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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 1 - Témoignages du 20 novembre 2013


OTTAWA, le mercredi 20 novembre 2013

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour étudier la teneur des éléments des Sections 5, 10 et 11 de la Partie 3 du projet de loi C-4, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Le sénateur Art Eggleton (vice-président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le vice-président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Art Eggleton, je suis vice-président du comité, je remplace aujourd'hui le sénateur Ogilvie qui se joindra à nous de nouveau demain.

Nous sommes aujourd'hui saisis du projet de loi C-4, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures. On a déposé, au printemps, un projet de loi d'exécution du budget afin de mettre en œuvre ces mesures, mais le Sénat est actuellement saisi d'autres mesures. Le projet de loi a été subdivisé en différentes parties, par conséquent les différents comités sénatoriaux étudient différentes dispositions du projet de loi C-4.

Notre comité est saisi de trois dispositions qui s'appellent, selon la terminologie du projet de loi, la Section 5. La Section 5 traite des mesures relatives au Code canadien du travail. Nous entreprendrons cette étude demain. Nous étudierons la définition du terme « danger » en fonction des dispositions visant le milieu du travail contenues dans le Code canadien du travail.

Nous nous occuperons aujourd'hui de la Section 10, relative au Conseil national de recherches. Cette section apporte un changement à la composition du conseil, le faisant passer de 18 à 10 membres. Nous étudierons également la Section 11, soit les mesures relatives à la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

La séance d'aujourd'hui sera divisée en trois parties. Premièrement, nous nous occuperons du Conseil national de recherches, ou CNR, c'est-à-dire des dispositions de la Section 10; les deux groupes de témoins suivants traiteront de la Section 11 relative à la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

La première partie de la séance commence immédiatement. À l'autre bout de la table se trouve Patricia Mortimer, vice-présidente exécutive et secrétaire générale du Conseil national de recherches.

Avant de lui céder la parole, il me semble que le moment est opportun pour les membres du comité de se présenter.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l'Ontario.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Diane Bellemare, de Montréal, province de Québec.

[Traduction]

Le sénateur Segal : Hugh Segal, de Kingston—Frontenac— Leeds, le meilleur endroit en Ontario.

La sénatrice Cordy : Je m'appelle Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse, le meilleur endroit au Canada.

La sénatrice Seth : Asha Seth, de Toronto, Ontario.

Le vice-président : Je tiens également à mentionner que je suis de Toronto. Ce n'est pas un endroit dont on entend beaucoup parler ces temps-ci, et on entend encore moins parler de ce qui se passe à la mairie.

Un des membres du comité vient de se joindre à nous. Il est là en tant que remplaçant, et il s'intéresse tout particulièrement à la Section 11.

Le sénateur Dallaire : Sénateur Dallaire, du Golfe.

Le vice-président : Je céderai maintenant la parole à Patricia Mortimer au sujet de la Section 10 du projet de loi C-4 portant sur le Conseil national de recherches. Veuillez faire votre déclaration préliminaire et nous passerons ensuite à la série de questions.

Patricia Mortimer, vice-présidente exécutive et secrétaire générale, Conseil national de recherches du Canada : Je vais résumer en une phrase les trois modifications qu'apporte le projet de loi C-4 au Conseil national de recherches Canada afin d'en améliorer la reddition de comptes et d'en renforcer la structure de gouvernance. Plus précisément, on réduit le nombre de membres du conseil, en le faisant passer de 19 à 12. Vous conviendrez certainement de l'efficacité d'un comité qui siège à 12 membres. Le projet de loi crée également une distinction entre les rôles de premier conseiller et de président du Conseil national de recherches. De plus, l'intérim d'un président ou d'un premier conseiller ne peut dépasser 90 jours; la disposition prévoit qu'il faut alors demander l'approbation du gouverneur en conseil qui confirmera la nomination ou nommera quelqu'un d'autre.

C'est tout.

Le vice-président : Puis-je préciser? Selon nos notes, on dit que le conseil passera de 18 à 10 membres. Vous venez de dire qu'il passera de 19 à 12.

Mme Mortimer : Le premier conseiller est membre du comité et le président est membre d'office. Donc, le conseil compte 10 membres, et avec le premier conseiller et le président, le total est de 12. À l'heure actuelle, il y a 18 membres plus le président parce que nous n'avons pas de premier conseiller.

La sénatrice Cordy : Donc, 11 membres ont le droit de vote.

Mme Mortimer : Je ne sais pas. Nous n'avons pas encore défini la structure. Auparavant, il y avait 18 membres et le président du CNRC. Maintenant, il y a 10 membres, un premier conseiller et le président du CNRC.

Le vice-président : Le premier conseiller, le président et...

Mme Mortimer : Dix autres membres.

Le vice-président : Donc, ce serait la composition du conseil à 12 membres?

Mme Mortimer : Oui.

Le vice-président : Très bien. Nous allons débuter la période de questions avec le sénateur Segal.

Le sénateur Segal : Merci d'être parmi nous et merci pour votre brève présentation.

La gouvernance représente un défi pour toutes les sociétés d'État comme pour tous les organismes officiels, et comme vous le savez, le pays est énorme. Les régions sont différentes. La qualité de la recherche et la recherche et le développement liés aux entreprises diffèrent selon les régions.

Comment la diminution du nombre de membres du conseil améliorera-t-elle votre gouvernance, car forcément, il n'y aura pas autant de membres qui représenteront autant de régions qu'à l'heure actuelle, ou bien les membres apporteront un point de vue et une expertise qui représentent une plus grande portion de territoire, en comparaison à la représentation telle qu'elle est maintenant.

Mme Mortimer : Nous estimons que la répartition potentielle envisagée nous procurera l'équilibre souhaité quant aux régions, à l'équilibre entre hommes et femmes, et aux aspects linguistiques et technologiques. Ainsi, nous aurons la diversité de conseils dont nous avons besoin et un plus grand conseil n'est pas forcément mieux. Dix personnes suffisent pour couvrir l'ensemble du pays sur le plan géographique.

Le sénateur Segal : Est-ce que des scientifiques qui travaillent au CNRC seront représentés au sein du Conseil?

Mme Mortimer : Le rôle du conseil est d'offrir des conseils et des orientations d'ordre stratégique au président. Nous souhaitons que les membres qui siègent au conseil aient de l'expérience de haute direction dans la gestion d'organismes complexes et dans la commercialisation de technologies. Nous cherchons des dirigeants d'entreprises d'une part et d'universités d'autre part. Nous ne cherchons pas de simples scientifiques. Pour ce qui est des conseils de recherche, nous sollicitons aussi les conseils d'autres entités. Tous nos secteurs de recherche auront leurs propres organes consultatifs qui nous procureront une expertise technique et précise provenant des secteurs canadiens des sciences et technologies et du privé.

Le sénateur Segal : D'après ce que j'entends, une transition a eu lieu. L'organisme qui était traditionnellement et historiquement axé sur la recherche fondamentale est maintenant axé sur la recherche appliquée. Quelle incidence cette transition a-t-elle eue sur le processus normalisé d'évaluation par les pairs des projets que vous financez? Parfois, certaines technologies appliquées n'exigent pas ce type d'évaluation approfondie par les pairs. Je me pose la question parce que quelqu'un fera sans doute rapport à votre conseil sur ce processus d'évaluation par les pairs et sur la façon dont vous évaluez les projets dans le cadre d'une stratégie plus globale. J'aimerais entendre vos conseils à cet égard.

Mme Mortimer : Il y a deux volets. D'abord, depuis qu'il existe, le CNRC appuie la recherche industrielle au Canada. À certaines époques, on a mis davantage l'accent sur la recherche fondamentale, mais la différence n'est pas énorme, on revient au mandat initial.

Comment choisissons-nous la recherche? Celle que nous effectuons va avoir des répercussions sur le Canada, notamment sur le bien-être économique du pays. C'est pourquoi chaque recherche que nous effectuons est soumise à un processus d'examen rigoureux — pas un examen par des pairs, mais un processus de planification des affaires. Nous devons prouver que la recherche a non seulement un mérite technique, mais des répercussions pour le Canada, dans un domaine où nous avons un avantage compétitif, où nous avons un outillage de compétences dont nous pouvons tirer parti. Cela nécessite une connaissance du marché.

Nous devons prouver qui est disposé à travailler avec nous au Canada en ce qui concerne le secteur industriel et la technologie, ainsi que le résultat final que nous avons en vue. Il ne s'agit pas de dire : « Nous allons travailler dans ce domaine », mais plutôt : « Nous allons travailler dans ce domaine pour parvenir à cet objectif qui aura tel avantage économique. »

C'est seulement une fois que nous sommes convaincus que le projet est bien réfléchi et qu'il va avoir des répercussions et des résultats importants pour le Canada que nous prenons la décision d'investir en recherche. Il s'agit en effet de décisions d'investissement en recherche. Voilà la différence fondamentale dans notre façon de gérer la recherche.

Une fois ce cadre général établi, il y a plusieurs projets de recherche individuels, pour se rendre du point A au point B. Un chercheur dans son laboratoire ne perçoit peut-être pas la différence — et il poursuit ses recherches —, mais il y a un plan d'ensemble pour parvenir à quelque chose que recherche le secteur privé.

La sénatrice Eaton : Je pense que le sénateur Segal a posé la plupart des questions que j'avais. Une précision, toutefois : vous allez vous rendre dans les universités et tâcher de trouver une recherche donnée. Le secteur privé s'adressera-t-il à vous ou vous adresserez-vous au secteur privé? Comment cela va-t-il fonctionner, exactement?

Mme Mortimer : Nous allons travailler avec le secteur privé. Laissez-moi vous en donner un exemple.

Dans le domaine de l'aérospatiale, où nous œuvrons depuis de nombreuses années, nous collaborons depuis un certain temps à l'établissement d'une feuille de route identifiant les technologies clés nécessaires pour un développement et un maintien de la compétitivité. Nous identifions avec les intéressés les domaines où nous pouvons avoir le plus d'impact, puis nous travaillons avec eux à améliorer la situation ou à résoudre ces problèmes. Nous nous efforçons essentiellement de résoudre des problèmes.

Nous n'allons entamer aucune recherche sans que quelqu'un nous dise que les résultats l'intéressent.

La sénatrice Eaton : Les gens vont donc s'adresser à vous et vous jugerez de mérite de ce qu'ils demandent.

