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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 19 - Témoignages du 15 juin 2015


OTTAWA, le lundi 15 juin 2015

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 16 h 1, pour surveiller l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et pour examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne (sujet : la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et les travailleurs du textile).

La sénatrice Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, bienvenue à la 36e séance du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, tenue au cours de la deuxième session de la 41e législature.

[Français]

Le Sénat a confié à notre comité le mandat d'examiner les questions liées aux droits de la personne au Canada et à l'étranger.

[Traduction]

Je m'appelle Mobina Jaffer. Je viens de la Colombie-Britannique, et je suis présidente du comité. Je vais maintenant demander aux autres membres du comité de se présenter, en commençant par la vice-présidente.

La sénatrice Ataullahjan : Je suis la sénatrice Salma Ataullahjan, de Toronto, en Ontario.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l'Ontario.

La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, de l'Ontario.

La sénatrice Hubley : Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.

La présidente : Merci.

La fabrication de vêtements est une importante source d'emplois dans les pays en développement. La grande souplesse et la décentralisation de cette industrie, conjuguées au recours généralisé à la sous-traitance, compliquent la mise en œuvre de normes adéquates en matière de santé et de sécurité.

[Français]

Dans bien des pays exportateurs de vêtements, comme le Bangladesh, l'Inde et le Vietnam, des milliers de salariés sont exposés à des conditions de travail dangereuses et à d'autres risques pour leur santé et leur sécurité.

[Traduction]

Le 24 avril 2013, Rana Plaza, un immeuble de huit étages occupé par cinq fabriques de vêtements et situé dans la périphérie de la capitale du Bangladesh, a causé la mort d'environ 1 127 travailleurs et blessé des milliers de personnes en s'effondrant. C'était le pire d'une série d'accidents fatals qui ont touché l'industrie du vêtement du Bangladesh. Au nombre de ces accidents, on retrouve également l'incendie de novembre 2012 qui a entraîné la mort de plus de 100 personnes et l'incendie d'octobre 2013 qui a tué sept personnes et qui en a blessé 50 autres.

[Français]

Le secteur privé a des obligations en matière de droits de la personne, notamment dans les milieux de travail. Des employés de nombreuses collectivités dans le monde ont réussi à obtenir le droit de travailler dans des conditions saines et sécuritaires, de recevoir un salaire suffisant et d'avoir un horaire de travail raisonnable.

[Traduction]

Lorsque la santé et la sécurité des travailleurs ne sont pas protégées, lorsque les salaires ne garantissent pas un niveau de vie raisonnable et lorsque les travailleurs sont victimes d'intimidation pour avoir tenté de former un syndicat, on porte atteinte à un certain nombre de droits reconnus par la convention internationale sur les droits de la personne, que le Bangladesh a signée. Bien que le Bangladesh ait ratifié plusieurs conventions internationales sur les droits de la personne, comme la Convention de l'OIT sur l'inspection du travail en 1972, l'effondrement du Rana Plaza et d'autres événements semblables démontrent que leur mise en œuvre pourrait être grandement améliorée et qu'il faut encore appliquer efficacement les conventions.

Nous accueillons cet après-midi plusieurs groupes d'experts afin d'étudier la question de l'industrie du vêtement et de la responsabilité sociale des entreprises. Pour commencer, nous recevons un représentant de Vêtements de sport Gildan : Peter Iliopoulos, vice-président principal, Affaires publiques et corporatives. Puis nous entendrons par vidéoconférence un représentant des Compagnies Loblaw Limitée : Robert Chant, vice-président principal, Affaires corporatives et communications.

Nous allons commencer par entendre M. Iliopoulos.

Peter Iliopoulos, vice-président principal, Affaires publiques et corporatives, siège social, Vêtements de sport Gildan : Merci, madame la présidente. Permettez-moi de commencer par vous remercier de m'avoir autorisé à comparaître aujourd'hui. Nous avons beaucoup de respect pour le travail que votre comité accomplit, et nous nous réjouissons particulièrement de pouvoir contribuer à votre étude sur les droits des travailleurs du vêtement et sur la responsabilité sociale des entreprises.

[Français]

Je suis vice-président principal des affaires publiques et corporatives chez Gildan.

[Traduction]

J'aimerais commencer par vous donner un bref aperçu des activités de Gildan. Gildan est un fabricant de vêtements intégré verticalement dont les centres manufacturiers sont situés en Amérique centrale et dans le bassin des Caraïbes. En 2010, nous avons acheté une installation manufacturière intégrée verticalement au Bangladesh. Dans le cadre de notre intégration verticale, nous menons également des activités de filature aux États-Unis. Nous employons environ 42 000 personnes. Nous sommes fiers d'être en mesure de livrer des produits de grande valeur et de grande qualité à nos clients, tout en appliquant nos pratiques sociales et environnementales de premier plan et en maintenant le profil de gouvernance des entreprises canadiennes.

Nous commercialisons nos produits dans deux principaux marchés. Nous vendons des T-shirts, des chemises de sport et des vêtements en molleton dans le réseau de distribution de gros, où nous détenons en ce moment la plus importante part du marché au Canada et aux États-Unis. Nous avons également élargi notre gamme de produits en ajoutant à nos vêtements de sport des chaussettes et des sous-vêtements afin d'offrir une gamme plus complète au réseau de vente au détail.

En ce qui a trait à nos activités au Honduras, qui représentent le plus gros volet de notre production manufacturière globale, nous exploitons quatre installations de fabrication de textiles, deux installations intégrées de fabrication de chaussettes et quatre ateliers de couture, lesquels sont chargés de produire nos vêtements de sport et nos sous-vêtements. Ces installations représentent environ 500 millions de dollars de dépenses en immobilisations au cours des cinq dernières années seulement. Nous employons plus de 26 000 travailleurs dans ce pays.

Au Bangladesh, notre usine de fabrication intégrée verticalement emploie plus de 2 000 personnes et représente une très petite part de l'ensemble de notre capacité de production. Depuis que nous avons acheté cette installation en 2010, nous avons investi plus d'un million de dollars pour procéder à des améliorations du bâtiment, installer une usine de traitement des eaux usées et mettre à jour les équipements. Cette installation vise à soutenir nos activités en Europe et en Asie.

Notre programme de responsabilité sociale d'entreprise, l'engagement véritable de Gildan pour l'intendance, ou Gildan Genuine Stewardship, est basé sur quatre piliers : les gens, l'environnement, la communauté et le produit. La RSE représente un élément clé de notre stratégie d'entreprise globale, et nous pensons que nos pratiques nous placent en tête de l'industrie.

Notre programme de conformité sociale inclut un code de conduite strict basé sur des normes reconnues à l'échelle internationale et un processus de vérification très rigoureux, notamment par le biais de vérifications régulières indépendantes et de vérifications périodiques par un tiers dans chacune de nos installations. Notre programme de conformité aux normes de travail est accrédité par la Fair Labor Association depuis 2007. En fait, Gildan était le premier fabricant de vêtements intégré verticalement à être accrédité par la FLA.

En outre, chacune de nos installations de couture a été certifiée par le programme Worldwide Responsible Accredited Production. Depuis 2009, Gildan est reconnu annuellement par Jantzi-Macleans comme étant l'une des 50 meilleures entreprises citoyennes au Canada. Gildan est aussi la seule entreprise nord-américaine du secteur du textile, du vêtement et des produits de luxe à être inscrite dans le Dow Jones Sustainability World Index, qui fait partie des points de référence les plus prestigieux de la planète en matière de viabilité des entreprises.

Les conditions de travail que nous offrons à nos employés dans nos installations du monde entier incluent une rémunération concurrentielle bien supérieure au salaire minimum de l'industrie, un accès à des cliniques médicales sur place où travaillent 27 médecins et 55 infirmiers à raison de 24 heures par jour, un service de navette gratuit pour nos employés et des repas subventionnés. Nous sommes actuellement en train de mettre en œuvre l'un des meilleurs programmes d'ergonomie en collaboration avec l'Ergonomics Center de la Caroline du Nord, qui devrait voir le jour en premier au Honduras, pour ensuite être mis en œuvre dans chacune de nos autres installations.

Nous avons également inauguré trois écoles pour la santé du dos au Honduras et, tout récemment, nous avons établi une école pour la santé des épaules à l'un de nos ateliers de couture du Honduras.

Pour mieux intégrer nos processus de production et nos pratiques de responsabilité sociale d'entreprise au Bangladesh, nous avons fait appel à plus de 10 années d'expérience au Honduras et avons envoyé une équipe de gestionnaires qualifiés pour former l'équipe de gestion locale et l'aider à intégrer la norme Gildan.

Parmi les nombreuses mesures de sécurité mises en œuvre au Bangladesh depuis notre acquisition, citons le renforcement de l'ossature du bâtiment à la suite des recommandations d'un cabinet d'ingénieurs indépendants établi aux États-Unis; des vérifications annuelles menées par des tiers spécialisés en sécurité et en prévention des pertes; l'installation d'issues de secours externes; et des inspections régulières ainsi que des exercices d'évacuation en cas d'incendie. L'installation est dotée d'une équipe d'intervention d'urgence composée de 240 employés. Dans le cadre d'un exercice récent d'évacuation en cas d'incendie, nos employés, qui sont répartis sur quatre étages, ont réussi à évacuer le bâtiment en six minutes.

En 2014 seulement, plus de 1 700 heures ont été passées à offrir de la formation en santé et sécurité. En juillet 2014, la structure, le câblage électrique et les mécanismes de sécurité en cas d'incendie de notre installation du Bangladesh ont également fait l'objet d'inspections menées dans le cadre du programme de l'Accord sur la sécurité incendie et la sécurité des bâtiments au Bangladesh.

Dans l'ensemble, les conditions de travail que nous offrons à nos employés, qui représentent notre plus précieux atout et facteur de réussite, sont d'une importance primordiale pour nous.

J'ai résumé brièvement les activités de Gildan et nos pratiques de RSE.

J'aimerais conclure en parlant du rôle que le Canada pourrait jouer dans les années à venir, compte tenu en particulier de la tragédie de 2013 à l'immeuble Rana Plaza au Bangladesh. Premièrement, nous croyons que le Canada peut jouer un rôle de chef de file dans le domaine de la responsabilité sociale des entreprises en établissant des mécanismes qui garantissent que tous les produits qui entrent au Canada à des fins commerciales proviennent de fabricants qui respectent les normes du travail internationalement reconnues et qui adoptent des pratiques de santé et de sécurité au chapitre des conditions de travail. En fait, le Canada a dans le passé intégré le respect des normes du travail dans des accords de libre-échange.

En particulier, nous demandons que le gouvernement canadien se penche de nouveau sur l'accès en franchise de droits accordé au Bangladesh en vertu du Tarif des pays les moins développés, ou du TPMD. Le retrait de cet avantage pourrait être une façon d'exercer des pressions sur les manufacturiers du Bangladesh afin de les inciter à améliorer les normes de sécurité en vigueur dans leur pays jusqu'à ce qu'elles atteignent un niveau acceptable, ainsi que de garantir que le pays respecte complètement les normes du travail reconnues à l'échelle internationale.

Il faut tenir compte du fait que le Bangladesh est le deuxième pays exportateur de vêtements au Canada en importance après la Chine et qu'avec ses exportations vers le Canada de l'ordre de plus d'un milliard de dollars, il demeure de loin le plus important bénéficiaire du TPMD. En outre, sur le plan du volume, le Bangladesh est le quatrième fournisseur de vêtements aux États-Unis en importance, en dépit du fait qu'il ne bénéficie pas là-bas du même accès en franchise de droits dont il jouit au Canada. Les États-Unis ont également retiré le Bangladesh de leur programme lié au Système généralisé de préférences, en raison de son bilan déplorable au chapitre des pratiques de travail. De plus, les fabricants locaux bénéficient de subventions gouvernementales à l'exportation liées aux coûts d'électricité et aux achats de fils.

L'ensemble des données appuie l'hypothèse selon laquelle le Bangladesh est le fournisseur mondial de vêtements ayant les coûts les plus bas, et l'imposition de normes rigoureuses en matière de travail et de sécurité ne nuira pas à la compétitivité du pays, puisque, même en l'absence de concessions tarifaires, il est capable de soutenir efficacement la concurrence.

J'aimerais conclure en remerciant le comité de son invitation. Je me réjouis à la perspective de répondre à vos questions.

La présidente : Je vous remercie de votre exposé. J'aimerais également mentionner que vous êtes toujours disposés à travailler avec nous, ce dont je vous suis reconnaissante.

Nous allons maintenant entendre Robert Chant.

Robert Chant, vice-président principal, Affaires corporatives et communications, Compagnies Loblaw limitée : Madame la présidente, chers membres du comité, je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de comparaître et de communiquer au comité et aux Canadiens les progrès que nous réalisons continuellement en vue d'améliorer les normes des fournisseurs de l'industrie du vêtement établis dans des pays en développement. L'effondrement de l'immeuble Rana Plaza, qui a eu lieu au Bangladesh le 24 avril 2013, est un événement tragique qui nous a ébranlés profondément, tout comme il a ébranlé l'industrie mondiale du vêtement.

Les rapports indiquent que 28 marques mondiales de vêtements étaient produites dans l'immeuble Rana Plaza. Au nom de l'ensemble de l'organisation Loblaw, je tiens une fois de plus à offrir nos pensées et nos prières aux victimes et aux familles qui ont perdu des êtres chers dans ce complexe, ainsi qu'aux blessés qui continuent de se rétablir.

Je souhaite encore une fois reconnaître et remercier le gouvernement canadien, l'ancienne haute-commissaire Heather Cruden et les représentants officiels du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement pour tout le travail qu'ils ont accompli et pour l'aide qu'ils continuent d'apporter aux efforts de secours.

La tragédie du Bangladesh a lancé à l'échelle mondiale une conversation sur les normes de construction et de sécurité dans les fabriques de vêtements et sur les obligations morales des entreprises qui font affaire avec ces fournisseurs et ces fabriques. Bien qu'il soit généralement reconnu que Loblaw joue un rôle de chef de file dans cette conversation, nous comprenons que les gestes sont plus éloquents que les paroles. Aujourd'hui, je tiens donc à décrire les mesures que Loblaw a prises jusqu'à maintenant.

Il y a deux ans, à la suite de l'effondrement, le président exécutif de Loblaw, Galen Weston, a promis que l'entreprise prendrait des mesures énergiques, des mesures fondées sur la croyance qu'avec des bâtiments bien construits et sécuritaires, l'industrie du vêtement pourrait effectivement être une force du bien.

Immédiatement après la tragédie, Loblaw s'est engagée à contribuer à l'amélioration des normes de construction des fournisseurs et des vérifications dont ils font l'objet, à envoyer des Canadiens sur place afin de superviser les fournisseurs, à appuyer des projets communautaires et à indemniser à long terme et à court terme les victimes et leur famille.

Voilà les engagements que nous continuons d'honorer, et nous progressons considérablement dans la satisfaction de ces engagements. Nous étions d'avis à l'époque, comme nous le sommes encore maintenant, que nous pourrions avoir un effet plus positif en continuant de commander des produits du Bangladesh qu'en abandonnant ces fournisseurs et en choisissant d'acheter nos produits dans d'autres pays, comme certaines entreprises l'ont fait à la suite de l'effondrement.

Permettez-moi de commencer par décrire les améliorations qui ont été apportées aux normes de construction des fournisseurs et aux vérifications dont ils font l'objet. Loblaw a été l'une des premières entreprises à signer l'Accord sur la sécurité incendie et la sécurité des bâtiments au Bangladesh et est demeurée la seule entreprise canadienne à l'avoir fait pendant de nombreux mois. Maintenant, une autre entreprise canadienne a signé l'accord, et il y a plus de 200 signataires à l'échelle internationale.

Cet accord quinquennal juridiquement contraignant est une initiative globale visant à améliorer les conditions de travail dans l'industrie du vêtement. Elle prévoit des inspections de sécurité indépendantes dans les fabriques et assure la transparence et la reddition de comptes en exigeant la publication des résultats des inspections en ligne et dans les médias internationaux. Lorsque des problèmes de sécurité sont signalés, les fournisseurs doivent s'engager à combler ces lacunes, tout en protégeant les travailleurs contre une interruption de revenu en veillant à ce qu'ils touchent leurs salaires.

Loblaw a fini de vérifier toutes les fabriques que nos fournisseurs approuvés utilisent au Bangladesh. Nous avons retiré de notre liste de fournisseurs approuvés ceux qui faisaient appel à des fabriques non conformes aux normes établies. Nous continuons d'appuyer les fournisseurs qui respectent ces normes, ainsi que ceux qui ont pris les mesures requises pour corriger les problèmes que les vérifications nous ont permis de signaler. Jusqu'à maintenant, près de 1 500 fabriques ont été inspectées au Bangladesh, conformément à l'accord. Depuis le 20 mai 2015, des fabriques ayant remédié à leurs problèmes reprennent leurs activités et recommencent à produire des vêtements pour nous. Loblaw est toujours résolu à appuyer l'accord.

