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RPRD - Comité permanent

Règlement, procédure et droits du Parlement

 

Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Fascicule 2 - Témoignages du 27 mai 2014


OTTAWA, le mardi 27 mai 2014

Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, conformément à l'article 12-7(2)a), afin d'examiner des modifications du Règlement du Sénat, ainsi qu'une ébauche de rapport.

Le sénateur Vernon White (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à la présente réunion du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Je comprends qu'il n'est pas toujours facile de reprendre le collier après une semaine de relâche.

À moins qu'un membre ne propose un ajout à l'ordre du jour, nos travaux d'aujourd'hui porteront, conformément à l'article 12-7(2)a) du Règlement, sur des modifications à apporter au Règlement du Sénat, lesquelles concernent plus particulièrement le sous-comité présidé par le sénateur Nolin. Je vais lui laisser le soin de vous fournir rapidement des explications concernant les modifications proposées, à la suite de quoi nous tiendrons une discussion et, au besoin, un débat.

Le sénateur Nolin : Vous vous rappelez certainement de la discussion que nous avons eue au cours de notre dernière réunion. Quelques-uns d'entre vous ont indiqué qu'ils avaient besoin d'un peu de temps pour réfléchir aux questions qui avaient été abordées, et nous avons accédé volontiers à cette demande. L'objectif demeure le même, à savoir de restreindre la durée des débats portant sur des affaires autres que celles du gouvernement.

La semaine dernière, vous avez reçu une ébauche de rapport. Ce matin, nous proposons d'ajouter un autre amendement, ce qui aurait pour effet de reporter le vote. Si on demande qu'un vote par assis et debout soit tenu sur cette motion après le vote par oui ou par non, nous le tiendrons à la prochaine séance. Si le vote tombe un vendredi, le gouvernement souhaitera probablement qu'on reporte le vote à un autre jour de séance.

Peut-être que certains membres ont réfléchi, depuis la dernière séance, à des questions qu'ils souhaiteraient poser.

Le sénateur Furey : J'ai deux ou trois questions à poser. D'abord, je tiens à présenter des excuses puisque je n'étais pas présent à la dernière réunion. J'ai eu l'occasion d'examiner les documents pertinents et le compte rendu du débat qui a eu lieu. J'aimerais vous dire, monsieur le sénateur, qu'une question m'est venue à l'esprit. Je ne m'oppose nullement à ce que vous proposez, vu que j'aime que les travaux de la chambre se déroulent rondement, mais vous avez toujours plaidé pour que le Sénat soit reconnu comme une instance où sont tenus des débats. À coup sûr, vous devez avoir quelques préoccupations, vu qu'une clôture peut être imposée aux débats sur les projets de loi du gouvernement, et que, à présent, on propose qu'une clôture puisse être imposée aux débats portant sur les projets de loi d'initiative parlementaire. Est-ce que cela vous préoccupe?

Le sénateur Nolin : Bien sûr. Ma réaction a été exactement la même que la vôtre lorsque j'en ai discuté pour la première fois avec le président. Toutefois, nous devons regarder la réalité en face. Il nous faudra des années pour étudier les questions et les projets de loi inscrits au Feuilleton. Nous devons aller de l'avant. Il est injuste à l'égard de ceux qui proposent des choses de reporter à plus tard le débat à leur sujet.

Les délais qui seront proposés concernant les débats sur des affaires autres que celles du gouvernement seront assujettis à des conditions. L'affaire doit avoir été examinée au moins 15 fois et avoir fait l'objet de trois heures de débat au minimum. Au cours de la dernière réunion, nous nous sommes penchés sur des renseignements recueillis par le personnel concernant la dernière session — nous disposons peut-être encore de ces documents. Nous avions pu constater qu'un seul projet de loi entrait dans cette catégorie, à savoir le projet de loi C-377. Nous conserverions la règle des 15 fois et des trois heures de débat. Je suis convaincu que nous ne portons pas atteinte à l'idée de la tenue d'un débat exhaustif et approfondi. En fait, la sénatrice Jaffer envisageait probablement de réduire cette durée de trois heures.

Le sénateur Furey : L'idée de supprimer délibérément des règles sans raison valable ne me plaît pas. En outre, je crains que ce qui est proposé ne confère à la majorité un autre outil qui lui permettra essentiellement de museler la minorité. J'ai quelques préoccupations à ce sujet. Ceux qui prennent les décisions ne sont pas toujours des personnes raisonnables. Si c'était le cas, il n'y aurait évidemment aucun problème.

Mon autre préoccupation est de nature procédurale. Pour l'essentiel, le sous-comité était chargé de se pencher sur la question de la télédiffusion des séances du Sénat. À présent, on nous propose de changer en bloc un certain nombre de règles. Comment en sommes-nous arrivés là?

Le sénateur Nolin : Bien honnêtement, je crois que c'est attribuable au volume de travail de la chambre. Nous voulons que le Sénat projette une meilleure image dans les médias. L'une des préoccupations soulevées par les membres du comité tenait au fait que, durant chaque séance, on reporte les trois quarts de nos travaux inscrits au Feuilleton. J'avais moi aussi des craintes à propos de l'élargissement du mandat, mais j'ai décidé de me pencher là-dessus.

Le sénateur Furey : Bien entendu, le comité est maître de sa propre destinée, mais je crois que vous auriez dû vous en tenir à votre mandat, et formuler une recommandation selon laquelle le comité devrait envisager de modifier certaines dispositions du Règlement de manière à ce que les travaux puissent se dérouler au rythme que vous souhaitez. Quoi qu'il en soit, les choses sont ce qu'elles sont, et je vous remercie.

Le sénateur Nolin : La possibilité que les membres de la majorité se liguent contre ceux de la minorité existe déjà. La majorité peut, pour l'essentiel, déclarer que le débat a assez duré et demander que l'on tienne un vote. Nos propositions visent simplement à mettre un peu d'ordre dans un processus. Nous voulons instaurer des règles en ce qui concerne ceux qui peuvent présenter une telle motion et la manière dont la durée d'un débat peut être restreinte de manière à ce que l'on ne soit pas à la merci d'une personne qui décide de s'en prendre à la minorité.

Le sénateur Furey : C'est une façon judicieuse de voir les choses.

