Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement
Fascicule 2 - Témoignages du 3 juin 2014
OTTAWA, le mardi 3 juin 2014
Le Comité permanent du règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, conformément à l'article 12-7(2)a), afin d'étudier des modifications au Règlement et une ébauche de rapport.
Le sénateur Vernon White (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, je souhaite la bienvenue à tous les membres du Comité permanent du règlement, de la procédure et des droits du Parlement en ce 3 juin. Nous allons poursuivre la discussion de la dernière séance du sous- comité qui était présidée par le sénateur Nolin. J'invite le sénateur Nolin à nous expliquer où nous en étions la semaine dernière et ce que nous allons faire cette semaine.
Le sénateur Nolin : Merci, monsieur le président. Chers collègues, je présume que vous avez un exemplaire de la nouvelle version du premier rapport. J'ai en main des notes que je vous lirai. Bien sûr, je suis prêt à écouter vos questions ou observations.
Aujourd'hui, nous reprenons l'étude du premier rapport du sous-comité sur la télédiffusion. Vous avez reçu la semaine dernière un texte indiquant les discussions récentes. J'inviterais un sénateur à proposer une motion pour que ce texte devienne un amendement au premier rapport.
[Français]
Selon ce deuxième texte, il faudrait donner préavis d'une motion proposant qu'une affaire non gouvernementale ne soit plus ajournée, et il serait possible de débattre de cette motion.
Faisons un survol de ce processus, en suivant l'exemple d'un projet de loi.
En premier lieu, ce processus ne pourrait commencer que si le projet de loi a été débattu pendant au moins trois heures et si l'ordre lié à son étude a déjà été appelé au moins 15 fois. Les sénateurs auront donc au moins trois semaines, et peut-être plus de cinq, pour étudier le projet de loi. Cette disposition se trouve au paragraphe (1) du nouvel article 6-13 proposé.
[Traduction]
Quand ces deux conditions de base seront respectées, le parrain ou le porte-parole peut, mais sans y être obligé, donner avis d'une motion visant à ce que le débat sur le projet de loi ne puisse être ajourné. L'avis sera donné de la façon habituelle avec un jour d'avance. Cela est prévu au paragraphe 2 en changement connexe du règlement 5-5.
Après la prochaine séance, l'avis de motion sera publié au Feuilleton des avis. Une fois que la motion sera présentée, certaines procédures spéciales s'appliqueront en fonction du processus relatif au débat sur la motion d'attribution de temps relativement à une affaire émanant du gouvernement. J'invite les sénateurs à consulter le paragraphe 3. Plus précisément, le débat ne peut être ajourné, et le temps de parole accordé à la plupart des sénateurs sera de 10 minutes. Au total, le débat ne pourra durer plus de deux heures et demie. Le Sénat ne peut s'ajourner durant le débat, et le vote ne peut être différé.
[Français]
Si la motion est rejetée, le paragraphe (4) interdit de donner un nouveau préavis avant que les deux conditions de base — que le projet de loi ait été débattu pendant une nouvelle période de trois heures et qu'il ait été appelé au moins 15 autres fois — aient été remplies.
Mais si la motion est adoptée, la prochaine fois que le projet de loi sera appelé, le débat continuera jusqu'à ce qu'il soit terminé, sans possibilité d'ajournement. Les règles normales s'appliqueraient, sauf dans les cas indiqués au paragraphe (5). Une fois le débat terminé, le paragraphe (6) établit que le vote final peut être différé de façon normale. Si le Sénat étudie un amendement ou un sous-amendement, tout vote précédant le vote final sur la motion principale ne pourrait être différé, conformément au paragraphe (7), et le débat se poursuivrait jusqu'à ce que le Sénat soit rendu au point où le débat prend fin.
[Traduction]
Chers collègues, nous avons veillé à ce que le rapport soit envoyé à vos bureaux la semaine dernière. Si vous avez des questions ou des observations, je suis prêt à y répondre.
La sénatrice Fraser : J'ai lu la version révisée à maintes reprises. À certains égards, il est encore plus évident que cette mesure est inspirée des motions d'attribution de temps des affaires émanant du gouvernement. J'aimerais aborder quelques points.
