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RPRD - Comité permanent

Règlement, procédure et droits du Parlement

 

Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Fascicule 4 - Témoignages du 2 juin 2015


OTTAWA, le mardi 2 juin 2015

Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui, à 9 h 32, pour procéder à l'étude article par article du projet de loi C-586, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur le Parlement du Canada (réformes visant les candidatures et les groupes parlementaires), conformément à l'ordre de renvoi reçu.

Le sénateur Vernon White (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous, et bienvenue à la séance du Comité permanent du Règlement de la procédure et des droits du Parlement, en ce 2 juin 2015.

Aujourd'hui, nous discutons et débattons du projet de loi C-586, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur le Parlement du Canada (réformes visant les candidatures et les groupes parlementaires), au sujet duquel nous accueillons des témoins : l'honorable Peter Milliken, C.P., O.C., que nous remercions beaucoup de sa présence, et l'honorable Stéphane Dion, C.P., député.

[Français]

Merci aussi de nous offrir cette occasion de discuter de la législation.

[Traduction]

Nous allons demander à M. Dion de commencer, avant de passer à M. Milliken. Merci.

[Français]

L'honorable Stéphane Dion, C.P., député, à titre personnel : Merci beaucoup, monsieur le président, merci, chers collègues. Je remercie le comité de m'accorder ces cinq ou sept minutes, que je vais employer à réconcilier deux prises de position apparemment contradictoires.

Premièrement, le projet de loi C-586 n'est pas un bon projet de loi. Deuxièmement, le Sénat doit le laisser passer. Ce n'est pas un bon projet de loi, car il n'améliorera pas la démocratie canadienne.

[Traduction]

Avez-vous un exemplaire de mon exposé? Je l'ai envoyé. Nous allons le lire ensemble.

[Français]

Il n'améliorera pas la démocratie canadienne. Ce qui m'a valu l'honneur d'être invité à comparaître devant vous, je suppose, est sans doute le fait que j'ai fait connaître les six raisons pour lesquelles j'ai voté contre ce projet de loi.

[Traduction]

En premier lieu, le projet de loi C-586 propose des règles très douteuses. Je trouve particulièrement odieux qu'un député soit expulsé d'un groupe parlementaire par scrutin secret au lieu d'un vote à main levée. Affirmer que, dans une démocratie, tout doit être secret est erroné, car il y a des circonstances, comme précisément celle dont il est question, où il convient d'agir ouvertement. Si je devais voter pour expulser un de mes collègues, je le dirais ouvertement. Procéder autrement serait inacceptable.

En deuxième lieu, ce serait une erreur pour le Canada de devenir la seule démocratie à imposer, par une loi, un ensemble de mêmes règles démocratiques internes aux partis politiques et aux groupes parlementaires reconnus.

La sénatrice Batters : Il y a un problème pour l'interprétation.

M. Dion : Mais je parle en anglais.

Le président : Elle cherchait le français. Apparemment sa formation en français avance vraiment bien.

M. Dion : Je vais passer au français. Maintenant, ça fonctionne? Non?

En Australie, le Parti travailliste a relevé, en 2013, le plafond nécessaire à l'expulsion d'un chef, alors qu'aucune loi n'empêchait celle-ci. La décision incombait entièrement au parti. Un projet de loi qui imposerait les mêmes règles internes à tous les partis n'est pas plus souhaitable au Canada que ce ne l'était en Australie.

En troisième lieu, avec des plafonds aussi bas que 20 p. 100 pour remettre en cause un premier ministre et 50 p. 100 plus une voix pour sa destitution, il est possible d'empêcher un premier ministre de prendre des décisions qui s'imposent si des membres du parti n'y souscrivent pas. Le Canada n'est pas un pays facile à diriger. Il faut prendre des décisions impopulaires qui gagnent un soutien avec le temps. À mon avis, une convention tacite est préférable à une règle officielle pour l'expulsion d'un chef, une décision capitale s'il en est une. Je pourrais revenir sur ce point si vous le souhaitez.

En quatrième lieu, pourquoi le Canada deviendrait-il la seule démocratie à imposer, par une loi, une règle incongrue, selon laquelle un chef élu par les membres de son parti peut être expulsé par à peine la moitié de son groupe parlementaire? J'estime que, dans une démocratie solide, les députés doivent solliciter l'autorisation de membres du parti avant de s'investir d'un tel pouvoir. Dans les pays du Commonwealth cités par M. Chong, les chefs de partis politiques sont élus par le groupe parlementaire ou par un collège électoral où le groupe parlementaire exerce une grande influence. Comme le groupe parlementaire choisit son chef, il est normal et légitime qu'il détienne le pouvoir de le destituer par la tenue d'un scrutin.

Mais au Canada, ce n'est pas le cas. En 2019, mon parti célébrera 100 ans d'élections du chef par les délégués ou par la base du parti.

En cinquième lieu, le projet de loi C-586 permettrait qu'un chef soit expulsé par un groupe parlementaire composé de très peu de représentants, voire aucun, d'une région donnée. C'est le cas du caucus libéral, formé que de quatre députés dans quatre provinces de l'Ouest et des trois territoires du Nord, ainsi que du caucus conservateur formé de cinq députés du Québec. Est-il logique d'accorder le pouvoir de destituer un chef à seulement la moitié des députés de groupes parlementaires aussi inégaux sur le plan des régions? Je ne le crois pas.

En sixième lieu, il est vrai que la démocratie parlementaire au Canada se porte mal, mais certaines personnes et moi, dont mon parti, avons proposé des moyens plus efficaces pour régler ce problème, que je n'énumérerai pas, faute de temps. Cela dit, je serai heureux d'aborder les questions si vous le désirez.

[Français]

Passons à ma deuxième prise de position. Si mauvais soit-il, ce projet de loi ne doit pas être bloqué par le Sénat. Dans son avis de 2014, la Cour suprême a bien décrit ce que doit être le rôle du Sénat en tant que Chambre de second examen objectif. La cour a notamment affirmé que le Sénat doit être « un organisme législatif complémentaire plutôt qu'un éternel rival de la Chambre des communes dans le processus législatif ». C'est pourquoi la pratique, que les honorables sénateurs ont suivie depuis la Confédération, a été que le Sénat propose, de temps à autre, des amendements que la Chambre accepte souvent et qui jouent un rôle utile en ce sens. Or, le Sénat rejette très rarement, hors circonstances exceptionnelles, les projets de loi émanant de la Chambre des communes.

Dans le cas qui nous occupe, aucun amendement ne peut, selon moi, rescaper le projet de loi C-586. Ce projet de loi a été suffisamment amendé par la Chambre des communes, de sorte qu'il ne s'agisse pas d'une circonstance exceptionnelle. En effet, les règles contenues dans le projet de loi sont devenues optionnelles. Les partis seront libres de les adopter ou non. Il appartiendra à des députés, comme moi, de convaincre nos partis respectifs de ne pas adopter ces règles qui, pour les raisons que j'ai énumérées, ne sont pas souhaitables pour notre démocratie parlementaire.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup, monsieur Dion. Monsieur Milliken, à vous, je vous prie. Après quoi nous passerons aux questions des sénateurs.

[Français]

L'honorable Peter Milliken, C.P., O.C., à titre personnel : Je vous remercie, monsieur le président, de l'invitation à participer à cette discussion aujourd'hui.

[Traduction]

Je dois dire que j'ai comparu devant le comité de la Chambre des communes qui étudiait ce projet de loi, donc il s'agit d'une deuxième comparution pour moi. J'étais surpris de voir son nouveau format et la quantité de modifications qui y avaient été apportées. Tout comme M. Dion, je ne crois pas que ce projet de loi soit le meilleur en la matière. Par contre, c'est mieux que rien, et je crois que nous devons améliorer cet aspect, car le peu de contrôle des députés sur leur travail parlementaire me préoccupe. Je ne crois pas que ce soit quelque chose qui se soit produit au Sénat, mais c'est sans doute quelque chose qui se produit à la Chambre des communes. Ainsi, je crois que ce genre de projet de loi est important.

En ce qui a trait au leadership d'un parti politique, je n'aime pas qu'un seul parti élu par les membres, les supporteurs, ou quoi que ce soit du parti puisse ensuite dire aux membres : « Je décide si vous êtes membre du parti ou pas, car selon moi, c'est moi qui contrôle désormais puisque j'ai été élu par tous. Un million de personnes ont voté pour moi alors qu'aucun député n'a obtenu plus de 120 000 votes, donc soit vous m'obéissez, soit vous allez voir ailleurs. Je vous mets à la porte. Vous allez être exclu et vous ne serez pas le candidat de mon parti ». Selon moi, ces pouvoirs et les chefs qui agissent ainsi sont ridicules, et cela ne devrait pas être permis. Le projet de loi empêche en partie cette façon de faire. Je préférerais des modifications à la loi électorale pour que l'attestation du chef ne soit plus nécessaire. Le projet de loi va en partie dans cette direction parce qu'il prévoit que d'autres personnes le feront. Si vous désirez vous présenter pour un parti, ce devrait être le président de l'association de la circonscription qui détermine le candidat après une rencontre et qui signe le certificat pour le directeur général des élections. Lorsque je me suis présenté aux élections pour la première fois, ce n'était pas là. Je ne crois pas que cela soit nécessaire, mais les députés des grandes villes préfèrent cela, car les gens vivant à Toronto ou à Montréal ne savent pas dans quelle circonscription ils vivent, donc ils pourraient ne pas savoir qui est le candidat de chaque parti.

Dans des plus petites collectivités, comme celle que j'ai représentée, ce n'était pas un problème.

L'autre aspect bien sûr, c'est que le chef contrôle le parti, oriente les politiques, détermine qui siégera aux comités, qui sera présent aux réunions, et tout ce genre de choses. Je crois que nous avons l'obligation de rendre notre système plus parlementaire, et ce projet de loi accomplit cet objectif modérément. Je n'aime pas particulièrement les modifications qu'il a subies, car on a atténué certaines des dispositions originales, mais c'est quand même un pas sur la bonne voie. Ainsi, je vous demande d'adopter ce projet de loi, car s'il n'est pas adopté sans amendement, au point où nous en sommes, il n'entrera jamais en vigueur au cours de cette législature. La situation actuelle prévaudra durant la prochaine législature et, s'il s'agit d'un gouvernement majoritaire, il sera très difficile de modifier quoi que ce soit, quel que soit le gouvernement, car les chefs de partis n'aiment pas perdre leurs pouvoirs.

Dans le système parlementaire que nous avions à l'époque de la Confédération, le chef du parti était choisi par le caucus. Désormais, le caucus ne décide plus du tout du chef. Le projet de loi rectifie modérément le tir. Conformément à ce qui est énoncé dans le projet de loi, si le caucus vote en faveur de la destitution du chef, il y aura une autre course à la chefferie, ou le parti peut tenir une autre rencontre et réélire la même personne. Donc, on ne retire pas de pouvoir au parti; on donne plutôt au caucus des pouvoirs supplémentaires, ce qui n'est pas déraisonnable selon moi. Je préférerais que l'on donne encore plus de pouvoir au caucus, mais je crois que cela a peu de chances de se produire.

Bref, ma position est fondamentalement la suivante : ce projet de loi, bien qu'imparfait, mérite d'être adopté, car il va modifier un peu la façon de faire. Si les députés de la prochaine législature décident d'apporter d'autres changements, soit en atténuant ou en renforçant certaines des dispositions du projet de loi, ils pourront à tout le moins soulever et débattre des enjeux dans leur caucus en vertu des dispositions de ce projet de loi, ce qu'ils ne pourront pas faire si le projet de loi n'est pas adopté.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Milliken. Nous avons de nombreuses questions, et nous allons commencer avec le vice-président du comité, le sénateur Smith.

Le sénateur Smith : Je suis d'accord que nous n'avons pas le choix. Nous devons adopter ce projet de loi. Il a obtenu une écrasante majorité à la Chambre des communes. Je ne crois pas qu'il soit parfait. Toutefois, c'est un projet de loi de la Chambre des communes qui porte sur leurs règles, et je ne vois pas comment nous pourrions nous y opposer. J'aimerais savoir ce que vous pensez du fait que de nos jours, les députés — ce n'est pas autant le cas des sénateurs indépendants — ont de plus en plus un rôle semblable à celui d'un robot, tous les votes sont gouvernés par la ligne de parti. Même en Grande-Bretagne, dont nous avons hérité le système parlementaire, ils ont un système de vote à trois catégories. En d'autres mots, plusieurs votes sont des votes libres. Ce n'est pas le cas chez nous. Je crois vraiment qu'il faut donner plus d'importance au rôle des députés individuels et qu'il faut réduire les raisons pour lesquelles une élection serait déclenchée advenant une défaite du gouvernement. Ironiquement, la Grande-Bretagne a accompli cela. Le système n'est pas parfait, mais ces votes séparés en trois catégories sont certes un bon départ. Je crois qu'il nous faut adopter une approche semblable. Le projet de loi n'est pas parfait, mais je crois que nous n'avons pas le choix de l'adopter. J'aimerais savoir si vous pensez que l'on peut maintenir le statu quo.