Nous avons également étendu les évaluations des normes de construction et de sécurité-incendie aux fabriques que nos fournisseurs approuvés utilisent en Thaïlande, au Cambodge, au Sri Lanka, au Vietnam et en Inde.

Un fournisseur ne peut faire appel à une nouvelle fabrique ou une fabrique déjà en service tant qu'elle n'a pas été approuvée à la suite d'une vérification. Si, après la vérification, la fabrique d'un fournisseur n'est pas approuvée, nous lui donnons l'occasion de se conformer aux normes, à défaut de quoi le fournisseur ne peut se servir de cette usine pour confectionner des vêtements pour Loblaw.

L'un des problèmes que le processus de vérification a révélés est lié à la nécessité d'améliorer la formation en matière de sécurité-incendie des gestionnaires et des employés des fabriques. Loblaw finance maintenant cette formation chaque fois que les vérifications signalent un besoin à cet égard. Nous continuons de surveiller et d'évaluer tous nos fournisseurs étrangers à l'aide du programme Workplace Conditions Assessment qui est reconnu à l'échelle mondiale et de notre propre code de conduite des fournisseurs. À chaque port d'origine, à l'extérieur du Canada et des États-Unis, où Loblaw se procure des marchandises, notre fournisseur de logistique pour échanges internationaux s'assure que le nom du fournisseur et la fabrique figurent sur la liste des fournisseurs approuvés de Loblaw.

Un des défis de l'approvisionnement sur le marché international est de veiller à ce que ces normes soient constamment respectées et appliquées. En conséquence, nous nous sommes engagés en 2013 à avoir des Canadiens sur place pour faire en sorte que nous soyons au fait de ce qui se passe dans ces pays. La chaîne d'approvisionnement de Loblaw a formé une équipe de conformité pour travailler sur le terrain dans les régions où sont produits la plupart des biens de nos fournisseurs à l'étranger. Il s'agit de régions comme le Vietnam, le Cambodge et le Bangladesh.

Sous la direction de notre directeur principal de la chaîne d'approvisionnement située à Hong Kong, en Chine, nous avons placé six gestionnaires sur le terrain dans la région que nous appuyons en leur affectant une équipe supplémentaire de conformité de la production de 20 membres — il y a donc 26 employés au total sur place dans la région.

Aklima Nipa, gestionnaire de la conformité à l'étranger de Loblaw au Bangladesh, donne l'explication suivante :

Je travaille avec des usines locales au Bangladesh une fois qu'elles ont terminé les évaluations de la protection contre les incendies et de la sécurité de leurs immeubles. J'examine les observations et je fais en sorte que les plans correctifs soient conformes aux normes.

Le fait d'avoir des personnes comme Aklima sur le terrain permet à Loblaw de mieux superviser les fournisseurs et les usines qu'ils utilisent. Cela nous permet d'apaiser les préoccupations plus rapidement en nous fondant sur de meilleures connaissances locales et de veiller à ce que chaque produit vendu dans un magasin Loblaw soit fabriqué d'une façon qui reflète les valeurs canadiennes.

Pour les clients, toutes ces initiatives font en sorte que les seuls produits vendus dans nos magasins sont ceux qui proviennent de fournisseurs faisant appel à des usines approuvées qui ont fait l'objet d'une vérification. S'il est primordial de s'occuper de ces questions de construction et de sécurité pour avancer, nous devons cependant aussi tenir compte des répercussions que l'effondrement a eues sur les vies humaines. Voilà pourquoi nous avons mis en place un mécanisme de soutien et d'indemnisation à l'échelon communautaire.

Loblaw s'est engagée à faire en sorte que les personnes blessées et touchées par la tragédie retournent au travail et dans leurs collectivités. Nous avons formé des partenariats avec deux organismes locaux pour offrir ces services sur place. Par l'intermédiaire de son programme THRIVE, Loblaw a établi un partenariat avec Aide à l'enfance Bangladesh pour répondre à des questions de soins de santé cruciales et offrir des services d'entraide par les pairs, d'éducation et de protection de l'enfance. Grâce à son programme REVIVE, Loblaw a travaillé en partenariat avec le Centre for the Rehabilitation of the Paralysed à Savar pour soutenir les victimes et leurs familles afin qu'elles obtiennent l'aide médicale dont elles ont besoin pour réintégrer leur collectivité.

Loblaw continue aussi d'honorer l'engagement qu'elle a pris d'offrir des indemnités à court et à long terme aux victimes et à leurs familles. Elle leur a volontairement offert une aide financière directe par le truchement de sa contribution au fonds de fiducie mis en place par l'Organisation internationale du Travail.

La semaine dernière, l'OIT a annoncé qu'elle avait atteint la cible de 30 millions de dollars qu'elle s'était fixée et que, à ce jour, environ 10 millions de dollars avaient été affectés auprès de 3 000 personnes et familles touchées.

En plus de son engagement financier volontaire à l'égard du fonds de fiducie, Loblaw joue un rôle de premier plan en y siégeant comme l'un des quatre représentants de la communauté de l'image de marque internationale.

Madame la présidente, comme vous le voyez, Loblaw réaffirme son engagement à l'égard de l'approvisionnement éthique et du maintien de la confection de vêtements dans la région. Dans des pays comme le Bangladesh, l'industrie du vêtement offre des possibilités sans précédent de responsabilisation économique, surtout pour les femmes. Des 4 millions et plus de travailleurs bangladais de l'industrie du vêtement, plus de 80 p. 100 sont des femmes. Comme l'a déclaré Heather Cruden, ancienne haut-commissaire au Bangladesh, ce secteur important et croissant est crucial pour l'économie bangladaise et est responsable d'une hausse considérable du nombre de femmes sur le marché du travail et de la responsabilisation économique dans ce pays.

Lorsque le Rana Plaza s'est effondré en avril 2013, Loblaw a pris des mesures immédiates pour participer aux efforts de secours et évaluer notre engagement à l'égard de l'approvisionnement éthique dans la région. Voici les mesures que nous avons prises à ce jour : nous avons versé 5 millions de dollars d'aide humanitaire au Bangladesh; nous avons établi des partenariats avec des ONG pour exécuter les programmes THRIVE et REVIVE; nous avons fait des démarches mesurables pour améliorer les normes en matière de construction et de sécurité dans les usines où sont produits les biens vendus dans nos magasins; nous avons maintenu notre engagement à l'égard de l'accord et du travail qu'il accomplit; nous avons procédé à des vérifications auprès de nos fournisseurs à l'étranger et des usines qu'ils utilisent pour fabriquer les biens qu'ils nous fournissent; et, dans les cas où le fournisseur ou l'usine n'a pas obtenu la cote, nous mettons immédiatement fin à notre collaboration ou nous leur donnons un sursis pour qu'ils puissent mettre à jour leurs installations au besoin.

Nous avons élargi notre engagement pour englober aussi les fournisseurs à l'étranger et les usines dans d'autres pays en développement d'où proviennent nos produits. Nous avons envoyé des personnes sur place et formé des équipes de conformité canadiennes dans des pays où nos fournisseurs fabriquent et obtiennent des produits afin de nous aider à faire en sorte que les vêtements soient produits d'une façon qui reflète les valeurs canadiennes. Pour réaliser des changements à long terme dans l'industrie du vêtement, il faut que tous les intervenants dans la région participent activement et continuellement en prenant des mesures chacun de leur côté et des engagements au sein de l'industrie en général.

Nous sommes résolus à apporter ce changement à long terme et sommes conscients du rôle qu'il peut jouer.

Merci de l'attention que vous m'avez accordée aujourd'hui et merci aussi de m'avoir invité à témoigner devant vous.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Chant. Nous allons maintenant passer à la période de questions.

J'ai une question pour vous, monsieur Chant. Je félicite Loblaw pour le leadership dont elle a fait preuve lorsque l'immeuble s'est effondré; si je ne m'abuse, je pense qu'elle a été la première à vraiment prendre position.

Vous avez dit qu'environ 10 millions de dollars sur 30 millions avaient été déboursés, mais nous croyons comprendre que bien des gens n'ont toujours pas été indemnisés. Pouvez-vous nous dire ce qui se passe et pourquoi, après toutes ces années, ils n'ont toujours pas touché d'indemnités?

M. Chant : Aussi décevant que cela puisse l'être, il a fallu tout ce temps pour atteindre la cible dont nous avions convenu, et quand je dis « dont nous avions convenu », je veux dire dont les organisations internationales du travail, les groupes professionnels locaux au Bangladesh, le gouvernement bangladais, l'industrie sur le terrain et les marques ont convenu pour collecter 30 millions de dollars. Il y a plus d'un an, Loblaw s'est engagée à verser 3,5 millions de dollars à ce fonds, ce qui représente — en pourcentage — une part bien plus importante du montant total que celle qui nous revenait, je suppose. En fait, il a fallu attendre le don d'un bailleur de fonds anonyme la semaine dernière pour atteindre notre cible.

Le fonds, géré par l'Organisation internationale du Travail, a versé des indemnités aux victimes au fur et à mesure qu'il a reçu du financement pour ce faire, mais il n'avait rien à offrir avant de recevoir des fonds. Nous n'avons pas encore tout reçu. Les 30 millions de dollars sont fournis sous forme de paiements en espèces, et nous avons honoré notre engagement il y a plus d'un an. La totalité des 30 millions de dollars n'est pas arrivée à la banque, pour ainsi dire, mais nous sommes convaincus que nous recevrons le plein montant sous peu.

La présidente : Avez-vous une idée du nombre de personnes qui ont été indemnisées et du nombre qui attendent de l'être?

M. Chant : Honnêtement, je ne connais pas le nombre exact de personnes qui ont été indemnisées. Je pense que les 3 000 personnes qui ont été identifiées ont reçu un paiement partiel, mais je ne veux pas l'affirmer en termes absolus. Voilà ce que je crois comprendre. Comme je l'ai mentionné, sur les 30 millions de dollars, le montant total qui a été versé à ce jour est d'environ 10 millions de dollars américains.

La présidente : Monsieur Iliopoulos, dans vos remarques liminaires, vous avez affirmé que vous versez des salaires supérieurs au minimum de l'industrie, ce que j'ai été ravie d'entendre. J'ai deux questions à ce sujet. Le salaire minimum est-il suffisant pour permettre aux employés de répondre à des besoins de base comme la nourriture et le logement?

M. Iliopoulos : Lorsque vous prenez les indemnités que nous versons à nos employés, la rémunération n'est qu'une partie de ce que nous leur offrons. Nous versons des salaires considérablement supérieurs au salaire minimum mais, au-delà de cela, en reconnaissance de leurs besoins, nous leur offrons divers autres avantages, y compris des repas subventionnés, le transport aller-retour entre la maison et le travail, et un accès complet à des cliniques médicales que nous avons installées dans chacune de nos usines et dans lesquelles travaillent des médecins et des infirmières aptes à traiter non seulement les blessures potentielles, mais aussi à offrir des soins de santé généraux et prénataux.

Nous finançons la formation et l'éducation permanente de nos employés. Nous envisageons la chose globalement lorsque nous examinons tous les avantages que nous offrons à nos employés pour ce qui est leur fournir ce dont ils ont besoin pour combler leurs besoins essentiels.

La présidente : Comme vous le savez, nous avons entendu un certain nombre de témoignages sur ce point et, si je ne m'abuse, un témoin a dit la semaine dernière que vos usines en Haïti ne respectent pas le salaire minimum. Pouvez-vous vous prononcer là-dessus?

M. Iliopoulos : Premièrement, je dois clarifier un point : nous n'avons pas d'activités de fabrication en Haïti. Nous faisons appel à des entrepreneurs tiers. Il y a eu beaucoup de débats au cours des deux dernières années concernant l'interprétation de la loi sur le salaire minimum en Haïti. Les dispositions du code du travail qui portent sur le salaire minimum font référence à un paiement à la fois de 200 gourdes par jour pendant une journée de travail de huit heures et de 300 gourdes par jour pendant une journée de travail de huit heures. Nous avons privilégié une approche proactive en novembre 2013 en obligeant les entrepreneurs tiers avec lesquels nous faisons affaire en Haïti à respecter un seuil plus élevé, à savoir le paiement de 300 gourdes par jour pour une journée de travail de huit heures. Nous en avons fait le suivi. Il est calculé à la pièce, alors il est, en gros, fondé sur des niveaux d'efficacité raisonnables. Nous avons travaillé en collaboration avec les principaux syndicats des travailleurs du vêtement dans le pays pour déterminer un taux d'efficacité raisonnable que toutes les parties jugeaient acceptable, dont nous avons convenu.

Ensuite, grosso modo, nous avons demandé à chacun de nos entrepreneurs tiers en Haïti de respecter ce taux de paiement à la pièce pour atteindre les 300 gourdes par jour. Nous avons fait un suivi avec des vérifications indépendantes pour veiller à ce qu'il y ait bien conformité; en fait, nous sommes allés plus loin : dans le cas d'un entrepreneur, nous avons facilité la signature d'un accord entre son installation et les syndicats pour respecter le paiement de 300 gourdes par jour, le taux à la pièce dont nous avions convenu avec les syndicats. Nous travaillons maintenant avec l'autre entrepreneur à en faire autant et nous continuerons de vérifier la conformité pour veiller à ce que les entrepreneurs respectent le taux à la pièce dont il a été convenu avec les syndicats.

La présidente : La parole est maintenant à la vice-présidente du comité.

La sénatrice Ataullahjan : Merci à vous deux pour vos exposés. Ma question s'adresse à vous deux. L'an dernier, Syed Sajjadur Rahman, qui est professeur à l'École de développement international et de mondialisation à l'Université d'Ottawa, a déclaré que la principale préoccupation des acheteurs étrangers est d'obtenir le produit au prix le plus bas possible. Si le Bangladesh ne peut pas l'offrir, un autre pays le fera.

Si le Bangladesh instaurait des normes plus élevées et des conditions de travail équitables, ce qui ferait augmenter les coûts, vos entreprises seraient-elles prêtes à garder les usines dans le pays même si le travail pouvait être fait à moindre coût ailleurs?

M. Iliopoulos : De notre point de vue, à titre de fabricant intégré verticalement, comme au Bangladesh, nous ne faisons pas affaire avec des entrepreneurs tiers. Nous avons nos propres installations sur le terrain là-bas. Nous avons privilégié une approche très proactive, et nous sommes d'avis que, quel que soit le pays dans lequel nous faisons des affaires, que ce soit au Honduras, en République dominicaine ou au Bangladesh, nous y exportons les valeurs canadiennes. Alors nous appliquons constamment les conditions de travail et les avantages que j'ai décrits dans mes remarques liminaires, que ce soit au Bangladesh, au Honduras ou en République dominicaine; le pays n'a pas d'importance. Comme je l'ai mentionné, pour nous, la responsabilité sociale des entreprises est un élément essentiel de la stratégie de gestion globale de l'entreprise, et nous ne ferions jamais de compromis lorsqu'il est question de la production et de la fabrication de nos produits. De notre point de vue, ce sera toujours un élément essentiel des activités de l'entreprise et de notre stratégie de gestion globale.

M. Chant : Madame la vice-présidente, c'est un plaisir de discuter avec vous une fois de plus. Je pense que vous savez qu'immédiatement après l'effondrement du Rana Plaza, nous avons décidé que nous étions déterminés à rester au Bangladesh, c'est-à-dire à garder ce pays comme source d'approvisionnement. Nous ne possédons pas nos propres usines dans le pays. Cependant, nous avons très rapidement compris que la pire chose que nous puissions probablement faire serait d'arrêter de nous approvisionner là-bas. L'incidence serait considérable, en particulier si l'industrie du vêtement tout entière devait s'effondrer à cause de décisions prises par diverses entreprises. Ce serait désastreux.

En fait, pendant ma visite là-bas, plusieurs semaines après le 24 avril, toutes les personnes à qui nous avons parlé — des plus hauts fonctionnaires aux fournisseurs locaux, aux propriétaires d'usines locales et aux travailleurs locaux — nous ont clairement indiqué, et maintes fois répété, qu'ils voulaient que nous restions au Bangladesh, alors nous nous sommes engagés à le faire. Nous avons, en outre, signé l'Accord sur les incendies et la sécurité des bâtiments au Bangladesh. Il ne s'agit pas d'un accord d'un mois ou d'une année, mais bien d'un accord quinquennal. C'est un engagement à long terme qui exige de nous que nous maintenions les mêmes volumes dans le pays qu'au moment de la tragédie.

Bien entendu, nous exigeons de tous nos fournisseurs et de toutes les usines qui produisent des biens pour nous de respecter notre code de conduite des fournisseurs, que nous estimons être très solide et contemporain. Selon nous, il reflète le niveau élevé approprié de respect des droits du travail et de la personne et, bien sûr, nous nous attendons à ce que tous nos fournisseurs s'y conforment, y compris en ce qui concerne les références au respect de la législation locale du travail.