Mme Mortimer : Nous travaillerons avec eux. Si les gens s'adressent à nous avec un petit problème à résoudre, on s'en occupera. Est-ce qu'ils ont besoin de faire tester quelque chose? Dans ce cas, oui, ils peuvent s'adresser à nous si nous avons la capacité voulue.

Nous avons des programmes plus vastes qui requièrent des mois, voire une année complète, à élaborer conjointement avec le secteur privé, des programmes majeurs élaborés de concert, qui auront des retombées importantes. Cela repose sur le fait que nous travaillons constamment avec le secteur privé et que nous savons quel est le point de départ dans ces discussions.

La sénatrice Eaton : Vous continuez à avoir une présence physique; en d'autres termes, vous avez toujours des chercheurs qui travaillent dans des laboratoires. Vous ne sous-traitez pas l'ensemble?

Mme Mortimer : Cela se fait chez nous. Nous travaillons de concert avec le secteur privé. Nous conservons une présence physique. Nous avons des installations uniques en leur genre, importantes, ce qui est une des raisons pour lesquelles le secteur privé s'adresse à nous : nous avons des capacités que les gens du secteur n'ont pas à l'interne.

La sénatrice Eaton : Oui, j'ai vu vos installations près de l'aéroport.

La sénatrice Seidman : Le nombre de membres du conseil passera de 18 à 10. Ces membres sont nommés par le gouverneur en conseil pour un mandat de trois ans. Si le nombre de membres passe de 18 à 10, les critères de sélection de ces membres changeront-ils?

Mme Mortimer : Nous avons établi le profil du candidat idéal. Nous espérons que les membres du conseil seront des candidats de niveau supérieur. J'hésite à le dire, mais nous voulons des candidats de qualité supérieure. Sans vouloir froisser ceux qui ont siégé au conseil, il faut que chacun de ces postes soit comblé par un candidat qui aura une contribution à apporter et qui s'engagera pleinement dans son travail.

En ayant 10 membres au conseil, nous pourrons nous assurer que tous sont actifs, car nous n'aurons pas à créer de petits sous-comités. Tous seront mis pleinement à contribution et devront comprendre tous les dossiers. Pour ce faire, il faut que les membres du conseil soient des gens très compétents, de niveau supérieur, qui comprennent bien la gestion des sciences. Nous ne cherchons pas des lauréats du prix Nobel. Nous cherchons des gens qui ont dirigé des institutions de recherche et des organisations complexes et qui comprennent le processus d'innovation et de commercialisation, qui n'est pas simple.

La sénatrice Seidman : Vous créez aussi un poste de premier conseiller.

Mme Mortimer : Oui, poste qui s'ajoute à celui de président.

La sénatrice Seidman : Pourriez-vous nous expliquer pourquoi.

Mme Mortimer : À l'heure actuelle, le conseil est présidé par le président. Le conseil prodigue des conseils au président qui préside aussi le conseil. Comme vous pouvez le constater, cela crée une situation un peu délicate. Comme il joue les deux rôles, le président peut difficilement remettre en question les décisions du conseil ou superviser ses travaux et le conseil est moins indépendant.

La sénatrice Seidman : Ce premier conseiller est donc indépendant du conseil? Est-il membre du conseil sans droit de vote?

Mme Mortimer : Non, c'est un membre du conseil qui est nommé premier conseiller par le gouverneur en conseil.

La sénatrice Seidman : Comment peut-il être plus indépendant que ne l'est le président?

Mme Mortimer : C'est un peu la même relation que celle qui existe entre le président du conseil d'administration d'une société et le président-directeur général. Le président du CNRC dirige ses opérations quotidiennes et est responsable du personnel et de l'infrastructure. Le conseil est plutôt un conseil consultatif indépendant. À l'heure actuelle, les deux fonctions sont mal séparées.

La sénatrice Seidman : C'est très clair.

Mme Mortimer : Ce modèle existe déjà pour le CRSNG qui est dirigé par un président indépendant.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Mes questions vont dans le même sens que les précédentes. Les gens qui sont nommés à ce comité ne sont pas rémunérés. Est-ce bien le cas?

Mme Mortimer : Oui.

La sénatrice Bellemare : Il n'y a donc pas d'économie à faire en réduisant le nombre de personnes parce qu'il n'y a pas de rémunération.

[Traduction]

Mme Mortimer : Des dépenses de voyage sont engagées, car le travail se fait à l'échelle du pays. Il est certain que c'est bien de pouvoir réaliser des économies, mais on a réduit la taille du conseil surtout pour en accroître l'efficacité et l'efficience. Mais vous avez raison, comme les conseillers seront moins nombreux, nous comptons réaliser des économies.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Sur le fait que vous sépariez maintenant le président du conseil et le CIO, vous avez répondu que vous y voyiez des avantages. Pourriez-vous élaborer à ce sujet parce que je ne suis pas certaine d'en voir? Par contre, la personne qui va présider, est-ce qu'elle sera rémunérée?

Mme Mortimer : Non.

La sénatrice Bellemare : C'est une personne qui n'est pas rémunérée et qui va simplement jouer le rôle d'homme ou de femme orchestre lors des réunions?

[Traduction]

Mme Mortimer : Le premier conseiller présidera les réunions, mais il établira aussi l'ordre du jour des réunions ainsi que l'heure et la date à laquelle ces réunions se tiennent. Essentiellement, nous voulions que le conseil soit plus indépendant du fonctionnement de l'organisation. Nous souhaitions que le conseil soit dirigé par un premier conseiller indépendant afin d'être perçu comme étant totalement indépendant et prodiguant des conseils de façon neutre et indépendante au président du CNRC. Le conseil formulera des recommandations au président en ce qui concerne, par exemple, le budget et les orientations stratégiques. Jusqu'à présent, le président faisait ses recommandations à lui-même et les approuvait généralement.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Toutefois, je comprends que le président du conseil est nommé, il n'est pas élu. Cette personne est nommée?

[Traduction]

Mme Mortimer : Le premier conseiller? Oui, il sera nommé par le gouverneur en conseil.

La sénatrice Seth : Vous nous avez dit qu'il s'agissait de fonctions distinctes. Il y aura donc un conseiller principal, mais aussi un président?

Mme Mortimer : Oui.

La sénatrice Seth : Vous nous avez dit que les titulaires de ces deux postes auraient des fonctions différentes et que c'est pour cette raison qu'il faut deux personnes plutôt qu'une.

Mme Mortimer : Le président a un peu la même fonction qu'un sous-ministre. En gros, il dirige l'organisation. Il est nommé à cette fin. Il a été nommé à la suite d'un concours. La procédure est la même que pour le sous-ministre des Ressources naturelles ou le président de l'APECA. Le président du CNRC est chargé de veiller au bon fonctionnement d'une organisation qui compte 4 000 personnes et dispose d'un budget de 700 millions de dollars. C'est son travail.

Les autres personnes ont été nommées par le gouverneur en conseil pour conseiller le président du CNRC, tout comme le ferait un conseil consultatif indépendant. En assurant cette indépendance totale, en ayant un premier conseiller nommé de façon indépendante, nous intégrons la perspective des intervenants concernés, celle des régions et celle des gens d'affaires. Nous consultons le monde des affaires et les universités pour savoir comment établir nos orientations.

La sénatrice Seth : Je crois savoir que le nombre de membres du conseil a été réduit de 18 à 10. Que pensez-vous de cette mesure dans l'optique des coûts et avantages, des finances ou d'autres choses?

Mme Mortimer : Ce sera moins coûteux bien sûr parce que même si nous ne les rémunérons pas, nous payons leur frais de déplacement et d'hébergement, puisqu'ils prennent de leur temps pour nous aider. Il y a aussi le coût lié à la production de documents et au soutien général des membres du conseil. Il s'agit d'une économie minime, comme je l'ai dit, mais le principal facteur motivant cette réduction est qu'on voulait un groupe d'une taille plus facilement gérable, un groupe d'une taille favorisant de bonnes discussions. Nous avons tous assisté à des réunions de comité dans lesquelles il ne restait plus de temps pour discuter une fois que le dix-huitième participant avait exprimé son point de vue. Nous espérons pouvoir avoir des discussions plus robustes et un groupe plus souple qui pourra participer au fonctionnement du CNRC.

Le sénateur Enverga : Vous avez déjà répondu à bon nombre de mes questions.

Après cette réduction du nombre de membres, qu'espère-t-on pour l'avenir? Ce groupe sera-t-il plus efficace? Fera-t- on plus de recherche? Pouvez-vous me dire quel est l'avantage réel de cette mesure, outre le coût? Sera-t-il possible d'inviter plus de gens à témoigner aux réunions?

Mme Mortimer : À mon avis, un groupe plus petit pourra être plus présent dans nos opérations. Il est possible d'amener un groupe de cette taille visiter des laboratoires et des installations.

Puisque notre groupe compte beaucoup plus de gens, nous avons des comités distincts pour les ressources humaines et les finances. Ces comités doivent se réunir et présenter des rapports. Maintenant, tous les membres pourront discuter des questions importantes dans chacun de ces domaines. Le calendrier des réunions sera donc plus efficace et on aura une plus grande marge de manœuvre pour travailler réellement avec les membres du conseil et les faire participer aux programmes du CNRC.

Le sénateur Enverga : C'est très bien. Merci de votre recommandation.

La sénatrice Cordy : Je pourrais vous demander pourquoi cette mesure se retrouve dans un projet de loi budgétaire, mais je ne vous poserai pas cette question.

La distinction entre les postes de président et de premier conseiller est une excellente idée. Cela crée davantage d'indépendance et évite les conflits pendant les réunions, de sorte que je pense que c'est une bonne idée.

Le président et le premier conseiller sont nommés par décret, mais le ministre peut nommer un président ou un premier conseiller pour 90 jours. Cette mesure est-elle prise par souci de rapidité lorsque quelqu'un quitte ses fonctions? Quel est l'objectif d'une telle mesure?

Mme Mortimer : C'est par souci de rapidité. On ne veut pas que les deux organes demeurent sans dirigeant trop longtemps, et il faut du temps pour procéder à des nominations par décret. On a le scénario du bus. Si le président est frappé par un bus, le ministre peut immédiatement demander à quelqu'un d'agir en son nom. De nombreuses autorisations de signatures déléguées sont associées à ce poste et doivent faire l'objet d'une attention immédiate. On ne peut pas attendre.

La différence, ici, c'est qu'il existe une limite quant à la durée pendant laquelle le ministre peut simplement nommer quelqu'un, et je pense que cela revient également à la question de la reddition de comptes au gouverneur en conseil pour ces postes.