M. Dion : Je crois que c'est un mauvais projet de loi. Comme M. Milliken l'a dit, on aimerait que ce projet de loi aille encore plus loin. Je vais me battre pour que ces règles ne soient pas appliquées. Je ne suis pas d'accord avec l'interprétation de M. Milliken. Le projet de loi ne va pas affaiblir le chef, mais plutôt créer un désordre dans les relations au sein du caucus et entre le caucus et le parti. Les journalistes en feront leurs choux gras, car lorsque les libéraux ne sont pas d'accord avec les conservateurs c'est inintéressant, mais lorsqu'un libéral est en désaccord avec un autre libéral, ce sont de bonnes nouvelles.

Le sénateur Smith : C'est la démocratie.

M. Dion : Je ne dis pas qu'il faille accepter ces règles. Je dis qu'elles sont optionnelles à l'heure actuelle. Tous les amendements apportés à ce projet de loi pour qu'il ne cause pas trop de problèmes sont des amendements proposés par vos collègues du caucus. En passant, c'est la raison pour laquelle le projet de loi a été adopté. La première version du projet de loi aurait été rejetée. Je ne suis pas certain à 100 p. 100, mais je suis assez certain que c'est ce qui se serait produit.

Maintenant, le débat sera un vote après les élections. Présumons que les libéraux gagnent les élections, notre premier vote porterait-il sur la destitution de Justin Trudeau? Je crois que nos collègues ne seraient pas contents de devoir poser cette question et se diront : « Pourquoi ferions-nous cela? », d'autant plus que, si vous dites oui, vous ne pouvez rien changer avant les prochaines élections. Vous devez modifier la loi pour changer ces règles. Si vous ne votez pas en faveur, vous restez maître chez vous, comme cela devrait être. En démocratie, il ne faut pas trop empiéter sur les règles internes des partis politiques. Or, c'est ce que ce projet de loi prévoit de faire.

Le président : Merci beaucoup. Monsieur Milliken, à vous s'il vous plaît.

M. Milliken : N'ayant jamais été le chef du parti, je n'ai pas le même point de vue. Je crois qu'il est très important que non seulement les membres puissent décider du chef, mais que le chef ne puisse déterminer qui sont les membres du caucus, ce qui est le cas de nos jours. Je crois que cela limite le pouvoir du chef, car le caucus peut décider qui est membre et qui ne l'est pas. Ce n'est pas le chef du parti qui dit : « Vous n'êtes plus dans le caucus à cause de la façon dont vous avez voté » ou quoi que ce soit, ce que je trouve très choquant.

Donc, je crois que nous devons changer les règles. Entre autres sujets, je parle beaucoup de la détermination des députés qui poseront des questions en Chambre, des questions qui seront posées et tout ce genre de choses, pratique en vigueur ici depuis un certain temps, mais qui ne se voit pas en Grande-Bretagne. Je pense qu'il faut revoir comment la Chambre des communes se comporte en vertu de ses règles, et ce projet de loi permettra aux divers caucus de déterminer davantage comment les choses se font. Ce n'est pas lié directement à ce que je viens de mentionner au sujet des questions et ainsi de suite, mais si le chef veut plaire à ses députés, les rendre heureux et travailler avec eux, cette façon de faire améliorera la coopération, je crois, et disons les rapports entre le chef et les membres du caucus, ce qui est, selon moi, important. Le chef du parti ne devrait pas être le dictateur du caucus, ce qui est de plus en plus le cas, de mon point de vue, car je n'ai pas assisté à une réunion de caucus depuis des années.

Le président : Je suis sûr que la donne a changé. Monsieur Dion, si je puis, j'ai une question; en fait, si les sénateurs me le permettent.

Je tente de comprendre ce que serait une loi optionnelle sans sanctions. Je dois admettre que j'ai eu une carrière antérieure dans la police et je crois que bien des gens que j'ai ainsi côtoyés auraient adoré des lois optionnelles sans sanctions. D'un point de vue législatif, comment résoudre la quadrature de ce cercle?

M. Dion : Je ne suis pas certain. Peut-être que M. Chong aurait une meilleure réponse à cette question que moi. J'imagine qu'il serait triste de voir les députés ne pas respecter la loi. Voilà la sanction. Nous faisons fi de la loi pour ensuite être les législateurs qui demandent aux Canadiens de respecter la loi. Je ne recommanderais pas à mon parti de se mettre ainsi en porte-à-faux.

Le président : Si je puis, seriez-vous en faveur ou voyez-vous le besoin d'avoir une loi optionnelle, ou devrions-nous simplement retirer le caractère optionnel de la loi? Si la loi est optionnelle, devrait-il y avoir des sanctions? Vous dites que le projet de loi est déficient?

M. Dion : Non, je crois que le projet de loi devrait demeurer optionnel. C'est la raison pour laquelle vos collègues à la Chambre des communes ont voté en faveur, car il était optionnel. Sinon, ils auraient voté contre ce projet de loi, j'en suis presque certain, pas certain à 100 p. 100, mais presque certain. C'est la raison pour laquelle M. Chong a accepté ce compromis. Certains ont été déçus quand la loi est devenue optionnelle. C'est la raison pour laquelle j'ai voté en faveur du renvoi en comité. J'ai voté en faveur d'un examen en comité. Au final, j'ai voté contre le projet de loi pour dire clairement que je m'opposais à ce que ces règles soient adoptées par mon caucus après les élections.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Fraser : Messieurs, bienvenue au Sénat. J'ai deux questions rapides, une pour chacun d'entre vous. Monsieur Dion, je suis d'accord avec vous quand vous dites que ce projet de loi est fondamentalement vicié pour la plupart des raisons que vous avez énoncées et pour des raisons qui me sont propres. Contrairement à la croyance populaire, j'aimerais porter à l'attention de tous, encore une fois, que ce projet de loi affecte le Sénat.

Monsieur Dion, si nous croyons que ce projet de loi n'est pas un bon projet de loi, même s'il est optionnel, ne trahissons-nous pas notre devoir parlementaire en adoptant un mauvais projet de loi, en présumant qu'il ne sera jamais utilisé?

Monsieur Milliken, les députés n'utilisent pas tous les pouvoirs qu'ils ont à l'heure actuelle. Pourquoi croyez-vous tant que ce système optionnel les encouragerait soudainement à se tenir debout?

M. Dion : La deuxième question au sujet des députés est que...

La sénatrice Fraser : Ils n'utilisent pas les pouvoirs qu'ils ont.

M. Dion : En réponse à votre première question, être sénateur comporte des avantages et des désavantages. Vous avez été choisi pour ce poste dans le but d'être une instance de contrôle, d'améliorer le travail accompli par la Chambre élue mais, comme l'ont dit les tribunaux, vous ne devez pas être un rival de la Chambre des communes. Par moment, vous serez saisi d'un projet de loi que vous préféreriez ne pas appuyer, mais vous allez l'accepter, car vous ne...

La sénatrice Fraser : Nous n'allons l'approuver automatiquement.

M. Dion : Il est du devoir de la Chambre de second examen objectif de ne pas rivaliser avec la Chambre, mais de plutôt l'aider à accomplir sa tâche. C'est ce que les tribunaux ont dit. Voilà le rôle du Sénat tel qu'on le conçoit.

La sénatrice Fraser : Si nous ne pouvons pas améliorer un projet de loi, nous devenons une instance qui entérine tout les yeux fermés.

M. Dion : Dans ce cas-ci, je ne crois pas qu'il soit possible d'améliorer le projet de loi. C'est possible dans bien des cas. Dans ce cas-ci, si vous tentez d'améliorer le projet de loi, vous en changerez la substance. Le projet de loi a été amélioré par mes collègues à la Chambre. Si vous comparez la première version à la seconde, vous verrez que dans la seconde version du projet de loi, nous l'avons amendé sans changer son orientation fondamentale. Voilà ma réponse à votre première question.

Il est de votre devoir de ne pas rivaliser avec la Chambre des communes. La Chambre a voté en faveur, peut-être erronément croyez-vous, mais dans les circonstances, vous aviez fait tout ce que vous avez pu à titre de sénateur.

Je suis d'accord avec le deuxième point que vous avez soulevé. J'entends ce que dit mon estimé collègue, M. Milliken, et je ne vois rien dans ce projet de loi qui réponde aux problèmes soulevés. Élections Canada n'empiète aucunement sur les règles internes et démocratiques des partis politiques. Quand Élections Canada veut savoir qui est le candidat officiel d'un parti, à qui demande-t-il? Au chef du parti. Mais cela n'empêche pas le chef d'être un dictateur.

Dans mon parti, le chef — et comme chef je n'agissais pas ainsi — permet à chaque circonscription de choisir son candidat. Parfois, le chef va exprimer une préférence pour un candidat, puis les médias en parleront abondamment, car il arrive que le candidat préféré du chef ne soit pas choisi, mais cela fait partie du jeu. Certains partis politiques l'ont fait par le passé. Cela ne va pas à l'encontre des règles d'Élections Canada. Élections Canada veut simplement savoir qui sont les candidats. Si quelqu'un d'autre que le chef annonçait le candidat officiel, nous serions alors libérés de la dictature des chefs de parti. Je crois qu'il s'agit d'une analyse superficielle de la réalité des partis politiques.

Il en va de même pour l'expulsion d'un collègue. Officiellement, c'est le chef qui agit, mais croyez-vous vraiment qu'un chef de parti expulsera un collègue qui jouit du soutien du caucus?

La sénatrice Cools : Ils le font tout le temps.

M. Dion : Je ne connais pas de tels cas. Il est rare que quelqu'un soit expulsé, et quand cela se produit, la plupart des collègues se disent : « Enfin, il était temps que le chef agisse. » Je ne parle pas des autres partis, mais du mien. Ce n'est pas vrai que notre chef est un dictateur. Je ne dis pas qu'il n'y a pas une litanie de mesures à prendre pour régler le problème que M. Milliken a cerné, mais ce n'est pas ce projet de loi qui va le faire.

M. Milliken : Eh bien, dans le Parti libéral, deux membres viennent tout juste d'être expulsés par le chef du parti, du moins c'est ce que j'ai cru comprendre. Je n'étais pas à la réunion du caucus, donc je ne le sais pas, mais d'après ce que j'ai lu dans les médias, le chef a dit qu'ils étaient expulsés. À mon avis, cette décision devrait être prise par le caucus et non le chef du parti. Ce genre de projet de loi contribuera à régler ce problème selon moi parce que le chef dit en fait : « Vous ne serez pas candidat à la prochaine élection parce que vous n'êtes pas membre du caucus. Le parti à l'échelle locale aura à choisir un autre candidat, qu'ils veulent de nouveau vous réélire ou pas. » Je suis désolé, mais je ne pense pas que le chef devrait avoir ce pouvoir. Je pense que l'association locale est celle qui devrait prendre ce type de décisions.

Au Canada, il y a des partis nationaux dont nous sommes membres et il y a aussi la représentation géographique par les organisations de partis dans une circonscription qui choisissent les candidats pour le parti dans la circonscription en question. Une des forces de notre démocratie découle du fait que nous faisons élire des candidats pour représenter les diverses régions du pays pour que les différences géographiques fassent l'objet de discussions au Parlement, en comités, dans les caucus et dans d'autres réunions. Selon moi, c'est très important pour le fonctionnement de la démocratie au Canada.

Si ce sont les chefs de partis qui décident qui sera candidat et qui ne le sera pas parce qu'ils n'aiment pas telle ou telle personne ou qu'ils trouvent telle autre déplaisante en raison de ses opinions, ils empêchent alors les associations locales de prendre ces décisions. À mon avis, c'est une composante très importante, et ce projet de loi est utile. Il n'est pas parfait, et j'insiste là-dessus, mais il sera utile à cet égard.

Puisque cela concerne la Chambre des communes, j'incite les sénateurs à se pincer le nez et à adopter ce projet de loi. À mon avis, il n'endommagera pas beaucoup la démocratie; en fait il l'améliorera quelque peu. Il ne va pas aussi loin que je le voudrais, mais c'est une amélioration. C'est pourquoi je vous incite à appuyer ce projet de loi.