Je suppose que je pourrais dire que, dans des limites raisonnables, s'il y avait des changements importants qui faisaient en sorte qu'une région, un pays ou un fournisseur en particulier ne soit plus concurrentiel face à d'autres administrations ou concurrents, nous en tiendrions compte, mais nous nous sommes engagés à continuer à nous approvisionner au Bangladesh.

La sénatrice Ataullahjan : Merci, monsieur Chant. C'est un plaisir de discuter avec vous une fois de plus.

Je félicite Loblaw d'agir dans ce dossier et d'indemniser les victimes, et je vous remercie aussi du soutien que vous offrez aux plus de 3 millions de travailleuses.

Pour ce qui est de la question de la sous-traitance, en faites-vous? Nous avons entendu dire que c'était la principale cause de problèmes.

M. Chant : Nous croyons aussi comprendre que c'est la principale cause de problèmes. Nous ne permettons la sous-traitance qu'avec autorisation. Si un fournisseur doit faire appel à une autre usine aux fins de sous-traitance, cette usine devrait faire partie de celles qui ont fait l'objet d'une vérification de notre part et que nous avons approuvées. Elle serait traitée comme toute autre usine qui figure sur notre liste d'usines approuvées. Nous ne tolérons aucunement les contrats de sous-traitance non autorisés.

La sénatrice Eaton : Merci à tous les deux. C'est un sujet très intéressant. Quelle a été la réaction du gouvernement bangladais à votre égard, monsieur Iliopoulos, étant donné que vous avez manifestement des normes très élevées de responsabilité sociale des entreprises? Vous êtes toujours très concurrentiel. Vous, monsieur Chant, vous fonctionnez d'une autre façon. Vous avez recours à la sous-traitance. Le gouvernement bangladais a-t-il dit à Loblaw : « Oui, et que recommandez-vous? Nous sommes très favorables aux changements que vous essayez d'instaurer? » Ont-ils pris la recherche de Gildan comme modèle, par exemple?

M. Iliopoulos : Comme je l'ai mentionné, de notre point de vue, notre modèle opérationnel consiste à exporter les valeurs canadiennes, quel que soit le pays dans lequel nous faisons des affaires. Nous percevons nos activités dans le pays — que ce soit au Honduras ou au Bangladesh ou quel que soit l'endroit ou le gouvernement avec lequel nous faisons affaire — comme une façon de rehausser la barre en ce qui touche les pratiques en matière de responsabilité sociale des entreprises et les pratiques environnementales. Nous n'allons pas en déroger. Nous ne modifierons pas...

La sénatrice Eaton : Mais le gouvernement bangladais a-t-il tenu compte de votre excellent modèle?

M. Iliopoulos : Nous n'avons pas entrepris de discussions importantes avec le gouvernement bangladais. Notre objectif est d'exercer nos activités selon les normes les plus élevées en matière de responsabilité sociale d'entreprise.

La sénatrice Eaton : Monsieur Chant, comment le gouvernement bangladais a-t-il réagi à ce que vous tentez de faire là-bas? A-t-il seulement réagi?

M. Chant : Il y a eu peu de réaction. Je dois dire que nos relations avec le haut-commissaire, qui est à Ottawa, ont été très utiles et très plaisantes. Lors de nos réunions avec le gouvernement du Bangladesh, nous avons rencontré personnellement le ministre du Travail et de la Justice. C'était il y a plus d'un an, et aussi avant cela.

À mon avis, il serait possible d'en faire plus sur le terrain, au Bangladesh, pour apporter des améliorations, mais je crois que l'association de l'industrie du vêtement, la BGMEA, et le gouvernement du Bangladesh fournissent de bons efforts afin qu'il y ait un nombre suffisant d'inspections et de vérifications et que l'on modernise et améliore les installations dans les usines là-bas.

La sénatrice Eaton : Monsieur Iliopoulos, vous avez parlé de l'accès en franchise de droits au Canada. Les États-Unis ont supprimé cet accès.

M. Iliopoulos : Les États-Unis n'ont jamais offert au Bangladesh un accès en franchise de droits pour les vêtements. Le programme du SGP offrait un accès en franchise de droits dans d'autres secteurs que celui du vêtement, dans d'autres industries. Très récemment, compte tenu du bilan médiocre du Bangladesh en matière de conditions de travail, les États-Unis ont retiré le pays de la liste du SGP.

La sénatrice Eaton : Si une compagnie n'a pas ses propres installations de fabrication, comme celle de M. Chant, qui sous-traite... Avez-vous tenté de convaincre le gouvernement canadien de supprimer cet accès en franchise de droits?

M. Iliopoulos : Au cours des dernières années, nous avons soulevé cette question auprès du gouvernement canadien et lui avons suggéré de s'en servir essentiellement comme moyen de rehausser les normes relatives à la RSE au pays. À ce jour, le Bangladesh bénéficie encore d'un accès en franchise de droits au Canada.

Ce que nous tentons de faire valoir, en utilisant l'exemple des États-Unis, où le Bangladesh n'a pas et n'a jamais eu d'accès en franchise de droits, c'est qu'ils se classent tout de même parmi les premiers sur le plan des importations de vêtements au pays. L'exemple des États-Unis illustre donc parfaitement que le Bangladesh n'a pas besoin d'un accès en franchise de droits pour que l'industrie soit prospère. Ce que nous voulons dire, c'est qu'on devrait s'en servir essentiellement pour rehausser les normes sur le plan de la RSE et responsabiliser davantage les fabricants locaux. Nous ne changerons pas notre façon de faire. Nous garderons notre façon de faire les choses au pays et nous continuerons de montrer la voie à suivre. Nous estimons que les gouvernements et le gouvernement canadien peuvent jouer un rôle afin d'améliorer les choses.

La sénatrice Eaton : Si vous avez d'autres recommandations à formuler, pourriez-vous les faire parvenir au président? Cela pourrait nous être utile pour notre rapport.

Monsieur Chant, avez-vous exercé des pressions auprès du gouvernement canadien afin qu'il supprime l'accès en franchise de droits?

M. Chant : Non. Nous estimons qu'il ne nous appartient pas de déterminer les mécanismes par lesquels le gouvernement du Canada offrirait des programmes d'aide sociale ou adopterait des politiques commerciales pour le pays. Cette décision revient entièrement à des personnes comme vous et au gouvernement. Nous n'avons pas vraiment d'opinion bien arrêtée sur ces questions. Toutefois, nous appliquons notre propre code de conduite des fournisseurs. Nous avons reconnu les lacunes de l'industrie en ce qui concerne l'intégrité des bâtiments, et il y a eu des changements. Nous avons modifié considérablement les normes dans l'industrie. Grâce à des outils comme l'Accord sur les incendies et la sécurité des bâtiments au Bangladesh, je crois que nous réalisons les progrès nécessaires. Les décisions en matière de politiques commerciales et de prestation de programmes d'aide appartiennent au gouvernement, selon nous.

La sénatrice Eaton : Je trouve surprenant que vous me disiez que le gouvernement bangladais ne réagit pas de façon proactive à ce que vous tentez de faire dans le pays et que, d'un autre côté, vous ne traitez pas avec le gouvernement bangladais et que vous ne tentez pas d'avoir plus de latitude, de convaincre le gouvernement canadien de peut-être appliquer un peu de pression. Quoi qu'il en soit, vous avez vos politiques, et c'est bien ainsi. Merci beaucoup.

La sénatrice Hubley : Soyez les bienvenus. Je vous remercie de vos exposés aujourd'hui. Ma question s'adresse à M. Iliopoulos. Sur le site de Gildan, on indique que la société s'est fixé comme objectif de visiter la totalité de ses installations de fabrication, y compris celles de ses sous-traitants, au moins une fois tous les 18 mois. On indique également qu'en 2013, 91 p. 100 de vos installations de fabrication ont été visitées au moins une fois par les vérificateurs internes de Gildan ou par des vérificateurs externes engagés par Gildan, et que les installations n'ayant pas encore été visitées le seraient avant la fin du deuxième trimestre de 2014. Pourriez-vous me dire si on l'a fait? Qui sont les vérificateurs externes? Comment sont-ils choisis?

M. Iliopoulos : Oui, je peux vous confirmer que cela a été fait. Notre politique consiste à effectuer nos vérifications tous les 18 mois. Nous nous efforçons de le faire annuellement, une fois par an, comme l'indique le pourcentage que vous avez mentionné, soit 91 p. 100. Oui, je peux vous confirmer que le reste a été vérifié dans un délai de six mois après la fin de l'année, et nous continuons de le faire. Nous publierons très bientôt notre rapport de 2014 sur la responsabilité sociale de l'entreprise; vous verrez des résultats similaires, et nous continuerons de respecter cette politique.

En ce qui a trait aux vérifications externes, elles sont effectuées par divers groupes. Nous avons notre équipe interne de conformité sociale qui présente ses rapports au siège social de notre entreprise, à Montréal. Ces personnes effectuent des vérifications externes et indépendantes dans toutes nos installations et dans les installations des sous-traitants. Ces vérifications sont faites sans préavis; les installations locales de fabrication ne savent pas à quel moment l'équipe de conformité sociale se présentera pour effectuer une vérification. Nous utilisons la même méthode en ce qui concerne nos sous-traitants. Nous avons également recours à des spécialistes dans ce domaine, qui nous aident à effectuer les vérifications dans les installations des sous-traitants. Ce sont des organisations spécialisées dans le domaine de la conformité sociale qui nous aident à effectuer les vérifications.

En plus de cela, nos clients, comme Wal-Mart, Nike ou Adidas, effectuent aussi leurs propres vérifications de nos installations. Ils envoient leurs équipes de conformité sociale, malgré le fait que nous effectuons notre propre surveillance de la conformité sociale. Ils envoient leurs équipes de conformité sociale pour faire leurs propres vérifications.

Des organismes tiers collaborent également. J'ai mentionné que nous sommes le premier fabricant de vêtements verticalement intégré à être accrédité par la Fair Labor Association. Dans le cadre de son programme d'accréditation, la FLA effectue également ses propres vérifications des installations de ses membres accrédités; voilà donc un exemple. Le WRAP est un autre organisme qui effectue des vérifications avant d'accorder sa certification. Diverses vérifications sont effectuées régulièrement dans nos installations.

La sénatrice Hubley : Les résultats de la vérification de 2013 sont présentés sur votre site web, bien qu'il manque des détails concernant les installations des entrepreneurs. Il y a eu 535 non-conformités, dont 31 étaient majeures, 230 étaient modérées et 274 étaient mineures. Quels types de problèmes ont été détectés, et comment les avez-vous réglés?

M. Iliopoulos : Ils variaient beaucoup. D'abord, il est important de comprendre que la majorité de notre production provient des installations appartenant à Gildan. Les sous-traitants à qui nous faisons appel ne représentent qu'une très petite proportion de la capacité totale de production de la compagnie.

Pour ce qui est des constatations sur la conformité, il pourrait s'agir de la tenue de documents relatifs à la rémunération. Il pourrait s'agir de diverses questions liées à la santé et à la sécurité, ainsi qu'à l'environnement. À la suite de la vérification, nous mettons immédiatement en place les mesures correctives appropriées en fonction des constatations faites dans chaque installation. En collaboration avec l'usine de fabrication locale, ou avec le sous-traitant, nous effectuons une vérification de suivi pour nous assurer que des mesures de correction adéquates ont été prises. Nous ne nous contentons pas d'accepter que l'usine locale nous dise avoir corrigé les problèmes détectés. La même équipe indépendante retournera effectuer une vérification de suivi pour s'assurer que toutes les mesures correctives adéquates ont été prises, et qu'elles respectent notre code de conduite rigoureux. Grâce à ce type de suivi, en continuant de vérifier nos installations chaque année, nous pouvons tenir compte des constatations relatives aux vérifications antérieures afin de nous assurer que l'on continue d'appliquer les mesures correctives.

La sénatrice Nancy Ruth : Pour quelle raison faites-vous appel à des sous-traitants?

M. Iliopoulos : Bien souvent, nous faisons appel à un sous-traitant pour certains de nos produits spécialisés, parce que nous n'avons pas l'expertise nécessaire dans notre installation. Je vais vous donner un exemple. Nous possédons la marque Gold Toe et nous fabriquons également des chaussettes habillées. Nous faisons appel à des sous-traitants pour fabriquer une bonne partie de ces produits. Néanmoins, nous appliquons le même code de conduite dans les installations de nos sous-traitants que dans nos propres installations, et nous nous attendons à ce que les sous-traitants respectent les normes qui doivent être respectées dans nos propres installations de fabrication.

La sénatrice Nancy Ruth : Pourriez-vous m'aider à comprendre? Au Bangladesh, par exemple, où j'ai visité votre usine, qui m'a impressionnée, comment se fait-il qu'une fabrique comme le Rana Plaza pouvait encore, je présume, vendre à des prix inférieurs aux vôtres? J'ignore si c'est vrai, mais comment se fait-il que les petites entreprises qui font de la sous-traitance pour Loblaw, ou n'importe qui d'autre, puissent tout de même faire des profits, abuser des travailleurs, alors qu'il y a de multiples fournisseurs comme Loblaw qui achètent vos divers produits en gros ou au détail? Vous ne fabriquez pas toute la gamme des articles Joe Fresh, mais vous fabriquez les t-shirts, entre autres.

Comment se fait-il que tout le monde fasse de l'argent? Les petits sous-traitants... En fait, ils sont petits et vous êtes énorme, mais à part cela, pourquoi les normes ne peuvent-elles pas être plus uniformes? Vous êtes un modèle pour l'industrie.

M. Iliopoulos : Je ne peux parler de la rentabilité des autres sous-traitants de la région et de la façon dont ils font des profits, mais je peux vous dire que nous estimons être concurrentiels à l'échelle mondiale sur le plan des coûts grâce à la manière dont nous avons établi notre chaîne d'approvisionnement. Nous sommes en affaires depuis 1984, année où la société a été constituée en personne morale, et nous mettons beaucoup l'accent sur nos pratiques en matière de RSE. Nous avons tiré parti de notre expérience au Honduras, par exemple, depuis plus de 10 ans, pour mettre sur pied un solide programme de conformité sociale, et nous l'avons utilisé comme modèle au Bangladesh.

Nous estimons être un fabricant à grand volume et verticalement intégré qui peut offrir des prix compétitifs et dont les produits peuvent rivaliser avec n'importe quels vêtements importés dans le monde. Essentiellement, nous croyons que notre modèle fonctionne. Nous croyons qu'en ce qui concerne la responsabilité sociale des entreprises, il ne devrait pas être acceptable de faire les choses à moitié lors de la fabrication d'un produit; c'est pourquoi nous mettons l'accent sur notre programme de RSE.

La sénatrice Nancy Ruth : Monsieur Chant, pourquoi Loblaw n'achèterait-il pas certains produits de Gildan afin d'éviter de faire appel à des sous-traitants qui ont notamment des pratiques de travail et des normes de construction différentes?

M. Chant : Sénatrice Nancy Ruth, je veux être bien clair : nous ne nous approvisionnons pas auprès de sous-traitants non autorisés. Nous ne le faisons pas. Nous ne concluons pas de contrat avec ceux qui ne respectent pas nos normes élevées. Nous effectuons des vérifications dans toutes nos usines, ou toutes les usines dans lesquelles nous nous approvisionnons directement.

Je ne sais pas pourquoi nous nous approvisionnons auprès de ces usines et pas ailleurs. Les fournisseurs des produits respectent notre code de conduite des fournisseurs ainsi que nos normes très rigoureuses et très élevées.

Je ne suis pas d'accord lorsque vous laissez entendre que nous nous approvisionnons auprès de sous-traitants qui ne respectent pas ces normes.

La sénatrice Andreychuk : Je remercie les deux témoins de leur présence.

Il y a un élément dont nous n'avons pas discuté. Au Comité des affaires étrangères et du commerce international, nous avons entendu le représentant de Gildan au sujet de l'accord commercial avec le Honduras, et nous surveillons les débouchés commerciaux. Pratiquement toutes les sociétés et les entreprises qui comparaissent au comité affirment vouloir travailler dans un environnement sûr; par conséquent, elles évaluent les risques, au point où, de plus en plus, elles nous disent tenir compte des facteurs liés aux droits de la personne, aux conditions de travail, et cetera, en partie parce qu'il y a beaucoup de transparence et de surveillance, mais aussi parce que les gens soulèvent ces questions dans leur propre pays et ailleurs.