[Français]

La sénatrice Chaput : Qui a déterminé le besoin de cette restructuration?

[Traduction]

Mme Mortimer : Nous en avons discuté à l'interne. Mon poste de secrétaire général me rend responsable des systèmes de gouvernance, y compris le conseil. C'est quelque chose que nous appuyons. Lorsque nous avons examiné la transformation du CNR et le type de membre du conseil, nous avons commencé par la question du type de personnes, ce qui nous a naturellement mené au nombre de ces personnes que nous voudrions et à la structure que nous souhaitons voir en ce qui concerne l'indépendance. Ce sont des discussions que nous avons tenues à l'interne, et je suis certaine que ces discussions ont aussi eu lieu au bureau du ministre. Nous étions sur la même longueur d'onde.

[Français]

La sénatrice Chaput : C'est une discussion qui a eu lieu pendant quand même quelques années?

[Traduction]

Mme Mortimer : Oui.

[Français]

La sénatrice Chaput : Est-ce que l'accent est toujours mis sur la recherche appliquée?

[Traduction]

Mme Mortimer : Le rôle du CNR consiste à réaliser des activités de recherche et développement afin de résoudre les problèmes de l'industrie canadienne. Ça signifie que pour ce faire, nous devons réaliser de la recherche fondamentale. Nous devons résoudre des problèmes. On fait tout de même de la recherche, mais il y a un point final, de sorte que la question de la recherche fondamentale par rapport à la recherche appliquée ne se pose pas vraiment. Nous faisons tout de même de la recherche fondamentale, mais c'est en vue d'atteindre un objectif pour résoudre un problème que l'industrie a identifié pour nous.

[Français]

La sénatrice Chaput : Pourrais-je avoir quelques exemples de ce genre de recherche dont le but est de résoudre un problème?

[Traduction]

Mme Mortimer : Très bien. À l'heure actuelle, nous avons 45 programmes de recherche en cours. Je peux vous en donner quelques exemples. Nous avons un programme qui cherche à construire des immeubles en bois de hauteur moyenne, ce que tente de faire la Colombie-Britannique, mais la technologie utilisée pour dépasser un étage au moyen de bois seulement coûte assez cher. C'est quelque chose que nous tentons de faire.

Nous avons annoncé des programmes en vertu desquels nous envisagions d'utiliser des algues pour produire du carburant, mais honnêtement, les coûts faisaient qu'il ne s'agissait pas d'une bonne idée. Nous avons utilisé cette technologie, qui se trouvait en Nouvelle-Écosse, et ajouté une technologie de Toronto afin de construire un bioréacteur. Nous déployons la technologie en Alberta afin d'utiliser les algues pour capturer du carbone des sables bitumineux et l'utiliser dans un bioréacteur qui fournira une variété de produits à valeur ajoutée. Si ça fonctionne, au bout du compte, on aura une nouvelle entreprise qui produira de l'argent en retirant le carbone des sables bitumineux. Nous avons donc examiné cette question, le problème du carbone et nous avons pris certaines technologies dont nous disposions afin de déployer un programme vraiment national. Voilà le genre de choses que nous faisons.

Le vice-président : Enfin, permettez-moi de vous poser une question au sujet de la distinction entre les postes de président et de premier conseiller. Aujourd'hui, dans le monde des affaires au Canada, c'est quelque chose de normal, de sorte que cela semble assez raisonnable. Mais, pour diriger le Conseil national de recherches, je pense qu'il faut quelqu'un de très spécialisé, ayant de l'expertise dans un certain domaine. Quelles seront les qualifications exigées du nouveau président? Seront-elles les mêmes que pour d'autres membres du conseil, ou le candidat devra-t-il avoir des qualifications particulières?

Mme Mortimer : Nous chercherons quelqu'un d'envergure nationale, mais surtout quelqu'un ayant de l'expérience au sein ou à la direction d'un conseil d'administration. En ce qui concerne les membres de notre conseil, nous les nommons parce qu'ils apportent une expertise spéciale ou qu'ils représentent un secteur particulier; pour ce qui est de la présidence, il faut quelqu'un qui sache gérer et diriger les réunions, et c'est un travail difficile, de sorte que nous cherchons des gens disposant d'une expertise dans ce domaine également.

Le vice-président : Cette personne devrait-elle venir du monde des sciences?

Mme Mortimer : La personne pourrait venir du secteur des sciences ou des affaires. Elle pourrait avoir fait carrière dans les affaires, dans une entreprise fondée sur la technologie, domaine dans lequel les gens ont une expérience en ingénierie ou en science. Pour appuyer notre programme, nous avons besoin de nombreux aspects. Il faut des gens ayant une expertise solide dans le domaine du droit du travail ou de la propriété intellectuelle. Nous pouvons avoir recours à des personnes qui ont lancé des entreprises, mais nous nous intéressons également à celles qui ont dirigé des multinationales. De plus, en ce qui concerne le premier conseiller, je pense qu'il doit avoir de l'expérience dans les conseils d'administration, la direction de comités, et c'est ce que nous recherchons.

Le vice-président : Cette personne devrait-elle également être bilingue?

Mme Mortimer : Ce serait utile, mais pas nécessaire. Dans toutes nos réunions, nous avons des services d'interprétation simultanée.

Le vice-président : Je pense que nous n'avons plus de temps, de sorte que je vous remercie beaucoup de nous avoir aidés aujourd'hui, madame Mortimer.

Nous avons ensuite le deuxième groupe de témoins. Nous passons au sujet de la Section 11, comme on l'appelle, une composante du projet de loi portant exécution du budget, le projet de loi C-4. La section porte sur des mesures portant sur la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

Merci à nos deux témoins que nous entendrons maintenant. Ils viennent tous les deux de direction nationale de la Légion royale canadienne.. Gordon Moore est président national et Mme Siew, directrice du Bureau d'entraide. Nous vous cédons la parole, puis nous passerons aux questions et réponses.

Gordon Moore, président national, Direction générale de la Légion royale canadienne : Je suis heureux de comparaître devant votre comité. Je suis heureux de pouvoir vous adresser la parole cet après-midi au nom de plus de 320 000 de nos membres et de leur famille. La Légion royale canadienne est bien placée pour offrir des suggestions visant à améliorer les activités du Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

La Légion royale canadienne est la seule organisation d'anciens combattants qui offre à ces derniers et à leur famille des services de représentation auprès du tribunal. Nous leur venons en aide depuis 1926, aux termes de notre mandat, établi par législation, en vertu de la Loi sur les pensions ou de la Nouvelle Charte des anciens combattants. Nos 23 officiers d'entraide professionnels sont répartis partout au pays et offrent une aide gratuite aux anciens combattants qui ne sont pas satisfaits des décisions rendues par le ministère au sujet de leurs demandes de prestations d'invalidité. Il est à noter que vous n'avez pas à être membre de la Légion pour bénéficier de ces services.

Notre réseau national d'officiers d'entraide permet une représentation à chacun des trois paliers du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), soit de révision, d'appel et de réexamen.

En vertu de la loi, la Légion a accès aux dossiers médicaux et aux autres documents ministériels qui permettent une représentation qui soit à la fois complète et indépendante, et ce, sans aucuns frais. L'an dernier, nos officiers d'entraide étaient présents lors de 265 révisions, 85 appels et 15 demandes de réexamen.

La Légion est d'avis que le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) a un rôle crucial à jouer, pour veiller à ce que tous les anciens combattants et leur famille aient accès aux prestations auxquelles ils ont droit, eu égard aux blessures subies en servant le Canada. Toutefois, le gouvernement a l'obligation de s'assurer que les anciens combattants ont accès à un processus décisionnel juste et transparent, et qui puisse aboutir rapidement. Nos anciens combattants ont subi des blessures en servant notre pays; ils méritent d'être traités avec équité et respect et ils doivent avoir confiance au processus.

En ce qui concerne l'enjeu devant le Sénat aujourd'hui, soit le projet de loi C-4 et la Section 11 de la Partie 3 modifiant la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) afin de réduire le nombre de membres titulaires du tribunal de 29 à 25, je crois que nous sommes en mesure de parler en toute confiance et avec un certain degré de crédibilité. La Légion royale canadienne a, à deux occasions au cours de la dernière année, formellement fait part de ses inquiétudes au ministre des Anciens Combattants Canada, quant au nombre de membres au tribunal.

Nous sommes préoccupés par le manque de célérité dans les nominations du gouverneur en conseil au sein du Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Aujourd'hui encore, je m'inquiète beaucoup de l'absence d'un effectif complet au sein du tribunal, ce qui fait en sorte d'influer considérablement sur la planification des dates d'audience et, partant, sur le processus de décisions lié aux révisions, aux appels et aux demandes de réexamen. Étant donné la situation, pour entendre les cas, le tribunal se fie aux services de téléconférences comme solution aux problèmes de planification et d'horaires des membres du tribunal.

Le tribunal a été constitué avec un effectif de 29 membres; or, il n'a présentement que 23 membres, ce qui ne fait qu'exacerber le défi lié à une organisation plus rapide des audiences et amène un plus grand usage des téléconférences au palier de la révision. Lors d'une audience de révision du tribunal, les anciens combattants ont le droit d'introduire de nouvelles preuves, de raconter leur histoire et d'être représentés par des avocats du Bureau de services juridiques des pensions ou des officiers d'entraide de la Légion.

C'est là la seule occasion qu'a un ancien combattant de présenter son cas devant le tribunal. Les membres du tribunal et l'ancien combattant peuvent alors se regarder droit dans les yeux. Ces membres rendent alors une décision dont l'impact sur la qualité de vie de nos anciens combattants est énorme, et qui est au cœur même du contrat social qui existe entre le gouvernement et les sacrifices consentis par nos anciens combattants pour leur pays.

Bien sûr, il y a un coût lié aux audiences où tout un chacun est physiquement présent, ainsi qu'aux retards occasionnés par des horaires contraignants; toutefois, si ces audiences font en sorte de rétablir la confiance et la transparence du processus décisionnel, alors qu'il en soit ainsi, et veillons à ce que le tribunal ait les ressources voulues pour assurer des audiences partout au pays. C'est là l'unique occasion qu'a l'ancien combattant d'être en rapport direct avec la personne qui rend la décision et de lui raconter son histoire. Mesdames et messieurs, cela est important.

