Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement
Fascicule 4 - Témoignages du 21 avril 2015
OTTAWA, le mardi 21 avril 2015
Le Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui, à 9 h 34, pour procéder à l'étude d'un rapport du Sous-comité sur le privilège parlementaire.
Le sénateur Vernon White (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Je veux souhaiter la bienvenue à tous à la première séance que le comité du Règlement tient après la pause. Je vous remercie tous d'être ici aujourd'hui. Comme tout le monde le sait, nous allons entamer une période d'étude sur le privilège parlementaire qui découle en fait du travail accompli par le Sous-comité sur le privilège parlementaire, constitué des sénateurs Furey, Nolin, Joyal et McCoy, et de moi. Je veux remercier tous les membres de ce sous-comité de leur participation et des solides discussions que nous avons eues. Je demanderai au sénateur Furey de commencer, puisqu'il a présidé le sous-comité lors de ses travaux.
Le sénateur Furey : Mesdames et messieurs, j'ai l'intention ce matin de donner un bref aperçu de l'évolution du rapport, puis de vous inviter à discuter de la manière dont nous procéderons à son analyse. Il y a un an, en avril, le comité du Règlement a approuvé l'établissement du Sous-comité sur le privilège parlementaire. Ce comité s'est réuni à quelques reprises pour traiter du privilège parlementaire au Canada. Le rapport que vous avez reçu doit essentiellement servir d'outil pour stimuler la discussion sur l'avenir du privilège parlementaire au Canada.
Je pense que tout le monde sait que le privilège parlementaire est un élément essentiel de la démocratie parlementaire qui existe pour permettre au Parlement de fonctionner efficacement sans entrave indue. Conçu au départ à Westminster comme moyen d'empêcher le souverain de s'ingérer dans les travaux parlementaires, il a évolué dans tous les parlements du Commonwealth britannique. Au Canada, le privilège parlementaire est consacré dans la Loi constitutionnelle de 1867, à l'article 18 et dans le préambule, et il est confirmé à l'article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada.
Cette étude a été rendue nécessaire essentiellement parce que le Parlement a considérablement évolué depuis que le privilège parlementaire a été initialement instauré pour empêcher le souverain de s'ingérer dans les travaux parlementaires. Un certain nombre de décisions judiciaires, particulièrement celle rendue dans l'affaire Vaid, ont montré qu'il est attendu que le Parlement agisse dans un contexte contemporain. Le concept de privilège parlementaire devrait donc être étudié et revu dans le contexte contemporain du XXIe siècle. C'est essentiellement l'objectif sous- jacent de cette étude.
Le document de recherche que nous avons présenté porte principalement sur l'application de ce privilège dans un système juridique fondé sur des droits, illustré au Canada par la Charte. Le sous-comité propose d'évaluer les divers privilèges collectifs et individuels exercés par les parlementaires en analysant quatre questions fondamentales. Premièrement, le privilège est-il nécessaire à la protection des parlementaires dans l'exécution de leurs fonctions législatives et délibératives, et de la tâche du Parlement de demander des comptes au gouvernement relativement à la conduite des affaires du pays? Deuxièmement, le contexte contemporain offre-t-il des limites raisonnables à la portée et à l'exercice du privilège? Troisièmement, comment le privilège peut-il être exercé dans le respect des valeurs et des principes exprimés dans la Charte canadienne des droits et libertés? Et quatrièmement, comment peut-on concilier la portée et l'exercice du privilège avec les normes de transparence et de reddition de comptes essentielles à la réputation du Parlement auprès du public?
Je demanderai au sénateur Joyal de faire également quelques brèves observations, mais nous voudrions essentiellement que le comité discute de la manière d'analyser ces questions dans l'avenir afin de déterminer quels témoins nous voulons convoquer et comment présenter l'information sur l'application du privilège parlementaire dans un contexte contemporain.
Le sénateur Joyal : Merci, sénateur Furey.
Je tiens à ce que les membres du comité sachent que nous avons tenu de nombreuses séances au sujet du rapport.
