Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 16 - Témoignages du 23 avril 2015
OTTAWA, le jeudi 23 avril 2015
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 13 h 3, pour étudier la teneur du projet de loi C-51, Loi édictant la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada et la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, modifiant le Code criminel, la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
Le sénateur Daniel Lang (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense du jeudi 23 avril 2015.
Avant d'accueillir nos témoins, j'aimerais commencer par présenter les personnes qui prennent place autour de la table. Je m'appelle Dan Lang, et je suis sénateur du Yukon. Immédiatement à ma gauche se trouve le greffier du comité, Adam Thompson, et j'aimerais faire un tour de table et inviter chaque sénateur et sénatrice à se présenter et à dire quelle région il ou elle représente, à commencer par notre vice-président.
Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, de l'Alberta.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Ngo : Sénateur Ngo, de l'Ontario.
Le sénateur Kenny : Colin Kenny, de l'Ontario.
Le sénateur Day : Joseph Day, de Saint John—Kennebecasis, au Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Runciman : Bob Runciman, de Mille-Îles et Rideau Lakes, en Ontario.
La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, du Nord-Ouest de l'Ontario
La sénatrice Jaffer : Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique.
Le président : Chers collègues, le Sénat nous a renvoyé le projet de loi C-51, Loi édictant la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada et la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, modifiant le Code criminel, la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
Dans le cadre de notre étude préliminaire du projet de loi C-51, nous accueillons aujourd'hui l'honorable Jean-Pierre Plouffe, commissaire, et M. J. William Galbraith, directeur exécutif, du Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications; M. Ian McPhail, président, et M. Richard Evans, directeur principal, Opérations, Commission des plaintes du public contre la GRC; et M. Michael Doucet, directeur exécutif, du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité.
Je vous remercie d'avoir accepté de vous joindre à nous aujourd'hui. Nous sommes heureux de vous revoir et de souligner le travail qu'accomplissent les agences de sécurité, qui remplissent leur mandat dans le respect des lois canadiennes.
À ce que je comprends, chaque organisme a des remarques d'ouverture. J'inviterais M. Plouffe à commencer, avant d'accorder la parole à M. Doucet, puis M. McPhail.
L'honorable Jean-Pierre Plouffe, commissaire, Centre de la sécurité des télécommunications : Monsieur le président, honorables sénateurs, je suis enchanté d'être de retour devant le comité pour parler de questions qui touchent de près mon bureau. Je suis accompagné aujourd'hui de M. J. William Galbraith, directeur exécutif de mon bureau.
[Français]
Vous avez déjà ma biographie et, par conséquent, ne perdons pas de temps à passer en revue ce que j'ai fait, mais laissez-moi vous dire que ma carrière militaire et ma très longue expérience en qualité de juge m'ont bien outillé pour occuper le poste de commissaire du CST qui est le mien depuis un an et demi. J'aimerais préciser rapidement quelques éléments à propos de mon bureau avant de vous présenter mes observations sur le projet de loi C-51.
Je suis indépendant et autonome par rapport au gouvernement. Mon bureau dispose de son propre crédit qui est alloué par le Parlement, et je suis investi de tous les pouvoirs en vertu de la partie II de la Loi sur les enquêtes, qui me donne pleinement accès à toutes les installations du CST, à ses dossiers, à ses systèmes et au personnel, y compris le pouvoir d'assigner à comparaître ou de subpoena, en cas de nécessité, pour mener à bien mes examens.
Je dispose de 11 employés travaillant à temps plein dont 8 se consacrent à l'examen; ils sont épaulés par des experts hautement spécialisés, recrutés par contrat. Deux d'entre eux effectuent aussi des examens. J'ai également un conseiller juridique interne et j'ai recours, au besoin, à un conseiller juridique indépendant externe. Mes employés ont de l'expérience et de l'expertise dans des domaines tels que la technologie de l'information, la cybersécurité, le renseignement, les questions juridiques, la protection de la vie privée et la politique de sécurité nationale.
[Traduction]
Permettez-moi maintenant de passer au projet de loi C-51. La partie 1 du projet de loi autoriserait le partage d'information entre les 17 institutions fédérales répertoriées à l'annexe 3 du projet de loi. Le 6 mars 2015, j'ai écrit au président du Comité permanent de la Chambre des communes sur la sécurité publique et nationale qui examine le projet de loi, M. Daryl Kramp. Je lui demandais pourquoi les organismes d'examen ne se voient pas accorder un pouvoir accru de partager l'information entre eux. Je comprends bien que l'intention du législateur est de faire en sorte que les ministères et organismes puissent partager l'information pour protéger le Canada contre les activités qui mettent en péril sa sécurité.
Par ailleurs, je suis d'avis qu'il est primordial que, à mesure que les pouvoirs en vertu desquels les organismes d'application de la loi et les organismes chargés du renseignement et de la sécurité prennent de l'expansion, la capacité des organismes d'examen à partager et à coopérer entre eux augmentent dans une même proportion. De plus, je crois fermement que le processus d'examen est une composante clé pour assurer que les organismes qui veillent au respect de la loi, à la sécurité et au renseignement puissent mener leurs activités conformément à la loi, tout en assurant la protection de la vie privée des Canadiens.
Comme je l'ai mentionné dans la lettre que j'ai adressée à M. Kramp, les organismes de renseignement et de sécurité collaborent entre eux et sont autorisés à partager l'information. Mais force est de constater que mon bureau ne dispose pas d'autorisation explicite équivalente pour collaborer et partager l'information avec le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, le CSARS, ou la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives, la CCETP, à la GRC. Cependant, à la suite de nos examens des activités auxquelles avaient participé à la fois le CST et le SCRS, mon prédécesseur et moi avions soumis des questions ou problèmes se rapportant au SCRS au président du CSARS en vue du suivi qu'il jugerait approprié.
En raison d'obstacles juridiques, ces questions ou problèmes ne concernent pas les renseignements opérationnels, et, par conséquent, le partage d'information et la coopération entre mon bureau et le CSARS sont limités. Pour mener des activités allant au-delà de ces limites, comme le partage de renseignements opérationnels entre les organismes ou la tenue d'examens conjoints, il faudrait apporter des changements à la loi.
Je pense que la loi devrait explicitement autoriser une telle coopération entre mon bureau, le CSARS et la CCETP. En effet, l'octroi d'une autorisation explicite de coopérer et de partager l'information renforcerait la capacité d'examen et son efficacité, en plus d'améliorer la capacité des organismes d'examen à assurer la conformité des activités menées conjointement par le CST, le SCRS et la GRC. Cette autorisation revêt d'autant plus d'importance que l'on voit s'instaurer une coopération de plus en plus grande entre les organismes d'application de la loi et les organismes voués au renseignement et à la sécurité, et également dans la perspective du partage d'information accru envisagé aux termes du projet de loi C-51.
Cette question de coopération entre les organismes d'examen n'a rien de nouveau. Il y a neuf ans, le juge O'Connor avait déjà recommandé dans le rapport sur la commission d'enquête qu'il présidait l'établissement de passerelles législatives pour faciliter la liaison entre les organismes d'examen responsables du CST, du SCRS et de la GRC, dans le but de permettre l'échange d'information, le renvoi d'enquête, la conduite d'enquêtes conjointes, de même que la coordination et la préparation de rapports. En l'absence de toute modification à la loi, nous nous sommes efforcés de favoriser la coopération dans les limites des pouvoirs actuels.
[Français]
En 2005, par exemple, nous avons instauré le Forum des organisations de surveillance, qui organise des rencontres deux fois par année. Ainsi, les agents d'examen et les gestionnaires de mon bureau, du CSARS, de la CCETP de même que le personnel du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada ont la possibilité de comparer leurs pratiques exemplaires en matière de méthodes d'examen et de discuter de questions d'intérêt mutuel.
En collaboration avec nos collègues de l'examen, nous avons également organisé, par le passé, des ateliers sur l'examen qui s'adressaient aux employés qui n'ont jamais effectué ce genre de travail. Nous envisageons de poursuivre cette initiative et, comme je l'ai mentionné, mon prédécesseur et moi avons renvoyé au président du CSARS des questions et des problèmes qui découlaient de nos examens du CST, lorsqu'ils concernaient aussi le SCRS. J'agirais de même avec la CCETP si l'occasion se présentait.
[Traduction]
En ce qui a trait à la partie 4 du projet de loi C-51, les mesures additionnelles pour réduire les menaces envers la sécurité du Canada envisagées pour le SCRS auront davantage d'incidence sur le CSARS, lequel examinera le rendement du SCRS à cet égard.
En ce qui concerne les répercussions de la partie 4 sur mon bureau, nous n'en savons rien pour l'instant. Il est possible que le SCRS demande l'aide du CST lorsqu'il prend des mesures pour atténuer les menaces à la sécurité du Canada. Le CST peut lui fournir une assistance technique et opérationnelle, en vertu de la partie C de son mandat défini par la Loi sur la défense nationale. En pareil cas, j'examinerai les activités du CST à cet égard. Toutefois, nous ignorons l'ampleur du travail qui sera requis tant que la situation ne se sera pas produite. Je suivrai de près cette question pour déterminer si de ce fait il nous faudra accroître nos ressources.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant votre comité. Je vous souhaite bonne chance dans vos délibérations. Je serai heureux de répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup.
Monsieur Doucet, à vous.
Michael Doucet, directeur exécutif, Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité : Monsieur le président, honorables sénateurs, bonjour et merci de m'avoir invité à me présenter devant vous aujourd'hui. Cet après-midi, je suis ravi de vous présenter Chantelle Bowers, directrice exécutive adjointe du CSARS.
Lorsque le CSARS a été convié le mois dernier dans le cadre des discussions sur le projet de loi C-44, j'ai parlé de notre travail et des changements qui pourraient être nécessaires afin de nous aider à accomplir nos tâches de la manière la plus complète qui soit. Je voudrais aujourd'hui revenir sur ce thème, et discuter des répercussions possibles du projet de loi C-51 sur le CSARS et sur la reddition de comptes en matière d'activités de renseignement de sécurité au Canada.
Permettez-moi tout d'abord de revenir sur le fonctionnement du CSARS, car on a dit de ce comité qu'il travaillait à temps partiel. Le comité se réunit plusieurs fois par an, et au cours des réunions, il établit les priorités et examine le travail entrepris par le personnel. Les membres du comité se répartissent également les dossiers de plaintes et président les audiences qui s'ensuivent.
Un effectif qui travaille à temps plein appuie le comité. J'en fais partie en tant que directeur exécutif, et je suis responsable du fonctionnement quotidien du CSARS et de ses 18 employés à temps plein, dont neuf membres du personnel de recherche et trois avocats. L'équipe du CSARS se compose de personnes provenant de différents horizons en termes de formation universitaire et d'expérience professionnelle, et de nombreux employés ont près de 10 ans d'expérience ou plus dans la gestion de questions délicates de sécurité nationale.
[Français]
Une étude type requiert des centaines d'heures de travail et est menée sur quatre à cinq mois. Le personnel du CSARS passe en revue et analyse des milliers de pages de documents sur papier et sur support électronique, organise des séances d'information et mène des entrevues avec le personnel compétent du SCRS. Il se rend souvent sur le terrain lorsqu'une étude porte sur un bureau régional ou un poste à l'étranger. Un rapport classifié sur les résultats de l'étude est présenté au comité lorsqu'il se réunit. Le CSARS mène également des enquêtes sur les plaintes déposées contre le SCRS et les plaintes concernant les refus d'habilitation de sécurité.
[Traduction]
Ainsi, bien que le comité soit composé de membres qui siègent à temps partiel, le personnel du CSARS travaille à temps plein. Ceci étant précisé, j'aimerais désormais aborder les répercussions du projet de loi C-51 sur le CSARS et sur la reddition de comptes.
Le projet de loi C-51 aura une incidence considérable, non seulement sur l'efficacité même du CSARS, mais sur la reddition des comptes en matière des activités de renseignement de sécurité au Canada. L'adoption du projet de loi C-51 placerait le CSARS dans une position délicate où sa capacité à s'acquitter de ses fonctions de surveillance pourrait être compromise. Cela dit, le CSARS est évidemment en train d'évaluer la portée du budget du gouvernement fédéral présenté mardi, à savoir une augmentation importante de son budget pour améliorer sa fonction de surveillance du SCRS.
En premier lieu, les modifications législatives du projet de loi C-51 visant à donner au SCRS l'autorité de mener des activités d'atténuation des menaces, et l'obligation du CSARS d'examiner à chaque exercice au moins un aspect de la prise, par le service, de mesures pour réduire les menaces envers la sécurité du Canada, exigeront un important investissement en ressources, tant dans les fonctions de surveillance du CSRS que dans celles des enquêtes sur les plaintes.
La plus importante répercussion du projet de loi que nous pouvons prédire affectera le personnel de recherche, qui sera chargé de conduire l'examen des activités d'atténuation des menaces du SCRS. De telles activités sont, de par leur nature, potentiellement sujettes à controverse ou peuvent comporter des risques élevés, ce qui signifie que dans les années à venir, ces activités mobiliseront l'attention du comité. Le nombre de plaintes que ces activités peuvent générer est difficile à prévoir, mais nous devons également nous préparer à une augmentation de celles-ci, car le CSARS fait enquête sur les plaintes qui peuvent être portées « contre des activités du Service ».
Le CSARS devrait mobiliser les ressources nécessaires pour surveiller, de manière ciblée et permanente, ces nouvelles activités d'atténuation des menaces, et fournir des rapports exhaustifs et systématiques, comme l'exige le projet de loi. Le comité devra donc prendre des décisions difficiles au cours des prochaines années pour s'efforcer de couvrir les activités encore plus vastes du SCRS.
En deuxième lieu, dans notre rapport annuel de 2010-2011, nous soulignons que :
Les mécanismes de surveillance existants, dont le CSARS, ne sont ni conçus ni outillés pour examiner à fond les activités de plus en plus intégrées du Canada en matière de sécurité nationale.
Cette déclaration est à la source des discussions dont il faut suivre le fil, notamment le fait que le CSARS doit être en mesure de se pencher sur des questions de sécurité nationale et de les évaluer lorsqu'elles sont liées au SCRS et qu'elles vont au-delà des limites strictes de cet organisme.
[Français]
Il n'y a rien là de nouveau, mais le problème reprend de l'ampleur dans le cadre du projet de loi C-51. En 2006, la Commission O'Connor a critiqué la structure de reddition de compte en matière de sécurité nationale et a formulé un certain nombre de recommandations détaillées. Le juge O'Connor notait, à juste titre, que depuis le 11 septembre, les activités de nombreuses entités fédérales étaient liées, mais que les organismes de surveillance travaillaient encore en vase clos.
[Traduction]
La capacité du CSARS de suivre le fil et de mener des examens conjoints est absolument nécessaire pour assurer la reddition de comptes. Grâce au projet de loi C-51 il y aura davantage de communications d'information pour assurer la sécurité nationale. Par conséquent, plus de 100 institutions du gouvernement du Canada peuvent partager de l'information relativement aux activités qui sapent la sécurité du Canada sans qu'il y ait de normes claires en matière de divulgation. Dix-sept ministères ayant un lien avec la sécurité nationale, y compris le SCRS, sont énumérés dans la loi comme étant les destinataires de cet échange d'information. Sur ces 17 ministères, seulement 3 font l'objet d'un organisme d'examen distinct et ces organismes d'examen représentés ici aujourd'hui ne sont pas en mesure de suivre l'information de l'organisme qu'ils examinent lorsqu'elle est transmise à d'autres institutions du gouvernement du Canada. Elles ne peuvent pas non plus mener d'examens conjoints. Ces contraintes législatives sur le CSARS feront en sorte qu'il sera progressivement plus difficile pour nous de donner des assurances sans équivoque sur les activités du SCRS au Parlement et aux Canadiens.
Je voudrais, en terminant, vous présenter les conclusions d'un rapport de 2009 du Comité permanent de la sécurité publique et nationale produit aux termes de son examen des résultats et des recommandations de l'enquête O'Connor. Le rapport stipule ce qui suit :
En l'absence d'une structure de surveillance intégrée et complète des activités de sécurité nationale, le gouvernement ne peut assurer aux Canadiens une protection efficace et efficiente contre les violations de leurs droits et libertés civils.