Tout d'abord, j'ai été déconcertée l'autre jour lorsqu'à l'occasion d'une réunion publique, l'honorable Steven Fletcher a annoncé que le Sénat allait changer son règlement concernant les mesures d'initiative gouvernementale. Nous avons en main une ébauche de rapport. L'étude d'un rapport est censée être confidentielle. Je ne sais pas comment M. Fletcher a obtenu ces renseignements, mais j'ai certainement ma petite idée là-dessus. J'ai été troublée par ce fait, monsieur le président. Le fait de divulguer le contenu d'une ébauche de rapport à quiconque qui n'appartient pas à ce comité ne devrait pas devenir un précédent.
Le président : Si vous le permettez, j'aimerais réagir à votre observation. Nos séances ont été tenues en public. Les discussions que nous avons eues ont eu lieu en public. Il a demandé précisément si nous anticipions de poursuivre cette discussion au sujet de changements aux règles régissant les projets de loi d'initiative parlementaire. Il s'est fait donner des explications sur les discussions qui ont eu lieu en comité. Je ne sais pas s'il écoute les délibérations du comité ou s'il lit les transcriptions, mais il faut admettre qu'il s'agissait d'une discussion générale portant...
La sénatrice Fraser : Les discussions sur les ébauches de rapport sont publiées?
Le président : Non, il s'agissait de discussions portant sur les travaux du comité. Ces discussions ont été diffusées publiquement.
La sénatrice Fraser : Voilà où nous en sommes, il y a eu diffusion publique de discussions sur l'étude d'une ébauche de rapport. Normalement, les comités tiennent des délibérations à huis clos sur les ébauches de rapport.
Le président : Je crois que nous avons tenu des séances publiques depuis le début de ces discussions. Je crois qu'aucune séance n'a été tenue à huis clos.
La sénatrice Fraser : C'est fascinant.
La sénatrice Cools : Nous devrions en discuter.
La sénatrice Fraser : À l'avenir, je propose que nous tenions nos discussions sur les ébauches de rapport à huis clos.
Le président : C'est compris, merci.
La sénatrice Fraser : Deuxièmement, il y a encore un certain nombre d'éléments qui ne sont pas clairs.
Quel est donc notre but? Pourquoi établirions-nous un processus visant à mettre fin au débat portant sur des initiatives non gouvernementales? Les affaires émanant du gouvernement peuvent déjà faire l'objet d'une motion d'attribution de temps, car ultimement, le gouvernement peut forcer le Sénat à adopter ses initiatives. Je ne comprends pas pourquoi nous sommes si déterminés à faire en sorte qu'il en aille de même pour les initiatives non gouvernementales.
Troisièmement, ma confusion demeure, car il me manque énormément de renseignements pour lesquels j'avais présenté une demande à la dernière réunion ou celle qui précédait. En outre, même les renseignements au sujet de la Chambre des lords me semblent difficiles à comprendre, car il n'est pas aisé de déterminer les conséquences rattachées à l'objet de notre étude. J'ai consulté les travaux d'Erskine May, qui permettent d'éclaircir quelques rares points, mais ce qui en ressort clairement, c'est que la Chambre des lords est récalcitrante par rapport à la notion de « clôture ».
Il y a un autre point dont les tenants et aboutissants m'échappent : il semble qu'au début de certains débats, la Chambre des lords s'entend sur une limite de temps impartie, de sorte qu'il y a une certitude d'établie dès le début quant au déroulement des délibérations. Je ne comprends pas comment on en arrive à cette certitude. Y a-t-il eu négociation? Y a-t-il des règlements qui établissent les limites à déterminer? Je ne suis pas certaine du processus, et je n'ai pas trouvé que la documentation était très utile.
J'ai également cherché à obtenir de l'information au sujet de ce qui se fait dans les autres Parlements, et non pas seulement dans les Parlements de type Westminster, comme en Australie et en Nouvelle-Zélande. Je n'ai toujours rien reçu à ce sujet. Je serais également intéressée de savoir ce qui se fait en France et aux États-Unis pour limiter le débat quant aux initiatives qui n'émanent pas du gouvernement. Les règles aux États-Unis ne sont peut-être pas aussi pertinentes, car le système y est très différent du nôtre. Je crois que nous avons besoin de ces renseignements.
J'estime que nous avons besoin d'une explication détaillée et écrite des arguments en faveur de ce qui est proposé. Pour ma part, j'aimerais obtenir les arguments contre les motions visant à restreindre le débat durant l'étude d'initiative n'émanant pas du gouvernement. Je trouve tout cela très étrange.
