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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 6 - Témoignages du 5 mai 2014


OTTAWA, le lundi 5 mai 2014

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 13 heures, dans le cadre de son étude sur les politiques, pratiques et efforts de collaboration de l'Agence des services frontaliers du Canada en vue de déterminer l'admissibilité au Canada et le renvoi de personnes inadmissibles; et de son étude sur la situation des relations internationales du Canada en matière de sécurité et de défense, notamment ses relations avec les États-Unis, l'OTAN et le NORAD (sujet : défense antimissile balistique).

Le sénateur Daniel Lang (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance est ouverte. Avant de souhaiter la bienvenue à nos témoins, j'aimerais présenter les membres du comité. Je m'appelle Daniel Lang, sénateur, et je représente le Yukon. À ma gauche se trouve la greffière du comité, Josée Thérien; et à ma droite, les analystes de la Bibliothèque du Parlement affectés au comité, Holly Porteous et Wolfgang Koerner.

J'aimerais faire un tour de table afin que les sénateurs se présentent et disent quelle région ils représentent, à commencer par le vice-président.

Le sénateur Dallaire : Je suis le sénateur Dallaire, du golfe du Saint-Laurent, et mes effectifs réduits sont avec moi.

Le sénateur White : Vern White, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Sénateur Jean-Guy Dagenais, Québec.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario.

Le sénateur Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le président : La séance de cet après-midi s'étendra sur quatre heures complètes. Avec les deux premiers groupes de témoins, nous poursuivrons notre étude de l'Agence des services frontaliers du Canada; puis, avec le troisième groupe, nous continuerons notre examen de la défense antimissile balistique; enfin, nous tiendrons une réunion à huis clos d'une heure pour discuter des affaires du comité.

Je signale aux membres du Sous-comité des anciens combattants que nous nous réunirons de 17 h 30 à 18 h 30 aujourd'hui pour examiner les modifications proposées au projet de loi C-31, Loi d'exécution du budget.

Chers collègues, le 12 décembre 2013, le Sénat a adopté l'ordre de renvoi suivant :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à examiner, dans le but d'en faire rapport, les politiques, pratiques et efforts de collaboration de l'Agence des services frontaliers du Canada en vue de déterminer l'admissibilité au Canada et le renvoi de personnes inadmissibles;

Que le comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 31 décembre 2014 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions pendant 90 jours après le dépôt de son rapport final.

Aujourd'hui, nous examinerons la relation de plus en plus complexe entre l'Agence des services frontaliers du Canada et Citoyenneté et Immigration Canada.

Le premier groupe de témoins est composé des représentants suivants de Citoyenneté et Immigration Canada : Mike MacDonald, directeur général, Gestion opérationnelle et coordination; Maureen Tsai, directrice générale par intérim, Direction générale de l'admissibilité; David Quartermain, directeur, Division de l'intégrité des programmes; et Chris Gregory, directeur, Gestion de l'identité et échange d'information.

Il semble que nous accueillions beaucoup de directeurs cet après-midi. Bienvenue. Je crois savoir que vous allez faire une déclaration préliminaire. Veuillez commencer. Nous avons une heure à consacrer à ce groupe de témoins.

Mike MacDonald, directeur général, Gestion opérationnelle et coordination, Citoyenneté et Immigration Canada : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. C'est un plaisir d'être ici aujourd'hui pour aborder la question du contrôle de sécurité. Je suis accompagné de Maureen Tsai, de David Quartermain et de Chris Gregory.

[Français]

Je vous parlerai tout d'abord du rôle de Citoyenneté et Immigration Canada dans la détermination de l'admissibilité au Canada. Ma collègue décrira ensuite certaines des principales réformes que nous mettons en place afin de protéger la sécurité des Canadiens et de préserver l'intégrité de notre système d'immigration.

Nous espérons que ces renseignements vous éclaireront dans votre examen du rôle que joue l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) dans la détermination de l'admissibilité au Canada et dans le renvoi du pays des personnes interdites de territoire.

Nous serons, par la suite, heureux de répondre aux questions que les sénateurs pourraient avoir.

[Traduction]

CIC sélectionne des immigrants et les accueille ensuite au Canada, en plus d'offrir une protection aux réfugiés et d'appuyer la réunification des familles. Nous aidons les immigrants et les réfugiés à s'établir et à s'intégrer pleinement à la société et à l'économie canadiennes, et nous encourageons l'obtention de la citoyenneté canadienne et facilitons le cheminement vers celle-ci.

Dans le processus de gestion du système d'immigration du Canada, CIC, de concert avec ses partenaires en matière de sécurité, dont fait partie l'ASFC, procède au contrôle des réfugiés ainsi que des immigrants et visiteurs potentiels afin d'empêcher les personnes interdites de territoire de se rendre au Canada.

[Français]

Deux composantes clés facilitent ce processus : les cadres stratégiques de CIC en matière de visas et d'admissibilité. Ces deux cadres s'inspirent directement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés qui établit les divers objectifs du programme d'immigration du Canada.

Il s'agit, par exemple, d'optimiser les avantages économiques, sociaux et culturels, tout en protégeant la sécurité des Canadiens.

[Traduction]

La politique du Canada en matière de visas est la première composante clé de la gestion de l'accès à notre pays. Aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, tous les étrangers doivent obtenir un visa, à l'exception des citoyens de pays auxquels une dispense a été accordée et de ceux qui entrent au Canada pour une raison spécifique et reconnue.

Les décisions à l'égard de la politique du Canada en matière de visas sont prises par pays et visent à assurer un équilibre entre l'accueil de visiteurs au Canada et la protection de la sécurité des Canadiens. Les étrangers qui sont tenus d'obtenir un visa doivent présenter une demande de visa et convaincre un agent à l'avance qu'ils ne sont pas interdits de territoire au Canada, alors que, en règle générale, les étrangers dispensés du visa peuvent simplement se présenter à un point d'entrée canadien pour faire l'objet d'un examen aux fins d'admission au Canada. À l'heure actuelle, les ressortissants de 147 pays et territoires doivent obtenir un visa pour entrer au Canada. Les ressortissants de 51 pays en sont dispensés.

[Français]

L'obligation de visa est un outil efficace permettant de protéger la sécurité physique et économique des Canadiens en contribuant à détecter les voyageurs non authentiques avant qu'ils arrivent au Canada.

Ceci génère ensuite des économies pour les contribuables canadiens étant donné que le gouvernement, par l'intermédiaire de l'ASFC, n'aura pas à entreprendre des mesures coûteuses d'exécution de la loi, comme renvoyer ces personnes du pays.

[Traduction]

Comme je l'ai mentionné, la deuxième composante clé est notre cadre stratégique en matière d'admissibilité. La LIPR énonce neuf dispositions relatives à l'admissibilité qui aident CIC et ses partenaires à gérer l'entrée des étrangers au cas par cas. En ce qui concerne la répartition des responsabilités, CIC est responsable des six dispositions suivantes relatives à l'admissibilité dans la loi : la grande criminalité et la criminalité; les membres de la famille interdits de territoire; les fausses déclarations; la non-conformité avec la loi, comme une tentative d'entrer au Canada sans les documents adéquats; l'interdiction de territoire pour raisons financières; et l'interdiction de territoire pour motifs sanitaires.

Comme vous le savez sans doute, l'ASFC est responsable de trois dispositions : la sécurité; les atteintes aux droits de la personne ou aux droits internationaux et la criminalité organisée.

[Français]

Chaque étranger qui souhaite entrer au Canada de manière temporaire ou permanente doit convaincre un agent d'immigration qu'il n'est pas interdit de territoire. Il est possible de le faire au moyen de diverses vérifications, notamment grâce aux divers niveaux de contrôle de sécurité des agents de CIC et de l'ASFC, ainsi qu'au moyen des transmissions de cas à des organismes partenaires, comme le Service canadien du renseignement de sécurité, à des fins d'examen plus approfondi.

[Traduction]

À titre indicatif, pour donner aux sénateurs une idée de notre contexte opérationnel, le Canada a délivré, en 2012, près de 1,9 million de visas de résident temporaire à des personnes qui sont venues au Canada en tant que visiteurs, travailleurs étrangers temporaires ou étudiants. Chacun de ces demandeurs a fait l'objet d'un contrôle aux fins d'établissement de son admissibilité, et 17 p. 100 d'entre eux se sont vu refuser l'entrée au Canada parce qu'un agent a conclu qu'ils étaient interdits de territoire au titre de l'une des neuf dispositions relatives à l'interdiction de territoire susmentionnées.

Monsieur le président, j'aimerais maintenant donner la parole à ma collègue Maureen Tsai, qui fera le survol de quelques-unes des initiatives clés mises en branle par CIC dans le but d'améliorer la gestion de nos frontières.

Maureen Tsai, directrice générale par intérim, Direction générale de l'admissibilité, Citoyenneté et Immigration Canada : Merci, Mike. Permettez-moi de résumer les progrès que CIC a réalisés eu égard aux initiatives qui pourraient éclairer l'étude que vous menez, notamment les engagements pris en vertu du plan d'action Par-delà la frontière, comme l'autorisation de voyage électronique et l'échange accru de renseignements avec les États-Unis; la mise en œuvre de la vérification des données biométriques; et les modifications récemment apportées à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés dans le but de protéger encore davantage la sécurité des Canadiens.

[Français]

CIC poursuit sa collaboration avec les partenaires responsables de la sécurité en vue de mettre en œuvre les mesures prévues dans le Plan d'action Par-delà la frontière, pour améliorer le processus d'établissement de l'identité des visiteurs, le processus de contrôle des visiteurs avant leur arrivée en Amérique du Nord, et la gestion de mouvements transfrontaliers de personnes.

La mise en œuvre de l'autorisation de voyage électronique respecte l'échéancier. Il s'agit d'un nouveau document électronique à sensibilité tactile que les ressortissants des pays dispensés de l'obligation de visa, à l'exception des citoyens des États-Unis, seront tenus d'obtenir.

Grâce à ce document, CIC pourra effectuer le contrôle des titulaires à la première occasion avant qu'ils ne montent à bord d'un avion à destination du Canada, afin de déterminer s'ils représentent un risque en matière d'admissibilité ou de sécurité. En outre, aux termes du plan d'action, le Canada et les États-Unis sont résolus à mettre en place un processus d'échange automatisé des renseignements biographiques et biométriques des ressortissants de tiers pays au moment où ils présentent une demande de visa ou d'asile.

Les deux pays ont déjà commencé à s'échanger des renseignements biographiques limités en matière d'immigration. Quant à l'échange de renseignements biométriques, il devrait être mis en œuvre à la fin de 2014.

[Traduction]

L'ASFC a pour sa part achevé les deux premières phases, sur un total de quatre, du programme canado-américain de mise en œuvre de l'échange de renseignements sur les entrées et les sorties. Cela sera une source de renseignements utiles et objectifs sur les déplacements des clients, ce qui facilitera le traitement des cas et l'identification des cas de fraude dans différents secteurs d'activité.

CIC a également mis en œuvre, avec succès, le processus de vérification des données biométriques dans le cadre du Programme des résidents temporaires. Depuis décembre 2013, les demandeurs de la résidence temporaire — c'est-à-dire les visiteurs, les étudiants étrangers et les travailleurs étrangers temporaires — originaires de l'un des 29 pays ou du territoire visés sont tenus de faire prélever leurs empreintes digitales et de se faire prendre en photo dans le cadre du processus de demande pour venir au Canada.

Le recours aux données biométriques permettra au Canada d'être au diapason de plus de 70 autres pays de partout dans le monde qui utilisent d'ores et déjà, ou qui sont en voie d'utiliser, la biométrie dans le cadre de leurs activités de gestion de l'immigration et des frontières. Au nombre de ces pays, mentionnons les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et des pays de l'Union européenne et de l'espace Schengen.

Enfin, le projet de loi C-43, la Loi accélérant le renvoi de criminels étrangers, a reçu la sanction royale le 19 juin 2013. Ce projet de loi est né d'un examen en profondeur des dispositions relatives à l'admissibilité ainsi que des dispositions connexes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Cet examen a permis de relever des possibilités d'amélioration afin de renforcer la loi en permettant au gouvernement de renvoyer plus facilement du pays les criminels étrangers dangereux, en faisant en sorte qu'il soit plus difficile pour les personnes qui pourraient constituer un risque pour le Canada d'entrer au pays, et en éliminant les obstacles pour les visiteurs authentiques qui souhaitent venir au Canada.

Certaines dispositions sont maintenant en vigueur, notamment la limitation accrue de l'accès à la Section d'appel de l'immigration pour les auteurs de crimes graves. Par ailleurs, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a dorénavant le pouvoir, dans des cas exceptionnels, de refuser le statut de résident temporaire à des étrangers dont l'entrée au Canada soulèverait des préoccupations liées à l'intérêt public. Des dispositions réglementaires sont en cours d'élaboration afin que soient apportées d'autres modifications incluses dans le projet de loi C-43, notamment une disposition permettant d'imposer des conséquences plus lourdes pour les fausses déclarations en faisant passer de deux à cinq ans la période d'interdiction de territoire au Canada dans de tels cas.

Merci, monsieur le président. Nous serons maintenant heureux de discuter plus en détail des éléments dont nous venons de vous parler.

Le président : Nous sommes ravis de votre présence ici aujourd'hui.

C'est une tâche très complexe pour nous, les membres du comité, de distinguer vos responsabilités de celles de l'Agence des services frontaliers du Canada et de comprendre comment elles s'articulent ensemble.

À la lumière de vos commentaires, je peux voir que des mesures sont prises à l'heure actuelle et depuis un certain nombre d'années afin de resserrer le contrôle des personnes qui présentent une demande pour venir au Canada.

Cela dit, nous avons entendu divers comptes rendus et plusieurs témoignages ici selon lesquels de 40 000 à 50 000 personnes qui se trouvent Canada ou qui prétendent y être sont interdites de territoire; et c'est un aspect à considérer. Il y a aussi la situation relative aux personnes qui viennent au pays, et cela m'amène à ma première question pour Mme Tsai. J'aimerais la lui poser, si le vice-président est d'accord. Elle porte sur ce que vous avez dit au sujet des entrevues en personne avec les gens qui présentent une demande pour venir au pays. À cet égard, nous nous sommes fait dire que, bien souvent — et vous pourrez peut-être préciser ce qu'il en est aux fins du compte rendu —, cette responsabilité n'est pas exercée directement par les ministères : les entrevues en personnes sont plutôt effectuées par des entrepreneurs ou des personnes dans le pays d'origine du demandeur. Donc, les employés des ministères ne sont pas nécessairement formés pour mener ces entrevues.

Madame Tsai, vous pouvez peut-être nous dire quelles mesures générales sont prises quand une personne présente une demande pour venir au Canada ou à quel moment les entrevues initiales en personne sont effectuées, et dans quelle mesure elles ont lieu à l'heure actuelle. M. MacDonald pourrait aussi nous fournir ses commentaires à ce sujet.

M. MacDonald : Merci de votre question. Les entrevues en personne dépendent aussi du type de demande. Par exemple, nous recevons un grand nombre de demandes de visa de résidence temporaire : près de deux millions. Il faut tenir compte de l'aspect logistique en vue de déterminer comment effectuer des entrevues en personne avec autant de gens.

Selon la loi, les demandes de résidence permanente doivent être présentées en personne. Mais, globalement, ce qui est important — et M. Quartermain vous fournira peut-être un peu plus de détails à ce sujet —, c'est qu'au moment de traiter tout type de demandes — citoyenneté, résidence permanente, résidence temporaire —, nous utilisons une série d'indicateurs de risque pour nous aider à déterminer l'admissibilité de la personne et, en toute franchise, à déterminer si la demande est pertinente et comment elle doit être traitée.

Quand les indicateurs de risque permettent de détecter un problème éventuel, une analyse approfondie est menée. Ce sont nos agents des visas à l'étranger qui entreprennent ces activités et qui font des entrevues en personne, au besoin. Ce n'est là qu'un exemple.

David Quartermain, directeur, Division de l'intégrité des programmes, Citoyenneté et Immigration Canada : Comme vous l'avez peut-être déjà entendu, nous utilisons maintenant beaucoup de centres de réception des demandes de visa à l'étranger, où les gens peuvent présenter leur demande. Les employés de ces centres ne prennent aucune décision. L'objectif des centres est de veiller à ce que les demandes soient bien remplies, c'est-à-dire qu'elles soient exemptes d'erreurs.

Les demandes sont recueillies chaque jour et sont envoyées à nos missions à l'étranger. C'est là que les demandes présentées à l'étranger sont traitées : dans nos bureaux régionaux de traitement centralisé. Si une entrevue est nécessaire, cela sera alors inscrit dans le système, et nos agents réaliseront ensuite l'entrevue avec le demandeur, conformément aux exigences.

L'objectif des entrevues est habituellement de déterminer ou de vérifier l'admissibilité de la personne. Les agents examinent les critères d'admissibilité énoncés dans la loi.

Le président : Je ne comprends pas très bien. Je crois savoir qu'il y a un certain nombre d'années, le vérificateur général a aussi fait des commentaires au sujet des entrevues initiales. J'essaie de démêler tout cela. Avez-vous dit qu'une personne qui remplit le formulaire n'aura pas de problème, alors que celle qui ne le fait pas pourrait être dénoncée?

C'est ce qui est préoccupant. Vous secouez la tête, monsieur Quartermain. Pourriez-vous nous fournir des éclaircissements?

M. Quartermain : L'objectif des centres de réception des demandes de visa est de s'assurer que les demandes présentées à CIC ne comportent pas d'erreurs. Les agents des centres veillent donc à ce soit fournis toute l'information relative au passeport et tous les renseignements dont nous avons besoin, car il arrive souvent que les gens présentent des demandes incomplètes. Nous devons alors leur retourner les formulaires, et il y a tout ce va-et-vient.

Les centres de réception des demandes de visa s'assurent que les demandes sont complètes et sans erreur. Les demandes sont alors envoyées au bureau de CIC, qui en effectue ensuite le traitement. Les centres de réception ont pour mandat de recueillir l'information et d'en vérifier l'exactitude. Voilà précisément leur rôle.

M. MacDonald : Peut-être qu'à des fins de simplicité et de clarté — car c'est un processus complexe —, nos agents ont une double responsabilité. Tout d'abord, ils vérifient si la personne est autorisée à présenter une demande. Il y a certaines vérifications de la qualité effectuées à des fins d'efficience. Nous avons des entrepreneurs dans les centres de réception des demandes de visa qui contribuent à ce que le processus soit mené à bien. Ainsi, quand CIC reçoit une demande, celle-ci peut être traitée de façon bien plus rapide et efficiente, et notre norme de service à l'égard des clients est grandement améliorée.

Nos agents assument aussi une autre responsabilité au même moment : ils doivent vérifier l'admissibilité et effectuer aussi cette vérification. Ces fonctions sont souvent remplies en même temps. Cela se produit au même moment.

Le président : J'aimerais souhaiter la bienvenue au sénateur Tkachuk, de la Saskatchewan.

Le sénateur Dallaire : Je vais aborder la question des visas, puis celle des réfugiés. Il y a quelques questions sous-jacentes, comme le fait qu'un visa est exigé pour 141 pays. Est-ce la norme avec, par exemple, les Néerlandais, les Allemands, les Britanniques, vu que nous faisons partie de la Francophonie et du Commonwealth? Y a-t-il des critères qui sont utilisés ou qui ne le sont plus?

J'aimerais beaucoup savoir quel type de formation suivent les employés de première ligne qui s'occupent du processus de demande de visa. Quel soutien supplémentaire obtiennent-ils pour remplir leurs tâches complexes? Quel genre de directives leur donne-t-on à l'égard des demandes de visa afin de les tenir informés de ce qui se passe dans le monde?

Par exemple, d'anciens membres du gouvernement rwandais qui en font maintenant de nouveau partie sont apparemment toujours considérés comme des rebelles, alors qu'ils forment depuis 20 ans le gouvernement légal reconnu par la communauté internationale. Pourriez-vous nous donner une idée de la façon dont les employés de première ligne se tiennent à jour et dont ils sont évalués à ce chapitre?

M. MacDonald : Merci de votre question. Encore une fois, je vais faire une certaine mise en contexte, et M. Quartermain vous fournira un peu plus de détails.

Si nous pouvons répondre tout de suite à votre question, c'est parce que M. Quartermain est, entre autres, l'actuel directeur de la Division de l'intégrité des programmes. Certains des points que vous avez soulevés, sénateur, ont trait à la façon dont CIC améliore et renforce l'intégrité de ses programmes; et, comme vous le savez, cela passe en partie par la formation.