Au palier de l'appel, il devient de plus en plus difficile de planifier une audience puisque l'audience exige trois différents membres du Tribunal. Lors de nos audiences tenues à Ottawa, nous voyons de plus en plus l'utilisation de la téléconférence. Par exemple, en septembre, rien que pour huit cas, un membre était présent par voie de téléconférence. Cela s'explique du fait qu'il est difficile d'accommoder les horaires des membres du tribunal.

Au palier de la demande de réexamen, fixer une date d'audience s'avère tout un défi; en effet, le cas doit être à nouveau entendu par les mêmes trois membres. Cela occasionne d'importants retards, au-delà d'une année, pour réentendre les cas. Ce que je veux dire ici, c'est que la preuve doit être recueillie et analysée, puis les arguments préparés avant d'être acheminés au tribunal pour que la date d'audience soit fixée, et alors commence la longue attente jusqu'à ce que les membres puissent voir leurs horaires respectifs concorder.

Qui plus est, les audiences pour les demandes de réexamen ne sont pas prioritaires. Nous sommes donc d'avis que le manque d'effectifs au sein du tribunal pour la tenue de ces audiences a un impact direct sur la durée de temps imposée à un ancien combattant avant qu'il ne puisse recevoir une évaluation équitable de son cas. Dans plusieurs cas où la Légion royale canadienne a été appelée à titre de représentant, les anciens combattants ont dû attendre plus d'une année avant que leur cas ne soit entendu au palier du réexamen. Cela est totalement inacceptable et s'explique par le maigre effectif du tribunal.

Le 1er avril 2009, le tribunal a établi une norme de service qui stipulait que les décisions soient rendues dans un délai de six semaines suivant l'audience. Il a été établi, d'après les mesures de performance publiées par le ministère, que dans la plupart des cas, cette norme de service est respectée, soit à 87 p. 100 dans le dossier des audiences de révision et à 89 p. 100 dans celui des appels. Toutefois, aucune norme de service n'a été établie pour fixer la date d'audience une fois le cas prêt à être entendu. Une période d'attente qui s'étire au-delà d'une année pour avoir droit à une audience est beaucoup trop longue. La Légion comprend le défi qu'a le tribunal de fixer une date d'audience, alors que ces membres doivent être disponibles à divers endroits du pays, tout en composant avec les exigences liées à la formation, aux vacances et à la maladie. Toutefois, au lieu de réduire l'effectif du tribunal, la Légion royale canadienne exhorte le gouvernement à prendre des mesures immédiates et à effectuer les nominations requises pour veiller à ce que l'effectif du tribunal soit complet et composé de membres qui rencontrent les besoins opérationnels du TACRA relativement au sexe, à la diversité, à la géographie et à la langue, et ce, pour s'assurer que nos anciens combattants et leur famille puissent rapidement se voir accordés une audience et, ensuite, une décision.

Nos anciens combattants ont été blessés alors qu'ils étaient au service de notre pays et méritent d'être traités de façon équitable, avec respect et de façon rapide; ils doivent aussi être en mesure d'avoir confiance dans le processus.

Le vice-président : Merci, monsieur Moore.

Madame Siew, avez-vous un exposé à faire?

Andrea Siew, directrice du centre de traitement, Direction nationale de la Légion royale canadienne : Non, je suis là pour répondre aux questions supplémentaires.

Le vice-président : Chers collègues, permettez-moi de commencer par le sénateur Dallaire.

Le sénateur Dallaire est également président du Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, mais il participe à notre audience aujourd'hui. Merci d'être ici.

Le sénateur Dallaire : Merci, monsieur le président. Je ferai de mon mieux pour ne pas monopoliser tout le temps dont nous disposons, et j'espère qu'il pourra y avoir une deuxième ronde de questions.

Premièrement, le TACRA est censé être composé de 29 membres, y compris l'arbitre. Il en compte aujourd'hui 23. Est-ce le cas depuis un certain temps, ou y a-t-il eu moins de membres à de nombreuses occasions auparavant?

M. Moore : C'est le nombre de membres dont il dispose depuis bien plus d'un an.

Le sénateur Dallaire : Et avant cela?

M. Moore : Auparavant, ils étaient 25 ou 26 et les ministres n'ont pas changé. Depuis son entrée en fonctions, le ministre Blaney n'a jamais, sinon en juin dernier, nommé de vice-président au TACRA. Tous ceux dont les contrats se terminaient devaient être remplacés mais ne l'ont pas été, et c'est le problème auquel nous faisons face.

Comme je l'ai dit dans ma déclaration, les 23 membres ne peuvent pas éliminer l'arriéré auquel ils font face à l'heure actuelle.

Quand un ancien combattant attend pendant plus d'un an et, même jusqu'à 18 mois, pour pouvoir se faire entendre, il souffre énormément. Si vous connaissez ces anciens combattants — et je vous exhorte à les rencontrer afin de comprendre les problèmes et les situations auxquels ils font face — nous devons nous assurer qu'ils puissent, comme je l'ai déjà dit, avoir confiance dans le processus. Or ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Le sénateur Dallaire : Vous me dites donc que le processus d'appel final qui, au bout du compte, permettra à une organisation de faire preuve de justice ne suscite généralement pas la confiance des membres de la Légion, n'est-ce pas?

M. Moore : Ce sont les anciens combattants qui ne font pas confiance au système.

Le sénateur Dallaire : C'est cela, d'accord.

Certains de ces dossiers peuvent être relativement épais. Ils sont passés par toutes sortes de mains auparavant, parce qu'ils sont maintenant à l'étape du dernier examen. De combien de temps disposent les trois membres présents à l'audience dans chaque cas?

M. Moore : Je demanderais à Mme Siew de répondre à cette question.

Mme Siew : Ça dépend de la nature du cas. Au niveau de l'appel, nous prévoyons généralement 30 minutes. Toutefois, si ce délai est dépassé, le tribunal prend le temps qu'il faut pour entendre l'affaire. Dans le cas d'une blessure liée au stress opérationnel, nous prévoyons une heure. Mais nous ne nous pressons jamais pour entendre une affaire.

Le sénateur Dallaire : Il n'y a jamais eu de précipitation pour entendre une affaire?

Mme Siew : Nous entendons des cas à la Légion et partout au pays avec nos officiers d'entraide de la direction, et nous ne nous sommes jamais pressés pour entendre un cas.

Le sénateur Dallaire : Devant le tribunal.

Mme Siew : Devant le tribunal. Nous pouvons prendre tout le temps que nous voulons pour présenter les preuves, et ils peuvent prendre tout le temps qu'ils veulent pour nous poser des questions. C'est pour cette raison qu'il est si important de ne pas procéder par téléconférence ou par vidéoconférence, parce que celles-ci réduisent les possibilités d'échanges entre les membres, les avocats et l'ancien combattant. Il n'y a pas de place à la compassion.

Le sénateur Dallaire : Eh bien, on m'informe qu'en fait, ils ont à peine une demi-heure. Ils entendent jusqu'à cinq cas par jour. Ils doivent présenter les rapports pratiquement la même journée, et ils mettent la pédale à fond pour voyager cinq jours par semaine. L'arriéré ne diminue pas, il augmente; n'est-ce pas exact?

Mme Siew : Il est vrai que les demandes de réexamen ne sont pas prioritaires. Au cours de la dernière année, nous avons vu certaines demandes de réexamen en suspens depuis plus d'un an. C'est parce qu'une fois que tout le travail est préparé, il est envoyé au TACRA et nous attendons une date d'audience, et nous leur avons déjà demandé de se dépêcher, ce qui peut mettre en colère les anciens combattants.

Il est vrai qu'ils entendent cinq cas par jour, mais certaines audiences peuvent se faire très rapidement et les preuves peuvent être présentées sans tarder. Si les arguments sont présentés à l'avance avec toutes les nouvelles preuves, les membres du tribunal peuvent tout examiner en avance. Ils peuvent poser des questions, et peut-être ont-ils pris une décision. Il y a une brève discussion avec le membre du tribunal. Ça peut prendre moins de cinq minutes pour entendre un cas lorsque tout y est.

Le sénateur Dallaire : Pourquoi les gens ne sont-ils pas satisfaits? Vous me dites que ça fonctionne tellement bien.

Mme Siew : C'est une question de perception.

Le sénateur Dallaire : C'est une question de perception.

Mme Siew : Nous ne disons pas nécessairement que ça ne fonctionne pas bien.

Le sénateur Dallaire : C'est l'impression que vous me donnez.

Mme Siew : Vous m'avez demandé combien de temps cela prend. Aucun appel présenté à la Légion n'a été précipité, qu'il ait pris une heure ou deux. Le mois dernier, je suis allée à une audience de réexamen qui a duré deux heures.

Le sénateur Dallaire : Vous traitez environ 15 p. 100 de tous les dossiers; est-ce exact?

Mme Siew : Oui.

Le sénateur Dallaire : Les autres doivent s'organiser eux-mêmes.

Mme Siew : Ils font appel au Bureau de services juridiques des pensions.

Le sénateur Dallaire : Il pourrait y avoir davantage de cas parce que la Nouvelle Charte des anciens combattants permet la présentation de dossiers différents. Ce n'était pas nécessairement le cas en vertu de la vieille Loi sur les pensions; est-ce exact?

Mme Siew : En fait, le nombre de cas présentés au tribunal a diminué. Toutefois, le tribunal a réussi à améliorer le délai de rédaction des décisions. Il y a 10 ans, lorsqu'il y avait un nombre élevé de cas, il fallait un an pour obtenir une décision une fois qu'un dossier était entendu. Le tribunal s'est amélioré dans ce domaine, mais il a également constaté une réduction du nombre de cas. Reviendrons-nous à cette situation alors qu'il faut plus d'un an pour que se tiennent les audiences de réexamen? Les membres du tribunal doivent conserver les délais actuels et réduire les délais dans les demandes de réexamen.

La sénatrice Seth : Le sénateur Dallaire a déjà posé ma première question. Vous avez dit qu'il y a actuellement 23 membres au TACRA et que c'est probablement la moyenne des cinq dernières années. En proposant une diminution du nombre de membres permanents, quelles pourraient être les économies?

M. Moore : Excusez-moi, j'ai du mal à entendre.

La sénatrice Seth : Si on fait passer le nombre de membres de 29 à 25, combien d'argent pourrait être économisé? De combien d'argent parlons-nous?

Mme Siew : Nous n'avons pas cette information. Vous devrez demander au TACRA le montant prévu dans leur budget.

Le vice-président : En passant, nous tentons encore de convoquer le ministre et, s'il ne vient pas, nous entendrons certainement des fonctionnaires qui pourront répondre à votre question.