Le président : Si vous le permettez, j'aimerais ajouter que cette mesure s'appliquerait à chaque étape, de sorte que la règle des 15 fois et des trois heures s'appliquerait deux fois. En ce qui a trait à ce que vous avez dit concernant les personnes raisonnables, je crois que la proposition représente un progrès plutôt qu'une régression.

La sénatrice Fraser : Contrairement à bon nombre d'autres personnes, je ne suis pas perturbée par le fait que l'examen de certaines questions soit constamment reporté. L'idée que chaque question soit appelée me plaît, car cela signifie que tous les sénateurs ont la possibilité de s'exprimer lorsqu'ils souhaitent le faire. Si le fait que l'on entende continuellement « reporté, reporté, reporté » vous préoccupe, vous devriez envisager d'autres solutions pour tenter de régler ce problème. Par exemple, vous pourriez proposer que le président fasse l'appel non pas de chaque affaire à examiner, mais plutôt de la rubrique du Feuilleton sous laquelle elle a été rangée. On éliminerait ainsi une foule de « reporté, reporté ».

Je ne suis pas certaine de comprendre comment le problème lié à ces nombreux reports a mené à la question de la restriction de la durée du débat sur les affaires autres que celles du gouvernement, comme l'a qualifiée le sénateur Nolin. Je ne vois pas l'utilité d'imposer une telle restriction. Je comprends qu'on puisse le faire dans le cas d'affaires du gouvernement, et le Règlement établit une distinction nette entre les affaires du gouvernement et les autres affaires. En raison des pouvoirs dont il est investi, le gouvernement a le droit, à la suite d'un débat et d'une réflexion, de faire adopter ses propositions à la Chambre, mais il s'agit là d'une autre question. Ce qui nous intéresse, ce sont les « autres affaires », les affaires autres que celles du gouvernement. Pourriez-vous m'expliquer en quoi il serait approprié de limiter la durée des débats?

Le sénateur Nolin : Je répondrai d'abord à la question concernant les reports. Bien honnêtement, je crois qu'il s'agit là de la raison pour laquelle le sous-comité sur la télédiffusion a été chargé de se pencher sur la question de la restriction de la durée des débats sur les affaires autres que celles du gouvernement. S'agit-il d'une réponse parfaite? Non. J'étais beaucoup plus préoccupé par le fait de limiter la durée des débats sur les affaires autres que celles du gouvernement. Si vous examinez les diverses conditions que nous proposons d'instaurer, vous constaterez que nous tentons non pas de limiter les débats, mais de doter le Règlement d'une structure qui donnerait à tous — non seulement le parrain d'un projet de loi, mais également son critique — la possibilité de voir la lumière au bout du tunnel et d'espérer qu'on viendra à bout d'une affaire donnée. Voilà ce qui nous préoccupait.

En ce qui concerne le fait de limiter les débats, je vous dirai que, selon moi, quiconque souhaite s'exprimer pourra le faire, mais que, à tout le moins, il le fera dorénavant dans le cadre d'un processus dûment établi. Ce processus n'est probablement pas parfait, mais nous travaillerons à l'améliorer. Qui vivra verra. Le processus créera une dynamique, mais nous disposerons au moins d'un outil qui permettra au critique et au parrain d'examiner les affaires autres que celles du gouvernement dans un cadre structuré.

La sénatrice Fraser : Disposez-vous d'une quelconque enquête ou recherche sur la manière dont d'autres secondes chambres traitent ces questions? Le cas échéant, pourriez-vous transmettre ces documents aux membres du comité?

Le sénateur Nolin : Oui, nous disposons de documents de ce genre. Durant la première réunion du sous-comité, nous nous sommes penchés sur ce qui se fait au Royaume-Uni. J'ai été stupéfait de constater la mesure dans laquelle la durée des débats était limitée. Je pense avoir ce document sous la main. Je peux vous le fournir. Là-bas, la durée des débats se compte en minutes — cela ne se compare même pas avec ce qui est en vigueur ici ni avec ce que nous proposons. La durée des débats est très limitée.

La sénatrice Fraser : Avez-vous examiné les règles en vigueur en Australie, en France et aux États-Unis?

Le sénateur Nolin : À la Chambre des lords, le débat est limité à une heure. Non, nous n'avons pas examiné le cas de l'Australie. Je tente de restreindre la durée des débats touchant les affaires du gouvernement en me fondant sur ce tableau que j'ai sous les yeux — j'en possède une copie, et vous voudrez peut-être y jeter un coup d'œil. À coup sûr, nous avons l'examiné.

La sénatrice Fraser : Monsieur le président, vous pourriez peut-être faire en sorte que ce document soit transmis aux membres du comité.

Le sénateur Nolin : Si vous examinez le tableau qui figure dans ce rapport, vous constaterez que la Chambre des lords dispose aussi d'une rubrique « affaires du gouvernement ».

La sénatrice Fraser : Vous avez répété aujourd'hui ce que vous aviez dit à la dernière réunion, à savoir que, au cours de la dernière session parlementaire, un seul projet de loi aurait été visé par les dispositions que vous proposez. En lisant le compte rendu de cette réunion, je me suis demandé si vous aviez tenu compte de l'effet qu'aurait l'adoption de votre proposition sur les comportements. Je signale à la sénatrice Cools qu'il s'agit là de ma dernière question, du moins pour l'instant.

Le président : Allez-y, s'il vous plaît.

Le sénateur Nolin : C'est à cela que je faisais allusion lorsque j'ai dit que le processus créerait une dynamique.

La sénatrice Fraser : À mes yeux, si la proposition est adoptée, les membres de la majorité, peu importe laquelle, vu qu'ils sont ceux qui, au bout du compte, remporteront le vote, veilleront à remplir trois heures de débat pour ensuite imposer un vote. Il me semble évident que cela risque de devenir un outil qui permettrait à la majorité d'avoir les coudées plus franches que jamais au moment d'imposer sa volonté. Nous disposons déjà de règles touchant la question préalable; nous pouvons déjà tenir des votes sur la question de savoir si un débat doit être ajourné. Je n'arrive toujours pas à bien comprendre pourquoi vous avez cru que c'était nécessaire.

Le sénateur Nolin : En ce qui concerne vos propos touchant la majorité, prenons l'exemple du projet de loi C-377. Tenons-nous-en à ce seul exemple, qui est, à mon avis, fort probant.

Vous vous rappellerez que, dans ce cas-là, les membres de la majorité n'étaient pas tous d'accord.