Ma question s'adresse aux deux témoins. Comment évaluez-vous, non pas au-delà de votre responsabilité sociale, mais dans l'entreprise commerciale... Comment déterminez-vous s'il s'agit d'un pays dans lequel vous voulez travailler? Je me rappelle le témoignage de Gildan; vous aviez mentionné que le Honduras n'était pas un endroit sûr pour faire des affaires jusqu'à ce qu'il semble y avoir un revirement au gouvernement et qu'on déploie des efforts afin de s'attaquer à certains problèmes; vous vous étiez alors sentis suffisamment à l'aise pour aller dans ce pays. Comment déterminez-vous, au-delà de la responsabilité de l'entreprise, à quel endroit vous irez vous installer?

M. Iliopoulos : De notre point de vue, la sécurité est tout aussi importante que la responsabilité sociale de l'entreprise. Nos employés sont notre atout le plus précieux. Nous faisons des investissements considérables afin d'assurer des conditions de travail sécuritaires dans les pays où nous sommes installés, que ce soit au Honduras, au Bangladesh, en République dominicaine ou ailleurs.

C'est l'un des nombreux facteurs dont nous tenons compte. Nous avons des activités importantes au Honduras, où la main-d'œuvre est très compétente et qualifiée.

La proximité des marchés est également très importante pour nous. Le Canada et les États-Unis sont deux de nos principaux marchés. Nous estimons que la proximité des marchés est aussi très importante sur le plan du réapprovisionnement et des services à nos clients. Notre approche consiste essentiellement à faire des investissements importants afin que les conditions de travail soient sécuritaires.

Au Honduras, par exemple, nous avons des guichets automatiques à l'intérieur de notre usine afin que les employés puissent retirer de l'argent dans un endroit sûr, plutôt que dans des endroits peu sûrs. C'est une autre raison importante pour laquelle nous offrons des services de transport à nos employés pour se rendre au travail et en revenir; nous allons les chercher dans un endroit sûr, nous les conduisons à l'usine, puis nous les déposons dans un endroit sûr.

C'est certainement un aspect important. Il ne fait aucun doute que c'est un élément auquel nous consacrons beaucoup d'attention et d'investissements.

M. Chant : Pour ce qui est de Loblaw, comme on l'a mentionné, nous n'avons pas d'usines dans ces pays; nous ne détenons pas de participation dans les usines de ces pays. Nous déterminons où nous voulons nous approvisionner en fonction d'un large éventail de facteurs, mais je dirais que nous avons plusieurs sources de renseignements sur la sécurité et la crédibilité des fournisseurs et des usines avec lesquels nous traitons.

Nous sommes de plus en plus satisfaits du processus de vérification que nous avons mis en place. Notre organisation responsable de la vérification par une tierce partie est Intertek, qui est un chef de file reconnu mondialement dans le domaine et qui nous fournit également des conseils. La sécurité de nos employés et des travailleurs dans les usines qui nous fournissent des services a, à notre avis, augmenté, et nous sommes largement satisfaits du processus de vérification que nous avons mis en place.

La sénatrice Andreychuk : Monsieur Chant, la presse a certainement fait état de la lenteur du gouvernement du Bangladesh à s'atteler à ces enjeux. Ce n'est que lorsque la communauté internationale s'intéresse au dossier que le gouvernement réagit — du moins de notre point de vue —, notamment en portant des accusations au criminel.

Y a-t-il des pays dans lesquels vous ne vous installerez pas et auprès desquels vous ne ferez pas d'achat, ou bien prenez-vous votre décision uniquement en fonction des facteurs que vous nous avez signalés? En d'autres termes, portez-vous un jugement moral sur un pays et la façon dont il est gouverné?

M. Chant : Oui, nous le faisons. Dans nos décisions, nous tenons compte des conseils que nous fournit le gouvernement canadien. Les pays dans lesquels nous nous approvisionnons sont relativement peu nombreux. Ils comprennent évidemment les États-Unis et le Mexique, mais aussi, comme je l'ai mentionné, des pays comme l'Inde, le Vietnam, le Bangladesh l'Indonésie et la Chine, autant de pays avec lesquels le Canada a des échanges commerciaux et auprès desquels nous sommes à l'aise de nous approvisionner.

Le sénateur Enverga : Merci de vos exposés, messieurs.

Lorsque vous traitez avec un pays donné, quelles sont les conditions de travail minimales que vous exigez des entreprises avec lesquelles vous faites affaire? Avez-vous des conditions de travail minimales ou bien ces conditions sont-elles les mêmes d'un pays à l'autre?

M. Iliopoulos : En ce qui nous concerne, nous sommes propriétaires de la vaste majorité des usines de sorte que les normes que nous mettons en place sont les mêmes d'un pays à l'autre. Les conditions de travail dont je vous ai parlé, à savoir des salaires considérablement plus élevés que le salaire minimum de l'industrie, les dispensaires en usine où travaillent des médecins et des infirmières, le transport des employés, les repas subventionnés, la formation et l'aide financière pour l'éducation, tous ces services sont offerts partout, que ce soit au Bangladesh, au Honduras ou en République dominicaine. Quel que soit le pays dans lequel nous opérons, nous appliquons dans toutes nos usines la norme mise en place dans une perspective de responsabilité sociale des entreprises. C'est un élément critique de notre stratégie d'affaires.

M. Chant : Les critères que nous appliquons à toutes les usines auprès desquelles s'approvisionnent nos vendeurs sont clairement définis dans notre code de conduite du fournisseur. Ces critères portent sur des points fondamentaux tels que l'interdiction du travail des enfants. L'emploi doit être accepté librement, ce qui peut paraître évident pour vous et moi, mais qui n'est pas toujours respecté. Nous l'exigeons donc. Par ailleurs, la discrimination, les mauvais traitements et le harcèlement sont interdits, et les travailleurs doivent être autorisés à se réunir librement pour discuter de tous les sujets de leur choix. Évidemment, les lois locales concernant l'emploi doivent être respectées. Les heures de travail ne peuvent être excessives. Un salaire raisonnable doit être versé en fonction du salaire minimum fixé par le gouvernement des divers pays où nous nous approvisionnons. Les conditions de travail doivent être sécuritaires et les normes d'éthique respectées.

C'est en fonction de notre code de conduite que nous déterminons si une usine est digne de faire partie de nos fournisseurs.

Le sénateur Enverga : Monsieur Chant, lorsque vous parlez de la liberté de réunion, cela veut-il dire que vous acceptez les organisations syndicales dans vos usines?

M. Chant : Oui, en fait, sous la rubrique « La liberté de réunion doit être respectée », on stipule que les travailleurs ou leurs représentants doivent être autorisés à se réunir et à négocier collectivement. Les activités que les ouvriers mènent par rapport à leurs droits et à leurs intérêts, y compris les réunions et la négociation collective, doivent être autorisées sur les lieux de travail.

Le sénateur Enverga : Est-ce la même chose pour votre entreprise?

M. Iliopoulos : Absolument. De notre point de vue, la liberté de réunion est un élément fondamental de notre code de conduite. Dans nos usines aujourd'hui, environ 10 000 employés sont actuellement syndiqués et travaillent aux termes d'une convention collective. Onze mille autres sont représentés par des syndicats. Quand on compare les avantages sociaux et les conditions de travail que nous offrons aux employés syndiqués par rapport à ceux qui ne le sont pas, on constate qu'ils sont uniformes.

La sénatrice Hubley : On a répondu à ma question.

La sénatrice Ataullahjan : Monsieur Chant, vous venez de dire que vous ne tolérez absolument pas les usines qui ne répondent pas aux normes. Mais comment agréez-vous les sous-traitants? Qui les vérifie et quel est le processus en place? Pouvez-vous élaborer à ce sujet?

M. Chant : Il incomberait à notre vendeur de faire une demande d'autorisation auprès de nous. De notre côté, nous prendrions connaissance des détails qui ont abouti à cette démarche. On ordonnerait ensuite une enquête dont les résultats seraient examinés avant que l'usine ne puisse être agréée.

La sénatrice Ataullahjan : Qui procéderait à la vérification? Quelqu'un de votre choix?

M. Chant : Nous avons une entreprise responsable de la vérification par une tierce partie, la société de réputation mondiale Intertek, qui travaille pour de nombreuses entreprises du vêtement. Elle s'occupe des vérifications en notre nom, vérifications auxquelles est associé le personnel sur place. Si les résultats de la vérification sont concluants, l'autorisation est accordée. S'il faut apporter des correctifs ou des améliorations, notre personnel local travaillera avec les propriétaires de l'usine pour s'assurer qu'ils soient apportés avant que l'on n'autorise le démarrage de la production et avant qu'un ordre d'achat ne soit émis.

La présidente : J'ai une question à vous poser, monsieur Chant. Je me demande pourquoi Loblaw a-t-elle décidé de se joindre à l'Alliance for Bangladesh Worker Safety plutôt qu'à l'Accord on Fire and Building Safety.

M. Chant : Je ne veux pas vous contredire, madame la présidente, mais nous nous sommes joints à l'Accord on Fire and Building Safety in Bangladesh et non à l'Alliance for Bangladesh Worker Safety. Nous avons signé cet accord parce que c'est lui qui, à notre avis, protège le mieux les droits des travailleurs.

J'ai mentionné dans mes remarques liminaires que les signataires doivent s'assurer que les travailleurs soient indemnisés pendant les réparations ou les mises à niveau d'usine, quelles qu'elles soient, qui nécessitent le déplacement des ouvriers. Les responsables de la marque, les vendeurs et les propriétaires de l'usine ont l'obligation de s'assurer que les travailleurs ne sont pas tout simplement mis à pied pendant les rénovations. C'est pour cette raison particulièrement importante que nous avons signé l'Accord on Fire and Building Safety in Bangladesh, qui stipule cette mesure.

Si vous me le permettez, madame la présidente, j'aimerais signaler que nous sommes le plus grand employeur du secteur privé au Canada, avec plus de 100 000 employés syndiqués. Nous en sommes très fiers et nous ne voudrions pas décevoir notre main-d'œuvre — nos collègues. Voilà pourquoi nous estimons essentielle la partie de notre code de conduite du fournisseur qui traite de la liberté de réunion et de la négociation collective.

La présidente : Merci beaucoup et merci de votre exposé, monsieur Chant. Vous faites certainement preuve de leadership dans ce domaine. Nous vous en sommes reconnaissants et nous nous réjouissons à la perspective de collaborer de nouveau avec vous, puisque cette étude se poursuivra à la prochaine session parlementaire. Merci.

Nous tenons à vous remercier, monsieur Iliopoulos. Comme l'a indiqué la sénatrice Nancy Ruth, elle et moi avons visité votre usine de fabrication de Dhaka, qui nous a beaucoup impressionnées.

Nous vous remercions tous les deux et espérons que vous continuerez de collaborer avec nous dans cette étude.

Nous allons maintenant, chers collègues, entendre notre prochain témoin. Je suis ravie d'accueillir Syed Sajjadur Rahman, professionnel en résidence, École de développement international et de mondialisation, Université d'Ottawa, et associé principal, Universalia, Montréal. Il a également travaillé pendant plus de 20 ans à l'ACDI.

Nous sommes réellement heureux d'accueillir aujourd'hui M. Rahman. Pour tout le comité, c'est quelqu'un dont nous aimons beaucoup entendre les témoignages. Il nous consacre beaucoup de temps et nous nous réjouissons toujours à la perspective d'entendre ses observations éclairées.

Bienvenue, monsieur Rahman. Nous sommes heureux que vous soyez de nouveau parmi nous. Je crois comprendre que vous avez une allocution liminaire à faire.

Syed Sajjadur Rahman, professionnel en résidence, École de développement international et de mondialisation, Université d'Ottawa, et associé principal, Universalia, Montréal, à titre personnel : Madame la présidente, distingués sénateurs et sénatrices, merci de m'avoir invité de nouveau à comparaître devant votre comité.

Ce sujet suscite un vif intérêt au Canada et dans le monde, et il m'intéresse tout particulièrement. C'est bien d'être présent sur la colline en même temps que Bono, car cela montre que les gens se soucient du développement international. En tout cas, c'est bien pour moi, qui ai étudié toute ma vie le développement international. Pendant 21 ans, j'ai surtout occupé des postes de cadre à l'ACDI. Je suis par ailleurs professionnel en résidence à l'École de développement international et de mondialisation de l'Université d'Ottawa. Je suis moi-même originaire du Bangladesh.

Avant de commencer, je tiens à dire que je ne suis pas un homme d'affaires. Je ne représente ni Loblaw, ni Gildan, ni aucun autre intérêt d'ailleurs. Mes remarques découlent essentiellement de mes observations au Bangladesh et dans d'autres pays, et de mon point de vue sur la situation des travailleurs du vêtement et sur les responsabilités sociales de l'entreprise.

Je commencerai par une déclaration très générale. Toute entreprise humaine a pour but d'améliorer de façon durable la qualité de vie de tous les peuples du monde. Puisque la majorité de l'humanité travaille pour vivre, il est logique que les améliorations concernent un milieu de travail sécuritaire et satisfaisant.

Nous traitons aujourd'hui un aspect particulier de ce grand principe. Comment pouvons-nous améliorer la vie des travailleurs du vêtement et qui doit s'en charger? En particulier, quel rôle les sociétés doivent jouer à cet égard?

Je résumerai rapidement quatre aspects du dossier. Premièrement, pourquoi avons-nous ce débat? Deuxièmement, quelles sont les parties prenantes à une solution? Troisièmement, quelles responsabilités doivent-elles assumer? Est-ce que la responsabilité sociale des entreprises s'inscrit dans une solution durable? Et finalement, je veux parler du concept des responsabilités collectives. Nous aurons ensuite une discussion, qui est la partie que j'apprécie le plus.

Pourquoi donc continuons-nous à débattre de cette question? Parce qu'il y a deux ans, l'immeuble Rana Plaza, qui abritait plusieurs usines de vêtements au Bangladesh, s'est effondré, causant la mort de plus de 1 100 ouvriers et de très nombreux blessés. Les ouvriers ont été forcés de venir au travail et sont morts dans des circonstances dangereuses flagrantes. L'appât du gain et l'avarice ont fait fi de la vie des gens.

Malheureusement, le Bangladesh n'est pas le seul pays où les droits et la sécurité des travailleurs sont compromis, mis à mal et ignorés. Ce scénario se voit partout. La question est de savoir ce que l'on peut faire pour prévenir des incidents comme celui du Rana Plaza.

Ce qui m'amène à mon deuxième point. Quelles sont les parties prenantes à une solution? La première, ce sont nous, les consommateurs. Nous voulons les meilleurs produits, qu'il s'agisse de chemises, de jeans et de T-shirts, au prix le plus bas possible. Les détaillants comme Loblaws et autres, qui rivalisent entre eux pour avoir notre argent, cherchent à se surpasser pour trouver ceux qui pourront leur fournir ces produits au plus bas prix. Dans l'industrie du vêtement, ces producteurs sont le plus souvent situés au Bangladesh ou dans des pays semblables.

Au sein de l'industrie, il y a les ouvriers et les propriétaires. Les industries sont réglementées, on l'espère, par les gouvernements nationaux, s'agissant des processus de production et par le gouvernement du Canada et d'autres pays importateurs, s'agissant des exportations. Six groupes interviennent dans le processus : les consommateurs, les détaillants, les propriétaires d'usine, les travailleurs et les deux gouvernements.

J'en arrive à un troisième point. Que doit faire chacun de ces groupes pour trouver des solutions durables afin d'améliorer les conditions de travail des ouvriers du vêtement?

Premier point à examiner, nous, les consommateurs, sommes-nous prêts à payer des prix plus élevés pour couvrir l'augmentation des coûts occasionnée par l'amélioration des conditions de travail. Les solutions de type commerce équitable — j'ai vu, en lisant les transcriptions, qu'on avait abordé le sujet — sont toutes fondées sur cette hypothèse et bien intentionnées. Elles ne représentent toutefois qu'une infime partie des échanges mondiaux. Elles ne participent donc pas d'un courant dominant et ne sont pas durables.

Les études qui ont été menées à ce sujet montrent que les avantages de ces types d'arrangement ne profitent souvent pas aux travailleurs. Je serai heureux de répondre à vos questions à ce sujet.

Finalement, et c'est triste à dire, mais c'est vrai, nous, les consommateurs, sommes égoïstes. C'est plus fort que nous, nous cherchons les aubaines, qui sont la norme dans le système commercial.

Le deuxième groupe dont je veux parler est les gouvernements dont le rôle est clair. Ils doivent s'assurer que les règles et les normes appropriées sont en place s'agissant des droits et de la sécurité des travailleurs, et vérifier à deux fois qu'elles sont mises en œuvre. Si les pays en développement n'ont pas les capacités d'encadrer et de mettre en œuvre ces règles et ces normes, des pays comme le Canada peuvent les aider à les bâtir.

Le Canada devrait-il imposer des mesures punitives si les usines de production ne sont pas aux normes? J'ai déjà fait valoir au comité que cela empirerait la situation. Un embargo imposé, par exemple, sur les exportations de vêtements du Bangladesh, fera du tort aux travailleurs pauvres, surtout les femmes.