La sénatrice Seth : Merci.

Le sénateur Segal : Premièrement, j'aimerais vous remercier tous les deux d'être ici aujourd'hui pour nous aider. Je peux vous dire que dans ma région de l'Ontario, c'est-à-dire Kingston, Frontenac et Leeds, la Légion fait un travail remarquable. Elle est partie intégrante de la collectivité, et nous apprécions le travail qu'elle fait énormément.

Je me pose des questions sur deux points. Je crois comprendre que plutôt que de vous prononcer sur le nombre de membres, vous souhaitez simplement que l'effectif existant soit complet afin que les audiences puissent se tenir de façon régulière et rapidement; est-ce exact?

M. Moore : Exactement.

Le sénateur Segal : Vous connaissez tous deux la dynamique qui prévaut lors des audiences. Selon vous, serait-il préférable qu'il y ait deux officiers plutôt que trois afin qu'ils puissent entendre les audiences et le faire plus rapidement? Si vous aviez une baguette magique pour résoudre ce problème, mais aussi pour rendre le processus plus efficace afin que nos anciens combattants obtiennent des réponses rapidement et trouvent l'information dont ils ont besoin, que feriez-vous, d'après ce que vous connaissez de l'organisation?

Mme Siew : Notre priorité en ce qui concerne les délais quant au nombre d'audiences serait la nomination; procéder aux nominations par décret, rétablir l'effectif de 29 membres et, ensuite, réduire le nombre de retards.

Le sénateur Segal : Je comprends que la situation de chaque ancien combattant est différente, par exemple en ce qui concerne le niveau d'aide dont chacun a besoin, mais pouvez-vous me donner une idée de la clientèle qui s'adresse à vous à l'heure actuelle. Viennent-ils d'une certaine catégorie d'âge? S'agit-il d'anciens combattants ayant participé à un conflit en particulier; s'agit-il des anciens combattants de la Bosnie, de l'Afghanistan ou de la Corée? Nous voyons des changements se produire en ce qui concerne les catégories d'âge. J'aimerais que vous m'expliquiez qui représente votre clientèle principale, ceux que vous aidez à se présenter devant le comité.

Mme Siew : Soixante-cinq pour cent de la clientèle qui fait appel à l'aide de la Légion sont des anciens combattants de la guerre de Corée. Ce sont des anciens combattants de l'ère moderne et ils relèvent de la Nouvelle Charte des anciens combattants. Ces cinq dernières années, nous avons vu la tendance évoluer des anciens combattants traditionnels, de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée à ceux de l'ère moderne.

Nous avons maintenant des officiers de service qui travaillent dans les centres intégrés de soutien du personnel partout au pays, et nous voyons également un nombre plus élevé de membres en service venant à la Légion, en particulier après la première demande. Le ministère des Anciens Combattants s'occupe des premières demandes, mais pour le suivi du recours jusqu'à l'appel, les membres en service s'adressent à la Légion, et environ 20 p. 100 de nos clients au niveau de l'appel sont des membres en service.

Le sénateur Segal : Si l'on pouvait prendre beaucoup de recul par rapport au processus dont vous faites partie pour aider nos anciens combattants de façon si constructive, quel est selon vous leur niveau de satisfaction individuelle, de façon générale, à l'égard du type de décision rendue par le tribunal d'examen? Selon vous, la moitié estime-t-il que c'est raisonnable, ou 20 p. 100 pensent-ils qu'ils sont bien traités? Est-ce davantage ou moins? C'est là la question essentielle, le tribunal fait-il son travail de façon responsable et défend-il réellement les intérêts des anciens combattants, ce qui est selon moi son objectif? Je ne veux pas nécessairement de chiffres exacts, mais j'aimerais avoir votre impression parce que vous connaissez davantage ce domaine.

Mme Siew : Je ne peux répondre que selon mon point de vue, lorsque je suis assise là et que je participe aux audiences et que je les prépare. Je pense donc qu'il s'agit d'un processus équitable pour les anciens combattants. C'est un droit qu'ils ont. Il n'y a aucun délai d'appel. Nous voyons des demandes d'appel déposées 60 ans après les faits. C'est merveilleux que cette possibilité existe.

Lorsque les membres du tribunal se présentent, ils sont préparés. Ils nous posent des questions et cherchent à obtenir l'information nécessaire pour rendre une décision favorable. C'est vrai.

Le processus est équitable. Nous tentons d'en convaincre nos anciens combattants, mais nous ne réussissons pas toujours. Le gros problème, c'est le bénéfice du doute et la façon dont il est interprété, de même que la recevabilité des preuves et les opinions médicales.

Le sénateur Segal : C'est pour cette raison que les interactions directes avec les membres du tribunal d'appel sont une meilleure option que les téléconférences; quand on est dans la même pièce, on a une meilleure idée de ce qui se produit que lorsqu'on est à l'extérieur.

Mme Siew : Absolument. Si on doit faire confiance au processus, c'est la décision d'une vie. C'est ce qui vous donne droit aux prestations, et accès aux programmes et aux services pour le reste de votre vie. Pour certains de nos anciens combattants, c'est tellement important et le fait que cette décision soit rendue par téléconférence en raison des compressions budgétaires?

M. Moore : J'ai participé à de nombreuses téléconférences et aussi à des vidéoconférences. Je peux vous dire que la vidéoconférence n'est pas l'option à privilégier parce qu'on n'est pas en mesure de s'asseoir et de regarder l'ancien combattant dans les yeux lorsque l'on prend une décision par vidéoconférence ou par téléphone. Si l'ancien combattant que l'on regarde dans les yeux nous demande d'améliorer un peu la vie de sa famille et la sienne, alors c'est ce qu'il faut faire.

Je suis toujours très ému quand je parle de nos anciens combattants, et en fin de compte, je suis fermement convaincu que le gouvernement du Canada, quel que soit le parti au pouvoir, a le devoir de s'assurer qu'on s'occupe de chaque ancien combattant, jusqu'au jour où on lui offrira des funérailles dignes de lui.

Merci.

Le sénateur Segal : Merci de votre travail dans ce dossier. C'est très important et nous l'apprécions.

Le vice-président : Vous avez exprimé de nombreuses préoccupations au sujet des téléconférences et du fait que ces dernières sont plus nombreuses. Pourriez-vous nous donner une idée du pourcentage de ces audiences qui sont maintenant tenues par téléconférence?

Mme Siew : Je ne le peux pas, mais le tribunal pourrait vous fournir ce chiffre. L'an dernier, le tribunal a réduit le nombre d'endroits où il tient ses audiences au Canada. Par conséquent, on donne aux anciens combattants la possibilité d'être entendus par téléconférence afin de réduire le temps de déplacement et de tenir les audiences plus rapidement.

Le vice-président : S'ils ne choisissent pas cette option, peuvent-ils encore être entendus en personne?

Mme Siew : Oui, mais comprennent-ils bien cette décision? Les anciens combattants veulent que leur cas soit entendu et ils veulent obtenir une décision. Ils ont déjà suivi tout ce processus. Ils sont bouleversés. À moins que leur avocat ne leur en signale l'importance, les chances de faire entendre son cas sont limitées. Après l'appel, ce n'est plus un droit.

Il est donc important qu'ils puissent présenter les meilleures preuves et faire les démarches nécessaires pour que leur cas soit présenté de la façon la plus efficace.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci d'être venu nous rencontrer aujourd'hui. J'appuie tout à fait la Légion, ses membres et les révisions.

Je suis un peu troublée. J'ai quelques questions au sujet du tribunal de révision lui-même. Pardonnez mon ignorance, mais les membres de ce tribunal sont rémunérés, n'est-ce pas?

Mme Mortimer : Oui, ils le sont.

La sénatrice Stewart Olsen : Pourquoi leur est-il difficile de planifier leurs réunions?

Mme Siew : À l'échelle des révisions, le tribunal compte deux membres, et les audiences sont tenues partout au Canada afin que les anciens combattants puissent aller comparaître et témoigner. Dans le cas des appels, il y a trois membres. C'est le dernier échelon où il existe un droit d'être entendu, et il y a trois membres différents. Les audiences sont tenues à Charlottetown ou à Ottawa, près des locaux de la Légion. S'il y a une demande de réexamen, ce sont les trois mêmes membres qui entendent l'appel.

Cela signifie que les membres du tribunal doivent se déplacer pour tenir les audiences de révision partout au Canada. Certains sont déjà sur place, mais d'autres doivent voyager d'un bout à l'autre du pays, et il faut alors planifier la tenue des audiences. Si nous tenons 15 audiences d'appel à Ottawa et qu'il s'agit d'affaires différentes, il faut choisir des membres du tribunal qui n'ont pas entendu ces 15 affaires, et ces dossiers viennent de partout au pays.

La sénatrice Stewart Olsen : Je comprends, mais je m'interroge sur les raisons. Vous ne semblez pas dire que le problème soit vraiment qu'il y aura quatre membres de moins. Ce que je comprends de vos propos, c'est qu'il y a peut- être des déficiences dans la planification des réunions et la communication avec les gens. Par exemple, on pourrait réserver un moment chaque mois pour les audiences tenues dans une certaine province, ou trouver une meilleure solution, revoir la formule. En fait, je suis une chaude partisane de la Légion.

Nous avons rebâti notre Légion à cap Tormentine. Elle est très petite, mais elle a été rebâtie et le nombre de ses membres augmente. J'entends les mêmes anciens combattants que vous. Je connais des gens qui ont participé à des opérations de maintien de la paix, et un ancien combattant est un ancien combattant. Ils ont pu être blessés durant leur mission de maintien de la paix, en levant des poids ou autrement. Quelle qu'en soit la raison, je suis au courant des problèmes. Je ne suis pas certaine que le problème soit le manque de membres ou un nombre insuffisant de membres. Peut-être faudrait-il revoir la façon dont les audiences sont tenues, revoir toute la façon de procéder, car je suis d'accord avec vous sur le fait que nos anciens combattants méritent que nous leur consacrions tout notre temps. Il faut ce qu'il faut, nous devons leur offrir des audiences justes, honnêtes et transparentes, et je suis troublée d'entendre qu'il faille tant de temps pour cela. Cela me trouble profondément.

