que la rougeole est le prochain défi auquel nous serons confrontés. Il n'y a pas de vaccin contre la rougeole qui peut être administré par voie orale. Il faut des seringues. C'est ici qu'il faut vraiment négocier et bien faire comprendre les choses pour pouvoir transporter les seringues au-delà des lignes et s'assurer que les enfants restent à l'écart des guerres politiques et du conflit afin que nous puissions les joindre et les vacciner contre la rougeole. Ce sera notre prochain gros défi.

M. Ducharme : Si je peux me permettre, la campagne de vaccination a commencé l'année dernière, et nous en sommes maintenant à la sixième ronde. La campagne ne couvre pas seulement la Syrie, mais tous les pays avoisinants. Jusqu'à présent, nous avons vacciné plus de 24 millions de personnes dans la région, y compris en Égypte, où nous avons vacciné 14 millions de personnes.

En Syrie, la couverture, ronde après ronde, augmente progressivement. Alors nous réussissons à nous rendre de plus en plus dans des régions difficiles d'accès grâce à une micro planification réalisée au gouvernement avec les autorités locales sur le terrain.

Vous nous avez demandé quelle était la réaction des gens. Notre système de contrôle par des tiers nous dit que la grande majorité de la population a été informée de la campagne en tant que telle, et nous n'avons aucune raison de croire que le vaccin contre la polio a été rejeté pour des raisons culturelles en Syrie. Il s'agit d'une population habituée à la vaccination. La couverture de vaccination était très élevée avant la crise, alors la population a apprécié la campagne de vaccination contre la polio.

La sénatrice Ataullahjan : Vous dites que 24 millions de personnes ont été vaccinées dans ces régions. De quelles régions ou de quels pays parlez-vous?

M. Ducharme : La Syrie, l'Irak, la Jordanie, le Liban, la Turquie et l'Égypte.

Le sénateur Eggleton : Merci pour votre exposé.

Je tiens à souligner la présence de l'honorable Irwin Cotler, que certains ont assurément reconnu déjà. C'est un éminent activiste des droits de la personne, et c'est un plaisir de le voir ici.

Permettez-moi de revenir à cette question des lacunes soulevée par la présidente parce que, de toute évidence, des décisions difficiles doivent être prises dans le cadre des programmes que vous réalisez. De ce que j'en comprends, vous ne semblez pas bénéficier du financement dont vous avez vraiment besoin. D'un autre côté, vous parlez du large éventail de programmes que vous réalisez et affirmez vraiment très bien comprendre les besoins. Serait-il juste de dire que, puisque vous n'avez pas suffisamment de ressources, vos efforts sont vraiment dispersés et vous n'arrivez vraiment pas à joindre le nombre de jeunes qui en ont besoin?

Mme Haque : Merci, sénateur. La réponse courte à cette question est oui. Il faut aussi voir les domaines pour lesquels nous obtenons des contributions. Certaines contributions que nous recevons ne sont pas affectées à une fin particulière, et nous pouvons les utiliser pour répondre aux besoins comme nous l'entendons en fonction des lacunes que nous cernons. Certains fonds sont affectés à une fin particulière, comme l'eau et l'assainissement, l'éducation ou l'immunisation contre la polio, alors il y a une combinaison de facteurs.

Là-bas, il faut établir les priorités en fonction du financement que nous obtenons. Dans certains cas où il y a une grave lacune et qu'il faut offrir un service qui sauve des vies, nous pouvons nous faire des prêts à l'interne en prévision d'un financement qui sera accessible dans un avenir rapproché, et nous pouvons ensuite rembourser ce prêt interne. Mais il faut faire des choix en fonction de critères stricts.

Le sénateur Eggleton : Devez-vous poursuivre votre campagne de façon à ce que les pays donateurs vous donnent plus, ou les ONG pourraient-elles en faire davantage, même si elles doivent probablement obtenir une bonne partie de leurs fonds du public elles aussi?

Vous avez parlé d'une solution créative, toute cette question des prêts, pour essayer de combler les lacunes. Y a-t-il autre chose que vous pourriez faire, ou faut-il tout simplement que les pays donateurs contribuent davantage?