Il comprend des lacunes. Si je devenais député aux termes des prochaines élections — et ce n'est pas le cas parce que je ne me présente pas, je vous l'assure — j'insisterais pour apporter des changements à ce projet de loi; je voudrais en élargir la portée et modifier certains éléments techniques. La mise aux voix ne doit pas forcément être secrète. Comme quelqu'un l'a dit, on peut avoir un vote public si cela concerne le rôle du chef. Et on peut tenir un vote secret s'il porte sur l'expulsion d'un membre du caucus afin qu'il ne se retrouve pas devant un groupe d'amis hostiles, qu'il soit expulsé ou non.

Les arguments sur ces questions sont partagés, mais elles pourront faire l'objet de discussions et de débats à un autre moment et dans d'autres circonstances. Mais, à tout le moins, si nous agissons, cela forcera les discussions à l'avenir, ce qui est important, parce qu'elles n'ont pas lieu à l'heure actuelle. Les membres ne peuvent pas soulever ces questions. Les chefs de partis leur disent : « Je suis responsable, taisez-vous. » Voilà ce qui se passe, selon moi, d'après ce que je lis.

Le président : Sénatrice Cools, votre question est-elle en complément de celle de la sénatrice Fraser?

La sénatrice Cools : Oui. J'aimerais signaler, chers collègues, que nous adoptons quotidiennement de mauvais projets de loi dans cette enceinte. Nous ne devrions pas agir ainsi, mais nous le faisons. Cela se produit. Je me réserve le droit de voter selon mon bon jugement.

Je veux remercier Peter Milliken. Nous sommes de vieux amis. Je le connais depuis de nombreuses années. Je suis heureuse de le voir ici. Et, comme vous le savez, je l'accueille de tout mon cœur.

J'aimerais signaler que le problème est plus vaste que ce que nous pensons. Nous avons eu de bons collègues qui étaient populaires et qui ont été expulsés du caucus parce qu'un particulier dans le bureau du chef ne les appréciait pas. Je songe en particulier à un député de Toronto, un député de l'Ontario qui était appuyé par l'association de circonscription, mais que personne n'a écouté. Ses commettants l'appuyaient. Il s'est présenté comme député indépendant à Toronto. Vous savez de qui je parle. Son nom de famille commence par un « N ». C'est John Nunziata, le célèbre député de Toronto qui mettait de l'ardeur au travail et qui était très populaire.

Le sénateur D. Smith : C'est un cas très célèbre.

La sénatrice Cools : Il a été expulsé en dépit de sa popularité. Son association de circonscription lui est restée loyale. Il s'est présenté aux élections et il a remporté la circonscription. Lors des élections suivantes, le parti a investi tellement d'argent et d'efforts dans cette circonscription qu'il a finalement eu gain de cause. Voilà donc un exemple parmi tant d'autres.

Le personnel du bureau du chef avait la réputation de menacer les membres du caucus d'expulsion. Je connais un sénateur qui a directement été menacé par ces personnes au sujet d'un autre projet de loi.

Nous ne devrions pas faire semblant que nous ne sommes pas au courant et que cela ne se produit pas. Un bon nombre de ces décisions sont prises par le chef sans qu'il n'y ait aucune discussion ou consultation avec qui que ce soit. Dans une certaine mesure, je veux bien que le chef ait le pouvoir de prendre ces décisions. Mais ce que j'ai vu au cours des dernières années m'a fait beaucoup réfléchir à cette question. Les chefs de partis devraient à tout le moins savoir que les membres des caucus sont très préoccupés par ces questions.

J'appuie ce projet de loi par ce que j'estime que c'est le meilleur qui nous ait été présenté sur cette question. À l'heure actuelle, c'est le seul de cette nature; je vais donc voter en faveur. Ce n'est un secret pour personne que le gouvernement veut éliminer ce projet de loi. Il y a très peu de secrets ici, mais je suis prête à appuyer...

Une voix : Question.

La sénatrice Cools : Je n'ai pas à poser de question. Je fais de mon temps ce qui me plaît.

Le président : Vous aviez une question complémentaire, sénatrice. Je vous ai demandé si vous aviez une question en complément de celle de la sénatrice Fraser. J'ai une longue liste d'intervenants. Je peux mettre votre nom sur cette liste si vous le voulez.

La sénatrice Cools : Je devrais peut-être reconsidérer mon appartenance à ce comité...

Le président : Il n'en tient qu'à vous.

La sénatrice Cools : ... puisque vos listes sont toujours très longues. Ce comité siège fréquemment.

Le président : C'est à vous de décider.

La sénatrice Cools : Ai-je le choix? Non. Vous me bousculez, et je n'aime pas cela.

Le président : Sénatrice, avez-vous une question complémentaire à celle de la sénatrice Fraser?

La sénatrice Cools : Je présente ma position. Je connais très bien le règlement. Vous dépassez votre autorité.

Le président : Je sais que vous le connaissez. Sénatrice Batters.

La sénatrice Cools : Je vous dis que j'appuie ce projet de loi. Vous manquez de tact.

La sénatrice Batters : Je remercie nos deux témoins d'être présents.

Monsieur Dion, la déclaration écrite que vous nous avez transmise plus tôt aujourd'hui précise que le Sénat propose des amendements de temps à autre. Je vous remercie de confirmer la capacité du Sénat d'amender les projets de loi.

Ensuite, vous semblez conclure que puisque le règlement dans le cas de ce projet de loi particulier est facultatif, c'est pour cette raison qu'il devrait être adopté. Je dois dire que je ne suis pas tout à fait cette logique. Ce type de logique se traduirait par des mesures législatives de très piètre qualité au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Pourriez-vous essayer d'expliquer ce passage particulier?

M. Dion : Le projet de loi a été dilué par vos collègues dans la Chambre des communes à un tel point que nous ne sommes pas dans une situation exceptionnelle qui risquerait de fondamentalement endommager la démocratie du Canada. Vous ne devriez pas exercer le pouvoir exceptionnel que vous avez d'apposer un veto à un projet de loi appuyé par la Chambre des communes.

La sénatrice Cools : Ce n'est pas...

La sénatrice Batters : J'ai une autre question pour vous, monsieur Dion. Dans sa version actuelle, le projet de loi ne prévoit aucun mécanisme quant à la fréquence à laquelle le caucus pourrait défier le chef ou le destituer. Estimez-vous que ce soit problématique? En tant qu'ancien chef du parti et du caucus parlementaire, pouvez-vous nous dire comment une menace fréquente au leadership pourrait saper la force d'un caucus, d'un parti et d'un gouvernement?

M. Dion : M. Milliken a mentionné de nombreuses situations où le chef peut abuser de ses pouvoirs. Toutefois, il y a des circonstances où un groupe au sein du caucus pourrait abuser de sa capacité de créer des problèmes. Je ne sais pas si M. Chrétien aurait pu rester aussi longtemps premier ministre du Canada s'il avait dû se soumettre à ces règlements.

Certains diront : « Oh, ç'aurait été une bonne chose. » Mais je respecte ce que M. Chrétien a fait pour le pays et les difficiles décisions qu'il a prises. Souvent, la majorité des membres du caucus était contre lui, et certains d'entre eux étaient prêts à se poser comme rival du premier ministre. Cependant, après quelques semaines, ils changeaient d'avis. C'est ça, le leadership.

En outre, il ne faut pas croire que nous devons nous comparer seulement aux pays du Commonwealth. Il existe d'autres pays, même s'ils ne parlent pas anglais. Ce n'est pas vrai qu'il y a de nombreuses démocraties où le leadership — ce n'est pas le fait d'une seule personne — n'a pas son mot à dire pour assurer la cohésion de l'équipe. Je pense que c'est le professeur Cross de l'Université Carleton qui a expliqué que la souveraineté des associations de circonscription est une vache sacrée. Je ne sais pas dans quel genre de démocratie cela existe.

Si vous faites un peu de sociologie au sujet des électeurs du Canada et d'ailleurs et que vous voulez prédire leur vote, examinez le parti du candidat avant le candidat. D'aucuns le déploreront, mais c'est commode pour les électeurs puisqu'ils n'ont pas le temps de scruter de près la personnalité de tous les candidats. Dans la plupart des cas, ils vont examiner la personnalité du chef, et le parti leur donnera des sauvegardes ou des indices généraux, problématiques et idéologiques, et le candidat, sa personnalité, jouera un rôle à cet égard.

Selon la sociologie électorale, vous pouvez espérer faire une différence avec environ 10 p. 100. Si on s'attend à ce que votre parti remporte 40 p. 100 des votes de la circonscription, un bon candidat peut aller en chercher 44 p. 100. Cela peut faire la différence entre la victoire et la défaite. Les électeurs très partisans sont marginaux — sauf dans Saint- Laurent-Cartierville, où j'ai pu apporter beaucoup plus que 4 p. 100.

La sénatrice Batters : Vous étiez le chef, aussi.

M. Dion : Nous savons tous que sans le parti, ce serait très difficile pour nous de nous faire élire. Si vous êtes élu en tant que membre d'une équipe, est-ce que vous ne croyez pas que vous devriez agir en équipe une fois élu? Cela ne veut pas dire qu'il faille accepter une dictature. Je suis d'accord avec cela et j'ai des idées pour améliorer la situation. Ce projet de loi n'empêchera pas les abus de la part du chef.

La sénatrice Jaffer : Merci à vous deux, que je respecte énormément, d'être venus faire vos exposés. Lorsque M. Chong, le parrain du projet de loi, a comparu, il a demandé qu'on approuve ce projet de loi automatiquement sans y accorder un second examen objectif. J'aimerais que vous me disiez tous les deux si vous pensez que le rôle du Sénat à l'égard de ce projet de loi est de l'approuver automatiquement sans réfléchir.

M. Milliken : Je pense qu'il est tout à fait légitime que vous examiniez le projet de loi. C'est le rôle du Sénat. En tant que témoin, je vous prie de l'adopter parce que s'il n'est pas adopté sans amendement, il ne serait pas adopté avant la fin de cette législature. Nous serons pris dans la même situation lorsque la nouvelle législature siégera. Ensuite, il faudra faire adopter un autre projet de loi semblable par la Chambre avant qu'il ne revienne ici, qu'il soit adopté, et qui sait qui sera élu et combien de députés chaque parti aura à la Chambre. C'est imprévisible.

Je pense que ce projet de loi mérite d'être adopté maintenant parce qu'il forcera la nouvelle législature à se pencher à nouveau sur la question, car je suis sûr qu'il y aura des députés qui voudront y apporter des modifications, selon que le prochain gouvernement sera majoritaire ou minoritaire. S'il est minoritaire, ce sera plus difficile de trouver un compromis, mais les partis s'y efforceront. Ils comprendront l'importance de s'entendre sur une solution qui pourra fonctionner.

Un second examen objectif de la part du Sénat est, à mon avis, précieux pour notre processus démocratique, pour notre processus législatif. L'examiner, c'est très bien, mais étant donné les contraintes de temps, je vous conseille vivement de l'adopter afin que le projet de loi puisse recevoir la sanction et que nous ayons une loi.

Je suis sûr qu'il y aura des pressions qui s'exerceront pour faire modifier cette loi car, comme mon collègue et moi l'avons dit tous les deux, elle n'est pas parfaite. Cependant, elle pourrait être modifiée pendant la prochaine législature. Il y aura beaucoup de temps pour l'examiner et la remanier. Je suis sûr que votre comité aura son mot à dire sur ce projet de loi lorsqu'il vous arrivera, si la Chambre des communes en adopte un. C'est ce que je proposerais comme approche.

M. Dion : Mon point de vue est un peu différent. Si vous acceptez celui de M. Milliken, vous ne bloquez pas le projet de loi. Vous direz peut-être, en tant que sénateur, je pense que ces règles ne sont pas bonnes pour la démocratie, mais nos collègues de la Chambre l'ont adopté. Ce n'est pas que nous l'adoptons automatiquement sans réflexion. C'est tout simplement que nos collègues à la Chambre ont apporté tous les amendements qu'il fallait, à moins de rejeter le projet de loi pour une question de fond. Nous ne rejetterons pas le projet de loi sur le fond, nous allons l'accepter tel quel, car son application sera facultative et chacun des partis décidera s'il veut suivre ces règles.

M. Milliken vient juste d'exprimer une des raisons pour lesquelles j'espère convaincre mon parti de ne pas accepter ces règles, c'est-à-dire l'idée de s'entendre avec les autres partis. Pourquoi discuter avec les autres partis des règles de mon propre parti? Il se trouve que je pense que des assemblées libérales sont mieux placées pour choisir les règles qui régiront le Parti libéral qu'une assemblée où les conservateurs sont majoritaires. Et vice versa pour mes collègues conservateurs. C'est pourquoi je ne veux pas négocier les règles internes des partis. C'est à chaque parti d'établir ses propres règles.