Pour ce qui est de votre première question au sujet des visas et des pays pour lesquels le Canada en exige ou non, et de notre situation par rapport à nos plus proches alliés — les pays du Commonwealth, par exemple —, Maureen pourrait vous fournir des chiffres précis, mais certains principes ne changent pas. Le gouvernement prendra des décisions au cas par cas. Oui, nous harmoniserons nos exigences avec celle de certains partenaires. Certains en auront plus; d'autres, moins. Voilà ce que je voulais dire à ce sujet.

Au chapitre de la formation des agents des visas, CIC est doté d'une composante de service extérieur. De fait, nous recrutons les agents au début de la période de formation en tant que jeunes agents du service extérieur. Ils travaillent au sein du ministère et sont affectés par rotation à différents services. D'ailleurs, il y a plusieurs employés de mon secteur qui sont actuellement affectés à l'étranger, mais qui viendront travailler sous ma direction pendant deux ans.

C'est un processus très progressif, comme pour d'autres postes au sein du gouvernement fédéral et de ses organismes.

Les agents des visas qui travaillent dans les missions à l'étranger commencent leur formation dès le premier jour. Ils suivent la formation générale des Affaires étrangères. Nous contribuons beaucoup — la coordination se fait dans mon service — aux manuels de formation des chefs de mission publiés à peu près chaque année et destinés aux chefs de mission et aux agents du service extérieur, y compris ceux des missions.

Nous avons des gens — moi y compris, à l'occasion — qui dispensent des séances de formation à tous les agents des visas affectés à une mission, par exemple.

Votre question sur les directives est très pertinente. Une des responsabilités de mon service est de fournir toutes les directives à l'intention du personnel sur le terrain au moyen de bulletins opérationnels.

Essentiellement, ces bulletins indiquent les procédures à suivre pour traiter les demandes, effectuer des paiements ou toute autre chose qu'il faut faire. Ils sont rendus publics afin que tout le monde puisse consulter les critères, les directives que Citoyenneté et Immigration Canada fournit à ses agents à l'étranger.

Ces bulletins opérationnels s'appliquent aussi aux membres du personnel de l'Agence des services frontaliers du Canada qui exercent des fonctions liées à l'immigration pour notre ministère dans le cadre de nos efforts concertés pour réaliser des gains d'efficience, notamment.

Ces agents de l'ASFC ou de CIC reçoivent les mêmes bulletins opérationnels. D'ailleurs, pas plus tard que vendredi dernier, mon service a publié un nouveau bulletin opérationnel dont j'ai coordonné l'élaboration et qui a été rédigé avec la participation d'experts de l'ASFC. Ils ont contribué à sa rédaction avant que je l'approuve et que je l'envoie aux employés sur le terrain.

Une dernière chose, sénateur : nos agents du service extérieur qui exercent des fonctions liées au visa ou à d'autres éléments connexes font l'objet de rotations. Ils passent toute leur carrière à gravir les échelons et à passer d'une mission à une autre. Nous nous assurons qu'ils vont dans de petites missions, de grandes missions où s'effectue le traitement — Beijing, Moscou, Mexico — et dans de petites régions pour accomplir différentes fonctions, sans oublier des affectations à l'administration centrale.

Comme c'est le cas dans de nombreuses organisations, sénateur, la formation des employés se poursuit tout au long de leur carrière, mais les directives sont centralisées et émanent de l'administration centrale.

Ma réponse était longue, monsieur le président. Je voulais juste m'assurer d'aborder tous les points.

M. Quartermain : De fait, CIC et l'ASFC utilisent les mêmes manuels au chapitre de l'immigration. Qu'ils soient au Canada ou à l'étranger, qu'ils travaillent pour l'ASFC ou CIC, les agents ont accès à ces manuels, qui leur expliquent comment traiter certains types de cas. Le contenu est divisé par sujets.

Comme l'a dit M. MacDonald, nous envoyons des bulletins opérationnels. Nous envoyons aussi des rappels opérationnels afin de rappeler aux agents qu'ils doivent consulter certains services de temps à autre.

Avant que les agents soient affectés à l'étranger, ils suivent une formation très poussée. Elle est dispensée en ce moment même, d'ailleurs. Les agents reçoivent donc une formation en fonction de leur région d'affectation de même qu'une formation générale et particulière.

Le sénateur Dallaire : Vous n'avez pas expliqué comment sont déterminés les pays pour lesquels un visa est exigé. Et puis, comment obtenez-vous des renseignements concrets? Écrire des PNE, c'est-à-dire des procédures normales de fonctionnement, c'est une chose; mais comment obtenir des renseignements concrets et à jour au sujet d'une personne ou d'un groupe considéré comme inacceptable ou qui a été innocenté?

Si je pose ces questions, c'est parce que je m'intéresse à la question des réfugiés, et tout particulièrement, disons, aux mineurs qui présentent une demande et à la façon dont leur admissibilité est évaluée. Par exemple, si un ex-enfant soldat a été entraîné dans une guerre d'une façon ou d'une autre, existe-t-il des critères qui le rendraient interdit de territoire au Canada en raison de ses antécédents à cet égard? Rappelez-vous que nous parlons de pays où sévissent des conflits, et non pas de gangs de rue au centre-ville de Toronto.

Mme Tsai : Pour ce qui est des décisions concernant la politique en matière de visas, au Canada, la décision d'exiger un visa ou d'éliminer cette exigence est fondée sur une évaluation holistique reposant sur plusieurs critères, comme le profil sociodémographique du pays, des questions liées à l'immigration — comme les demandes d'asile —, l'intégrité des titres de voyage, les préoccupations en matière de sécurité, les activités de gestion frontalière et les droits de la personne ainsi que les répercussions sur les relations bilatérales.

Ces considérations sont soupesées ensemble avant qu'une décision concernant la politique en matière de visas soit prise. Notre façon de faire est différente de celle des États-Unis, qui sont dotés de critères législatifs.

Vous avez parlé des mineurs. Je veux simplement mentionner qu'en ce qui concerne les mineurs qui ont commis des actes qui les rendraient interdits de territoire, une exemption législative est prévue pour les jeunes qui ont fait l'objet d'une déclaration de culpabilité en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants; et, s'il s'agit d'un étranger, il faudra déterminer si l'infraction, dans l'éventualité où elle aurait été commise au Canada, aurait aussi été visée par cette loi.

M. Quartermain : De plus, le sénateur Dallaire a parlé du Rwanda et de renseignements concrets. En ce qui a trait à l'examen des demandes, qu'il s'agisse d'une demande de résidence permanente ou temporaire, le ministère utilise des indicateurs obligatoires et facultatifs. Ensuite, à la lumière de ces indicateurs, nous aiguillons au cas par cas les personnes vers nos partenaires de contrôle de sécurité — comme l'ASFC, le SCRS ou la GRC — qui effectuent ensuite une évaluation et qui nous fournissent des renseignements au sujet des personnes concernées afin que puissions prendre une décision finale à propos de leur admissibilité.

Nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires dans ce genre de situation. Nous le faisons chaque jour.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci aux témoins. Ma question s'adresse à Mme Tsai.

[Traduction]

Avec les millions d'étrangers qui viennent au Canada chaque année, y a-t-il quoi que ce soit d'autre que nous pourrions faire pour contrôler les immigrants ou les visiteurs, surtout ceux qui viennent d'un pays à risque élevé? Le cas échéant, que pourrions-nous faire, à supposer que nous aurions les ressources nécessaires?

Mme Tsai : Parmi les choses que le ministère examine conjointement avec ses partenaires de sécurité, il y a les indicateurs de risque. Nous les examinons constamment avec nos partenaires. Nous évaluons la situation du pays et nous adaptons les indicateurs de risque en conséquence.

Nous essayons aussi de faciliter davantage l'entrée au pays des voyageurs à faible risque. Nous voulons essentiellement mobiliser moins de ressources pour eux afin d'avoir plus de ressources disponibles pour les voyageurs qui présentent un risque plus élevé.

Le sénateur Dagenais : Nous croyons savoir qu'il y a au pays 3 566 personnes à risque élevé que l'on croit être interdites de territoire pour criminalité, par exemple des menaces à la sécurité, des violations des droits de la personne ou des actes liés au crime organisé, ou parce qu'elles ont été exclues par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, et qu'elles font l'objet d'un mandat d'arrestation. Est-ce que ce chiffre désigne le nombre de mandats émis en 2013 relativement aux personnes interdites de territoire, ou est-ce qu'il s'agit du nombre total de mandats? Pourquoi ce chiffre est-il si élevé? Sommes-nous incapables de contrôler adéquatement les personnes à risque élevé?

M. MacDonald : À vrai dire, sénateur, cette question concerne beaucoup le volume de travail de l'ASFC et la façon dont l'agence effectue le tri des demandes et va de l'avant. À CIC, nous ne sommes pas vraiment en mesure de répondre à votre question. Je suis désolé.

Le président : Pourrais-je ajouter quelque chose à ce sujet? La question est essentiellement la suivante : selon les statistiques qui ont été fournies au comité, 3 566 personnes interdites de territoire au Canada ont été admises au pays en 2013. Ce chiffre est-il exact? Cette question présenterait évidemment un très grand intérêt pour votre ministère, même si ce n'est pas lui qui effectue les contrôles nécessaires avant d'autoriser les gens à venir au pays.

Et puis, s'agit-il de 3 566 pour cette année seulement, ou est-ce le total des 10 dernières années?

Mme Tsai : Je ne peux pas me prononcer au sujet des statistiques elles-mêmes, mais je pourrais expliquer pourquoi certaines de ces personnes sont admises au pays.

Selon notre loi et son règlement d'application, les délégués du ministre aux points d'entrée ont le pouvoir de prendre des mesures de renvoi concernant certaines interdictions de territoire. Leur pouvoir est assez limité. Par exemple, s'il s'agit d'un résident permanent, ils peuvent prendre des mesures de renvoi seulement en cas de manquement à l'obligation de résidence.

Pour ce qui est des étrangers — et je crois que votre question portait surtout sur ces personnes —, encore une fois, les délégués du ministre peuvent prendre une mesure de renvoi seulement dans certaines circonstances très précises, par exemple parce que l'intéressé a commis un acte criminel au Canada, qu'il a fait une fausse déclaration liée à la révocation de son statut de réfugié, qu'il n'a pas respecté certaines des obligations ou qu'il est membre d'une famille interdite de territoire.

Toutes les autres interdictions de territoire sont aiguillées vers la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. La loi prévoit aussi qu'une personne qui a fait l'objet d'un rapport d'interdiction de territoire peut être admise au pays afin de comparaître dans le cadre de son enquête.

Une personne autorisée à entrer au Canada se verra habituellement imposer certaines conditions, y compris celle de comparaître à un moment précis aux fins de l'enquête. Si la personne ne se présente pas, un mandat d'arrestation peut être lancé.

Je voulais aussi souligner qu'aux points d'entrée — et c'est relativement nouveau —, les agents ont maintenant plus de pouvoir en matière d'arrestation et de détention. Quand il existe des motifs raisonnables de croire qu'une personne est interdite de territoire pour des motifs graves comme la criminalité, la grande criminalité, la criminalité organisée, la sécurité ou des violations des droits de la personne, les agents ont maintenant plus de pouvoir en vue de placer cette personne en détention.

Le président : Chers collègues, j'aimerais faire une brève intervention à ce sujet, car je crois que c'est très important. Je ne pense pas que nous ayons obtenu une réponse à la question qui a été posée.

Selon les statistiques qu'on nous a fournies, 3 566 personnes à risque élevé ont été autorisées à venir au pays en 2013. Elles ont des antécédents criminels et ont peut-être déjà été reconnues coupables d'un crime et peuvent représenter un risque élevé pour diverses autres raisons.

Voici ce que veut savoir le comité : comment ces personnes sont-elles entrées au pays en premier lieu? Est-ce que la statistique de 3 566 personnes — que vous connaissez sûrement — désigne une seule année? Est-ce qu'elle indique que, chaque année, 3 000 ou 4 000 personnes entrent au pays et causent des problèmes à tout le monde? Si vous ne pouvez pas répondre à cette question, pourriez-vous nous transmettre la réponse plus tard?

Mme Tsai : Je pourrais essayer d'y répondre, et mes collègues pourraient m'aider si mes explications ne sont pas assez claires.

Je veux dire essentiellement que, selon la loi, nous ne pouvons pas dire à une personne interdite de territoire pour les motifs les plus graves : « Ne venez pas ici. Nous ne vous voulons pas de vous. » Nous devons aiguiller ce cas vers la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié afin qu'elle détermine si la personne est interdite de territoire. C'est dans la loi.

M. MacDonald : Je propose que nous nous penchions sur cette question et que nous vous transmettions une réponse détaillée le plus vite possible, comme vous l'avez suggéré.

Nous n'étions pas personnellement au courant de cette statistique, mais nous pouvons vérifier ce qu'il en est et fournir une réponse au comité, si cela vous convient.

Le président : Chers collègues, êtes-vous d'accord? Nous aimerions savoir clairement combien de personnes interdites de territoire sont venues au Canada au cours des cinq dernières années et comment elles ont pu se rendre au bout du processus de contrôle pour entrer au pays et représenter ainsi un risque élevé pour nos concitoyens.

La sénatrice Beyak : Bonjour à tous. Ma question va dans le même sens que ce qui a été dit.

Certains pays appuient carrément et ouvertement le terrorisme. Quelles mesures prend-on pour limiter le nombre d'immigrants provenant de ces pays?

Mme Tsai : En vertu de la loi, nous disposons essentiellement de deux outils pour empêcher d'entrer au Canada les personnes susceptibles de représenter une menace à la sécurité. Le premier, c'est la politique en matière de visas. Je pense que je peux affirmer sans me tromper qu'un visa est exigé dans le cas des pays où il y a un grand nombre de personnes qui pourraient représenter un risque de terrorisme. Cela signifie que les gens de ces pays doivent présenter une demande avant de voyager au Canada.

Il y a aussi les exigences relatives à l'admissibilité qui s'appliquent à quiconque veut entrer au Canada, lesquelles incluent certaines dispositions liées à la sécurité et aux menaces de terrorisme.

La sénatrice Beyak : Je ne sais pas si vous avez directement répondu à la question. Il existe une liste de pays qui appuient des groupes terroristes, comme le Hamas. C'est une longue liste. Avons-nous pris des mesures pour limiter le nombre d'immigrants originaires de ces pays en particulier? Je comprends les six critères et les trois critères, mais il y a des pays qui soutiennent directement le terrorisme.

Mme Tsai : Tout ce que je peux dire, je crois, c'est que nous effectuons des contrôles des personnes. Nous avons une politique en matière de visas — ce qui constitue une mesure de contrôle additionnelle —, mais nous n'établissons pas de limites au sujet du nombre de personnes originaires d'un pays en particulier qui peuvent venir ici. Toutes les demandes sont examinées individuellement.

Le sénateur Wells : Chers témoins, je vous remercie des observations que vous nous avez livrées jusqu'ici. J'aimerais obtenir quelques éclaircissements avant de poser ma question.

Nous avons des résidents permanents, des résidents temporaires, des visiteurs et des touristes — je suppose qu'ils font partie du même groupe — ainsi que des étudiants. Y a-t-il des groupes que j'oublie?

M. MacDonald : Bonne question, sénateur. Le plus facile est de commencer par les catégories de demandeurs. À cet égard, notre ministère est notamment responsable des résidents temporaires, des résidents permanents, de la citoyenneté et des réfugiés.

Pour répondre en partie à votre question, je dirais que les étudiants, les travailleurs étrangers temporaires et les visiteurs sont inclus dans la catégorie des résidents temporaires, c'est-à-dire qu'ils sont là pour une brève période, peu importe la raison. Voilà les catégories générales, et certains cas dont vous avez parlé figuraient dans la catégorie des résidents temporaires.

Le sénateur Wells : Je comprends. CIC et l'ASFC travaillent en étroite collaboration en ce qui a trait à l'entrée des personnes. C'est juste?

M. MacDonald : Tout à fait.

Le sénateur Wells : Quel pourcentage de gens au sein des groupes doit se soumettre à une entrevue? Les entrevues sont-elles menées à la frontière par l'ASFC ou avant cela par CIC?

M. MacDonald : Je vais formuler une réponse, et M. Quartermain pourra peut-être discuter de certaines statistiques.

Commençons par la catégorie la plus facile. Dans le cas des demandes de citoyenneté — des gens qui viennent ici pour devenir citoyens canadiens —, les personnes doivent se soumettre à un contrôle obligatoire; de fait, ils font l'objet d'un aiguillage obligatoire vers nos partenaires de sécurité.

Le sénateur Wells : En quoi consiste le contrôle?

M. MacDonald : C'est ce qui détermine l'admissibilité au Canada. Voilà ce que nous entendons généralement par « contrôle ». On vérifie s'il y a des préoccupations liées à l'admissibilité d'une personne et si, de fait, elle est interdite de territoire.

Le sénateur Wells : Les critères sont les six éléments énumérés à la page 3 de votre exposé.

M. MacDonald : C'est exact. Selon la loi, les demandes de citoyenneté et les demandes d'asile sont assujetties à des contrôles obligatoires. Pour ces deux catégories de demandes, nous menons des contrôles obligatoires concernant toute préoccupation éventuelle en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

Il y a toujours certaines nuances, mais, généralement, pour ce qui est des résidents temporaires et des résidents permanents, nos agents effectuent les deux contrôles — le premier pour vérifier si tous les renseignements exigés ont été fournis aux fins de l'admissibilité au programme, et le second pour vérifier l'admissibilité de la personne —, mais il n'y a pas d'obligation absolue d'envoyer toutes les demandes à nos partenaires de sécurité en vue d'un contrôle.

Cela dit, comme il a été mentionné, les agents de CIC — ou, dans certains cas, ceux de l'ASFC — effectuent ce travail pour nous, possiblement dans un point d'entrée ou peut-être dans une petite mission à l'étranger. Ils doivent effectuer les deux processus, y compris la vérification de l'admissibilité.

Le sénateur Wells : Je vous remercie de votre réponse. Je veux vous questionner au sujet des centres de réception des demandes de visa. Il s'agit d'exploitants indépendants à l'étranger. C'est juste?

M. MacDonald : Oui. Ils ont passé un marché avec notre ministère.

Le sénateur Wells : Je vais faire une déclaration, mais dites-moi si j'ai raison. Ils vérifient seulement si les demandes ont été dûment remplies; ils ne vérifient pas l'information qu'elles contiennent.

M. Quartermain : Ils vérifient si l'information est exacte afin que le demandeur puisse se présenter avec son passeport et ses autres documents, mais ils ne vérifient pas les antécédents professionnels ni quoi que ce soit du genre. Ils s'assurent seulement que la demande est complète.

Le sénateur Wells : Donc, la prochaine étape serait de transmettre la demande à CIC ou à un représentant du Canada à l'étranger.

M. Quartermain : C'est exact.

Le sénateur Wells : Par exemple, en ce qui a trait aux interdictions de territoire pour des motifs sanitaires, et y a-t-il un processus qui permet de vérifier si une personne est en santé? J'imagine qu'une personne qui veut être admise au Canada dirait certainement : « Je suis en bonne santé et je ne serai pas un fardeau pour votre merveilleux système. »

Y a-t-il une vérification qui est faite au sujet de ces allégations de bonne santé ou de la capacité financière, par exemple?

M. MacDonald : Absolument. C'est une excellente question. Il y a effectivement des processus qui nous permettent de vérifier ces allégations. Notre ministère est en grande partie responsable de fournir des directives pratiques au réseau de professionnels de la santé à l'étranger. Étant donné que la santé est un critère examiné pour déterminer l'admissibilité d'une personne, nous avons établi des façons d'utiliser des applications électroniques à vocation médicale, par exemple, qui permettent aux médecins de vérifier si une personne est tuberculeuse et si elle représente un danger sanitaire pour la population.

Tout dépendant des exigences et des circonstances, les demandeurs doivent se soumettre à des vérifications et fournir des renseignements concernant leur état de santé, car c'est un des critères d'admissibilité examinés.

Le sénateur Wells : Ont-ils à fournir une lettre d'un médecin attestant qu'ils n'ont pas la tuberculose? Est-ce aussi simple que cela?

M. MacDonald : Oui. C'est plus qu'une lettre; c'est une vérification où les renseignements sont dûment examinés, et, de nos jours, ils sont souvent transmis par voie électronique dans de nombreux pays. Nous avons adopté ce mode de transmission récemment. De plus, dans certains pays, notre service extérieur complémentaire compte un réseau de médecins qui mènent ce genre de vérifications sur place.

Le sénateur Wells : Est-ce que les personnes qui présentent une demande de visa de résidence permanente doivent systématiquement se soumettre à une entrevue?

M. Quartermain : Non. Je ne sais pas si nous avons les statistiques exactes en ce moment, mais c'est habituellement de 9 à 15 p. 100 des demandeurs qui doivent s'y soumettre.