Mme Haque : Malheureusement, il faut que les pays donateurs contribuent davantage, et il faut trouver de nouveaux donateurs différents. Nous espérions mobiliser davantage de donateurs non traditionnels, comme nous les appelons, grâce aux conférences. Nous avons eu un certain succès à cet égard l'année dernière.

Pour nous, que le financement passe par une agence des Nations Unies ou une ONG, l'important c'est que nous puissions offrir des services aux enfants. Pour nous, il est évident qu'il y a certains services pour lesquels nous devrons nous assurer de l'approvisionnement. Par exemple, s'il y a des vaccins à fournir, il faut les obtenir par le truchement soit de l'UNICEF soit de l'OMS. C'est important de comparer les avantages des différentes agences des Nations Unies qui œuvrent dans cette situation pour essayer de faire avancer les choses.

C'est aussi à nous de demander un financement plus souple lorsque les gouvernements s'engagent à fournir un financement à des fins humanitaires; il faut qu'il y ait moins de conditions au financement.

De plus, un des défis auxquels nous sommes confrontés, c'est que le financement humanitaire est à très court terme. Il est lié à une année budgétaire précise, alors il est moins prévisible. Chaque année, nous devons plaider notre cause et établir notre budget pour cerner nos lacunes en matière de financement. C'est là que l'initiative « Pas de génération perdue » est une façon importante d'envisager la continuité des services, comme ceux liés à l'éducation et à la protection de l'enfance, afin que le financement soit plus prévisible dans ces domaines où il est le plus difficile d'obtenir du financement.

Le sénateur Eggleton : Permettez-moi de vous poser des questions sur l'éducation, qui est l'un de vos mandats. Vous dites que plus d'enfants vont à l'école, et, cependant, lorsque nous avons accueilli un représentant de l'UNHCR plus tôt, il a dit que 80 p. 100 des enfants réfugiés syriens au Liban et 56 p. 100 d'entre eux en Jordanie n'allaient pas à l'école. C'est très élevé.

Nous savons que beaucoup de ces enfants travaillent. Même si nous avons en horreur le travail chez les enfants, il faut reconnaître que ces enfants, très souvent, travaillent pour aider leur famille, pour payer le loyer et acheter de la nourriture, les éléments essentiels à leur survie. Que faites-vous pour trancher ce dilemme? Dans ces circonstances, il serait très difficile de demander à ces enfants d'aller à l'école et d'arrêter de travailler. Essayez-vous de trouver un compromis? Pouvez-vous les faire aller à l'école à temps partiel? Pouvez-vous travailler avec les employeurs ou les familles? Comment procédez-vous face à ce dilemme?

Mme Haque : Tout à fait, il s'agit d'un important dilemme, sénateur.

J'aimerais commencer en apportant une précision. Lorsque j'ai parlé du fait qu'un plus grand nombre d'enfants étaient inscrits à des programmes d'éducation, je voulais dire à l'échelle mondiale, parce que la présidente a posé une question au sujet de notre mandat à l'échelle mondiale. Dans le cadre de la crise en Syrie, c'est un des secteurs clés où nous n'arrivons pas à démontrer le type de résultats que nous voulons obtenir.

J'ai demandé à mes collègues de rassembler certains des exposés d'intérêt humain que nous avons, et nous avons le récit d'un garçon de 12 ans appelé Annan, qui dit qu'il allait à l'école, étudiait et jouait lorsqu'il habitait en Syrie et que, maintenant, il étudie et il travaille. Il travaille pour les raisons que vous avez mentionnées.

Pour nous, il est très important que nous veillions à ce que les enfants ne soient pas soumis à un travail dangereux, c'est-à-dire un travail où ils pourraient courir un grand risque sur le plan physique ou intellectuel. Par exemple, si nous examinons le travail que nous avons entrepris avec l'industrie du vêtement dans des pays comme le Bangladesh, c'est par l'intermédiaire d'un PE entre les fabricants de vêtements ainsi que l'UNICEF et le gouvernement qu'on réussira progressivement à non seulement sortir les enfants des usines, mais également à les amener à reprendre les études et des programmes d'apprentissage afin d'acquérir des compétences de base. Il s'agit certainement d'une des solutions.