Le sénateur Wells : Merci, monsieur, d'être venu. Monsieur Dion, j'aimerais enchaîner sur votre point au sujet des règles internes d'un parti. Bon nombre des dispositions de ce projet de loi — et vous savez peut-être que j'ai exprimé publiquement mon opposition à bon nombre des dispositions de ce projet de loi — sont, d'après moi, des questions qui concernent les partis et ne devraient pas être codifiées dans une loi canadienne. Le choix et la destitution du chef sont l'une d'elles, tout comme le choix du président du caucus. Cela me semble une chose mineure qui devrait être déterminée par le caucus et le parti. L'expulsion et la réadmission d'un membre du caucus, et même la définition de ce qu'est le caucus. À l'heure actuelle, le chef libéral, M. Trudeau, a déterminé que son caucus ne compte pas de sénateurs, seulement les députés. Le Parti conservateur a maintenu la définition traditionnelle.

Voyez-vous un problème à ce que cela soit codifié dans la loi plutôt que de rester sur une question interne que règlent les partis eux-mêmes? Je vous pose la question à tous les deux.

M. Dion : Je pense que nous devrions éviter, autant que possible, de légiférer les règles démocratiques internes des partis politiques, l'exception étant le financement des partis. Cela vise à donner aux différents partis une chance égale. La limite des dépenses ne peut pas dépendre du parti. Il faut que ce soit la même pour tous les partis lorsqu'il y a une élection. Sinon, laissez les partis décider eux-mêmes, c'est ce que font d'autres démocraties.

Je viens de mentionner le cas de l'Australie. Après une défaite cuisante, le Parti travailliste de l'Australie a décidé qu'il ne pouvait plus continuer avec le même chef et l'a destitué en faveur d'un nouveau. Le chef du Parti libéral conservateur a alors dit : « Ne votez pas pour ce chef. Vous ne savez pas qui sera responsable de l'argent de vos impôts. Si vous votez pour nous, je peux vous assurer que c'est moi qui serai le chef. » Il a gagné. Alors, le Parti travailliste s'est dit qu'il ne pouvait plus continuer de la même façon. Ils ont décidé de fixer un seuil plus élevé. Maintenant, si le parti forme l'opposition, il faut que 60 p. 100, et non plus 50 p. 100 des membres du parti votent pour remplacer le chef, et ce seuil augmente à 75 p. 100 s'il est premier ministre. Je ne dis pas que ce sont de bonnes ou de mauvaises règles. Je dis simplement qu'ils l'ont fait, car aucune loi ne les en empêchait. Pourquoi faire cela au Canada et imposer les mêmes contraintes à tous les partis? Je pense que ce serait une erreur.

C'était surtout un problème avec la première version du projet de loi. C'est toujours un problème, mais au moins ceux qui sont d'accord avec cette approche auront l'occasion d'en discuter avec leur caucus après l'élection.

M. Milliken : Vous pouvez voir qu'il réfléchit comme un ancien chef. Je n'ai pas la même expérience.

Je me sens un peu hors de ce cercle. Je dois mentionner que je n'ai pas participé à une réunion de caucus depuis 2001 quand j'ai été élu Président, alors je n'ai pas participé aux discussions de caucus et j'ai un peu de difficulté à former des opinions à ce sujet. D'un autre côté, je crois qu'il est important que les députés soient libres d'exprimer leurs opinions, pas seulement en caucus, mais aussi en Chambre. En tant que Président, je me suis inquiété des restrictions importantes qui étaient placées par les partis, car ils contrôlent qui pourra prendre la parole en Chambre. Cela m'a préoccupé. J'en ai beaucoup parlé en public pendant de nombreuses années, et cela m'inquiète.

C'est en partie une question de discipline et de savoir qui peut exercer cette discipline, si quelqu'un peut être expulsé du caucus, qui l'expulse, et cetera. Ce genre de règles dans le projet de loi sont très importantes pour répartir le pouvoir entre les députés, mais d'après moi, elles subissent une érosion ou même disparaissent dans la structure actuelle. Voilà pourquoi j'appuie le projet de loi. Il a des lacunes, et je l'ai dit, mais il est important de commencer avec quelque chose qui donne des pouvoirs supplémentaires. Oui, on pourra négocier ensuite et déterminer des règles qui conviennent mieux à chaque parti. Les règles pourraient être changées, mais il y a un minimum prévu par le projet de loi, et les partis peuvent faire d'autres choix, bien sûr, mais le projet de loi précise un taux minimum de participation ou de votes afin de décider du sort d'un chef ou d'un député dans un caucus et toutes ces sortes de choses. Cela ne me dérange pas si on change un peu les chiffres. Là où je veux en venir, c'est qu'il faut certaines règles afin qu'on ne puisse pas dicter qui est expulsé, ou pour ne pas que les chefs disent que tel député est expulsé. D'après moi, ce n'est pas bon. Cela ne devrait pas se faire. Cela devrait être une décision du caucus, parce que nous sommes tous des collègues en caucus lorsque nous nous réunissons. Les membres du caucus devraient avoir leur mot à dire.

Voilà pourquoi, si le projet de loi est adopté, les députés du prochain Parlement devront en discuter. Les chefs en particulier devront s'en occuper. On ne pourra pas l'ignorer. C'est une bonne chose, parce que les discussions devront avoir lieu. Peut-être que le projet de loi sera abrogé, mais je crois qu'il est plus probable qu'il y aura un accord pour adopter une version modifiée du projet de loi, une version améliorée, et le Sénat pourra y réfléchir une deuxième fois lorsqu'il reviendra ici.

Je sais que les sénateurs sont membres de certains caucus, et je crois que c'est important. Leur participation est importante.

Le sénateur Furey : Merci, messieurs, d'avoir trouvé le temps de venir ici ce matin.

Monsieur Dion, comme vous l'avez souligné avec raison, l'article 49.8 du projet de loi donne cette responsabilité aux députés de la Chambre des communes. Même si vous croyez que c'est un mauvais projet de loi, croyez-vous que cette procédure, qui permet aux députés d'accepter ou de rejeter le projet de loi, s'il était adopté, à la majorité simple, est une mesure de protection appropriée et suffisante qui protège contre ce que vous percevez comme étant les mauvais éléments du projet de loi?

M. Dion : C'est une protection. Ce n'est pas une certitude. Peut-être que le point de vue de M. Milliken prévaudra. Si je suis réélu et fais toujours partie du caucus après l'élection, je ferai de mon mieux pour convaincre mes collègues qu'il y a bien d'autres façons de procéder, et j'espère que nous serons élus pour les mettre en œuvre. J'ai ici une liste de mesures pour améliorer la démocratie qui ne consiste pas à créer des règles qui n'existent pas dans d'autres pays et qui empiéteraient sur les droits démocratiques de chaque parti de choisir ses propres règles.

Le sénateur Furey : Vous pensez que c'est assez adéquat pour...

M. Dion : Je suis ravi d'avoir cette possibilité que je n'aurais pas eue avec la première version du projet de loi. Cela aurait été une camisole de force pour tous les partis. Cela veut dire que la majorité conservatrice aurait pu décider de la constitution du Parti libéral du Canada. Quel mauvais précédent. Ce précédent pourrait jouer dans l'autre sens la prochaine fois. J'étais catégoriquement contre la première version du projet de loi. Je suis toujours contre la deuxième, mais au moins il y a une protection que j'essaierai d'utiliser dans l'intérêt de la démocratie canadienne.

Le sénateur Furey : Disons qu'il n'y avait pas de projet de loi C-586. Qu'est-ce qui empêche actuellement le caucus de se révolter contre son chef?

M. Dion : Voilà mon problème avec ce projet de loi, comme si la bombe atomique qui consiste à expulser un candidat était une préoccupation quotidienne de chaque député. Cela n'est pas du tout le cas. Ce n'est pas ma façon de voir les choses. Pour le Parti libéral, à tout le moins, en général la discipline vient du caucus lui-même. Le caucus insiste pour que nous votions ensemble. Vous avez fait partie de ce caucus. Vous savez ce que c'est. Nous n'aimons lorsqu'un collègue est un électron libre et présente quelque chose dont on n'a pas discuté et convenu.

Parfois le chef présente quelque chose qui va à l'encontre de ce que pense le caucus, mais généralement, après discussion, le point de vue présenté se rapprochera du consensus.

Il n'y a pas d'un côté le chef, et de l'autre, le caucus. Non, la discipline du parti vient beaucoup à la demande du caucus. De nombreux collègues pensent que cela serait plus facile pour eux d'exprimer leur point de vue en disant : « Vous savez, c'est l'opinion du caucus », que s'ils doivent justifier pourquoi ils n'ont pas présenté le point de vue d'un collègue qui n'est pas d'accord avec l'opinion du caucus. Je ne sais pas si ce que je dis est clair.

En fait, les luttes de pouvoir dans un caucus sont beaucoup plus complexes qu'un simple combat entre un gentil caucus et un méchant chef.

Le sénateur McIntyre : Merci, messieurs, pour vos exposés. Ma question concerne les tribunaux et le contrôle judiciaire. J'attire votre attention sur le nouvel article 49.7 de la Loi sur le Parlement du Canada. Comme vous le savez, il empêche le contrôle judiciaire. On nomme souvent ce genre de disposition une disposition privative.

Généralement, les tribunaux n'interviennent pas ou n'interfèrent pas dans les questions liées au choix d'un candidat ou au chef d'un parti. Il y a bien sûr des exceptions. Les tribunaux n'interviennent pas parce qu'ils semblent considérer les partis politiques comme des organisations privées, des associations privées, ce qui les place donc hors de la portée du contrôle judiciaire dans la plupart des cas.

Sachant cela, croyez-vous que ce nouvel article 49.7 devrait rester tel quel? Est-ce qu'il y a d'autres dispositions ou aspects de ce projet de loi qui devraient demeurer tels quels?

M. Milliken : Je n'ai pas d'avis tranché sur la question. Je ne vois pas pourquoi il faudrait contrôler judiciairement une décision du caucus, car il ne s'agit pas de changement à la loi. Je pense que le contrôle judiciaire devrait s'appliquer à une procédure judiciaire.

Le sénateur McIntyre : Maintenant, ce sera codifié.

M. Milliken : C'est codifié. Le caucus jouit d'une certaine souplesse. Je ne crois pas qu'on ait besoin d'un contrôle judiciaire pour assurer la conformité au code. Il reviendrait au caucus de prendre une décision là-dessus. Si cette décision était contestée, le président du caucus pourrait selon toute vraisemblance dire : « Le vote obtenu l'autre jour doit être annulé parce que X députés n'en avaient pas été informés. Je déclare le vote irrecevable, et nous en tiendrons un autre. »

Ce débat peut avoir lieu au sein du caucus. Je ne crois pas qu'un contrôle judiciaire soit nécessaire. Je comprends pourquoi ce contrôle ne les intéresse pas. Si j'ai bonne mémoire, presque toutes les décisions prises en application de ces règlements peuvent faire l'objet d'un deuxième appel. On peut tenir un autre vote sur la même question, s'il arrive autre chose.

Dans la plupart des cas, ce ne sont pas des décisions définitives avec force obligatoire. Ces décisions peuvent avoir des conséquences importantes — si on vote par exemple pour destituer le chef. En revanche, si le parti réélit le chef après que le caucus l'a rejeté, le caucus est à nouveau coincé. Il faudrait tenir un autre vote. Ce serait difficile de le faire si le chef avait été réélu lors d'un autre congrès du parti. C'est ce genre de situation qui, à mon avis, peut survenir.

M. Dion : Je ne crois pas que je vais répondre à votre question. Je vous dirais ceci : un concept peut exister même s'il n'est pas garanti par la loi. Il n'y a aucune loi sur l'amour, et pourtant l'amour existe.

La sénatrice Cools : Oh, seigneur.

M. Milliken : Le caucus n'a donc pas le pouvoir, ni en vertu de la loi, ni en vertu de la constitution du parti, de destituer son chef.

La sénatrice Cools : Il l'a.

M. Dion : À la fois dans mon parti et dans le vôtre, seul le parti peut destituer son chef par un examen de la direction, ce qui ne veut pas dire pour autant que le caucus est impuissant. Le caucus peut faire clairement savoir au chef qu'il ne peut plus diriger. Si le caucus agit en ce sens, il est très probable que le parti soit du même avis. Je crois qu'il est mieux de procéder ainsi que de tenir un vote officiel. Le chef cédera sa place quand il verra qu'il ne peut plus diriger.