De plus, je crois que tous les sénateurs sont au courant du fait que bon nombre d'entre nous avons réfléchi intensément à la façon dont nous pourrions moderniser et améliorer le Sénat de façon à le rendre plus ouvert, plus efficace et plus efficient. Or, le fait de choisir ce type de motion, d'après moi, reviendrait à mettre la charrue devant les bœufs. Nous devons d'abord établir en termes généraux ce que nous cherchons à faire et quels sont nos buts, et par la suite nous déterminerons les démarches et les règles qui seront adaptées pour atteindre ces objectifs. C'est un changement colossal...
La sénatrice Cools : Énorme.
La sénatrice Fraser : ... qui sera apporté aux traditions et pratiques du Sénat, changement qui sera réalisé à l'écart, sans explication, sans information, ou très peu, et tout cela nous trouble gravement.
Je demanderais à tout le moins que la bibliothèque nous donne beaucoup plus d'information. Si le sous-comité sur la radiodiffusion — et je ne sais pas ce que ceci a avoir avec la radiodiffusion — pouvait également nous offrir de l'information sur le raisonnement qui a abouti à cette proposition, ce serait très utile.
Le sénateur Martin : J'ai écouté très attentivement la sénatrice Fraser, avec qui j'ai l'occasion de me réunir au quotidien pour établir l'ordre du jour et organiser nos travaux.
Je comprends ces préoccupations quant à l'abrègement des débats, mais je pense à certains projets de loi qui stagnent au Sénat depuis plus d'un an, ou du moins semblent y être paralysés. Et cette paralysie a été décrite à l'aide d'autres mots. Il est difficile d'expliquer aux députés et au grand public pourquoi les projets de loi n'émanant pas du gouvernement prennent si longtemps à franchir toutes les étapes au Sénat.
Par ailleurs, maintenant que nous sommes au mois de juin, nous pouvons siéger après 16 heures pour terminer les affaires émanant du gouvernement tandis que les comités qui doivent commencer à 16 h 15 peuvent siéger en parallèle. C'est ce que nous avions décidé pour le mois de juin. Nous avions décidé de ne pas mettre en œuvre cette pratique avant puisque nous estimions que les travaux du Sénat étaient au moins aussi importants que ceux des comités.
Nous savons que les affaires émanant du gouvernement sont très importantes et doivent prendre préséance dans plusieurs cas, mais les autres affaires sont également importantes. S'il y avait moyen de faire progresser les choses, d'encourager le débat, de le stimuler ou de faire progresser un dossier qui semble stagner, non pas que des dossiers stagnent au Sénat, alors nous avons un processus en place.
Comme je l'ai dit à la réunion précédente, si c'est une façon de moderniser le Sénat — c'est-à-dire de renforcer et d'encourager le débat — alors je pense que c'est un bon changement de règlement. C'est mon opinion.
C'est important de prendre connaissance de ce qui se fait ailleurs. Ce serait très intéressant, il s'agit d'une occasion pour nous de voir comment nous pouvons attribuer une importance égale aux affaires autres que celles émanant du gouvernement qui dorment au Feuilleton depuis longtemps. Merci.
Le sénateur D. Smith : Le sénateur Martin a soulevé de bons arguments, et je suis même d'accord avec certains d'entre eux. Ceci dit, n'oublions pas la culture de ce comité, ainsi que la culture du Comité du règlement, qui veut qu'on ne modifie pas le règlement à moins d'avoir consensus des deux côtés. Et consensus n'est pas unanimité. Je ne crois pas qu'une seule personne devrait pouvoir interjeter son veto, mais il faudrait qu'il y ait au moins un consensus du côté du gouvernement comme de l'opposition. Tant qu'il n'y a pas consensus, il faut continuer à discuter, car, si l'on force les choses, on déclenche des effets indésirables, ou pires.
Je suis ouvert d'esprit. Je ne pense pas que nous avons un système parfait, mais je crois qu'on essaie de l'améliorer. Or, cette proposition ne convient pas à plusieurs personnes de notre côté, et je pense que la demande de Mme Fraser de faire faire davantage de recherche par le personnel de la bibliothèque pendant l'été est intéressante.