Le défi relativement à certains des enfants, la plupart des enfants dans les régions touchées par le conflit, en Syrie, c'est que les choix sont très limités. Aussi, en ce qui concerne les enfants réfugiés, la population qui les accueille subit également beaucoup de pression. Comme vous l'avez dit, le fait d'obtenir du financement pour ce type d'activité, qui suscitera la participation des jeunes, qui les amènera à investir davantage dans leur apprentissage, qui permettra de leur fournir des mesures de réadaptation psychosociale... Selon notre expérience à l'échelle mondiale, le simple fait, pour les enfants, d'avoir une routine permet de rétablir une certaine normalité. Donc, le fait de se lever le matin et d'aller à l'école, de faire des devoirs et d'avoir du temps pour jouer à l'école, d'avoir la capacité de dessiner, de chanter, de danser ou de participer à un sport est tellement important dans la routine d'un enfant parce que ces choses permettent de préserver, en partie, la tendre enfance que, malheureusement, bon nombre d'enfants, qui ne fréquentent pas l'école, n'ont pas. C'est pourquoi, pour nous, il y a une partie du financement qui est destinée à la création d'espaces dédiés aux enfants, qui, même si nous ne pouvons pas leur offrir une éducation formelle, nous permettent de leur offrir des activités récréatives, de les amener à participer à des activités stimulantes, parce que même les plus jeunes enfants ont besoin de cette stimulation en dehors du contexte familial, qui peut être également très tendu. Il est important pour eux d'avoir du temps pour sortir et fréquenter leurs semblables et s'intéresser à autre chose que les difficultés auxquelles ils font face.

Le sénateur Eggleton : Je vous souhaite du succès dans le cadre du bon travail que vous effectuez. Le fait que 51 p. 100 des réfugiés syriens soient âgés de moins de 18 ans est une situation tragique. Près du tiers des enfants syriens ont été déplacés à l'intérieur ou à l'extérieur de la Syrie. Continuez votre excellent travail.

Mme Haque : Merci, sénateur. Votre soutien est très apprécié. Mon collègue aimerait ajouter quelque chose.

M. Ducharme : Une partie de la réponse à votre question est déjà intégrée aux processus de planification en cours en Jordanie et au Liban. Par exemple, au Liban, le gouvernement vient tout juste de finaliser le plan de résidence national, qui comprend un volet sur l'éducation et des approches visant à renforcer le système d'éducation en soi. Ces systèmes visent à lutter contre certains de ces mêmes problèmes liés au travail des enfants, qui ne vont pas à l'école.

Au Liban, un plan de stabilisation a été convenu par le gouvernement et les organismes concernés. Il est assorti d'un plan ou d'une proposition d'intervention en matière d'éducation sous la houlette de Gordon Brown, du R.-U. Dans cette proposition, il y a des solutions précises, comme les doubles horaires dans chacune des classes dans l'ensemble du Liban, ce qui pourrait permettre d'accroître rapidement l'accueil de réfugiés syriens. Ce sont des exemples de mesures qui sont prises.

La sénatrice Andreychuk : Merci. Je vous demande pardon parce que j'ai dû sortir, et j'ai manqué une partie de votre exposé. Si je reviens sur ce que vous avez déjà dit, dites-le-moi.

Il me semble que la situation en Syrie est, d'une certaine façon, très unique, mais également plus symptomatique des régions touchées par le conflit, particulièrement lorsque le conflit interne continue encore et encore, et nous sommes conscients qu'il y en a d'autres.

Vous avez parlé des bailleurs de fonds non traditionnels. À qui pensiez-vous? Parliez-vous de pays ou de nouvelles ONG provenant de différents pays, et cetera?

Mme Haque : J'entendais par donateurs non traditionnels les nouveaux pays, les pays qui, habituellement, ne se réunissent pas dans le cadre d'un forum pour appuyer l'aide humanitaire. Nous avons pu constater le puissant leadership du gouvernement du Koweït, qui a réussi à réunir un certain nombre de pays arabes en vue de faire face à la crise à laquelle les enfants sont confrontés dans cette région.