À mon avis, ce n'est pas une bonne idée que 20 p. 100 du caucus puissent déclencher un vote officiel. Je ne connais pas beaucoup de démocraties qui fonctionnent ainsi. Dans celles qu'a mentionnées M. Chong, c'est le caucus qui choisit le chef. Nous avons décidé de procéder autrement. Cela fait maintenant près d'un siècle que mon parti fonctionne de cette façon. Il faut en tenir compte. On ne peut donner force de loi à des éléments diamétralement opposés.

Ce n'est pas pour dire que le caucus est impuissant. Il fera savoir au chef s'il peut toujours diriger. Je le sais. Un caucus peut faire savoir au chef qu'il a perdu la confiance à la fois de son caucus et des électeurs.

Le président : J'ai une longue liste de questions. Pouvez-vous rester?

M. Dion : Je peux rester encore un peu, mais comme vous le savez, nous avons perdu un ancien premier ministre du Québec, M. Parizeau, et il semble que j'aie reçu quelques demandes, mais je suis disposé à rester encore un peu.

Le président : Mes condoléances.

Le reste du comité est-il d'accord pour qu'on continue à poser des questions?

Des voix : D'accord.

Le président : Personne ne semble être en désaccord. Monsieur Milliken, merci à vous également.

La sénatrice Martin : Je voudrais vous remercier tous les deux de comparaître devant notre comité. Monsieur Dion, vous avez l'expérience d'un ancien chef, et vous avez tous les deux présenté vos arguments avec respect. Je voudrais vous en remercier personnellement. Je sais que mes collègues vous en sont également reconnaissants. Comme vous l'avez dit, nous évoluons dans un système bicaméral. Nous coexistons et nous complétons l'un l'autre. Ce respect est réciproque.

Monsieur Dion, vous avez été convaincant. J'aimerais vous poser une seconde question sur l'une de vos remarques. Vous serez réélu; j'en suis certaine.

M. Dion : Merci.

La sénatrice Martin : Si ce projet de loi devait être adopté pendant la prochaine législature, j'ai bon espoir que vous vous prononceriez contre son application. Il est toutefois possible que vous ne soyez pas réélu. À l'heure actuelle, dans certains partis, le caucus ne représente pas équitablement la perspective nationale. C'est le cinquième argument que vous avez présenté. Je viens de l'Ouest et je sais que nous sommes déjà sous-représentés à la fois à la Chambre et au Sénat. Selon ce projet de loi, des décisions pourraient être prises par 20 p. 100 du caucus, voir un pourcentage encore plus petit. Je viens de l'Ouest, et ces décisions pourraient ne pas cadrer avec mes priorités. Même au sein d'un caucus, on ne voit pas toujours les dossiers du même œil.

Je suis sûre que vous vous êtes montré tout aussi convaincant devant vos collègues à la Chambre avant que ce projet de loi ne soit voté en troisième lecture. Pourtant, ce projet de loi a reçu un accueil très favorable à la Chambre. Si ce projet de loi devait être adopté, avec quelle force de conviction vous adresseriez-vous à vos collègues, sachant que beaucoup d'entre eux ont appuyé ce texte de loi? La législature précédente accueille très favorablement ce projet de loi, mais vous militez pour qu'on ne l'applique pas. Quelle sera votre efficacité après les élections? J'entends des termes préoccupants. Vous dites tous les deux que ce projet de loi manque de rigueur et que les caucus devraient prendre ces décisions.

Je suis membre du caucus, ce qui m'exclut moi et d'autres autour de cette table. Monsieur Milliken, vous avez parlé des changements à venir. Au cours de la prochaine législature, on aurait l'occasion de se repencher sur ce texte de loi pour que nous soyons tous convaincus qu'il manque moins de rigueur et que le changement est imminent.

Je me demande quelle sera votre force de conviction auprès de vos collègues après les élections. Bien des parlementaires envisagent des conséquences inattendues. J'entends bien des choses qui me préoccupent. Votre cinquième argument, c'était que le caucus pourrait ne pas refléter la perspective nationale. Quel espoir avez-vous de convaincre votre parti de ne pas adopter un projet de loi que le Parlement a pourtant édicté?

M. Dion : Merci beaucoup. J'aurai effectivement un dilemme. Ce n'est pas de votre faute; c'est de la mienne. Plus je milite contre ces règlements, plus je vous convaincs, peut-être, de voter contre.

Je vous demande toutefois de lâcher prise. Je vous demande de lâcher prise parce que j'estime qu'il en est de votre devoir constitutionnel. Ce n'est pas pour dire que la Chambre a raison, mais comme vous représentez la Chambre du second examen objectif, nous ne pouvons rien n'y faire dans les circonstances. C'est ce que je vous propose, mais la décision vous revient. Ce n'est pas à moi de vous dire quoi faire. Libre à vous de choisir, mais si j'étais à votre place, c'est ce que je ferais, je pense.

Au sujet du premier point, je répondrai par l'affirmative, car le Canada est une fédération. M. Chong le compare avec des pays non fédérés ou avec des pays très centralisés, comme l'Australie. Le Canada est beaucoup plus décentralisé que l'Australie, et beaucoup plus diversifié, même en tenant compte de la taille des États. Le Canada compte de très grandes provinces et de très petites également, alors qu'en Australie, la taille des États est beaucoup plus uniforme. En Australie, on ne compte que six États, et tant les quatre plus grands que les quatre plus petits ont un droit de veto sur l'adoption de chartes. Une fédération représente une réalité totalement différente. Comment se fait-il que le projet de loi ne fait aucunement mention de cette réalité? Deux des partis, soit les conservateurs et les libéraux, se montrent très prudents en tenant compte de cette réalité dans les règles régissant la course à la direction. Comme vous le savez, dans le cadre de cette course, les circonscriptions sont sur un même pied d'égalité. Au Parti libéral, une circonscription rurale du nord de l'Alberta a le même poids dans la course à la direction qu'une circonscription du centre-ville de Toronto qui compte des milliers et des milliers de membres. Or, il n'y a que 100 membres du Parti libéral dans le nord de l'Alberta. Pourquoi agissons-nous ainsi? C'est pour s'assurer que le parti tiendra compte des sensibilités de tout le pays au moment de se choisir un chef. Cependant, par la suite, le chef pourrait être destitué par un groupe parlementaire qui ne comprendrait aucun Albertain élu et une poignée de Québécois sans que cela ne pose problème? D'après ma vision de la fédération, cela pose un énorme problème.

La sénatrice Martin : Donc, cela vous préoccupe qu'une disposition établisse que 20 p. 100 des députés puissent déclencher un examen de la direction, et que ces députés puissent provenir d'une seule province, comme ce serait le cas au NPD où l'on compte davantage de députés représentant le Québec que les autres partis du pays. Cette disposition, pour laquelle vous émettez des réserves, ferait partie de la loi, mais...

M. Dion : Le groupe de 20 p. 100 qui remettrait en cause la direction ainsi que le 50 p. 100 de députés qui expulsent son chef pourrait provenir d'un groupe parlementaire qui s'intéresse peu ou pas du tout à une province ou à une région de notre grand pays. Voilà ce qui, d'après moi, pose problème, entre autres choses.

Le sénateur Tkachuk : Je souhaite la bienvenue aux témoins et je dois admettre que je suis tout à fait d'accord avec M. Dion. Je suis contre ce projet de loi. Je n'aime pas vraiment ce projet de loi, et il me semble étrange que nous soyons assis ici, monsieur Dion, à vous écouter annoncer que vous êtes contre le projet de loi, mais qu'il nous faudrait voter en sa faveur. M. Milliken nous invite également à voter pour le projet de loi parce qu'il l'aime bien, même s'il est parfaitement conscient du fait qu'à la reprise des travaux parlementaires, il sera retravaillé.

Le Parlement sera dissous, et nous n'y sommes pour rien. Nous sommes tout simplement au terme de la session parlementaire. La Chambre désire reprendre ses travaux en juillet. Si les députés aiment réellement ce projet de loi, ils peuvent revenir en juillet et l'adopter. Cela ne changerait rien que nous rejetions ou amendions ce projet de loi. Si nous le rejetons, ce sera terminé en principe, mais ils peuvent toujours présenter une nouvelle version à la prochaine législature. Nous pourrions également amender le projet de loi, et s'ils y tiennent réellement, ils pourraient reprendre leurs travaux en juillet pour s'en occuper.

J'invite les deux témoins à donner leur avis sur le point suivant. C'est un peu ironique que cet enjeu touche les pauvres simples députés. Quel est le cœur du débat? Nous débattons d'un projet de loi présenté par un simple député qui modifiera la façon dont fonctionnent les partis politiques par voie législative. En 23 ans, je n'ai jamais vu le Sénat saisi d'autant de projets de loi émanant de députés. Il ne fait aucun doute que nous n'en n'avons jamais étudié autant. C'est une bonne chose pour la démocratie et pour les députés.

Dans les autres pays dont il a été question, dans quelle mesure est-ce une bonne chose que les membres du groupe parlementaire jouissent de certains pouvoirs, dont celui d'expulser leur chef? Il n'y a aucune preuve à cet égard. Faites- moi part de ce que vous en pensez, mais je ne constate aucune preuve. Peut-on prouver que ces démocraties sont plus saines que la nôtre ou que nos institutions démocratiques sont menacées par le fait que ce sont les partis politiques qui choisissent leur chef et non pas les caucus? Donnez-moi un meilleur exemple.

M. Milliken : J'estime que ce n'est certainement pas pire, et que cela pourrait fort bien être meilleur. Mais tout dépend du leader. Certains sont plus dictatoriaux que d'autres. En tout cas, c'est mon impression. Je ne prétends pas avoir énormément d'expérience. Comme je le disais, je n'ai pas assisté à une réunion de caucus depuis plusieurs années, alors je ne sais pas ce qui s'y passe. Mais l'on peut prendre la Chambre des communes britannique comme exemple, où l'on voit que les députés ont beaucoup plus d'indépendance pour ce qui est des questions qu'ils peuvent poser et de leur participation au débat, et cetera. J'ai lu un article dernièrement que les députés britanniques ne sont pas sous l'autorité des whips et des chefs de partis comme leurs homologues canadiens. Je pense que cela a énormément changé au Canada depuis l'époque où je me suis fait élire pour la première fois. C'est un changement important.

On n'en parle pas dans ce projet de loi, mais les pouvoirs des leaders sont néanmoins abordés de façon indirecte. Je pense que c'est cela qui sous-tend un grand nombre de ces changements : les leaders qui se disent qu'ils ne veulent pas que l'un de leurs députés fasse des déclarations irresponsables à la Chambre sur un sujet donné. Il faut suivre la ligne de parti, et les discours sont censés respecter cette ligne. C'est pourquoi les députés doivent lire un texte.

Sénateur Cools : Et c'est le bureau qui rédige ces textes.

M. Milliken : Oui, ils viennent du bureau. À l'époque, on n'avait pas le droit de lire des discours à la Chambre des communes. Lorsque je me suis fait élire pour la première fois, nous étions censés improviser nos discours. On ne pouvait certainement pas lire, et si on osait, un autre député prenait la parole pour faire un rappel au Règlement et se plaindre du fait que le député lisait un discours. Le Président réprimandait alors le député, mais ce n'est plus le cas. La liste des intervenants est contrôlée par les whips de la Chambre. Et si on veut se faire ajouter à la liste des intervenants, on ne s'adresse pas au Président, mais plutôt au whip, et le Président doit suivre la liste que les whips remettent aux greffiers. C'est maintenant la façon de faire. Or, cela ne se passait pas ainsi à l'époque où je suis devenu député.

Bref, selon moi, cela a vraiment changé le pouvoir que détiennent les leaders à la Chambre des communes. Un projet de loi qui revoit la question est, à mon avis, opportun. Bien entendu, ce projet de loi comporte son lot de problèmes, mais si j'avais le choix, je l'appuierais quand même, car au cours de la prochaine législature, ils pourront l'améliorer. En fait, il y aura des pressions pour qu'il soit modifié. Je ne doute pas que les leaders sentiront des pressions en ce sens et que les députés auront aussi des idées à proposer. Ainsi, il pourrait en être de nouveau question. Mais s'il n'est pas adopté et que le prochain gouvernement est majoritaire, la pression sera au contraire vers l'immobilisme, le statu quo.

Le sénateur Tkachuk : La politique est un jeu d'équipe, alors quelqu'un doit diriger l'équipe et la contrôler. Les députés ont le droit d'aller voir ailleurs s'ils ne sont pas heureux au sein de leur parti. Ils peuvent se présenter comme indépendants et voir comment ils se débrouillent sans le grand C ou le grand L à côté de leur nom. Ou encore, ils peuvent s'adresser à un autre parti politique. Bref, ils ont toutes sortes d'options, ils ne sont pas obligés d'essayer de s'arroger un devoir qui appartient à l'ensemble du parti, à savoir de choisir son chef.