Venons-en aux industries, à savoir les détaillants d'ici et les producteurs du Bangladesh et d'autres pays. Le comportement primaire de ces groupes vise la maximisation du profit, mais sur quelle durée et assortie de quelles obligations sociales?

C'est là qu'intervient la responsabilité sociale des entreprises, ou RSE que l'on définit comme les activités menées volontairement par une entreprise pour opérer de façon durable aux plans économique, social et environnemental. J'insiste sur le mot « volontairement » qui laisse entendre que l'entreprise est prête à rendre compte à une plus large gamme de parties prenantes que les simples actionnaires et investisseurs. Cette attitude pourrait découler de groupes comme les collectivités, les investisseurs et les organisations militantes qui exigent que les sociétés rendent davantage de comptes. Il est établi que des consommateurs qui ont une certaine conscience sociale récompensent ou punissent des entreprises selon le rendement social perçu de leur part.

Deuxièmement, l'évaluation du rendement d'une entreprise de la part des investisseurs peut porter sur des considérations éthiques. Troisièmement, il y a le souci de la réputation. Certaines entreprises instaurent des codes de conduite destinés à leurs fournisseurs — comme en a parlé le représentant de Loblaws — pour protéger leur réputation.

Mais la pratique de la RSE doit être envisagée dans le contexte de la maximisation des profits. Plus l'horizon est lointain, plus les producteurs et les détaillants seront enclins à tenir compte de considérations autres que purement financières. Une industrie stable suppose une main-d'œuvre stable et un milieu de travail sécuritaire. Malheureusement, l'industrie du vêtement est volatile et particulièrement sensible à des variations marginales des coûts. Une augmentation de 10 centimes du coût de production d'une chemise peut amener un détaillant à s'approvisionner ailleurs. À moins de pressions fortes — et j'insiste sur le mot « fortes » — les propriétaires seront très peu enclins à mettre en œuvre des concepts comme la RSE.

Les données universitaires au sujet de l'incidence de la RSE sur les conditions de travail sont ambivalentes. Des organismes tels que le ministère du Développement international du Royaume-Uni ont soutenu que l'application de pratiques socialement responsables rendrait la croissance générée par le secteur privé plus inclusive, plus équitable et plus apte à réduire la pauvreté.

Certains ont toutefois contesté cette affirmation en citant un manque de données empiriques, l'absence d'une véritable analyse de rentabilisation au sujet de la responsabilité sociale des entreprises ainsi que des questions de gouvernance non résolues. D'autres soutiennent que le programme existant de RSE ne convient pas pour atteindre des objectifs en matière de développement.

Pour terminer, permettez-moi de parler du concept de responsabilité collective. Selon ce que j'ai observé, sans les pressions extérieures exercées par des organisations de la société civile, et en l'absence de mouvements ouvriers efficaces et d'une représentation convenable des collectivités locales, il est peu probable que les entreprises appliquent elles-mêmes la RSE. Toutefois, ce qui compte le plus, c'est l'impulsion donnée par les gouvernements au moyen de l'application de règles et de règlements qui garantissent la sécurité en milieu de travail.

Je ne cherche pas à critiquer le comportement des entreprises. Tout comme nous — les consommateurs —, les entreprises tentent d'obtenir le meilleur rapport qualité-prix.

Comme Michael Porter et Mark Kramer l'ont dit dans le Harvard Business Review de décembre 2006, « les sociétés ne sont pas responsables de tous les problèmes du monde, et elles n'ont pas les ressources nécessaires pour tous les régler [...] une entreprise bien gérée [...] peut avoir une plus grande incidence sur le bien collectif que n'importe quelle institution ou organisation philanthropique. »

Je souscris à cette opinion. Les appels en faveur de la RSE ne devraient pas détourner l'attention des responsabilités de l'État. Les gouvernements des pays en développement doivent assumer une plus grande part de responsabilités pour garantir que les travailleurs puissent avoir un milieu de travail sûr et satisfaisant. Nous devrions les aider s'ils n'ont pas la capacité nécessaire, et nous devrions insister pour que ce genre de règles soit mis en place.

J'aimerais terminer en parlant du concept de responsabilité collective. Il incombe aux six acteurs dont j'ai parlé plus tôt de voir à ce que les travailleurs aient un bon milieu de travail. Tout commence avec les consommateurs qui devraient être disposés à payer un prix plus élevé. Les industries devraient profiter de ce prix plus élevé pour offrir de meilleurs salaires et de meilleurs milieux de travail, tandis que le gouvernement devrait s'assurer que c'est ce qu'elles font et que le bien-être des travailleurs est garanti.

C'est ce que j'entends par responsabilité collective. Comme le disaient les trois mousquetaires, pour ceux qui connaissent l'expression : « Un pour tous et tous pour un. »

Merci. J'attends la discussion avec impatience.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Rahman, de nous donner encore une fois de votre temps.

J'ai une question pour vous. L'un des problèmes du Bangladesh, c'est qu'une légère hausse des prix se traduit toujours par la crainte que l'industrie du vêtement s'installe dans un autre pays. Ceux d'entre nous qui se soucient du Bangladesh et de la situation des femmes qui y vivent ne veulent évidemment pas qu'elles se retrouvent sans emploi. J'ai beaucoup de difficulté à déterminer quel rôle devrait jouer le Canada pour améliorer la vie et la sécurité de ces femmes qui travaillent pour notre confort.

M. Rahman : Voulez-vous que je réponde maintenant?

La présidente : Oui, s'il vous plaît.

M. Rahman : Je suis conscient que votre question vise surtout les femmes, mais la réponse s'applique à tous les travailleurs, quoique les femmes soient particulièrement concernées étant donné que l'industrie du vêtement au Bangladesh représente une grande source d'indépendance pour elles; cela ne fait aucun doute.

Je vais essayer de répondre à l'aide d'un exemple. Au Canada, demanderiez-vous à l'association des restaurateurs de s'autoréglementer? Ne voudriez-vous pas que des inspecteurs en santé publique se rendent dans les restaurants pour s'assurer que des normes adéquates y sont appliquées? Si c'est le cas, nous devrions appliquer la même règle partout. Il incombe au gouvernement du Bangladesh de s'assurer que des normes adéquates sont en place. Voici la question qu'il faut poser : premièrement, avons-nous la capacité, et deuxièmement, avons-nous la volonté?

À propos de la capacité, il ne fait aucun doute que le Canada peut aider, car il applique depuis longtemps des règlements conçus pour assurer le bien-être collectif, que ce soit dans l'industrie ou ailleurs. Le Canada peut sans aucun doute offrir de l'aide en matière de normalisation, d'amélioration des milieux de travail et ainsi de suite.

La seule réserve que j'ai à ce sujet, c'est ce que cela ne devrait pas être fait à grande échelle. Je suis vieux jeu quand il s'agit d'accorder de l'aide. Il ne faudrait pas se contenter de donner l'argent. Nous ne devrions pas dire : « Voici 10 millions de dollars; à vous de déterminer comment faire mieux. » Il faudrait que cela soit en échange, si vous voulez, de services rendus, car, après tout, nous aiderons des entreprises. C'est la première chose. Il ne fait aucun doute que le Canada peut aider à établir les normes, mais la deuxième chose, la question cruciale, est de savoir si le gouvernement du Bangladesh est prêt à imposer, à mettre en œuvre ou à appliquer les normes. C'est une question politique plus complexe et, dans ce cas-ci, la réponse se trouve à l'extérieur du Canada. Il n'est jamais arrivé que des intervenants externes soient en mesure de procéder dans un pays à des réformes fondamentales en matière de gouvernance. Il faut que ce soit le pays même qui veuille procéder ainsi. La question est donc de savoir si le Bangladesh est disposé à agir ainsi ou, espérons-le, s'il le sera bientôt. La réponse est probablement affirmative, notamment parce que le propriétaire du Rana Plaza a été condamné à mort compte tenu de son rôle dans l'incident tragique qui s'est produit. Donc, avec le temps, dans le cadre d'un processus démocratique, la reddition de comptes verra le jour. Lorsqu'on regarde l'histoire du monde et de l'ensemble des sociétés démocratiques, on constate que c'est toujours ainsi que cela se produit.

Combien de temps faudra-t-il attendre? Nous pouvons revenir à la révolution industrielle et aux enfants astreints au travail en Angleterre. Combien de temps aura-t-il fallu attendre avant que cette pratique soit abolie?

Pour répondre à votre question, madame la sénatrice, le gouvernement du Canada, en association avec d'autres Canadiens, peut aider à renforcer la capacité du gouvernement du Bangladesh — et peut-être celle des associations industrielles — à établir les règles et les règlements nécessaires et à les mettre en œuvre.

Pour ce qui est de la volonté du gouvernement à mettre en œuvre et à appliquer les règles, nous devrons laisser le processus démocratique suivre son cours. C'est la meilleure réponse que je peux vous donner.

La sénatrice Ataullahjan : Vous avez dans une certaine mesure répondu à ma question. Elle portait, comme vous le disiez, sur la nécessité que les gouvernements des pays en développement acceptent une plus grande part de responsabilités.

À propos du gouvernement du Bangladesh, dans le contexte politique actuel, a-t-il la capacité ou la volonté de mettre en œuvre et d'appliquer des règles et des règlements internationaux, comme les principes de l'OIT?

M. Rahman : A-t-il la capacité technique? Oui. Il aura peut-être besoin d'un peu d'aide. A-t-il la volonté nécessaire? Je ne suis pas certain. La bonne nouvelle, c'est qu'un processus démocratique est en cours au Bangladesh. La tenue d'élections est ce qui en témoigne le mieux. Des gens sont élus. On pourrait soutenir que les élections sont entachées d'irrégularités, qu'il y a des cas de corruption, que le vote est truqué et ainsi de suite. C'est vrai, mais j'aimerais que vous me donniez l'exemple d'un pays démocratique où de telles pratiques n'ont pas eu lieu lorsque la démocratie y a été instaurée. Lorsqu'on s'engage sur la voie de la démocratie, la démocratie est imparfaite, mais on espère qu'un mécanisme de reddition de comptes verra le jour avec le temps. C'est pour nous la meilleure façon d'y parvenir.

La sénatrice Andreychuk : Je comprends ce que vous dites au sujet de la volonté politique et de la capacité, mais savent-ils — pas au sujet de la gouvernance et des questions connexes — comment, dans notre monde interconnecté, ils doivent donner suite à ces questions, non seulement dans l'intérêt de leur population, mais aussi pour le bien-être économique du pays? Ils ne peuvent pas l'ignorer. C'était possible il y a 20 ou 30 ans. Ils n'auraient pas dû l'ignorer, mais c'était possible. De nos jours, s'ils veulent attirer les entreprises, ils devront offrir certaines de ces garanties. Ont-ils pris cela en considération?

M. Rahman : Je crois que oui. Ont-ils fait le tour de la question? Dans une certaine mesure, nous parlons du pouvoir des marchés. Si les marchés laissent entendre — j'entends par là les consommateurs — qu'ils ne vont pas acheter leurs produits parce qu'ils ne sont pas fabriqués de la bonne façon ou parce que rien ne garantit un milieu de travail adéquat et sûr et de bonnes conditions de travail, ce message serait clairement entendu, sans aucun doute. C'est là-dessus que repose le monde des affaires.

Cela dit, le message est-il clair? Comme je l'ai affirmé dans ma déclaration liminaire, malheureusement, le message envoyé par les marchés est que l'on veut obtenir le meilleur rapport qualité-prix. Se préoccupe-t-on vraiment de la façon dont un produit est fabriqué et de questions semblables? Veut-on vraiment le savoir?

Ce que nous avons maintenant — et c'est très intéressant et ici que le commerce équitable et tout ce qui s'y rattache entrent en ligne de compte —, c'est un groupe de consommateurs responsables sur le plan social, dans des pays comme le Canada et les États-Unis, qui sont prêts à payer plus cher pour un produit fabriqué convenablement.

J'enseigne la mondialisation aux étudiants de maîtrise de l'Université d'Ottawa, et je leur ai demandé d'écrire des essais sur le commerce équitable. En gros, ce ne sont pas des marchés traditionnels dans la mesure où ils ne représentent qu'une petite partie de l'ensemble des marchés. Il existe un petit créneau dans lequel des consommateurs responsables sur le plan social sont prêts à payer plus cher. Toutefois, dans la grande majorité des cas, le marché est le marché. On veut le meilleur rapport qualité-prix.

Le marché se prononcera-t-il en ce sens? Si c'est le cas, on y donnera suite, cela ne fait aucun doute. Il ne sera pas nécessaire qu'un gouvernement, une association ou autre intervienne; le marché sera très clair.

La sénatrice Andreychuk : Par l'entremise de la responsabilité sociale des entreprises, notre société a entre autres dit, tout d'abord, qu'elle ne veut pas que nos entreprises appliquent des pratiques néfastes qui vont à l'encontre des normes internationales. Vous ne semblez pas croire que cela a eu des répercussions sur la société au-delà du créneau des gens sensibilisés. Ne pensez-vous pas que c'est un mouvement qui prend de l'ampleur?

M. Rahman : Tout au long de ma vie, j'ai constaté que l'on peut mettre fin à toute entente volontaire sans crainte de persécution. Seules les ententes assorties d'une sanction ont des répercussions.

J'ai lu le témoignage de la représentante d'EDC qui a comparu devant votre comité. Quand EDC dit à une entreprise canadienne qu'il ne lui accordera pas de prêt pour s'installer dans un certain pays si elle ne respecte pas certaines conditions, cette approche donne des résultats. Cela signifie qu'il faut prendre certaines mesures avant d'obtenir le prêt. C'est un message des marchés.

Prenons l'exemple d'un accord que vous connaissez, à savoir la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la CEDEF. Tous les pays du monde l'ont signée. Quand je travaillais à titre de chef de la Direction générale de l'Asie à l'ACDI, nous avions l'habitude de financer des projets. Regardez l'incidence de la mise en œuvre de la CEDEF. Dans le cadre de nos études, nous avons constaté que, même si les pays l'avaient signée, elle n'était pas mise en œuvre où elle devait l'être. Vous vous demandez pourquoi. C'est parce qu'il s'agit d'une entente volontaire. C'est une entente volontaire et, au bout du compte, le pouvoir souverain l'emporte.

Lorsque les gens savent qu'il y aura des conséquences, ils écoutent.

La sénatrice Ataullahjan : Monsieur Rahman, j'ai visité le site de Rana Plaza ainsi qu'une usine qui était bien gérée, où les travailleurs étaient bien traités et disposaient d'installations médicales à chaque étage. Je crois fermement au maintien des usines du Bangladesh parce qu'elles aident plus de 3 millions de femmes.

Sohel Rana, ainsi que ses parents, a récemment été accusé de meurtre, à l'instar d'autres propriétaires d'usine de l'immeuble et d'une demi-douzaine de fonctionnaires. Pensez-vous que les mesures qui ont été prises, les mesures punitives, changeront les choses au Bangladesh? D'autres propriétaires y penseront-ils à deux fois avant de faire travailler des gens dans des conditions dangereuses?

M. Rahman : Tout à fait. Ne pas offrir de bonnes conditions revient un peu à signer son arrêt de mort, n'est-ce pas? C'est le message qui est envoyé.

Le corollaire serait qu'il faut distinguer les producteurs qui sont au courant de l'évolution des attentes internationales en matière de conditions de travail de ceux qui ne l'ont pas bien suivie. Les grands producteurs et les producteurs plus perspicaces modernisent leurs usines parce qu'ils savent que, à un moment donné, les gens demanderont qu'elles respectent les normes. À défaut de procéder ainsi, ils ne pourront pas vendre leurs produits. C'est également une question d'efficience.

Les conditions du marché déterminent l'efficience. Elles prescrivent des conditions ou des usines qui sont à bien des égards plus modernes, plus sécuritaires et à la fine pointe de la technologie. C'est l'évolution d'une industrie. L'exemple le plus simple que je peux donner est celui de l'industrie de l'informatique en Corée du Sud ou à Taïwan. À ses débuts, il n'y avait que de simples usines d'assemblages qui utilisaient des pièces récupérées. L'industrie comprend maintenant les premiers fabricants de téléphones cellulaires et de téléviseurs dont les usines font l'envie du monde entier dans le domaine de l'électronique. Ces fabricants n'ont pas répondu à la demande d'une personne, mais plutôt à la demande des marchés. Les marchés ont indiqué que c'était la voie à emprunter. Je suis persuadé que c'est ainsi que l'industrie évoluera. Vous avez tout à fait raison, madame la sénatrice, les mesures punitives de ce genre sont extrêmement importantes.

La sénatrice Hubley : Merci d'être ici cet après-midi. À l'occasion de votre comparution précédente devant notre comité, vous avez formulé des recommandations quant à la façon dont le Canada peut assurer la protection des travailleurs, et vous avez dit que nous ne devrions pas interdire ou limiter les importations étant donné que cette mesure nuit seulement aux travailleurs.