Le sénateur Wells : Vous parlez des demandeurs de visa de résidence permanente?

M. Quartermain : Oui. De 9 à 15 p. 100.

Le sénateur Wells : Est-ce le pourcentage le plus élevé de toutes les catégories?

M. MacDonald : Est-ce le pourcentage le plus élevé de toutes... Pardon?

Le sénateur Wells : De toutes les catégories : résidents permanents, visiteurs, touristes, étudiants. Est-ce que la catégorie des résidents permanents est celle qui compte pour le pourcentage le plus élevé d'entrevues?

M. Quartermain : Tout dépend de ce que vous voulez dire par là. À l'étranger, les agents des visas traitent les demandes de résidence permanente. Puis, une confirmation de résidence permanente est émise. La personne se présente ensuite au point d'entrée et participe à une entrevue menée par l'agent de l'ASFC. Tout le monde dans cette situation est soumis à une telle entrevue avant de pouvoir s'établir au Canada, comme on dit.

À l'étranger, on ne fait pas passer une entrevue à tous les demandeurs. Certains arrivent au pays en tant que travailleurs étrangers temporaires ou font partie d'une autre catégorie, et ils ont des antécédents, par exemple. Ce pourcentage est — bon an, mal an — d'environ 9 à 15 p. 100.

Je ne saurais dire si ce pourcentage est le plus élevé de toutes les catégories.

Le sénateur Wells : Évidemment, certaines personnes se font refuser l'entrée au pays à la frontière, mais y en a-t-il qui y sont admises afin qu'on procède à des vérifications supplémentaires, qu'on les questionne ou qu'on les soumette à un autre processus qui pourrait encore déboucher sur une interdiction de territoire?

M. Quartermain : Vous devriez peut-être clarifier votre question. Parlez-vous des résidents permanents ou des gens en général?

Le sénateur Wells : Des résidents permanents.

M. Quartermain : Si une personne présente une demande à l'étranger, son dossier est traité. Si la demande est approuvée, la personne recevra une confirmation de résidence permanente. Elle ira ensuite au point d'entrée et sera soumise à une autre entrevue avant de s'établir au Canada et de recevoir une carte de résident permanent. Si la personne est déjà au Canada, il est aussi possible qu'il y ait une entrevue après laquelle, à un moment ou un autre, elle pourrait s'établir au Canada.

L'interdiction de territoire ou l'admissibilité est déjà déterminée à ce stade. Si, au moment de l'entrevue, l'agent au point d'entrée estime qu'il y a un problème ou que la personne pourrait être frappée d'une interdiction de territoire au Canada pour un motif qui n'a pas été cerné au moment de la demande, la personne n'aura alors pas le droit de s'établir au Canada à ce moment-là et sera aiguillée vers un bureau intérieur ou un autre endroit — tout dépendant de la situation ou des circonstances — en vue d'une enquête approfondie.

Le sénateur White : Je remercie tous les témoins de leur présence ici aujourd'hui.

Ma question porte sur la biométrie. J'essaie de comprendre comment fonctionne la collecte des données biométriques — surtout à l'étranger —, comment elles sont gérées et transmises ici, s'il faut apporter des améliorations à ce système et s'il faut faire des changements en vue de recueillir plus de données biométriques ou de les utiliser différemment.

Chris Gregory, directeur, Gestion de l'identité et échange d'information, Citoyenneté et Immigration Canada : Nous avons maintenant le Projet de biométrie pour les résidents temporaires, qui est mis en œuvre depuis l'automne dernier. Nous exigeons maintenant les empreintes digitales et une photographie numérique des demandeurs de visa qui proviennent de n'importe quel des 30 pays de la liste figurant dans le règlement que nous avons publié.

Le projet tire à sa fin. Ce n'est plus qu'une question de jours ou de semaines avant que cette mesure devienne permanente. C'est un nouvel outil que nous avons à notre disposition.

Si une personne est originaire d'un des 30 pays de la liste et qu'elle présente une demande de visa, elle ira habituellement dans un centre de réception des demandes de visa, car il y en a énormément à l'échelle mondiale; et, dans le cadre de la présentation de sa demande, on recueillera ses données biométriques là-bas. Il y a des frais à payer à cet égard.

Ces données sont ensuite transmises à CIC et immédiatement versées au système de la GRC afin de vérifier principalement trois choses : nous comparons toutes les empreintes digitales recueillies des demandeurs de visa avec celles des casiers judiciaires canadiens; nous les comparons avec toutes les demandes d'asile reçues depuis que nous avons commencé à prélever des empreintes digitales au début des années 1990; et nous vérifions si la personne a déjà été expulsée du pays. Nous avons tous ces renseignements dans nos dossiers.

Après avoir mené ces vérifications, si nous ne détectons aucune information défavorable dans notre système, nous comparons les empreintes digitales avec celles de notre base de données de l'immigration. Elle prendra d'ailleurs de l'expansion dans l'avenir. Puis, nous vérifions si la personne a déjà présenté sous un autre nom une demande qui a été rejetée, afin que les gens ne présentent pas de nouvelle demande sous une nouvelle identité qu'ils se sont procurée d'une façon ou d'une autre à un certain endroit pour voir s'ils auront plus de chance la deuxième fois.

Voilà essentiellement comment cela fonctionne. Ce n'est pas long. L'information est ensuite transmise à l'agent responsable de la délivrance des visas, qui recevra la demande par l'intermédiaire du centre de réception des demandes de visa, et tous les renseignements recueillis grâce à ces vérifications seront utilisés en vue de décider de délivrer ou non un visa à cette personne.

L'information sera également mise à la disponibilité des agents de l'Agence des services frontaliers du Canada aux points d'entrée. Si une personne a été soumise à ce processus et a obtenu un visa sans que des renseignements défavorables n'émanent des bases de données dont je vous ai parlé, elle prend l'avion pour venir au pays. Nous avons ensuite la capacité de nous assurer que la personne qui a présenté la demande est la même que celle qui tente d'entrer au pays. Si tout concorde, elle peut entrer au Canada.

Nous conservons les empreintes digitales dans nos registres pendant une certaine période, ce qui permet d'identifier facilement la personne. S'il y a des doutes au sujet de son identité, nous pouvons déterminer assez facilement au moyen d'une vérification rapide des empreintes digitales s'il s'agit bel et bien de cette personne et de lui souhaiter un bon retour au pays. Et voilà.

Le sénateur White : Tout cela est merveilleux, mais vous ne m'avez pas dit que vous comparez les empreintes digitales avec celles recueillies par les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et celles qu'ont les représentants canadiens en Afghanistan, en Irak et dans d'autres pays comme le Pakistan. J'en conclus que vous ne faites pas ces vérifications pour voir si les renseignements fournis dans les autres formulaires permettent de détecter un lien quelconque avec des activités terroristes. Il est seulement question d'identification.

M. Gregory : À l'heure actuelle, les vérifications visent à identifier les gens et à vérifier s'ils ont déjà commis un acte criminel au Canada, s'ils ont déjà présenté une demande d'asile d'ici, s'ils ont déjà été expulsés du pays. En ce qui concerne les projets d'avenir, nous avons maintenant reçu l'approbation d'aller de l'avant avec un système — dès la fin du présent exercice — afin de communiquer ces empreintes aux Américains. Cela ne se fait pas à l'heure actuelle. Dès la fin du prochain exercice, nous obtiendrons de telles empreintes. Comme elles sont transmises à la GRC, elles seront aussi transmises de façon anonyme au gouvernement américain.

Qu'il y ait ou non une correspondance, ces empreintes seront détruites. Elles disparaîtront dès qu'elles auront été reçues. S'il y a une correspondance avec un dossier des États-Unis, les États-Unis pourront dire : « Oui, nous avons ces empreintes digitales. Elles appartiennent à Untel. » Nous pouvons alors confirmer qu'il s'agit de la même personne, si elle utilise le même nom ou une autre identité.

Fait peut-être plus intéressant encore, s'il y a dans le dossier des États-Unis des renseignements défavorables touchant l'immigration, ils vont nous les transmettre. « Oui, nous connaissons cette personne. Elle a été expulsée de notre pays à telle date, pour tel motif. » Cela se fait automatiquement. Nous disons : « Merci beaucoup. » Nous pourrons utiliser ces renseignements pour déterminer de notre côté, de manière indépendante, l'admissibilité.

Le sénateur White : Force est d'admettre que nous pourrions consacrer le reste de notre temps à cette question. Je crois que nous devrions poursuivre cette discussion ailleurs.

Je suis préoccupé par le fait que nous recueillons ces empreintes digitales sans utiliser pleinement nos points d'accès aux pays avec lesquels nous avons des liens. En fait, comme vous l'avez décrit, nous comparons ces empreintes digitales avec celles des 3,5 millions de Canadiens qui ont commis un crime. Nous ne les comparons pas aussi aux 35 millions d'ensembles d'empreintes digitales trouvés sur des scènes de crime au pays.

M. Gregory : Monsieur le président, puis-je faire un commentaire à ce sujet?

Le président : Allez-y.

Le sénateur White : Ce n'était pas une question, monsieur le président.

M. Gregory : Le règlement qui a été adopté il y a quelques mois permet une utilisation secondaire de ces empreintes digitales. Nous recueillons les empreintes digitales principalement à des fins d'immigration, mais, lorsqu'elles sont en la possession de la GRC, les empreintes prises sur des scènes de crime par des agents de la GRC ou par d'autres agents sont comparées à celles-là. L'agent qui recueille des empreintes digitales sur une scène de crime pourra obtenir le numéro de téléphone d'un employé de CIC ou de l'ASFC. L'agent pourra téléphoner et dire : « On m'a dit de vous téléphoner. J'ai besoin de connaître l'identité d'une personne. » C'est peut-être parce qu'il s'agit d'une personne disparue, d'une personne recherchée, il peut s'agir d'empreintes prises sur une scène de crime ou des empreintes d'une personne qui a été arrêtée. Vous ne savez pas de qui il s'agit, mais vous avez des empreintes digitales. Dans un cas comme celui-là, nous allons vous dévoiler son identité.

C'est assez bien défini, ça se trouve dans le règlement, et oui, nous permettons cette utilisation.

Le sénateur White : Une petite question. Vern White se présente à l'aéroport d'Abou Dhabi. Je présente mon passeport à un représentant d'Air Canada ou des Émirats arabes unis, peu importe. Cette personne va enregistrer mon passeport sur son petit clavier. L'information n'est pas automatiquement envoyée au Canada, même si c'est ma destination. Au contraire, les renseignements sont envoyés d'Abou Dhabi trois heures après mon départ en avion, et c'est une surprise pour bien des gens — moi y compris —, d'apprendre que les renseignements sont envoyés si tardivement. De fait, l'avion est déjà dans les airs.

Ne seriez-vous pas d'accord pour dire — et dans le cas contraire, veuillez le dire — que ces renseignements devraient être transmis immédiatement, dès qu'ils sont recueillis, aux autorités du pays de destination afin qu'il puisse prendre des mesures pour indiquer à la compagnie aérienne qu'un tel ou une telle ne doit pas monter à bord de l'avion?

Monsieur Gregory, je m'adresse à vous parce que vous avez répondu à mon autre question.

M. Gregory : C'est une autre situation où je crois que le gouvernement semble d'accord avec le principe général qui sous-tend la question et qu'il a déjà pris des mesures en ce sens. De la même façon, il est déjà prévu que nous transmettions les empreintes digitales d'une façon précise aux Américains, et vice versa, le gouvernement a déjà décidé d'aller de l'avant avec ce système d'autorisation ou d'interdiction de monter à bord. Il se peut que d'autres témoins en aient déjà parlé.

Grâce aux autorisations de voyage électroniques et à l'Information interactive préalable sur les voyageurs, nous allons demander à l'avenir aux compagnies aériennes de nous remettre le manifeste de passagers indiquant le nom des personnes qui vont monter à bord de leurs avions, avant le départ, ce qui nous permettra alors de confirmer que ces personnes sont admissibles au pays et d'envoyer à la compagnie aérienne un message donnant ou non l'autorisation de monter à bord.

Voilà notre plan. C'est écrit. Nous sommes en train de mettre ce système en place au moment où on se parle, et nous travaillons avec les compagnies aériennes pour qu'elles adoptent ce système dans l'année ou les années à venir.

Le sénateur Dallaire : J'aimerais parler tout d'abord des renseignements sur les empreintes digitales qui sont échangés avec les Américains, qui n'ont pas les mêmes critères d'accès à l'information. Sommes-nous à l'aise à l'idée de leur transmettre ces renseignements et d'obtenir d'eux ces renseignements? Est-ce que c'est acceptable, ou est-ce que cela est réputé acceptable au regard de notre Charte des droits et libertés?

Pourquoi d'anciens demandeurs d'asile figurent-ils sur cette liste? La réponse que m'a donnée Mme Tsai au sujet des enfants soldats est incomplète, car vous avez dit qu'il y avait un tribunal des — comment avez-vous appelé cela — juvéniles? Un tribunal des mineurs, quelque chose comme cela. Nous avons déjà vu ce qui est arrivé dans le cas d'Omar Khadr.

Dites-moi : est-ce qu'un ex-enfant soldat est examiné selon ces critères? Quelqu'un qui se trouve chez nous et au sujet duquel on découvre tout d'un coup qu'il s'agit d'un ex-enfant soldat sera-t-il susceptible d'être expulsé du pays?

J'aimerais, monsieur, que vous me transmettiez la liste des critères utilisés par les 30 pays qui insistent sur l'utilisation de ces renseignements biométriques, si vous pouviez nous la transmettre.

Le président : Monsieur le sénateur, pourrions-nous inviter le témoin à répondre à cette question par écrit?

Le sénateur Dallaire : La dernière, oui.

Le président : Il sera bientôt 14 heures, et nous allons tout de suite recevoir d'autres témoins.

Pourriez-vous répondre par écrit à toutes ces questions?

M. Gregory : Oui.

Le président : Au besoin, nous pouvons téléphoner aux témoins, sénateur.

Le sénateur Dallaire : Merci beaucoup.

M. Gregory : C'est comme vous voulez. Je peux répondre très rapidement.

Le président : Allez-y, si vous pouvez le faire en deux minutes.

M. Gregory : Je crois que l'expression « à l'aise » n'est pas tout à fait correcte. Une grande partie de mon travail consiste à me préoccuper des questions liées à la protection des renseignements personnels, et je travaille en étroite collaboration avec mes collègues du Commissariat à la protection de la vie privée. Chaque fois que nous devons transmettre des renseignements à un gouvernement étranger, nous nous conformons à des directives très précises. De nombreuses mesures de protection sont prévues. Ce n'est pas tant le fait que nous transmettons des empreintes digitales au gouvernement des États-Unis. En fait, nous ne faisons pas cela. Nous faisons des recherches dans une base de données du gouvernement américain où les empreintes digitales sont numérisées avec des uns et des zéros. S'il y a une correspondance, on nous donnera le nom associé à ces empreintes. D'une façon ou d'une autre, les empreintes sont immédiatement détruites, dès qu'elles arrivent aux États-Unis. Les Américains ne gardent pas les empreintes digitales. Ils ne les conservent pas. Nous ne les échangeons pas, dans le sens où ils ont les empreintes digitales en leur possession et peuvent s'en servir par la suite d'une autre façon.

Pourquoi les réfugiés? C'est tout simplement que nous n'avons jamais recueilli auparavant les empreintes digitales d'autres catégories d'immigrants. Dorénavant, nous allons comparer les nouvelles empreintes digitales recueillies avec les empreintes liées à d'anciens dossiers d'immigration — les réfugiés, les résidents temporaires, peu importe — pour nous assurer qu'il ne s'agit pas d'une personne qui a déjà été renvoyée et qui essaie de revenir sous une nouvelle identité.

Les 30 pays ont été choisis à peu près de la même façon que nous choisissons les pays pour lesquels on exige un visa : le nombre de ressortissants de ces pays qui viennent au Canada et qui commettent un crime, le nombre de ressortissants de ces pays qui viennent au Canada munis de faux documents ainsi que d'autres considérations stratégiques touchant les affaires étrangères et le commerce.

Le président : Merci d'être venus.

Nous poursuivons notre étude de l'Agence des services frontaliers du Canada, et nous avons le plaisir d'accueillir M. Steven Bucci, directeur du Centre d'études pour la politique étrangère Douglas and Sarah Allison; et chercheur principal sur les questions de sécurité nationale et de défense à la Heritage Foundation de Washington, D.C.

M. Bucci nous fera partager sa riche expérience; il a servi pendant trois décennies, tout d'abord à titre d'agent des forces spéciales pour finir sa carrière au gouvernement, comme haut fonctionnaire du Pentagone.

M. Bucci a grandi à Dobbs Ferry, dans l'État de New York, et a reçu son diplôme de l'académie militaire américaine de West Point en 1977. Il a obtenu une maîtrise et un doctorat en relations internationales en 1986 et en 1987, respectivement. M. Bucci a été adjoint militaire du secrétaire à la Défense, avant et après les attaques terroristes du 11 septembre, puis a été sous-secrétaire adjoint à la Défense pour la sécurité intérieure et le soutien de la Défense aux autorités civiles; à ce titre, il était responsable de la supervision des questions stratégiques touchant la défense aérienne, terrestre, maritime et cybernétique, des enjeux opérationnels nationaux de la Garde nationale, de la lutte antiterroriste intérieure, des exercices de préparation et des interventions en cas de catastrophes naturelles ou causées par l'homme. Il a été observateur civil principal du Northern Command des États-Unis.

M. Bucci est professeur auxiliaire de leadership à l'Université George Mason et professeur agrégé en études sur le terrorisme et la cybersécurité à l'Université de Long Island.

Bienvenue, monsieur Bucci. Je crois savoir que vous avez préparé une déclaration préliminaire. Notre comité va vous accorder une heure. Veuillez commencer.

Steven P. Bucci, directeur du Centre d'études pour la politique étrangère Douglas and Sarah Allison et chercheur principal sur les questions de sécurité nationale et de défense, The Heritage Foundation, à titre personnel : Bonjour, monsieur le président, bonjour mesdames et messieurs. Comme on l'a dit, je m'appelle Steven Bucci. Je travaille pour The Heritage Foundation, à Washington, D.C. Les opinions que je vais exprimer pendant mon témoignage sont personnelles et ne doivent pas être considérées comme le reflet des politiques officielles de The Heritage Foundation.

Comme on l'a déjà dit, j'ai passé 30 ans dans l'armée des États-Unis à titre de colonel des forces armées spéciales, et je suis ensuite devenu attaché à la Défense. J'ai travaillé comme sous-secrétaire adjoint à la défense pour la sécurité intérieure et le soutien de la Défense aux autorités civiles. J'étais le représentant du département de la Défense au département de la Sécurité intérieure des États-Unis.

J'ai passé pas mal de temps aux frontières des États-Unis, quelquefois à ramper sur le ventre, dans le noir, avec une arme à la main, mais aussi pour superviser le déploiement de quelque 8 000 membres de la Garde nationale le long de notre frontière sud-ouest, pendant deux ans.

Je travaille aujourd'hui comme commentateur et analyste pour toutes ces questions. Les États-Unis et le Canada partagent davantage qu'une frontière commune. Nous sommes frères, pas seulement voisins. Nous collaborons déjà largement dans les domaines de l'échange d'information et du renseignement, dans l'établissement de meilleurs mécanismes d'application de la loi et dans la lutte contre les menaces aériennes et maritimes dans le cadre de NORAD, le North American Aerospace Defense Command. C'est le seul commandement vraiment binational que je connaisse au monde, et c'est certainement celui qui fonctionne le mieux, s'il y en a d'autres. Il s'agit d'un effort qui protège l'ensemble du continent, non pas seulement nos deux pays. En nous fondant sur les initiatives en cours et en collaborant étroitement pour assurer la sécurité du périmètre, nous nous efforçons d'améliorer nos efforts communs de lutte contre le terrorisme et de favoriser la sécurité et l'efficience des déplacements et des échanges commerciaux.

La collaboration de nos forces armées n'est pas notre seul lien. La GRC et le FBI sont bien sûr reliés, tout comme le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis et l'Agence des services frontaliers du Canada. En outre, les collectivités situées de part et d'autre de la frontière, d'un bout à l'autre du continent, travaillent en partenariat très régulièrement. Cela dit, nos citoyens et certains de nos dirigeants ont tendance à sous-estimer les défis que pose notre frontière commune. La dimension même de cette frontière et, dans bien des cas, le fait que de vastes segments ne sont pas peuplés, lorsqu'on ajoute à cela les politiques d'ouverture et de protection des libertés civiles qui caractérisent si bien nos deux pays, font que la sécurité aux frontières est une tâche d'une extrême complexité.