M. Milliken : Eh bien, la situation est la même au Royaume-Uni, mais leurs députés sont beaucoup plus indépendants que les nôtres.

Le sénateur Tkachuk : Et alors?

M. Milliken : Je pense que c'est une bonne chose.

Le président : Laissons au Sénat le soin d'en débattre, si vous le voulez bien. Merci beaucoup. Je voudrais poser une question complémentaire. Monsieur Milliken, il s'agit d'un projet de loi facultatif. En fin de compte, il se pourrait qu'il n'y ait pas de changement. Si nous adoptons ce projet de loi dans sa forme actuelle, il se pourrait que nous revenions à l'automne et qu'il n'y ait pas de changement, car personne n'aurait choisi d'adopter les dispositions législatives qui y figurent. Nous nous retrouverons exactement où nous en sommes maintenant, et la Chambre devra rédiger un nouveau projet de loi qui ne sera pas facultatif. N'est-ce pas le cas également? Il s'agit ici d'une législation facultative. Les partis ne sont pas forcés d'adopter les articles du projet de loi qui concernent...

La sénatrice Cools : C'est un vote libre.

M. Milliken : Ah, je vois. Vraiment? D'accord.

Le président : C'est une législation facultative, si bien que, en fin de compte, même si le projet de loi est adopté dans six mois, il se pourrait que nous nous retrouvions exactement où nous en sommes maintenant. Je ne savais pas si vous étiez au courant.

M. Milliken : Cela m'avait échappé.

La sénatrice Seidman : Merci à tous les deux d'être venus témoigner ce matin.

Monsieur Dion, vous avez donné des arguments très convaincants sur la façon dont ce projet de loi pourrait être potentiellement destructeur. Vous avez dit que le Canada commettrait une erreur en devenant la seule démocratie à imposer, par voie législative, des règles démocratiques internes identiques pour tous les partis et les groupes parlementaires reconnus. Pourtant, vous avez dit que les sénateurs n'avaient pas le choix, car il ne s'agit pas ici de « circonstances exceptionnelles ». Si nous adoptons ce projet de loi, prévoyez-vous des conséquences négatives potentielles? En d'autres termes, si le Sénat adopte ce projet de loi, prévoyez-vous des conséquences négatives potentielles?

M. Dion : Je n'ai pas dit que les sénateurs n'avaient pas le choix. Vous avez le choix. C'est à vous de trancher. Vous m'avez invité à vous donner mon opinion, et c'est ce que j'ai fait. Si j'étais sénateur, en cette Chambre de réflexion, je dirais : « Nous avons examiné soigneusement le projet de loi. Certains pensent que c'est un bon projet de loi, comme M. Milliken, et d'autres le contraire, comme moi. Nous pensons que pour l'heure, nous n'allons pas amender le projet de loi. Nous ne voyons pas quels amendements éventuels nous pourrions présenter à cette étape, si bien que nous n'allons pas imposer notre veto au projet de loi parce que nous sommes la Chambre de réflexion. » L'année dernière, la cour a confirmé votre responsabilité constitutionnelle. Je sais que votre tâche n'est pas facile, ce qui explique que vous soyez bien rémunérés.

Quelle était la deuxième question?

La sénatrice Seidman : Vous avez dit que nous n'avions pas le choix. J'ai ajouté un bémol à cela en vous rappelant que vous aviez dit qu'il ne s'agissait pas de circonstances exceptionnelles et que c'est ainsi que vous concevez notre rôle. Ma question est la suivante : prévoyez-vous des conséquences négatives potentielles pour le Sénat s'il adopte le projet de loi, s'il fait ce que vous lui demandez parce qu'il ne s'agit pas, comme vous dites, de « circonstances exceptionnelles »?

M. Dion : Si le Sénat adopte le projet de loi, la conséquence négative sera le risque que le projet de loi devienne la loi du pays si les caucus acceptent les règles. La vie politique comporte beaucoup de risques et en voilà un. Si vous imposez un veto au projet de loi, il sera mal accueilli. Chaque fois que le Sénat impose un veto à un projet de loi, c'est le cas. Pas dans tous les cas, mais souvent cela est perçu comme une chose à éviter étant donné que vous n'êtes pas élus. Dans les circonstances que nous connaissons, cela pourrait se révéler encore plus grave. Je ne vais pas m'appesantir là-dessus, car je pense que vous devez faire ce qu'il faut, en fonction de ce que vous estimez être le rôle adéquat du Sénat dans notre régime politique.

La sénatrice Seidman : Monsieur Milliken, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Milliken : Je suis d'accord avec M. Dion à cet égard. Le rôle du Sénat en l'occurrence est important. Je ne suis terriblement entiché du projet de loi et je ne prétends pas qu'il soit tout à fait au point, car il pourrait être amélioré. Toutefois, tenter de l'améliorer maintenant sera presque impossible. Ce sera fait lors de la prochaine législature. Si ce projet de loi n'est pas adopté, je suis sûr qu'il y aura des pressions pour ne pas en présenter une nouvelle mouture lors de la prochaine législature. Il va falloir cerner ce que contiennent ces dispositions, car les divers partis ont des opinions différentes sur ce qui devrait y figurer ou non. Bien sûr, cette version a été négociée en comité. Il sera intéressant de voir ce qui va se produire pendant la prochaine législature avec la même chose.

Si vous êtes saisis de ce projet de loi parce qu'il a été adopté, alors, selon moi, les parlementaires seront beaucoup plus enclins à le modifier plus tard parce qu'il aura été adopté. Cela explique en partie pourquoi je dis qu'il vaut la peine de l'adopter, non pas parce qu'il est remarquable, mais parce qu'il va susciter d'autres discussions et débats sur la question après les prochaines élections.

Le sénateur Doyle : Revenons aux députés. Monsieur Dion, n'est-il pas juste de dire que, puisque le projet de loi a été adopté à 267 voix contre 17, les députés sont, en très grande majorité, favorables à l'adoption du projet de loi par le Sénat? Le projet de loi touche à la politique de parti seulement jusqu'à un certain point. Il ne s'agit pas ici du C-51, du C-377 ou d'un projet de loi budgétaire. En tant que sénateurs, devrions-nous nous inquiéter autant de ce projet de loi que d'un projet de loi budgétaire ou que du projet de loi C-377? Ne devrions-nous pas laisser les partis s'occuper de leurs affaires en l'occurrence? Je sais ce que M. Chong a dit en ce qui concerne la codification dans nos lois notamment.

M. Dion : J'ai entendu ce que M. Chong vous a dit — que ce genre de projet de loi ne concerne que la Chambre et non le Sénat, que cela étant, cela ne vous regarde pas et vous devriez l'estampiller, que ce n'est pas le genre de projet de loi qui exige un second examen objectif. Je suis tout à fait en désaccord avec lui, mais le second regard objectif devrait vous amener à la conclusion qu'il faut laisser le projet de loi faire son chemin.

Le sénateur Doyle : Pouvez-vous répéter ce que vous avez dit?

M. Dion : Le principe du second examen objectif en l'occurrence devrait vous permettre de tirer la conclusion qu'il ne faut pas imposer un veto à ce projet de loi. Mon argument est tout à fait différent de celui de M. Chong, mais je reconnais que nous aboutissons à la même conclusion.

La sénatrice Cools : Je voudrais que le comité se penche sur une politique ou une pratique ou encore le lex parliamenti, droit du Parlement dont personne ne semble tenir compte. S'agissant d'un projet de loi d'initiative parlementaire, un ministre a un rôle tout à fait réel. Si un député du parti ministériel ou le gouvernement découvre qu'un projet de loi d'initiative parlementaire a pu recueillir un appui majoritaire considérable, le principe veut que le ministre fasse des démarches auprès du parrain du projet de loi et mette à sa disposition les ressources gouvernementales, les avocats et toutes les personnes concernées afin de peaufiner le projet de loi. C'est la loi, chers collègues.

Autrement dit, les ministres ne peuvent pas se contenter d'observer et d'accepter que des projets de loi déficients soient adoptés. C'est le principe. Tâchons de comprendre la situation. Comme on l'a dit plus tôt, ce projet de loi a été adopté par 267 voix contre 17. Assurément, les ministres ont eu tout à fait l'occasion de dire : « Ce projet de loi comporte quelques imperfections. Tâchons de négocier et de rencontrer juristes et professionnels. » Ils sont censés mettre à la disposition des députés les ressources du gouvernement. Ce n'est pas mon opinion, mais c'est celle des sages.

S'agissant du choix du chef du parti, les caucus ont un rôle colossal à jouer, non pas au sein du parti, mais lors des congrès. Les caucus sont le facteur important pour le leadership. En fait, et c'est également dans la loi, c'est la majorité à la Chambre des communes qui choisit le premier ministre. Soyons bien clairs sur ce point. J'ai l'expérience de caucus qui songeaient à faire des démarches auprès du gouverneur général. Ne nous leurrons pas face à la réalité.

C'est la majorité à la Chambre des communes qui choisit le premier ministre. C'est la majorité qui s'exprime en l'occurrence. C'est ce qu'on appelle la « confiance ». Si la majorité des membres d'un groupe parlementaire constate qu'elle ne peut plus accorder son appui au premier ministre, le processus est exactement le même. Il y a une visite chez le gouverneur général, et la personne que le groupe a choisie rend visite au gouverneur général. C'est la loi. Je tenais à le rappeler.

Les imperfections de ce projet de loi y figurent depuis longtemps. Je dirais que le gouvernement et le ministre responsable d'un tel dossier — je ne sais pas de qui il s'agit, mais disons aux fins de la discussion que ce serait le ministre de la Justice et procureur général —, avaient le devoir de mettre les ressources de son ministère à disposition. Ce qui est en cause ici, c'est un appui majoritaire pour le projet de loi. Si le ministère a constaté ces imperfections et était tout à fait prêt à laisser le projet de loi être adopté sans qu'elles soient retirées, cela en dit long sur le ministère et non pas sur le parrain du projet de loi. Chers collègues, les ministres ont le devoir de respecter la volonté de la Chambre et d'influencer la Chambre dans ce cas-là. Je voulais vous le rappeler.

On ne cesse de parler de démocratie. C'est un nouveau discours dans notre régime parlementaire. Tout se fait au nom de notre démocratie. Autrefois, on parlait de « gouvernance parlementaire ». On laissait la démocratie aux Américains, mais les Britanniques et le régime de Westminster a toujours utilisé cette expression. Il ne s'agit pas ici de démocratie. Il s'agit de l'absolutisme actuel inacceptable que les chefs exercent et qui ruine la carrière de certaines personnes. En vérité, toute cette question concernant ces deux députés m'a profondément troublé.

Je suis au Parlement depuis 30 ans et, à maintes reprises, en caucus, certains étaient tout à fait prêts à se présenter chez le gouverneur général eux-mêmes.

Le président : Merci beaucoup. J'ai pensé qu'il y aurait un bras de fer sur cette question.

La sénatrice Cools : Point n'est besoin d'un bras de fer.

Le président : Non. Monsieur Dion et monsieur Milliken, je vais laisser au sénateur Wells le soin de poser la dernière question. Nous allons manquer de temps. Monsieur Dion, merci encore de nous donner un peu plus de votre temps.

Le sénateur Wells : Merci, messieurs. Vos interventions ont été très utiles et, à bien des égards, constructives.

Le système de gouvernance au Canada est très stable. Nous bénéficions d'un bon système. Quel que soit le chef, le système trace la voie et cela aboutit à la stabilité. Il est arrivé seulement à quelques reprises par le passé que ce ne soit pas le cas. Le système fonctionne bien et est efficace. Je pense que bien des pays voudraient bénéficier d'un système comme le nôtre.

À mon avis, ce projet de loi ouvre une voie législative à l'instabilité. Si 20 p. 100 peuvent contester le chef d'un parti qui se trouve être premier ministre et si ce groupe peut s'acquérir l'appui de quelques personnes qui ne sont pas des électeurs et qui ne sont même pas membres du parti, cela aboutirait au choix d'un chef intérimaire, manifestement sans l'intervention du processus électoral, qui serait alors remplacé par ce premier ministre intérimaire. Ou bien le premier ministre serait remplacé par un premier ministre choisi parmi les membres d'un parti. Donc, deux premiers ministres l'un à la suite de l'autre qui n'auraient pas reçu l'imprimatur de l'électorat canadien par l'intermédiaire du processus qui est le nôtre.

Pouvez-vous réagir à cela et à ce que je prévois être une instabilité législative? Si ce projet de loi est adopté, pensez- vous que cette possibilité est une conséquence non voulue?