La semaine dernière, nous avons entendu Barry Laxer, de Radical Design, à Montréal, qui nous a parlé des bonnes conditions de travail de ses employés dans ses deux usines bangladaises. Il a toutefois dit qu'il a dû fermer la plus grande parce que deux de ces principaux acheteurs se sont retirés du Bangladesh en raison de la mauvaise presse. Voilà l'exemple d'une personne qui, de son propre aveu, offrait de bons emplois dans un milieu sécuritaire, ce qu'elle ne fait plus à cause du mouvement de protestation.

Ses anciens employés sont sans emploi ou doivent travailler ailleurs dans de mauvaises conditions. Que pouvons-nous faire, si c'est possible, pour prévenir ce genre de situation?

M. Rahman : Je crains que nous ne puissions pas faire grand-chose, car il s'agit d'une entreprise qui signe un contrat de fabrication de vêtements avec une entreprise bangladaise et qui décide à un certain moment d'y mettre fin pour déménager sa production. C'est ce qui s'est passé dans ce cas-ci.

Je ne connais aucune règle ou aucun règlement qui peut interdire à cette entreprise de se retirer. Pour elle, c'est strictement une décision commerciale, d'une certaine façon. À moins qu'ils se soient retirés pour des raisons répréhensibles, les propriétaires de cette entreprise ont le droit de choisir l'endroit où leurs produits seront fabriqués.

En revanche, s'il s'agissait d'une entreprise qui s'est retirée du Bangladesh parce qu'elle ne voulait pas que ses vêtements soient fabriqués dans des conditions insalubres et dangereuses, cela pourrait être intéressant, mais nous n'avons jamais vu ce genre de situation.

Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé. Vous avez mentionné tout à l'heure que c'est généralement le prix qui détermine les habitudes des consommateurs. Cependant, dans le cas des marques homologuées, les prix sont exorbitants.

Pensez-vous qu'il est judicieux d'appliquer des normes plus élevées en ce qui concerne les droits des travailleurs, ou les entreprises devraient-elles payer beaucoup plus pour ces travailleurs si les produits sont fabriqués au Bangladesh, par exemple? Pensez-vous que c'est une bonne idée?

M. Rahman : Prenons quelques exemples — Polo, Armani et Lacoste. Ces entreprises devraient-elles payer? Elles le font en fait, car la majorité des marques travaillent avec des établissements de fabrication haut de gamme au Bangladesh. Je les connais. Je connais les gens qui fabriquent ce genre de produits et ces vêtements au Bangladesh, et c'est plus haut de gamme. Ils travaillent dans des établissements ultramodernes. Pourquoi? Parce que c'est ce que le marché veut. Ces vêtements doivent être fabriqués selon des normes de fabrication plus élevées que les normes pour fabriquer un T-shirt ou un chandail ordinaire. Pour cette raison, l'équipement et les installations doivent respecter des normes plus élevées également. Les travailleurs doivent être plus qualifiés. Donc, parce qu'ils sont plus qualifiés, ils sont mieux rémunérés. Ce sont vraiment de très bonnes usines.

Le sénateur Enverga : Par ailleurs, je sais qu'il y a des différences d'une usine à l'autre, d'un pays à l'autre. Toutefois, pour le consommateur moyen, il est difficile de savoir si un vêtement est fabriqué ici ou dans des conditions particulières. Quelle est la meilleure chose que le consommateur puisse faire? Y a-t-il un organisme qui surveille ces usines? Pouvons-nous exercer une certaine surveillance? En tant que consommateur, je devrais pouvoir faire des recherches sur ce type de produit fabriqué à un emplacement en particulier.

M. Rahman : C'est un peu comme le sceau d'approbation, n'est-ce pas? Quelqu'un appose un sceau pour indiquer que le vêtement a été fabriqué dans une usine où les conditions de travail sont bonnes. On pourrait, par exemple, penser à un organisme qui appose ces sceaux.

La question à poser est la suivante : ce sceau influencera-t-il les consommateurs? Aura-t-il une incidence sur leur décision d'acheter les produits qui sont fabriqués dans ces conditions? Pour certains consommateurs, c'est important, car ils se soucient de la façon dont les travailleurs sont traités. Mais d'après le marché, pour la vaste majorité des consommateurs, ce n'est pas vraiment une préoccupation importante.

Le sénateur Enverga : Croyez-vous que la majorité des pays suivent les mêmes lignes directrices en matière de droits des travailleurs? Seriez-vous en mesure de nous dire si certains pays ne respectent pas les accords internationaux, par exemple?

M. Rahman : Oui. Je peux parler de l'Asie. J'ai passé ma vie à étudier ce sujet. En économie, il y a ce concept que nous appelons le cycle de production, ce qui signifie qu'au début du processus, vous produisez les marchandises au plus bas prix possible dans des pays où il y a un excédent de main-d'œuvre. En raison de cet excédent de main-d'œuvre, les salaires sont bas et, par conséquent, vous pouvez produire à bas prix. Ailleurs, notamment en Corée du Sud, à Taïwan et en Malaisie, la demande pour ces produits augmente, si bien que les salaires augmentent. Lorsque les salaires augmentent, on passe à des produits plus haut de gamme. C'est sans compter que le processus place le pays dans un contexte de développement.

Je m'explique : lorsque le processus de développement commence, lorsque vous êtes très pauvre, tout ce qui vous préoccupe, c'est de mettre du pain sur la table, d'avoir un endroit où vivre et de pouvoir envoyer vos enfants à l'école. Lorsque ces besoins sont satisfaits, vous voulez plus. Vous voulez jouir des droits de la personne. Vous voulez pouvoir exprimer vos opinions. Lorsque vous en arrivez là, c'est à ce moment-là que ce que vous décrivez arrive. Vous dites : « Mes besoins fondamentaux sont satisfaits, je veux maintenant travailler dans un meilleur lieu de travail, je veux exprimer mon opinion et je veux que vous répondiez de vos actes. » C'est à ce moment-là que les choses s'améliorent. Les conditions de travail et la vie des gens s'améliorent. C'est l'histoire d'un pays comme le Canada. Il en va de même pour les États-Unis. Lorsque les normes en matière de responsabilité s'améliorent, la qualité de vie et les conditions de travail des gens s'améliorent aussi.

Le sénateur Enverga : Est-ce un pays auquel nous sommes censés acheter des produits?

M. Rahman : C'est difficile à dire.

La sénatrice Andreychuk : Il y a des sanctions.

M. Rahman : Par exemple, je me souviens de l'Afrique du Sud, mais c'était pour une raison politique. Il y avait l'apartheid. En raison de la discrimination raciale flagrante, le Canada et d'autres pays ont précisément dit : « Nous ne voulons pas faire des affaires avec vous. » Mais d'un point de vue strictement commercial, est-ce que je me souviens d'un cas où nous avons dit à un pays que nous n'allions pas acheter ses produits parce qu'il traite très mal ses travailleurs? Honnêtement, je ne me rappelle pas que ce soit déjà arrivé.

La présidente : J'ai une question concernant l'avenir de l'industrie du vêtement. Je suis désolée, mais je reviens à la question des femmes. Vous avez fait une observation très marquante. Lorsque vous avez faim, vous êtes prêt à accepter n'importe quel emploi. C'est tellement vrai. Mais lorsque vos besoins fondamentaux sont satisfaits, alors vous voulez une éducation pour vos enfants, l'accès aux soins hospitaliers et une sécurité pour pouvoir être là pour votre enfant.

M. Rahman : Oui.

La présidente : Tout cela semble un peu précaire. Nous ne sommes pas encore rendus là. Je me trompe peut-être. Nous ne sommes pas rendus là avec le Bangladesh. Il y a une marge entre ne pas avoir faim et lutter pour jouir d'une meilleure qualité de vie.

M. Rahman : Exactement.

La présidente : Alors que se passe-t-il ensuite?

M. Rahman : C'est une question qui me tient à cœur. Je fais beaucoup de travail en matière de développement dans différents pays. À l'heure actuelle, le revenu par habitant au Bangladesh est d'environ 1 010 $. C'est un chiffre moyen. Le seuil pour un pays à revenu faible et moyen est de 1 045 $. Le Bangladesh est sur le point de devenir un pays à revenu faible et moyen. En fait, il le deviendra au cours des trois ou quatre prochaines années, tout au plus.

Ce que je viens de dire a un rapport avec la question que vous avez posée, car lorsque les femmes deviennent autonomes et touchent un revenu, on constate une évolution au chapitre de l'indépendance et de la démocratie. Les gens exigeront plus, non seulement de leurs dirigeants, mais à d'autres niveaux également. Les milieux de travail seront plus organisés et rigoureux. Les gens exigeront de meilleures conditions de vie.

À l'heure actuelle, vous avez tout à fait raison. Le Bangladesh est sur le point de passer à la prochaine étape. En fait, je vais vous faire parvenir un document que nous avons rédigé récemment pour une conférence de l'Association canadienne pour l'étude du développement international que nous avons intitulé « Partenariats pour le développement dans les pays à moyen revenu : phase de transition au Bangladesh ». Le document porte sur ce sujet précis.

La présidente : Je vous serais reconnaissante de bien vouloir nous faire parvenir ce document.

M. Rahman : Ce qu'il faut se demander, c'est si le Bangladesh est prêt. Une chose qu'il faut savoir au sujet des Bangladais, c'est qu'ils s'y connaissent beaucoup en politique. Le pays va gagner en maturité sur le plan politique, et pour ce faire, il faut absolument qu'il continue de tenir des élections. Le Bangladesh ne peut pas se permettre d'avoir un processus non démocratique. C'est un élément fondamental. Si on met en place une politique étrangère au Canada pour le Bangladesh, il faudrait que ce soit le sujet principal de cette politique.

La présidente : Monsieur Rahman, il est toujours très agréable de vous recevoir. Vous nous faites réfléchir. En fait, vous nous faites sortir de notre zone de confort, et c'est très bien. Vous nous faites réfléchir. Merci encore une fois d'être ici. Nous vous sommes reconnaissants d'être venu.

La sénatrice Salma Ataullahjan (vice-présidente) occupe le fauteuil.

La vice-présidente : Honorables sénateurs, j'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à notre dernier témoin, qui comparaît par vidéoconférence. De Human Rights Watch, nous accueillons Nisha Varia, directrice, Sensibilisation aux droits des femmes.

Je crois savoir que vous avez une déclaration préliminaire à nous présenter, et vous serez ensuite disposée à répondre aux questions des sénateurs.

Nisha Varia, directrice, Sensibilisation aux droits des femmes, Human Rights Watch : Merci. Je suis ravie de pouvoir discuter avec vous aujourd'hui. Mon exposé sera très bref. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Comme vous le savez sans doute, Human Rights Watch est une organisation internationale. Nous travaillons dans environ 90 pays dans le monde sur un éventail d'enjeux liés aux droits de la personne, notamment les violations des droits des femmes et des enfants dans des conflits armés. Les droits du travail constituent une grande priorité également.

Récemment, nous avons mené deux enquêtes sur des cas de mauvais traitement à l'endroit de travailleurs dans le secteur du vêtement. L'une d'elles a été menée au Cambodge. Je vais parler des principales conclusions du rapport. Le premier rapport porte sur plusieurs entreprises et marques qui font appel à des usines au Cambodge. Certaines de ces entreprises sont canadiennes, dont Joe Fresh. Le deuxième rapport se penche sur des violations des droits des travailleurs dans le secteur du vêtement au Bangladesh.

Pour vous résumer brièvement nos conclusions, nous avons constaté qu'il existe encore de nombreux problèmes concernant les conditions de travail dans ces deux pays. Pour le Cambodge d'abord, nous avons interrogé des centaines de travailleurs du vêtement dans cinq provinces différentes et dans plus de 70 usines différentes. L'un des principaux problèmes qu'on nous a signalés est l'utilisation très fréquente du temps supplémentaire forcé. Il y a aussi l'utilisation excessive des contrats à court terme. Il arrive très souvent que les travailleurs soient embauchés pour des contrats de deux ou trois mois, et ce, pendant des années. C'est pour éviter de devoir leur payer des avantages sociaux. Il est aussi très facile de congédier les travailleurs qui souhaitent former des syndicats ou de renvoyer les travailleuses enceintes. Nous avons recensé de nombreux cas de discrimination fondée sur la grossesse.

On a augmenté le salaire minimum au Cambodge. On a également constaté une augmentation de la production des travailleurs. Donc, au cours d'une même période de temps, les travailleurs étaient parfois forcés de fabriquer plus de vêtements que par le passé. Ils devaient travailler plus rapidement et subissaient des pressions pour ne pas prendre de pauses pour se reposer ou boire de l'eau. Les travailleurs qui souffraient de problèmes de santé et qui voulaient prendre un congé de maladie devaient très souvent choisir entre travailler même s'ils étaient malades ou perdre leur emploi.

Nous avons relevé que les travailleurs qui essayaient de former des syndicats indépendants étaient souvent victimes d'intimidation. Un projet de loi sur les syndicats qui rendrait la création de syndicats plus difficile fait actuellement l'objet de discussions au Cambodge.

Passons maintenant au Bangladesh. Le Bangladesh et les efforts pour éviter des tragédies comme l'effondrement de l'usine Rana Plaza ont beaucoup attiré l'attention. Bien qu'il y ait eu des améliorations en matière de droit du travail et une légère hausse du nombre de syndicats, notre rapport s'est vraiment penché sur les mauvais traitements et sur l'intimidation dont sont victimes les travailleurs qui ont formé des syndicats ou qui ont essayé de joindre un syndicat. Il est question ici de mauvais traitements graves où des travailleurs ont été battus ou ont perdu leur emploi. Un grand nombre de femmes ont fait l'objet de menaces à caractère sexuel. Même si les travailleurs pouvaient se syndiquer, ils étaient confrontés à de graves conséquences. C'est ce sur quoi le rapport sur le Bangladesh met l'accent.

Je vais conclure en disant que nous travaillons avec un grand nombre de marques qui font appel à des usines à l'étranger. Je participe aux efforts que nous déployons au Cambodge et discute avec des entreprises telles que Joe Fresh, Marks & Spencer, Armani, Gap, Adidas et H&M. Il est intéressant de voir le nombre d'entreprises qui ont réagi aux conclusions qui ont été dégagées quant aux conditions de travail, mais elles ont eu des réactions différentes pour ce qui est des mesures de protection qu'elles offriront.

Nos principales recommandations consistent à accroître la transparence dans les chaînes d'approvisionnement, à mettre en place des mesures de protection des dénonciateurs pour les travailleurs, à lutter contre l'utilisation excessive ou abusive des contrats à court terme, ce qui nuit vraiment aux conditions de travail des travailleurs du vêtement et, de façon générale, à créer un milieu plus sécuritaire pour que les travailleurs puissent se syndiquer.

Je vais m'arrêter ici.

La vice-présidente : J'ai quelques questions. Au Bangladesh, la majorité des travailleurs sont des femmes, soit plus de trois millions. Qu'est-ce que cela signifie pour l'autonomisation des femmes au Bangladesh? Je sais également que si ces femmes ne travaillaient pas dans des usines de vêtements, bon nombre d'entre elles n'auraient pas d'emploi. Au Bangladesh, il n'est pas mal vu que les femmes travaillent dans des usines de vêtements. Il est donc plus facile pour les familles de permettre à leurs filles de travailler, car la majorité des femmes travaillent dans les usines.

Si elles ne travaillent pas dans l'industrie du vêtement, que peuvent-elles faire d'autre? Aussi, lorsque vous avez parlé des avantages sociaux, vous avez brièvement abordé la question des congés de maternité. Mais nous discutons également de questions telles que des installations sanitaires appropriées et le traitement des cas de harcèlement sexuel.

Mme Varia : Ces emplois sont une source d'emploi extrêmement importante pour les femmes au Bangladesh, et nous avons constaté que le fait de gagner un salaire donne de l'autonomie aux femmes.

Ces emplois peuvent avoir différentes répercussions. La possibilité d'occuper un bon emploi peut contribuer à retarder l'âge du mariage et la maternité. Le Bangladesh a l'un des plus hauts taux de mariages d'enfants dans le monde. Plus de 50 p. 100 des gens se marient à un jeune âge. Lorsqu'il y a de bonnes possibilités d'éducation et que les familles savent que leurs filles peuvent les aider financièrement, cela peut retarder le mariage et contribuer à régler le problème du mariage précoce au pays.

Ces emplois peuvent également aider les relations dans le ménage. De nombreux éléments de preuve montrent que les femmes qui ont le contrôle de leurs revenus ont plus de chances d'éviter d'être dans une relation abusive ou de quitter cette relation. C'est un facteur clé pour prévenir la violence conjugale également.