Le CSARS sera heureux de faire partie d'une telle structure intégrée, peu importe sa forme.
Je vous remercie et suis prêt à répondre à toutes vos questions.
Le président : Merci beaucoup.
Monsieur McPhail.
Ian McPhail, président, Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC : Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie de nous avoir invités, moi et mes collègues du CSARS et du Bureau du commissaire du CST à être ici aujourd'hui. Je suis heureux d'avoir l'occasion de discuter du rôle que joue la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes dans la réalisation d'examens indépendants de la GRC. Je suis accompagné de M. Richard Evans, directeur principal des opérations de la CCETP.
Durant une comparution précédente devant le comité, j'ai déclaré qu'il fallait absolument un mécanisme d'examen civil solide, crédible et indépendant pour maintenir la confiance du public à l'égard de toute organisation policière. À l'époque, je témoignais sur les modifications apportées à la Loi sur la GRC.
Par suite de l'entrée en vigueur de la version modifiée de la Loi sur la GRC en novembre 2014, la commission, nouvellement renommée, dispose maintenant de pouvoirs et de ressources additionnels qui lui permettront d'améliorer son efficacité. Dans la Loi sur la GRC, il est maintenant indiqué sans équivoque que la commission a un droit d'accès aux renseignements qui relèvent de la GRC et peut déterminer quels renseignements sont pertinents pour la réalisation d'une enquête ou d'un examen. Même si certaines restrictions s'appliquent à l'accès de la commission, je suis convaincu que la GRC reconnaît l'importance d'un examen civil indépendant et coopéra avec la commission pour l'aider à s'acquitter de son mandat.
Ce mandat a été élargi, de sorte à inclure non seulement les examens de la conduite des membres de la GRC à la suite d'une plainte du public, mais aussi des examens plus vastes et systémiques. En vertu de l'article 45.34 de la loi, la commission peut effectuer l'examen d'activités précises de la GRC, pour veiller à ce que celles-ci soient exercées conformément aux lois, à leur règlement, à toute directive donnée par le ministre ou aux politiques, procédures ou lignes directrices. Jusqu'à maintenant, la commission n'a pas entrepris de tel examen; elle a toutefois effectué d'importants travaux de planification au cours de la dernière année en vue de se préparer à ce nouveau mandat.
Les employés de la commission ont élaboré un modèle de matrice du risque en vue de faciliter l'identification des activités de la GRC. Compte tenu de la taille de l'organisation et du caractère diversifié et complexe de son travail, le modèle a été établi pour cerner les secteurs qui présentent le plus grand risque et qui devraient donc faire l'objet d'un examen externe, le but étant de repérer les problèmes avant que la situation s'envenime et que la confiance du public en la GRC soit ébranlée.
La GRC a été informée des activités de planification de la commission et je m'attends à pouvoir aviser bientôt le ministre et le commissaire des enquêtes systémiques potentielles. Tout cela pour dire que la commission a le mandat d'examiner toutes les activités de la GRC, y compris celles proposées dans le projet de loi C-51. Par exemple, en ce qui concerne les dispositions du projet de loi relatives à la communication d'information, la commission est bien placée pour examiner ce type d'activités, ainsi que les politiques, les procédures et les mécanismes de surveillance internes qui accompagneraient sans aucun doute la mise en application de telles modifications législatives au sein de la GRC.
Il importe de mentionner que malgré la collaboration accrue rendue possible par le projet de loi C-51, le renseignement de sécurité et le maintien de l'ordre demeurent essentiellement distincts, soumis à des politiques, des procédures et des critères différents. Ainsi, la surveillance des organismes chargés de lutter contre le terrorisme doit, elle aussi, correspondre à différentes compétences. Je crois fermement que le mandat de la commission lui permet d'assurer une surveillance efficace de la GRC.
Grâce au travail concerté des partenaires du milieu de la surveillance aux échelons fédéral et provincial, le Canada est bien servi par un modèle qui fonctionne dans le contexte canadien. À titre d'exemple, la commission a montré qu'elle pouvait collaborer avec d'autres organes de surveillance, en l'absence de dispositions législatives explicites à cet égard, lors de son enquête sur le rôle de la GRC durant les sommets du G8 et du G20. Elle avait alors travaillé étroitement et avec beaucoup de succès avec le bureau du directeur de l'examen indépendant de la police de l'Ontario.
La version modifiée de la Loi sur la GRC confère maintenant à la commission des pouvoirs limités pour la tenue d'enquêtes conjointement avec ses homologues provinciaux. À l'échelon fédéral, la commission s'efforce de maintenir une relation de travail axée sur la collaboration avec le CSARS et le bureau du commissaire du CST, ainsi qu'avec le Commissariat à la protection de la vie privée. J'estime que, ce faisant, nous jetons les bases d'un corps de surveillance de la sécurité nationale plus coordonné et concerté.
Je vous remercie, monsieur le président. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions.
Le président : Merci beaucoup.
Je vais d'abord donner la parole au vice-président et ensuite au parrain du projet de loi, le sénateur Runciman.
Le sénateur Mitchell : Merci à chacun de nos témoins. Vos propos m'ont inspiré un grand nombre de questions que je ne pourrai pas toutes poser, car mon temps est limité.
Le président : Vous avez plus de temps que vous ne méritez.
Le sénateur Mitchell : Je ne sais pas par où commencer. Je vais me montrer gentil avec le président et ainsi j'aurai peut-être droit à trois questions plutôt que deux.
Mes questions sont de deux ordres : tout d'abord, les cloisons étanches dont on a beaucoup parlé. Ensuite, la question des ressources, que l'on a évoquée également.
Je m'adresse tout d'abord à M. Doucet et les autres témoins pourront ajouter un complément d'information. Vous avez dit clairement, et cela est repris dans votre rapport que si le SCRS fournissait des renseignements au ministère de la Défense nationale, lequel à son tour les transmettait aux autorités américaines, et si les autorités américaines les fournissaient à la Syrie, il arriverait que M. Arar se retrouve en Syrie torturé, mais en vertu des dispositions de ce projet de loi, même si le partage des renseignements y occupe une place importante, il n'aurait pas eu moyen de suivre le cheminement des renseignements dans le cas de M. Arar. Les dispositions du projet de loi étoffent le partage de renseignements, mais il ne serait pas possible de suivre le cheminement de façon constructive de votre agence à une autre agence ou à une troisième.
M. Doucet : En effet, sénateur, vous avez raison. Vous avez très bien saisi. Lorsqu'un renseignement est transmis, nous ne pouvons pas suivre le fil, comme nous le disons, d'une agence à l'autre. Le problème est exacerbé du fait que les agences de renseignements ont chacune leurs relations nationales et internationales. Lorsque ces renseignements quittent nos frontières, pour ainsi dire, ils nous échappent complètement. Donc, premièrement, nous n'avons pas les moyens de suivre les renseignements nationaux lorsqu'ils sont transmis d'une agence à une autre.
Bien sûr, les agences de surveillance coopèrent sur le plan des méthodologies et de la recherche, par exemple, mais nous n'avons pas le droit de suivre les renseignements alors que des agences que nous surveillons transmettent de plus en plus d'information, ce qui est tout à fait normal.
Le sénateur Mitchell : On dit que les agences créent des protocoles d'entente pour la transmission de renseignements, mais ce projet de loi n'exige pas qu'elles le fassent. Seriez-vous autorisé, par exemple, à voir le protocole d'entente conclu par certaines agences non seulement avec le SCRS, mais avec d'autres services avec lesquels le SCRS collabore?
M. Doucet : Pas nécessairement. Bien sûr, nous avons un accès illimité à toute l'information que détient le SCRS, à l'exception des documents confidentiels du cabinet. Nous pouvons examiner leurs protocoles d'entente, mais nous ne verrons pas nécessairement les protocoles d'autres agences qui travaillent dans le même domaine. Bien sûr, s'ils sont publics, nous y aurons accès, mais en général, nous ne voyons pas ces protocoles d'entente.
Le sénateur Mitchell : Monsieur Plouffe, je trouve très intéressante votre préoccupation à l'égard de l'expansion possible de vos activités. L'un des éléments qui pourrait inspirer cette préoccupation, pour ainsi dire, ou la motiver, serait les nouvelles dispositions relatives au mandat autorisant le SCRS à entreprendre des activités de perturbation. Cela pourrait vouloir dire, n'est-ce pas, que le SCRS pourrait demander au CST de l'aider à mener ses activités de perturbation, ce qui se traduirait par beaucoup plus de pression.
Avez-vous les ressources nécessaires pour vérifier les mandats? Est-ce que vous le faites maintenant? Je vous pose cette question en pensant à la déclaration du juge Mosley.
M. Plouffe : À l'heure actuelle, je pense avoir suffisamment de ressources. Au cours des sept ou huit dernières années, nous sommes passés de 8 à 11 employés et je prévois que nous continuerons à recruter au cours des deux ou trois prochaines années.
En ce qui concerne ce à quoi M. Doucet a fait allusion, les agences de surveillance échangent de l'information dans une certaine mesure, mais comme je le disais, et comme M. Doucet l'a dit, c'est limité. C'est limité parce que la Loi sur la protection de l'information nous interdit d'échanger des renseignements opérationnels. Nous échangeons, dans une certaine mesure, nos méthodologies, et cetera, mais nous ne pouvons pas, par exemple, mener des enquêtes conjointes. Supposons qu'une affaire concerne le CST et le SCRS, ils voudraient parfois faire un examen conjoint, mais à l'heure actuelle, ce n'est pas possible puisque c'est une affaire opérationnelle.
En vertu des dispositions de ce projet de loi qui concernent le volet assistance de notre mandat si, à l'avenir, par exemple, le SCRS sollicite plus souvent notre aide, cela se traduira par une augmentation de la charge de travail du CST et de mon bureau. À l'avenir, je devrai surveiller cela et voir si cela entraîne une augmentation de notre charge de travail. Dans l'affirmative, je devrai, bien sûr demander davantage de ressources.
J. William Galbraith, directeur exécutif, Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications : En ce qui concerne les mandats, lorsque le CST sera appelé à fournir de l'aide au SCRS, nous aurions effectivement accès au mandat puisque c'est ce qui autorisera le CST à agir, donc, nous pourrons effectivement l'examiner.
Le sénateur Mitchell : D'une certaine façon, bien que cette loi vise une plus grande intégration du travail des 17 agences de sécurité nationale, y compris le partage de renseignements et la collaboration, elle ne fait rien pour décloisonner les quelque 3 sur 17 agences de surveillance qui les examinent. Cela ne touche que 3 de 17 de ces agences de toute façon. Est-ce logique?
M. Plouffe : Eh bien, peut-être pas.
Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup.
Le président : Je pense que le président a donné au vice-président une grande latitude, alors nous allons passer au sénateur Runciman.
Le sénateur Runciman : Ma question s'adresse à M. McPhail et ensuite, peut-être, à M. Doucet.
Monsieur McPhail, dans le cadre de votre travail, qui est de surveiller la GRC, j'imagine que vous avez un large accès aux renseignements de la GRC. C'est ce que j'ai compris de votre exposé préliminaire, mais j'aimerais répéter que votre organisation semble avoir suffisamment de pouvoir pour avoir accès aux renseignements de la GRC et, en particulier, aux renseignements sur la sécurité nationale.
M. McPhail : Pour vous répondre brièvement, sénateur, je dirai que oui. Mais pour entrer dans les détails, la CCETP a le droit d'avoir accès à tous les renseignements qui sont contrôlés par la GRC ou en sa possession et qui, d'après la commission, sont pertinents. Cela s'applique à toutes les étapes d'un examen ou d'une enquête. Cela s'applique également aux renseignements confidentiels, y compris les renseignements sur les activités spéciales et ceux liés au programme de protection des témoins. Le commissaire peut s'y opposer, mais doit fournir les raisons de son objection par écrit. La nouvelle Loi sur la GRC prévoit un mécanisme de résolution des différends dans un tel cas.
Cependant, je crois que la GRC comprend que donner ces renseignements à la commission est très différent que de les divulguer publiquement. C'est parce que la commission fait l'objet de la politique de contre-sécurité du gouvernement. En fait, le gouvernement a ajouté la commission à la liste des agences liées de façon permanente au secret en vertu de la Loi sur la protection de l'information.
J'en déduis que le gouvernement reconnaît que la CCETP est une organisation qui manipule des renseignements sensibles et classifiés. Tout cela pour dire que la commission a le mandat clair d'examiner toutes les activités de la GRC, y compris les activités concernant la sécurité nationale.
Le sénateur Runciman : Voici une question à laquelle vous ne voudrez peut-être pas répondre. Elle traite du CSARS, que connaît bien M. Doucet. J'ai examiné ce qu'il a dit par le passé au sujet de ses préoccupations par rapport au mandat du CSARS qui limite son examen au SCRS. J'ai des questions sur cette conclusion, par rapport à la Loi sur le SCRS. Je ne suis pas certain si elle est basée sur une interprétation exécutoire de la cour par rapport à la loi ou si c'est une décision interne en matière de politique. Je me demande si vos responsables ont examiné ce mandat et son effet sur vous, et si vous êtes d'accord pour dire que le CSARS doit apparemment limiter ses examens au SCRS.
M. McPhail : Nos examens se limitent à la GRC, et ne touchent pas seulement les plaintes du public mais aussi les examens systémiques.
Pour la GRC, cela comprend une enquête criminelle ou un examen dès lors que la GRC reçoit des renseignements concernant la sécurité ou le contre-renseignement. C'est le nouveau mandat de la commission nous permettant de faire des examens systémiques qui nous permettra de faire enquête sur de telles questions.
Clairement, cela ne donne pas à la commission le pouvoir de faire enquête sur des renseignements détenus par d'autres organisations, mais la commission a hypothétiquement le pouvoir de faire enquête sur les politiques et procédures concernant le partage de renseignements de la GRC et les modalités de traitement des renseignements reçus.
Le sénateur Runciman : Vous n'avez pas vraiment répondu à ma question. De toute façon, il a décidé de ne pas répondre.
Je devrais poser cette question à M. Doucet. Compte tenu de la Loi sur le SCRS et sur la question de savoir si vous avez déjà le pouvoir en vertu des articles 39 et 50 d'obtenir des renseignements de qui vous voulez dans le cadre d'une enquête sur une plainte, je me demandais, comme je l'ai dit plus tôt, si vous avez l'autorisation expresse — quant à moi, je crois que vous l'avez — de convoquer des témoins et d'obtenir des documents d'autres ministères et agences fédérales. J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi, à votre avis, votre mandat est limité aux examens. Je pense que vous avez aussi la capacité d'amorcer des enquêtes. Je pense que vous avez parlé d'en amorcer suite à une plainte. Peut-être que je me trompe, mais je crois que vous avez la capacité de faire des enquêtes régulières pendant qu'une opération est toujours en cours. Je sais que le juge Major a parlé de ces enquêtes et examens après coup, mais vous avez la possibilité d'examiner une situation pendant qu'elle se déroule.
M. Doucet : Merci, sénateur. Commençons par parler de la loi et revenons à 1984, l'année où la Loi sur le SCRS a été promulguée.
En 1984, et pendant de nombreuses années après, les agences canadiennes de renseignement ne se parlaient pas nécessairement beaucoup. On parle du renseignement contemporain, du monde du renseignement après les attaques du 11 septembre, où les agences se parlent et partagent beaucoup plus de renseignements. Historiquement, si on veut, nous n'avons toujours examiné que le SCRS.
Dans notre rapport annuel déposé au Parlement pour l'année 2011-2012, pour la première fois, nous avons ajouté une section intitulée « Message du directeur exécutif ». Il y a toujours eu un message du comité. Dans ce rapport annuel, j'ai présenté au Parlement ce que j'appellerais nos trois principes directeurs.
Premièrement, nous sommes une organisation professionnelle qui embauche des professionnels qui font un travail professionnel très sérieux. Cela devrait être évident, mais nous voulions le mentionner.
Le deuxième principe, c'est que nous sommes indépendants. Nous le sommes farouchement, et nous le défendrons.