Je pense qu'il conviendrait également de vous dire qu'une initiative entreprise par le Sénat a des répercussions sur la Chambre des communes. C'est très important, car les privilèges du Sénat sont exactement les mêmes que ceux qui s'appliquent à la Chambre des communes. Ces privilèges figurent à l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867, comme l'a souligné le sénateur Furey, ainsi que dans la Loi sur le Parlement du Canada, évidemment. Autrement dit, tous les privilèges que les sénateurs pourraient revendiquer s'appliqueraient également à la Chambre des communes pour la simple raison que les deux Chambres sont composées de parlementaires et sont sur un pied d'égalité dans la même initiative législative.
Il importe de se rappeler que ce document est le premier rapport préparé sur le privilège parlementaire en 30 ans. En d'autres mots, le Sénat ne peut avoir recours aux études que la Chambre des communes aurait pu mener pour connaître son point de vue sur le privilège parlementaire. En fait, en 2003, quand la Cour suprême a rendu un jugement unanime dans l'affaire Vaid, elle s'est appuyée davantage sur le rapport de Westminster de 1999 sur le privilège parlementaire que sur des sources de doctrine, des rapports, des commentaires ou des interventions du Canada. Pour des raisons évidentes, comme vous le verrez à l'article 18, nos privilèges s'inspirent de ceux qui s'appliquent à Westminster. Autrement dit, nous pouvons revendiquer les privilèges qui s'appliquent à Westminster, ni plus ni moins.
Quand nous revendiquons un privilège, la Cour suprême a établi qu'il faut analyser le critère de nécessité. En d'autres mots, le privilège revendiqué par une Chambre ou un parlementaire est-il, oui ou non, nécessaire à l'exécution des fonctions législatives? La question est facile à comprendre. Prenons, par exemple, la liberté de parole. Les sénateurs et les députés devraient évidemment pouvoir exprimer librement leur opinion sur n'importe quel sujet. La liberté de parole est donc une exigence fondamentale pour tout parlementaire dans l'exercice de ses fonctions législatives.
Une fois que le critère de nécessité a été appliqué, c'est-à-dire une fois que la cour a conclu que le privilège s'applique, c'est aux parlementaires eux-mêmes qu'il revient de déterminer les limites de l'exercice de ce privilège. Je vous donnerai un exemple facile à comprendre : le pouvoir disciplinaire qui existe dans chaque Chambre du Parlement. Comme vous le savez, nous avons un code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts, et il incombe aux sénateurs d'adopter collectivement ces règles et de les appliquer. Ainsi, aucune cour de justice ne peut intervenir pour imposer une sanction ou pousser le Sénat à intervenir à propos de la conduite d'un sénateur. Cela relève exclusivement du Sénat ou de la Chambre des communes. C'est exactement la même chose pour une cour de justice. Par exemple, aucun parlement ne peut établir de tribunal disciplinaire pour les juges pour quelque instance que ce soit. C'est à la cour qu'il revient de déterminer la discipline imposée aux juges, tout comme il nous incombe de déterminer la conduite des parlementaires.
Bien entendu, quels principes les parlementaires devraient-ils suivre dans le cadre de ces enquêtes? Quels principes devrions-nous nous sentir tenus de respecter? Il est évident qu'un citoyen qui se présente devant une cour de justice est protégé par le principe de justice naturelle ou par l'article 11 de la Charte, qui prévoit une protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités. Tout citoyen qui comparaît devant un tribunal sera protégé par la Charte, mais en va-t-il de même pour un sénateur dans le cadre de son enquête? C'est à nous de déterminer le principe de justice naturelle que nous suivrons concernant la conduite d'un sénateur dans une affaire de conflit d'intérêts ou d'éthique, et d'établir le degré de respect de la justice naturelle ou de la Charte en ce qui concerne les principes de transparence et de responsabilité.
Quand nous exerçons ces fonctions disciplinaires, par exemple, les Canadiens nous voient plus ou moins comme un modèle de conduite professionnelle que pourrait suivre une association d'avocats, de médecins, d'architectes ou d'ingénieurs, par exemple. Ces personnes sont assujetties à la Charte, à la Loi canadienne sur les droits de la personne et aux principes de justice naturelle. Quand nous exerçons des fonctions similaires, nous voulons avoir l'air — je ne dirais pas de modèles d'identification, mais nous voulons maintenir le degré le plus élevé possible de crédibilité dans l'application de nos privilèges.