Il ne fait aucun doute que le fait d'avoir une source de revenus régulière peut donner beaucoup d'autonomie aux travailleurs. Lorsque nous parlons de ces abus, les gens nous ont demandé si nous devrions procéder à des boycotts ou si les entreprises devraient cesser de faire affaire avec ces usines où les conditions de travail sont mauvaises.

Nous croyons que ces emplois sont très importants, et nous aimerions que les conditions de travail s'améliorent. Nous voulons également que ces usines règlent les problèmes de discrimination fondée sur le sexe qui surviennent dans une main-d'œuvre à prédominance féminine, tels que les prestations de maternité et des mesures d'adaptation pour les travailleuses enceintes. Bien souvent, elles sont debout pendant de longues heures et ne peuvent pas s'asseoir ou prendre des pauses supplémentaires qui peuvent être nécessaires. L'absence de salles pour l'allaitement et le harcèlement sexuel posent problème. Ce que nous avons constaté au Bangladesh, c'est que les travailleuses qui essaient de se syndiquer font l'objet de nombreuses menaces, dont des menaces de viol, ou de remarques très désobligeantes à caractère sexuel.

La vice-présidente : Est-il établi dans ces usines que le harcèlement sexuel n'a pas sa place dans le lieu de travail? J'ai vu des cas où des femmes ont reçu des commentaires sur leur apparence. Comment faites-vous comprendre aux directeurs que c'est inacceptable?

Mme Varia : En ce moment, ce n'est pas normalisé dans les lieux de travail. La notion de harcèlement sexuel peut être perçue différemment d'une usine à l'autre. De façon générale, d'après les entretiens que nous avons eus avec les travailleuses, le harcèlement sexuel est accepté, puisque la situation ne change pas. Elles n'ont pas l'impression de pouvoir se plaindre.

C'est là où divers acteurs ont un rôle important à jouer, à mon avis. Les marques qui s'approvisionnent dans ces ateliers de fabrication de vêtement jouent un rôle important, parce que les relations d'affaires sont très importantes, il faut donc dire que le harcèlement sexuel et la dignité en milieu de travail sont des dimensions importantes des conditions de travail. Il est beaucoup plus facile de mettre l'accent sur la sécurité des travailleurs ou de regarder les salaires, et bien souvent, les questions liées à l'égalité entre les sexes sont laissées de côté dans la discussion.

Il faut donc en faire une norme centrale et importante. Le gouvernement a aussi un rôle à jouer. Il y a des dispositions législatives sur le harcèlement sexuel et il faut accroître la sensibilisation pour les faire connaître. Il doit également y avoir de la surveillance et des mécanismes d'application de la loi, et lorsqu'il y a des interventions à ce chapitre, elles doivent recevoir beaucoup de publicité pour que les gens comprennent que c'est pris au sérieux.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie de votre exposé. Vous avez mentionné avoir constaté des problèmes dans certains ateliers au Cambodge et au Bangladesh, et les avoir signalés aux entreprises concernées. Quelles ont été leurs réactions? Pouvez-vous nous dire si les choses ont changé? Quelle est la norme? Que faites-vous en ce moment? Est-ce que ces ateliers continuent de faire comme avant?

Mme Varia : Je vous remercie de cette question. Nous avons été transparents dans nos recherches dès le début. Nous avons écrit à ces entreprises dès que nous avons constaté qu'il y avait des violences en milieu de travail dans leur chaîne d'approvisionnement, et nous avons observé des réactions très différentes d'une entreprise à l'autre.

Par exemple, Adidas et H&M ont immédiatement été alarmés de nos conclusions et ont très bien collaboré avec nous pour trouver des façons de remédier à la situation.

Pour commencer, nous avons notamment recommandé que les entreprises divulguent le nom de leurs fournisseurs dans la chaîne d'approvisionnement. En ce moment, il est très difficile de surveiller ce qui se passe. Par exemple, si nous voulons cibler une entreprise et vérifier ce qui se passe dans sa chaîne d'approvisionnement, c'est difficile, parce que nous ne savons pas avec quels ateliers précisément elle fait affaire. Dans le cadre de nos enquêtes, nous avons commencé par visiter les ateliers, puis nous avons dû fouiller beaucoup pour rassembler les morceaux du casse-tête. Nous avons vu les étiquettes sur les vêtements que les travailleurs étaient en train de coudre, et nous avons dû rassembler nous-mêmes tous les morceaux du casse-tête. Cela rend la surveillance beaucoup plus difficile.

H&M et Adidas ont accepté de collaborer. Ils ont divulgué publiquement leur liste de fournisseurs. Marks & Spencer a accepté de le faire à compter de l'année prochaine. Nous avons recommandé la même chose à Joe Fresh et à Loblaw, qui ne nous ont pas encore donné leur accord. Nous sommes en discussion avec ces entreprises.

Il y a aussi le problème du recours aux contrats à court terme, qui contrevient aux lois cambodgiennes sur le travail. On ne peut pas employer des travailleurs dans le cadre de contrats à court terme pendant plus de deux ans, et nous avons constaté que beaucoup d'ateliers contrevenaient à cette disposition du droit du travail cambodgien. Encore une fois, H&M et Marks & Spencer sont en train d'examiner leurs commandes et leurs relations avec ces fournisseurs pour mettre la situation au clair. Bien souvent, ils ne savaient même pas que ces ateliers utilisaient des contrats à court terme; il fallait donc leur faire comprendre qu'ils devaient vérifier ce genre de chose et travailler avec leurs fournisseurs en cas d'abus pour les aider à rectifier le tir.

Pour ce qui est de la discrimination des femmes enceintes, nous croyons qu'une partie de la solution se trouve dans les contrats à long terme. Ces fabriques exploitent souvent les travailleuses manifestement enceintes, dont le ventre commence à paraître ou de cinq ou six mois. L'employeur ne renouvelle alors pas leur contrat. Nous croyons que des contrats à plus long terme contribueraient à remédier au problème.

Le sénateur Enverga : Quand avez-vous informé les dirigeants de cette entreprise des problèmes que vous venez de mentionner? Était-ce l'an dernier ou il y a plusieurs années?

Mme Varia : Nous leur avons fait parvenir nos constats au printemps 2014. Nous avons eu des échanges avec eux pendant tout l'été. Au sujet de Joe Fresh, ses dirigeants ne nous ont pas répondu avant l'automne 2014. Leur réponse n'était pas très détaillée. En gros, ils nous ont dit que leurs affaires et intérêts concurrentiels les empêchaient de mettre en œuvre bon nombre de nos recommandations.

Nous avons publié notre rapport final sur nos constats et nos recommandations en mars 2015, donc un an après les avoir avisés de nos préoccupations et leur avoir laissé l'occasion d'y réagir. Après sa publication, je suis venue à Toronto et j'ai pu rencontrer des représentants de Joe Fresh. Ils étaient alors beaucoup plus ouverts à la perspective de discuter de nos recommandations. Nous attendons maintenant de voir s'ils pourront prendre des mesures en conséquence, mais ils n'ont encore pris aucun engagement concret.

Le sénateur Enverga : Vous avez parlé d'Adidas et d'une autre entreprise à qui vous aviez recommandé des mesures. Quel pourcentage des recommandations ont-elles mises en œuvre un an plus tard? Avez-vous observé des progrès? Quelles recommandations ont été suivies et lesquelles ne l'ont pas été?

Mme Varia : Adidas a commencé à mettre nos recommandations en œuvre très rapidement après notre première communication, je dirais environ trois mois plus tard. L'entreprise a intégré une disposition contre les représailles à son code de conduite et aux accords qu'elle conclut avec ses fournisseurs. Elle avait déjà pour politique de divulguer sa liste de fournisseurs. Je n'ai pas le pourcentage exact des recommandations qu'elle a mises en œuvre. Elle s'est engagée de façon tangible à suivre nos principales recommandations et a adopté cette nouvelle disposition contre les représailles. Nous l'avons aidée en mettant ses dirigeants en contact avec des avocats du travail sur le terrain, au Cambodge, pour qu'ils puissent la traduire, la communiquer aux travailleurs et essayer de les amener à utiliser davantage leur mécanisme de plainte. Nous trouvons que c'est un bon modèle.

H&M a commencé l'an dernier à mettre en œuvre certaines de nos recommandations. Elle a commencé par sonder ses fournisseurs pour savoir lesquels utilisaient des contrats à court terme. Elle travaille actuellement à trouver des moyens de réduire la proportion de ses fournisseurs qui en utilisent et à faire en sorte qu'ils respectent le droit du travail cambodgien. Les autres entreprises dans notre mire n'ont commencé à discuter avec nous qu'après la publication de notre rapport. Il y a notamment Gap, Armani et Marks & Spencer. Nous essayons d'utiliser les exemples d'Adidas et de H&M pour inciter les autres entreprises à faire de même.

Le sénateur Enverga : Faites-vous un suivi auprès des gens ayant porté plainte auparavant? Retournez-vous leur demander ce qui s'est passé? Êtes-vous satisfait de leurs réponses à ce stade-ci? Est-ce votre façon de procéder?

Mme Varia : Nous sommes en contact étroit avec beaucoup de groupes au Cambodge. Nous nous y rendons souvent, et nous avons une présence au Cambodge pour faire un suivi. Effectivement, c'est ce que nous faisons pour savoir si ces personnes ont remarqué des changements dans les ateliers où elles travaillent et si elles ont eu des contacts directs avec des représentants des marques, puis quel genre de rapports elles ont eu avec eux dans le cadre des inspections des conditions de travail. En effet, c'est la façon dont nous surveillons l'évolution de la situation.

La sénatrice Eaton : Je vous remercie beaucoup de cette présentation.

À titre d'organisation internationale, Human Rights Watch travaille-t-elle avec les gouvernements? Allez-vous voir le gouvernement du Cambodge, du Bangladesh ou du Canada; demandez-vous au gouvernement canadien, par exemple, pourquoi il continue de désigner le Bangladesh zone franche de droits de douane? Intervenez-vous dans la sphère politique ou n'est-ce pas du tout dans votre mandat?

Mme Varia : Je vous remercie de cette question. Nous intervenons de certaines façons, mais pas systématiquement. Nous essayons toujours de rencontrer des représentants des gouvernements et de susciter leur engagement. Dès que nous avons commencé nos recherches sur ces deux pays, nous avons écrit des lettres au gouvernement et avons demandé des rencontres avec les représentants des ministères pertinents pour obtenir de l'information et brosser un bon portrait de la situation sur le terrain. De la même façon que nous essayons de mobiliser les entreprises en leur communiquant nos constats et nos recommandations, nous tendons la main aux gouvernements. Cela dit, les gouvernements ne sont pas toujours réceptifs.

Par exemple, au Bangladesh, comme nous nous préoccupons de diverses questions de droits de la personne dans ce pays, le gouvernement n'est pas très ouvert au dialogue avec nous, parce que notre institution critique le gouvernement pour ces exécutions sommaires, entre autres. Il n'est donc pas très enclin à collaborer avec nous. Au Cambodge, nous avons réussi à rencontrer des hauts gestionnaires du ministère du Travail et de la Formation professionnelle et du ministère du Commerce. La difficulté, là-bas, c'est d'obtenir des résultats concrets. De même, il y a souvent des conflits d'intérêts entre le ministère du Travail et le secteur privé, le ministère est souvent réticent à suivre nos recommandations en raison d'intérêts financiers importants qui entrent en jeu.

La sénatrice Eaton : Y a-t-il des genres d'associations de travailleurs là-bas ou est-ce que toute activité syndicale y est interdite?

Mme Varia : Curieusement, la situation est très différente entre ces deux pays. Avant de répondre à cette question, j'aimerais simplement ajouter que nous approchons aussi les gouvernements des pays où ces marques ont leurs bureaux principaux. D'ailleurs, je suis venue à Ottawa il y a environ un mois, pour rencontrer des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, entre autres, pour les informer de nos conclusions et leur faire part de ces recommandations.

Pour ce qui est de l'activité commerciale au Bangladesh, moins de 10 p. 100 des travailleurs des fabriques de vêtements font partie de syndicats ou d'associations de travailleurs. Le climat demeure très difficile et hostile aux syndicats. Encore une fois, au sujet des menaces utilisées, je pourrais vous lire des témoignages assez épouvantables de femmes enceintes qui se sont fait battre et ont subi des représailles physiques graves pour avoir créé des syndicats.

Au Cambodge, c'est très différent. Il y a des syndicats, mais beaucoup sont sous l'emprise du gouvernement. Les syndicats ne représentent pas vraiment les intérêts des travailleurs. Il y a très peu de place pour que des syndicats indépendants s'organisent, et ils sont habituellement confrontés à beaucoup d'obstacles dans le processus d'enregistrement. Ils peuvent devoir représenter un très grand nombre de travailleurs, beaucoup plus que selon les normes internationales, pour pouvoir présenter une demande d'enregistrement. Ils doivent ensuite présenter toutes sortes de certificats de police. Ils doivent faire toutes sortes de pirouettes, si bien qu'il est très difficile de constituer un syndicat. Les scénarios sont différents dans les deux pays.

La sénatrice Eaton : On nous a dit que le Myanmar serait probablement le prochain Bangladesh. Avez-vous entendu dire que le prochain pays où fabriquer des vêtements à moindre coût serait le Myanmar?

Mme Varia : Oui, il y a beaucoup d'intérêt envers le Myanmar ou la Birmanie pour les prochaines grandes fabriques. Il nous semble très important de tirer des leçons de l'expérience du Bangladesh et du Cambodge pour que les mêmes erreurs ne s'y répètent pas. Je souligne particulièrement la forte histoire de la Birmanie pour ce qui est de l'organisation des travailleurs. Il faut réfléchir à la mise en place de mécanismes de plaintes et de surveillance du travail efficaces.

J'ai remarqué, dans le secteur du vêtement en général, qu'on se fie de plus en plus aux inspections pour s'assurer que les conditions de travail sont décentes ou pour éviter qu'un autre incendie comme celui qui a détruit un atelier au Bangladesh ne se produise.

D'après mon expérience, ces inspections sont généralement très faibles. Il est très difficile pour une équipe d'inspecteurs de passer une fois par mois ou tous les trois mois et de vraiment arriver à découvrir tout ce qui se passe. Bien souvent, même si l'inspecteur ne s'est pas annoncé, on va le garder à la porte une demi-heure. Nous avons documenté la question du travail des enfants. Une demi-heure suffit pour chasser les enfants et les cacher des inspecteurs.

Les inspections doivent vraiment s'accompagner d'organisations syndicales fortes, parce que c'est la seule façon de faire en sorte que les travailleurs sentent qu'ils peuvent porter plainte et recevoir de l'aide.

La sénatrice Jaffer : J'aimerais vous demander ce que le Canada doit faire. Il y a toutes sortes d'enjeux. L'une des possibilités serait de boycotter les vêtements ou leurs fabricants et de leur imposer des sanctions quand nous observons ce genre de violation ou de nous tourner vers un autre pays.

Cependant, je suis biaisée et je ne voudrais prendre aucune de ces mesures, parce que j'ai rencontré des jeunes femmes qui travaillent dans ces ateliers et que je sais que c'est leur mode de subsistance. Vous faites de la sensibilisation. Que recommanderiez-vous au Canada, aux parlementaires canadiens, pour que ces femmes conservent leur emploi, mais qu'elles aient une meilleure qualité de vie et surtout, qu'elles soient en sécurité au travail? Je sais que vous en avez déjà parlé, mais pouvez-vous nous donner plus de détails, s'il vous plaît?

Mme Varia : Je suis tout à fait d'accord pour dire que ces emplois sont très importants et que nous ne voudrions pas vous voir vous retirer de ces pays ou de ces ateliers en raison des mauvaises conditions de travail qui y règnent. Il faut plutôt intensifier nos efforts et aller plus loin pour améliorer les conditions de travail; il faut davantage mettre l'accent sur l'assainissement du milieu et l'amélioration des conditions. Ces emplois sont importants; ils ont divers avantages sociaux et économiques, au-delà du simple fait qu'ils procurent du travail à ces femmes. Leurs familles en retirent souvent beaucoup d'avantages sur les plans de la santé et de l'éducation.

Pour ce qui est de ce que le Canada peut faire, il pourrait d'abord intervenir de façon beaucoup plus forte auprès des entreprises canadiennes pour s'assurer qu'elles prennent des mesures pour assurer la qualité des conditions dans leur chaîne d'approvisionnement. En ce moment, la plupart des codes de conduite et des lignes directrices sur la diligence raisonnable sont de nature volontaire. Dans un monde idéal, il y aurait des obligations concrètes, il ne reviendrait pas simplement à ces entreprises de décider de ce qui est bon pour leur image pour être perçues comme socialement responsables, ce serait une exigence.

L'une des politiques possibles pour faire preuve de diligence raisonnable consiste à être transparent sur sa chaîne d'approvisionnement, à divulguer la liste de ses fournisseurs pour que le public connaisse les 15 usines du Cambodge qui approvisionnent telle entreprise et qu'on puisse exercer une surveillance adéquate.