La sénatrice Andreychuk : J'ai reçu certains documents que nos chercheurs ont produits. C'est très déroutant pour moi, alors les gens sur le terrain doivent avoir du mal à savoir qui sont les dirigeants des pays et lesquels offrent leur soutien. Il s'agit simplement d'une myriade d'organismes qui essaient de travailler ensemble. A-t-on réfléchi à une approche mieux coordonnée en cas d'urgence?

Nous souhaitons qu'il n'y ait plus de situation comme celle-là, mais je ne suis pas tout à fait optimiste. Il me semble qu'il a fallu trois ans pour s'organiser, et nous commençons tout juste à comprendre quelles sont les ressources dont nous avons besoin, comment nous pouvons aborder ces pays; mais la situation est très complexe et évolue. A-t-on réfléchi à un plan d'urgence qui ne demanderait pas autant de temps? Nous avons bon espoir que les familles reviendront, que la crise se réglera d'elle-même, mais, comme nous le voyons dans certaines des crises actuelles, elles éclatent sans arrêt. Procède-t-on à une certaine planification à cet égard?

Mme Haque : Oui, madame la sénatrice. Je suis certaine que cela semble plutôt déroutant. Je vais seulement essayer d'en parler un peu, particulièrement de ce qui a trait à une crise humanitaire.

Ma première grande crise a été celle du tsunami, en 2004. Il a touché de nombreux pays. Presque toutes les nationalités du monde ont été touchées par cette crise. Puis, il y a eu la crise du tremblement de terre, en Haïti. Il y a eu l'inondation, au Pakistan, et, selon notre expérience au cours de ces crises, il est devenu manifeste que, à titre d'organismes humanitaires, qu'il s'agisse des Nations Unies ou d'organisations non gouvernementales, nous devions trouver une formule de coordination ainsi qu'un mécanisme qui nous aiderait à être plus efficaces et efficients.

Beaucoup d'efforts ont été consacrés à la réforme humanitaire. Vous connaissez peut-être le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, le BCAH, qui prend les commandes afin de nous appuyer à mesure que nous progressons, et il y a eu une division claire du travail à savoir quel organisme se chargera de coordonner tel ou tel secteur. Nous avons examiné les divers secteurs en fonction des besoins des gens touchés par une crise. L'UNICEF joue un rôle prépondérant en ce qui a trait à l'eau et à l'assainissement, la nutrition et l'éducation en collaboration avec Save the Children, et relativement au sous-groupe, comme nous l'appelons, lié à la protection des enfants. Dans ce cadre, nous avons pour véritable mandat de créer des partenariats, de convenir de normes et de s'entendre sur les plans de base que nous mettrions en œuvre dans le cadre de n'importe quelle situation de même que sur les mécanismes permettant un déploiement rapide et urgent d'effectifs à l'appui des gens qui sont sur le terrain en vue de pouvoir renforcer rapidement l'intervention.

Comme vous pouvez l'imaginer, la crise syrienne sera très longue. Tout indique qu'elle durera encore des années. Vous avez entendu de la part de l'UNHCR qu'un réfugié est déplacé, en moyenne, pendant 17 ans. Lorsque vous devenez un réfugié, il faut beaucoup de temps avant de revenir. Lorsque le déplacement a lieu à l'intérieur du pays, l'équipe humanitaire du pays se réunit pour procéder à la coordination, à la planification ainsi qu'à la détermination des besoins. C'est lorsqu'il s'agit d'une situation de réfugiés que nous misons sur le travail de coordination de l'UNHCR, qui est l'organisation mondiale des réfugiés. Nos rapports avec cette organisation varient légèrement selon le contexte. Dans le cas d'un déplacement ou d'une crise à l'intérieur du pays, nous œuvrons par l'intermédiaire d'une équipe humanitaire dans ce pays, et lorsqu'il s'agit d'une situation de réfugiés, nous travaillons avec l'UNHCR, qui coordonne le tout.

Nous avons consacré beaucoup d'efforts à essayer de faire en sorte qu'il soit simple pour nous d'avoir une responsabilité partagée et d'avoir une meilleure planification. Vous savez peut-être qu'il y a eu certains documents de planification clés, que nous appelons le SHARP et le RRRP, qui sont le plan d'aide humanitaire pour la République arabe de Syrie et le plan régional d'intervention pour les réfugiés. Ils abordent la crise du point de vue non seulement des réfugiés, mais également des collectivités d'accueil. Grâce à ces plans d'intervention en cas de crise, nous convenons du scénario, de notre population ciblée, de nos stratégies pour arriver à les joindre et des coûts.