Ces questions sont, à mon avis, très importantes. En fait, j'aimerais soulever deux points pour illustrer mon assertion. Il y a d'abord le jugement que la Cour suprême a rendu la semaine dernière à propos de la prière lors des réunions du conseil municipal. Vous remarquerez qu'elle a indiqué, dans une décision unanime, que c'est au Parlement de décider s'il veut prier ou non. Nous concluons ensuite que la prière n'est pas admissible pour un conseil municipal. Mais la Cour suprême ne pouvait pas dire au Parlement ce qu'il devait faire, pas plus que nous pourrions dire à la Cour suprême ou aux cours de justice ce qu'elles devraient faire. Elles sont maîtresses de leurs activités comme nous sommes maîtres des nôtres. Si nous voulons prier et interdire cette pratique aux conseils municipaux, qu'il en soit ainsi. Maintenant que nous savons que la prière est interdite pour les conseils municipaux, nous pourrions réexaminer cette pratique et nous demander comment la prière devrait avoir lieu à la Chambre des communes ou au Sénat. Il s'agit d'une affaire importante, et le privilège parlementaire a été évoqué dans la décision de la cour.
Il y a aussi une autre question, et je le dis en toute franchise. Quand je soulève une question et que je dis que je suis franc, vous savez qu'elle intéressera chaque sénateur. Je fais ici référence à l'enquête du vérificateur général. S'il présente une conclusion où il définit un rôle pour un parlementaire, il s'aventure, à mon humble avis, dans le domaine du privilège parlementaire, car c'est aux parlementaires eux-mêmes de déterminer la portée de leur responsabilité. Il peut nous présenter des recommandations, mais ce n'est certainement pas lui qui déterminera la portée du privilège parlementaire et de la responsabilité d'un sénateur dans l'exercice de ses fonctions de parlementaire. À mon avis, cette question fera certainement l'objet de commentaires, à moins que je ne vive sur une autre planète. J'ignore quelle ampleur auront ces commentaires, mais franchement, quand j'ai lu le texte que le vérificateur général a remis à chacun de nous au sujet de l'enquête sur le Sénat quand il est entré en fonction, j'ai pensé qu'il y faisait une interprétation très étroite de la responsabilité de parlementaire. Je lui ai écrit une longue lettre de six pages où je lui expliquais que ce rôle est bien plus vaste. J'ai évidemment reçu un avis de réception avec des remerciements, mais quand le rapport sera déposé, nous devrons déterminer ce qui est admissible et quelle est la nature de la responsabilité d'un sénateur.
Je ne veux pas discuter de la question. Ce n'est évidemment pas l'objet de la séance d'aujourd'hui, mais je voulais vous montrer que le privilège parlementaire est une question très importante à laquelle nous pourrions être confrontés à tout moment sans que nous voulions nous y attaquer. Dans les deux cas, il est très clair, comme les sénateurs Furey et White l'ont souligné, qu'il est crucial de procéder à cette étude maintenant, car il sera utile, dans les prochains mois, d'avoir des paramètres pour réfléchir à la décision que nous serons appelés à prendre sur la portée de nos responsabilités de parlementaires, sur ce qui est admissible ou non, et, bien entendu, sur l'envergure de l'initiative que nous voulons prendre et la manière de l'expliquer dans le forum de l'opinion publique.
Si nous affirmons bénéficier d'un privilège, nous devons pouvoir l'expliquer. Nous devons rendre des comptes et être transparents à cet égard, et pouvoir montrer comment ce privilège cadre avec les autres principes de justice, la justice naturelle et la Charte que les simples citoyens doivent respecter s'ils se trouvent dans une position similaire à l'extérieur des activités parlementaires.