Il y a également diverses initiatives internationales dans lesquelles je crois que le Canada joue déjà un rôle très constructif, mais il doit continuer de le faire. Le Canada contribue au programme Travailler mieux de l'OIT, et c'est vraiment l'un des meilleurs programmes que nous ayons vus pour surveiller les conditions de travail sur le terrain, dans les usines.

Au Cambodge, en particulier, où il y a beaucoup d'inspecteurs indépendants, nous avons constaté que le programme Travailler mieux pour le Cambodge était vraiment le plus efficace pour exercer une surveillance, et nous voudrions qu'il soit encore plus répandu. En ce moment, l'OIT n'a pas suffisamment de ressources pour inspecter les usines de sous-contractants, où les pires violations surviennent. Il ne surveille que les grandes usines axées sur l'exportation et non les petits fournisseurs. Je pense qu'il serait bon de continuer d'appuyer le programme Travailler mieux de l'OIT et peut-être d'en accroître le financement.

Les documents publiés à l'issue du sommet du G7 soulignaient la nécessité d'améliorer la transparence de la chaîne d'approvisionnement et de mettre en place des procédures de diligence raisonnable ainsi qu'un Fonds vision zéro, et je crois que le Canada peut jouer un rôle de leadership pour faire en sorte que cela se concrétise sur le terrain. C'est essentiel.

La sénatrice Jaffer : Nous avons reçu un témoin tout à l'heure, M. Rahman, qui connaît très bien le Bangladesh, et nous respectons beaucoup son travail. Il a dit, si je ne m'abuse, que le consommateur a également une part de responsabilité. Si j'ai bien compris, il a dit que c'est dans notre nature de rechercher la meilleure aubaine. Il n'y a pas seulement la responsabilité du gouvernement fédéral. Il y a aussi la responsabilité des Canadiens quand il s'agit d'appuyer les travailleurs, particulièrement les femmes, dans les pays en développement. Vous travaillez dans ce domaine, alors pouvez-vous nous dire ce que nous pourrions faire en tant que consommateurs? Que devrions-nous exiger?

Mme Varia : Les consommateurs devraient exiger de l'information. Quand nous discutons avec différents groupes, avec le public, nous constatons que lorsque les gens sont au courant des conditions de travail, ils ne veulent pas acheter des vêtements fabriqués par quelqu'un qui est exploité au travail.

Le problème vient notamment du fait que les consommateurs ne savent pas la plupart du temps dans quelles conditions travaillent les travailleurs du textile. Alors, ce que doivent faire les consommateurs en premier lieu, c'est exiger de l'information. Ils devraient savoir en examinant une étiquette ou en consultant un site web que l'entreprise en question respecte des normes d'étiquetage ainsi que des normes minimales. Actuellement, cette information n'est tout simplement pas disponible. Les consommateurs n'y ont pas accès, pas plus que des organismes comme Human Rights Watch, qui peuvent enquêter pendant des mois ou des années afin de trouver cette information.

Les consommateurs doivent faire savoir à ces entreprises qu'ils se préoccupent des conditions de travail et qu'ils sont disposés à payer plus cher. Cela peut vouloir dire qu'ils sont prêts à payer un prix plus élevé pour certains vêtements. D'après des discussions informelles que nous avons eues, je peux dire qu'à mon avis la plupart des gens voudraient bien payer quelques dollars de plus pour éviter de contribuer à un système qui exploite les travailleurs parce que ce qui compte le plus c'est de payer le moins cher possible.

La sénatrice Jaffer : Vous faites de la sensibilisation au sujet des questions qui touchent les femmes. Je ne comprends pas très bien; je dois examiner cela de plus près. Je veux vous parler de l'indemnisation. Au départ, je croyais qu'il y avait un fonds de 30 millions de dollars pour indemniser les victimes, mais après avoir écouté M. Chant de Loblaw, je ne savais pas si l'argent était déjà dans les coffres ou si on s'était engagé à verser cette somme, mais il a expliqué que 10 millions de dollars avaient été versés et qu'il restait encore 20 millions de dollars à débourser.

Est-ce que les parents ou les familles dont les enfants ou les parents sont décédés reçoivent une indemnisation? Est-ce que les personnes qui ont été blessées reçoivent une indemnisation? Comment fonctionne le système d'indemnisation?

Mme Varia : Je vais devoir m'informer. Je me suis concentrée sur le Cambodge, mais mes collègues se sont penchés là-dessus.

La sénatrice Jaffer : Si vous n'avez pas cette information en main, vous pouvez nous la faire parvenir plus tard. Je ne veux pas vous mettre sur la sellette.

Mme Varia : Je vous enverrai cette information, car je sais que mes collègues se sont penchés là-dessus.

L'un des problèmes est qu'une grande partie des indemnités ont été versées aux victimes dont on a beaucoup parlé, c'est-a-dire celles de l'incendie du Rana Plaza. Cependant, il y a eu un autre incendie dans l'usine de Tazreen Fashions, qui a causé beaucoup de souffrance, et des familles qui ont perdu un des leurs n'ont pas encore reçu d'indemnisation. Ce ne sont pas toutes les personnes qui sont touchées par ces catastrophes qui ont droit à une indemnisation. C'est l'un des problèmes.

Je sais que bien des gens se demandent si les personnes ont reçu une indemnisation suffisante. Je vais consulter mes collègues pour pouvoir vous dire comment exactement les sommes sont réparties au sein des familles et des personnes qui vivent maintenant avec des blessures ou un handicap à cause de ces catastrophes.

La sénatrice Jaffer : Je ne veux pas vous donner davantage de travail, mais si vous pouviez nous fournir cette réponse, cela nous serait utile.

Mme Varia : Je serai ravie de vous transmettre cette réponse.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie. Ce serait utile aussi de nous préciser si les personnes qui ont été directement indemnisées sont seulement celles touchées par l'effondrement du Rana Plaza ou si ce sont également celles touchées par l'autre incendie. D'après ce que j'ai compris, les victimes des incendies précédents n'ont pas été indemnisées.

Ce n'est pas une question, j'aimerais seulement savoir, si vous pouvez nous le dire, qui a été indemnisé, car cela nous aiderait grandement à faire progresser nos travaux sur la responsabilité sociale des entreprises si nous avions une idée du fonctionnement du régime d'indemnisation. Cela nous serait très utile. Je vous remercie beaucoup.

La vice-présidente : Puis-je ajouter quelque chose? Nous avons entendu dire que l'ADN de 135 personnes n'a pas été trouvé. Est-ce que ces familles seront indemnisées?

Avez-vous examiné la situation dans des usines ailleurs en Asie? Lorsque j'étais au Vietnam récemment, j'ai vu à l'aéroport une énorme cargaison de vêtements — je vais taire le nom de l'entreprise — qui devait être expédiée en Amérique du Nord, peut-être au Canada, je ne le sais pas. Vous êtes-vous penchée sur la situation des victimes de l'incendie survenu récemment aux Philippines? Avez-vous examiné la situation des droits des travailleurs dans ces régions?

J'aimerais aussi que vous nous donniez des renseignements au sujet du programme Travailler mieux. De quoi s'agit-il? Comment a-t-il été créé et qui y participe?

Mme Varia : Je vais consulter mes collègues au sujet de ces 135 personnes dont on n'a pas trouvé l'ADN.

Pour ce qui est des autres pays où nous travaillons, je peux vous dire que nous n'avons pas travaillé au Vietnam. Il est difficile pour nous, en tant qu'ONG, d'aller travailler là-bas. Nous ne pouvons pas y travailler librement.

Aux Philippines, nous effectuons un certain suivi. Nous n'avons pas mené une enquête approfondie comme nous l'avons fait au Bangladesh et au Cambodge, mais nous essayons de nous tenir au courant de ce qui se passe là-bas.

Je peux m'informer. Je me souviens que mes collègues se sont renseignés sur ce qui s'est passé à la suite de l'incendie de cette usine, mais il a été décidé de ne pas mener une enquête approfondie, et je peux me renseigner pour connaître le motif de cette décision.

Le programme Travailler mieux de l'OIT a été créé dans le but, particulièrement en ce qui concerne le Cambodge, de créer un exemple d'inspections rigoureuses des milieux de travail et d'aider les entreprises qui essaient de régler les problèmes, en leur offrant de la formation et de l'aide sur les aspects techniques en vue de leur indiquer quels pourraient être les éléments importants de leurs politiques et de leurs contrats avec les fournisseurs. Il s'agit aussi de leur offrir des conseils à l'issue des inspections. Il ne s'agit pas simplement de leur dire « Nous avons effectué l'inspection et nous avons trouvé certains problèmes, alors organisez-vous pour y remédier. » L'idée est plutôt d'orienter et d'appuyer les entreprises en leur suggérant des mesures à prendre, en leur proposant des personnes qu'elles pourraient embaucher et en leur fournissant des modules de formation qui ont été préparés et qu'elles pourraient utiliser. Il s'agit d'un soutien très concret offert aux entreprises qui doivent s'attaquer à ces problèmes.

Le programme n'est pas parfait, mais nous avons constaté qu'il a permis de cerner certaines des atteintes aux droits les plus graves. Par exemple, lors des inspections au Cambodge, on a découvert que 94 p. 100 des usines imposaient aux travailleurs d'effectuer des heures supplémentaires. Le programme a été mis sur pied parce que les États-Unis et l'Union européenne accordaient un statut préférentiel au Cambodge et au Bangladesh parce qu'ils savaient qu'il y aurait une expansion dans le secteur du vêtement dans ces pays. Ils se sont entendus avec l'OIT pour mettre sur pied ce programme établissant aussi des mesures de protection pour les travailleurs.

C'est ainsi en quelque sorte que le programme a vu le jour.

La sénatrice Nancy Ruth : Certains d'entre nous ont visité l'usine de Gildan au Bangladesh, à l'extérieur de Dhaka, et un représentant de l'entreprise a témoigné tout à l'heure. Elle semble avoir placé la barre assez haute. J'aimerais savoir si vous pensez que c'est le cas et si vous citez cette entreprise en exemple lorsque vous rencontrez des représentants de gouvernements ou d'autres entreprises. Leur dites-vous de s'inspirer des vérifications, des normes en milieu de travail et des régimes de rémunération et de soins de santé mis en place chez Gildan?

Mme Varia : Je vais devoir consulter mes collègues qui ont examiné la situation au Bangladesh. Je me suis davantage concentrée sur le Cambodge.

Je peux vous dire que nous ne citons pas cette entreprise en exemple. Il faudrait que je m'informe pour savoir s'il y a une raison particulière à cela. Mes collègues au Bangladesh ne m'en ont pas fait part.

La sénatrice Nancy Ruth : Y a-t-il une entreprise au Cambodge ou dont vous avez entendu parler au Bangladesh que vous voudriez citer en exemple?

Mme Varia : Ce que nous avons observé jusqu'à maintenant, c'est que, même les entreprises qui ont adopté les meilleures pratiques ne sont pas nécessairement en mesure de mettre fin à toutes les atteintes aux droits des travailleurs dans leurs usines, mais elles sont capables de les reconnaître rapidement et d'y remédier rapidement. Ces enjeux sont très complexes, et je pense qu'il faudra du temps avant qu'un grand nombre de ces changements se traduisent par des conditions de travail que nous jugeons tous essentielles.

Dans ce cas-là, je ne connais pas les noms des fournisseurs, mais pour ce qui est des compagnies, nous citons souvent Adidas en exemple, qui a mis en place des procédures de diligence raisonnable en vue de prévenir le plus grand nombre possible de violations des droits. Elle a aussi mis en place un mécanisme de règlement des plaintes, qui prévoit un suivi auprès des employés sur le terrain. Avoir une présence sur le terrain permet vraiment d'améliorer les choses.

Il y a définitivement des facteurs communs qui peuvent nous indiquer où il pourrait y avoir des problèmes importants. L'absence d'une présence sur le terrain est l'un de ces facteurs. C'est un problème lorsque la plupart des employés chargés de la responsabilité sociale travaillent au siège social. Il est très important d'avoir une présence sur le terrain, où se trouvent les fournisseurs, pour pouvoir véritablement améliorer la surveillance et intervenir lorsqu'il y a des problèmes.

La sénatrice Jaffer : J'ai une question au sujet des vérifications et des inspections des usines. Est-ce suffisant? Nous avons entendu parler de l'Accord sur la sécurité incendie et la sécurité des bâtiments au Bangladesh et de l'Alliance pour la sécurité des travailleurs du Bangladesh. Qu'est-ce qui est le plus efficace? Avez-vous constaté un changement ou est-ce que ce ne sont que des belles paroles? Je ne porte pas de jugement; je veux seulement savoir ce qu'il en est, car nous ne sommes pas sur le terrain.

La sénatrice Nancy Ruth et moi-même avons visité l'usine de Gildan et nous avons été impressionnées, mais nous ne sommes pas en mesure de la comparer à d'autres. Est-ce que les régimes actuels sont plus efficaces qu'auparavant?

Mme Varia : Je crois que nous avons définitivement le sentiment que les conditions se sont améliorées. Il y a encore des changements importants qui doivent être apportés pour obtenir les conditions nécessaires, et il y a de nombreux changements qui figurent dans les lois mais qui n'ont pas encore été mis en œuvre.

Pour ce qui est des inspections, il y a eu des améliorations. Le nombre d'inspecteurs a quadruplé, ce qui est une bonne chose, car auparavant, il n'y avait même pas les ressources nécessaires pour inspecter ces usines. Il y a donc eu des progrès.

Pour ce qui est de la qualité des inspections et de la question de savoir si elles permettent de déceler tous les problèmes, je peux vous dire que ce n'est pas le cas, car les usines peuvent très facilement savoir qu'une inspection aura lieu, alors elles peuvent faire en sorte que tout soit parfait lors de la visite des inspecteurs.

Il y a aussi beaucoup de corruption. Au Cambodge, nous avons interrogé des inspecteurs qui nous ont avoué avoir été payés pour remettre un rapport d'inspection satisfaisant. Lorsqu'on travaille dans un pays où ce genre de corruption est assez répandu, il faut s'attaquer également à ce problème.

Je crois que les inspections sont importantes. Il y en a davantage, et c'est une bonne chose, mais il est important de veiller à la qualité de ces inspections et de s'assurer qu'elles sont complétées par des mécanismes d'application de la loi. Elles devraient faire partie de la solution, et non pas être la solution en soi. Il faut aussi appliquer les lois du travail et permettre aux travailleurs de se syndiquer, de manifester et de pouvoir communiquer directement avec l'entreprise. Parfois, les travailleurs ne sont pas en mesure de déposer une plainte auprès de la direction de l'usine. Ils devraient pouvoir adresser leurs plaintes directement à l'entreprise, qui est une multinationale et qui pourrait intervenir efficacement.

La vice-présidente : J'ai une dernière question à poser. La semaine dernière, nous avons entendu Barry Laxer, de Radical Design Limited, qui a accordé davantage d'importance au salaire décent qu'au salaire minimum. Il a parlé surtout de la capacité des travailleurs de se nourrir, par exemple, et de l'établissement de normes en matière de santé et de sécurité au travail. Est-ce que vous préconisez un salaire décent, et est-ce que Human Rights Watch s'est penché là-dessus?

Mme Varia : Nous préconisons tout à fait un salaire décent. Le salaire minimum correspond souvent au minimum vital. La situation est très préoccupante lorsque des gens qui travaillent du matin au soir, tous les jours, ne sont même pas en mesure de subvenir à leurs besoins de base. Les salaires sont très bas. Au Cambodge, le salaire des travailleurs vient de passer de 80 $ par mois à 100 $ par mois, mais cela ne suffit vraiment pas à combler un grand nombre des besoins de base. C'est pourquoi de nombreux travailleurs veulent effectuer plusieurs heures supplémentaires chaque jour. Leur salaire n'est tout simplement pas suffisant. Nous sommes donc en faveur de cela.

La vice-présidente : Puisqu'il n'y a pas d'autres questions, je vais vous remercier, madame Nisha Varia, d'avoir pris le temps de comparaître devant nous. Comme vous avez pu le constater, c'est un sujet qui suscite beaucoup d'intérêt. Peut-être que nous aurons l'occasion dans l'avenir de discuter encore une fois avec vous.

Mesdames et messieurs les sénateurs, il y a un autre point à aborder.

La sénatrice Jaffer : Puis-je proposer que, si le rapport sur la Syrie ne peut pas être déposé avant l'ajournement du Sénat, nous le déposions plus tard auprès du greffier?

La sénatrice Eaton : J'appuie la motion.

La sénatrice Jaffer : Il se pourrait que nous ne soyons pas en mesure de terminer le rapport et que nous devions le déposer plus tard.

La vice-présidente : Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie.

La vice-présidente : Je vous remercie, mesdames et messieurs les sénateurs.

(La séance est levée.)


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