Le programme Par-delà la frontière a été une réussite. C'est un modèle de la façon dont deux pays amis, qui défendent chacun leurs intérêts, mais qui ont des convictions communes, peuvent travailler de concert pour leur avantage mutuel. Les quatre principes sur lesquels ce programme est fondé s'appliquent toujours : agir tôt pour éliminer les menaces... En recourant au modèle de défense du périmètre de NORAD, nous devons éliminer les menaces avant qu'elles n'entrent dans nos pays, ce qui est beaucoup plus facile que de les éliminer une fois qu'elles sont ici; faciliter le commerce et la croissance économique, plutôt que de permettre que des mesures de sécurité bien intentionnées ne tuent ces deux activités qui font que nos pays sont si spéciaux; maintenir en collaboration l'application transfrontalière soutenue de la loi; et consolider les infrastructures essentielles et la cybersécurité.

Pour que les progrès se poursuivent, je présente les recommandations suivantes : la première, qui concerne en réalité les États-Unis plutôt que le Canada, consiste à éliminer le contrôle obligatoire des marchandises qui entrent aux États-Unis; c'est franchement impossible à faire, et cela mobilise inutilement une grande quantité de ressources qui pourraient être utilisées ailleurs. Nous devons favoriser l'adoption de politiques communes touchant l'attribution des visas et l'entrée au pays. Nos programmes respectifs doivent être coordonnés de façon transparente. J'ai eu la chance de pouvoir écouter les précédents témoins. De toute évidence, leurs activités ne sont pas aussi coordonnées que nous aimerions tous qu'elles soient. Nous devons mettre à profit les leçons tirées du programme Par-delà la frontière exécuté au Canada et aux États-Unis et continuer à travailler avec le Mexique, qui est de plus en plus attiré par ce programme continental. Nous devons augmenter nos efforts afin d'attirer des investissements privés dans l'infrastructure frontalière. Pas de murs, s'il vous plaît. Nous pouvons appliquer nos technologies dans bien des domaines pour améliorer la sécurité le long de nos frontières respectives.

De plus, nous devons étendre les programmes transfrontaliers d'application de la loi. C'est un effort qui n'a pas de fin. Nous devons augmenter la collaboration afin de lutter contre la cybercriminalité et l'espionnage. C'est un problème qui ne peut que croître, et j'adorerais en parler plus en détail, car il y a une convergence de certains de ces problèmes qui mettent en danger certains efforts de collaboration déjà en place. Essentiellement, nous avons une grille, un système de communication et un Internet. Nous devons vraiment le défendre ensemble, plutôt que chacun de son côté. Nous devons élaborer des programmes binationaux d'intervention en cas de catastrophe à partir des mesures locales déjà en place. Nous devons rejeter toute mesure protectionniste, car cela réduirait notre sécurité au lieu de l'augmenter.

Si nous pouvons poursuivre et étendre nos efforts, nos pays respectifs seront plus sûrs et plus prospères. L'économie, les sociétés et les infrastructures du Canada et des États-Unis sont si étroitement liées que, lorsqu'un pays est menacé, l'autre l'est aussi. La bonne approche à adopter en ce qui concerne les mesures conjointes de sécurité États-Unis—Canada met en relief les liens économiques et diplomatiques qui unissent les deux pays et permet de veiller à ce que l'Amérique du Nord demeure libre, sûre et prospère.

Je remercie encore une fois le comité de m'avoir invité à livrer un témoignage. Je vais répondre avec plaisir à vos questions.

Le président : Nous apprécions que vous ayez pris le temps, malgré votre emploi du temps chargé, de venir à Ottawa pour présenter votre mémoire.

Le sénateur Dallaire : Les inquiétudes en matière de terrorisme concernent surtout notre propre territoire. La menace se trouve déjà à l'intérieur de nos frontières, depuis le 11 septembre, du moins. C'est en soi un monde complètement différent, et nous songeons à construire un mur autour de l'Amérique du Nord pour protéger notre sécurité.

Vous avez utilisé des drones pour suivre des citoyens américains se trouvant à l'étranger. Quel mécanisme utilisez-vous pour traiter le dossier des citoyens américains qui reviennent de zones de conflit et les comparer aux dossiers des immigrants? Est-ce que vous utilisez pour cela un mécanisme particulier?

M. Bucci : Je ne suis pas d'accord pour dire que le problème est surtout à l'intérieur de nos frontières. Il existe encore nombre de groupes et d'organisations, à l'étranger, qui nourrissent envers nous et l'Occident en général une véritable haine. Malheureusement pour vous, on vous met toujours dans le même panier que nous. C'est toujours une menace, et je n'éliminerais pas la composante internationale. S'il y a une grande menace à l'intérieur, c'est que nous comptons tous des populations très diversifiées, des gens de toutes sortes d'origines et, dans certains cas, des gens qui ont encore un lien avec ces groupes.

Pour nous — et pour vous aussi, je crois —, la question relève des forces de l'ordre intérieures. Aux États-Unis, nous laissons cette tâche au FBI. Quand des gens reviennent d'une zone de conflit — et nous accueillons beaucoup de personnes qui reviennent de Somalie, d'Éthiopie et d'autres pays africains, ou encore du Moyen-Orient —, nous les surveillons. Nous nous posons des questions sur leurs activités, lorsqu'ils retournent là-bas. Bien sûr, c'est un système imparfait. Pensons aux frères Tsarnaev, à Boston. Le frère aîné était retourné en Tchétchénie, il a passé du temps là-bas et, de toute évidence, il y a rencontré des gens. Lorsqu'il est revenu, nous l'avions interrogé, mais on avait décidé qu'il ne représentait pas une menace, et son dossier avait été fermé. C'était de toute évidence une erreur.

C'est vraiment un art de savoir comment ils se comporteront à l'avenir, de savoir si nous devons tout simplement les surveiller, les interroger ou prendre une autre mesure. C'est comme au Canada, lorsqu'un citoyen n'a pas commis de crime, il n'y a pas grand-chose que l'on puisse faire pour l'arrêter de manière préventive, on ne peut que tenter de le suivre s'il affiche un comportement quelque peu suspect.

Le sénateur Dallaire : Le programme d'échange de renseignements sur les entrées et les sorties coûte cher. Des représentants de votre organisation ont dit qu'il n'est peut-être pas l'outil le plus efficace. Nous n'avons pas de position en ce qui concerne les sorties, mais nous en discutons. Ne constatez-vous pas une certaine résistance de la part des organismes qui comptent sur des personnes travaillant à l'étranger, par exemple les ONG qui œuvrent dans les zones de conflit? Avez-vous pensé, d'une façon ou d'une autre, à les faire évaluer par les entités qui examinent les gens qui reviennent d'une zone de conflit pour savoir comment ils se sont comportés sur le terrain?

J'ai reçu récemment une récompense de la ville d'Oklahoma, le National Memorial & Museum Reflections of Hope Award, et elle ne m'a pas été remise par quelqu'un de l'extérieur, nous compensons donc l'un pour l'autre dans ce domaine.

M. Bucci : À ma connaissance, nous ne prenons pas de mesures de surveillance additionnelles pour les intervenants des ONG qui reviennent chez eux après avoir travaillé à l'étranger, à moins qu'il n'existe des éléments de preuve précis qui pourraient soulever des préoccupations.

Mais nous ouvrons les yeux lorsqu'une personne fait de multiples voyages dans une zone de conflit. Leur nom va s'afficher sur l'écran radar du FBI, et nous allons examiner ce dossier pour savoir ce que font ces personnes. Nous allons probablement ensuite demander à nos ressources dans ce pays d'essayer de savoir ce que ces personnes faisaient là-bas.

Nous n'avons pas une opinion préconçue selon laquelle les intervenants des ONG sont suspects. Nous les félicitons pour le travail qu'ils font dans la plupart de ces pays, car dans beaucoup de cas, ils se placent en situation de risque lorsqu'ils s'y rendent. Je le répète : en l'absence de tout renseignement précis selon lequel Steve Bucci faisait autre chose que distribuer des repas dans un pays donné, Steve Bucci ne fera pas l'objet d'un examen plus poussé que les autres.

Le sénateur Dallaire : Ils ne sont pas sur le radar.

M. Bucci : Non.

Le sénateur Wells : Le nouveau paradigme, dans le monde d'aujourd'hui, est un commerce plus libre, des investissements ouverts, une circulation transfrontalière des capitaux qui est bienvenue et, bien sûr, les investissements étrangers directs.

Nous faisons tout ce que nous pouvons pour protéger nos frontières terrestres, maritimes et aériennes, mais il existe également une frontière dans le monde virtuel, et je ne suis pas certain si nous la protégeons suffisamment bien. Par rapport aux menaces auxquelles nous faisons face dans le monde virtuel, est-ce que les objectifs de protection de notre sécurité et de libre circulation des capitaux ne sont pas contradictoires? S'ils le sont, que devrions-nous faire pour éliminer cette menace, la prévenir ou l'atténuer?

M. Bucci : Les objectifs de sécurité totale et de commerce totalement libre et ouvert seront toujours contradictoires. L'une des difficultés qui se posent dans des démocraties comme les nôtres, quand on parle de cela, consiste à atteindre l'équilibre entre, d'une part, la responsabilité de protéger le bien-être physique des citoyens et les intérêts du pays et, d'autre part, de respecter les libertés civiles.

Quand on entre dans le monde virtuel, c'est encore plus difficile, car les gens se préoccupent de choses comme la protection des renseignements personnels et de leurs communications. Toutefois, ce sont parfois les mêmes personnes qui diffusent très largement des informations par ces moyens. Elles ne veulent pas que le gouvernement les voie, mais cela ne les dérange pas que tous les autres puissent les voir.

Le problème, c'est que le même raisonnement s'applique lorsqu'une personne ou une entité se fait voler son identité ou est victime d'une atteinte à sa propriété intellectuelle, elle ne comprend pas pourquoi le gouvernement ne l'a pas protégée. Nous demandons au gouvernement d'équilibrer ces deux aspects, et c'est très difficile à faire.

Il est très difficile — presque impossible, franchement — de faire les choses aussi bien qu'on voudrait le faire, et c'est une lutte constante, en particulier dans le monde virtuel, car nos adversaires — qu'il s'agisse de particuliers ou d'organisations criminelles, ou encore d'entreprises ou d'États — font très bien ce qu'ils font. Franchement, il est beaucoup plus facile d'attaquer, que ce soit pour voler des renseignements par l'espionnage ou pour endommager le réseau de quelqu'un; il est beaucoup plus facile de faire cela que de se défendre, surtout quand on a un système comme le nôtre ou comme le vôtre, au Canada, qui est très ouvert.

Le sénateur Wells : Pensez-vous que la collaboration entre le Canada et les États-Unis dans le domaine de la cybersécurité est adéquate? Je parle non pas du niveau de sécurité qui est assuré, mais du niveau de la collaboration entre le Canada et les États-Unis.

M. Bucci : Il y a pas mal de collaboration entre les deux gouvernements, et cette relation est probablement aussi ouverte que celles que nous avons avec d'autres pays. Le problème, c'est que les gouvernements ne sont pas les seuls concernés.

La plus grande partie de l'infrastructure numérique, comme l'infrastructure essentielle dans son ensemble, et en particulier dans des pays comme les nôtres, n'est pas une propriété du gouvernement. Elle appartient au secteur privé. Or, tenter d'unir les efforts du secteur privé à ceux du gouvernement est une tâche beaucoup plus difficile.

Je sais que certaines personnes, dans votre capitale, pensent que la solution consiste tout simplement à établir certains règlements et à imposer des normes en matière de sécurité que tous devraient respecter et qu'en conséquence, tout sera pour le mieux. C'est une façon plutôt naïve de concevoir le fonctionnement du monde virtuel. Quand vous établissez un mécanisme par règlement, tout ce que vous dites aux gens mal intentionnés, c'est ce qu'ils doivent contourner. Une fois qu'ils ont compris ce qu'ils ont à faire, ils peuvent faire tout ce qu'ils veulent.

La réglementation, étant donné le temps qu'il faut pour l'élaborer et la promulguer, avance, au mieux, à pas de tortue. Il est vraiment impossible de réglementer le monde virtuel, qui évolue beaucoup plus vite que tout autre secteur de notre société ou de notre économie.

La réglementation n'est pas la solution. En fait, la réglementation pourrait nous rendre plus vulnérables, car les gens pourraient se dire : « Bon, je respecte la norme du gouvernement; je dois donc être en sécurité. » Nous avons déjà entendu des PDG d'entreprise qui disaient : « Je ne vais pas dépenser de l'argent pour cela. » Ils pourraient maintenant dire : « Écoutez, nous avons dépensé de l'argent pour respecter la norme du gouvernement, nous n'allons pas en faire plus. » En fait, ils restent vulnérables, car c'est un domaine très dynamique. Les gens mal intentionnés sont très motivés, car ils peuvent faire des tonnes d'argent et, s'ils le veulent, ils peuvent faire aussi bien des dommages au nom de leurs idéaux.

Il y a beaucoup de collaboration entre nos deux gouvernements, mais ça ne s'arrête pas là. Il nous reste beaucoup à faire.

Le sénateur White : Si vous m'avez écouté intervenir tout à l'heure, vous savez probablement sur quoi portera ma question. Vous avez parlé de l'amélioration des systèmes biométriques et avez soulevé des doutes quant au caractère approprié de son utilisation. Je crois comprendre que cette question concerne surtout l'identification des personnes et que le fait de savoir qu'il ne s'agit pas de la bonne personne n'est pas une solution, de toute évidence.

J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet, mais aussi sur la question de savoir si les données biométriques nous permettraient de recommencer à comparer certains renseignements — les forces armées des États-Unis ont fait un travail tout à fait spectaculaire pour ce qui est de recueillir des données biométriques sur le terrain — et si elles nous permettraient d'utiliser nos ressources de façon plus ciblée avant que les personnes concernées n'arrivent dans notre pays, de façon à éviter carrément qu'elles n'y viennent.

M. Bucci : Le problème des données biométriques, à notre avis, ce n'est pas qu'elles sont inutiles; elles peuvent être très utiles quand on les utilise. Le problème, pour les États-Unis, du moins — et c'était l'essentiel de notre propos dans les documents que certains d'entre vous ont lus, je crois —, c'est que notre système et nos règlements veulent que l'on recueille des données biométriques, en sus, alors que les informations déjà recueillies ne sont pas utilisées. Pourquoi devrions-nous dépenser des sommes incroyables pour mettre en place des capacités de collecte de données biométriques, ou pour améliorer les nouvelles capacités que nous avons déjà, si on ne fait rien avec ces données?

Ce que nous voulons faire comprendre, c'est que nous devons mettre au point notre système d'immigration et de naturalisation, que nous devrions faire de petites choses : par exemple, lorsque le visa d'un étudiant expire, il faudrait que quelqu'un s'en occupe, aille le voir et lui dise : « Hé, Bucci, retourne chez toi. » Mais nous ne le faisons pas. Si M. Bucci abandonne ses études après deux ans d'un programme de quatre ans, et que c'est pour ce programme qu'il avait reçu un visa, l'établissement d'enseignement n'est pas vraiment tenu de le dire à qui que ce soit.

Tant que nous n'aurons pas réglé tous ces petits problèmes de notre système, le fait d'ajouter davantage de données au grand volume de données que nous possédons déjà ne va pas nécessairement nous aider.

Nous ne sommes pas résolument contre la collecte de données biométriques. Je suis pour. Ce que les militaires ont fait en Irak et en Afghanistan, c'était très utile, là-bas, car là-bas, ils prennent des mesures pour utiliser ces informations dans le but d'arrêter les gens mal intentionnés. Toutefois, tant que nous n'aurons pas mis de l'ordre dans nos règlements et nos politiques en matière d'immigration, la collecte de toutes ces données est un gaspillage d'argent. Selon nous, il vaudrait mieux qu'ils s'occupent de régler les problèmes du système et qu'ils écoutent les témoignages et les questions que vous posez, et qu'ils vous disent : « D'accord, vous recueillez donc des données au sujet de tout le monde et vous les comparez à celles concernant les autres Canadiens et les gens qui ont commis des crimes ici, mais vous ne les comparez pas aux données sur les terroristes et sur les gens que nous nous efforçons de tenir à l'écart. »

Nos deux pays ont été fondés par des immigrants. Je suis petit-fils d'immigrants. Mes quatre grands-parents ont immigré en Amérique. Nos deux pays sont prospères à cause de cela, mais il s'agissait d'immigrants légaux, qui sont venus ici, ont travaillé et ont respecté les règles, et il n'était pas toujours agréable de respecter les règles, mais c'est ce qu'ils ont fait. Et c'est pourquoi nos pays ont prospéré.

Si nous adoptons des règlements, nous devons les faire appliquer. Si des gens violent le règlement, nous devons les expulser et les renvoyer chez eux. Chez nous, cela suppose de toute évidence une grosse bataille. Certains de nos législateurs ont lancé une démarche visant à mettre au point une grande idée. En même temps, nous diminuons d'environ 25 p. 100 les ressources militaires. On veut adopter un règlement qui permettra aux immigrants illégaux de s'enrôler dans l'armée et, par le fait même, d'obtenir plus rapidement la citoyenneté.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais, à mon avis, cela ne tient pas debout. Je n'ai pas le droit de commenter des lois, alors je ne le ferai pas. Mais ce concept de laisser entrer des gens — des gens qui ont sciemment violé nos lois, chose qui devrait les empêcher d'entrer dans l'armée —, puis de leur offrir un accès rapide à la citoyenneté alors qu'on expulse des gens qui ont déjà servi en temps de guerre, cela ne tient pas vraiment debout. Nous avons beaucoup de règlements du même type à démêler, et, à la lumière des témoignages du groupe précédent, il me semble que vous êtes dans la même situation.

Le sénateur White : Merci pour votre réponse. Plus de 80 p. 100 de notre population vit à moins d'une heure de la frontière dont vous parlez. Les relations que nous entretenons sont plus que spectaculaires, elles sont extraordinaires. J'avancerais que vous l'avez probablement déjà fait, mais pourriez-vous nous faire part de vos réflexions relativement à l'importance d'un périmètre de sécurité nord-américain en vertu duquel nos frontières communes seraient plus ouvertes, mais la protection des frontières extérieures serait plus stricte et rigoureuse, chose qui reposerait non seulement sur la collaboration, mais peut-être aussi sur l'adoption d'une stratégie et de politiques communes.

M. Bucci : C'est absolument essentiel pour la sécurité de nos deux pays. Ce serait en quelque sorte du gaspillage, étant donné le type de relation et les liens culturels et historiques qui unissent les États-Unis et le Canada, que de ne pas faire ce que vous venez de décrire. Nous le faisons déjà, jusqu'à un certain point. Il est beaucoup plus facile pour moi de venir ici à Ottawa, en avion, ou de traverser la frontière en automobile — je possède une maison dans le Nord du Michigan — que de me rendre dans un autre pays par avion. C'est la frontière la plus facile du monde à traverser, mais elle devrait être complètement ouverte. Elle devrait s'appuyer sur la sécurité du périmètre. Ce devrait être aussi facile que lorsque je me rends en automobile de la Virginie au Maryland. Nous n'en sommes pas tout à fait là encore. Je ne sais pas si nous y arriverons jamais. Je crois que nos diverses institutions fédérales, nos organismes d'application de loi et nos autorités d'immigration, vont dans cette direction, et j'espère qu'elles vont accélérer le pas. J'ai lu dans votre journal, ce matin, un article concernant la partie américaine du pont entre Détroit et Windsor. Je trouve absurde que les États-Unis ne fassent pas leur part dans ce chantier. Je vais parler à quelques-uns de mes amis qui s'occupent de ce volet de notre politique. Je ne le fais pas en pensant à la postérité : je trouve cela honteux.

Le sénateur Dagenais : Pourriez-vous s'il vous plaît parler du défi que représente pour les États-Unis la tâche d'identifier les gens qui ne devraient pas avoir le droit d'entrer aux États-Unis et de les renvoyer?

M. Bucci : Le principal défi, sénateur, a trait au fait que, à l'heure actuelle, le pouvoir exécutif dit à nos gens des Douanes et de la Protection des frontières qu'ils ne pouvaient renvoyer certaines catégories de personnes. Il leur a ordonné de ne pas appliquer notre loi fédérale. Ils ont aussi pris toute une gamme de mesures qui nuisent aux États situés le long de la frontière — pas la frontière nord, mais la frontière sud — qui les empêchent d'appliquer ses propres lois. Cela constitue un problème.

Nous devons soit changer les lois, soit appliquer les lois en vigueur.