Je pense que c'est une initiative très importante. Le rapport est exhaustif et constitue, je le répète, le premier rapport publié depuis au moins 20 ans par l'une ou l'autre des Chambres du Parlement canadien. Je pense qu'il sera utile aux législatures provinciales, qui jouissent également de privilèges. Mais si vous jetez un coup d'œil à la documentation sur le privilège parlementaire en ce qui concerne la fonction législative des provinces ou du Parlement fédéral du Canada, vous constaterez qu'il y en a bien peu. En fait, l'arrêt Vaid est à peu près le seul véritable texte de référence dont nous disposerions. D'autres décisions judiciaires ont été rendues depuis, mais elles sont très disparates et n'arrivent pas aux mêmes conclusions. Il importe, selon moi, que le Sénat puisse prendre position dans ce dossier et poursuivre son étude sur la question, car nous devrons nous y attaquer à très court terme.
Le président : Merci, sénateur Joyal. Il est intéressant de faire remarquer qu'aucun autre corps législatif parlementaire du Canada ne s'est penché sur cette question, bien que d'autres pays du Commonwealth, comme le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, ont au moins commencé à s'y intéresser et nous ont demandé notre avis. Je pense donc que le moment est propice pour faire de même et tenter d'encadrer, si possible, le privilège parlementaire.
Le sénateur Furey : Avant d'entamer la discussion, je rappellerais à mes collègues que les droits et immunités découlant du privilège parlementaire incluent les droits des parlementaires individuels et des témoins comparaissant devant les comités les protégeant contre les contestations judiciaires découlant de déclarations faites pendant les délibérations parlementaires; les droits collectifs des deux Chambres de régir leurs affaires internes liées aux débats et aux délibérations; les droits collectifs des deux Chambres de sanctionner ou de prendre des mesures disciplinaires en cas d'atteinte au privilège ou d'outrage; et l'immunité d'arrestation des parlementaires individuels dans les affaires civiles et les privilèges connexes.
Nous lançons donc la discussion, à moins que vous n'ayez quelque chose à ajouter à titre de membre du comité, sénateur White.
Le président : Je pense qu'il est important, même s'il se fait tard dans notre séance parlementaire, que nous avancions dans ce dossier afin de tenter de le maîtriser. Je sais que certains pourraient dire que c'est un peu tard pour le faire, mais je pense qu'il importe que nous tentions de lancer le mouvement si nous le pouvons. Peu importe ce qui se passera au sein du nouveau parlement après les élections, le nouveau comité pourra prendre une décision. Il pourra décider de poursuivre ces travaux, mais je considère qu'il est important que nous ne nous contentions pas de laisser ce que nous avons accompli jusqu'à présent.
La sénatrice Cools : Chers collègues, je vous souhaite un bon retour. Comme vous le savez, le privilège est une question importante au Canada. Il s'agit d'une des questions les plus négligées par les parlementaires, mais dans l'histoire de l'étude du privilège, qui est maintenant bien ancienne au Canada, il y a toujours eu un comité des privilèges au Sénat. J'ai exprimé mon opposition quand ce comité a été renommé Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, considérant que ce n'était pas une démarche avisée ou adéquate à ce moment, car elle faisait disparaître le mot « privilège » de notre vue.
Je pense que nous devrions procéder avec beaucoup de doigté dans ce dossier. Je crains que deux, trois ou quatre sénateurs aient de bonnes idées, les présentent au sous-comité et qu'en moins de deux, l'ensemble du comité les adopte et qu'elles se retrouvent subitement devant la Chambre. Au cours de mes années d'expérience, je me suis toujours fait dire que les changements d'envergure qui concernent des questions importantes comme celle du privilège commencent toujours par un débat à la Chambre pour que tous les sénateurs puissent s'y familiariser. Je me demande si le président pourrait nous expliquer pourquoi cet important dossier — et je félicite le sénateur Joyal de l'avoir présenté — n'a pas commencé à la Chambre afin que le Sénat puisse en débattre pendant quelques mois, puis le renvoyer à notre comité pour que nous soyons bien plus concentrés.
D'après moi, en effet, certaines de ces questions sont des questions de privilège. La question la plus importante aujourd'hui n'est pas l'ingérence du souverain, mais bien l'ingérence du gouvernement. Rien de cela n'est mentionné. Ce problème n'est pas du tout mentionné. Quelqu'un a dit un jour qu'il avait fallu 700 ans pour arracher certains pouvoirs au roi, puis 50 ans pour les donner à un premier ministre. C'est un problème énorme dans les parlements contemporains. J'aimerais qu'on s'y attaque ou, du moins, qu'on traite la question comme étant un problème à résoudre.