L'examen est effectué à la mi-année, puis, à la fin de l'année, nous le mettons à jour. C'est, pour les Nations Unies et leurs partenaires, un processus plutôt fastidieux. C'est non seulement les organismes des Nations Unies, mais surtout nos principales ONG partenaires qui contribuent, tout comme le gouvernement dans le pays où nous essayons d'intervenir.

La sénatrice Andreychuk : J'ai deux ou trois questions à ce sujet.

En Afghanistan, lorsque les conflits ont éclaté, il s'est révélé très difficile de démêler les choses entre les ONG. Certaines d'entre elles avaient été là par le passé, et de nouvelles arrivaient pour fournir de l'aide, toutes avec de nobles intentions. Il était très difficile d'y mettre de l'ordre parce qu'il y avait plusieurs échelons et, en même temps, des problèmes en matière de sécurité. La situation était-elle la même en Syrie, c'est-à-dire qu'il y a une intervention et qu'il y a des problèmes en matière de sécurité? Avez-vous eu à démêler ce processus? Vous parlez de vos ONG partenaires et de vous-mêmes, du fait que vous œuvrez maintenant dans le cadre d'un plan. Était-ce le cas durant les premières années?

Mme Haque : Je pense que votre question comporte deux volets. Le premier, concernant la sécurité, oui, c'était le cas au début. Elle pose toujours problème. J'en ai parlé comme étant l'une des principales difficultés auxquelles nous sommes confrontés, particulièrement à l'intérieur de la Syrie.

Lorsque nous avons commencé l'intervention — et c'est exactement pour les raisons dont vous avez parlé —, nous n'étions pas certains. Je peux parler du Sri Lanka, où je me trouvais, où les ONG arrivaient en grand nombre, toutes avec l'intention d'aider les gens qui avaient été touchés par le tsunami, mais, parfois, nous courrions le risque d'engendrer plus de confusion et moins d'action concertée. C'est une des questions clés que la réforme humanitaire tente de régler.

Je vais donner l'exemple du groupe sectoriel de l'eau, l'assainissement et l'hygiène, comme nous l'appelons. L'UNICEF dirige ce groupe, et la première chose que nous faisons, c'est que nous travaillons de concert avec des partenaires pour déterminer qui fait quoi et à quel endroit de sorte que nous puissions non seulement recenser les partenaires sur le terrain pour voir par l'entremise de qui nous pouvons joindre la population dans le besoin, mais également, de façon plus importante, voir s'il y a des régions où nous n'avons aucun partenaire et où nous devons faire en sorte que des gens y aillent. C'est une chose à laquelle nous avons été confrontés récemment durant la crise en République centrafricaine, particulièrement là où nous avions très peu d'ONG sur le terrain. Nous avons fait valoir notre cause jusqu'au niveau de notre directeur exécutif, qui s'est adressé vraiment aux grandes ONG en vue d'établir une présence, de sorte que nous puissions aller de l'avant.

Je vais demander à François de nous donner ses impressions quant au début de la crise syrienne.

M. Ducharme : Durant la première année, deux facteurs ont influé sur notre capacité d'effectuer une coordination efficace. Les autorités locales ne reconnaissaient pas le besoin d'une coordination et d'une structure humanitaires à l'intérieur de la Syrie. Par conséquent, il n'y avait, officiellement, aucun coordonnateur de l'aide humanitaire et, donc, aucune équipe humanitaire dans le pays. La coordination se faisait davantage de façon ponctuelle. Il y en avait, mais pas autant qu'on aurait pu. Aussi, en conséquence, le mécanisme d'approche du groupe, qui était parfaitement au point et que nous devions utiliser dans le cadre de toute crise majeure, n'a pas pu être mis en œuvre autant qu'il aurait pu l'être. Cette situation a également eu une incidence sur les deux premières années, je dirais, de la crise.