Je crois que le principal problème, aujourd'hui, est une sorte de débat interne qui se déroule aux États-Unis sur la question de savoir qui nous devons renvoyer et qui nous devons accepter. J'avais l'habitude de dire aux gens que, s'ils voulaient vraiment avoir une opinion nuancée et très bien articulée sur l'immigration illégale et les déplacements transfrontaliers des personnes, ils devraient parler aux agents des Douanes et de la Protection des frontières, des gens de 25 à 30 ans qui travaillent le long de la frontière sud-ouest. Ce sont ces hommes et ces femmes qui font face à ces problèmes, tous les jours, et qui le font avec une gentillesse tout simplement extraordinaire, vu le fait qu'ils doivent traiter avec des gens assez rudes à la frontière. La majorité des gens avec qui ils font affaire sont des gens bien qui cherchent tout simplement une meilleure vie, mais il y a aussi parmi eux un très grand nombre de personnes mal intentionnées.

Notre plus gros problème, c'est qu'il y a des tas de gens dans le monde qui veulent venir aux États-Unis et au Canada pour les meilleures raisons qui soient, pour toutes les raisons qui font que nous sommes fiers d'être citoyens de nos pays respectifs. Le problème, c'est qu'il y a parmi eux d'autres types de personnes. C'est pour cette raison que nous avons adopté nos lois. Or, la meilleure façon de permettre aux bonnes gens de venir ici, c'est d'appliquer les lois, de façon à pouvoir attraper davantage de gens mal intentionnés plutôt que de détourner le regard. C'est comme cela que nous permettons aux gens mal intentionnés de venir ici et de gâcher le système pour tout le monde.

Notre plus gros problème, sénateur, c'est de faire en sorte que le pouvoir exécutif permette à ses propres agents d'exécution de la loi d'appliquer les lois promulguées par notre Congrès.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup, monsieur Bucci. Je suis on ne peut plus d'accord avec chaque mot que vous avez prononcé aujourd'hui. Merci de nous avoir fait profiter de votre vaste expérience et connaissance de ce dossier.

Je me demande si vous pourriez répondre à la question que j'ai posée aux témoins précédents. Vous pourriez peut-être nous apprendre quelque chose. Avez-vous pris des mesures pour limiter le nombre d'immigrants venant de pays qui soutiennent carrément et ouvertement le terrorisme?

M. Bucci : Nous en avons pris, en effet, mais pas dans la mesure qui s'imposerait, à mon avis. Je crois que cela encouragerait énormément certains de ces gouvernements, si nous pouvions réduire leur capacité d'envoyer des gens dans notre pays pour qu'ils ne soutiennent plus le terrorisme. L'Iran, par exemple, est un ennemi implacable de mon pays, et pourtant, nous permettons quand même à des Iraniens d'immigrer. Cela pourrait les motiver un peu. Mais probablement pas tant que cela. Certains autres pays — l'Arabie saoudite, le Pakistan et d'autres pays qui se disent nos amis — ont un peu de difficulté à faire régner l'ordre chez eux, en ce qui concerne le soutien au terrorisme, et il y a beaucoup de gens, au sein de leur gouvernement ou parmi leurs citoyens, qui soutiennent des organismes terroristes financièrement ou grâce à d'autres réseaux d'affaires auxquels ils participent. Si nous augmentions un peu la pression sur ces pays, quant à l'entrée des immigrants, cela les ferait réfléchir. Ils aiment envoyer leurs enfants dans nos écoles. Ils aiment pouvoir venir ici faire des affaires. C'est un levier que nous n'utilisons pas assez. Pour certaines personnes — comme je dis toujours, pour les citoyens des Iran du monde entier —, il est assez difficile de venir ici, et nous passons au crible les gens qui viennent ici. Nous venons de vivre récemment l'affaire de l'ambassadeur aux Nations Unies que l'Iran voulait nommer, un homme qui avait participé à la prise d'otages à l'ambassade, chose pour laquelle nous vous sommes encore reconnaissants, en passant. Merci beaucoup. Nous assurons un suivi de la situation. Nous assurons une surveillance, mais nous devons entretenir des relations avec tous les pays du monde.

Il serait utile d'utiliser ce levier qu'est l'approbation des demandes d'immigration, et je crois que nous ne l'utilisons pas autant que nous le devrions. Nous devrions nous en servir un peu plus.

La sénatrice Beyak : Pour donner suite aux préoccupations exprimées par le sénateur Dallaire, plus tôt, sur le terrorisme intérieur, nous avons eu ici une affaire dont vous avez probablement déjà entendu parler, un Canadien d'origine pakistanaise qui a mis sur pied un groupe terroriste. Que font les États-Unis pour régler ce problème?

M. Bucci : Cela s'apparente à la menace intérieure liée à la cybersécurité. Une personne qui se trouve à l'intérieur de nos frontières — elle se trouve ici, au Canada, ou aux États-Unis —, et c'est particulièrement vrai si elle a déjà obtenu sa citoyenneté, dispose d'une très grande liberté et jouit d'une très grande marge de manœuvre qui lui permet de faire toutes sortes de choses. Nous ne voulons pas que nos citoyens perdent cette liberté, même si, à l'occasion, ils deviennent mauvais. La seule façon dont nous pouvons réagir est de continuer l'échange de renseignements entre nos organismes d'application de la loi, qui, malgré ce que certaines personnes croient, prennent toute une gamme de précautions quant aux types de renseignements qu'ils échangent et à la façon de les échanger et de les conserver. Aucun de nos États ne saurait être assimilé à un État policier. Les gens aiment parfois dire que c'est le cas, mais c'est faux. Les autorités policières font vraiment très attention à toutes nos libertés civiles. Dans une situation comme celle-là, il n'y a pas vraiment de solution parfaite. Il peut arriver qu'une personne qui a eu le privilège de devenir citoyen d'un de nos deux pays poursuive un autre projet. Elle a peut-être élaboré ce second projet après avoir obtenu sa citoyenneté ou, dans certains cas, cette personne peut n'avoir aucun lien avec un autre pays et peut être née chez nous, je pense par exemple à Anwar al-Awlaki. Il est né aux États-Unis. À mon avis, il a renoncé à la protection que lui assurait cette citoyenneté lorsqu'il est entré en guerre avec les États-Unis. Je vous le dis, si jamais je l'avais rencontré sur un champ de bataille, je n'aurais pas demandé à voir sa carte de citoyenneté; j'aurais tiré sur lui. Il était peut-être un philosophe, sur Internet, mais il a réussi à radicaliser le psychologue militaire Nidal Hasan, qui a ensuite commis un acte de terrorisme; il ne s'agissait pas d'un acte de violence en milieu de travail... N'en déplaise à l'armée des États-Unis, dont je suis un fier vétéran, mais cela m'a embarrassé. M. al-Awlaki ne mérite plus la protection que lui confère sa citoyenneté lorsqu'il se bat contre les États-Unis d'Amérique, dans le cadre d'une guerre, à partir d'un autre pays. Le fait qu'il a été atteint par un missile ne me dérange pas du tout. S'il s'était trouvé aux États-Unis ou dans un pays comme le Canada, où les forces de l'ordre coopéreraient, nous aurions été le voir, nous aurions cogné à sa porte, accompagnés de la police, nous l'aurions arrêté, nous lui aurions lu ses droits et nous l'aurions pris de cette manière. Au Yémen, cela n'était pas possible, alors nous avons utilisé d'autres moyens. Tout ne vous est pas dû parce que vous êtes né dans un certain pays, si par la suite vous entrez en guerre contre ce pays.

Le président : J'aimerais parler de la question des données biométriques par rapport au profilage biographique. Vous avez parlé d'un rapport dont vous êtes le coauteur et dans lequel vous demandez qu'on accorde davantage d'importance à ce que vous appelez le profilage biographique plutôt qu'aux données biométriques. Vous donnez entre autres motifs celui du coût; vous parlez aussi de sa réelle efficacité.

J'aimerais en apprendre davantage à ce sujet, parce que c'est l'un des sujets que nous étudions, en tant que comité, à savoir les renseignements fournis au sujet d'une personne avant son arrivée au Canada plutôt qu'après qu'elle soit entrée au pays.

M. Bucci : Les données biographiques, ce sont les renseignements traditionnellement recueillis et analysés. Nous explorons les antécédents d'une personne, nous cherchons à savoir qui elle a fréquenté et quels pays elle a visités. Nous analysons ces renseignements et nous déterminons ainsi si cette personne devrait avoir le droit d'entrer au pays et, le cas échéant, si elle devrait faire l'objet d'un examen plus poussé que d'autres personnes entrant au pays.

Les données biométriques, même si elles sont très utiles quand on veut repérer une personne qu'on connaît déjà, en raison de leur coût et de l'infrastructure supplémentaire qu'il faut acquérir et mettre en place pour les recueillir et les utiliser correctement, et compte tenu des autres problèmes des systèmes américains liés aux politiques et aux procédures, ne sont pas un investissement valable de temps et d'énergie pour régler le problème. Les avantages supplémentaires — il y a des avantages supplémentaires, ne vous méprenez pas sur ce que je dis — liés à l'ajout de ces données biométriques et à leur utilisation ne justifient ni l'énergie ni les coûts consacrés à leur collecte, puisque nous n'avons pas utilisé pleinement les données que nous recueillions déjà par le truchement de la surveillance classique axée sur la biographie.

Je sais qu'il y a matière à débat ici. Aujourd'hui, comme nos deux pays ne sont pas en aussi bonne situation financière qu'ils l'ont déjà été, l'argument devient pas mal convaincant lorsqu'il faut faire des compromis au chapitre des dépenses et des efforts. Nous pourrions augmenter beaucoup plus rapidement notre efficacité tout simplement en corrigeant les systèmes que nous avons déjà et en les utilisant plus efficacement plutôt qu'en ajoutant des capacités de collecte de données.

L'autre aspect qui, à mon avis, n'est pas pertinent concerne la peur — parfois irrationnelle — des gens au sujet de la collecte de données. Dans le sillage de l'affaire Snowden, il y a aux États-Unis des gens qui vont devenir complètement dingues si nous leur disons que nous allons commencer à recueillir les empreintes rétiniennes et digitales de tout le monde. Les gens se souviennent des films qu'ils ont vus, et tout cela les rend nerveux. Du point de vue politique, je ne suis pas sûr que cela vaudrait la peine, pour le gouvernement, de faire ces dépenses supplémentaires pour se lancer à la va-comme-je-te-pousse sur ce terrain-là.

Le sénateur Dallaire : Il y a quelque chose qui cloche dans tout cet exercice. Comme vous le dites, il est assez facile de traverser la frontière qui sépare nos deux pays, et pourtant, nous venons de dépenser un milliard de dollars pour armer nos patrouilles frontalières. Je ne sais pas pourquoi nous l'avons fait, mais nous l'avons fait.

Je viens de revenir d'Allemagne, en passant par la Hollande, et je n'ai pas vu d'agents à la frontière. Je n'en ai vu qu'à mon arrivée au Canada.

Je crois que le paradoxe — et vous en avez parlé — tient davantage aux lois ou à l'orientation donnée par l'exécutif qu'aux lois qui s'appliquent lorsque ces gens sont entrés au pays. C'est bien beau de dire que nous devons nettoyer le système, une fois que ces gens sont entrés, afin de savoir où ils se trouvent ou s'ils ont prolongé indûment leur séjour, et, peut-être, surveiller ce qu'ils font, mais qu'en pensez-vous? Nous sommes un vaste pays, relativement peu peuplé. Tout cet exercice a commencé parce que nous pensions qu'il y avait 40 000 personnes qui font du mal dans notre pays et qui ne sont aucunement liées. Que faisons-nous? Mon point, le voici : comment pouvons-nous dissocier la frontière de ce qui se passe derrière la frontière? C'est bien beau de dire que c'est au FBI de faire ce travail, mais cela n'a aucun sens si les agents aux frontières laissent passer les gens et qu'ils ne font pas de suivi. Où doit-on tracer la ligne?

M. Bucci : Pour commencer, il faudrait que d'autres personnes assurent le suivi. On devrait faire une vérification plus serrée aux frontières le long du périmètre du continent. Si nous en arrivions au point où le niveau de la vérification nous rassurait suffisamment, nous pourrions mettre en œuvre le processus mentionné plus tôt, touchant la baisse du niveau d'efforts consacré à la frontière entre nos deux pays.

Le principal problème, c'est que deux des pays les plus ouverts de la planète sont situés l'un à côté de l'autre. De plus, pour beaucoup de personnes partout dans le monde, ce sont les pays les plus attirants. Elles veulent toutes venir ici. Malheureusement, il y a aussi beaucoup de mauvaises personnes qui veulent tirer profit de notre ouverture. Nos gouvernements respectifs doivent trouver le juste équilibre entre cette ouverture et la liberté que nous aimons et chérissons tous et une sécurité suffisante.

Je suis d'accord avec vous : lorsqu'on voyage partout en Europe, on ne voit pas beaucoup de responsables de la sécurité. Si on visite leurs aéroports, cependant, il y a plus de personnel de sécurité là depuis 20 ans qu'il y en a dans les nôtres, et ce, même depuis le 11 septembre. On ne voit pas beaucoup de blindés qui se promènent autour de l'aéroport d'Ottawa — du moins, s'il y en a, je ne les ai pas vus. Il y en a partout en Europe. Ils reconnaissent qu'il y a des menaces. Ce n'est peut-être pas assimilable à un Français qui se rend en Hollande, mais ils surveillent d'autres personnes dans leur pays et autour. J'aimerais aussi faire valoir que, à part l'histrionisme européen, en général, les Européens réalisent beaucoup plus d'activités de surveillance et de sécurité à l'intérieur de leurs frontières que nos deux pays peuvent l'imaginer, même malgré l'affaire Snowden. Ils surveillent beaucoup plus leurs citoyens que nous le faisons. Ils doivent le faire.

Prenons le Royaume-Uni. Si l'un de nos pays avait essayé d'accorder à une agence le genre de pouvoir dont bénéficie le MI5, ce serait la folie ici. Et malgré tout, il n'arrive tout de même pas à contrôler ses communautés immigrantes. Ce sont des foyers d'activités très dangereuses. Je ne dis pas que, s'il ne mettait pas en place ce genre de mesures de sécurité, tout serait parfait — c'est un peu comme la poule ou l'œuf —, mais, sénateur, je comprends ce que vous dites. J'aimerais bien qu'on n'ait pas à poster des gardes armés à nos frontières. Je ne crois pas que les agents armés à la frontière canadienne sont là pour protéger le Canada contre le citoyen américain moyen. Je crois qu'ils sont là pour protéger les Canadiens contre des personnes qui entrent dans notre pays avec de mauvaises intentions et qui s'imaginent qu'il sera peut-être plus facile pour elles d'y réaliser leurs desseins, de venir ici pour se procurer certaines choses. Il s'agit d'une frontière très perméable. Elle n'est pas totalement ouverte, mais il y a de mauvaises personnes dans les deux pays.

Le sénateur Dallaire : Les gars à la frontière, c'est une chose; c'est ce qu'il y a derrière eux qui m'intéresse vraiment. J'aurais aimé que vous puissiez me donner des faits plus solides sur l'identité des intervenants qui devraient se lancer à la poursuite des personnes dont nous avons perdu la trace.

Cela m'amène à parler de l'exercice sur les entrées et les sorties. Pouvez-vous nous dire si cette initiative liée aux données biométriques en vaut la peine?

Colonel, vous avez bien servi, j'en suis sûr. Vous faisiez partie des Forces spéciales, à Tampa. J'imagine que vous avez été affecté là-bas à un moment donné.

M. Bucci : J'ai passé beaucoup de temps à Fort Bragg.

Le sénateur Dallaire : Espérons que vous avez toujours atterri sur vos pieds.

M. Bucci : En effet, la plupart du temps.

Le sénateur Dallaire : En matière cybernétique, ma seule question est la suivante : est-ce que Google pourrait devenir incontrôlable?

M. Bucci : Est-ce qu'ils pourraient? Absolument. C'est peu probable, parce que tout ce que l'entreprise veut, c'est faire beaucoup d'argent. Elle procède à une surveillance et à une analyse plus efficaces de ses activités que nous, au sein du gouvernement. Je ne sais pas combien d'entre vous avez des comptes Gmail — j'en ai un —, mais ça donne la chair de poule. Lorsque je reçois un courriel de mon pasteur, soudainement, toutes mes publicités concernent des organisations chrétiennes. Je reçois un courriel d'un collègue, au travail, et, soudainement, les annonces concernent une maîtrise en études internationales. C'est instantané, et l'algorithme ne tient pas seulement compte des métadonnées. Le contenu des courriels est analysé.

Nous n'avons jamais fait cela. Alors, oui, les entreprises commerciales procèdent à une surveillance beaucoup plus intrusive aujourd'hui que les gouvernements sur notre continent. Peut-être que quelques gouvernements ailleurs le font davantage.

Ils pourraient devenir incontrôlables. C'est peu probable, parce que ce sont de bons vieux capitalistes qui ne cherchent qu'à continuer à faire de l'argent. Et ils en font vraiment beaucoup. Ce qui est beaucoup plus susceptible de se produire, ce serait que des entreprises comme Google et Amazon accélèrent le rythme des percées technologiques, qui deviendra beaucoup plus rapide que nous le voudrions. Mon épouse est dans tous ses états lorsqu'elle entend parler des drones d'Amazon qui pourront livrer des paquets. Je lui dis que si elle pense que cela ne va pas se produire, elle rêve en couleurs. Mais cela se produira, et sans aucun doute plus rapidement que ce que nous aurions aimé, mais on ne peut pas arrêter le mouvement.

Actuellement, Google est une puissance internationale, et sa position va probablement se renforcer. Je ne crois pas que ce sont de mauvaises personnes, mais elles font beaucoup d'argent.

Le sénateur Dallaire : Et personne ne les a à l'œil?

Le président : J'aimerais revenir à la question de ce qui se passe à l'extérieur de nos frontières afin que l'on puisse se comparer, peut-être, en ce qui concerne notre expérience, avec le gouvernement américain. C'est lié à ce que disait le sénateur White, qui ramène constamment le sujet de l'accès à des renseignements internationaux sur certaines personnes au sujet desquelles, pour une raison ou une autre, certains pays ont des renseignements que d'autres n'ont pas.

En ce qui concerne le système d'immigration et le contrôle qui est effectué dans d'autres pays lorsque des personnes présentent des demandes pour entrer aux États-Unis, est-ce que le nom de ces personnes s'ajoute instantanément dans une banque de données afin qu'on puisse l'examiner dans le but de déterminer s'il y a des avertissements à leur sujet, de façon à ce que l'agent responsable des visas puisse immédiatement savoir qu'on a des motifs d'examiner de plus près tel ou tel dossier?

M. Bucci : Non, monsieur, cela ne se fait pas.

Le président : Et pourquoi pas?

M. Bucci : C'est principalement parce que le gouvernement n'est vraiment pas un aussi gros utilisateur de grands ensembles de données et que cela susciterait des craintes. Les intervenants du secteur commercial le font très bien. Mais je sais qu'il y a de nombreuses bases de données uniquement au sein du gouvernement des États-Unis... Lorsqu'on commence à ajouter tous les gouvernements de nos alliés, ça en fait beaucoup. Il faudrait qu'elles soient toutes interreliées et intégrées. Lorsque le nom Bucci est balayé à l'aéroport, il faudrait que, à tout le moins, tous les endroits où j'envisage d'aller et tous les endroits autour reçoivent une alerte selon laquelle Bucci prend un avion... Il faudrait aussi déterminer s'il y a des renseignements sur moi dans l'une des bases de données qu'il faut savoir. Ce n'est pas le cas.

Même après le 11 septembre, le rapport de la commission du 11 septembre a indiqué qu'il y avait beaucoup trop de domaines d'excellence cloisonnés, trop de cloisonnements de l'information, comme nous le disons aux États-Unis. Même si les choses se sont améliorées depuis, l'intégration n'est toujours pas aussi poussée qu'elle le devrait.

L'analyse de grands ensembles de données permet de faire des choses incroyables, et ce n'est pas uniquement « le début de la fin », comme les gens se plaisent à dire. C'est uniquement un outil que l'on peut utiliser afin que les responsables de l'application de la loi et de la sécurité puissent surveiller les méchants. Je crains que l'aspect le plus négatif des révélations de Snowden, c'est qu'il a fait vraiment craindre à beaucoup, beaucoup de personnes que le gouvernement était devenu incontrôlable. On va donc tenter de mettre au rancart toutes ces merveilleuses capacités numériques auxquelles nous avons accès. Une bonne partie de ces outils sont très bons, et ils pourraient nous aider à renforcer la sécurité tout en assurant l'anonymat et la protection des gens. Prenons le commentaire que ce monsieur a fait au sujet des empreintes digitales transférées dans la base de données américaine. Si les empreintes ne déclenchent pas une alerte, elles disparaissent, tout simplement. On peut mettre en place beaucoup de mesures de protection de cette façon afin de ne pas créer un Big Brother mondial qui supplanterait les différents Big Brothers nationaux.