Chers collègues, il est faux de dire qu'il n'y a pas de problème avec la liberté de parole. Ici même, en certaines occasions, des membres n'ont pas pu s'exprimer parce qu'ils ont été fréquemment interrompus pendant des débats. Il est donc faux de dire cela. La liberté de parole imposée par la loi découle de l'article 9 du Bill of Rights anglais de 1689. Les procédures du Parlement ne doivent pas être attaquées ni remises en question dans quelque tribunal ou lieu autre que le Parlement. Peu de gens semblent comprendre — et nous devrions faire de la recherche à ce sujet — que cet article tire son origine dans le fait que le Président de la Chambre des communes d'alors — je pense qu'il s'appelait sir William Williams — avait été accusé et poursuivi en cour. L'adoption de l'article 9 est la conséquence directe de cette action en justice.
Nous devrions nous renseigner et mieux comprendre les origines de ces privilèges avant de nous mettre avec enthousiasme à les adapter au XXIe siècle. Les problèmes du XXIe siècle auxquels les Chambres sont confrontées ne découlent pas de l'ingérence du souverain. En fait, c'est la subversion des principes du souverain. Je crois que nous devrions aborder cela dès le départ, car dans ces institutions, plus de gens sont lésés par les caucus et par le personnel des ministres que par quoi que ce soit d'autre. Par exemple, pourquoi certains membres ne peuvent-ils pas siéger aux comités de leur choix? Qui décide de tout cela?
Qui a décidé de faire entrer le vérificateur général? Ne me dites pas que c'était le Sénat. Cette vérification est une formidable atteinte. C'est probablement la plus importante atteinte à nos privilèges depuis fort longtemps. C'est énorme, et le vérificateur général est venu ici en raison d'une motion du gouvernement, de la priorité des affaires gouvernementales et d'un vote provoqué par le gouvernement, dans le sillage d'une motion du gouvernement. C'est une énorme atteinte au privilège. Je pense qu'il est grand temps de nous pencher sur le privilège. Je remercie le sénateur Joyal d'avoir soulevé cette question.
Chers collègues, c'est à peine si nous avons commencé à effleurer les questions dites urgentes dont nous sommes saisis aujourd'hui. J'aimerais beaucoup que nous les examinions. Pour ce faire, nous pourrions avoir un débat parallèle à la Chambre. Ainsi, les sénateurs pourraient soulever des questions, présenter des opinions, mais surtout, faire la recherche qui est nécessaire. Il y a deux questions sur lesquelles la plupart des membres ne savent pratiquement rien. L'une concerne l'ensemble du système des privilèges. L'autre est celle que je désignerais par les « finances nationales », les rouages des lois de crédits, le processus global d'affectation des crédits, le revenu public et les dépenses publiques. Rares sont ceux qui comprennent bien cela. Je regarde le sénateur Tkachuk, car pendant des années, il a été président du Comité des finances nationales et connaît exactement les types de problèmes qui surgissent chaque année pendant les périodes critiques d'affectation des crédits, en particulier autour du 31 mars.
Chers collègues, avant de porter des jugements hâtifs, nous devrions nous enquérir plus généralement de ce que d'autres personnes pensent et tenir un débat plus vaste à la Chambre. Je respecte le fait que des sénateurs ont accompli un travail de grande qualité. C'est excellent, mais j'aurais aimé avoir la chance d'être incluse dans cela, si nous voulons réellement parler des privilèges.
Le président : Merci, sénatrice. Je tiens à préciser que le travail qui a été exécuté n'est qu'une pierre dans d'importantes fondations.
La sénatrice Cools : Je sais et vous savez quelles sont ces fondations. Vous savez quelle est cette pierre, et certaines personnes savent où elles veulent s'en aller. J'aimerais beaucoup faire partie de cette recherche.
Le président : Je suis sûr que vous allez faire partie de la discussion.
La sénatrice Cools : Eh bien, je vais insister.
Le sénateur McIntyre : Premièrement, je félicite le sous-comité. Sénateur Furey, vous avez raison : si je me rappelle bien, il y a environ un an, le comité approuvait la création d'un sous-comité. Si j'ai bien compris, vous vous êtes réunis plusieurs fois, alors je vous félicite. Je n'ai pas eu la chance de digérer le rapport au complet, mais je l'ai parcouru rapidement.