La sénatrice Fraser : Je m'en souviens.

Le sénateur Nolin : Vous vous en souvenez. Même après 387 minutes de débat, le gouvernement a perdu le pari qu'il avait fait relativement à ce projet de loi. Je souligne au passage qu'il ne devait pas s'agir d'un projet de loi du gouvernement.

La sénatrice Fraser : Le gouvernement y était fortement favorable.

Le sénateur Nolin : Il ne s'agissait pas d'un projet de loi du gouvernement, et il n'a pas été adopté. À mes yeux, cela prouve qu'un bon projet de loi peut être adopté et qu'un mauvais projet de loi peut être rejeté.

La sénatrice Fraser : Ou alors qu'un mauvais projet de loi peut être adopté et qu'un bon projet de loi peut être rejeté.

Le sénateur Nolin : Le recours aux tribunaux demeure possible.

Le sénateur Joyal : Pas dans l'immédiat ni dans tous les cas.

La sénatrice Fraser : Comme je l'ai mentionné, monsieur le président, il s'agissait de ma dernière question, du moins dans le cadre du présent tour.

Le sénateur Runciman : Je ne suis pas membre permanent du comité et je ne suis pas au courant de toutes les discussions qui ont été tenues sur le sujet qui nous occupe, mais je suis frappé par le fait que la proposition est plus que généreuse et n'empêchera pas une utilisation abusive du processus d'ajournement.

L'an dernier, j'ai parrainé un projet de loi, et le critique d'en face ou son représentant ne cessait de demander des ajournements, et ce, des mois durant. Il s'agissait d'un projet de loi relativement simple avec lequel à peu près tout le monde était d'accord, mais pour une raison ou une autre, cette personne a décidé qu'elle ne souhaitait pas l'examiner à ce moment-là. J'estime que c'est assez problématique. La sénatrice Fraser a mentionné qu'elle aimait que chaque affaire soit appelée. Je sais que le Sénat et ceux qui le composent se penchent sur les options qui permettraient de rendre les processus en place plus compréhensibles pour le grand public. Si jamais nos séances sont télédiffusées, les gens pourront constater que l'appel de chaque affaire à examiner constitue l'une des procédures les plus déroutantes du Sénat. Je sais que cela ne plaira pas à quelques-uns des sénateurs qui ont le plus d'ancienneté, mais je vous dirai que je préférerais que les projets de loi d'initiative parlementaire soient traités de façon beaucoup plus efficiente — nous pourrions peut-être réserver un après-midi par semaine pour le débat et le vote sur les affaires de ce genre.

Je suis actuellement le parrain d'un projet de loi, et j'en ai ajourné l'examen parce que personne n'est intéressé à s'en occuper à ce moment-ci — des sénateurs des deux côtés de la chambre l'ont fait dans le passé. Il y a eu énormément de confusion. J'estime que le sénateur Nolin et les membres du sous-comité ont été très généreux au moment de formuler leurs propositions. À mon avis, et à la lumière des 29 années que j'ai passées au sein de l'Assemblée législative de l'Ontario, j'estime qu'il s'agit de la façon la moins efficiente qui soit de procéder à l'examen d'un projet de loi d'initiative parlementaire, laquelle créera assurément beaucoup de confusion au sein du public si jamais nos débats viennent à être télévisés.

Le président : Ne perdez pas de vue que la limite de trois heures représente une limite minimale — elle signifie non pas que le débat cessera au bout de trois heures, mais simplement qu'une personne pourrait demander la tenue d'un vote.

La sénatrice Cools : J'aimerais revenir aux principes de base. Les dispositions du Règlement visent simplement à faciliter le plus vaste débat possible et à soutenir les sénateurs qui veulent y participer. Ce qui me préoccupe, c'est que, une fois de plus, on propose une modification des dispositions à la seule fin de restreindre la durée des débats ou la possibilité qu'ont les parlementaires de s'exprimer.

Ce n'est que récemment que le gouvernement a acquis une telle emprise sur le Sénat en ce qui a trait aux « affaires du gouvernement ». Avant 1991, les affaires du gouvernement étaient traitées en fonction des compétences et des talents des parlementaires; elles n'occupaient pas le haut du pavé comme c'est le cas actuellement. Nous sommes en présence d'encore une autre proposition visant à limiter la durée des débats, et ce, parce que, pour une raison ou une autre, des personnes dont nous ignorons l'identité estiment que certaines choses sont indésirables.

J'aimerais rappeler aux sénateurs que, dans le passé, lorsqu'on souhaitait proposer ou recommander une modification des dispositions du Règlement, on devait déposer une motion en vue de la tenue d'un débat au Sénat. Oui, je sais que vous vous appuyez sur la disposition — je ne me souviens pas exactement laquelle — portant que le comité peut soumettre, de sa propre initiative, des propositions visant la modification du Règlement. Je vous ferai remarquer que les propositions de modification qui ont été présentées au sous-comité auraient d'abord dû être soumises au Sénat. Le paragraphe du Règlement qui autorise ces propositions n'a pas une valeur absolue, et il vise les questions sur lesquelles à peu près tout le monde est d'accord ou qui soulèvent peu de préoccupations, et non pas celles à propos desquelles de graves préoccupations ont été formulées.

Pour ce qui est du sujet de mon intervention, je tiens à mentionner que je ne comprends pas pourquoi cette proposition nous a été soumise. Je ne vois pas pourquoi quelques-uns d'entre nous ont jugé qu'elle était nécessaire. À mes yeux, les débats que tient actuellement le Sénat sont plutôt sommaires. Le projet de loi auquel le sénateur Nolin a fait allusion était, sans l'ombre d'un doute, un projet de loi du gouvernement — il ne s'agit pas de la première fois que le gouvernement fait passer un de ses projets de loi pour un projet de loi d'initiative parlementaire. J'ai lu attentivement ce qui a été publié dans les médias au cours des jours suivant les événements, et je peux vous dire que les gens du Cabinet du premier ministre ont tenu des propos très durs — ils ont affirmé que le Sénat n'avait pas à se comporter comme il l'a fait relativement au projet de loi C-377. Il s'agissait indubitablement d'un projet de loi du gouvernement. Nous devons poser la question. Nous devons tenir un débat. Pourquoi le gouvernement...

Le président : Sénatrice...

La sénatrice Cools : Je m'en tiens au sujet de notre débat.