On peut intégrer ces mesures dans ce système, mais le fait que les gouvernements sont déjà, pour commencer, sous-financés — et je sais que cela peut sembler étrange, surtout venant d'une personne de Washington, où rien n'est sous-financé... Les gouvernements ne font pas vraiment du très bon travail lorsqu'il est question de ce genre d'information et de capacité. Le gouvernement américain a déjà été le chef de file de ce type de technologies. C'était au début d'Internet, des super ordinateurs et de tout cela. Et maintenant, on est malheureusement loin derrière.

Le secteur privé a pris beaucoup d'avance, et il faut vraiment s'assurer qu'il puisse aider les gouvernements à utiliser les données que nous possédons. Si nous réussissons à assurer ce genre d'intégration, alors la collecte de données biométriques pourrait être un très bon investissement. Je ne sais pas combien de temps il nous faudra pour obtenir ce type d'intégration. J'imagine que, si nous embauchons quelqu'un qui serait responsable de le faire, je n'embaucherais pas Huawei... Je sais que c'est un problème ici, au Canada. C'est un énorme problème actuellement.

Pardonnez-moi pour cette longue réponse, mais, non, l'intégration n'est pas aussi étendue qu'elle le devrait entre toutes ces bases de données, même au sein des différents pays, et encore moins d'un pays à l'autre.

Le sénateur White : Vous avez parlé des systèmes américain et canadien, mais je ne crois pas me tromper en disant que, lorsque quelqu'un est interdit de territoire et qu'il arrive à New York, il ne peut pas rester. Il est expulsé du pays dans le prochain vol. Lorsque quelqu'un qui est interdit de territoire arrive à Toronto, on lui dit en fait de retourner d'où il vient dans quelques jours et il peut rester. C'est exact?

M. Bucci : C'est ce que j'en comprends.

Je n'attribuerais pas autant de mérite que vous le faites aux Américains. Si quelqu'un descend d'un avion, ils le gardent en détention. Si la personne arrive à la frontière, disons, au Texas, très souvent, elle n'est pas détenue. Les responsables se font dire de la laisser partir. Nous avons le même genre de système. Nous leur disons de revenir dans deux ou trois jours après l'examen de leur dossier. Laissez-moi vous dire que, si c'est une bonne personne, elle reviendra. Et si ce n'est pas le cas, on ne la reverra plus. Elle ne reviendra pas simplement parce qu'on lui a dit : « Nous savons qui tu es, et nous t'attraperons. » Elle va disparaître. Les systèmes des deux pays sont déficients.

Le sénateur White : Nos deux pays n'ont pas compris.

Le sénateur Dallaire : Encore une fois, faut-il mettre en place une stratégie touchant les sorties et procéder à une dotation en conséquence? Nous avons un processus à l'entrée, mais pas à la sortie. Devrait-on renforcer le système?

M. Bucci : Nous devrions mettre en place un processus de sortie.

Le sénateur Dallaire : Entre nos deux pays?

M. Bucci : Oui, monsieur, nous devrions le faire, mais nous ne le faisons pas. Ce serait cependant un pas dans la bonne direction.

Encore une fois, je ne crois pas que la solution soit uniquement de le faire grâce à des données biométriques. Nous devons trouver les personnes qui restent trop longtemps et celles dont les motifs peuvent être remis en question à ce moment. Nous découvrirons peut-être qu'elles n'ont rien fait de mal et qu'elles ont tout simplement oublié de renouveler leurs documents. Nos systèmes sont suffisamment souples pour que nous puissions rajuster le tir pour ces personnes qui ont fait une erreur de bonne foi. Le problème, c'est qu'il y a beaucoup de personnes qui tirent profit de nos systèmes respectifs et qui restent illégalement. Nos deux pays sont fondés sur la primauté du droit, et nous devons donc faire respecter les lois. Si nous n'aimons plus cette loi, il faut la changer, et non pas simplement en faire fi.

Le sénateur Dallaire : Compte tenu des nombreux soldats qui ont servi dans certains théâtres d'opérations très compliqués où les combats n'ont plus rien de classique, comme vous le savez, y a-t-il eu une augmentation du nombre d'anciens combattants qui affichent des comportements problématiques à leur retour dans la collectivité, notamment l'utilisation d'armes, qui sont si prévalentes dans votre pays?

M. Bucci : On n'a toujours pas déterminé, sénateur, si l'apparente augmentation des statistiques touchant les suicides et d'autres problèmes est liée directement aux expériences de combat — qui influencent très certainement quelque chose qui déclenche des comportements chez certaines personnes — ni quelle partie des réactions s'explique par le fait que certaines personnes avaient peut-être déjà un certain niveau de problème. Vous savez, nous avons réduit nos critères d'enrôlement, et des personnes qui avaient des problèmes ont pu se joindre aux forces, et cela s'est ajouté à ce qu'ils ont vécu au combat. Je maintiens tout de même que la grande majorité des anciens combattants reviennent... Quand je suis revenu d'Irak, chaque fois que quelqu'un fermait violemment la porte d'un véhicule, je sursautais, parce que le bruit était semblable à celui d'un mortier tiré de l'autre côté d'un immeuble.

J'ai aussi passé par les passages inférieurs pour voir s'il y avait quelqu'un là pendant deux ou trois semaines après mon retour. Mais, une fois que cela a été passé, mon intégration s'est bien poursuivie. La grande majorité des anciens combattants de nos deux pays vivent la même chose.

Pour ce qui est de l'utilisation excessive des armes, l'incident de Nidal Hasan était un événement terroriste. Ce n'était pas un ancien combattant qui avait perdu les pédales. Il n'avait encore jamais servi à l'étranger. L'auteur de l'autre fusillade à Fort Hood avait en fait été en Irak, mais tout ce qu'il avait fait, c'est conduire des camions pendant quatre mois à la fin de la guerre. Il n'avait jamais essuyé de feu ennemi, alors on peut difficilement attribuer son problème à cela. Je ne sais pas quel était le problème. Quelque chose l'a mis en colère et il a perdu la tête. L'opinion de certaines personnes dans notre pays selon laquelle il faudrait simplement armer tous ceux qui se trouvent dans un poste militaire est un peu folle. Ce n'est pas une bonne idée.

Je crois que le respect de règles responsables en matière de manipulation d'armes à feu est important pour tout le monde, pas seulement pour les anciens combattants. J'aime rappeler aux gens que les militaires ne sont pas tous des Jason Bourne. On ne les forme pas afin qu'ils puissent tirer une mouche entre les yeux à 500 verges. La plupart d'entre eux n'ont quasiment jamais manipulé une arme, ou ils ont touché des armes qui ne ressemblent pas du tout à un pistolet, parce qu'ils manipulaient des pièces d'artillerie ou pilotaient des avions ou de ce genre de choses.

Il faut être responsable au sujet de ces choses, mais je crois qu'il faut faire plus de recherches sur l'impact de la dernière décennie de combats sur nos anciens combattants.

Le sénateur Dallaire : Votre épouse croit-elle aussi que vous êtes revenu à la maison?

M. Bucci : Oui. Mon épouse est infirmière, alors elle me surveille tout le temps.

Le président : Avant de conclure, j'aimerais revenir sur la question du sénateur White ainsi que la mienne. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

D'après ce que j'en comprends, il y a un ensemble de renseignements de base qui est accessible. Cet ensemble n'est peut-être pas parfait, mais il réunit ce qu'on appelle le Groupe des cinq — ce n'est pas seulement les États-Unis. Cette base de données contient des renseignements sur les personnes dont le caractère fait en sorte que nous les considérons comme indésirables d'une façon ou d'une autre.

Ne serait-il pas avantageux pour le Canada et les États-Unis d'exiger que le nom de toutes les personnes qui présentent une demande pour entrer dans nos pays, au moment où la demande est présentée, soit analysé en fonction de cette banque de données, tout en s'assurant, bien sûr, de protéger les renseignements personnels? On pourrait alors confirmer qu'il n'y a pas de problèmes d'entrée de jeu?

M. Bucci : Absolument, monsieur le président. Ça ne fait aucun doute. Il y a beaucoup de bases de données différentes que l'on peut examiner. Il y a la liste des personnes interdites de vol, la liste des grands terroristes et plein d'autres bases de données entre les deux. Il faut mettre sur pied une base de données qui contient le nom des personnes dont la demande d'immigration serait préoccupante, et dans le cadre du programme du Groupe des cinq, les noms de ces demandeurs seraient comparés à ceux figurant dans la liste. Cela ne signifie pas qu'il faut donner aux autres pays ces noms. Il faut simplement procéder à une vérification. Si le nom de Bucci sort, alors les responsables de l'immigration sauront qu'ils doivent parler à ce dénommé Bucci avant qu'il débarque de l'avion.

Le président : Je tiens à remercier notre témoin d'être venu aujourd'hui. J'apprécie le fait que vous soyez venu d'aussi loin. Nous poursuivrons votre témoignage lorsque nous en serons à notre rapport.

Le 12 décembre 2013, le Sénat a adopté l'ordre de renvoi suivant :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à examiner, dans le but d'en faire rapport, la situation des relations internationales du Canada en matière de sécurité et de défense, notamment ses relations avec les États-Unis, l'OTAN et NORAD.

Que le comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 31 décembre 2014 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions pendant 90 jours après le dépôt de son rapport final.

Nous poursuivons notre étude de la défense antimissile balistiques. Nous sommes ravis d'accueillir le lieutenant-général à la retraite George Macdonald. Le lieutenant-général Macdonald a servi pendant 38 ans au sein des Forces canadiennes. Il a été vice-chef d'état-major de la Défense de 2001 à 2004, après avoir servi pendant trois ans à titre de commandant en chef adjoint de NORAD. Il a par la suite occupé de nombreux postes de leadership, à Ottawa et au sein des forces de l'OTAN en Allemagne et en Norvège ainsi que pour NORAD. Il a été directeur des opérations du Secrétariat pour la politique étrangère et la défense du Bureau du Conseil privé.

Il est actuellement associé principal chez CFN Consultants, une société d'experts-conseils spécialisée dans la défense et les questions de sécurité. Il a écrit des articles sur plusieurs sujets, y compris la défense antimissile balistiques.

Le mandat du lieutenant-général Macdonald en tant que commandant adjoint de NORAD et de vice-chef d'état-major de la Défense a coïncidé avec le débat sur la défense antimissile balistiques qui a mené en 2005 au rejet, par le gouvernement, de toute participation canadienne.

Lieutenant-général Macdonald, bienvenue. Je crois savoir que vous avez une déclaration préliminaire. Nous avons une heure. Veuillez procéder.

Lieutenant-général (à la retraite) George Macdonald, ancien vice-chef d'état-major de la Défense, à titre personnel : Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je suis heureux d'avoir l'occasion de participer à votre examen de la situation des relations internationales du Canada en matière de sécurité et de défense, et, notamment, de défense antimissile balistiques. Mes observations initiales seront brèves.

Des témoins antérieurs vous ont informés d'un large éventail de questions liées à la défense antimissile balistiques. Je ne peux vraiment pas commenter davantage des sujets comme la prolifération nucléaire, la politique de I'OTAN en matière de défense antimissile balistiques ou les risques précis d'une attaque aux missiles balistiques. En outre, mes compétences ne me permettent pas non plus de le faire. Cependant, je pourrai certainement aborder les considérations opérationnelles liées au système de défense antimissile des États-Unis, et ce, grâce à mon expérience directe.

Comme monsieur le président l'a dit, j'ai été commandant adjoint de NORAD de 1998 à 2001. À l'époque, les États-Unis en étaient arrivés au point où ils investissaient beaucoup dans la mise au point d'un système viable de défense antimissile balistiques installé au sol. Au sein de NORAD, on supposait que le Canada avait un intérêt à cet égard et un rôle à y jouer. Comme il contribue, avec les États-Unis, à l'alerte et à la défense aérospatiale par NORAD, c'était un aboutissement naturel que sa participation à l'alerte antimissiles balistiques évolue vers son engagement à la défense antimissile balistiques lorsque la technologie a été assez perfectionnée pour permettre de déclarer qu'on disposait de moyens opérationnels.

Lorsque je travaillais au quartier général de NORAD, j'ai participé à des discussions et à des examens fréquents du système de défense antimissile balistiques mis en œuvre par les États-Unis. Plus important encore, les Canadiens participaient activement et régulièrement à des exercices de défense antimissile balistiques. Dans les versions les plus importantes de ces exercices, des dizaines de militaires utilisaient un prototype de système de commandement et de contrôle, et des personnes jouaient le rôle qu'elles auraient été appelées à jouer dans la vraie vie. J'ai été commandant en chef de NORAD pour plusieurs de ces exercices : j'ai évalué l'ampleur de la menace, communiqué avec les autorités nationales des États-Unis et autorisé le lancement d'intercepteurs de missiles balistiques.

J'ai participé à des comptes rendus postexercice avec les principaux intervenants. Ceux-ci comprenaient, par exemple, un fonctionnaire agissant au nom du président des États-Unis.

Il va sans dire que les Canadiens qui y ont participé ont beaucoup appris sur le système et qu'ils conseillaient directement les intervenants quant aux moyens d'améliorer la procédure, les présentations sur écran d'ordinateur et la coordination de l'information, qui est cruciale dans une mission comme celle-ci, où le facteur temps est important.

Quand je suis revenu à Ottawa comme vice-chef d'état-major de la Défense, de 2001 à 2004, j'ai défendu activement la participation du Canada à la défense antimissile balistiques. Inutile de dire que j'ai été déçu de sa décision, en 2005, de refuser d'y participer. Je pensais à l'époque, et c'est toujours le cas aujourd'hui, que nous avions raté une formidable occasion de renforcer la valeur de notre relation avec NORAD, sans parler de protéger notre territoire souverain contre les risques d'une attaque aux missiles balistiques. À cette époque, j'alléguais que NORAD risquait de s'atrophier en raison de notre désintérêt apparent à lui fournir cette nouvelle capacité. Cependant, je suis heureux de constater que cela n'a pas été le cas.

Néanmoins, NORAD n'est pas une alliance aussi complète qu'il pourrait l'être. Nous souscrivons à la nécessité de cette alliance pour défendre l'Amérique du Nord et pourtant nous avons renoncé à notre responsabilité de partenariat à l'égard de la mission de défense antimissile balistiques. Nous avons laissé le côté américain de NORAD s'en acquitter à l'aide de son territoire, de ses ressources et de ses lois.

En 2005, le Canada a invoqué beaucoup d'arguments spécieux pour refuser de participer. Je les ai passés en revue, de même que les interventions des témoins que vous avez déjà invités. En bref, les choses n'ont pas beaucoup changé, à mon avis. On ne peut faire fi de la menace posée par la Corée du Nord et l'Iran. À mon avis, une certaine capacité de défense antimissile balistiques n'est pas déstabilisante pour la Chine ou la Russie. Le système de défense antimissile balistiques n'est pas un système offensif. Il ne comporte pas d'armes dans l'espace. Il fonctionne, mais pas aussi bien que les États-Unis le voudraient, et ces derniers investissent des ressources afin de l'améliorer.

Avant de quitter NORAD en 2001, j'ai assisté à un essai en direct réussi d'un système de défense antimissile balistiques à partir du centre de commandement. L'intercepteur était ahurissant. Le véhicule de destruction n'a pas seulement effleuré la cible, il l'a touchée en plein centre géométrique.

Dans l'ensemble, la technologie nécessaire pour défendre efficacement nos territoires souverains contre une attaque par missiles balistiques est à notre portée et continue de s'améliorer. Je crois qu'il nous incombe de participer activement à cette protection, de concert avec les États-Unis. Une analyse sérieuse des circonstances, en faisant abstraction du battage publicitaire négatif et mal informé à l'égard de cette question, me paraît clairement justifiée. J'invite les membres du comité à le faire et à aider à ressusciter cette question par un raisonnement logique et une discussion éclairée.

Nous devrions collaborer avec les États-Unis afin d'établir et d'évaluer le rôle que nous pouvons jouer. Pour le Canada, c'est agir de façon responsable.

Merci, monsieur le président. J'espère pouvoir vous aider davantage en répondant aux questions que vous auriez à me poser.

Le président : Merci beaucoup, lieutenant-général, pour ce mémoire réfléchi et concis.

Le sénateur Dallaire : Général George, bienvenue. Nous n'avons pas servi ensemble depuis un bon bout de temps. Je me rappelle que vous étiez très clairement en faveur de NORAD lorsque vous assumiez un commandement là-bas. Je me souviens aussi du livre blanc de 1987 et que nous avons essayé de faire avancer les choses, mais c'est de l'histoire très ancienne.

Si nous réfléchissons logiquement — et j'aime bien votre dernière phrase à ce sujet —, nous venons tout récemment de découvrir que, en fait, NORAD ne faisait même pas partie du SGPD, le Système de gestion du Programme de la Défense, que l'organisation n'établissait même pas ses propres exigences, et qu'elle avait encore moins statué sur une supposée déficience opérationnelle que l'on pourrait combler en mettant sur pied un système de défense antimissile balistiques.

J'aimerais bien connaître le rôle de la Force aérienne dans tout ça, en tant qu'intervenant de premier niveau, ce qu'il en est du SMA(Politiques) et du rôle dans tout cela d'Affaires étrangères. A-t-on vraiment formulé une exigence en bonne et due forme au sein du MDN touchant le besoin de pallier une déficience du système opérationnel et un problème de sécurité grâce à la mise sur pied d'un système de défense antimissile balistiques?

Lgén Macdonald : NORAD ne formule pas des exigences proprement dites au Canada ni aux États-Unis. Le commandant de NORAD établit régulièrement ses priorités et demande le soutien des deux pays partenaires afin qu'ils fournissent les capacités nécessaires pour réaliser ces priorités. Il ne dit pas : « Nous avons besoin d'un système de défense antimissile balistiques. Voici ce que le Canada doit faire, et voici ce que doivent faire les Américains » ni « Voici ce dont nous avons besoin pour y arriver ». Il dirait plutôt : « C'est important pour moi, en tant que commandant de NORAD, de bâtir un système de défense antimissile balistiques, et j'aimerais obtenir la coopération des deux pays partenaires pour y arriver ». Bien sûr, le Canada n'y a pas donné suite et n'a pas indiqué vouloir contribuer de façon positive d'une façon quelconque, alors les États-Unis ont poursuivi le développement et l'utilisation d'un système indépendamment, grâce aux ressources qu'ils avaient ou avaient créées à cette fin.

Il n'y a pas vraiment de mécanisme qui définit ce que nous ferions à l'échelle nationale ou au pays pour définir une exigence et y satisfaire.

Le commandant de NORAD relève du chef d'état-major des armées des États-Unis et du chef d'état-major de la Défense, mais lorsqu'il est question de quelque chose comme d'une nouvelle capacité, cela devient une question gouvernementale pour Affaires étrangères, comme vous l'avez mentionné, pour le MDN, pour le BCP et pour tous les principaux intervenants compétents.

À ce moment-là, après les attaques du 11 septembre, nous avons entrepris une série de discussions avec les États-Unis pour déterminer de quelle façon NORAD pourrait évoluer compte tenu de la menace nationale, mais aussi de quelle façon le Commandement du Nord américain, comme on l'a appelé au bout du compte, allait être mis sur pied ni quel rôle NORAD devait jouer dans ce dossier. Est-ce un commandement réunissant les Canadiens et les Américains, ou deux commandements avec NORAD et le Commandement du Nord américain, qui relève uniquement des États-Unis? Des représentants d'Affaires étrangères ont participé à ces discussions. Le sous-ministre adjoint, Politiques, du MDN, y a aussi participé. J'étais là avec un certain nombre d'employés, et nous avons tenu un certain nombre de réunions d'un côté comme de l'autre. Au bout du compte, puisque nous ne nous sommes pas engagés à l'égard d'un système de défense antimissile balistiques ou d'importantes modifications de la structure de NORAD, les États-Unis ont créé leur Commandement du Nord, qui est responsable de l'Amérique du Nord, et NORAD est resté essentiellement inchangé jusqu'au moment où une décision a été prise relativement à la défense antimissile balistiques. À ce moment-là, la marche à suivre est devenue claire.

Le sénateur Dallaire : Nous sommes récemment allés là-bas, et le général Parent nous a expliqué qu'il a fini par pouvoir formuler des exigences relativement au SGPD. Mais, pour revenir à la défense antimissile balistiques, au moment du débat, je me demande si la Défense nationale, la Force aérienne peut-être ou je ne sais quoi, est allée aussi loin que d'indiquer, dans le SGPD, une déficience ou un besoin opérationnel que l'on pourrait combler grâce à une telle capacité. Cela figurait-il parmi les séries de priorités du MDN, ou est-ce que la décision politique a été prise avant même qu'une mesure de dotation puisse être prise?