M. Moore : À cause de l'arriéré — dont je ne peux pas vous fournir de chiffres maintenant — un grand nombre d'anciens combattants n'ont toujours pas eu leur audience. Quand il manque 6 personnes au tribunal, cela augmente énormément la charge de travail des 23 autres. Ils doivent se déplacer partout au pays, et ils n'ont pas été en mesure de le faire, alors ils doivent examiner comment les choses sont planifiées. Je suis fermement convaincu que nous pouvons régler l'arriéré et demander au ministre des Anciens Combattants de prévoir six nouveaux membres du tribunal dans son budget.

Le processus budgétaire prend un certain temps, puis le ministre des Anciens Combattants fait les nominations. Cela prend déjà six ou sept mois. Ensuite, chaque nouveau membre du tribunal doit recevoir une formation sur la procédure. Cette formation prend encore cinq ou six mois, et toute une année s'est écoulée en fin de compte. Cela n'améliore pas du tout l'arriéré. En fait, les choses pourraient être pires qu'elles ne le sont maintenant.

Il est très important que ces six membres du tribunal soient nommés aussi rapidement que possible. Dès que le budget est adopté, il faut les nommer et leur offrir la formation, puis les mettre au travail pour qu'ils s'occupent des anciens combattants.

Le sénateur Enverga : Merci de votre présentation. Moi aussi, je suis un fervent partisan de nos anciens combattants.

Pour revenir aux questions posées par la sénatrice Stewart Olsen, comment choisissez-vous les trois membres qui présideront aux audiences du tribunal? Sont-ils choisis au hasard?

Mme Siew : Pardonnez-moi, mais je ne comprends pas la question.

Le sénateur Enverga : La question est la suivante : comment choisissez-vous les trois membres qui présideront les audiences du tribunal? Sont-ils choisis au hasard?

Mme Siew : Nous ne choisissons pas — comment choisit-on les membres du tribunal?

Le sénateur Enverga : Comment les choisissez-vous?

Mme Siew : Nous n'avons pas notre mot à dire. Pour entendre les cas?

Le sénateur Enverga : Oui, pour entendre les cas.

Mme Siew : Dans le cas du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), nous soumettons les cas à entendre. On établit qui a entendu l'affaire précédemment, puis on décide qui entendra l'affaire en fonction de la disponibilité des membres du tribunal.

Le sénateur Enverga : Ce n'est donc pas vous qui décidez qui entendra un certain cas?

Mme Mortimer : Non.

Le sénateur Enverga : J'aurais cru que dans ce genre de procédure, il serait plus efficace d'avoir des équipes de trois pour répondre aux questions. Il n'y a rien de ce genre?

Mme Siew : Non.

Le sénateur Enverga : Recommanderiez-vous une telle mesure?

Mme Siew : Pour les révisions, deux membres du tribunal sont chargés des audiences. Au dernier niveau de plein droit, il y a trois membres, et ce sont des membres entièrement différents. C'est probablement le niveau le plus important, car c'est la dernière chance qu'un ancien combattant a le plein droit de faire entendre son cas. C'est important qu'il s'agisse de trois membres entièrement différents pour entendre l'affaire.

Le sénateur Enverga : Qu'entendez-vous par « des membres entièrement différents »?

Mme Siew : Des membres différents des deux membres qui ont entendu l'affaire au niveau de la révision.

Le sénateur Enverga : Recommanderiez-vous à ceux qui font le choix d'établir des équipes, une pour l'Ontario, une pour la Colombie-Britannique, par exemple? Serait-ce préférable à votre avis? Comment pourrait-on faire en sorte que ce soit à la fois plus rapide et plus efficace?

Mme Siew : Le TACRA est en mesure de répondre plus précisément à cette question.

Au niveau des révisions, le tribunal a des membres qui vivent à certains endroits du pays, mais il en a aussi d'autres qui voyagent aux quatre coins du pays. Il est important que les audiences puissent être tenues partout au Canada afin que les anciens combattants puissent être entendus. Quant aux audiences d'appel, elles ne sont tenues qu'à Ottawa et à Charlottetown par le Bureau de services juridiques des pensions.

Le sénateur Enverga : Ces membres du tribunal ne vivent pas dans la région?

Mme Siew : Certains membres du tribunal qui vivent à Ottawa peuvent être affectés à ces audiences, mais s'ils ont déjà entendu ces affaires, ils ne peuvent pas les réentendre.

La sénatrice Cordy : Tout comme mes collègues, je vous remercie d'être venus nous rencontrer. Je viens de la Nouvelle-Écosse, où les légions font partie intégrante des collectivités. Les membres des légions font un travail incroyable de bénévolat pour aider d'autres anciens combattants. Félicitations à vous et aux autres membres de la légion.

Dans votre présentation, vous avez dit que vous aviez exprimé vos inquiétudes au ministre des Anciens Combattants à deux reprises l'année dernière au sujet du nombre de membres du tribunal. Et pourtant dans ce projet de loi budgétaire — il est d'ailleurs inhabituel de trouver des questions relatives aux anciens combattants dans un projet de loi budgétaire, mais c'est comme ça — le ministre, contrairement à ce que vous aviez proposé, va faire passer le nombre de membres du tribunal de 29 à 25. Vous en avez actuellement 29, mais il n'y en a que 23 en poste. Êtes-vous inquiet que la réduction à 25 membres pourrait signifier qu'il n'y aurait que 18, 19 ou 20 membres actifs?

M. Moore : C'est préoccupant, car à l'heure actuelle, des 23 membres qui sont actuellement en poste, je ne saurais vous dire quand leur contrat arrive à échéance, s'ils seront nommés de nouveau par le ministre ou, s'ils ne sont pas nommés de nouveau et qu'ils ne sont pas remplacés, si nous passerons de 23 à 20. Cela ferait empirer la situation.

Je tiens à répéter, monsieur le président, que si nous pouvons avoir un plein effectif de 29 membres et faire en sorte que chaque cas à l'arriéré actuel soit traité, une fois que cet arriéré aura été entièrement écoulé, alors le ministre pourra réduire le nombre de membres du tribunal aux 23 que nous avons présentement ou aux 25 qu'il souhaite avoir. Mais il faut que le travail soit fait, et qu'il soit fait maintenant.

La sénatrice Cordy : Quand vous avez fait part de vos inquiétudes au ministre, quelle a été sa réaction au sujet du nombre de membres du tribunal?

M. Moore : Il a dit qu'il prendrait la question en délibéré.

La sénatrice Cordy : Les deux fois?

M. Moore : C'est exact.

La sénatrice Cordy : Les téléconférences dont vous avez parlé m'inquiètent beaucoup. Si je vous ai bien compris, vous avez dit qu'à huit reprises en un mois, au moins un des membres du tribunal était là par téléconférence. Vous avez parlé tout à l'heure de l'importance de la rencontre en personne — de vraies personnes et de vrais contacts. Je suis d'accord avec vous, les membres du tribunal que j'ai connus étaient présents pour essayer d'aider les anciens combattants autant que possible, et je crois que la présence en personne — la vraie personne — est extrêmement importante pour l'ancien combattant et aussi pour les membres du Tribunal.

La semaine dernière, j'ai participé à une réunion d'anciens combattants au Cap-Breton. Ils étaient très préoccupés par la fermeture du bureau d'affaires d'Anciens Combattants Canada dans leur communauté. Le ministère leur a dit qu'ils devraient utiliser des iPhone et des applications pour les iPhone. Parmi ceux que j'ai rencontrés, certains étaient en fauteuil roulant ou octogénaires. Je ne crois pas qu'aucun d'entre eux n'ait utilisé un iPhone.

Craignez-vous que l'on ait de plus en plus fréquemment recours aux téléconférences?

M. Moore : La téléconférence ne sera vraiment pas d'un grand secours pour une personne de 80 ans, de 90 ans, ou même de 23 ans qui souffre de BSO, de blessures de stress opérationnel.

La sénatrice Cordy : Ou de stress post-traumatique.

M. Moore : Ces personnes-là ne pourront pas rester assises au téléphone pendant bien longtemps. Elles ne voudront pas non plus s'asseoir devant leur téléviseur pour une vidéoconférence, car elles ne seront pas à l'aise de le faire.

La sénatrice Cordy : Craignez-vous que le recours aux téléconférences n'augmente dans l'avenir simplement parce cela permet de réduire les coûts?

M. Moore : C'est exactement ce que nous craignons.

Et la situation va empirer constamment, au fur et à mesure que nos jeunes vétérans auront recours aux services, notamment ceux des campagnes de Bosnie jusqu'à ceux envoyés en Afghanistan. On prévoit — et les chiffres ont été produits l'an dernier — qu'au cours des 5 à 10 prochaines années, jusqu'à 34 p. 100 de nos jeunes vétérans, hommes et femmes, qui ont servi en Afghanistan souffriront de TSPT. Sera-t-on en mesure de les aider? Le TACRA sera-t-il là pour s'assurer qu'il soit entendu? Je peux vous dire qu'à l'heure actuelle c'est une préoccupation énorme.

La sénatrice Chaput : Si je comprends bien, l'un des grands problèmes est l'arriéré. Si tout l'arriéré pouvait être traité, 25 personnes suffiraient-elles à faire le travail? C'est ce que j'ai compris. Est-ce exact?

M. Moore : Oui, sénatrice. L'arriéré comprend principalement des dossiers à l'étape du réexamen, et il faut vraiment s'en occuper. Comme l'a dit Mme Siew, à cette étape, il faut trois personnes différentes.

La sénatrice Chaput : Je vois.

Le projet de loi prévoit 25 personnes, et je ne crois pas que cela va changer maintenant; le projet de loi n'a pas encore été adopté, mais nous en sommes actuellement saisis. Avez-vous envisagé d'autres moyens de traiter l'arriéré? Avez- vous discuté avec le ministre de la possibilité, par exemple, de mettre sur pied un comité ou un groupe spécial chargé de traiter l'arriéré pour que le tribunal puisse ensuite continuer son travail? Avez-vous déjà cherché d'autres solutions?

Mme Siew : Le problème de l'arriéré est dû au manque de nominations — le nombre de membres a chuté à 22 l'an dernier. On a nommé un nouveau membre en juillet. Il n'a pas encore examiné de dossier, puisqu'il doit d'abord suivre une formation de six mois.

Certaines demandes de réexamen ont été traitées à Charlottetown avec un retard de 18 mois, et c'était pour la même raison. C'est pourquoi nous avons envoyé deux lettres au ministère pour que le gouverneur en conseil fasse des nominations.

La sénatrice Chaput : Je comprends, merci.