Il ne nous reste que trois réunions, y compris celle d'aujourd'hui, avant l'ajournement probable. Oui, certains s'étonnent que le sous-comité sur la télédiffusion soit saisi de cette question parce qu'il y a d'autres questions relatives à la diffusion que nous pourrions peut-être régler si nous nous y consacrions au cours des prochaines réunions. Nous savons tous que le président Kinsella aimerait que ceci fasse partie de l'héritage qu'il laisse — et bien, si je lis entre les lignes, c'est l'impression que j'en dégage. Je laisserai les autres se prononcer. Je pense que l'ordre de discussion interne relative aux controverses entourant le Sénat, certaines personnes n'ont pas pu être enregistrées lorsqu'elles se prononçaient sur l'objet de ces controverses. Certaines personnes disaient : « Pourquoi est-ce que cela ne fonctionne pas? Pourquoi n'y a-t-il pas de diffusion sur le Web par exemple? »
Si on recule de quelques années, au moment où nous discutions de télédiffusion, nous n'avons jamais dégagé de consensus, ni d'un côté, ni de l'autre. De chaque côté, des sénateurs étaient en faveur, d'autres non. Je pense que nous sommes plus prêts d'un consensus aujourd'hui. Je ne parle qu'en mon nom, mais j'ai l'impression que le consensus est plus large aujourd'hui. Il serait probablement plus logique de se concentrer là-dessus.
Nous pourrions passer au vote aujourd'hui. Oui, l'autre côté peut imposer tout ce qu'il veut, mais cette façon de faire ne correspondrait pas à la culture du comité, selon laquelle nous poursuivons notre travail, nous le peaufinons et nous le fignolons jusqu'à ce que nous atteignons un consensus des deux côtés à propos de changements qui sont dans le meilleur intérêt de la Chambre dans son ensemble.
Voilà ce que j'en pense. Si nous disposions de toute la recherche dont la sénatrice Fraser a parlé, je pense que cela pourrait nous aider et nous pourrions y travailler pendant l'été. Peut-être que nous pourrions nous pencher sur d'autres questions relatives à la télédiffusion et peut-être pourrions-nous régler certains points avant la pause estivale.
Le sénateur Nolin : J'imagine que nous pourrions répondre à certaines questions soulevées par la sénatrice Fraser avant l'ajournement. Je suppose que les analystes de la bibliothèque peuvent produire un document qui relaterait la façon de procéder à la Chambre des Lords. Sébastian, vous avez entendu les observations de la sénatrice Fraser. Je suis certain que vous pouvez produire un document qui décrirait les façons de procéder en Australie, en France, et aux États-Unis.
En ce qui concerne les raisons, nous pouvons certainement vous fournir des explications. Essayons de répondre à votre question avant d'ajourner pour l'été. Si le comité préfère attendre à l'automne, c'est ce que nous ferons. Il nous reste trois semaines de travaux, alors pourquoi n'utiliserions-nous pas ces trois semaines pour tenter de trouver des réponses à votre question. Et si cette démarche ne convient pas, nous aviserons.
J'appuie largement les observations formulées par le sénateur Smith et nous devons absolument trouver un consensus.
Il est inutile de précipiter un amendement aux règles sans avoir dégagé un consensus. Si nous ne nous entendons pas sur les motivations, nous ferons face à un problème. Mais nous trouverons une solution.
Le président : Merci, sénateur Nolin. L'analyste m'informe que les renseignements seront fournis avant la prochaine réunion.
La sénatrice Fraser : J'aimerais répondre à la sénatrice Martin, avec qui, je le dis en passant, il est agréable de travailler au quotidien. Elle a mentionné à quel point il est difficile d'expliquer aux gens de l'autre côté, et j'imagine qu'elle voulait parler de la Chambre des communes, et au public, pourquoi certains points demeurent inscrits au Feuilleton. Si je peux m'exprimer ainsi, c'est la pitié qui se moque de la charité.
La sénatrice Cools : D'accord.
La sénatrice Fraser : Lorsque nous renvoyons à la Chambre des communes les projets de loi adoptés par le Sénat, à part les projets de loi émanant du gouvernement, les autres se retrouvent au dernier rang de l'ordre de priorités. Ils y traînent pendant un bon bout de temps. Si nous amendons un projet de loi d'initiative parlementaire de la Chambre des communes et que nous le renvoyons, il se retrouve au dernier rang de l'ordre de priorités et nous n'en entendrons probablement jamais reparler.
Par opposition, si nous nous penchons sur les travaux effectués au cours de la présente session, nous constatons qu'un certain nombre de projets de loi d'initiative parlementaire ont franchi l'étape de la troisième lecture au Sénat. Si je me souviens bien, jusqu'à présent, aucun de ces projets de loi n'était parrainé par un membre de mon parti, mais de toute façon, qui s'en préoccupe?