Lgén Macdonald : Pour répondre directement à votre question, non. Cela n'a jamais été défini comme une exigence précise, mais cela ne découle pas d'une décision politique. C'est tout simplement parce que la décision n'a pas été prise. Si le Canada avait décidé de participer à l'initiative de défense antimissile balistiques, on aurait alors établi une exigence en vue de fournir les ressources nécessaires, mais, tant que cette décision politique binationale hautement stratégique n'était pas prise, aucune exigence précise n'a été établie.

Le sénateur Dallaire : Général, je sais que toutes les décisions touchant les exigences sont prises dans un contexte politique, mais je suis sûr que quelqu'un a dit que le Canada courait un risque ou qu'il s'exposait à une menace s'il ne se dotait pas d'un système de défense antimissile balistiques. Quelqu'un dans la Force aérienne ou ailleurs a dû l'indiquer quelque part, peu importe, dans une liste de priorités ou une liste de projets souhaités. L'exigence a-t-elle déjà été établie? Oublions l'exercice politique sous-jacent, nous voulons savoir quelle déficience opérationnelle la défense antimissile balistiques aurait permis de combler.

Lgén Macdonald : Je dois avouer, en toute modestie, que j'étais probablement le principal défenseur de l'initiative, étant le représentant de NORAD qui connaissait la situation et qui comprenait quelles étaient les capacités fournies. J'ai très certainement défendu cette question auprès du MDN et chaque fois que j'en ai eu l'occasion, mais je ne peux pas dire que mes efforts ont mené à la documentation d'une exigence.

Le sénateur Dallaire : C'est très important. Merci.

Le sénateur Wells : Merci d'avoir accepté de nous rencontrer aujourd'hui.

J'aimerais vous poser des questions liées à la logistique et à la géographie touchant la défense antimissile balistiques. Les États-Unis ont l'Alaska et évidemment leur territoire continental, ainsi que des régions dans le Pacifique. Ils ont aussi accès à la base de Thule, au Groenland.

Qu'est-ce que le Canada pourrait offrir en fait d'efficacité ou d'efficience au système de défense antimissile balistiques sur le plan géographique?

Lgén Macdonald : Lorsque le Canada étudiait la question, les Américains s'attendaient à ce qu'il participe. Certaines analyses et recherches opérationnelles avaient été réalisées sur les avantages du territoire canadien. J'ai bien peur de ne pas pouvoir vous répondre de façon quantitative, mais, sur le plan qualitatif, on estimait que le positionnement d'un site de défense antimissile balistiques au Canada serait avantageux pour le système.

L'emplacement dont on nous parlait le plus était un site de radar bande X à Goose Bay, ou situé encore plus au centre, dans un endroit comme Churchill. On aurait ainsi pu s'approcher davantage de la zone d'interception, surtout dans le cas d'un missile balistique en provenance de l'Iran ou d'Europe. Cela nous aurait donné l'avantage d'être beaucoup plus près de la zone d'interception. Mais, à ma connaissance, il n'y a jamais eu d'évaluation précise — rien, du moins, par les évaluateurs américains — du gain d'efficacité, de 10 ou de 25 p. 100 ou je ne sais quoi, découlant de la construction d'un site de radar ici. C'était purement hypothétique.

Le sénateur Wells : Est-ce que l'avantage qu'on aurait pu tirer de la géographie canadienne aurait été lié à l'identification d'une menace, au moment du lancement de missiles balistiques — l'endroit où le missile a été lancé ou la détermination de sa destination? Quel aurait été le principal avantage? Et lorsque je parle de « destination », je parle d'interception et du besoin de s'assurer que les débris tombent dans un endroit sans danger.

Lgén Macdonald : Il y a trois options. L'une est de mettre des intercepteurs en sol canadien. L'autre, c'est de construire un radar bande X en sol canadien, ce qui permettrait de déterminer la cible elle-même une fois le missile détecté. Le radar aide à déterminer la destination et aide l'intercepteur à frapper la cible. Une autre option aurait été de construire un radar de détection rapide de missiles balistiques aux fins d'alerte en sol canadien. Il y en a déjà un à la base de Thule. La dernière option est certes possible, mais elle ne serait pas aussi efficace. Des intercepteurs pourraient être construits en sol canadien, mais c'est une question plus délicate sur le plan politique et, d'après ce que j'en sais, ce n'est pas nécessaire sur le plan technique. Le radar bande X serait l'installation canadienne la plus avantageuse parce qu'il aiderait à déterminer rapidement les cibles, les ogives et, possiblement, les leurres. Il aiderait ensuite l'intercepteur à détruire le missile le plus loin possible de sa cible.

Le sénateur Wells : Cela rendrait le système plus efficace, et ce, que la cible soit une ville canadienne ou américaine? C'est exact?

Lgén Macdonald : Oui.

Le président : J'aimerais obtenir certains éclaircissements au sujet du système de radar.

Durant notre visite à Colorado Springs, nous avons appris que la fin de vie du Système d'alerte du Nord dans le Nord canadien est prévue en 2020. Je ne sais pas quelles sont les répercussions de cela sur le plan technologique tandis que nous réalisons des programmes comme celui de défense antimissile balistiques. Sachant que le système devra être remplacé, pouvez-vous nous parler du moment où il faudra le faire si les deux gouvernements décident d'aller de l'avant? Cela jouerait-il un rôle important en ce qui concerne la mise au point de tels programmes?

Lgén Macdonald : Il faut s'assurer de ne pas confondre les systèmes d'alerte et de défense aérospatiales et les systèmes d'alerte et de défense antimissile balistiques. Le Système d'alerte du Nord et les emplacements opérationnels avancés et connexes ainsi que les chasseurs qui l'appuient sont des éléments du système d'alerte et de défense aérospatiales. On parle ici de missiles de croisière, de bombardiers ou simplement de notre souveraineté, le fait de savoir quand quelqu'un pénètre dans notre territoire aérien ou passe en vol dans le Nord.

Le système antimissiles balistiques est un système indépendant de cela. Rien de ce qui sera fait pour mettre à niveau ou améliorer le Système d'alerte du Nord ne renforcera nos capacités de défense antimissile balistiques. Sur le plan technique, c'est totalement indépendant. La seule façon dont il pourrait y avoir certains échanges, c'est si nous acceptions, hypothétiquement, de participer au processus de défense antimissile balistiques et que nous entreprenions des négociations sur l'éventuelle contribution du Canada à la défense antimissile balistiques dans le contexte de NORAD — le genre de contrepartie qu'on pourrait offrir et qui remplacerait une contribution directe, et ce que l'on pourrait faire avec le Système d'alerte du Nord. Ce serait un argument axé sur le partage de ressources ou l'équilibre des ressources plutôt qu'un argument technique visant à améliorer le système.

Le sénateur Day : J'aimerais que vous m'expliquiez quelque chose. Vous avez mentionné la base de Thule, la base américaine au Groenland, assez près d'Alert, si je me souviens bien. Il y a seulement un système de détection à Thule, et pas d'intercepteur? C'est exact?

Lgén Macdonald : C'est exact. Il s'agit d'un site radar de détection rapide de missiles balistiques. Le site a toujours été là pour détecter les menaces de missiles balistiques qui pèsent sur l'Amérique du Nord. Le site a maintenant la capacité non seulement de détecter et d'aider à évaluer la menace, mais aussi de guider la capacité d'interception des États-Unis.

Le sénateur Day : Je voulais avoir cette précision parce que vous avez parlé de Thule.

Vous avez pu entendre pas mal de discussions à ce sujet je présume. Vous avez vu le système à ses débuts lorsque vous étiez à Colorado Springs, en 1998 et en 2001, et en tant que vice-chef d'état-major de la Défense, ici même. Vous rappelez-vous si, à l'époque, des raisons avaient été données pour expliquer la décision de ne pas participer? Était-ce le fait que les Canadiens craignaient cette technologie ou était-ce plutôt une question de coût? Il a dû y avoir une raison de prendre cette décision parce que, comme vous l'avez dit, tout le monde s'attendait à ce que nous participions et que nous fassions partie du système d'alerte aérospatiale de NORAD.

Lgén Macdonald : La réponse simple, c'est non. J'étais l'une des trois personnes qui étaient prêtes à fournir ce qu'ils appelaient le « briefing technologique » en cas de décision positive. Nous aurions répondu à toutes les questions des gens. Le sous-ministre adjoint, Politiques, du MDN de l'époque était là aussi, ainsi qu'un représentant d'Affaires étrangères. Nous avons tous les trois répété les questions et étions prêts à répondre. Je crois que la seule réponse que l'on peut donner, c'est l'opinion publique évidente à ce moment-là : que ça ne fonctionne pas, qu'il s'agit d'armes dans l'espace, que ça coûte trop cher et que les Américains veulent le faire alors pourquoi devrions-nous participer. Tous les enjeux soulevés par la réaction émotionnelle dans les médias ont poussé, au bout du compte, la majorité des ministres du Cabinet à prendre la décision qu'ils ont prise. M. Graham, qui était le ministre de la Défense nationale à l'époque, a admis publiquement par la suite qu'il avait perdu le débat.

Le sénateur Day : J'imagine que ce serait intéressant de rencontrer M. Graham parce qu'il pourrait nous le dire.

Avez-vous déjà été invité par le Cabinet pour présenter un exposé d'un point de vue technique?

Lgén Macdonald : Oui, je l'ai été.

Le sénateur Day : Je ne vous demanderai pas ce qui s'est dit durant cette réunion du Cabinet, parce que vous me direz que vous ne pouvez pas répondre, mais au moins, nous savons que le Cabinet a bénéficié d'une séance d'information technique avant la prise de la décision.

Lgén Macdonald : Oui.

Le président : Sénateur Day, je tiens à souligner que l'honorable M. Graham comparaîtra en tant que témoin le 26 mai, je crois. Je voulais simplement que vous le sachiez.

Le sénateur Dagenais : En décidant de ne pas participer à l'initiative de défense antimissile balistiques, le Canada abandonne-t-il ou renie-t-il l'une de ses principales responsabilités, qui est de protéger ses citoyens?

Lgén Macdonald : Oui. En fait, qu'on approuve vraiment l'absolue nécessité de mettre sur pied un système de défense antimissile balistiques ou non, nous avons conclu un accord bilatéral avec les États-Unis. Pour eux, c'est important. C'est un prolongement naturel de la mission actuelle de NORAD. Je crois que nous devrions y participer pour nos propres intérêts. En fait, j'ai écrit un article juste avant la prise de la décision. Nous devrions agir dans nos intérêts, et l'un de nos intérêts, c'est de rester près des États-Unis dans le cadre du partenariat pour la défense de l'Amérique du Nord et la protection de notre souveraineté mutuelle.

Le sénateur Dagenais : Une contribution financière serait-elle une exigence essentielle à la pleine participation du Canada? Ou le Canada peut-il fournir son système de RADARSAT à un coût minimal?

Lgén Macdonald : Peut-être. La réalité, c'est que nous ne le savons pas, parce que nous n'avons pas demandé aux Américains ce qu'ils jugeaient nécessaire ou utile. Au moment de la décision, j'ai fait valoir que rien n'indiquait que les Américains allaient nous demander de fournir quoi que ce soit directement — aucun radar de détection rapide ni capacité satellitaire ni quoi que ce soit d'autre. J'ai suggéré que nous devrions envisager d'offrir un emplacement géographique pour un site de radar, par exemple, et d'ajouter du personnel à NORAD pour doter les sites de radar ou les champs de missiles balistiques — nous avons déjà des Canadiens dans certains de ces sites — ou que nous fournissions une contribution asymétrique. Je crois qu'on vous a informés de la capacité de surveiller des objets dans l'espace du satellite Sapphire. Cela n'existait pas à l'époque. C'est l'une des choses que j'ai suggérées pour aider NORAD et les États-Unis. Cela aurait été une contribution asymétrique. Il y en aurait peut-être eu d'autres, comme le système de satellites de télécommunications et de météorologie polaire.

La sénatrice Beyak : Vous avez répondu à la plupart de mes questions dans votre exposé. Tous les renseignements étaient là en 2004, et je crois qu'on connaissait aussi, à cette époque, toutes les raisons pour lesquelles j'y étais favorable. Y a-t-il quelque chose que nous pourrions faire différemment pour présenter cette participation au public comme étant une bonne chose pour la sécurité du Canada?

Lgén Macdonald : Le principal problème avec la décision de 2005, c'est le fait que les gens ne comprenaient tout simplement pas en quoi consistait un système de défense antimissile balistiques. Pour être juste, je ne crois pas que les choses ont vraiment changé depuis. Le système a évolué et est plus solide et plus perfectionné qu'avant, mais la menace a elle aussi évolué. Vous avez eu une séance d'information sur la menace de la Corée du Nord et potentiellement d'Iran ou d'autres pays. Les capacités stratégiques nucléaires des Chinois et des Russes n'ont pas vraiment beaucoup changé du point de vue de la dissuasion réciproque.

Ce qu'il faut, c'est décrire clairement en quoi consiste la capacité de défense antimissile balistiques. On ne parle pas d'armes dans l'espace ni de faire exploser en mille morceaux quoi que ce soit en orbite. Ce n'est pas quelque chose qui déstabilisera la situation de dissuasion nucléaire actuelle. Le système aurait permis de réagir aux régimes instables, comme celui de la Corée du Nord, qui pourrait décider de lancer un missile en direction de l'Amérique du Nord. C'est un système purement défensif.

L'autre aspect, ce sont les coûts. Je ne crois pas que nous pouvons vraiment savoir quels seront les coûts tant que d'importantes négociations ou discussions avec les États-Unis n'auront pas eu lieu. Ce sera plus difficile maintenant que leur budget de défense est exposé à plus de contraintes qu'avant. Il est probable qu'ils s'attendraient davantage à une contribution de notre part.

La sénatrice Beyak : Selon vous, dans quelle mesure est-il vraiment une menace qu'une ville canadienne comme Edmonton ou Montréal soit la cible d'un missile errant ou d'une attaque délibérée? De quelle façon pourrions-nous nous défendre actuellement?

Lgén Macdonald : En toute objectivité, les États-Unis seront la cible principale. La réalité, c'est que quiconque vit au Canada ou aux États-Unis serait bouleversé si un missile, quel qu'il soit, touchait une partie du territoire d'un pays comme de l'autre, qu'il s'agisse d'un missile nucléaire ou non, et qu'il ait frappé la campagne ou le centre-ville d'Edmonton.

La réalité, c'est que le système de défense antimissile balistiques peut nous protéger contre toutes ces éventualités, une menace limitée, et la possibilité pour les États-Unis de contrecarrer une attaque contre le Canada, si elle est cernée comme telle, est assez élevée malgré tout. C'est dans leur intérêt d'assurer cette défense.

Lorsqu'un missile balistique est lancé, les capacités qu'ont les États-Unis leur permettent de cerner assez rapidement où il frappera. Une fois que le moteur-fusée s'éteint, c'est essentiellement un missile balistique. Dans le système qu'ils avaient lorsque nous avons réalisé nos exercices, ils dessinaient une ellipse d'environ 200 kilomètres de diamètre sur une carte afin de savoir si Washington, D.C. était ciblée. On ne pouvait pas savoir si la cible était Vancouver ou Seattle, mais on pouvait avoir une idée générale.

À ce moment-là, nous avions un nombre très limité d'intercepteurs. Par conséquent, durant les exercices, il fallait déterminer combien d'intercepteurs utiliser contre un ou deux missiles balistiques, en espérant pouvoir éliminer la menace avec les intercepteurs qu'on avait.

Compte tenu du plus grand nombre d'intercepteurs qu'ils ont maintenant, c'est un peu moins critique, et nous avons maintenant la capacité pour pouvoir très probablement se défendre contre même une demi-douzaine d'intercepteurs. C'est un peu difficile de cerner la menace, mais la situation a très certainement évolué au cours des 10 à 15 années depuis le tout début. En effet, de nos jours, la Corée du Nord ne montre aucun signe qu'elle revient sur sa menace. Ce pays a maintenant une capacité quasi nucléaire et met au point des missiles pouvant être lancés.

Le sénateur White : Ma question, en fait, est de savoir quel impact a eu la participation du Canada et si vous nous percevez comme étant marginalisés sur l'échiquier où évolue le NORAD. Si c'est le cas, percevez-vous notre participation à la défense AMB comme une tentative de reprendre sa place?

Lgén Macdonald : J'ai cru, à l'époque, que nous allions être marginalisés, et même s'il est difficile d'en évaluer l'impact avec précision, cela s'est certainement concrétisé, d'une certaine façon.

Afin de me préparer à cela, j'ai appelé un de mes collègues, le major-général Viens, le J3 à Colorado Springs. Je pense que vous l'avez rencontré. Je lui ai posé des questions au sujet de certaines difficultés auxquelles il était confronté relativement à la défense antimissile balistique, et j'ai été frappé par son manque de participation directe à celle-ci, de quelque façon que ce soit.

C'est ce à quoi nous nous attendions. Le général St-Amand est venu témoigner devant vous et vous a fourni de l'information. Même s'il n'est pas la bonne personne pour vous donner des détails sur la défense antimissile balistique, le fait qu'il n'en avait aucune connaissance directe non plus était un signe que nous, les Canadiens, sommes exclus du portrait, vraiment.

Comme je l'ai dit, il y avait des Canadiens affectés à certains de ces radars de détection rapide de missiles balistiques. Vous pouvez imaginer l'agitation que cela susciterait s'il y avait une attaque au missile balistique et que vous aviez la capacité de vous défendre contre celle-ci. Une fois que vous auriez déterminé qu'il s'agit d'une menace et qu'elle approche, vous diriez : « D'accord, les Canadiens, écartez-vous, et nous allons prendre la situation en main à partir d'ici. »

C'est essentiellement ce qui s'est produit, même avec la coordination étroite entre le Commandement du Nord et le NORAD, à Colorado Springs. Tôt ou tard, s'il faut se défendre contre une attaque au missile balistique, et une fois que les Canadiens ont terminé leur mission du NORAD, ils sont exclus du portrait, alors qu'il y a un chevauchement considérable entre les deux missions. On peut faire les choses en même temps et ensemble, de façon cohérente, et ce n'est pas vraiment avantageux pour les États-Unis d'avoir à intervenir ou de devenir le seul concerné ou d'intervenir de manière uniforme, c'est-à-dire sans l'aide ni la participation des Canadiens lorsque la situation en vient au point où il faut effectuer une interception.

Le sénateur White : Lorsque vous vous dites « impressionné », ce n'est pas de façon positive? Ce que vous vouliez dire, je pense, c'est que cela vous avait laissé une impression.

Lgén Macdonald : Oui.

Le sénateur White : Selon vous, les Canadiens risquent-ils de subir une attaque du fait qu'ils ne soient pas, en quelque sorte, sur un pied d'égalité ou qu'ils n'occupent pas, d'une certaine façon, une place égale sur l'échiquier? Dix ans d'expérience vous ont permis d'avoir un point de vue que la plupart des gens n'ont pas.

Lgén Macdonald : Comme je l'ai déjà dit, la capacité du système a évolué au point où les États-Unis prendraient probablement des mesures pour se défendre contre une attaque au missile balistique en Alaska, dans les États continentaux des États-Unis ou au Canada dans une mesure presque égale, peut-être, à moins qu'ils soient subitement submergés, ce à quoi nous ne nous attendons pas.

Il y a une question morale, ici. Nous avons parlé, à l'époque, de ce qu'était le protocole. S'il y a deux missiles en approche, dont un se dirige vers Winnipeg et l'autre, vers un champ de missiles dans le Dakota du Nord, interceptez-vous les deux? Je pense que oui. Et s'il y a cinq missiles en approche et que vous ne pouvez qu'en intercepter trois, comment établissez-vous les priorités?

Les États-Unis parlent de se défendre contre les représailles, ainsi que de protéger les sites de lancement de missiles balistiques, le Major Command et les centres de contrôle, ainsi que la population civile, mais au Canada, nous nous préoccupons surtout de nos centres démographiques.

Sans une participation directe au système, nous sommes à la merci des États-Unis, de leur façon d'utiliser le système et de leurs intérêts. Sur le plan moral, il serait beaucoup plus avisé de participer à la détermination de ces priorités et même de contribuer directement à l'intervention, car en tant que partenaires du NORAD, nous avons à cœur la défense de notre souveraineté et la protection de notre territoire, en faisant de notre mieux pour nos citoyens.

Le sénateur White : C'est la bonne chose à faire. Selon toute probabilité, c'est probablement le mieux que nous pouvons faire, de toute façon, mais c'est, selon vous, la bonne chose à faire?