Le président : Je ne suis pas certain qu'il soit approprié de tenir un débat sur la question de savoir si le projet de loi C-377 était un projet de loi du gouvernement.

La sénatrice Cools : Ce n'est pas de cela que nous débattons. J'ai la parole.

Le président : Vous avez effectivement la parole, sénatrice. Veuillez poursuivre.

La sénatrice Cools : Je ne veux pas me faire dire ce que je peux ou ne peux pas dire. Gardez cela présent à l'esprit. Je suis une personne libre.

Le président : En effet.

La sénatrice Cools : Merci. Comme je le disais, il n'y a absolument aucune raison de présenter une telle proposition. Une kyrielle de projets de loi du gouvernement sont adoptés sans débat, ou presque. Par exemple, l'an dernier, lorsque le gouvernement a déposé une motion en vue d'inviter le vérificateur général à témoigner, pas un seul membre du gouvernement n'a pris la parole à propos de la motion — pas un seul. Quant à celle qui parrainait le projet de loi, elle a été avare de commentaires. On ne peut pas dire que le Sénat croule sous les débats. De nombreux projets de loi du gouvernement sont adoptés au terme d'un débat minime. Sauf votre respect, nous en sommes à un point où l'opposition compte un nombre si faible de membres qu'elle a du mal à présenter des intervenants et à prendre part aux débats.

J'aimerais mentionner que nous devrions envisager de renoncer à cette initiative inutile et restrictive. Je fais partie du groupe de personnes qui tentent de faire un travail très approfondi et très sérieux, ce qui exige parfois plus que trois jours ou trois semaines — il s'agit là du temps qu'il faut parfois attendre pour obtenir d'une bibliothèque un document dont elle ne disposait pas et qu'elle a dû faire venir d'un autre établissement. La proposition qui nous occupe aura des effets restrictifs non pas sur le gouvernement, mais sur les parlementaires qui s'intéressent à un projet de loi en particulier, ce qui me pose un énorme problème. Le gouvernement a le devoir de respecter le droit des personnes de s'exprimer. Voilà ce que nous faisons ici : nous nous exprimons. Chaque jour qui passe, on impose une nouvelle limite aux débats parce que, pour une raison ou une autre, de nombreuses personnes ne peuvent ou ne veulent pas débattre.

Quelle direction sommes-nous en train de prendre? Où nous mèneront toutes ces initiatives? Finira-t-on par supprimer tous les débats? Nous devrions en discuter. Quelle est la visée de toutes ces initiatives visant à restreindre les débats? Le sénateur Murray a indiqué à de nombreuses occasions, en ce qui concerne les modifications adoptées en 1991, que la première et la plus grave erreur qui a été commise tenait au fait de limiter à 15 minutes la durée des interventions. Pourtant, je n'ai pas entendu quiconque proposer une modification en vue d'allonger la durée des interventions. À mon avis, il n'est pas possible d'étoffer une idée en si peu de temps. Il se peut que cela ne dérange pas certains sénateurs, mais de nombreux autres, qui voudraient en faire davantage, en sont extrêmement préoccupés.

J'aimerais demander aux membres de bien repenser à tout cela. La leader adjointe de l'opposition a formulé des observations valides et profondes. Ne serait-ce qu'à la lumière de ces propos, nous devrions renoncer à la présente initiative s'il est évident qu'elle soulève de graves préoccupations.

J'aimerais finalement aborder la question des « affaires du gouvernement ». À l'heure actuelle, pour une raison ou une autre, le Sénat ne compte aucun membre du gouvernement. Le gouvernement a décidé, à tort, selon moi, que le Sénat ne comprendrait aucun ministre. Il faut savoir que les privilèges dont dispose le gouvernement au sein du Sénat en ce qui a trait aux affaires du gouvernement découlent non pas d'une quelconque disposition du Règlement, mais de la présence et de la participation d'un ministre. Ce n'est pas clair, et j'avancerais qu'il est inapproprié de la part du gouvernement de s'accrocher à ces droits et privilèges touchant les affaires du gouvernement alors qu'il ne compte aucun membre au sein du Sénat. Il fait valoir que Diefenbaker l'a fait pendant une brève période, mais cet argument n'a aucune valeur — il s'agissait d'une mauvaise pratique. C'est la présence, la participation et le leadership d'un ministre d'État au sein du Sénat qui octroient au gouvernement des privilèges dans cette chambre. Autrement, les sénateurs conservateurs ne sont que des sénateurs qui soutiennent le gouvernement. Cette question sera soulevée tôt ou tard tout comme, par prorogation, le vérificateur général n'a plus le pouvoir de se présenter ici. Il est malsain que le comité soit à l'origine de tendances que je considère indésirables.

La sénatrice Frum : J'aimerais poser une question au sénateur Nolin. Dans une certaine mesure, elle fait suite aux propos de la sénatrice Cools selon lesquels la chambre n'est pas submergée par une avalanche de débats.

Sous le régime du Règlement actuel, il semble que, au sein du Sénat, la manière consacrée de se comporter à l'égard d'un projet de loi qui ne nous plaît pas consiste à en faire fi. C'est la raison pour laquelle aucun débat n'a lieu. Est-ce que les modifications proposées susciteront la tenue d'un plus grand nombre de débats en raison des contraintes de temps dont s'assortit un projet de loi? En fait, il se peut que ce soit le cas.

Se pourrait-il, comme le sénateur Furey et la sénatrice Fraser le craignent, que la majorité puisse utiliser les trois heures et les 15 jours en question afin de bâillonner l'opposition et de couper court à tout débat? En présence du critère des trois heures et de celui des 15 jours, j'ai du mal à imaginer que l'opposition n'ait pas tout le temps voulu pour s'exprimer, si elle le souhaite, à propos d'un projet de loi.

Le sénateur Nolin : En ce qui a trait à la première partie de votre intervention, je vous dirai qu'il s'agit exactement de la conclusion à laquelle nous sommes parvenus, à savoir que la proposition aura pour effet non pas de restreindre, mais plutôt de favoriser les débats.

Pour ce qui est de la deuxième partie de votre intervention, je mentionnerai que nous avons examiné le temps qui a été consacré à chaque affaire autre que celles du gouvernement au cours de la première session de la 41e législature, ce qui couvre une période de deux ans. Nous pouvons fournir ce document. Il est disponible.