D'après ce que je comprends, c'est un document de travail — un cadre. Nous sommes censés utiliser ce cadre pour évaluer les divers droits et immunités liés au privilège parlementaire. À l'examen de la liste des droits et immunités liés au privilège parlementaire, j'ai été plutôt surpris d'apprendre que la liberté de parole s'appliquait aussi aux témoins en comité. Je ne le savais pas. J'ai été très étonné, et c'est très intéressant.
Le seul autre commentaire que je veux faire, c'est que le sénateur Joyal a parlé du critère de la nécessité qui découle de l'arrêt Vaid de la Cour suprême. C'est la première étape, d'après ce que je comprends, mais nous devons aller plus loin. Comme le rapport l'indique, le principal enjeu pour les parlementaires est de déterminer comment exercer ces privilèges.
Le sénateur Furey : Merci beaucoup de vos commentaires, sénateur McIntyre; j'ajoute que je suis tout à fait d'accord avec vous. Personne ne dira, je pense, que la liberté de parole n'est pas nécessaire au fonctionnement du Parlement. Pour adapter cela au contexte contemporain, nous devons d'abord analyser le tout et déterminer les cas où l'on se heurte par exemple à la Charte des droits et libertés et où l'on peut être tenu responsable de paroles qui ne sont pas nécessaires dans nos fonctions de parlementaires. C'est sur cela qu'il faut nous concentrer pour commencer.
Comme la sénatrice Cools l'a dit, et je pense l'avoir dit dans ma déclaration liminaire, l'un des aspects que nous voulons analyser est celui de savoir si ce privilège est nécessaire pour protéger les parlementaires dans l'exécution de leurs fonctions législatives et délibératives et de la tâche de l'Assemblée législative de demander des comptes au gouvernement relativement à la conduite des affaires du pays — pas au souverain, comme l'a souligné à juste titre la sénatrice Cools, mais au gouvernement.
Le sénateur Tkachuk : Merci beaucoup, sénateur Furey. Je n'ai que quelques commentaires à faire, et vous pourrez si vous le voulez dire ce que vous en pensez. Je suis d'accord pour dire, comme la sénatrice Cools, qu'il faut examiner soigneusement divers aspects du privilège parlementaire, notamment la question des agents du Parlement, comme le vérificateur général.
La sénatrice Cools : C'est un aspect d'une énorme importance.
Le sénateur Tkachuk : En effet, c'est énorme. Je ne sais pas si vous avez regardé la différence. Aujourd'hui, quand quelqu'un abuse de son droit de parole, cela ne se fait pas de manière isolée, comme vous le savez très bien. C'est maintenant extrêmement public. À la Chambre des communes, ils ont la meilleure punition possible. Si les électeurs n'aiment pas le député, ils vont le faire sortir de là. Au Sénat, nous avons un problème plus grave, en ce sens que nous sommes ici et que vous ne pouvez pas nous faire sortir.
Je ne devrais pas dire que c'est plus facile, mais l'ultime punition — se faire mettre à la porte par l'électorat — n'existe pas pour le public. Nous devrions nous pencher sur les différences dans la façon dont nous abordons le privilège parlementaire aussi bien pour la Chambre, formée d'élus, que pour le Sénat, dont les membres sont nommés.
J'ai été surpris par la question des limites imposées aux assemblées législatives provinciales. Dans le système fédéral, conformément à notre Constitution, elles sont responsables des soins de santé, des services sociaux et de l'administration de la justice. Elles ont leurs propres pouvoirs suprêmes, distincts des nôtres. Je pense qu'elles souhaiteraient beaucoup coopérer à toute étude que nous entreprendrions.