J'essaie d'exprimer que peut-être, je dis bien peut-être, quelqu'un quelque part prend plus de temps que nécessaire pour réfléchir à une question moins grave que ce que certains auraient tendance à penser. Bien souvent, il y a des motifs bien réels qui justifient la lente progression d'un projet de loi. Dans l'ensemble, je crois que le public est bien servi par cette façon de faire.
Je ne dis pas que je veux simplement bloquer tous les changements, de toutes les natures et à tous les niveaux, mais je pense qu'il s'agit d'un changement considérable auquel nous devons réfléchir dans le contexte de nos activités et se demander où on veut amener le Sénat dans le contexte du système de Westminster en général.
Je conviens qu'il est important de dégager un consensus. Consensus n'est pas nécessairement synonyme de droit de veto. C'est parfois le cas, et j'ai parfois proposé des changements à apporter aux règles et l'autre côté a simplement refusé et on s'arrêtait là. Il est tout à fait souhaitable que nous travaillions ensemble pour tenter d'arriver à un terrain d'entente; et je ne voudrais pas que certains pensent que je remets ceci en question.
La sénatrice Cools : J'aimerais réitérer mon inquiétude quant aux changements proposés. J'en ai parlé la semaine dernière, mais j'aimerais en parler à nouveau. Selon moi, ces changements n'ont rien à voir avec la modernisation du Sénat. Je pense que nous devons admettre que le Sénat est une institution plutôt moderne et qu'il l'est depuis un certain temps. Il est inutile d'énoncer des changements à apporter aux règles qui empièteront sur notre liberté de parole et sur l'indépendance des membres indépendants. Nous ne devrions pas inscrire ce genre de changement important dans un langage de modernité, car selon moi, les limites imposées à la liberté d'expression relèvent de temps lointains et sont futiles. Voilà ce que je voulais dire. De nombreuses questions dont nous sommes saisies ici traînent.
Oui, les affaires du gouvernement ont priorité, mais dans la situation actuelle, nous ne savons toujours pas avec certitude si les personnes qui se disent leaders du gouvernement ont accès à ces privilèges de priorité. Il demeure un manque de clarté parce que ces privilèges sont liés à la présence d'un ministre de la Couronne dans la Chambre. Ces privilèges n'existent pas dans l'absolu, ils existent en vertu de la présence d'un ministre de la Couronne. Il s'agit de l'état des choses dans le système britannique depuis 1689, moment où toutes ces décisions ont été prises de façon très claire dans l'esprit de l'élaboration d'un gouvernement responsable.
Oui, il y a des règles, mais ces règles dépendent de la présence de membres de gouvernement, et non pas de sympathisants au gouvernement, comme c'est le cas dans la plupart des autres caucus. Ils ne représentent pas le gouvernement. Ce ne sont pas des membres du gouvernement; ce sont des sympathisants du gouvernement. Voilà le point que je souhaitais soulever. J'ai soulevé cette question à maintes reprises et je n'ai jamais obtenu de réponse.
J'admire énormément les travaux du sénateur Nolin. Mes véritables préoccupations en ce qui a trait à ces changements sont qu'ils vont affecter l'indépendance de chaque sénateur. C'est quelque chose qui me tient particulièrement à cœur étant donné que je n'appartiens à aucun caucus. Les caucus, pour ainsi dire, dominent entièrement et contrôlent les affaires du Sénat. C'est là quelque chose que nous devons examiner, car je me sens bien souvent persécuté. Je me sens souvent persécuté par ce système. L'objectif du Sénat est de permettre à chacun de ses membres d'être indépendant. Si un membre de celui-ci a des idées bien ancrées concernant un sujet et que cela retient l'institution en otage, on peut se dire « c'est une bonne chose pour ce membre », car l'erreur dans ce cas consiste, pour la majorité, à ne pas tenir compte de l'opinion de la minorité. Si chaque membre a ce pouvoir, c'est quelque chose dont il faut se réjouir, car il faut bien connaître les rouages du Parlement et cela n'est pas quelque chose que l'on voit facilement et souvent aujourd'hui.
J'aimerais aussi dire quelques mots concernant la recherche sérieuse et difficile. Il y a certains sujets qui exigent des mois, parfois des années, de recherche, surtout si l'on souhaite consulter des travaux qui viennent de l'étranger. Cela peut prendre des années. Il faut du temps pour qu'un membre puisse faire des recherches approfondies. Monsieur le président, je proposerais que l'on change d'attitude au Sénat en ce qui a trait à la croyance selon laquelle quelque chose qui reste quelques mois au Feuilleton fait l'objet d'un long retard.