Troisièmement — et je pense que c'est ce qui concerne votre question, sénateur — nous faisons partie de la communauté de la sécurité et du renseignement. Nous ne sommes pas seulement une agence de surveillance du SCRS. Nous faisons partie de cette communauté. En tant que membre, notre objectif est d'aller voir les autres membres et de leur parler des outils et des techniques qu'ils utilisent et qui ressemblent à ceux du SCRS, afin de mieux surveiller le SCRS.
À cet égard, j'aime donner l'exemple des technologies de surveillance. Il y a d'autres agences policières de la communauté de la sécurité et du renseignement qui utilisent des technologies de surveillance. C'est à notre avantage, et à celui du Parlement, d'avoir ces discussions. Jusqu'à maintenant, ces discussions se limitent aux outils et aux techniques, et non pas aux renseignements opérationnels.
Afin de se préparer pour l'avenir et d'examiner la nouvelle loi et ses conséquences, nous ferons une analyse des lacunes pour voir ce qui nous manque, ce que nous n'obtenons pas et ce que nous n'examinons pas. Dans le cadre de cette analyse, nous examinerons évidemment nos pouvoirs — pas seulement ceux que nous avons utilisés par le passé, mais ceux que nous pourrions avoir à l'avenir. Je crois qu'il faut regarder ce qu'on a fait par le passé afin de mieux prévoir ce que l'on pourra faire ou devra faire à l'avenir.
Je n'ai peut-être pas répondu précisément à votre question sur votre interprétation de la loi, mais je pense que j'ai expliqué d'où nous venons et où nous en sommes aujourd'hui.
Je dois vous dire que, après avoir annoncé au Parlement que nous allions parler à d'autres organisations des outils et des techniques utilisés par les agences policières et de sécurité et renseignement, lorsque nous avons cogné à leurs portes, la première question a été : « Que faites-vous ici? Vous n'avez pas le droit de nous parler. » Eh bien, nous avons certainement ce droit. Elles ne veulent peut-être pas nous parler, mais nous avons ce droit.
Les portes se sont vraiment ouvertes pour nous. Quand nous allons voir une autre organisation, nous lui disons : « Vous ne serez pas dans notre rapport annuel. Nous ne vous critiquons pas. Nous ne sommes pas en train de vous examiner. » Nous voulons obtenir des connaissances sur un outil, une technique, que ce soit l'analyse, la surveillance, ce genre de choses, comme je l'ai dit. Voilà où nous en sommes aujourd'hui.
La sénatrice Stewart Olsen : On a peut-être déjà partiellement répondu à ce qui suit, monsieur le commissaire Plouffe. Vous dites qu'il faut des changements législatifs pour élargir le mandat du comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité. On parle de partage, et je peux voir que c'est un point important. Pensez-vous qu'on peut y arriver par règlement ou avec un protocole d'entente entre les deux ministères, ou pensez-vous qu'il faut une loi?
M. Plouffe : Comme nous le savons, les règlements ne sont pas aussi contraignants que les lois. Un protocole d'entente est encore moins exécutoire. C'est exécutoire, mais un protocole d'entente entre ministères ou institutions est comme un accord, un contrat. Je crois qu'il nous faut un changement législatif, pas seulement des règlements, si nous voulons que les organismes de surveillance partagent explicitement des renseignements sur les activités opérationnelles.
Aussi, normalement, on adopte des règlements en vertu d'une loi. Pour adopter des règlements, ils doivent être liés à une disposition de la loi habilitante. En d'autres mots, disons qu'on a le pouvoir de le faire en vertu de la Loi sur la défense nationale. Alors on peut adopter un règlement à ce sujet. Mais s'il n'y a pas de disposition dans la loi qui permet aux organismes de surveillance de collaborer et partager des renseignements, je ne pense pas que l'on puisse adopter des règlements valides en vertu de cette loi.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci.
Monsieur Doucet, vous êtes confiant que vous avez présentement la capacité de faire la surveillance nécessaire? Vous y avez répondu en partie en parlant de votre analyse des lacunes, alors je ne sais pas s'il est nécessaire que vous en disiez plus, parce que c'était une assez bonne réponse.
M. Doucet : Le CSARS a entièrement confiance dans sa capacité d'obtenir des renseignements du SCRS pour faire ses examens. Comme nous l'avons mentionné au sujet du projet de loi C-44 lorsque nous sommes venus ici, nous nous préoccupions des lacunes, étant donné l'élargissement des activités du SCRS. Mais nous sommes plus confiants aujourd'hui que lundi.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci beaucoup.
Le sénateur Kenny : J'ai des questions pour M. Plouffe.
La dernière fois que j'ai eu l'occasion en comité de poser des questions à quelqu'un qui occupe votre poste, c'était lorsque le juge Lamer l'occupait. Lorsque je lui ai demandé ce qu'il faisait, il a répondu : « Pas grand-chose. Les gens ne se plaignent pas beaucoup de la collecte de renseignements électronique, alors nous ne sommes pas très occupés. »
C'était il y a quelque temps. Pourriez-vous décrire au comité comment vous faites votre travail; quelles en sont les composantes; comment déterminez-vous vos priorités et est-ce que vous y travaillez à temps plein?
Le président : Cela fait quatre questions.
Le sénateur Kenny : Non. En fait, je n'ai posé qu'une question bien précise.
M. Plouffe : Je vais commencer par la partie facile. Je ne travaille pas à temps plein, mais à temps partiel.
Je ne suis pas d'accord avec mon ex-collègue, ou l'ex-commissaire, selon lequel nous avons peu de choses à faire. En fait, nous en avons beaucoup. Nous avons une relation professionnelle très étroite avec le CST. En revanche, j'ai un double mandat : veiller à ce que le CST se conforme à la loi et m'assurer qu'il protège la vie privée des Canadiens.
Ce dernier aspect, la vie privée des Canadiens, est une question sérieuse qui implique beaucoup de travail. Nous examinons à la fois la loi et les procédures employées par le CST. Nous nous penchons sur ses activités internes relativement à la vie privée, et cetera. Nous voulons nous assurer que la vie privée des Canadiens est respectée. Nous effectuons de six à huit examens chaque année sur un éventail de sujets, ce qui nous tient en effet bien occupés.
Je travaille à temps partiel, mais j'habite en Outaouais. J'y travaille peut-être plus de deux jours et demi par semaine. J'y suis peut-être trois ou quatre jours par semaine. Hier, le directeur exécutif m'a téléphoné. J'étais en train de dîner quelque part, et il m'a dit : « Nous avons besoin de toi. » Je suis bel et bien venu. Je ne viens pas de Montréal, ni de Toronto. Je suis d'Ottawa, donc disponible. Officiellement, je travaille à temps partiel, mais dans la pratique je travaille plutôt à temps plein.
Le sénateur Kenny : Vous venez de me donner la réponse de M. le juge Lamer, mais en des termes plus enrobés. Vous ne nous avez rien dit sur ce que vous faites concrètement. Pourquoi ne pas nous expliquer comment vous protégez la vie privée des Canadiens et comment vous établissez vos priorités?
M. Plouffe : Je vais demander au directeur exécutif de vous expliquer en quoi consiste un examen. C'est un processus détaillé. Il saura bien vous l'expliquer.
M. Galbraith : Sénateur, pour résumer, sur notre site web nous avons décrit ce qui constitue un examen, comment nous l'entreprenons, comment nous établissons nos priorités, comment nous déterminons ce qui doit être examiné et dans quel ordre de priorité.
Le CST nous fournit de l'information sur ses activités. Les examens, quant à eux, peuvent cerner des problèmes qui exigent une enquête particulière.
Nous actualisons deux fois par année notre plan de travail annuel et notre plan triennal. Ces plans sont mis à jour deux fois par année. Ils ne sont pas gravés dans la pierre. Si un problème survient, nous consultons le commissaire. S'il estime que la question est prioritaire compte tenu des risques de non-conformité à la loi ou des risques de ne pas respecter la vie privée des Canadiens, cette question devient bel et bien prioritaire et d'autres dossiers doivent être mis de côté.
À tout moment, une dizaine d'examens peuvent être en cours. Le commissaire a indiqué que nous effectuons de six à huit examens classifiés qui sont par la suite soumis au ministre délégué au CST, le ministre de la Défense nationale, mais ces examens sont terminés. D'autres vont se poursuivre au cours de la prochaine année financière, par exemple.
Cette réponse vous satisfait-elle ou auriez-vous d'autres questions précises?
Le sénateur Kenny : Votre réponse ne me satisfait pas, mais je vais passer à ma seconde question. Quelles seraient les conséquences de ne pas obtenir le pouvoir légal d'échanger de l'information? Vous nous dites à quel point ce pouvoir vous est important. Expliquez-nous quel préjudice le Canada pourrait subir si vous n'obtenez pas ce pouvoir.
M. Plouffe : Eh bien, c'est tout simplement que notre travail devient beaucoup plus compliqué. Nous pouvons toujours le faire, mais il est beaucoup plus difficile si l'on ne peut pas partager quoi que ce soit avec d'autres organismes de révision. Quand on pense aux agences de renseignement, on constate qu'elles collaborent de plus en plus entre elles. Pourquoi pas nous? Ce qui vaut pour elles devrait valoir pour nous.
Il en va de même partout au monde. Justement, je dois me réunir avec mes homologues américains et britanniques. Nous voulons partager l'information pour être plus efficaces. Si nous pouvions partager l'information avec d'autres organismes de révision, nous serions encore plus efficaces dans notre travail.
Je vais vous donner un exemple typique d'examen conjoint. Il s'agit de l'affaire Mosley. Mon prédécesseur est le premier à avoir soulevé le problème dans un rapport annuel. Il a dû renvoyer le dossier au président du SCRS. Comme nous n'avions pas le droit de faire un examen conjoint, il a été obligé de renvoyer carrément le dossier au président du SCRS pour suite à donner. En vertu de cette loi, nous aurions l'autorisation expresse de partager l'information. Ainsi, nous aurions pu effectuer un examen conjoint et même produire un rapport conjoint.
En ce qui me concerne, comme c'est souvent le cas lorsqu'on parle de loi, c'est une question de gros bon sens.
Le sénateur Kenny : Vous dites que ce serait beaucoup plus efficace, mais vous ne m'avez pas encore donné d'exemple des conséquences si vous n'obtenez pas cette autorisation.
M. Plouffe : Avec tout le respect que je vous dois, je crois au contraire avoir au moins partiellement répondu à votre question. Je vous dis que je suis capable de faire mon travail, effectivement, mais il est beaucoup plus difficile de le faire tant que je ne peux pas partager de l'information avec mon homologue au CSARS, ce qui me force à agir en vase clos. Quel est le problème de partager de l'information opérationnelle entre nous? Cela faciliterait grandement les choses. Nous perdrions beaucoup moins de temps et serions beaucoup plus efficaces. J'imagine que les Canadiens souhaitent que nous soyons aussi efficaces que possible.
Pour répondre tout simplement à votre question en bref, actuellement, nous arrivons à faire notre travail. Il n'y a pas de problème. Nous pouvons nous acquitter de nos obligations, mais nous pourrions le faire beaucoup plus efficacement si nous pouvions partager de l'information.
La sénatrice Beyak : Pour gagner du temps, je ne poserai pas d'autre question, puisque les réponses données au sénateur Kenny correspondent aux questions que j'aurais posées.
Le sénateur Ngo : Ma question s'adresse à M. Doucet. Dans votre exposé, vous avez parlé du manque de ressources. À la lumière du budget déposé mardi, qui doublerait votre budget, le faisant passer de 2,5 millions à 5 millions de dollars par année et tous les cinq ans par après, aurez-vous les ressources nécessaires pour examiner les activités du SCRS au Canada et à l'étranger, y compris pour le partage d'information, la perturbation des activités et l'utilisation de mandats?
M. Doucet : Merci de la question, sénateur. Nous avons déjà commencé à examiner les modalités d'utilisation des nouveaux budgets et des dépenses. J'en arrive à votre question.
Auparavant, je souhaite vous assurer que le CSARS n'utilisera pas ces fonds pour modifier son effectif. Nous allons plutôt mener une étude des lacunes, à savoir les activités que nous ne menons pas aujourd'hui, et les combiner à des activités concernant le partage des informations et la perturbation des activités, qui sont encadrées par des lois très complexes. Je suis sûr que nous pourrons structurer notre organisation afin de lui permettre d'accomplir son mandat. Lorsque l'on constate des lacunes dans nos activités, nous en parlerons en aval et nous informerons le Parlement non seulement de la façon dont nous utilisons ces nouveaux fonds, mais également des lacunes qui existent et qui ne font pas l'objet d'une révision.
Comme le sénateur Kenny et vous-même l'avez dit, le partage de l'information est chose complexe. Nous ne nous attendons pas, si ce projet de loi devait entrer en vigueur, à ce que le service soit inondé de renseignements qu'il faudrait passer en revue. Par contre, avec le temps, nous nous attendons à en recevoir beaucoup plus que maintenant. Ce projet de loi ne prévoit pas de mécanisme pour assurer la fiabilité de ces renseignements et c'est donc un aspect de l'enjeu consistant à suivre le fil d'informations. Nous imaginons qu'un jour, le SCRS recevra des renseignements de plus d'une centaine d'organisations sans aucune indication de leur fiabilité. Évidemment, nous nous pencherons sur ce que fait le SCRS de ces renseignements, comment il les exploite et en dispose. Il y a donc beaucoup de travail à faire, mais nous sommes convaincus de pouvoir faire un bon emploi du financement accordé et de mieux servir encore le Parlement et les Canadiens.
La sénatrice Jaffer : Je vous remercie pour vos exposés, ainsi que pour votre présence.
Je sais que pendant de nombreuses années, vous avez composé avec d'autres groupes et les menaces qu'ils présentaient. Je ne donnerai pas leur nom, mais comme je suis musulmane, je peux nommer les groupes qui vous intéressent maintenant. Je sais que la GRC et le SCRS ont fait des progrès sur le plan de la diversité, et j'ai bon espoir qu'ils ont commencé à comprendre les défis auxquels est confrontée la communauté musulmane.
Comme vous êtes en périphérie, j'aimerais savoir comment vous vous renseignez. Dans quelle mesure est-ce que votre effectif est diversifié, et que faites-vous pour comprendre les défis que connaît la communauté musulmane?
De plus, quels sont vos rapports avec la communauté la plus touchée? Je sais que vous n'en avez pas directement, mais les musulmans forment une bonne partie de la population du pays, et eux aussi doivent pouvoir vous faire confiance par rapport à l'action que vous menez. Comment communiquez-vous avec elle au sujet de votre travail, afin de gagner la confiance de la communauté la plus touchée actuellement?
M. Doucet : Je vous remercie pour cette excellente question. Permettez-moi de commencer par la manière dont nous instruisons notre effectif et ce que nous faisons, au CSARS pour l'éduquer, non seulement sur les diverses communautés, mais aussi au sujet de la technologie et d'autres domaines.
Il y a quelque temps, nous avons commencé à tenir ce que nous avons appelé les événements du vendredi matin ou après-midi, auxquels sont conviés tous les membres du personnel. La raison pour laquelle c'est le vendredi, c'est que notre effectif passe beaucoup de temps au SCRS, au service lui-même, et le vendredi tend à être jour de bureau, consacré à la paperasserie et à la rédaction de rapports. Il y a un mois ou deux, un expert reconnu de la sécurité publique est venu nous parler — non seulement au personnel, mais au comité — de la radicalisation et des communautés. Cela nous a vraiment éclairés sur le travail qui se fait au ministère de la Sécurité publique. De cette façon, nous espérons être bien renseignés.
Pour ce qui est du service et de l'examen qu'on en fait, chaque fois qu'il traite des particuliers ou des renseignements, nous examinons toujours ses motivations et le caractère proportionnel de sa réaction. Nous posons toujours la question suivante : « Quelle est la menace pour le Canada et les Canadiens, et pourquoi faites-vous ceci? » Si nous ne sommes pas satisfaits des réponses reçues, nous le signalons dans un rapport.