Si nous poursuivons là-dessus, et je pense que nous devrions le faire, il est important de souligner — je reviens à ce que la sénatrice Cools disait — qu'il y a bien des gens que nous devrions inviter à témoigner. Je crois que nous devrions déterminer s'il est possible que le Sénat se forme en comité plénier pour au moins une ou deux séances, de sorte que tous les sénateurs puissent participer à la discussion. Je pense que nous en apprendrions beaucoup, et qu'ils en apprendraient beaucoup. Je suis un ardent défenseur du recours au comité plénier. J'en parle constamment à ma direction et à d'autres sénateurs. Je pense que c'est pour nous une bonne façon de fonctionner. C'est ainsi que le Sénat fonctionnait avant. C'est ce que je voulais soulever pour la suite des choses.
Le président : Merci beaucoup, sénateur. Envisagez-vous un comité plénier dès maintenant, ou plutôt à notre retour?
Le sénateur Tkachuk : Je pense que ce serait une bonne façon de lancer la discussion, en comité plénier, et d'inviter des témoins qui nous donneraient une perspective complète et théorique à la question dans son ensemble — un volet historique que nous pourrions obtenir, pour ensuite en discuter. En tant que comité, nous pourrions obtenir des directives des autres sénateurs concernant les témoins que nous devrions inviter et l'orientation que nous devrions prendre sur la question. Je pense que ce serait très important. Ce serait un excellent débat, très intéressant.
Le président : Sénateur Furey, avez-vous une réponse?
Le sénateur Furey : Vous soulevez quelque chose de très intéressant, sénateur Tkachuk, et c'est quelque chose que nous devons envisager.
Le président : Ma seule préoccupation est le temps qu'il faudra. Si ce n'est de cela, je pense comme vous.
Le sénateur Joyal : L'un des objectifs de notre séance de ce matin est d'essayer de déterminer le suivi que nous ferons de ce rapport. Que devrions-nous faire une fois que nous avons le document? Quelle serait la façon la plus efficace de mobiliser le Sénat, comme le sénateur Tkachuk l'a dit fort à propos d'après moi? L'objectif que nous devrions viser comporte un élément d'éducation, car c'est une question qui demeure vague pour de nombreux sénateurs, et ce n'est pas parce que les sénateurs ne sont pas informés. Comme nous l'avons dit précédemment, il y a très peu d'ouvrages sur ce sujet et il a fait l'objet de très peu de débats dans le passé. Il serait utile pour nous de commencer par la façon dont nous devons aborder l'étape suivante, dans le sillage de ce rapport, compte tenu de ce que les sénateurs Cools et Tkachuk ont suggéré et de la façon dont nous pouvons en arriver à une discussion ouverte au Sénat, mais avant cela, compte tenu de la façon dont les membres du comité estiment qu'ils devraient être capables de comprendre l'enjeu dans un contexte global. D'après moi, c'est ce que nous devons essayer de comprendre pour en arriver à faire des suggestions.
La sénatrice Jaffer : Je remercie le sénateur Furey et le sous-comité pour l'énorme travail qu'ils ont accompli à ce sujet. C'est un travail énorme dont nous profiterons longtemps.
J'aime la suggestion du sénateur Tkachuk concernant le comité plénier. Ce travail a demandé beaucoup de travail, mais nous ne connaissons pas tous bien le sujet. Avant d'envisager le comité plénier, nous devrions peut-être tenir une ou deux séances pour vraiment bien comprendre la question.
Deuxièmement — et je n'ai parlé de cela à personne —, nous devrions peut-être présenter cela à nos caucus respectifs et en discuter un peu, car c'est très important, puis envisager ensuite le comité plénier.
Le président : Sénateur Furey, nous pouvons communiquer le rapport maintenant à tous les sénateurs, n'est-ce pas?
Le sénateur Furey : Oui.
La sénatrice Cools : Ce n'est pas un rapport, c'est un document de travail.
Le président : En effet, c'est un document de travail et non un rapport. Je suis d'accord. Si tout le monde est d'accord et que personne d'autre n'a de commentaires à faire, nous pouvons envisager de tenir une réunion la semaine prochaine, ce qui permettra à tout le monde de traiter l'information. Si le sénateur Furey présente cela à sa direction, je vais aussi indiquer à la mienne qu'il pourrait y avoir une discussion en comité plénier, si vous me le permettez. La semaine prochaine, nous passerons aux étapes suivantes. Êtes-vous d'accord?
Des voix : D'accord.
Le président : Merci beaucoup. La séance est levée.
(La séance est levée.)