La sénatrice Seidman : Il va sans dire que la Légion fait un travail formidable pour les anciens combattants dans les collectivités. Je le sais bien et je vous en félicite. Il ne fait pas de doute non plus que tous les Canadiens doivent honorer leurs anciens combattants et que nous devons nous occuper d'eux. Je suis de tout cœur d'accord avec cela.

Ma question porte sur les chiffres. Je sais que — j'ai d'ailleurs la transcription du témoignage présenté par John Larlee, président du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), qui a témoigné devant le Sous-comité des affaires des anciens combattants du Sénat à la fin de 2011. On l'a interrogé sur la question de l'arriéré. C'était à la fin de 2011, il y a donc près de deux ans.

Il a déclaré de façon très convaincante qu'il n'existait pas d'arriéré. C'est un peu dommage que nous n'ayons pas parmi nous maintenant de représentants du Tribunal des anciens combattants lui-même, car j'aimerais bien leur poser des questions au sujet de ces chiffres.

Le nombre des décisions de révision et d'appel rendues par le tribunal depuis 2009 chaque année est relativement stable. En fait, je crois que Mme Siew a déclaré que ce nombre diminuait — le nombre des révisions.

Mme Siew : Le nombre des dossiers présentés au TACRA, toutes catégories confondues, ou le nombre des affaires entendues, a en fait diminué.

La sénatrice Seidman : J'essaie de concilier certains éléments de cette information.

Mme Siew : Nous avons encore des dossiers de réexamen en souffrance depuis 18 mois. Pour les révisions, on augmente le recours à la technologie, c'est-à-dire les vidéoconférences. Le dernier ensemble d'appels que nous avons entendus à Ottawa ne concernait que huit dossiers. Parmi les membres, il y en avait toujours un qui a participé par téléconférence.

Alors, malgré la réduction du nombre de dossiers et en dépit de ce qu'ils disent sur le nombre d'appels entendus, les téléconférences, les vidéoconférences et les délais d'attente de plus de 18 mois — un seul dossier est déjà un de trop.

La sénatrice Seidman : C'est bien certain, et il est très alarmant d'entendre qu'il n'existe pas de norme de service publiée pour la planification des audiences lorsqu'une affaire est prête à être entendue. Vous avez raison de dire qu'il est troublant de voir qu'une personne doit attendre une année ou plus pour que sa cause soit entendue.

Mais j'essaie là encore de comprendre les chiffres. Nous devrons bien sûr faire la lumière sur tout cela, parce que si on affirme qu'il n'y a pas d'arriéré, mais vous dites qu'il y en a...

M. Moore : C'est ce qu'on disait il y a deux ans. Il y a actuellement un arriéré.

J'ai rencontré M. Larlee le 26 octobre, pendant environ deux heures. Durant cette réunion, il nous a bien dit qu'il existe un arriéré important. Je n'ai pas les chiffres exacts — j'aimerais bien les avoir — mais M. Larlee serait en mesure de répondre à ces questions.

Le vice-président : C'est bien à l'étape du réexamen?

Mme Siew : Oui, à l'étape du réexamen.

La sénatrice Seidman : Par opposition à la première instance, donc. Il y a d'abord la révision, puis l'appel, et enfin le réexamen.

Le vice-président : Il me reste deux minutes pour le second tour de table. Je vous les laisse, sénateur Dallaire.

Le sénateur Dallaire : Vous êtes très généreux.

Permettez-moi de vous fournir quelques données. Au cours des 12 derniers mois, le tribunal a examiné 4 908 décisions. Quant au nombre de personnes, disons qu'il y avait 24 arbitres fonctionnels. Il faut diviser ce chiffre; cela laisse environ 66 décisions, puisque les membres doivent travailler à trois et qu'il y a environ 160 jours de travail. Si chacune de ces personnes travaille tous les jours, cela représente environ quatre dossiers par jour tous les jours. C'est beaucoup. Ne me dites pas le contraire, c'est beaucoup.

Des 23 ou 24 personnes, combien d'entre elles sont vraiment en mesure de travailler chaque jour? Combien ne sont pas malades, ni indisposées, ni en formation ou autre chose? De ce nombre, combien sont vraiment au travail?

Mme Siew : Voilà le problème, monsieur.

Le sénateur Dallaire : Mais quelle est la réponse?

Mme Siew : Je ne la connais pas; je ne peux pas répondre à cette question. C'est le tribunal qui est mieux placé pour le faire, mais ses membres sont effectivement en vacances, malades, ou en formation.

Le sénateur Dallaire : Il n'y a donc pas 24 membres en mesure de travailler. Le nombre est moins élevé parce qu'ils suivent une longue formation, laquelle est nécessaire pour pouvoir faire ce travail.

M. Moore : C'est exact, et dans chaque cas, il faut tenir compte de la taille du dossier. Le dossier peut avoir un pouce et demi d'épaisseur ou deux pieds et demi d'épaisseur. Les membres doivent passer en revue toute cette documentation pour la comprendre, et cela prend de deux à trois jours.

Le vice-président : Ce sera la dernière question.

Le sénateur Dallaire : On dit qu'il faut 161 jours civils pour la première étape, ce qui représente cinq mois, puis deux mois et demi pour l'examen final. Toutefois, on dit également que des décisions sont rendues dans environ 85 p. 100 des cas.

Cela signifie que 735 dossiers par année ne reçoivent pas de décision. Ils sont reportés, et ce, de façon cumulative. Dieu sait combien il y en a encore en attente.

En quoi est-ce logique si on croit que chaque vétéran est important? Il ne s'agit pas de construire un camion qui fonctionne à 85 p. 100. On parle d'êtres humains que nous voulons aider à devenir fonctionnels à 100 pour 100. En quoi est-ce logique si on n'atteint pas l'objectif actuellement — et que le nombre des cas va sans doute augmenter à cause des vétérans de l'Afghanistan qui commencent à peine à se manifester — en quoi est-ce logique de réduire le nombre de membres de quatre? Vous n'en avez jamais vraiment eu plus de 24 ou 25 au départ. Pouvez-vous m'expliquer la logique de cette réduction?

Mme Siew : Nous ne pouvons pas, car ce n'est pas nous qui avons présenté la proposition, même si elle se retrouve dans le projet de loi budgétaire.

Le sénateur Dallaire : Pouvez-vous comprendre cette mesure?

Mme Siew : Non, nous ne le pouvons pas.

Le sénateur Dallaire : C'est très intéressant, car je ne la comprends pas moi non plus.

Le vice-président : Sur cette note, permettez-moi de vous remercier tous les deux de votre témoignage et des opinions que vous avez exprimées en réponse à nos questions.

Sénateurs, le troisième groupe de témoins traitera également de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), c'est-à-dire de la partie 11 du projet de loi budgétaire.

Nous accueillons deux témoins du Bureau de l'ombudsman des vétérans, dont l'ombudsman lui-même, Guy Parent, que je connais parce qu'il était dans les forces armées à l'époque où j'étais ministre de la Défense. Nous entendrons également à titre personnel Harold Leduc, un ancien membre du Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Il pourra nous fournir un éclairage sur les questions dont nous avons discuté.

Permettez-moi de commencer par l'ombudsman. Nous allons entendre vos remarques liminaires puis celles de M. Leduc, après quoi nous passerons aux questions.

[Français]

Guy Parent, ombudsman des vétérans, Bureau de l'ombudsman des vétérans : Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.

[Traduction]

Tout d'abord, je tiens à vous remercier du bon travail que vous faites pour les citoyens du Canada, et surtout pour nos vétérans et les membres de leurs familles. Comme le temps est limité, je serai bref et j'irai droit au but.

J'ai publié en mars 2012 un rapport intitulé Le droit des vétérans à un processus décisionnel équitable. Dans ce rapport, je souligne le rôle essentiel du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) à l'égard de ce processus décisionnel d'Anciens Combattants Canada. En fait, depuis sa mise sur pied en 1995, le tribunal a rendu plus de 120 000 décisions.

[Français]

Puisque le nombre de décisions ayant donné lieu à une réponse favorable est demeuré constant au fil des années, nous savons bien à quel point le rôle du tribunal est important. Il veille à ce que les vétérans aient accès aux avantages et aux programmes qui leur sont souvent refusés dans le cadre du processus décisionnel d'Anciens Combattants Canada.

[Traduction]

De plus, nous constatons que le nombre de procédures d'appel intentées auprès du Tribunal des anciens combattants (Révision et appel) — en moyenne 4 800 par année de 2010 à 2013 — demeure constant. Cela démontre qu'un processus plus efficace, basé sur une interprétation libérale des circonstances particulières des vétérans de la part des arbitres d'Anciens Combattants Canada, permettrait de réduire le nombre de recours et la charge de travail du tribunal.

La réduction de 29 à 25 du nombre de membres du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), comme le propose la modification à la loi visée, ne constitue pas à mon avis un changement susceptible de nuire au processus d'appel et d'examen du tribunal, à condition qu'il soit permis de nommer des membres vacataires.

Le tribunal a fonctionné avec 25 membres ces dernières années, mais comme c'est le cas de la plupart des nominations par décret, le processus est long et ardu. Par conséquent, le tribunal s'est souvent retrouvé avec un effectif de moins de 25 membres : en fait, il compte actuellement 22 membres seulement. Pour qu'il soit possible d'optimiser l'efficacité du tribunal et d'offrir la formation requise à ses nouveaux membres, il faudrait s'efforcer de procéder aux nominations rapidement et de maintenir un effectif de 25 membres.

[Français]

En outre, comme je l'ai précisé dans mon rapport, l'aspect qualitatif de la nomination des membres du tribunal est très important. Il est essentiel que les membres nommés aient l'expérience professionnelle requise pour traiter les enjeux militaires et médicaux.

[Traduction]

Nous serions heureux de fournir aux membres du comité un exemplaire de notre rapport de suivi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) dès que celui-ci sera prêt. Je crois que nous avons distribué des exemplaires de notre dernier rapport.

Monsieur le président, merci beaucoup.

Harold Leduc, ancien membre du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) Canada, à titre personnel : Honorables sénateurs, je vous remercie beaucoup de l'occasion de comparaître aujourd'hui. En tant qu'ancien membre du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) et en tant qu'ancien combattant invalide, je suis bien placé pour présenter les deux aspects de la question.

J'aimerais commencer par vous indiquer qu'il y a eu atteinte à ma vie privée alors que je siégeais au tribunal. Je ne suis pas ici pour en parler, mais j'estime important de le signaler. Il y a eu atteinte à ma vie privée lorsque je siégeais au tribunal. On a utilisé contre moi des renseignements sur mon invalidité militaire et j'ai été contraint de quitter le tribunal, avant la fin de mon mandat, en congé médical. Je le mentionne ici pour mettre les choses en contexte, car le respect envers les anciens combattants de la part du tribunal n'est pas aussi élevé qu'il devrait l'être.