Si l'on se limite aux projets de loi n'émanant pas du gouvernement qui ont été présentés à la Chambre des communes, on constate que, en moyenne, les débats tenus à leurs propos ont duré 56 minutes. Il s'agit d'une moyenne sur une période de deux ans. Les plus longs débats sont ceux qui ont été tenus à propos du projet de loi C-377. En troisième lecture, ils ont duré 387 minutes. Ce qui s'est passé au cours de la deuxième lecture est hors du commun. Comme je l'ai mentionné, le gouvernement a perdu le vote qui a été tenu. Ainsi, il y a eu 232 minutes de débat au cours de la deuxième lecture de ce projet de loi, et 387 au cours de la troisième lecture, et en moyenne, 56 minutes de débats ont eu lieu à propos de tous les projets de loi d'initiative parlementaire déposés à la Chambre des communes.

En ce qui concerne les projets de loi d'intérêt public du Sénat, la moyenne est de 42 minutes. Pour ce qui est des motions, la moyenne est de cinq minutes.

Ainsi, de manière à ce que l'on puisse respecter les conditions dont s'assortissent les modifications que nous proposons, on devra nécessairement tenir de plus amples débats, et non pas en limiter la durée. Le gouvernement détenait la majorité tout au long de la première session de la 41e législature. Il aurait pu utiliser sa majorité pour régner sans partage. Lorsqu'il a décidé de le faire, il a fait long feu.

La sénatrice Frum : Lorsque le président dispose d'une liste de personnes qui souhaitent intervenir à propos d'un projet de loi, il cède la parole à tour de rôle aux sénateurs des deux côtés de la chambre. En d'autres termes, il est inconcevable que les membres de la majorité décident de prendre la parole pendant trois heures chaque jour, pendant 15 jours.

Le sénateur Nolin : Le Règlement ne comporte aucune disposition portant expressément sur l'ordre des intervenants, mais la convention veut que la parole soit accordée à tour de rôle aux intervenants des deux côtés de la chambre.

La sénatrice Frum : Je disais seulement que l'opposition aurait amplement l'occasion de débattre d'un projet de loi, si elle le voulait, selon ce scénario. Rien ne pourrait l'en empêcher.

Le sénateur Nolin : En 180 minutes, en trois heures, il est sûr qu'un sénateur qui veut faire passer son point sera obligé de convoquer une longue liste de gens.

La sénatrice Frum : D'accord. Merci.

Le sénateur Nolin : Le document qui contient les chiffres circule. Ces chiffres sont assez révélateurs, quand on les voit.

L'idée qui sous-tend tout cela, ce n'est pas de limiter, mais de nous assurer d'être justes. On a demandé à la chambre de voter, et on met aux voix le plus grand nombre possible d'affaires. C'est l'idée à la base.

Le sénateur Furey : Oui, monsieur le président. J'aimerais présenter une proposition sur la façon dont nous allons faire progresser les choses, mais je ne veux pas que le débat se termine ici.

Le président : Nous allons vous reporter à plus tard, tant qu'il y aura des noms sur la liste.

Le sénateur Furey : Oui, mais je devrais peut-être la présenter de toute manière, et les gens pourront y réfléchir pendant que nous poursuivons le débat.

J'ai reçu ce matin un appel du sénateur David Smith, qui est retenu à Toronto. Il aurait voulu, si c'était possible, reporter le vote sur cette question jusqu'à notre prochaine réunion. Je suis d'accord. Je crois que la sénatrice Cools a soulevé un bon point lorsqu'elle a dit que nous devrions prendre le temps de réfléchir de nouveau à ce changement. Une semaine de plus donnera aux intervenants des deux côtés l'occasion d'en discuter avec leur caucus respectif, de façon que nous puissions tenir un débat plus approfondi. Quand nous aurons terminé le débat, je propose que nous reportions toute mise aux voix sur cette question jusqu'à notre prochaine réunion.

La sénatrice Fraser : J'ai quelques courtes observations à faire, puis j'ai une question. Premièrement, en réponse à la sénatrice Frum : techniquement, il serait possible de bloquer les interventions de l'opposition ou, d'ailleurs, de représentants du gouvernement, étant donné que les chefs n'ont aucune limite de temps à respecter. Vous vous souviendrez peut-être que mon propre chef, l'automne dernier seulement, je crois, avait prononcé un long discours de plus d'une heure puis avait ajourné le débat et avait utilisé le reste de son temps de parole, le jour suivant, pendant plus d'une heure.

Si, en tant que chef, vous parliez pendant une heure, une heure et demie, puis que vous ajourniez le débat pour utiliser une autre fois le reste de votre temps de parole, vous pourriez facilement occuper trois heures. Il n'a pas à ajourner le débat et reprendre la parole le lendemain. Il peut prendre la parole le premier jour, puis ajourner le débat jusqu'au quinzième jour, s'il le veut vraiment. Je ne dis pas que c'est probable, mais c'est possible.

En ce qui concerne la version finale du rapport, j'aimerais simplement souligner que le comité a pour pratique, quand il s'agit de changer les règlements, de le faire par consensus, et, en particulier, par consensus des deux parties. Je porte encore les cicatrices du sous-comité que j'ai présidé — M. Heyde affiche ici un sourire un peu sadique; les changements proposés avaient été rejetés par un côté ou un autre, malgré le fait que le sous-comité avait été unanime. Mais bon, nous l'avons accepté. Nous fonctionnons selon l'hypothèse qu'il faut que le Sénat agisse par consensus au sujet de ce que nous faisons, au sujet de la façon dont nous nous gouvernons.

Ma question, sénateur Nolin, a trait à la procédure proprement dite qui est énoncée ici. Si j'ai bien compris, vous proposez de modifier le rapport de façon à ce qu'il soit possible de reporter le vote et, si cette proposition nous plaisait, il est certain que ce serait là un élément très important à inclure. Toutefois, je me demande pourquoi, étant donné que la proposition s'inspire clairement de la procédure relative à l'attribution de temps pour les affaires du gouvernement, vous n'avez pas donné d'avis de cette motion. Lorsqu'on propose d'attribuer du temps pour les affaires du gouvernement, on procède par avis de motion; et c'est seulement lorsque cette motion est mise à l'étude, dans le cours normal des choses, que l'on peut tenir un débat et voter sur l'attribution de temps.