Nous n'avons pas nécessairement des rapports avec les communautés sous forme d'activités de sensibilisation. Mais dans la mesure du possible, nous participons à diverses conférences et tribunes, dans les universités et ailleurs, pour faire connaître le CSARS et l'action qu'il mène pour le compte des Canadiens. C'est vraiment là où nous en sommes.
Je pense que c'est là où nous mettons l'accent. Il y a peut-être un an et demi, nous avons comblé un poste directement lié aux communications et aux relations communautaires, et nous sommes en train de dresser des plans pour l'avenir.
La sénatrice Jaffer : Si mon collègue, le sénateur Baker, était ici, il vous poserait une question, que je vais vous poser moi-même, mais peut-être pas avec son éloquence. Il pose cette question au sujet du juge fédéral Richard Mosley, qui a vertement critiqué le SCRS — vous savez ce dont je parle, monsieur Doucet — et toutes ces décisions qui n'ont pas encore été rendues. Je ne cherche pas à vous faire dévoiler des renseignements secrets, mais est-ce que le CSARS analyse ce qui s'est passé? Car le juge Mosley a clairement établi que le SCRS et d'autres organismes fédéraux avaient illégalement mis sur pied des réseaux de surveillance mondiale à l'insu de nos tribunaux. Est-ce que le CSARS analyse le comportement du SCRS dans ce dossier?
M. Doucet : Nous sommes toujours bien au courant de ce que fait la Cour fédérale. Nous connaissons très bien la décision Mosley. Ma collègue, Chantelle, pourra peut-être aussi vous en parler. Nous sommes toujours attentifs au devoir de franchise dont a parlé le juge Mosley. Nous avons la possibilité d'analyser le processus des mandats d'un bout à l'autre, le ciblage, toutes ces choses, alors nous en sommes tout à fait conscients.
Chantelle, voulez-vous ajouter quelque chose?
Chantelle Bowers, directrice exécutive adjointe, Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité : J'ajouterais seulement que nous suivons très attentivement la jurisprudence. Il y a aussi eu, bien entendu, l'examen de cette décision qu'a fait la Cour fédérale d'appel. Elle est maintenant devant la Cour suprême du Canada, alors nous en faisons le suivi, et nous continuerons d'intégrer les mandats à notre processus d'examen à l'avenir, et de suivre la question de très près.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma question s'adresse à M. McPhail. Je suis content que vous soyez présent. J'ai été policier à la Sûreté du Québec, et on appelait cela le comité de déontologie. Alors, j'aime mieux vous poser des questions à titre de sénateur. Je veux vous parler de votre crédibilité, qui a souvent été attaquée dans les médias. Il serait donc intéressant de connaître votre opinion sur cette question. Ma question est fort simple : recevez-vous l'accueil, la compréhension et l'appui nécessaires de la part des autorités politiques pour bien réaliser vos mandats de surveillance?
[Traduction]
M. McPhail : La réponse très simple à votre question, sénateur, est oui, absolument. De fait, depuis que je suis à la commission, nous avons augmenté notre effectif. Certains des membres de notre personnel ont une vaste expérience du maintien de l'ordre et des questions liées au renseignement.
Pour revenir aux commentaires qu'a faits la sénatrice Jaffer, nous sommes aussi tout à fait conscients que la GRC est appelée à servir des communautés diversifiées, alors nous nous sommes nous aussi beaucoup diversifiés.
D'ailleurs, l'un de mes objectifs est de mettre sur pied un comité consultatif composé de Canadiens bien informés et de divers horizons pour nous aider à apaiser certaines inquiétudes du public. La modification de la Loi sur la GRC confère à la commission plus de pouvoir et l'augmentation du financement nous permet d'avoir les outils nécessaires pour nous acquitter de notre tâche, alors je suis convaincu que nous avons cette capacité.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Est-ce que vous avez un type de processus de médiation? Par exemple, en déontologie, on sait que les policiers pouvaient passer devant le comité de déontologie, mais qu'il y avait par contre un processus de médiation dans le cadre duquel le citoyen pouvait se faire entendre, en présence d'un commissaire. Tout cela se faisait non pas en dehors, mais dans le cadre d'un type de médiation. Est-ce que votre comité prévoit ce genre de processus?
[Traduction]
M. McPhail : Actuellement, nous sommes en mesure de passer en revue la résolution informelle des conflits et nous le faisons, et c'est la GRC qui le fait avec les plaignants. Depuis que j'ai pris mes fonctions, nous avons reçu plusieurs plaintes de citoyens qui étaient mécontents des résultats de ce processus de résolution informelle des conflits. Nous avons fait enquête et présenté des recommandations.
Nous procédons en ce moment à l'examen de toutes les questions de la médiation informelle afin de déterminer s'il y a possibilité pour la commission de participer directement à ce processus plutôt que de simplement passer ses résultats en revue, donc c'est pour nous une question prioritaire.
Le président : J'aimerais poser une ou deux questions. Je voudrais adresser la première à l'honorable Jean-Pierre Plouffe. Il s'agit de votre expérience antérieure en tant que juge. Dans le projet de loi C-51, la demande de mandat doit être présentée à un juge, qui doit l'avaliser. Êtes-vous convaincu, d'après votre expérience antérieure, que c'est à tout le moins un mécanisme important de freins et contrepoids qui fait en sorte que ceux dont la tâche au quotidien consiste à assurer la sécurité des Canadiens tout en faisant l'objet d'une surveillance pointue, est un bon processus?
M. Plouffe : Pour répondre brièvement, oui. Dans ce cas, le renvoi à la Cour fédérale en vue de l'obtention d'un mandat pour ce qui est des éventuels nouveaux pouvoirs conférés au SCRS, constitue une forme de surveillance, qui est, selon moi, tout à fait adéquate.
Le président : J'aimerais moi aussi poursuivre dans cette veine, parce que Mme Bowers et M. Doucet ont fait allusion aux mandats. Pendant cette étude, certains témoins ont dit que, après l'émission du mandat, le juge ne demande pas souvent de reddition de comptes. Donc, très peu de personnes sont informées des résultats découlant de la demande de mandat.
En gardant cette critique à l'esprit, seriez-vous en faveur soit de la mise en œuvre d'un règlement par le gouverneur général ou de la mise en œuvre d'une politique, qui amènerait les agents du SCRS à indiquer dans leur demande de mandat la manière dont ils feront rapport de son exécution de sorte qu'il y ait une forme de reddition de comptes. Seriez-vous en faveur d'une telle mesure?
M. Doucet : Merci, sénateur. Voilà une bonne question, à laquelle je n'ai pas réfléchi, pour être tout à fait honnête. D'un point de vue conceptuel, il est intéressant que...
Le président : Vous êtes en faveur ou non?
Le sénateur Mitchell : Je pense qu'il allait se prononcer en faveur.
M. Doucet : Une telle mesure pourrait être une bonne manière de rendre compte de l'exécution d'un mandat. Il existe bien sûr d'autres façons de faire, mais ce que vous proposez obligerait à rendre compte de l'exécution du mandat.
Le président : Sénateur Kenny, voulez-vous intervenir? Je ne crois pas qu'on ait répondu à votre question à propos de la nécessité d'apporter des changements législatifs touchant la coopération entre les différents organismes.
Je crois comprendre, selon votre exposé, qu'il existe un groupe de travail composé de représentants de différents organismes qui se réunissent quelques fois par année. Je ne sais pas de quoi vous auriez besoin pour faire votre travail à part ce qui existe déjà. Je suis préoccupé. Si tous se rapprochent plutôt que de s'inquiéter chacun de leur mandat, les mandats peuvent devenir de plus en plus flous, en fait, ce pourrait être nuisible.
Peut-être que le sénateur Kenny veut commenter avant d'entendre votre réponse.
Le sénateur Kenny : Cela dépend, aurais-je l'occasion de poser une question supplémentaire par la suite?
Le président : Oui, vous pourrez le faire parce que je vous donne cinq minutes.
Le sénateur Kenny : Merci.
Selon moi, quand on se présente devant un comité comme le nôtre, on devrait être prêt à répondre aux bonnes idées tout en mettant en lumière certains aspects négatifs, ou des coûts, et pas seulement à nous parler d'efficacité accrue. L'efficacité, c'est ce que tout le monde souhaite, mais pouvez-vous nous donner des exemples d'effondrement du système? J'ai peut-être été injuste, et la question s'adresse à tous les témoins. Monsieur Plouffe, si vous voulez ajouter quelque chose, je serais ravi de vous entendre, notamment à propos d'exemples précis de ce qui pourrait échapper à votre attention ou de ce qui vous a échappé à cause d'un problème de communication.
Monsieur Doucet, je vous en prie, répondez, même si d'autres sont en train de se consulter.
M. Doucet : Merci, sénateur. Parlons d'abord de la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada, selon laquelle une centaine d'agences gouvernementales peuvent maintenant transmettre des renseignements à 17 agences du domaine du renseignement de sécurité. Quand on parle de « suivre le fil », on fait référence à l'opposé de la question que vous avez posée. Toutefois, les renseignements seront portés à l'attention d'une agence de renseignement et je prendrai l'exemple du SCRS parce que c'est l'agence que je connais le mieux. Le SCRS peut recevoir une vaste quantité de renseignements, étant donné les concepts élargis du partage de renseignements et les différents seuils intégrés dans la loi en comparaison avec la Loi sur le SCRS. Les renseignements fournis ne sont pas forcément associés à des seuils. Voilà le premier problème.
Deuxième problème, le projet de loi ne prévoit pas de mécanisme garantissant la fiabilité des renseignements transmis. Des renseignements pourraient être fournis à propos d'un Canadien, vous ou moi, sans que la fiabilité des renseignements soit remise en question. Cela pourrait poser problème parce que, à partir de ce moment-là, le service détiendrait des renseignements sans le contexte permettant d'en juger la fiabilité.
Troisièmement, l'intégration et le partage renforcés des renseignements entre les institutions fait ressortir qu'il est impossible de mener une évaluation conjointe de ces 17 agences au moyen de trois organismes de surveillance. Pendant combien de temps les renseignements obtenus sur les Canadiens seront-ils conservés sans qu'on puisse juger de la proportionnalité, de la fiabilité ou de la menace parce que l'agence ayant transmis ces renseignements a jugé qu'une menace existait au moment de les transmettre.
Si on communiquait avec l'agence en question dans le cadre de notre examen, on pourrait poser cette question : « Vous avez fourni des renseignements au SCRS, nous savons comment le SCRS a traité ces renseignements, pourquoi les avez-vous transmis? Quel seuil avez-vous choisi lors de la transmission de ces renseignements? »
Il s'agit d'un facteur majeur pour ce qui est du partage d'information et de notre capacité à mener des examens conjoints. Je le répète, nous partageons des renseignements selon des perspectives méthodologiques, opérationnelles et des perspectives d'apprentissage et de développement, mais nous ne partageons pas de renseignements opérationnels que nous examinons.
Le président : Sénateur Kenny, êtes-vous satisfait? Il est 14 h 15.
Le sénateur Kenny : Non, je ne le suis pas, monsieur le président.
Le président : Peut-être que vous pouvez remettre ça à un autre jour.
Le sénateur Kenny : Vous m'avez donné le temps de poser ma question et j'aimerais poser cette question maintenant.
Le président : Je vous accorde deux minutes et c'est tout, ensuite nous allons accueillir notre prochain groupe de témoins. Soyez bref.
M. Plouffe : J'ai un exemple à vous fournir, sénateur.
Le sénateur Kenny : Ça ne fera pas partie de mes deux minutes.
Le président : Bon, là on commence à dépasser les bornes.
Le sénateur Kenny : Non, pas du tout.
Le président : Posez votre question et je demanderais une réponse brève, ensuite nous suspendrons pour accueillir les prochains témoins. Posez votre question.
Le sénateur Kenny : M. Plouffe dit avoir la réponse à une question précédente qu'il n'a pas pu poser.
Le président : Alors écoutons M. Plouffe.
Le sénateur Kenny : Ensuite, je poserai ma question.
M. Plouffe : Très brièvement. Il s'agit de l'affaire Mosley. Je demanderai à mon directeur exécutif de vous fournir quelques précisions.
M. Galbraith : Rapidement, j'aborderai la question des préjudices et de ce qui ne pourrait pas se produire. Dans le cas du juge Mosley, quand celui-ci a demandé des renseignements supplémentaires de la part du SCRS à propos des mandats, il s'agissait d'un cas pour lequel le SCRS a demandé l'aide du CST. Si nous avions pu transmettre des renseignements opérationnels au CSARS, le commissaire aurait pu transmettre ces renseignements opérationnels au CSARS et il aurait ainsi pris connaissance de renseignements supplémentaires permettant d'examiner le travail du SCRS. Quand le juge Mosley a fait sa demande à l'automne 2013, cette suite d'événements aurait pu se produire un an plus tôt si nous avions pu partager des renseignements opérationnels. La Loi sur la protection de l'information empêche justement ces événements de se produire.
Le président : Désolé, à titre de président, je dois dire que le temps file. Il est 14 h 17. Je voulais dire que nous sommes en pause et que les témoins peuvent disposer.
Le sénateur Kenny : Je souhaite défendre mon point.
Le président : Vous avez déjà fait valoir votre point. Nous sommes en pause.
(La séance est suspendue.)
——————
(La séance reprend.)
Le président : Je vous souhaite de nouveau la bienvenue au Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense alors que nous poursuivons l'examen du projet de loi C-51. Avec nous dans le deuxième groupe de témoins d'aujourd'hui, nous avons M. Daniel Therrien, commissaire à la protection de la vie privée, et Mme Leslie Fournier-Dupelle, conseillère stratégique en politique et recherche, tous deux du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.
J'ai cru comprendre que vous avez une déclaration préliminaire, alors je vous laisse commencer.
[Français]
Daniel Therrien, commissaire à la protection de la vie privée, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada : Monsieur le président, chers membres du comité, je vous remercie de votre invitation à discuter du projet de loi C-51. Je vais être le plus bref possible afin de vous permettre de poser des questions et d'éclairer le débat sur ce projet de loi, je l'espère. Je vais aller directement au fond des choses.
À titre de commissaire à la protection de la vie privée du Canada, je crois que la partie 1 du projet de loi C-51, qui concerne la communication de renseignements entre tous les ministères et 17 organismes particuliers aux fins de la sécurité nationale, est une mesure excessive. Même si je conviens que la communication de renseignements que prévoit le projet de loi pourrait, dans certains cas, permettre de déceler de nouvelles menaces, je crois que le prix en matière de vie privée qu'on propose de nous faire payer pour arriver à cette fin est beaucoup trop élevé. Ce projet de loi pourrait vraisemblablement entraîner la collecte et la communication de quantités excessives de renseignements personnels sur de simples citoyens respectueux de la loi. En outre, cela ouvre la porte au profilage éventuel et à l'analyse de données massives, qu'on appelle en anglais « big data », sur l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens. Bref, les moyens choisis pour atteindre ce but sont excessifs.
Le projet de loi C-51 pourrait très bien protéger à la fois la sécurité et la vie privée. Pour proposer une approche équilibrée, le projet de loi devrait prévoir des seuils raisonnables pour le partage d'information et des mécanismes de surveillance efficaces. Tout d'abord, en ce qui concerne les seuils ou les normes raisonnables, je recommande de modifier le projet de loi de manière à ce que seule l'information nécessaire aux mandats des agences de sécurité, plutôt que le seuil proposé de la « pertinence », soit communiquée. Ce seuil de la pertinence est très important, parce que c'est lui qui a pour effet d'exposer les renseignements personnels d'honnêtes citoyens, des Canadiens ordinaires, et non pas seulement ceux d'individus soupçonnés d'être impliqués dans des activités terroristes. Tant le concept de proportionnalité que celui d'équilibre militent en faveur de ce changement, afin d'éviter une communication trop généralisée des renseignements.