M. Dion : Oui. En Australie, le Parti travailliste a analysé les conséquences non voulues des règles qu'il s'était données lui-même. Vous avez raison, les électeurs accordent une telle importance à la personnalité du chef que si le caucus décide de changer de chef, cela touche une des principales raisons pour lesquelles les électeurs ont accordé leur vote au parti et aux candidats. C'est là une difficulté que nous aurons sans doute à résoudre dans le cas de ce projet de loi.

Autre chose : si quelqu'un se prononce contre ce projet de loi, cela ne signifie pas que cette personne est d'accord sur tout ce qui se produit actuellement et qu'elle appuie le statu quo. Pour ma part, je pense que notre démocratie parlementaire est dans une mauvaise passe. Ce n'est pas le moment de discuter de cela, mais je ne suis pas d'accord avec vous quant aux causes de cette situation et à ce que le premier ministre actuel a fait pour notre démocratie. Vous avez vos opinions et j'ai les miennes, et elles sont probablement très différentes.

J'ai dressé une liste des choses qui doivent être changées dans cette démocratie. Nous n'avons pas le temps d'en parler maintenant, mais je mentionnerais, par exemple, un contrôle parlementaire plus serré des finances publiques. Il est atterrant de constater à quel point ce contrôle s'est affaibli avec le temps. Ensuite, il y a l'augmentation des budgets et l'élargissement des pouvoirs du directeur parlementaire du budget. L'actuel premier ministre a créé le poste de directeur parlementaire du budget, mais il ne lui donne pas tous les moyens dont il a besoin. Ensuite, mieux respecter le droit à l'accès à l'information. Autrefois, nous avions de meilleures lois en ce qui concerne l'accès à l'information. Actuellement, c'est l'une des pires. Ensuite, il faudrait des règlements plus rigoureux en ce qui concerne la publicité faite par le gouvernement. Nous n'en parlerons pas aujourd'hui. Il faut également des règlements pour restreindre les séances de comité parlementaire tenues à huis clos, les projets de loi omnibus et la prorogation. Il faudrait élargir les pouvoirs et les ressources d'Élections Canada. Il faudrait des règles plus exigeantes, s'agissant du transfert et du contrôle des dépenses des parlementaires. Il nous faudrait un Sénat plus indépendant, moins partisan, et tenter de trouver un système de vote mieux approprié à la démocratie canadienne.

Il y a bien des choses que nous pourrions faire. Je ne voudrais pas que vous pensiez que si vous rejetez ce projet de loi, c'est parce que vous favorisez le statu quo. Je dis que si ce projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, cela n'aidera pas notre démocratie.

Le sénateur Wells : J'en conviens. Monsieur Milliken, je vous écoute.

M. Milliken : Même si le projet de loi était en vigueur et s'il y avait changement de chef ou expulsion du chef, ce ne serait que temporaire. Il faut que le parti procède à un autre congrès, et le chef pourrait être réélu lors de ce congrès ou bien, il pourrait y avoir un nouveau chef issu du congrès qui ne serait pas celui qui avait été choisi par le caucus. Je tiens à dire que le choix du caucus ne porte que sur un temps limité. Je ne pense pas que ce soit un désastre du point de vue de la procédure parlementaire car, à mon avis, le caucus a son mot à dire dans ce genre de situation. Si nous choisissons d'élire un chef grâce à un vote pancanadien des membres du parti, je préfère que l'on laisse au groupe parlementaire un veto, car nous sommes une démocratie parlementaire et non pas un régime présidentiel. Si nous voulions un vote présidentiel et si nous souhaitions passer au modèle américain, avec un président plutôt qu'un premier ministre, soit. Selon moi, toutefois, le premier ministre devrait être un leader pour les membres élus du caucus et le travail devrait se faire en équipe. Cette équipe est bancale si le chef est élu lors d'un scrutin national par tous les membres du parti et tous leurs militants. Cela ne me plaît pas beaucoup, car ce chef pourrait dire : « J'ai été élu par plus d'électeurs que vous si bien que vous devez docilement faire ce que je dis sinon vous serez exclu. » Ce n'est pas la façon dont une démocratie parlementaire devrait fonctionner, à mon avis.

Je pense que nous avons ici l'occasion de faire avancer les choses. C'est un petit pas et je tiens à le répéter. Je ne suis pas extrêmement favorable à tous les détails de ce projet de loi. Je préférerais quelque chose de différent, mais c'est un début. Voilà pourquoi je vous exhorte à appuyer ce projet de loi pour que nous puissions aboutir. Après les prochaines élections, je suis à peu près sûr que la personne élue voudra apporter des modifications à ce projet de loi afin d'en faciliter l'application et afin que l'approche soit plus raisonnable, et c'est très bien. Je pense qu'on pourrait parvenir à un compromis grâce à des discussions nourries entre les parlementaires des deux Chambres, mais aussi entre les membres des divers caucus et autres. Je pense que cela pourrait être très utile.

Le sénateur Wells : Merci, messieurs Milliken et Dion.

Le président : Je vous remercie tous deux pour votre temps. Vous avez été généreux, et nous vous en remercions.

Nous n'avons plus qu'environ 25 minutes, et je sais que tout le monde doit partir rapidement dès 11 h 30. Plaît-il au comité de procéder à l'examen article par article du projet de loi C-586, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur le Parlement du Canada (réformes visant les candidatures et les groupes parlementaires)?

Des voix : D'accord.

Le président : L'étude du titre est-elle reportée?

Des voix : D'accord.

Le président : L'étude du préambule est-elle reportée?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Tkachuk : Avec dissidence.

Le président : L'étude de l'article 1, le titre abrégé, est-elle reportée?

Le sénateur Tkachuk : Avec dissidence.

Le président : Avec dissidence. L'article 2 est-il adopté?

Le sénateur Tkachuk : Avec dissidence.

Le sénateur Furey : Voulez-vous un vote par appel nominal, sénateur Tkachuk?

Le président : Oui, c'est ce qu'il fait. L'article 3 est-il adopté?

Le sénateur Tkachuk : Avec dissidence.

Une voix : Avec dissidence.

Le président : Avec dissidence. L'article 4 est-il adopté?

Le sénateur Tkachuk : Avec dissidence.

Une voix : Avec dissidence.

Le sénateur Wells : J'ai quelques amendements à proposer et je ne sais pas si c'est le bon moment de le faire, de proposer des amendements, ou si je dois le faire ailleurs.

Le président : Moi aussi je voulais proposer des amendements et après discussion avec certains membres du comité, j'ai décidé de le faire plutôt au Sénat, afin qu'il y ait une discussion plus approfondie, un meilleur débat. C'est à vous de décider. Je sais qu'on en a discuté entre membres du comité, je l'ai fait, et le sénateur Furey aussi.

La sénatrice Cools : Monsieur le président, vous ne pouvez proposer d'amendements au Sénat. Les amendements ne peuvent être proposés que par la personne qui veut les présenter.

Le président : Je parlais de mes propres amendements, madame la sénatrice. Je donnais mon point de vue. Des discussions ont eu lieu, c'est une possibilité. Vous pouvez présenter vos amendements ici, ou le faire à la Chambre du Sénat.

Le sénateur Wells : En ce cas, j'aimerais les présenter ici, pour qu'ils soient consignés au compte rendu, peut-être pas en détail, mais au moins pour les grandes lignes.

Le président : Allez-y.

La sénatrice Cools : Monsieur le président, je pense qu'il faudrait faire des votes par appel nominal.

Le président : Nous n'avons qu'une voix contre, pour chacun des articles.

La sénatrice Cools : Peu importe.

La sénatrice Fraser : Deux.

Le président : Deux, désolé, je ne m'étais pas rendu compte.

La sénatrice Cools : Il serait préférable de procéder par appel nominal pour qu'il y ait un compte rendu clair.

Le président : Entendu. Je vais laisser le sénateur Wells parler, puis nous continuerons.

La sénatrice Cools : Fait-il une proposition d'amendement ou en discute-t-il?

Le président : C'est une simple discussion.

Le sénateur Wells : Je voudrais, pour les besoins du compte rendu, intervenir sur certaines objections que j'ai au sujet d'articles du projet de loi, et peut-être ensuite présenter des amendements correspondant au Sénat, quand le projet de loi y sera étudié.

Le président : Désolé, poursuivez.

Le sénateur Wells : Je le répète. J'aimerais d'abord parler en termes généraux de certaines dispositions du projet de loi qui, à mon avis, posent problème, ensuite prendre le temps d'y réfléchir pour présenter des amendements quand le Sénat sera à nouveau saisi du projet de loi.

Le président : Allez-y.

Le sénateur Furey : Avant que vous commenciez, sénateur Wells, puis-je poser une question au président?

Le président : Bien sûr.

Le sénateur Furey : Ces observations ne feront pas partie de celles qui se rattachent au projet de loi. Elles seront simplement consignées au compte rendu, attribuées au sénateur Wells, qui s'en servira quand il sera au Sénat.

Le président : Elles sont au nom du sénateur Wells, dans le compte rendu.

Le sénateur Furey : Comme des observations?

Le président : Non, pas pour l'instant.

La sénatrice Cools : Sous quelle rubrique est-ce que ce serait? Pour l'instant, nous faisons l'examen article par article, ce qui signifie que vous pouvez parler de la motion et proposer des amendements, mais il n'est pas possible d'avoir un débat général.

Le président : Il pourrait faire des commentaires au sujet de l'article 4, tout comme d'autres sénateurs. À chaque fois, d'ailleurs.

La sénatrice Cools : Nous pourrons tous en faire autant.

Le président : Si c'est ce que vous voulez. Veuillez poursuivre, sénateur.

Le sénateur Wells : Merci. À l'article 4, page 2...

Le président : On en parle de façon générale.

Le sénateur Wells : Bien sûr. Je n'entrerai pas dans les détails.

Le président : On en parle de façon générale, si vous voulez bien.

Le sénateur Wells : J'ai un problème. Je veux m'assurer que nous respections la volonté des membres de la Chambre des communes en ce qui concerne la réadmission de leur propre député, sauf quand il s'agit du chef du parti. J'aimerais donc proposer qu'on formule un amendement en ce sens.

Le président : Vous dites donc que vous allez proposer...

Le sénateur Wells : C'est exact.

Le président : Merci.

Le sénateur Wells : Il s'agit bien de l'expulsion et de la réintégration d'un député, sauf quand il s'agit du chef du parti. En gros, c'est parce que le chef du parti est choisi non pas par l'électorat, comme les députés de la Chambre des communes, mais par un groupe différent, généralement les membres du parti.

La deuxième chose que je voudrais proposer, c'est de modifier la condition, et la faire passer de 20 p. 100 à la majorité.

La sénatrice Cools : De quel article s'agit-il?

Le président : C'est proposé au paragraphe 49.5(2).

Le sénateur Wells : C'est bien cela.

La sénatrice Cools : Je suis heureuse de voir que vous suivez, monsieur le président.

Le sénateur Wells : C'est l'article 4, page 3.

La sénatrice Cools : Manifestement, vous en avez discuté.

Le sénateur Wells : Donc, pour remettre en cause la direction du parti, il faudrait non pas 20 p. 100 des voix, mais une majorité. Je proposerais aussi...

La sénatrice Cools : Est-ce que vous ne proposez pas déjà...

Le sénateur Wells : Désolé. Je suggère aussi de présenter un amendement au Sénat en ce qui concerne le vote secret entre membres du caucus...

La sénatrice Cools : De quel article s'agit-il maintenant?

Le sénateur Wells : C'est l'article 4, à la page 3. C'est pour remplacer les lignes 37, 38 et 39 de la version anglaise.

La sénatrice Cools : D'accord.

Le président : Merci.

Le sénateur Wells : Et que les amendements soient apportés dans les 24 mois qui suivent, plutôt qu'immédiatement.

La sénatrice Cools : C'est un peu inusité. D'habitude, les députés gardent pour eux leurs amendements finaux, surtout quand c'est à l'étape du projet de loi.

Le sénateur Wells : Par souci de transparence...

Le président : Si vous me le permettez, il...

La sénatrice Cools : Ce qui se passe en ce moment même est très inusité.

Le président : Il exprime ses préoccupations. Son but, je crois, c'est de faire en sorte, s'il propose ces amendements ultérieurement, que ses préoccupations puissent...

La sénatrice Cools : Mais il n'est pas nécessaire de lui donner d'assurance. Il en a le droit, en qualité de sénateur.

Le président : Je le sais bien. C'est aussi une possibilité.

La sénatrice Cools : Il se trouve que l'étude article par article est censée garantir à chacun, ici, de pouvoir débattre d'un article particulier, et le vote attire la conclusion. Il dit qu'il ne votera pas sur ces points ou en a-t-il l'intention? Je ne sais pas exactement ce qui se passe.

Le président : Il soulève des questions qui sont sujettes à débat, dans cet article.