Dans le cas présent, vous dites que cela peut se faire immédiatement, sans avis, mais à mes yeux c'est étrange. Pourquoi auriez-vous choisi cette option?

Le sénateur Nolin : Ce n'est pas ce que je propose.

La sénatrice Fraser : C'est ce que l'on comprend.

Le sénateur Nolin : C'est une motion, et il faut donc suivre les règles qui disent qu'il faut un avis de motion.

La sénatrice Cools : Oui, une motion exige un avis.

La sénatrice Fraser : J'aimerais beaucoup qu'on me corrige sur ce point, mais nous disons ici qu'une motion visant à ce que des affaires autres que celles du gouvernement ne soient plus ajournées peut être présentée au moment où l'affaire est présentée. Selon moi, tout se passe comme si nous établissions une procédure qui n'exigerait pas d'avis.

Le sénateur Nolin : Laissez-moi retourner à ma planche à dessin, et je vais m'assurer que nous respectons explicitement le principe des avis. Je crois vraiment que c'est approprié.

En passant, je suis tout à fait d'accord avec la proposition du sénateur Furey, qui voudrait qu'on prenne davantage de temps. Je suis également pour le consensus des personnes présentes.

Le président : Sénatrice Fraser, si vous me le permettez, après que le chef a parlé pendant une heure, rien n'empêche quelqu'un de revenir sur la question lorsque la proposition est faite, de parler pendant 15 jours puis de demander son ajournement.

Le sénateur Nolin : C'est faire une entorse au règlement.

La sénatrice Fraser : Le sénateur Nolin a eu raison de parler de la pratique. Normalement, nous n'interrompons pas un chef.

Le président : En effet, mais nous le pourrions, rien ne nous l'en empêche. Il est certain que si nous avions l'impression qu'un intervenant allait prendre tout son temps et, c'est à espérer, les 15 jours dont il dispose, je ne crois pas que quiconque parmi nous le tolérerait et lui permettrait de poursuivre.

La sénatrice Cools : J'aimerais tout simplement dire que je suis d'accord avec la suggestion du sénateur Furey. Il ne s'agit pas d'une proposition en bonne et due forme, mais d'une suggestion de reporter le débat. Il a parlé du vote. Je crois que nous devrions reporter tout le débat jusqu'à ce que le vice-président soit présent. Il y a une foule d'autres choses, mais nous devrions vraiment nous arrêter et y réfléchir. Il y a ici des membres qui font un travail différent de celui d'autres membres, et des heures incalculables... Certains des discours que je prononce ont exigé une centaine d'heures de rédaction, sans parler des lectures, et je serais extrêmement troublée si, pendant que je fais ce travail, qui est énormément chronophage — et vous le savez : « Sortez les livres », comme vous le dites souvent, sénateur Nolin — si on m'interrompait ou qu'on m'empêchait de le faire.

Le sénateur Nolin : Pas du tout.

La sénatrice Cools : D'accord. Cela me préoccupe toujours, mais vous venez de dire non. Vous savez que depuis longtemps, ici, je suis préoccupée du fait que toutes les propositions de règlement qui sont présentées visent à limiter le débat. Rares sont les propositions visant à permettre le débat.

Le sénateur Nolin : Celle-ci va permettre le débat. Vous avez ma parole.

La sénatrice Cools : Vous allez devoir m'en donner la preuve. J'ai hâte que le sénateur Nolin ait l'occasion, dans le cadre des débats futurs, de me prouver ce qu'il avance.

Le sénateur Nolin : C'est la raison pour laquelle je parle de la dynamique. Essayons de faire en sorte que, lorsque nous prenons une décision à ce sujet, nous aurons répondu à toutes les questions et tout le monde sera content.

La sénatrice Cools : Et que toutes les motions seront précédées d'un avis, comme elles le sont d'habitude. C'est un grand problème.

Le sénateur Nolin : Tout à fait.

La sénatrice Martin : Je devrais également m'excuser auprès de mes collègues du comité pour mon absence, ces dernières séances. La sénatrice Fraser et moi-même devons souvent participer à une réunion de préparation de la minute; si nous prenons du retard, nous ne pouvons pas être présentes. C'est agréable d'être à la table pour prendre part à cette très importante discussion.

Dans le poste que j'occupe maintenant, où je m'occupe de l'ordre du jour et de ce qui se passe à la Chambre, j'en suis venue à apprécier davantage les règlements que nous avons adoptés, et pourtant, je suis personnellement sensible aux pressions qui viennent du fait que certains membres posent des questions sur des projets de loi importants, comme l'a dit le sénateur Runciman, pour tenter d'expliquer de quelle façon un projet de loi d'initiative parlementaire fait son chemin jusqu'au Sénat et de quelle façon on peut le défendre ou le reporter pendant de très longues périodes.

J'aimerais remercier les membres du comité du travail qu'ils ont fait et ajouter qu'il s'agit peut-être d'une très bonne occasion pour nous, en tant que sénateurs, d'examiner les moyens par lesquels nous pouvons consolider et moderniser les règlements actuellement en vigueur et la façon dont les débats sont menés au Sénat.

En ce qui concerne la sénatrice Cools, j'apprécie à sa juste valeur son expertise et ses connaissances institutionnelles, de la même façon que les autres membres de notre comité et de notre Chambre, mais j'ai également parfois beaucoup de difficulté à expliquer comment les choses fonctionnent et pourquoi il y a tant de retard. Quand nous reportons ad nauseam un projet de loi, il semble que cette proposition doive nous amener à réfléchir sérieusement non seulement à la façon dont nous pourrions devenir plus efficients et plus modernes, de manière à rendre justice à cette institution et à ses traditions très importantes, mais également à la façon dont nous pourrions devenir plus responsables à l'égard de tous les intervenants intéressés dont nous avons également la responsabilité.

Sénateur Nolin, à titre intérimaire, est-il possible qu'un côté domine le débat, même si le président joue un rôle en donnant la parole aux sénateurs qui la demandent?