Selon certains, cette recommandation forcerait les ministères à devenir des spécialistes de la sécurité nationale afin d'évaluer de manière appropriée si l'information est bien nécessaire avant sa communication. Il existe une solution simple à ce problème, c'est-à-dire modifier le projet de loi de manière à obliger les ministères qui reçoivent l'information à réaliser une telle évaluation de la nécessité dès la réception des renseignements, et régulièrement par la suite, et à détruire immédiatement toute information non nécessaire aux fins de leur mandat. Remplacer le seuil de la « pertinence » par celui de la nécessité permettrait également de combler l'écart avec le seuil de l'un des principaux organismes destinataires des renseignements, soit le SCRS, qui doit, selon sa loi le régissant, recueillir l'information « strictement nécessaire ». Si le seuil de la nécessité suffit au SCRS en vertu de sa loi actuelle et que cette loi n'est pas modifiée en vertu du projet de loi C-51, pourquoi n'en serait-il pas de même pour tous les autres organismes qui recevront des renseignements en vertu du projet de loi C-51.
[Traduction]
Ma deuxième préoccupation a trait à la surveillance. Je suis préoccupé par le fait que, sur les 17 organismes destinataires, 14 ne font l'objet d'aucune surveillance indépendante efficace. En outre, alors que les organismes de sécurité nationale pourront échanger des renseignements beaucoup plus facilement, les organismes d'examen ou de surveillance actuels, y compris le commissariat, sont restreints par des limites de compétence et des mesures leur interdisant de communiquer de l'information entre eux.
Même si le commissariat aura pour responsabilité d'examiner la mise en application des dispositions de ce projet de loi, je souhaite réitérer que, en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, ces activités de contrôle d'application se limiteront aux questions touchant les renseignements personnels. Aucun organisme de surveillance n'a l'autorité de surveiller la légalité ou l'efficacité des activités de 14 des 17 organismes destinataires.
En outre, en raison de l'étendue des communications de renseignements prévues dans ce projet de loi, et compte tenu de mes autres responsabilités en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la LPRPDE, qui s'applique au secteur privé, l'examen effectué par le commissariat pourrait ne pas être pleinement efficace s'il s'effectue avec le niveau de ressources dont nous disposons actuellement. Je vais tenter de modifier nos priorités en conséquence dans la mesure du possible, mais si j'utilise mon pouvoir d'examen pour me consacrer à des activités associées au projet de loi C-51, je devrais probablement délaisser l'examen d'autres programmes et initiatives d'importance, autant du secteur public que privé.
Voici quelques observations finales : le ministre de la Sécurité publique a indiqué que le projet de loi C-51 prévoit plusieurs mesures de protection de la vie privée. Même si je conviens que ce projet de loi en renferme quelques-unes, je crois qu'elles sont nettement insuffisantes pour permettre l'adoption d'une approche équilibrée. Par exemple, le ministre a fait référence à des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée. Il s'agit là d'instruments d'atténuation des risques qui sont utiles, mais à titre d'instruments de politique, ils n'ont pas le caractère contraignant d'une loi. En fait, ils peuvent être utilisés de façon discrétionnaire.
En outre, en ce qui a trait à la tenue de dossiers et la période de rétention des renseignements communiqués en vertu de C-51, on a mentionné que ces détails seront définis dans un règlement. Selon moi, il s'agit là d'une mesure de protection faible, puisque rien n'empêche l'adoption de très longues périodes de rétention.
Selon moi, le Parlement a un rôle important à jouer pour faire en sorte que si les pouvoirs de communication de renseignements sont augmentés de manière importante, comme c'est le cas avec le projet de loi C-51, des mesures de protection des renseignements correspondantes soient également adoptées en tant que normes légales applicables, et non en tant que principes généraux contenus dans le préambule à la partie 1.
C'est pourquoi, en plus du relèvement des seuils prévus, je recommande que des ententes écrites concernant la communication de renseignements soient exigées, et que des dossiers sur leur application soient dûment tenus, afin que les organismes de surveillance comme le commissariat puissent réaliser des examens pertinents. Je recommande aussi que la loi exige que les renseignements communiqués en vertu du projet de loi C-51 ne soient pas conservés par les institutions destinataires plus longtemps que nécessaire.
Voilà pour mes commentaires. Je serais heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur.
Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur Therrien. J'aimerais vous dire d'abord que j'apprécie vraiment la clarté de votre exposé. J'aimerais attirer l'attention à la lettre que vous avez envoyée au sénateur Lang, car elle était, à mon avis, exceptionnellement bonne et très claire. J'attire l'attention du public et de quiconque regarde cette réunion parce qu'elle décrit les enjeux extrêmement bien. Elle est excellente. Merci pour votre travail.
J'étais frappé par le fait que dans votre lettre — je crois que c'était dans votre lettre — vous mentionnez les conséquences d'une communication élargie des renseignements et de l'utilisation de paramètres — je déteste utiliser ce mot car les échanges sont trop généraux pour qu'on puisse les appeler paramètres — sur l'inviolabilité et la protection des renseignements fiscaux de l'ARC, qui ont toujours été très bien définis et protégés. Vous dites que cela pose problème, ce qui m'a fait réfléchir. J'aimerais donc avoir vos commentaires à ce sujet.
Étant donné la portée de cette loi, l'ARC, qui est l'une des institutions destinataires, pourrait-elle à son tour examiner tous les dons de charité faits par tous les Canadiens à toutes sortes d'organismes et communiquer ces renseignements au SCRS sans savoir à quelles fins ils seront utilisés ni s'ils sont nécessaires. Ou s'agit-il simplement d'aller à la pêche aux renseignements?
M. Therrien : Merci. Je vais vous dire d'abord, comme je l'ai dit dans mon exposé, que j'accepte que le partage des renseignements pourrait servir à identifier de nouvelles menaces et que c'est donc un objectif raisonnable du projet de loi.
Je ne remets pas en question l'objectif ni le fait qu'une communication élargie des renseignements puisse servir à déceler de nouvelles menaces et donc à mieux protéger les Canadiens.
Je me préoccupe de ce que vous appelez l'étendue des paramètres. Le gouvernement a, dans une large mesure, justifié ce projet de loi en utilisant des exemples qui démontrent que la loi actuelle crée des obstacles au partage de renseignements sur des terroristes présumés, c'est-à-dire des individus soupçonnés par l'État d'être impliqués dans le terrorisme.
Si ce n'était que cela, tout irait bien. Là où le projet de loi me pose surtout problème, c'est dans la mesure où l'on permet que ces renseignements soient communiqués et le fait que, afin de déceler et identifier de nouvelles menaces, les renseignements de tous les ministères gouvernementaux — quelqu'un a mentionné une centaine de ministères — pourront être communiqués à 17 agences de sécurité nationale, parce que ces renseignements ont trait à des criminels soupçonnés, des menaces, ou des terroristes, mais plutôt parce que tous ces renseignements, s'ils sont analysés, pourraient servir à identifier des menaces terroristes.
D'où, à mon avis, l'importance de la proportionnalité et de l'équilibre. Voulons-nous en tant que société, que les renseignements sur tous les particuliers respectueux de la loi, soient transmis à des agences nationales de sécurité dans l'espoir d'identifier de nouvelles menaces? Est-ce le genre d'équilibre que nous recherchons?
Pour revenir à votre commentaire sur les renseignements fiscaux, les renseignements qui pourraient être partagés avec les 17 agences de sécurité nationale comprennent les renseignements fiscaux détenus par le ministère du Revenu.
On sait que pour comprendre le terrorisme il faut suivre la trace de l'argent, et pour comprendre la criminalité, il faut suivre la trace de l'argent. On peut bien imaginer qu'une ou plusieurs des agences nationales de sécurité qui recevront les renseignements en vertu du projet de loi C-51, demanderont pas mal d'informations du ministère du Revenu dans l'espoir d'identifier de nouvelles menaces. Ils en trouveront peut-être, mais une loi qui permet qu'on communique tant de renseignements à des agences est-elle une loi équilibrée? Voilà ma question principale.
Le sénateur Mitchell : Et évidemment, ils n'ont pas besoin d'un mandat pour le faire.
M. Therrien : Non, ils n'en ont pas besoin.
Le sénateur Mitchell : Vous avez mentionné que le gouvernement a fait certaines choses pour justifier ce projet de loi, et il nous utilise aussi comme justification lorsqu'il réagit aux préoccupations à propos de la surveillance, en disant que nous avons le commissaire à la vie privée et que nous avons le vérificateur général. Mais c'est à quelle fréquence que vous pouvez examiner chacun des 100 ministères qui peuvent partager l'information et chacun des 17 qui peuvent la recevoir? Est-ce que vous vérifiez le respect de la vie privée par chacun de ces 117 ministères — il y a certains dédoublements — chaque année, tous les cinq ans, ou tous les 15 ans? Il me semble que c'est beaucoup de travail.
M. Therrien : Tout dépend d'une évaluation de risque que nous menons. En principe, nous avons le mandat d'examiner la conformité en matière de collecte et de gestion des renseignements de tous les ministères mentionnés dans la Loi sur la protection des renseignements personnels. Mais, puisqu'il y a à peu près 100 ministères, nous ne pouvons pas tout faire en même temps. Nous devons choisir où mener nos enquêtes.
Après l'entrée en vigueur du projet de loi C-51, mon bureau se verra confier de nouvelles responsabilités importantes. J'ai l'intention de faire de mon mieux afin d'enquêter sur les pratiques en matière de gestion de l'information, mais je crains fortement que notre processus de gestion du risque ne sera plus adéquat.
J'ai effectivement l'intention de faire de la mise en œuvre du projet de loi C-51 une priorité, mais je me demande si j'ai les ressources nécessaires pour que cet examen soit vraiment efficace. Selon le ministre de la Sécurité publique, le rôle du Bureau du commissaire à la vie privée sera plus important que jamais avec le projet de loi C-51. Je vois que j'aurai des responsabilités législatives. Nous ferons notre possible avec les ressources que nous avons, mais je pense qu'il nous sera très difficile de trouver un juste équilibre entre toutes ces responsabilités.
Le sénateur Runciman : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le commissaire. Si je comprends bien, vous avez indiqué aux médias que la portée de ce projet de loi est trop large. Selon vous, les 17 ministères et organismes nommés dans la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada auraient le droit d'échanger tous les renseignements personnels des Canadiens, dont des renseignements fiscaux ou des renseignements sur leurs déplacements. Si je comprends bien, vous pensez que l'échange des renseignements ne se limitera pas aux questions de sécurité nationale.
Selon le texte du projet de loi, ce dernier a pour objectif de protéger le Canada contre les activités qui portent atteinte à sa sécurité. J'ai l'impression que vous ne pensez pas que ce libellé permet d'éviter les pratiques dont vous parlez en matière de collecte de renseignements.
M. Therrien : Je ne pense pas avoir dit que l'échange de renseignements serait permis lorsque la sécurité nationale ne serait pas en jeu. Je pense avoir dit que d'immenses quantités d'information pourraient être partagées entre ces 17 institutions afin de cerner de nouvelles menaces. Donc on parle ici d'information sur des personnes qui ne constituent pas nécessairement des menaces afin de pouvoir identifier de nouvelles menaces.
J'ai donné entre autres l'exemple des voyageurs. Il y a des régions du monde qui nous préoccupent puisque les Canadiens pourraient s'y rendre pour participer à des activités terroristes ou à d'autres activités répréhensibles. En vertu de ce projet de loi, il est possible, et même probable, qu'une ou plus de ces 17 institutions demandera à l'Agence des services frontaliers du Canada, par exemple, de fournir de grandes quantités d'information sur tous les voyageurs qui quittent le Canada pour se rendre dans ces régions, non pas parce que chacune de ces personnes constitue une menace terroriste, mais parce que parmi ces milliers ou dizaines de milliers de particuliers il pourrait y avoir des terroristes.
La raison d'être est donc de l'ordre de la sécurité nationale. Il s'agit de détecter et d'identifier les nouvelles menaces à la sécurité nationale. Le projet de loi ne permet pas le partage d'information qui va au-delà de la sécurité nationale, mais la définition de ce terme est très large. Entre autres, la définition parle de la détection de nouvelles menaces parmi des personnes qui ne sont pas forcément soupçonnées de terrorisme.
Le sénateur Runciman : Le dernier témoin était le juge Major, président de la Commission d'enquête sur l'affaire Air India. Il a dit au comité à quel point il était dangereux de ne pas avoir accès à ce type d'information. Comme on ne disposait pas à l'époque du partage de l'information, qui alors était un problème entre le SCRS et la GRC — on n'a pas pu éviter cet attentat et avons eu du mal à poursuivre les auteurs.
Lors de votre déclaration, vous avez parlé du nécessaire par rapport au pertinent. Je suis sûr que vous comprenez que les activités antiterroristes et les activités de prévention se concentrent bien plus sur les renseignements que les enquêtes criminelles. Ainsi, pour la sécurité à venir de notre pays, il est essentiel d'être au courant d'informations qui pourraient être pertinentes, donc des critères appropriés qui, je pense, font partie de ce projet de loi.
Bien sûr, les termes de « nécessaire » et « pertinent » sont subjectifs. Mais lorsque nous parlons de menace à notre pays, je pense que pertinent est le terme qui convient.
M. Therrien : Je comprends que la lutte contre le terrorisme fait fond sur le renseignement.
Quant à l'opinion de M. le juge Major, comme je viens juste de le dire, je reconnais le fait qu'une amélioration du partage de l'information est un objectif raisonnable. Ma préoccupation a trait plutôt à sa taille et à sa portée. Partager des renseignements entre la GRC et le SCRS ou avec les trois principales agences de la sécurité nationale sur ceux qui sont soupçonnés de terrorisme est une chose. Permettre le partage d'information aux 17 agences sur tous les Canadiens en est une autre. Voilà, à mon avis, où se trouve le déséquilibre.
Le sénateur Runciman : Je vais faire allusion à d'autres témoignages. Le sous-commissaire Cabana de la GRC a comparu à titre de témoin. Je vais vous citer ce qu'il avait à dire :
Les dispositions sur le partage de l'information qui se trouvent dans [...]
— le projet de loi C-51 —
[...] ne changent pas grand-chose vis-à-vis de nos pratiques actuelles. Nous avons des procédures opérationnelles bien établies qui ont été élaborées au fil des ans et qui se basent sur les recommandations issues d'un nombre de commissions. Notre partage d'information est effectué en vertu de notre cadre juridique actuel, y compris en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et nous nous basons sur une utilisation conséquente. Cela ne va point changer.
Le directeur du SCRS a tenu plus ou moins les mêmes propos. Je me demande si vos préoccupations ne sont pas celles de ceux qui vont être responsables de la sécurité de notre pays.
M. Therrien : Simplement dit, nous ne serions pas là si ce projet de loi n'envisageait pas de changer la façon dont nous partageons nos renseignements dans ce pays. Ce projet de loi entend donc très clairement augmenter le partage de renseignements. J'ai des problèmes avec l'idée que ce projet de loi apporte des précisions ou fasse seulement de petits changements au système actuel.
La sénatrice Stewart Olsen : J'avais certaines questions sur votre mandat, mais je pense qu'on y a déjà répondu. Voulez-vous dire que vous avez le mandat d'effectuer ces évaluations, mais craignez de ne pas avoir des ressources suffisantes pour l'accomplir?
M. Therrien : C'est bien plus que ça. C'est seulement une partie de la réponse. Vous venez d'entendre les allocutions de trois organismes d'évaluation dont les compétences se limitent aux trois agences de la sécurité nationale. Mon mandat est pluriministériel. Ainsi, je peux évaluer les activités de tout ministère assujetti à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il y en a bien plus que trois. Cela étant dit, mon évaluation vise seulement à déterminer si des renseignements personnels ont été recueillis, utilisés et partagés en vertu de la loi ou non. Par rapport au nombre d'institutions, j'ai un mandat plus large sur les divers enjeux à évaluer. Ils sont plus restreints. Par exemple, je ne veux pas déterminer si les activités des 17 organismes enfreignent généralement la loi. Pour le SCRS, par exemple, cela relève du CSARS. En outre, je ne peux pas faire de recommandations ou évaluer l'opportunité ou l'efficacité des pratiques des 17 institutions.