Mme Haque : Vous avez vu dans les médias et dans nos divers rapports que notre système a désigné la Syrie comme étant une urgence de niveau 3. Cette urgence de niveau 3 est un indicateur pour tous les organismes qu'ils doivent se concentrer vraiment à veiller à ce que les bonnes personnes se retrouvent au bon endroit rapidement afin d'établir un mécanisme et des structures de coordination, d'élaborer rapidement un plan d'intervention et de déterminer combien il en coûterait de le mettre en œuvre, ainsi que de se mobiliser pour recueillir des fonds, puis de rendre compte des résultats obtenus.

Il s'agit d'un des mécanismes qui sont fondés sur nos expériences dans d'autres pays, où nous tentons de respecter les normes et les paramètres que nous établissons à l'égard d'une urgence de niveau 3. Au cours de la dernière année, nous avons constaté que la Syrie continue d'être une urgence de niveau 3.

Il y en a une qui a été déclarée aux Philippines, après le typhon Haiyan. Heureusement, dans le cadre de cette crise, les mesures qui ont été prises, les interventions et la résolution ont été très efficaces. Maintenant, nous en sommes au début de la période de redressement. Puis, il y a eu les situations de la République centrafricaine et du Soudan du Sud, où, encore une fois, on se concentre sur l'établissement d'un leadership adéquat, à faire en sorte que les services soient dispensés de façon efficace, à organiser la coordination et à promouvoir de façon active la collecte des fonds et des ressources qui sont nécessaires.

La présidente : C'est désolant tout ce que nous entendons lorsque nous parlons des enfants, de manière générale. Ce doit être encore pire lorsqu'il est question d'enfants handicapés. La Syrie, la Jordanie, la Turquie, l'Irak et l'Égypte, de même que le Liban, ont signé la Convention relative aux droits des personnes handicapées. L'article 7 de la convention exige des États parties qu'ils prennent toutes les mesures nécessaires pour garantir aux enfants handicapés la pleine jouissance de tous les droits de l'homme et de toutes les libertés fondamentales, sur la base de l'égalité avec les autres enfants. De quelle façon les enfants handicapés déplacés sont-ils traités en Syrie et dans les pays qui accueillent des réfugiés?

Mme Haque : Premièrement, madame la présidente, vous avez mis le doigt sur un des domaines clés où nous faisons face à l'un des plus importants problèmes, particulièrement lorsqu'il est question d'enfants qui n'ont pas un handicap visible, pour ainsi dire. Nous avons essayé d'élaborer des programmes fondés sur les besoins — les besoins des enfants et les profils des enfants touchés par une crise en particulier — afin d'aider les enfants qui ont un handicap, de manière générale. Par exemple, si nous pensons à des lieux d'apprentissage, sont-ils conçus de façon à permettre aux enfants ayant un handicap physique d'y avoir accès? Nous pouvons faire des estimations approximatives de la proportion d'enfants handicapés dont nous aurions à prendre en compte, parce que, de façon générale, nous fondons nos données en matière de programme sur les données des recensements de la population disponibles à l'échelle nationale et sur toute étude spécifique qui pourrait avoir été menée en vue de nous fournir des données sur les personnes handicapées.

Il s'agit probablement de l'un des domaines qui posent le plus problème. C'est là où bon nombre de systèmes de protection de l'enfance entrent en jeu, particulièrement lorsqu'il est question des enfants ayant un handicap intellectuel et que nous devons déterminer comment faire en sorte que leurs besoins et leurs vulnérabilités soient davantage pris en compte.

Je vais demander à François s'il a des exemples précis de ce que nous avons fait en Syrie.

M. Ducharme : Pas en Syrie, mais j'ai des exemples à l'extérieur de la Syrie.

Je sais que ce groupe cible d'enfants handicapés est l'un des groupes les plus ciblés dans le cadre du prochain plan régional d'intervention pour les réfugiés, le RRRP. L'UNICEF s'associe à l'UNHCR et à d'autres organismes pour se pencher sur la question et voir comment nous pouvons améliorer nos résultats. Nous reconnaissons tous que nous n'en avons pas fait suffisamment.

Prenons l'exemple de l'éducation dans un camp comme Zaatari. L'UNICEF envisage d'assurer le transport des enfants dans le camp et l'éducation à la maison pour certains, de sorte qu'ils puissent y avoir accès.