Le sénateur Nolin : Ce risque existe toujours. C'est la raison pour laquelle j'affirme être convaincu, et que le comité est convaincu, que cela suscitera le débat plutôt que de le limiter, puisqu'il faudra que ces intervenants prennent la parole pendant trois heures, des deux côtés. De la façon dont le règlement est rédigé à l'heure actuelle, une majorité peut s'imposer dans le débat. Maintenant, nous disposerons à tout le moins d'une structure ou d'un cadre, mais nous devons respecter les avis et les préoccupations raisonnables de la sénatrice Cools. Je crois que nous devrions étudier la question en nous assurant d'en examiner tous les aspects, puisqu'il est clair que ce que l'on vise, c'est la possibilité de tenir un débat. Nous sommes le Parlement; nous sommes un lieu de débat. Je crois que c'est exactement ce que nous essayons de réaliser. Autrement, nous devrions retourner à la planche à dessin.

La sénatrice Cools : Voilà pourquoi je vous adore, sénateur. C'est tellement agréable lorsque vous êtes Président intérimaire du Sénat. C'est mon sentiment.

Le sénateur Nolin : Merci.

Le président : Avant de donner la parole au sénateur Joyal, pour répondre aux commentaires que le sénateur Runciman a émis précédemment, je crois qu'il parlait du projet de loi au sujet duquel j'ai des préoccupations. Je crois que nous sommes à un intervenant près des trois heures, 290. Nous défendons chacun une opinion différente. Nous voulons tous les deux qu'il y ait un vote et nous n'avons ni l'un ni l'autre, actuellement, la capacité de diriger ce débat de trois heures et de demander le vote sur une question qui, nous le croyons tous deux, sera tranchée dans le sens que nous souhaitons. Je pourrais dire la même chose, au sujet de ce projet de loi, si j'étais de l'autre côté, j'en ai peur. Je crois que dans ce domaine, nous pourrions débattre plus longuement d'un projet de loi si nous avions la capacité de le faire, sachant que nous pourrions demander le vote après deux autres intervenants.

Le sénateur Joyal : Je suis pour la vertu et je suis aussi pour l'institution — la vertu voulant qu'un sénateur ne puisse pas réellement prendre l'institution en otage en refusant, en refusant encore, en reportant et en reportant encore. Je crois que c'est une préoccupation légitime, dont nous pourrions nous occuper.

D'un autre côté, l'une des principales forces de notre institution — et je le dis dans le plus grand respect pour le sénateur Runciman —, c'est que nous ne sommes pas la première chambre, nous sommes la seconde. Nous formons la chambre où on procède à un second examen objectif. C'est-à-dire, si on s'en tient à sa définition même, que nous devrions prendre le temps d'examiner les choses.

Dans cette chambre, le temps est essentiel. Notre chambre, au moment d'examiner les projets de loi, peut le faire de diverses manières. Elle peut dire tout de suite « non »; elle peut dire tout de suite « oui ». Et elle peut aussi dire « un instant, nous devons y réfléchir ». Je crois qu'aujourd'hui, ce qui devrait nous préoccuper, c'est justement cette dernière option.

Autrement dit, la chambre a le pouvoir de reporter une question ou de reporter le vote final sur une question, et c'est un aspect essentiel du Sénat. De fait, c'est lorsque nous recourons à ce pouvoir que nous pouvons le mieux procéder à un second examen objectif d'une question donnée.

Il me semble que, si nous voulons encadrer ce pouvoir du Sénat, nous devons être très sensibles à ce que j'appelle la loi des conséquences imprévues. Je ne mets pas en doute les motifs du sénateur Nolin. Le sénateur Nolin fait partie de la chambre depuis de nombreuses années, et je crois qu'il est au courant des nombreux exemples qui me viennent à l'esprit au moment où je fais ces commentaires. D'un autre côté, puisque nous sommes invités à adopter un amendement qui concerne le cœur de l'institution et son exercice du pouvoir, nous devons comprendre ce que nous sommes en train de faire. Nous ne sommes pas un conseil municipal; il ne s'agit pas d'examiner un tas de questions, d'adopter des résolutions, de gérer les choses puis de revenir à la maison satisfaits du travail que nous avons fait. Il m'est souvent arrivé de venir à la chambre, d'écouter ce qui se disait ou de lire ce qui se disait et d'y réfléchir. Réfléchir à ce que nous faisons, c'est important.

Prenons par exemple un projet de loi d'initiative parlementaire, pas un projet de loi du gouvernement présenté comme un projet de loi d'initiative parlementaire. Nous sommes des adultes, ici; nous pouvons bien regarder au plafond, mais nous connaissons les règles du jeu. Disons que nous parlons d'un projet de loi d'initiative parlementaire, un véritable projet de loi d'initiative parlementaire, qui a été présenté personnellement par un sénateur. J'ai présenté de nombreux projets de loi de ce type, au fil des ans, parfois quatre fois. Je me souviens d'un projet de loi que j'avais présenté avec la sénatrice Andreychuk, à titre de projet de loi complémentaire. La sénatrice Andreychuk l'a présenté; je l'ai présenté. Nous l'avons présenté quatre fois, dans le cadre de diverses sessions. Aucun vote final n'a jamais été tenu, mais la question est restée à l'ordre du jour, et c'est un enjeu fondamental lié à la façon dont fonctionne le Sénat, la façon dont les droits des citoyens sont touchés et les droits des employés du Parlement. Il s'agit, pour les employés du Parlement, des droits de la personne, qui concernent les gens qui nous aident à faire notre travail et à nous acquitter de nos responsabilités.

Il est certain que je suis heureux d'explorer une façon d'empêcher que le Sénat ne soit pris en otage. Je m'efforce également de ne pas, en réalité, faire entrer un cheval de Troie, étant donné que le gouvernement est majoritaire — et vous pouvez me croire, j'ai longtemps, également, fait partie d'un gouvernement majoritaire. Mais, quand nous présentons des amendements, nous devons nous poser la question suivante : lorsque nous n'aurons plus la majorité, quelle sera leur incidence pour nous? Nous ne sommes pas ici pour six ou huit ans, nous sommes ici pour une longue période, comme l'a décidé la Cour suprême. Vous êtes ici pour très longtemps.

La sénatrice Cools : Sûrement pas pour huit ans!

Le sénateur Joyal : Et un jour vous serez de l'autre côté, comme je le suis. Nous devons nous poser des questions qui transcendent nos intérêts quotidiens et nous demander quelle sera l'incidence pour nous. Y aurait-il atteinte à la crédibilité de l'institution ou à la capacité de ses membres de procéder à un second examen objectif, selon le cas? Voilà l'enjeu.