À titre de comparaison, la Maison-Blanche a créé il y a quelques années la commission intitulée Privacy and Civil Liberties Oversight Board. Cette commission, qui est indépendante, a un champ de compétences qui s'étend — comme le mien — à toutes les agences de sécurité nationale et à un grand nombre d'institutions, mais sa compétence ne se limite pas à la vie privée. Elle s'étend aux questions constitutionnelles, aux questions juridiques et aux questions d'efficacité. Par exemple, cette instance a indiqué récemment qu'une mesure semblable à celle que prévoit le projet de loi C-51, c'est-à-dire la collecte en vrac des métadonnées des conversations téléphoniques aux États-Unis, ne permettait pas de repérer efficacement les menaces à la sécurité nationale.
Les États-Unis ont donc une commission dont le champ de compétences est vaste en ce qui concerne le nombre d'institutions et la variété de questions sur laquelle elle peut se pencher. Au Canada, j'ai un mandat large en ce qui concerne le nombre d'institutions, mais beaucoup plus restreint par rapport aux enjeux. D'autres instances, comme les trois que vous venez d'entendre, ont un champ de compétences large par rapport aux enjeux, mais restreint en ce qui concerne le nombre d'institutions.
Ce qu'il faut retenir, c'est que 14 des 17 institutions qui recevront l'information en vertu de cette loi ne sont pas assujetties à un examen spécial. Je peux effectuer un examen de certaines de leurs activités, mais non vérifier si, de façon générale, elles respectent la loi et sont efficaces.
La sénatrice Stewart Olsen : Pour revenir à ma question, avez-vous le pouvoir et le mandat pour accomplir votre travail, qui consiste à effectuer des examens pour vérifier la protection de la vie privée?
M. Therrien : Oui.
La sénatrice Stewart Olsen : Je comprends ce que vous dites et où vous voulez en venir. Je veux simplement vérifier que vous avez le pouvoir pour accomplir votre travail de protection de la vie privée des Canadiens.
M. Therrien : En ce qui concerne la collecte d'information et les pratiques de communication de l'information des institutions du gouvernement fédéral, oui, effectivement.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci.
Le président : Madame la sénatrice Beyak.
La sénatrice Beyak : Encore une fois, monsieur le président, les exposés ont été tellement exhaustifs que je n'ai plus de questions à poser. Merci.
La sénatrice Jaffer : Merci pour votre exposé. J'ai un certain nombre de questions et le président me dira quand je dois m'arrêter, bien sûr.
Ma préoccupation est la suivante : 17 agences échangent de l'information; comment, avec les ressources limitées dont vous disposez, êtes-vous en mesure de les surveiller pour faire en sorte que les droits à la vie privée des Canadiens soient protégés? Comme vous le savez, on peut communiquer ces informations à des gouvernements étrangers. Nous savons que nous ne pouvons rien appliquer à l'international, mais comment protégerons-nous les droits des Canadiens une fois que l'information aura été communiquée à d'autres? J'ai l'impression que vous vous trouvez devant un fait accompli. Alors, comment allons-nous protéger les droits?
Ce qui me préoccupe vraiment, c'est que le projet de loi accorde l'immunité aux agences. Il indique très clairement et je cite :
Toute personne bénéficie de l'immunité en matière civile pour la communication d'information faite de bonne foi en vertu de la présente loi.
Si une autre situation comme celle d'Arar se produit, aucun dédommagement ne sera versé, parce que les institutions sont désormais protégées par le projet de loi. Je m'inquiète donc du moment où vous effectuerez un examen. Évidemment, les agences ne vous donneront pas l'information avant qu'elle ne soit envoyée. Alors, quand examinerez-vous l'information et comment protégerez-vous les droits à la vie privée des Canadiens?
M. Therrien : Je commencerai par me reporter à un texte législatif dont le Parlement a été saisi, le projet de loi C-44. Le projet de loi C-51 traite de l'échange de renseignements au sein de la famille canadienne, entre les institutions fédérales et ne s'applique donc pas directement à l'échange effectué avec d'autres États. Le projet de loi C-44, qui prévoit la compétence extraterritoriale du SCRS, traite de cette question plus directement, et je recommande des limites prescrites par la loi pour encadrer les échanges afin d'éviter une situation comme celle d'Arar. Voilà donc la règle de droit la plus directe qui traiterait de ce problème.
Pour revenir encore une fois au projet de loi C-51, il porte sur l'échange de renseignements entre les entités fédérales au Canada et, de ce fait, la question de la maltraitance par un autre État ne se pose pas.
Je reviens maintenant aux ententes d'échange de renseignements. S'il y avait une obligation de conclure de telles ententes entre les ministères fédéraux, et si on me consultait sur le contenu de ces ententes, comme je le recommande, on pourrait discuter avec les institutions fédérales de la possibilité d'y inclure une mention du risque des échanges avec d'autres gouvernements une fois que les renseignements sont envoyés du ministère fédéral A au ministère fédéral B, et que ce dernier les communique éventuellement à un autre État. C'est une des raisons pour lesquelles je recommande l'établissement d'ententes par écrit afin que les institutions qui les concluent et mon bureau puissent s'entretenir au sujet de telles questions et essayer de diminuer le risque de maltraitance.
La sénatrice Jaffer : J'ai compris ce que vous avez dit concernant l'échange de renseignements entre les ministères et les ententes. Suggérez-vous aussi qu'il faut une entente sur l'échange de renseignements avec un État auquel on communique des renseignements?
M. Therrien : Tout à fait. Cela dépasse un peu la portée de ce projet de loi, mais oui, tout à fait.
La sénatrice Jaffer : Vous avez dit par le passé que le projet de loi C-51 est trop général et que tous les Canadiens seraient touchés. Je souhaite vous interroger au sujet de l'équilibre et de la proportion. Croyez-vous que le projet de loi C-51 réussit à établir un bon équilibre entre notre sécurité et notre droit à la vie privée?
M. Therrien : Je crois que je l'ai dit il y a quelques minutes, la réponse, c'est non. Je crains que ce projet de loi ne soit pas équilibré. Encore une fois, je comprends le besoin d'améliorer l'échange de renseignements, mais la manière dont le projet de loi C-51 essaie de réaliser cet objectif n'est ni équilibré, ni proportionnel.
Le président : J'aimerais approfondir la question qu'a brièvement soulevée la sénatrice Stewart Olsen, concernant l'échange de renseignements entre les 17 agences. Rien dans cette loi proposée n'empêche l'établissement de protocoles ou de protocoles d'entente interministériels afin de faire en sorte qu'on normalise l'échange de renseignements entre différents ministères. N'est-ce pas exact? Rien ne les empêche de le faire.
M. Therrien : C'est exact, mais ce que je crains, c'est la manière dont est rédigé le projet de loi : le règlement en vertu duquel on améliore l'échange de renseignements constitue selon la loi des normes juridiques exécutoires. Vous dites que rien n'empêche ces ententes. C'est vrai, mais ce projet de loi n'assure pas l'équilibre entre le règlement portant sur l'amélioration du renseignement, ce qui représente une norme juridique, et d'éventuelles mesures de protection, qui seront établies dans les politiques, règlements et pratiques exemplaires. Un projet de loi équilibré, selon moi, veillerait à ce que l'amélioration de l'échange de renseignements soit équilibrée dans l'acte législatif. Je crois qu'un des rôles des parlementaires consiste à assurer un bon équilibre entre l'amélioration de l'échange de renseignements et la protection des droits des particuliers, notamment les droits à la vie privée.
Le président : Évidemment, nous sommes tous préoccupés par l'établissement de cet équilibre. Je crois que personne ne dirait le contraire.
Je souhaite revenir à la responsabilité et à vos commentaires précédents portant sur l'impossibilité d'évaluer l'efficacité — je crois que c'est le mot que vous avez utilisé — des 17 ministères. En vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, vous avez la responsabilité légale, s'il y a lieu, de mener enquête sur les droits personnels d'un Canadien ou des Canadiens si vous êtes d'avis qu'elle s'impose. Est-ce exact?
M. Therrien : C'est juste.
Le président : Rien n'empêche cela.
M. Therrien : Non, mais ce sera une responsabilité additionnelle, et je compte y accorder la priorité. Malheureusement, d'autres tâches seront laissées de côté comme résultat.
Le président : Je ne comprends pas. Il y a plusieurs organisations de surveillance chargées d'examiner les responsabilités de leur ministère ou d'autres organisations qui relèvent d'elles. Même si elles ont reçu des informations de la part d'autres ministères, en fin de compte ce sont elles les responsables. Est-ce que c'est votre intention d'assumer cette responsabilité, quand vous parlez de vérifier l'efficacité des résultats d'une enquête donnée?
M. Therrien : Je vois deux choses. D'abord, il n'y a personne pour vérifier l'efficacité de 14 de ces 17 organismes. Je ne dis pas que je devrais en être responsable, mais il n'y a personne qui a ce mandat-là.
Deuxièmement, j'ai effectivement le mandat d'assurer la conformité aux principes de la vie privée, mais ce sera difficile pour moi de vérifier ce qui se passe sur le terrain étant donné l'ampleur des informations qui seront partagées et le nombre d'institutions concernées. Oui, j'ai des responsabilités, mais ce sera très difficile pour moi de m'en acquitter. Bien sûr, je compte faire mon possible avec les ressources qui me sont allouées.
Le sénateur Mitchell : Je ne sais pas si vous avez lu le mémoire soumis par l'Association du Barreau canadien.
M. Therrien : Je ne l'ai pas lu.
Le sénateur Mitchell : Je vais m'assurer de vous le faire envoyer parce que je pense que vous le trouverez très intéressant. On souligne que la loi proposée, la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada, serait subordonnée à votre loi, la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais que, en fait, cette dernière loi permet de divulguer des renseignements si une autre loi le permet. Il s'agit d'une tautologie intéressante qui fait en sorte que vos pouvoirs ne puissent limiter d'aucune manière ce que la nouvelle loi permettra par rapport à la communication d'information. Je le redis, c'est une tautologie intéressante. Le gouvernement prétend que la Loi sur la protection des renseignements personnels servira de garantie, mais ce n'est pas le cas. En fait, la Loi sur la protection des renseignements personnels permet la communication en vertu d'une autre loi.
M. Therrien : Je suis d'accord qu'il y a une tautologie. En bref, le projet de loi C-51, et en particulier l'article 5, qui est la disposition la plus importante, commence par les mots, « Sous réserve des dispositions de toute autre loi », ce qui fait référence en partie à la Loi sur la protection des renseignements personnels. La Loi sur la protection des renseignements personnels précise ensuite qu'il y a des limites concernant les motifs de communication d'information, mais un de ces motifs serait de la communiquer conformément à une autre loi, comme le projet de loi C-51. Il s'agit d'une tautologie.
En fin de compte, il est plutôt clair qu'un tribunal saisi de ces dispositions tenterait d'interpréter l'intention du Parlement. Et l'intention du Parlement est clairement d'améliorer la communication d'information en vertu de la nouvelle Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada, et en particulier l'article 5. Puisque l'article 5 du projet de loi C-51 commence par les mots, « Sous réserve des dispositions de toute autre loi », dont la Loi sur la protection des renseignements personnels, les limites sont très restreintes.
Le président : Collègues, j'aimerais remercier nos témoins, qui peuvent maintenant partir.
J'aimerais dire aux membres du comité que nous allons continuer notre réunion jusqu'à 15 h 45. Un autobus nous attendra dehors afin de nous amener à la Chambre du Sénat puisqu'il faut y être pour une sanction royale à 16 heures.
Pour notre dernier panel du jour, nous avons M. Ronald Atkey, premier président du Comité de surveillance des activités de renseignements de sécurité, et M. Paul Cavalluzzo, avocat et ancien conseiller principal pour la commission O'Connor.
Messieurs, bienvenue au comité. À ce que je sache, vous avez tous une déclaration liminaire à faire. J'aimerais commencer par vous, monsieur Atkey. Je présume que vous m'entendez.
L'honorable Ronald G. Atkey, professeur de droit, faculté de droit Osgoode Hall, Université York, à titre individuel : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs. Je suis honoré d'avoir été invité à comparaître devant ce comité pour examiner cet important projet de loi qui a certainement attiré l'attention des Canadiens à travers le pays et à l'échelle internationale.
Vous avez devant vous, en pièce jointe à ma présentation, dans les deux langues officielles, des notes biographiques qui documentent mon intérêt et mon expérience en la matière. Étant donné le peu de temps dont nous disposons, je ne présente pas cette information, mais soyez bien à l'aise de me poser des questions par la suite si vous le souhaitez.
Puisque le gouvernement et un parti d'opposition ont déjà indiqué en principe qu'ils appuieront la loi, je veux préciser que je ne suis pas ici pour la démolir. Plutôt, je souhaite me rendre utile en proposant des amendements pratiques qui sauront l'améliorer et possiblement sauvegarder sa légitimité constitutionnelle et son intégrité.
Comme tant d'autres Canadiens, j'accepte à partir de preuves connues que la menace terroriste actuelle à la sécurité du Canada existe, et que les grandes agences telles que le SCRS, la GRC, l'ASFC et Transports Canada ont bel et bien besoin de pouvoirs accrus pour combattre cette menace par les moyens légaux.
Dans les quelques minutes qui me sont allouées aujourd'hui, je veux traiter de cinq sujets importants. D'abord, je parlerai de la constitutionnalité et l'indépendance du système judiciaire. Deuxièmement, j'aimerais parler de la revue du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, le CSARS, un comité dont j'ai été le président. Troisièmement, j'aimerais vous parler de la surveillance parlementaire, qui devrait être un sujet d'intérêt pour ce comité.
Pour aller tout droit à la première question, la constitutionnalité, j'aimerais souligner le fait que la partie 4 du projet de loi autorise la Cour fédérale à émettre un mandat au SCRS pour prendre des mesures qui pourraient contrevenir à un droit ou une liberté garantie par la Charte canadienne des droits et libertés. Selon moi, cette nouvelle disposition est clairement inconstitutionnelle et sera annulée par les tribunaux. La Charte existante a déjà une clause restrictive qui autorise des limites raisonnables dans les cas nécessaires dans une société libre et démocratique, et la proportionnalité s'applique à ces limites à partir de presque 33 ans de jurisprudence devant la Cour suprême du Canada.
Si le Parlement souhaitait invoquer la clause dérogatoire, il est libre de le faire dans le cadre de notre Constitution, malgré qu'aucun Parlement fédéral n'ait trouvé le courage ni le besoin de le faire depuis la proclamation de la Charte en 1982.
Mais pourquoi provoquer une contestation constitutionnelle évitable? Les juges canadiens sont farouchement indépendants et ne sont pas des agents du gouvernement qui peuvent être mandatés pour autoriser des mesures à tout prix pour protéger contre les menaces terroristes. Les juges de la Cour fédérale autorisent ou rejettent soigneusement des demandes d'écoute électronique depuis 1984 aux termes de l'article 21 de la Loi sur le SCRS existante. J'ai vu ou revu certaines de ces demandes et décisions judiciaires. Le processus actuel de contrôle judiciaire des demandes de mandat d'écoute électronique fonctionne.
Pourquoi, en rédigeant les nouvelles dispositions parallèles aux articles 12.1 et 21.1 du projet de loi C-51, a-t-on besoin de charger les juges de passer outre à la Charte et de permettre au SCRS de violer les obligations constitutionnelles afin de prendre des mesures qui vont au-delà de l'écoute électronique? Cette idée que le Parlement pourrait autoriser une violation de la Charte (hormis l'utilisation de la clause dérogatoire) est clairement inconstitutionnelle et n'est conforme ni à notre tradition constitutionnelle, ni à l'article 1 de la Charte.
Messieurs et mesdames, vous pouvez éviter ce gâchis constitutionnel tout simplement en revoyant la rédaction de la section 21.1 du projet de loi C-51 pour préciser que tout mandat qui permet au SCRC de prendre les mesures qui y sont décrites ne violera pas un droit ou une liberté garantie par la Charte canadienne des droits et libertés. C'est le premier point.