La sénatrice Cools : Cela demeure néanmoins inusité.

Le président : C'est effectivement inusité.

La sénatrice Cools : Il n'y a rien de mal à ce que ce soit inusité, mais ce devrait s'inscrire dans notre mode de fonctionnement habituel.

Le sénateur Wells : Aussi, en conséquence de certains commentaires que j'ai faits tout à l'heure, je supprimerais le paragraphe de l'article 4, page 4, qui exclut la nomination d'un nouveau chef provisoire. Je pense que ce ne serait plus nécessaire si les partis avaient 24 mois pour faire un examen du leadership.

Pour terminer, et c'est d'ailleurs intéressant, parce que M. Dion en a parlé, le président du caucus doit commander un scrutin secret. Je ne pense pas que ce soit nécessairement un scrutin secret; ce serait un vote à main levée, ou un vote consigné. Ce serait la conséquence de l'élimination d'une clause antérieure qui portait sur le choix d'un chef par intérim.

Le président : Merci beaucoup, sénateur. Passons maintenant à l'article 4 et, comme demandé, nous procéderons à un vote par appel nominal. L'article 4 est-il adopté?

La sénatrice Fraser : Avec dissidence.

Le président : Je demande maintenant au greffier de procéder au vote par appel nominal.

Charles Robert, greffier du comité : Sénateur White?

Le président : Oui.

M. Robert : Sénatrice Batters?

La sénatrice Batters : Oui.

M. Robert : Sénatrice Cools?

La sénatrice Cools : Adopté.

M. Robert : Sénateur Doyle?

Le sénateur Doyle : Pourriez-vous me dire ce qu'il advient de l'article 4? Je veux être certain.

Le président : L'article demeure tel quel.

Le sénateur Doyle : L'article demeure tel quel. D'accord.

Le président : Aucun changement n'a été proposé. L'article est-il adopté?

Le sénateur Doyle : Oui.

M. Robert : Sénatrice Frum?

La sénatrice Frum : Oui.

M. Robert : Sénatrice Fraser?

La sénatrice Fraser : Non.

M. Robert : Sénateur Furey?

Le sénateur Furey : Oui.

M. Robert : Sénatrice Jaffer?

La sénatrice Jaffer : Oui.

M. Robert : Sénatrice Martin?

La sénatrice Martin : Non.

M. Robert : Sénateur McIntyre?

Le sénateur McIntyre : Oui.

M. Robert : Sénatrice Seidman?

La sénatrice Seidman : Oui.

M. Robert : Sénateur Smith?

Le sénateur D. Smith : Oui.

M. Robert : Sénateur Tkachuk?

Le sénateur Tkachuk : Non.

M. Robert : Sénateur Wells?

Le sénateur Wells : Non.

Le président : À la suite du vote, l'article 4 est adopté.

Le sénateur D. Smith : Quel est le décompte?

M. Robert : Dix pour, quatre contre.

Le président : L'article 5 doit-il être adopté?

La sénatrice Fraser : Avec dissidence.

Le président : Procédons à un vote par appel nominal.

La sénatrice Batters : N'était-il pas question de supprimer l'article 5?

Le président : Pas selon mes documents.

La sénatrice Fraser : L'article entre en vigueur.

M. Robert : Sénateur White?

Le président : Oui.

M. Robert : Sénatrice Batters?

La sénatrice Batters : Oui.

M. Robert : Sénatrice Cools?

La sénatrice Cools : Oui.

M. Robert : Sénateur Doyle?

Le sénateur Doyle : Oui.

M. Robert : Sénatrice Frum?

La sénatrice Frum : Oui.

M. Robert : Sénatrice Fraser?

La sénatrice Fraser : Non.

M. Robert : Sénateur Furey?

Le sénateur Furey : Oui.

M. Robert : Sénatrice Jaffer?

La sénatrice Jaffer : Oui.

M. Robert : Sénatrice Martin?

La sénatrice Martin : Non.

M. Robert : Sénateur McIntyre?

Le sénateur McIntyre : Oui.

M. Robert : Sénatrice Seidman?

La sénatrice Seidman : Oui.

M. Robert : Sénateur Smith?

Le sénateur D. Smith : Oui.

M. Robert : Sénateur Tkachuk?

Le sénateur Tkachuk : Non.

M. Robert : Sénateur Wells?

Le sénateur Wells : Non.

M. Robert : Dix pour, quatre contre, encore une fois.

Le président : Adopté. L'article 6 est-il adopté?

La sénatrice Cools : Oui.

Le président : D'accord?

Certains honorables sénateurs : Oui.

Le président : L'article 1, qui contient le titre abrégé, doit-il être adopté?

Désolé, sénatrice Batters.

La sénatrice Batters : J'ai mélangé les articles plus tôt. Je parlais avec le greffier à propos des chiffres, comme 49.1, et toutes ces diverses parties, et je lui ai demandé si cela faisait partie de l'article 9 et il a dit oui. Mais de quel article s'agit- il au juste? Je suis désolée, je suis un peu confuse.

La sénatrice Seidman : L'article 4.

La sénatrice Batters : C'était l'article 4?

Le président : Oui, certains s'y sont opposés. Nous avons procédé à un vote par appel nominal.

La sénatrice Batters : C'est exact, mais j'avais l'intention de rejeter cet article en particulier. J'étais confuse quant à...

Le président : Nous avons enregistré un vote en faveur pour vous. Alors il y a plutôt 9 pour et 5 contre l'article 4. D'accord. Ça va?

La sénatrice Batters : Alors maintenant vous avez noté que j'ai voté contre cet article?

Le président : Oui.

La sénatrice Batters : Merci.

Le président : L'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : Le préambule est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : Le titre est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : Le projet de loi est-il adopté?

Le sénateur Tkachuk : Avec dissidence.

Le président : Avec dissidence.

Nous allons procéder à un vote par appel nominal.

Le sénateur Wells : Monsieur le président, je ne sais pas si c'est le bon moment d'intervenir. Je sollicite l'avis de la présidence. Je pense qu'il serait important de noter une observation quelque part parce que je proposerai des amendements, ou enfin je prévois de proposer des amendements, car ce projet de loi a fait l'objet de nombreux débats en comité. J'aimerais que ce soit noté quelque part dans les observations, qu'il ne s'agit pas, même si ce n'est pas forcément le meilleur terme...

La sénatrice Cools : Nous ne nous sommes pas entendus pour formuler des observations. Nous devons en débattre d'abord et ensuite débattre des observations.

Le président : Oui.

La sénatrice Cools : Nous devons nous mettre d'accord.

Le président : Un membre du comité doit le proposer.

Le sénateur Tkachuk : Nous pouvons le faire à la prochaine réunion.

La sénatrice Cools : Non, ce serait injuste.

Le président : Je demanderais...

La sénatrice Cools : Bien essayé.

Le président : S'il vous plaît, sénatrice. Alors je demande s'il y a des observations, mais...

Le sénateur Wells : Nous procéderons après?

La sénatrice Martin : Oui.

Le président : Oui, nous allons adopter le projet de loi et, ensuite, je demanderai s'il y a des observations à formuler.

Le projet de loi est-il adopté? Il y avait dissidence. Nous allons maintenant procéder à un vote par appel nominal.

M. Robert : L'honorable sénateur White?

Le président : Oui.

M. Robert : Sénatrice Batters?

La sénatrice Batters : Oui.

M. Robert : Sénatrice Cools?

La sénatrice Cools : Oui.

M. Robert : Sénateur Doyle?

Le sénateur Doyle : Oui.

M. Robert : Sénatrice Frum?

La sénatrice Frum : Oui.

M. Robert : Sénatrice Fraser?

La sénatrice Fraser : Non.

M. Robert : Sénateur Furey?

Le sénateur Furey : Oui.

M. Robert : Sénatrice Jaffer?

La sénatrice Jaffer : Oui.

M. Robert : Sénatrice Martin?

La sénatrice Martin : Oui.

M. Robert : Sénateur McIntyre?

Le sénateur McIntyre : Oui.

M. Robert : Sénatrice Seidman?

La sénatrice Seidman : Oui.

M. Robert : Sénateur Smith?

Le sénateur D. Smith : Oui.

M. Robert : Sénateur Tkachuk?

Le sénateur Tkachuk : Non.

M. Robert : Sénateur Wells?

Le sénateur Wells : Non.

M. Robert : Onze contre trois.

Le président : Onze contre trois; le projet de loi est adopté.

Nous allons maintenant discuter des observations. Est-ce que quelqu'un propose que nous joignions des observations à ce projet de loi?

La sénatrice Cools : Je pense qu'on devrait entendre les observations avant de décider.

Le président : Ce sera le cas. Nous allons laisser le sénateur Wells nous en parler.

Le sénateur Wells : Merci. J'ai une idée générale des observations que j'aimerais que nous joignions au projet de loi qui sera envoyé au Sénat, des observations selon lesquelles le projet de loi a franchi l'étape du comité à la condition que d'autres amendements soient présentés au Sénat.

La sénatrice Cools : On ne peut pas adopter un projet de loi ici et y attacher des conditions...

Le président : Sénatrice Fraser, vous voulez répondre?

La sénatrice Fraser : Je pense que le président m'a donné la parole.

Le président : C'est ce que j'ai fait.

La sénatrice Fraser : Je pense qu'il sera difficile de formuler des « observations » de la manière dont vous le proposez, sénateur Wells. Je pense qu'il est clair que pendant le débat, nous entendrons que les avis étaient partagés au comité.

Selon le Règlement du Sénat, l'opinion de la majorité au comité correspond à l'opinion du comité. Il n'est pas habituel qu'il y ait dissidence, mais je ne vois pas vraiment ce que nous avons à gagner en formulant des observations selon lesquelles il y avait dissidence au sein du comité.

Le président : J'aimerais ajouter quelque chose.

La sénatrice Fraser : Je ne suis pas contre, mais je ne suis pas certaine que ce soit nécessaire ou simple de procéder ainsi.

Le président : Si vous me le permettez, tant le compte rendu que le vote par appel nominal montreront la dissidence; de plus, à l'étude de l'article 4, vous avez fait connaître vos inquiétudes et laissé entendre la possibilité d'amendements, aux fins du compte rendu. Le greffier m'indique que cela fait déjà partie du compte rendu, comme ce sera le cas pour toute autre observation sur une question différente.

Le sénateur Wells : Merci, monsieur le président. Je veux simplement qu'on rende compte de mes inquiétudes et je présenterai bien sûr des amendements.

Le président : Sénateur Furey.

Le sénateur Furey : Je conviens de ce que vous venez de dire, monsieur le président. Le sénateur Wells se trouve dans une position embêtante parce que le comité a adopté le projet de loi, mais il veut se prononcer contre à la prochaine lecture au moment où le projet de loi sera renvoyé à la Chambre. Le vote par appel nominal indique clairement que le sénateur Wells est contre et cela pave la voie pour qu'il puisse présenter des amendements à la Chambre.

Le président : D'accord. Sénatrice Frum.

La sénatrice Frum : J'aimerais ajouter à cela, pour les fins du procès-verbal, que des membres du comité ont voté en faveur du renvoi, du comité au Sénat, du projet de loi. Il s'agit d'une opinion selon laquelle il convient de débattre du projet de loi et de proposer des amendements au Sénat; il est donc important, aux fins du procès-verbal et pour ceux d'entre nous qui ont voté en faveur du projet de loi, que l'on associe à ce vote le souhait de voir ce projet de loi faire l'objet d'un débat en bonne et due forme au Sénat et de donner aux membres l'occasion d'intervenir à la Chambre haute plutôt qu'en comité.

Je tiens à ce que cela figure au procès-verbal.

Le président : Merci beaucoup, sénatrice; c'est noté.

Sénatrice Martin, des questions ou des préoccupations?

La sénatrice Martin : Pareillement, je tenais à dire d'entrée de jeu que j'avais clairement compris les préoccupations du sénateur Wells, et c'est la raison pour laquelle j'ai voté contre certaines dispositions qui me préoccupaient aussi. Mais je me suis bel et bien prononcée pour que ce projet de loi aille en troisième lecture et pour qu'il soit renvoyé au Sénat pour cette raison précise, car il mérite d'être examiné attentivement. Je tenais aussi simplement à ce que cela figure au procès-verbal.

Le président : Merci beaucoup. Sénatrice Batters.

La sénatrice Batters : Oui, et je tenais aussi à mentionner, aux fins du procès-verbal, que j'appuie entièrement les observations qui viennent d'être faites par mes collègues la sénatrice Frum et la sénatrice Martin.

Le président : Merci beaucoup.

Dois-je faire rapport du projet de loi au Sénat? D'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : Merci beaucoup. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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