Lgén Macdonald : Tout à fait.

Le président : J'aimerais poursuivre la discussion en parlant d'un tout autre contexte. Je crois savoir que, en Russie, ils ont un programme de défense antimissile balistique très près de Moscou, et que, également — si je ne m'abuse, peut-être que vous pourriez me corriger si je me trompe —, d'importantes sommes sont mises de côté aux fins de travaux futurs liés à la défense antimissile balistique du pays. J'ai entendu parler de 40 milliards de dollars. Je ne sais pas à quel point c'est exact.

Parallèlement, ceux qui s'opposent à un partenariat de défense antimissile balistique avec le Canada font valoir que cela intensifierait la course à l'armement. Cependant, la Russie va de l'avant, quoi qu'il arrive.

Avez-vous quelque chose à dire là-dessus?

Lgén Macdonald : Monsieur le président, je ne peux pas vous donner mon avis sur ce que la Russie pourrait ou pourrait ne pas prévoir dépenser relativement à la défense antimissile balistique. Je ne serais pas surpris qu'il s'agisse d'un projet d'envergure. Je ne suis pas certain de l'état opérationnel de son système de défense antimissile balistique, à Moscou. Il est là depuis longtemps. Je doute qu'il soit très efficace.

Le président : Mais il est là.

Lgén Macdonald : Il était là. Je ne suis pas certain s'il y est toujours.

L'argument selon lequel un système de défense antimissile balistique limité mis en place par les États-Unis ou la Russie déstabiliserait un côté ou l'autre est, je pense, discutable. Le nombre d'ogives, même s'il a été réduit de manière radicale par rapport à ce qu'il était par le passé, est encore suffisant pour submerger tout système limité. Cela n'empêche ni la Russie ni les États-Unis de lancer une attaque nucléaire assez importante sur un pays ciblé, ou l'un sur l'autre.

Je ne pense pas que nous devrions craindre que la Russie crée un système de défense antimissile balistique, ni que les États-Unis ou l'OTAN le fassent.

Le sénateur Dallaire : Et à juste titre. Il faut distinguer l'exercice d'ICBM de cette capacité très ciblée, comme on nous l'a expliqué, parce que la seule façon qu'ils pouvaient déployer des capacités en Europe était de garantir qu'elles seraient non pas alignées contre la Russie ou la Chine, mais bien contre l'Iran, la Corée et, peut-être même, le Pakistan.

Regardez ce qui se passe en Ukraine, actuellement. Vous avez travaillé en étroite collaboration avec les forces américaines, principalement avec la force aérienne. J'ai beaucoup servi dans l'armée. Je ne suis pas tellement convaincu que, lorsqu'ils nous ont expliqué le nombre d'intercepteurs limité et la capacité de tirs par rafales qu'ils auraient probablement à utiliser pour garantir l'atteinte de la cible... étant donné la fiabilité des systèmes actuels, ils auraient moins que le nombre optimal d'intercepteurs advenant qu'une série de ces missiles soit lancée.

Cela me ramène au Canada et aux États-Unis. Nous pourrions penser que, s'ils tentent de raser Edmonton, les Américains réagiraient tout autant que s'ils essayaient d'éliminer l'Oklahoma ou quelque chose du genre. Je ne crois pas. Je pense que le fait de nous cibler serait tout juste suffisant pour les inquiéter et rendre la situation difficile, et qu'ils pourraient vouloir conserver leurs capacités en vue de réagir à d'éventuelles menaces, s'ils ne peuvent entrer en Corée ou en Iran pour empêcher les autres missiles d'être lancés.

Il me semble que nous jouons un peu au plus brave avec eux en ayant un tel écart entre un besoin opérationnel qui garantit que nous serions évalués comme une cible au même titre que les Américains et le fait de souhaiter que nos alliés s'en occupent.

Selon vous, est-ce un argument suffisamment solide pour formuler un besoin opérationnel à la Défense nationale?

Lgén Macdonald : Je pense que nous avons tiré la même conclusion, mais peut-être pas du même angle. Je ne conteste pas le fait qu'il y a un écart, que nous devrions le combler et que nous devrions formuler un besoin opérationnel. Il reste à voir dans quelle mesure cela peut constituer un élément important dans une situation géopolitique future.

Je pense que la Russie ou la Chine ne figureront jamais parmi ceux qui nient l'existence d'un système de défense antimissile balistique. Si un système de défense AMB existe en fonction d'un nombre limité d'intercepteurs, comme, selon ce que laissent entendre les États-Unis, les 30 ou 44 intercepteurs, cela vous donne — je ne suis pas certain que cela soit entièrement exact —, un ratio de quatre pour un pour réussir. Donc, cela vous protégerait contre 10 ou 11 missiles en approche, ce qui devrait être amplement suffisant pour assurer une protection contre une attaque de la Corée du Nord ou de l'Iran ou d'un autre pays dans l'avenir. Cela serait certainement inutile contre la Russie.

Tant et aussi longtemps que le système de défense continuera d'évoluer, sur les plans quantitatif et qualitatif, pour contrer ces menaces, je pense que les choses iront suffisamment bien. Mais qui peut prévoir ce qui se passera du jour au lendemain? L'Ukraine est un exemple d'instabilité que nous n'avions pas vu venir.

Peu importe, c'est dans notre intérêt, comme vous l'avez laissé entendre, de participer au système, quelle que soit l'éventualité.

Le sénateur Dallaire : Je ne suis pas inquiet au sujet des Russes et des Chinois, parce que nous avons établi un équilibre, tout comme nous l'avons fait durant la guerre froide. Nous avons ici des systèmes qui s'équilibrent les uns les autres à cet égard. C'est un exercice qui est complètement différent de celui d'avoir des pays délinquants qui ont la capacité de simplement créer d'importants problèmes internationaux, ce contre quoi la défense AMB s'aligne actuellement.

Le deuxième aspect, c'est que la défense AMB a grandement été déplacée en Europe dans le cadre du système, et il y a des navires dans différentes eaux également, les croiseurs Aegis. Pensez-vous que le ministère des Affaires étrangères ne veut probablement pas s'en mêler parce que cela nous confère ce genre de capacités, ce qui limite notre aptitude à manœuvrer avec les autres pays parce que nous sommes tellement près des Américains sur le plan de la défense AMB, et que cela peut avoir des conséquences sur nos relations avec les autres pays européens ou sur notre capacité d'agir à titre d'entité qui peut réduire les tensions avec des pays potentiellement délinquants?

Lgén Macdonald : J'imagine que c'est une possibilité. Je pense que le fait que nous soyons un membre de l'OTAN, que l'OTAN déploie des instruments de défense antimissile en Europe et que notre plus proche allié, les États-Unis, déploie son système de défense fait en sorte que nous sommes associés de par nos alliances, que nous ayons la capacité ou non. J'imagine donc que c'est le fil conducteur d'un argument, comme vous l'avez dit, en faveur du fait d'agir à titre d'intermédiaire ou d'offrir une sorte de soutien à la stabilité mondiale, mais je pense que nous sommes déjà considérés de la même façon que nos alliés, l'OTAN et le NORAD.

Le sénateur Dallaire : Durant la guerre froide, nous avions la capacité de lancer des armes nucléaires. Elles ne nous appartenaient pas, mais nous avions la capacité, au sein de l'OTAN, de les lancer à partir des airs ou du sol. Donc, nous en faisions partie et n'en faisions pas partie à la fois. Nous faisions partie de la capacité de défense de l'OTAN, qui aurait pu utiliser des armes nucléaires tactiques, et nous aurions pu être l'un des acteurs qui les auraient utilisées. Donc, pourquoi l'exercice de défense AMB au sein de l'OTAN est-il si différent?

Si l'OTAN adopte le système de défense AMB et croit en cette capacité, pourquoi affirme-t-on que le Canada ne veut pas participer à la défense AMB alors que la menace pour notre pays est beaucoup plus réelle que bon nombre des menaces que présentaient les pays européens, même à l'époque de la guerre froide?

Lgén Macdonald : Je n'en suis pas certain. Il n'est pas logique, selon moi, que nous ne nous intéressions pas plus activement à la défense AMB aux fins de la défense du Canada. Cela semblerait être la suite logique des choses si nos 27 partenaires de l'OTAN convenaient du fait que la défense AMB constitue un enjeu, et qu'il faut s'y attacher. Les États-Unis sont du même avis. Comme vous le dites, la Russie est peut-être en train de créer une sorte de capacité. Pourquoi ne le ferions-nous pas? C'est une question évidente.

Le sénateur Day : Général, je suis entièrement d'accord avec vous et je suis d'accord pour dire qu'il y a une incohérence en ce qui a trait à notre participation au sein de l'OTAN sans, semble-t-il, mise en garde relativement à ce qui se passe là-bas. Je m'appuie sur les renseignements que nous pouvons obtenir. Il y a un autre point que nous avons tenté d'explorer, et nous n'avons pas pu obtenir le document. Je pense que vous connaissez le protocole ou l'entente de 2005 que le Canada a établi avec les États-Unis. Nous le cherchons encore. Y a-t-il quelque chose que vous pourriez faire pour nous aider?

Si je comprends bien, le Canada affirme que le fait que le NORAD échange l'information en matière d'aérospatiale recueillie en vue d'être utilisée aux fins de la défense antimissile balistique ne pose aucun problème.

Lgén Macdonald : Je ne peux pas trouver le document non plus, mais je me souviens que c'est exactement cela, qu'il était signé par le ministre des Affaires étrangères et son homologue américain, et qu'il permettait aux États-Unis de poursuivre ce qu'ils faisaient au chapitre de la défense antimissile balistique. Il n'y avait aucune restriction, si vous voulez, de la part du NORAD, au sujet des Canadiens et des Américains qui, ensemble, fournissaient de l'information aux responsables du programme de défense antimissile balistique afin que les États-Unis continuent, dans l'attente d'un accord sur la participation ou la non-participation du Canada.

Si nous avions dit : « Non, le NORAD ne communiquera en aucun cas cette information », alors les États-Unis auraient eu à prendre une décision unilatérale : « Laissez tomber tout ce qui concerne les alertes ou la défense antimissile balistique. Nous allons nous en charger. »

Le sénateur Day : En d'autres termes, la fin du NORAD?

Lgén Macdonald : Il nous a permis de poursuivre ce que nous faisions.

Le sénateur Day : L'autre question que j'aimerais aborder brièvement afin de mieux comprendre est ceci. Si le comité est prêt à formuler une recommandation pour changer la politique relative à la participation du Canada, alors il est utile pour nous d'avoir toute cette information générale et de savoir quelle était la situation, de même que quelles informations ont probablement été communiquées par le cabinet à l'époque. Nous examinerons l'aspect politique de ces renseignements, mais vous avez laissé entendre que, durant votre mandat au NORAD, vous aviez participé à des interceptions réussies et à une démonstration concluante des premiers stades de ce système de défense antimissile balistique.

À cette époque, au début des années 2000, jusqu'en 2004 ou en 2005, lorsque la décision a été prise, était-il encore question d'utiliser des intercepteurs lancés à partir d'un autre endroit qu'un navire ou le sol?

Lgén Macdonald : Non.

Le sénateur Day : D'accord. L'autre moitié de la question est ceci : était-il question de faire en sorte que le missile — l'intercepteur étant un missile — qui devait être lancé soit doté d'une tête nucléaire?

Lgén Macdonald : Jamais. Je dois clarifier une chose. Vous avez dit que j'avais participé à une interception réussie. J'agissais à titre d'observateur. Les Canadiens ne participaient pas. J'ai participé à un certain nombre d'exercices, et nous avons tout intercepté, de manière générale, avec passablement de succès.

Le sénateur Day : Très bien. Je voulais m'assurer que nous comprenions tous que vous aviez une très bonne connaissance de ce qui était en train d'être créé justement et des projets connexes en ce qui a trait à la défense antimissile balistique.

Le sénateur Wells : Je vais vous demander votre opinion. En 2005, à l'époque où le débat prenait fin, essentiellement, parce que le gouvernement avait décidé de ne pas aller de l'avant, qu'est-ce qui, selon vous, a le plus poussé le gouvernement à prendre sa décision? Diriez-vous que c'était l'opinion publique, le coût, ou un autre facteur?

Lgén Macdonald : Nous ne nous étions pas exactement rendus aux États-Unis pour dire : « D'accord, nous voulons participer. Combien cela coûtera-t-il? Que devons-nous faire? », et ainsi de suite. Nous avions proposé des idées, mais rien n'avait été retenu. Selon moi, il s'agissait entièrement de l'opinion publique, et de l'opinion publique exprimée aux députés du gouvernement de l'époque. L'étendue de la participation des médias et le fait qu'on pouvait accumuler les enjeux, comme les armes dans l'espace et l'utilisation d'armes nucléaires, et ce genre de choses, étaient une excellente source de manchettes pour les journalistes.

Pour être honnête, j'ai été très surpris de la décision qu'a prise le gouvernement. Je pensais qu'il était certain que nous allions participer, mais la cause était simplement la pression de l'opinion publique et les apparences connexes.

Le sénateur Wells : C'était, pour le gouvernement, davantage une question de communications qu'une question de politiques publiques, selon vous?

Lgén Macdonald : À mon avis, oui. Je pense vraiment que le gouvernement fédéral a la responsabilité d'agir dans l'intérêt supérieur de la défense de notre territoire et de notre souveraineté, peu importe ce qu'est l'opinion publique, tant et aussi longtemps qu'il s'engage à suivre ce plan d'action comme étant la chose évidente et nécessaire à faire.

Le sénateur Dallaire : Je venais tout juste d'arriver au Sénat, à l'époque, et je siégeais au caucus. J'ai eu l'occasion de participer à un certain nombre de décisions politiques rendues par des sous-comités sur la politique de défense, la politique étrangère, et ce genre de choses. Le facteur déterminant, pour bon nombre de ceux qui penchaient moins pour la charge émotionnelle liée à la guerre des étoiles de Reagan — et le fait d'avoir George W. Bush Jr en poste n'aidait pas non plus —, était le fait que le système n'était pas encore très fiable.

Nous avions convenu que, peut-être, si le système s'améliorait, s'il devenait plus fiable et plus efficace, nous pourrions examiner cette capacité de nouveau. Le facteur émotionnel, cependant, c'était comme l'exercice émotionnel absolument stupide auquel nous nous étions livrés parce que certains ne voulaient pas mettre à l'essai des missiles de croisière au Canada, si vous vous souvenez, dans le Nord, à Churchill. Pouvez-vous imaginer combien cela était ridicule?

Nous devons maintenant avoir une meilleure idée de l'écart entre la fiabilité des capacités de l'époque, y compris le nombre de systèmes, et la fiabilité ainsi que la capacité du système actuel. Il faut faire la lumière là-dessus. Est-il possible d'affirmer que nous en avons maintenant suffisamment vu pour contester tout argument selon lequel le système ne vaut pas l'investissement?

Lgén Macdonald : J'aimerais dire que oui, mais si vous parlez à quelqu'un qui a étudié le taux de succès des interceptions du système d'interception au sol axé sur la phase de mi-parcours, il vous dira qu'il n'y a pas eu d'essais depuis quelques années et que les deux derniers essais, ou quoi que ce soit, n'ont pas été probants. Je ne suis pas certain des chiffres. Les données empiriques ne soutiendraient pas cela.

Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, les États-Unis ne sont pas satisfaits du rendement du système à ce jour. Il évolue, et ils consacrent des ressources en vue de l'améliorer. Ils augmentent le nombre d'intercepteurs, également. Je pense qu'ils s'engagent à investir tout ce qu'il faudra pour faire en sorte qu'il fonctionne et qu'il soit efficace. Ils le feront.

Qu'est-ce qui a changé depuis 2005? Le système évolue. Il s'améliore, il s'élargit certainement et a une capacité accrue, sur le plan quantitatif. La menace a également évolué. Elle est plus urgente, si vous voulez, plus réelle.

Si l'on revient à la comparaison entre 2005 et 2014, quel est l'aspect négatif pour le Canada? Quel est le désavantage pour les Canadiens? Qu'est-ce qui aurait mal tourné si la décision, en 2005, avait été de participer, ou quel en aurait été l'effet négatif? Peut-être que nous aurions envoyé quelques personnes de plus au NORAD; peut-être que nous nous serions engagés à construire un radar bande X de 500 millions de dollars à Goose Bay; peut-être que nous n'aurions pas eu à faire quoi que ce soit. Notre alliance avec le NORAD aurait certainement été beaucoup plus solide en ce qui a trait aux alertes et à la défense antimissile balistique.

La situation est la même, aujourd'hui.

Quel est l'aspect négatif? Le coût serait probablement plus élevé, comme je l'ai dit, en raison de la séquestration, du budget de la défense et des ressources requises pour y arriver, mais je pense que nous sommes, essentiellement, dans la même situation que nous l'étions. Peut-être que les arguments sont un peu plus convaincants, mais la réalité, c'est que nous pourrions rendre, de façon efficace, une décision positive et obtenir un accueil favorable de la part de la population.

Le président : Je crois que le sénateur Dallaire et que le sénateur Day ont soulevé la question de savoir s'il y avait des ententes entre le Canada et les États-Unis en 2004-2005. Je lis les renseignements qui m'ont été fournis. En 2004, l'entente liée au NORAD a été modifiée, et il y avait une section qui permettait au NORAD de communiquer de l'information liée aux alertes relatives à la défense antimissile à USNORTHCOM.

Est-ce que c'est cette section qui a donné lieu à l'échange des deux notes entre les deux gouvernements en vue de permettre à notre information — quelle que soit l'information, indirecte ou directe — d'être fournie et d'offrir un soutien dans le cadre d'un programme, comme la défense AMB, si cette information était pertinente?

Pourriez-vous prendre un engagement et déterminer s'il s'agit de la partie d'où ce pouvoir en particulier découlerait?

Lgén Macdonald : La modification apportée en août 2004 à l'entente liée au NORAD est très précise. Elle visait la fourniture de cette information à la capacité de défense antimissile balistique des États-Unis par le NORAD.

Nous n'étions pas d'accord pour appuyer la défense antimissile balistique. Nous étions simplement d'accord sur le fait que l'information du NORAD, qui était générée aux fins d'alertes de missiles balistiques, pourrait être utilisée par les responsables de la défense antimissile balistique. L'entente liée au NORAD en soi a été renouvelée en 2006.

Le président : Cela en faisait partie?

Lgén Macdonald : Je pense que l'entente liée au NORAD en soi serait le véhicule ou le mécanisme, peut-être, en ce qui concerne l'échange de notes ou de lettres permettant d'établir une entente entre les deux parties relativement à la défense antimissile balistique.

Le sénateur Dallaire : Est-ce que le fait de se joindre à la défense antimissile balistique à ce stade-ci pourrait procurer des avantages technologiques au Canada du point de vue de la recherche, et pour d'autres choses? Les lacunes de l'entente dont vous parlez, c'est la réalité dont nous avons été informés. Il y a beaucoup de place pour y intégrer des capacités liées au savoir. En acceptant d'y participer, cela ne nous permettrait-il pas d'y ajouter certains éléments?

Lgén Macdonald : Peut-être, mais nous sommes en quelque sorte passés à côté de notre chance.

Le sénateur Dallaire : Totalement?

Lgén Macdonald : Nous avons une industrie de l'aérospatiale et de la défense très solide au Canada. Il pourrait très bien y avoir des capacités au Canada qui pourraient contribuer au système, mais je pense que nous sommes probablement au-delà du point où nous devrions avoir quelque attente que ce soit en ce sens.

Le sénateur Dallaire : Cela renforce l'idée que, si nous ne contribuons même pas à l'améliorer, alors que la situation présente une menace pour nous, cela indique doublement à quel point il est absurde que nous n'y participions pas. Merci beaucoup.

Le président : C'est bien de savoir, sénateur, que vous n'avez pas d'opinion à cet égard.

Il est 16 h 30, alors j'aimerais remercier notre témoin. J'ai beaucoup apprécié le témoignage que vous nous avez présenté aujourd'hui. Cela nous permet certainement de voir la situation d'un autre point de vue et appuie ce qui a été dit au cours des derniers mois sur cet enjeu en particulier.

Je dois vous informer, lieutenant-général, que nous avons l'intention de produire un rapport à la fin du mois de juin, si tout se déroule comme prévu. À la lumière du témoignage d'aujourd'hui, si, selon vous, il y a des sujets pour lesquels plus d'information pourrait nous être fournie, veuillez communiquer avec nous. Nous serions heureux de la recevoir. Je vais vous laisser partir, maintenant. Merci beaucoup.

Nous allons suspendre la séance pendant trois minutes, et nous allons poursuivre à huis clos pour discuter des différents rapports.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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