Lorsque je suis arrivé au Sénat, des projets de loi s'y trouvaient régulièrement pendant six mois. La façon dont nous mesurons le temps au Sénat est très étrange. J'aimerais exhorter les membres à ralentir les progrès réalisés sur cette question afin que l'on puisse lui consacrer le temps qu'elle mérite, car un nombre suffisamment élevé de voix la remette en question.
Monsieur le président, à la lumière de l'histoire de ces institutions, ce n'est jamais une bonne idée de proposer des changements au Sénat simplement parce que c'est le souhait de la majorité. Cela n'a jamais été considéré comme acceptable ou adéquat. Beaucoup l'ont fait et beaucoup prévoient le faire, mais cela n'a jamais été considéré comme une bonne façon de faire.
Comme je l'ai dit la semaine dernière et comme je le dirai encore, on s'attend à ce que des changements importants au Règlement du Sénat proviennent du Sénat lui-même dans le cadre d'un débat qui permettrait de sonder l'opinion de la Chambre. Oui, vous contrôlez peut-être ce comité pour ce qui est du soi-disant mandant de celui-ci afin que les changements proposés au Règlement émanent de celui-ci, mais il s'agit maintenant de la seule façon dont cela fonctionne. Cela était censé être une règle secondaire dans les cas de questions bien tranchées faisant l'objet de peu de controverse. C'était l'objectif de cette règle.
J'ai déjà soulevé ces points. Je ne comprends pas pourquoi on doit constamment les répéter. Le gouvernement a le contrôle absolu du Sénat tel qu'il est. Je ne comprends pas pourquoi il souhaite se donner davantage de pouvoir et à quelle fin. Je ne vois vraiment pourquoi cela est nécessaire.
Je ne comprends pas les raisons pour lesquelles l'on va dans ce recoin, le seul qui permette aux membres indépendants de faire certaines choses. Je vous demande donc, monsieur le président ainsi qu'à tous les membres du comité, de revoir ce que nous faisons et de nous laisser au moins l'été afin de faire des recherches plus approfondies sur la chose. Il y a tout un tas de recherches que je peux faire, mais je ne peux pas m'en occuper au cours des deux à trois prochaines semaines.
J'espère n'avoir blessé personne, parce que je peux affirmer avoir en très haute estime et avoir beaucoup d'affection pour certaines personnes qui sont autour de cette table, mais il y a quelque chose qui ne va pas dans ce que nous faisons. Si on constate qu'il y a une réticence, des préoccupations ou de l'angoisse, ce sont de bonnes raisons pour nous de nous arrêter pour prendre un certain recul.
De plus, monsieur le président, ceci émane du Comité de la radiodiffusion. Je ne vois pas de rapport entre ceci et la question de la radiodiffusion qui m'intéresse beaucoup, comme vous le savez peut-être. Cela fait déjà longtemps que j'estime que les débats du Sénat devraient être radiodiffusés.
Je demande seulement au comité de faire une pause pour réfléchir à cet empressement, surtout compte tenu des préoccupations somme toute très pertinentes qui ont été soulevées et qui devraient être écoutées.
La sénatrice Batters : Je tenais à dire, aux fins du compte rendu, afin que personne ne pense que seuls les sénateurs conservateurs ont soulevé la question, que le sénateur Nolin a travaillé très fort dans ce dossier avec le sénateur Joyal, de grands esprits du Sénat. Le Sénat, je pense, démontre qu'il y a un certain consensus sur cette question.
Le sénateur Joyal : J'aimerais soulever deux choses.
La première, c'est que nous parlons tout le temps des règles du Sénat par rapport au projet de loi d'initiative privé, mais pour employer une expression populaire, il faut être deux pour valser. Si on veut qu'un projet de loi d'initiative privé qui a été présenté au Sénat par un sénateur soit examiné à l'autre endroit et finisse par devenir loi, je pense qu'il serait utile d'avoir un document d'information sur la procédure exacte qui est en vigueur à l'autre endroit. Autrement dit, si nous avons l'impression de devoir moderniser notre procédure, comparons-là à celle qu'applique l'autre côté avant de conclure que l'une ou l'autre chambre n'est pas vraiment en harmonie avec l'autre. Je veux m'exprimer ici en termes très neutres. Je n'ai pas examiné la procédure de l'autre endroit. Nous y avions siégé il y a quelques années, mais peut-être a-t-elle été améliorée depuis lors. J'aimerais néanmoins savoir exactement comment se font les choses là-bas. Ce n'est que justice.