Le deuxième point dont je vais traiter est les activités d'examen du CSARS et d'autres instances. J'ai défendu publiquement la structure du CSARS, qui a été établi en 1984 comme chien de garde du SCRS. Il a été efficace dès le début, même s'il y avait des accrocs au moment où le SCRS a été scindé de la GRC et qu'il éprouvait au départ des difficultés à intégrer les femmes et les tiers partis. La structure du CSARS a bien fonctionné lorsque le SCRS était le seul service à surveiller et que la surveillance de ses pouvoirs extraordinaires était d'envergure gérable.
Mais les choses ont bien changé depuis 30 ans. D'abord, les budgets, le personnel et les pouvoirs du SCRS ont connu une croissance exponentielle, alors que le budget du chien de garde est demeuré sensiblement le même. Cela a changé mardi avec le budget, et je suis très heureux de voir que le gouvernement ait accepté les conseils qu'on lui avait donnés d'accroître le budget du SCRS en le doublant. C'est nécessaire et compréhensible, et je n'y reviendrai pas.
Mais une partie importante de cette discussion sur l'examen — certains utilisent le terme de « surveillance », et j'y reviendrai — est que le débat sur le projet de loi C-51 a porté le public à réfléchir de façon défavorable à la nature dispersée et inégale de l'examen de plusieurs agences fédérales dans le domaine de la sécurité. Il y a des inquiétudes au sujet de l'envergure de l'examen indépendant de la GRC et de la CSTC, et de l'absence d'examen indépendant d'agences importantes telles que l'ASFC, Transports Canada, le MAECI, CIC et une vingtaine d'autres agences fédérales, ainsi que les forces policières provinciales et municipales qui travaillent aussi dans le domaine du renseignement de sécurité. Que nous ayons besoin d'un tsar de la sécurité fédéral pour superviser, surveiller et coordonner les agences de sécurité comme cela existe et se fait aux États-Unis, ou de développer un super-CSARS avec des pouvoirs élargis et les budgets en conséquence, ou de mettre en place des dispositions statutaires pour en arriver à l'équité, tel que recommandé par le rapport O'Connor en 2006 — et mon collègue, M. Cavalluzzo, en parlera — voilà autant de questions qui ne peuvent être délaissées alors que le Parlement procède à la vapeur à l'adoption du projet de loi C-51.
Il ne s'agit pas d'une question de surveillance, terme souvent utilisé à mauvais escient. La responsabilité de la planification et de l'exécution des activités anti-terroristes en accord avec la loi demeure d'abord assujettie à l'approbation ministérielle et à l'approbation des mandats par des juges basée sur des demandes à la cour soumises par les agences appropriées et encadrées par les exigences législatives détaillées. Voilà de la surveillance.
Les organismes de surveillance n'approuvent pas les opérations à l'avance. Mais ils en assurent l'imputabilité par la suite, et on ose espérer qu'ils s'assurent que toutes les agences exerçant des fonctions de sécurité sont efficaces et agissent dans le cadre de la loi. Ils engagent aussi le public par la voie de rapports annuels exhaustifs soumis au Parlement avec un minimum d'expurgations pour protéger des individus ou des méthodes d'opération.
Permettez-moi de parler du dernier point sur la supervision parlementaire. Beaucoup de personnes ont demandé quelles sont les responsabilités du Parlement autre que d'assurer que le projet de loi C-51 soit amélioré pour lui permettre d'aller de l'avant pour soutenir les agences gouvernementales qui doivent affronter la menace terroriste de manière efficace tout en protégeant les droits et libertés fondamentaux en vertu de la Charte.
Mesdames et messieurs, j'ai été un parlementaire et un chien de garde professionnel. Quant à moi, le choix du Parlement ou des agences spécialisées pour assurer la surveillance de notre agence de sécurité est facile. Je crois que les Canadiens doivent avoir les deux dans notre système de gouvernement.
Le Parlement est le chien de garde ultime, directement redevable au peuple. Le parti qui détient le plus grand nombre de sièges à la suite des élections fédérales est appelé à former le gouvernement, mais le Parlement demeure le chien de garde. Ne l'oubliez jamais.
Il n'y a aucune incohérence à avoir des chiens de garde habilités en matière de sécurité et créés par le Parlement pour couvrir l'efficacité et la légalité des diverses agences œuvrant dans le domaine de la sécurité, tout en ayant un comité de parlementaires habilités en matière de sécurité et mandatés pour surveiller l'ensemble du système — c'est-à-dire d'entreprendre une révision ponctuelle lorsque des problèmes surgissent, et cela arrivera inévitablement, et de déléguer la responsabilité d'enquêter au chien de garde spécialisé pertinent.
Mesdames et messieurs, il y a actuellement devant le Parlement trois projets de loi qui invoquent la nécessité d'un comité de parlementaires sur la sécurité nationale. Curieusement, celui que je préfère est le projet de loi S-220, présenté par l'ancien sénateur conservateur Hugh Segal, qui prévoit un comité de neuf membres, trois du Sénat et six de la Chambre, à être nommés par le gouvernement mais après consultation auprès des partis d'opposition et approuvés par une résolution de la Chambre. On y prévoit des dispositions pour la sécurité et la confidentialité de chaque membre du comité, et son mandat serait de revoir le cadre législatif, réglementaire, politique et administratif pour la sécurité nationale au Canada. Le comité aurait accès à presque toute l'information contrôlée par les ministères et les agences du gouvernement fédéral, sauf les documents confidentiels du cabinet.
Pourquoi ne pas annexer le projet de loi S-220 à cette discussion, et organiser sa mise en vigueur, disons pour le 1er janvier 2016, après les prochaines élections fédérales? Cela réconforterait grandement les plus virulents opposants du projet de loi C-51.
En même temps, vous pourriez y prévoir une révision obligatoire par ce comité, à être complétée trois ou quatre ans après le passage du projet de loi C-51. Évidemment, le comité aurait accès à toute l'information secrète, y compris les versions classifiées de tous les rapports pertinents préparés par des organismes nouveaux ou existants. Toutes les parties du projet de loi C-51 seraient examinées lors de ce processus de révision par le comité parlementaire, ce qui serait normal dans le cas d'une législation extraordinaire comme celle-ci. De cette façon, le Parlement pourrait jouer son rôle de chien de garde efficace.
Souvenez-vous qu'un comité parlementaire fut nécessaire à la révision de la loi originale sur le SCRS en 1989, cinq ans après son passage; on craignait au départ que les pouvoirs consentis au SCRS soient trop dangereux, d'une trop grande envergure, et plusieurs arguments que nous avons entendus aujourd'hui avaient été invoqués à l'époque. Le CSRAS a déposé des soumissions et a conclu « que, en général, nous croyons que la Loi du SCRS a assez bien fonctionné » malgré que nous y ayons proposé quelques améliorations, dont certaines ont été apportées.
La révision obligatoire après cinq ans pourrait être mandatée par ce comité parlementaire. C'est encore plus nécessaire aujourd'hui, et les Canadiens seraient rassurés par ces mesures, étant donné les dispositions dangereuses que vous proposez.
Merci de m'avoir invité à vous exposer mes idées aujourd'hui. Je suis disposé à répondre à vos questions.
Le président : Merci.
Monsieur Cavalluzzo.
Paul Cavalluzzo, associé principal, Cavalluzzo Shilton McIntyre Cornish o.r.l.., à titre personnel : Mesdames et messieurs les sénateurs, merci beaucoup de cette occasion que vous me donnez de témoigner devant le comité de ce projet de loi très important, soit le projet de loi C-51.
Dans les quelques minutes dont je dispose, j'aimerais me concentrer sur deux sujets : d'abord la surveillance et l'examen, et ensuite, la communication d'information. J'ai déjà travaillé comme avocat spécial. Si vous avez des questions à ce sujet, n'hésitez surtout pas à me les poser, puisque nous avons déposé auprès du comité un mémoire portant sur les avocats spéciaux.
Ayant été conseillé pour la commission d'enquête dans l'affaire Arar et avocat spécial pendant des années, je peux témoigner du fait que les organismes de sécurité nationale, que ce soit la police ou les services de renseignement, commettent des erreurs de bonne foi. Le cas de M. Arar en est l'illustration parfaite. De l'information erronée a été transmise aux Américains par des agences canadiennes, et les Américains se sont malheureusement fiés à cette information pour procéder à l'extradition de M. Arar en Syrie, où il a été torturé pendant un an. Les conséquences de ces erreurs sont donc immenses pour l'être humain et sa dignité.
Malheureusement, au cours de la dernière semaine, nous avons appris qu'il y avait eu débat au sein de la CIA au sujet de la culpabilité de M. Arar. Un supérieur eut gain de cause, et l'envoya d'abord en Jordanie, et ensuite en Syrie, où il fut torturé.
Ces services commettent donc des erreurs. Je ne dis pas qu'elles sont commises de mauvaise foi, mais simplement que les employés de ces agences sont des êtres humains tout comme nous, et se trompent, ce qui à mes yeux renforce l'argument en faveur d'une surveillance robuste et efficace.
Évidemment, le but d'un examen est d'assurer une reddition de comptes. L'autre aspect à retenir est que le SCRS, comme les autres services, est une entité gouvernementale. Nous devons nous assurer que ces entités demeurent à l'intérieur des limites du pouvoir que leur a octroyé le Parlement. C'est tout ce que nous visons à faire avec ces examens, soit de nous assurer que les valeurs canadiennes sont respectées.
Comme M. Atkey l'a dit, tous sont d'accord pour dire que le terrorisme est une réelle menace. Par contre, il faut toujours maintenir une perspective sur la gravité de la menace, comme l'a proposé la Cour suprême dans une affaire très importante, où elle a dit qu'« en effet, ce serait une victoire à la Pyrrhus que de vaincre le terrorisme au prix de notre adhésion à ces valeurs » qui sont essentielles à la société canadienne.
Pourquoi alors assurer une surveillance robuste? Parce que ces services fonctionnent de manière très particulière. Premièrement, tout ce qu'ils font est secret.
Deuxièmement, quand il y a effectivement examen de leur conduite, les procédures sont gardées secrètes.
Troisièmement, ces services opèrent sur la base du renseignement — non pas des preuves, mais le renseignement. Certains, par facétie peut-être, aiment dire que les renseignements sont rien de plus que des rumeurs glorifiées. Les renseignements ne sont pas toujours justes, et par conséquent, les agences qui s'y fient commettent inévitablement des erreurs.
Les autres aspects importants de ces enquêtes, qui nécessitent un examen robuste, sont les enjeux dont on vient de vous parler, soit les inquiétudes au sujet de la vie privée et le fait que des renseignements hautement personnels seront échangés parmi les divers services canadiens — pratique qui s'accroîtra avec l'adoption du projet de loi C-51 — mais aussi avec les services étrangers, comme dans l'affaire Arar.
La question qui se pose à vous est la suivante : Avec tous ces pouvoirs accrus, est-ce que le SCRS et les autres services devront faire l'objet d'une surveillance aussi améliorée? À mes yeux, il est clair que oui. Il me semble logique que, chaque fois qu'un service de sécurité nationale voit ses pouvoirs augmenter, cette surveillance devrait être renforcée également.
Le gouvernement dit aujourd'hui qu'il y a deux raisons de ne pas renforcer la surveillance. La première est que les juges vont maintenant assurer cet examen. La deuxième est que le CSARS, qui est le comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, fait du bon travail.
Ni l'un ni l'autre de ces arguments n'est valable, selon moi. En ce qui concerne les juges, ils seront appelés à trancher seulement quand le SCRS lui-même déterminera que son action viole la Charte ou une autre loi. Dans tous les autres cas, il n'aura pas à obtenir d'autorisation d'un juge ou d'un tribunal.
L'autre problème est que les juges auront à approuver — je suis d'accord avec M. Atkey là-dessus — des violations claires de la Constitution. Un juge ne peut autoriser une violation de la Charte. La Charte est la loi fondamentale du pays.
Je dis cela sans pour autant critiquer le CSARS, car le comité reconnaît lui-même le problème qui est le sien et qui comporte deux volets — cela a fait l'objet d'un rapport récent soumis par le CSARS au gouvernement fédéral. Le premier volet concerne les ressources.
Le CSARS emploie 18 personnes à temps plein, tandis que le SCRS en emploie 3 200. Les exemples ne manquent pas. À un certain moment, il faut que les ressources soient ajustées en conséquence. Je me réjouis d'apprendre que le budget du CSARS sera bonifié. Mais reste à savoir si l'augmentation sera suffisante et je pense que vous devriez suivre la situation de près à cet égard. Mais la question des ressources peut être toujours résolue par l'argent ou par la volonté politique.
Le deuxième volet est plus grave, car il concerne la compétence du CSARS. Le comité opère en vase clos, car il ne peut réexaminer que les activités du SCRS. Mais comme nous le savons, les enquêtes de sécurité nationale sont aujourd'hui complètement intégrées. La GRC collabore avec l'ASFC, le SCRS, Immigration Canada, et ainsi de suite. Le CSARS admet que, en raison de son pouvoir exercé en vase clos, il ne peut adéquatement surveiller une enquête de sécurité nationale, à laquelle sont associées de nombreuses agences.
Y a-t-il une solution à tout cela, j'estime respectueusement que oui. Dans son rapport de 2006 sur l'affaire Arar, le juge O'Connor, a écrit qu'un mécanisme indépendant de surveillance approfondie ne coûterait pas très cher et ne créerait pas de nouvelle bureaucratie. Il améliorerait les pouvoirs du CSARS, rendrait d'autres agences responsables de l'ASFC et d'autres groupes qui ne font pas actuellement l'objet de surveillance ou d'examen, et assurerait la coordination d'un examen pangouvernemental dans le cas d'enquêtes de sécurité nationale et de communication pangouvernementale d'information.
Je vous demanderais de vous pencher sur ce mécanisme qui est décrit dans le rapport Arar. J'estime qu'il en résulterait un organisme peu dispendieux mais qui assurerait certainement un examen efficace.
Je ne traiterai pas ici de la distinction entre surveillance et examen. M. Atkey l'a déjà fait. Mais j'aimerais conclure sur un point essentiel au sujet du processus intégré d'échange d'information.
Nous sommes tous d'accord pour que les organismes et agences gouvernementaux échangent de l'information. La seule question qui demeure est la présence de contrôles efficaces. Il faut avoir en place des politiques et des protocoles efficaces qui assurent la pertinence, la fiabilité et la justesse de cette information. Et il faut les avoir au premier plan. Il nous faut aussi, à l'autre bout du processus, un système d'examen intégré, afin que cet organisme indépendant puisse examiner comment ces renseignements personnels sont échangés afin d'en assurer l'efficacité ainsi que la conformité avec la Charte ou les lois sur la protection des renseignements personnels.
Je pourrais bien continuer, mais je suis certain que vous aimeriez poser des questions à M. Atkey et à moi, alors j'en resterai là.
Le président : Merci, monsieur.
Je vais commencer par le sénateur Runciman.
Le sénateur Runciman : Monsieur Atkey, c'est un plaisir de vous revoir. Merci de comparaître aujourd'hui.
Vous avez parlé du CSARS et de votre expérience au sein de cet organisme. Un des problèmes qu'il a connu dans le passé concernait les gens nommés au comité ainsi que les conflits d'intérêts. Nous l'avons vu dans au moins un cas dernièrement, mais il se peut qu'il y en ait eu d'autres. Pourriez-vous nous en dire plus au sujet des compétences et des qualités que devraient posséder les gens afin d'être de bons candidats à la nomination? Pourriez-vous aussi nous dire comment vous vérifiez les antécédents de ces personnes, étant donné le genre de renseignements auxquels elles auront accès, et le potentiel de conflits d'intérêts?
M. Atkey : Merci, sénateur Runciman, c'est une excellente question.
La première qualité est l'intégrité. Les personnes que l'on envisage de nommer au CSARS devraient avoir la cote de sécurité « très secret ». Ce devrait une exigence. Par le passé, elle n'a pas toujours été respectée et elle aurait dû l'être.
Quand je suis devenu le premier président du CSARS, j'avais cette cote, car je l'avais obtenue pour mon poste de ministre. Toutefois, il n'y a pas eu de nouvelle enquête officielle à ce moment-là et c'est seulement quand j'ai travaillé avec M. Cavalluzzo à la commission Arar qu'on a procédé à une telle enquête.