Bien que je comprenne la sénatrice Martin, qui se préoccupe de la modernisation de l'institution, je ne suis pas contre la modernisation. J'ai publié un ouvrage sur la modernisation de l'institution, mais il porte surtout sur les moyens de la moderniser. Si nous la modernisons, allons-nous renforcer son rôle ou allons-nous, en fait, affaiblir son rôle dans le processus parlementaire? Nous arrivons en second. Comme vous le savez, nous ne sommes pas la première chambre.

Comme l'a dit le sénateur Runciman, si vous faites partie de la première chambre, le gouvernement a le droit de s'occuper de ses affaires dans la première chambre. Je suis tout à fait d'accord. Mais quand on s'occupe d'un projet de loi d'initiative parlementaire, c'est une tout autre histoire. Nous ne nous occupons plus des ordres émanant du gouvernement, ici; nous nous occupons des projets de loi d'initiative parlementaire.

J'écoute ce qu'ont à dire mes collègues des deux côtés, mais j'aurai besoin d'un peu de temps, monsieur le président, et je vous le dis en toute candeur. Il n'y a pas de pour et de contre, sur cette question. Encore une fois, je ne suis pas contre l'idée d'examiner la question. Cette proposition est-elle la meilleure ou la seule? C'est un exercice légitime, une proposition légitime. Pourrait-on l'améliorer? Peut-être. Certainement. Comment allons-nous nous y prendre? Je crois que c'est un élément très sérieux, car nous nous occupons du pouvoir de l'institution, et ce pouvoir s'exerce sur le fondement d'une convention. Comment allons-nous en tirer un règlement? C'est différent. Nous proposons ici un changement très important.

Ce que nous faisions de bon gré, des deux côtés, nous le ferons désormais dans un cadre. Si nous adoptons un cadre et que, avec la pratique, nous estimons que le cadre n'a pas atteint son objectif, il sera plus difficile de le défaire qu'il peut l'être de le faire, parfois. Nous allons devoir l'accepter.

Voilà la raison pour laquelle je suis perplexe. Je le dis très franchement. Je crois que c'est la raison pour laquelle nous sommes réunis ici, pour dire ce que nous pensons à ce sujet. Comme je l'ai dit, lorsque je m'exprime, je ne pense pas à moi personnellement, je ne pense pas à mon expérience passée des projets de loi que j'aurais aimé soumettre aux voix, ou à quoi que ce soit. Ce n'est pas cela qui me préoccupe. Pour le moment, il s'agit essentiellement de la nature de l'institution et de ce que nous allons lui faire si nous prenons une convention pour en faire un règlement. Encore une fois, la mesure pourrait moderniser l'institution, mais, d'un autre côté, si nous le faisons, nous devons être certains, comme je l'ai déjà dit, d'avoir réfléchi aux conséquences imprévues, c'est-à-dire que nos bonnes intentions initiales pourraient ne pas donner tout à fait le résultat que nous avions cherché, si une question difficile était soumise à la table. Quand il s'agit d'une question facile, il est facile d'en débattre; mais, quand il s'agit d'une question très difficile, quand les droits des citoyens sont touchés, quand cet autre projet de loi dont il a été question ce matin faisait l'objet d'un examen, je crois que nous devons nous arrêter pour y réfléchir.

Le sénateur Runciman : Ce qui me frappe, dans tout cela, c'est qu'il ne s'agit pas d'un objectif inatteignable, respecter le rôle du Sénat tout en réglant le cas dont le sénateur Joyal a parlé, les personnes qui voudraient prendre le Sénat en otage, les personnes ou le parti, d'ailleurs, qui voudraient pour une raison ou pour une autre profiter du règlement tel qu'il est actuellement formulé. Il me semble qu'on peut régler cette question et, en même temps, prendre quelques mesures de modernisation.

J'ai parlé plus tôt de la possibilité de réserver un après-midi pour l'étude des projets de loi d'initiative parlementaire et, à mon sens, cela ne veut pas dire qu'il faut le supprimer si un projet de loi en particulier est à l'horaire. On peut le présenter et le présenter de nouveau. Le règlement peut le permettre. Mais en outre, il stimule le débat. Il faudra qu'un débat se tienne. Je sais que la sénatrice Cools a parlé des recherches qui, dans certains cas, exigent énormément de temps. Eh bien, si vous pensez que la question sera présentée à plusieurs reprises pendant la période prévue, au cours de la semaine, je crois que dans la plupart des cas, vous aurez assez de temps pour faire le type de recherche que vous devez faire.

Je crois qu'il est possible de le faire et ce, de manière consensuelle, tout en modernisant le Règlement du Sénat, dans une certaine mesure, quand il s'agit des projets de loi d'initiative parlementaire, et je crois que cela nous aidera, au bout du compte, puisqu'on s'efforce de faire mieux comprendre au public la façon dont cela fonctionne, ici, et le type de travail que nous faisons et dans quelle mesure que nous réfléchissons aux projets de loi du gouvernement ou d'initiative parlementaire.

Le président : Sénateur Furey, je vous redonne la parole.

Le sénateur Furey : Merci, monsieur le président. J'ai en effet demandé de reporter le vote, parce que je pensais qu'il était possible que nous en arrivions au vote, aujourd'hui, et, bien sûr, il y aurait eu comme conséquence imprévue de reporter le débat.

C'est pourquoi je propose que nous reportions le débat et que nous ne mettions pas la question aux voix avant la prochaine séance; nous aurons la possibilité d'en discuter avec notre caucus et notre chef respectif, pour voir si nous ne pourrions pas trouver une solution qui convienne à tout le monde.

Le président : Quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter?

La sénatrice Cools : J'appuie la proposition.

Le président : Merci, sénatrice. Si tout le monde est d'accord, nous allons donc reporter le débat et le vote à la prochaine séance, mardi matin.

Sénateur Enverga?

Le sénateur Enverga : Je me demandais tout simplement si le sous-comité étudiera encore une fois cette question, car je ne fais pas partie de ce sous-comité.

Le président : Non. Je crois qu'au point où nous en sommes, il est important de soumettre la question chacun de notre côté, voire d'en discuter au sein de notre caucus. Je crois que le sous-comité, les changements mineurs dont nous parlons, les amendements et les avis, par exemple, peuvent être réglés sans que le sous-comité se réunisse de nouveau, mais, s'il le fait, ce sera avant mardi prochain.

S'il n'y a rien à ajouter, je lève la séance.

(La séance est levée.)


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