L'autre chose que je voudrais proposer, c'est que dans le rapport ou le projet de rapport que nous avons sous les yeux, surtout à l'article 2, il est question de conditions au paragraphe 16-13(1), mais au paragraphe 16-13(2), c'est une proposition. Cette proposition devrait être en quelque sorte redéfinie. Autrement dit, je vois des nombres, 15, par exemple : 16-13(1)a) a été appelé au moins 15 fois ou b) a été débattu pendant une durée totale cumulative d'au moins trois heures. Vous savez que les chiffres peuvent être changés. Si des sénateurs sont convaincus que c'est trop rigoureux, il y a moyen, pour ce qui est de la durée du débat donc, à mon avis, il y aurait des solutions.
Il en va de même de ceux qui sont autorisés à présenter des avis de motion et des autres conditions qui sont débattues. Je pense qu'il y a une possibilité. On pourrait y réfléchir et se demander s'il n'y a pas moyen d'approcher la chose de manière à tenir compte de certaines préoccupations qui ont été exprimées.
Autrement dit, ce que je conclus là-dessus, c'est que ce n'est pas une proposition finale à prendre ou à laisser. C'est ainsi que je vois les choses. Peut-être suis-je idéaliste, mais je pense que cela pourrait aussi faire partie de la réflexion qu'on veut faire à la lumière de ce que nous apprendrons du rapport de recherche et de l'argument que j'ai soulevé au sujet de la manière dont se font les choses à l'autre endroit, de sorte qu'on puisse tenter de tenir compte du tableau d'ensemble de l'institution qu'est le Parlement quand on étudie la question des projets de loi d'initiative parlementaire.
Le sénateur Nolin : Je suis tout à fait d'accord avec le sénateur Joyal. Le sous-comité refera ses devoirs pour trouver les « pourquoi », c'est sûr. Nous ne voulons rien forcer. Nous voulons avoir un processus équitable pour tous les sénateurs qui présentent des projets de loi. L'équité est, pour nous, le mot clé. Il est certain que, si le temps manque, il faut en prévoir plus. Si 15 fois ne suffisent pas, prévoyons-en 20. Si vous pensez que 15, c'est trop, disons alors que ce sera 10. Nous sommes ouverts aux propositions.
De fait, puisqu'on parle de celui qui présenterait la motion, pour la première ébauche, c'était tout le monde, et après discussion, nous sommes arrivés à la conclusion que c'est peut-être trop. Peut-être devrions-nous restreindre cela au parrain et au porte-parole.
Nous sommes ouverts, mais nous voulons que la discussion se tienne ici. Je ne suis pas contre l'idée d'aller plus en profondeur, de voir ce qui se passe ailleurs, certainement pas, et nous allons refaire nos devoirs et expliquer pourquoi nous agissons ainsi. Bien entendu, nous tenterons de le faire avant l'ajournement.
Le président : L'attaché de recherche me dit qu'avant la prochaine réunion, nous aurons reçu de l'information sur la France, l'Australie, les États-Unis et la Chambre des lords et les révisions demandées, ainsi que les documents d'information sur le projet de loi d'initiative parlementaire que le sénateur Joyal a demandé. Ainsi, tout le monde pourra comprendre le processus que suit un tel projet de loi, qu'il soit présenté au Sénat ou à l'autre endroit et, plus important encore, ce qu'il en advient. Tout le monde recevra donc cette information.
Le sénateur Joyal : Compte tenu de la procédure que suit la Chambre des lords, est-ce qu'on demandera aussi aux attachés de recherche de voir comment la Chambre des communes traite des projets de loi d'initiative parlementaire qui émanent de la Chambre des lords? Il serait utile d'avoir un tableau d'ensemble de la manière dont ils fonctionnent là- bas, plutôt que simplement se concentrer sur une seule chambre. Comme je l'ai dit, c'est un processus en deux volets, et je pense qu'il serait bon d'avoir un tableau d'ensemble de la façon dont fonctionnent les deux chambres.
Le sénateur Enverga : J'écoutais attentivement, et je respecte les idées de tout le monde.