Mme Haque : En fait, nous pouvons voir si nous avons d'autres informations.

La présidente : S'il vous plaît.

Mme Haque : Nous vous les transmettrons, madame la présidente.

La présidente : Je vous en remercie.

Tous les jours, nous lisons des choses sur la Syrie et toute la situation. C'est troublant d'entendre dire que de jeunes filles sont vendues pour que les familles puissent se nourrir. C'est presqu'une banalité de le dire, mais, manifestement, les filles sont traitées différemment des garçons. Comment abordez-vous ces questions?

Vous avez parlé du tsunami. Je n'oublierai jamais que des filles provenant du sud de l'Inde étaient et sont encore à Bombay parce qu'elles ont été victimes du trafic du sexe. De nombreux groupes tentent de faire en sorte qu'elles soient libérées. Que faites-vous pour aider à enrayer le trafic du sexe ainsi que la vente ou le mariage de jeunes filles?

Mme Haque : Il s'agit d'un des plus importants problèmes. Comme je l'ai dit lorsqu'un sénateur a posé une question au sujet du travail des enfants, la solution, c'est de s'assurer que les filles ont accès à l'éducation et qu'elles vont à l'école. C'est une des solutions de base que nous envisageons.

Pour revenir à votre question, toute l'importance qu'on accorde au fait d'identifier et d'enregistrer les enfants privés de soins parentaux est cruciale. Les garçons et les filles, mais particulièrement les filles, qui ne sont pas avec un membre de leur famille sont davantage exposés au risque de l'exploitation sexuelle. Il est important que nous les identifiions rapidement et que nous les réunissions avec un membre de leur famille, de la famille élargie, peut-être, de sorte qu'ils ne soient pas, sous prétexte de leur fournir un refuge plus sûr, sous l'emprise, en fait, de l'exploitation.

Il faut donc accroître la sensibilisation au sein des collectivités. Surtout dans les camps, lorsqu'il est question de ce type d'enjeux liés à la protection des enfants, nous devons beaucoup travailler avec les dirigeants des collectivités locales afin de déterminer qui sont les meilleures personnes pour surveiller la situation et comment elles pourraient signaler toute violence sexuelle. Il faut donc que les collectivités se tiennent.

Après le tsunami, il fallait voir comment la législation fournit ces possibilités. La solution immédiate a été de dire : « Nous avons des milliers d'enfants qui sont orphelins, occupons-nous d'eux et assurons-nous qu'ils sont adoptés. » Pour nous, l'adoption n'est pas la seule solution. Nous devons envisager le placement au sein de la collectivité de sorte que les enfants conservent leur identité dans leur collectivité.

Comme je l'ai dit, en enregistrant les enfants qui ne sont pas accompagnés et qui sont séparés de leur famille, afin d'effectuer de la prévention de cette manière; en sensibilisant davantage la collectivité; en s'appuyant sur les structures de la collectivité pour nous aider à faire des signalements et effectuer de la prévention; et en s'assurant que les installations d'enseignement sont disponibles de sorte qu'il y ait une autre solution. Comme vous l'avez dit, à juste titre, nous avons observé une augmentation du nombre de mariages d'enfants, qui constituent une mesure de protection ou un moyen de faire face à la situation pour de nombreuses familles. Nous devons avoir une meilleure compréhension de ce phénomène et répondre aux besoins des enfants afin de nous assurer que, lorsque des dispositions législatives sont requises, elles sont appliquées, et que les dispositions législatives du pays sont mises en œuvre, pour ainsi dire.

Il n'y a pas de solution unique et rapide. Nous essayons de remédier à cette violation de nombreuses façons.

La présidente : Nous venons tout juste de commencer notre étude. Je suis certaine que nous ferons appel à vous de nouveau pour obtenir plus d'information. J'apprécierais que vous nous fournissiez l'information que vous avez dit que vous nous enverriez. Nous sommes impatients de travailler avec vous dans l'avenir. Merci beaucoup.

Mme Haque : Merci beaucoup de m'en avoir donné l'occasion.

M. Ducharme : Merci.

(La séance est levée.)


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