Le gouvernement doit trouver des hommes et des femmes intègres qui ont une expérience du renseignement de sécurité. Ils n'ont pas besoin d'être des experts, mais ils doivent être intègres et inspirer confiance à tous les partis politiques afin que les Canadiens sachent que les dossiers sont examinés soigneusement.
Le sénateur Runciman : Vous avez proposé un amendement en ce qui concerne l'infraction sur la promotion du terrorisme. Ce serait pour limiter la disposition concernant des propos qui en fait sont déjà criminels. Je pense que c'est ce que vous avez dit, n'est-ce pas?
Je suis sûr que vous comprenez que cette infraction vise à combler une lacune dans la loi et vise en fait les gens qui incitent activement à des actes de terrorisme en général et non à un acte précis.
D'après mon interprétation de votre suggestion, la nouvelle infraction ne tiendrait plus. Je vous dirai que s'il en est ainsi, à quoi bon la prévoir?
M. Atkey : Ce sont, sénateur, des dispositions qui nous invitent à la prudence. Les dispositions de notre Constitution concernant la liberté d'expression, le droit à un procès équitable et l'application régulière de la loi sont, tôt ou tard, interprétés par les tribunaux, et je crains que ce projet de loi n'ait pas été soumis rigoureusement aux critères de la Charte. Les juristes au ministère de la Justice n'ont pas pu m'affirmer que ce projet de loi respectait rigoureusement la Charte.
Tout à l'heure, j'ai donné l'exemple de l'instruction donnée aux juges de ne pas respecter la Charte. Même si je ne suis pas juge, je pense qu'il y a bien des gens qui observent notre droit au Canada et qui vous diront que c'est inconstitutionnel.
Dans mon mémoire écrit, je dresse la liste de mes inquiétudes à l'égard de la liberté d'expression. Je pense que le critère de la Charte n'a pas été appliqué rigoureusement à cet égard et étant donné que ces dispositions créent un précédent, ce serait à mon avis nécessaire.
On ne peut pas prévoir comment les choses vont se passer, mais je pense que l'adoption de dispositions qui vraisemblablement seront invalidées par les tribunaux crée des écueils en ce qui concerne l'application efficace de cette loi. Je pense que vous et les députés, en tant que législateurs, pouvez prendre les mesures qui s'imposent pour que ces dispositions respectent la Charte.
Dans mon mémoire écrit, je vous donne quelques exemples de ce qui pourrait achopper en vertu de la Charte.
Le sénateur Runciman : Vous-même et M. Cavalluzzo avez tous deux exprimé vos inquiétudes concernant une violation potentielle de la Charte à la partie 4 qui prévoit que le SCRS est tenu d'obtenir une autorisation judiciaire. Je ne sais pas si vous connaissez l'affaire Spencer. Vous voudrez peut-être tous deux répondre. Quelle est votre interprétation? Il me semble que l'affaire Spencer valide ce qui figure à la partie 4.
M. Atkey : Je ne connais pas cette affaire. Je cède la parole à mon collègue, M. Cavalluzzo.
M. Cavalluzzo : Moi non plus, je ne connais pas cette affaire.
Le sénateur Runciman : Plus tôt, M. Doucet du CSARS nous a parlé du mandat du SCRS. Toutefois, je n'ai pas obtenu de réponse claire de sa part. Vous connaissez bien le service. Une certaine interprétation du mandat du CSARS prévoit le pouvoir pour le comité d'assigner des témoins à comparaître et de demander la production de documents auprès des ministères et organismes fédéraux. Il n'a pas développé sa pensée, mais il a dit que le comité allait étudier les éventuelles lacunes. J'aurais voulu qu'il me dise combien de plaintes extérieures le comité reçoit outre les refus de cotes de sécurités et combien de ces plaintes sont instruites chaque année ainsi que le nombre de cas que le comité entreprend de son propre chef. Nous savons que le comité peut procéder à des enquêtes. Ces enquêtes ne sont pas nécessairement des examens après coup.
Ce que je veux dire, monsieur Atkey, c'est que le CSARS a déjà beaucoup d'outils. Je me demande s'ils sont utilisés ou s'il y a une mauvaise compréhension des capacités du comité et des activités que l'agence peut faire et qui sont permises par la loi.
M. Atkey : Eh bien, cela fait environ 25 ans que je ne suis plus au CSARS, et je ne connais pas ses pratiques et politiques actuelles. Je peux lire la loi et je sais que le comité a une grande latitude pour faire des enquêtes par lui-même ou pour surveiller certains ministères en réponse à des plaintes de fonctionnaires qui ont perdu leur cote de sécurité. C'est un mandat assez complet, s'il a les ressources, comme M. Cavalluzzo l'a dit.
Le CSARS fonctionne un peu comme un conseil d'administration. Il se réunit environ chaque mois. Ce sont les enquêteurs du groupe avec la cote de sécurité qui font le travail concret.
En vertu de la loi actuelle, le SCRS peut faire de l'écoute électronique, cela empiète de diverses façons sur la vie privée. Il faut un mandat judiciaire. Le SCRS doit respecter 26 ou 27 conditions pour obtenir un tel mandat.
Le sénateur Runciman : Je comprends tout cela.
M. Atkey : Il y a donc des dispositions, le CSARS les examine.
Le sénateur Runciman : Je parlais de l'observation qui a été faite, et M. Doucet ne voulait pas donner plus de détails. Il a dit que le mandat du CSARS limite ses examens au SCRS. Une grande partie de la discussion sur le projet de loi C-51 concerne la surveillance, des préoccupations en matière de surveillance. Je me demande si la compréhension du mandat est une décision interne en matière de politique plutôt qu'une interprétation juste des capacités disponibles qui ne sont pas utilisées.
M. Atkey : Ce n'est pas une décision en matière de politique interne. C'est selon la lecture de la loi. La Loi sur le SCRS a été adoptée en 1984. Le champ d'activités qu'il est possible d'examiner, c'est celui du SCRS. Je peux vous en donner un exemple. C'est connu publiquement.
Le CSARS voulait examiner le dossier d'Air India de 1984 à 1989. On nous a dit que parce que cela concernait la GRC et d'autres agences gouvernementales à l'époque, cela serait inapproprié et allait au-delà de nos pouvoirs, et c'est cette interprétation qui a prévalu à l'époque. Je pense que cet exemple illustre assez bien pourquoi le SCRS est limité par sa loi, et la portée dont a parlé M. Cavalluzzo.
Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup à vous deux. J'aurais aimé que vous soyez ici, monsieur Atkey. Je vous connais depuis les années 1970 et j'ai étudié votre livre sur la perspective moderne. Je suis frappé par le fait que je suis maintenant assez vieux pour penser qu'il y a une époque, dans le passé, où les années 1970 étaient modernes, et vous aussi.
M. Atkey : Comme si c'était hier.
Le sénateur Mitchell : Tout comme si c'était hier, oui.
Ma première question s'adresse à M. Cavalluzzo au sujet de quelque chose dont vous n'avez pas parlé, mais que vous avez fait, être avocat spécial. Cela semble avoir changé avec cette loi, et il semble que le ministre peut arbitrairement limiter l'accès de l'avocat spécial aux processus et aux renseignements, et qu'il n'y aura pas beaucoup de recours possibles. Pouvez-vous nous indiquer quels sont les dangers que cela représente pour les droits de la population?
M. Cavalluzzo : Le danger, c'est que les nouvelles dispositions du projet de loi font que ce sera au SCRS de déterminer ce qui est pertinent comme renseignement à fournir à l'avocat spécial. Dans les cas où les avocats spéciaux auront pu persuader le juge d'annuler le certificat, ils avaient tous les renseignements. Les renseignements sur lesquels ils se fiaient n'auraient pas été jugés pertinents par le gouvernement à ce moment-là. Donc, si on réduit la quantité de renseignements que reçoit l'avocat spécial à ce que le gouvernement juge pertinent, cela limitera la quantité de renseignements dont dispose l'avocat spécial et, de plus, en fait, il pourra beaucoup moins efficacement représenter les intérêts de la personne qui est visée par le mandat si le gouvernement réussit. Donc, les renseignements sont limités.
L'autre aspect qui me semble important et dont on parle dans le mémoire, c'est que, avec ce nouveau pouvoir qui est conféré au SCRS de s'adresser à un juge, de fait, pour être autorisé à faire obstacle à une menace pour la sécurité du Canada, et, en réalité, enfreindre la Charte, je pense que cette requête est tellement envahissante que le juge de la Cour fédérale devrait jouir du pouvoir discrétionnaire de nommer un avocat spécial afin que, lorsque le juge entend des arguments en faveur de cette importante demande, il y ait au moins un argument opposé et qu'il y ait une véritable procédure accusatoire. Tel qu'est maintenant le projet de loi, si on maintient cette disposition — et je vous conjure d'accorder au juge le pouvoir discrétionnaire, il n'y a pas d'avocat spécial en tout temps, à moins qu'un juge l'estime nécessaire. Il faudrait alors avoir un avocat ayant la cote de sécurité top secret qui s'oppose à la position du gouvernement, rien que pour assurer le respect des droits individuels.
Le sénateur Mitchell : En vertu de la loi telle qu'elle est maintenant, le juge n'a même pas le pouvoir discrétionnaire de le faire.
M. Cavalluzzo : C'est juste.
Le sénateur Mitchell : Ma prochaine question s'adresse à l'un ou l'autre d'entre vous, mais peut-être plus à M. Atkey, puisqu'elle porte sur la perturbation. Est-ce qu'on commence ainsi à faire du SCRS une force policière? Quel type de perturbation serait autorisé qui respecterait la Charte des droits?
M. Cavalluzzo : Je peux commencer là-dessus. À mon avis, ce projet de loi rapproche dangereusement un organisme de renseignements d'un rôle d'organisme policier. Tout le raisonnement qui était à la base de la création du SCRS en 1984 était fondé sur la séparation des fonctions d'application de la loi et de renseignements. Je trouve que maintenant, ses fonctions se rapprochent beaucoup trop.
L'autre aspect important, pour répondre à votre question, c'est que la loi ne donne aucune idée de ce que peut signifier le terme « perturbation ». C'est un terme très vague et général, qui laisse beaucoup de marge de manœuvre au fonctionnaire canadien ce qui, à mon avis, encore une fois, devrait être l'objet d'un examen approfondi pour bien garantir la justesse de leur décision.
M. Atkey : La loi actuelle permet ces activités de perturbation. Ils ont le pouvoir d'installer un dispositif d'écoute, ce qui en soi constitue une perturbation. Des centaines et des centaines de ces dispositifs, qui ont été passés en revue par le CSARS, ont été autorisés par le ministre et minutieusement examinés par les juges. C'est un pouvoir extraordinaire qui peut perturber, mais qui s'est révélé un outil utile de renseignements de sécurité pour le SCRS.
La question qui se pose est la suivante : que leur faut-il de plus que la loi qui est en vigueur? C'est là que je reviens à l'observation qu'a faite M. Cavalluzzo. Ont-ils vraiment besoin d'enfreindre la loi, et à quel titre? Est-ce qu'ils ont besoin d'un pouvoir d'intrusion? Ont-ils besoin de voler? Ont-ils besoin de tricher, de mentir sur les formulaires soumis, à part, évidemment, quelques exceptions près, comme dans les cas de lésions corporelles et d'interférence dans le cours de la justice ou d'orientation sexuelle?
La question qu'il faut se poser est la suivante : disposent-ils actuellement de pouvoirs de perturbation suffisants pour faire leur travail, ou est-ce que ces pouvoirs devraient être élargis?
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma question s'adresse à M. Atkey.
Vous m'entendez bien? Vous avez la traduction?
M. Atkey : Oui, merci.
Le sénateur Dagenais : Vous avez été le premier président du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité du Canada et, sans vouloir vous vieillir, il y a déjà plus de 30 ans de cela. Les préoccupations en matière de sécurité des Canadiens ont bien changé avec l'arrivée des nouvelles menaces terroristes. Selon votre expérience sur les limites qu'on impose aux membres du Service canadien du renseignement de sécurité, croyez-vous qu'il y ait des modifications à apporter à nos lois qui pourraient faciliter le travail sur le terrain, mais sans empiéter sur la vie privée des citoyens?
[Traduction]
M. Atkey : Les questions soulevées portent sur la surveillance du SCRS en tant qu'organisme, et je ne crois pas que la structure permettant l'examen par le CSARS pose problème. Je pense que la loi adoptée en 1983-1984 par une législature précédente prévoyait une bonne structure.
Le plus grand danger toutefois, M. Cavalluzzo et moi y avons fait référence, c'est que d'autres agences du gouvernement effectuent aussi du travail important en matière de sécurité comme l'ASFC, le MAECI et CIC, qui ne sont soumis à aucun examen externe. Voilà le nœud du problème et voilà ce qui pourrait compromettre les droits des Canadiens, selon moi.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J'ai une deuxième question à vous poser. Évidemment, ceux qui plaident en faveur de la vie privée font souvent allusion à l'époque où une certaine grange avait été brûlée. Croyez-vous que ce genre d'activité pourrait se reproduire aujourd'hui?
[Traduction]
M. Atkey : C'était il y a longtemps, dans les années 1970, nous sommes en 2015. Je ne pense donc pas que cela puisse se reproduire. La nature de la menace est très différente. Je pense que le renforcement des mesures est nécessaire pour le SCRS, tout comme un budget accru pour que l'agence puisse mener ses opérations et que des mécanismes d'examen renforcés soient mis en place, ce qui a été reconnu par le gouvernement. Les menaces sont différentes et plus omniprésentes.
La sécurité supplante-t-elle la vie privée? Probablement dans une plus grande mesure aujourd'hui en 2015 par rapport à 1975.
Le président : Chers collègues, j'aimerais poser une question que j'ai aussi posée à d'autres témoins. Ma question porte sur les mandats et sur le processus à entreprendre afin de les obtenir. À l'heure actuelle, il incombe au juge, selon ce que je comprends, d'exiger de ceux qui demandent un mandat de faire rapport de leurs conclusions et au final, faire rapport de ce que le mandat leur a permis de faire une fois l'opération terminée.
Seriez-vous en faveur d'un règlement pris par le gouverneur général ou d'une politique faisant en sorte que, si le SCRS demande un mandat, il serait obligatoire que, dans le cadre de la demande, l'agence doive rendre des comptes au juge à propos des résultats découlant de l'obtention de ce mandat et à propos des opérations menées en vertu du mandat?
M. Atkey : En fait, une telle mesure existe déjà dans la loi actuelle pour les mandats accordés pour de l'écoute électronique et un libellé semblable est utilisé pour le nouveau mandat de nature envahissante. Le mandat est associé à une date d'échéance. Je pense qu'il est valide pour 120 jours, après quoi on peut demander qu'il soit renouvelé deux fois. Il existe donc une procédure prévoyant qu'il faut convaincre le juge de reconduire le mandat qui vient à échéance après un an.
Le président : Peut-être n'avez-vous pas compris ma question ou peut-être l'ai-je mal formulée. Après les 90 jours d'enquête autorisés conformément au mandat, l'exigence viserait la reddition de comptes auprès du juge des résultats découlant des opérations effectuées dans le cadre du mandat. Par conséquent les agents du SCRS seraient soumis à une reddition de comptes rehaussée.
M. Atkey : L'idée est intéressante. Il serait peut-être plus efficace que le CSARS demande un rapport : « D'accord, vous avez obtenu ces mandats, nous les avons examinés ainsi que le matériel fourni et l'ordonnance du juge, l'opération s'est-elle bien déroulée? A-t-elle été efficace? » Je pense que le CSARS serait bien placé pour obtenir ces réponses et en faire rapport au ministre s'il y avait un manque d'efficacité et si des mandats ont été accordés et qu'on a fait intrusion dans la vie privée de certaines personnes sans réel besoin de le faire, ou si l'agence a mené des opérations très coûteuses ne s'étant pas avérées très efficaces. Cela correspond au mandat du CSARS.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Atkey et monsieur Cavalluzzo. Malheureusement, notre temps est écoulé. Vos témoignages nous ont beaucoup éclairés. La séance est levée, on nous attend dans la Chambre du Sénat.
(La séance est levée.)