J'entends répéter sans cesse qu'on devrait se comparer à la Chambre des lords et d'autres organisations. Je me demande si on ne pourrait pas faire nos propres règles, des règles bien canadiennes, sans se préoccuper d'autres parlements. Ce que nous faisons ici est indépendant de toute autre idée, et nous pouvons le faire à la façon canadienne. Pourquoi pas? Ainsi, il nous sera beaucoup plus facile de faire des changements, selon nos besoins, et non pas selon la manière dont fonctionnent d'autres parlements.
Le sénateur Nolin : Écoutez, ce serait une solution bien canadienne, mais si nous pouvons tirer des leçons des erreurs et de l'expérience des autres, essayons donc de comprendre pourquoi nous devrions avoir nos propres règles. Nous ne cherchons pas à limiter notre liberté de décider de ce qui est bon pour nous, mais plutôt d'apprendre des autres. C'est pourquoi nous faisons cette démarche.
Le président : Merci beaucoup, à tous les deux.
Le sénateur Joyal : Je voulais seulement dire à mes collègues qu'il y a dans la Loi constitutionnelle des articles qui mentionnent le modèle de Westminster sur lequel est façonné notre Parlement. L'article 18 divise la portée générale des privilèges établis à Westminster, et cet article n'a pas été supprimé en 1982 quand la Loi constitutionnelle a été rapatriée et, évidemment, le préambule de la loi qui appelle le Canada à avoir pour monarque le monarque britannique. Cela fait partie des principes d'organisation de notre Constitution, autrement dit, les principes de la monarchie constitutionnelle et du Parlement de style Westminster.
Cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas y déroger. Nous l'avons fait. Des thèses ont porté là-dessus, et il serait bon que les sénateurs intéressés en lisent les conclusions. Je pourrais vous faire tout un discours là-dessus, ne serait-ce que sur la Charte des droits et libertés qu'ils n'ont pas, dans le modèle de Westminster. C'est une différence fondamentale. Ainsi, vous pouvez voir que nous sommes très différents d'eux, et quand on a proposé, à Westminster, en 1981, qu'ils adoptent ce modèle, de nombreuses objections ont été soulevées, fondées sur le fait que notre fonctionnement était tellement différent de la nature même du Parlement de Westminster que certains d'entre eux étaient même opposés à voter sur cette loi. Nous avons une longue histoire, mais cela ne signifie pas que nous ne devrions pas, comme le sénateur Nolin l'a dit, être conscients des principes qui sont à la base du fonctionnement.
Comme je l'ai dit, nous nous sommes démarqués de 100 façons, depuis 147 ans, du modèle de Westminster.
Le président : Sénatrice Fraser, revenons à vos commentaires de tout à l'heure au sujet du public. Nous avons pris la décision, lors de la première réunion, selon laquelle à moins qu'on ne le demande, toutes nos réunions seraient publiques, donc il n'y a pas eu intention de ne pas tenir cette réunion publique. Il y avait intention de ne pas avoir de réunions privées, et je pense que ça avait été soulevé par la sénatrice Cools.
La sénatrice Fraser : Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai été journaliste. J'aime bien que les choses se tiennent en public.
Le président : Je sais. Je vous l'ai entendu dire.
La sénatrice Fraser : Souvent, quand une ébauche de rapport est produite, il est plus pertinent d'en discuter en privé, et une ébauche de rapport n'est guère qu'une ébauche. Son adoption, par contre, devrait se faire en public.
Le président : J'ai compris votre raisonnement et vos commentaires, mais je tenais à m'assurer qu'on s'entend bien dès le départ sur le déroulement dont nous avons convenu.
Les attachés de recherche vous feront parvenir l'information. Je ne sais pas, sénatrice Fraser, si vous comptez revenir la semaine prochaine ou non...
La sénatrice Fraser : Oh, mais oui.
Le président : Nous veillerons donc à ce que vous receviez l'information.
Si vous avez d'autres idées au sujet du nombre de fois, nous avons examiné, d'abord, combien de temps est consacré à l'examen des projets de loi et combien de fois les gens souhaitent en discuter. Mais il ne s'agit pas pour nous de couler les choses dans le béton, mais plutôt d'avoir un coffrage avant d'y verser le ciment, donc si vous avez des idées à ce sujet, n'hésitez pas.
Nous allons essayer de nous réunir en sous-comité avant la prochaine réunion de façon à pouvoir apporter d'autres éléments à nos discussions, et nous nous reverrons la semaine prochaine, si tout le monde est d'accord.
(La séance est levée.)