Sur ce, laissez-moi parler d'une autre question. Le tribunal estime être une entité autonome. Or, bien que le tribunal prenne ses décisions indépendamment du ministre, il entretient des liens plus étroits avec celui-ci dans le domaine administratif, ce qui inclut le comportement des membres du tribunal.

J'ai été nommé pour la première fois au tribunal en novembre 2005. Il comptait à l'époque 16 membres. Nous traitions six affaires par jour et entendions des affaires quatre jours par semaine. Il y avait alors un gros arriéré. Mon mandat a été renouvelé en 2007, époque à partir de laquelle nous avons commencé à éliminer l'arriéré. Le tribunal lançait des opérations éclair de réduction de l'arriéré, que nous avons réduit de façon significative, soit des milliers de dossiers.

Il n'y a absolument aucune excuse pour que le tribunal ait aujourd'hui un arriéré. Le tribunal va vous dire que les conditions et les affaires sont plus difficiles; ce n'est pas vrai. Il y a peut-être plus de cas d'invalidité à la suite de blessures par balle, ce qui était rare autrefois, hormis pour les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée. Il y a désormais des invalidités de ce type pour les anciens combattants de l'Afghanistan et parfois des Balkans. On a effectivement constaté une augmentation de ce type d'invalidité.

En 2007, le nombre de membres du tribunal a connu un pic, passant de 16 à 30, un sommet dans le nombre de nominations. Parmi les personnes nommées au tribunal, il y avait, je crois, six avocats. Sans vouloir médire des gens qui ont une formation de juriste, je tiens à souligner que le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) est la seule commission ou le seul tribunal de nature non accusatoire. Or les avocats ne sont pas à l'aise dans un processus non accusatoire. Leur présence a en fait rendu l'application du processus plus difficile, parce qu'ils posaient plus de questions que nécessaire.

À partir de 2005, nous avons été en mesure de traiter six affaires par jour durant le temps dont nous disposions. La plupart des affaires de nature plus simple prenaient de 10 à 20 minutes, les plus difficiles prenaient peut-être 30 minutes. L'emploi du temps prévoyait 30 minutes par dossier, mais nous partions du principe qu'en tant que membres du tribunal et avocats représentant les anciens combattants, nous travaillions pour les anciens combattants, comme le stipule la loi. C'est ainsi que les choses fonctionnaient alors.

Après le gonflement de leurs nombres, les membres du tribunal ont changé l'interprétation de la loi en devenant plus curieux et en élargissant leurs responsabilités au titre de la Loi sur les enquêtes, au lieu de se contenter d'éclaircir les faits. Ils procédaient à des contre-interrogatoires, ce qui est inapproprié dans un processus non accusatoire. Les audiences prenaient donc plus longtemps, les décisions ont commencé à être plus longues et la demande a augmenté. Je pense que c'est en 2008 que nous avons changé le format des décisions, de deux pages à l'époque, à un document plus long.

Il y avait également une ingérence accrue de la part du personnel. Je pense que si l'on décide de réduire le nombre de postes au tribunal, il faudrait s'attaquer au personnel, notamment dans le service juridique. Deux membres de services juridiques ont en fait porté atteinte à ma vie privée, sans encourir de conséquences, ce qui est curieux.

Le personnel a commencé à remettre en question nos décisions. Les membres du tribunal plaisantaient d'ailleurs, disant : « Nous sommes brillants lorsque nous rendons des décisions refusant l'octroi de prestations, mais stupides quand nos décisions sont favorables. » Le personnel préposé à l'assurance de la qualité et le service juridique regardait nos décisions à la loupe et nous revenait avec des analyses des raisons pour lesquelles nous ne devrions pas accorder de prestations. Notre charge de travail a augmenté en conséquence.

Nous nous rendions dans une ville différente chaque semaine. Par la suite, nous avons réduit notre charge de travail à cinq décisions par jour, sauf que, durant une même semaine, nous traitions également quelque 40 dossiers envoyés pour réexamen. Comme vous l'avez entendu, l'emploi du temps est problématique pour les réexamens. C'est d'autant plus vrai que nous sommes éparpillés partout au pays. Par exemple, si je suis dans l'Ouest, je risque de devoir me lever à 6 heures du matin pour participer à un réexamen. Réexamen donc à 6 heures du matin, puis début de ma journée de travail normale à 8 heures, puis encore du travail après cela, parce que je dois rappeler le siège au sujet des notes que nous recevons constamment.

Quelqu'un a posé une question plus tôt sur l'arriéré. J'ai eu l'occasion de témoigner devant un autre comité parlementaire. Soyons francs : si le comité avait cru les arguments présentés par le tribunal, il n'aurait pas fait les recommandations qu'il a faites.

Le vice-président : Puis-je vous demander d'en venir à une conclusion rapidement?

M. Leduc : Oui, j'y arrive.

Le plus important, ce sont les vacances de postes : quatre postes de membre laissés vacants. L'argent prévu au budget pour ces quatre membres a été consacré aux frais de fonctionnement ordinaires, ce qui est tout à fait inapproprié. Si nous avions eu plus de membres, nous aurions pu nous déplacer et entendre plus d'affaires. C'est aussi simple que cela. De plus, nous aurions eu plus de temps pour contrer l'ingérence inappropriée à laquelle nous nous heurtions quotidiennement. À cause du manque de membres, nous n'en avions pas le temps.

Je vais en rester là. Il sera sans doute plus utile que je réponde à vos questions.

Le vice-président : Merci beaucoup pour vos observations.

Le sénateur Dallaire : Bienvenue. Je regarde à la fois la conclusion et les recommandations de votre rapport, monsieur Parent, et je suis au courant de votre cas, monsieur Leduc.

Les statistiques sont plutôt intéressantes. Elles indiquent que le tribunal rend des décisions favorables dans 50 p. 100 des 3 600 révisions et dans 29 p. 100 des 1 072 appels. Je précise : 29 p. 100 de décisions en faveur de l'ancien combattant. Votre rapport indique que dans 60 p. 100 des décisions du tribunal examinées par la Cour fédérale, ce recours existant toujours, la Cour a statué que le tribunal avait manqué à son devoir de justice envers l'ancien combattant en vertu de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) et que le tribunal répète systématiquement les mêmes erreurs durant des périodes prolongées.

Nous avons eu un tribunal qui n'est pas nécessairement bienveillant à l'égard des membres. La dimension juridique s'est accrue, par opposition à la communication d'information. Ce que vous dites nous donne le sentiment que le bénéfice du doute ne profite plus aux anciens combattants mais à l'organisation. Il y a une chance sur deux que ce soit à leur avantage.

Le processus serait-il beaucoup plus efficace si vous aviez plus de personnes traitant les affaires en un laps de temps plus raisonnable? En regardant les statistiques, je me dis qu'on n'est pas vraiment dans une situation où on aide les anciens combattants et qu'il serait peut-être bon d'augmenter le nombre d'arbitres pour être plus équitable et veiller à respecter la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

M. Parent : Ce que nous soulignons particulièrement dans notre rapport est le fait que la Cour fédérale a jugé que de nombreuses décisions ne reposaient pas sur des faits et ne tenaient pas compte comme il conviendrait des preuves médicales.

Ce qui est important dans ce cas est que, si de nouvelles preuves n'ont pas été reconnues par la Cour fédérale ni par le processus de révision et d'appel, la preuve existait lors de la décision arbitrale de départ, ce que je soulignais dans mes remarques d'ouverture. La preuve aurait dû être prise en compte dès le départ. Pourquoi 50 p. 100 lors de révision et 30 p. 100 lors de l'appel? Pourquoi un changement de décision alors que l'arbitre a généralement le même dossier devant lui? De temps à autre, il y a des preuves supplémentaires, mais, la plupart du temps, l'ensemble de la preuve existait dès le départ. Le problème tient-il à une insuffisance du nombre de membres du tribunal ou alors faut-il revoir de fond en comble le processus d'arbitrage?

Nous recevons peu de plaintes contre le tribunal à notre bureau. Bien sûr, nous n'avons pas de compétence en la matière. Je tiens à souligner le fait que je ne suis pas impliqué dans le processus du tribunal si bien que je ne peux répondre à aucune question sur ce point, mais notre préoccupation majeure, à l'heure actuelle, est que la preuve qui existe dès le départ n'est pas prise en compte.

M. Leduc : Laissez-moi compléter en disant qu'il y a des gens nommés membres du tribunal qui sont purement et simplement en désaccord avec les dispositions généreuses de la loi, ainsi qu'avec l'accord du bénéfice du doute. C'est aussi simple que cela.

Le sénateur Dallaire : J'essaie de me faire une idée sur les chiffres qui concernent les affaires : le temps pour chaque affaire, la qualification ou l'absence de qualification des membres pour traiter les affaires, leur formation. Dans la pratique, avons-nous suffisamment de monde pour satisfaire aux exigences de ce Tribunal des anciens combattants (révision et appel) ou sous-estimons-nous les besoins, si bien qu'au bout du compte les affaires ne sont peut-être pas évaluées comme elles devraient l'être, faute de compétence, de capacité ou de temps?

M. Parent : J'ai indiqué dans mes remarques liminaires que, si on se fixait un niveau et qu'on le maintenait, cela irait. Toutefois, je sais que le processus de nomination est si ardu et long que les postes de membres du Tribunal sont souvent vacants pendant des mois, alors que l'on sait pertinemment que certains membres vont soit prendre leur retraite, soit ne pas voir leur mandat renouvelé. Cela se sait longtemps à l'avance et pourtant il faut des mois avant que de nouveaux membres soient effectivement nommés aux postes vacants. Je crois qu'il y a un cycle de formation de quatre mois, sauf erreur de ma part.

Ce qui est important n'est pas tant de fixer des chiffres, mais de veiller à ce que ces chiffres soient respectés dans la pratique et à ce que le tribunal ait toujours 25 membres en exercice. Le ministre a la capacité de nommer des membres vacataires pour une période de deux ans, capacité que la loi devrait continuer à prévoir.

M. Leduc : Effectivement. Plus il y a de membres, moins on risque d'avoir des décisions négatives.

Je ne dis pas qu'il faut trancher en faveur de l'ancien combattant à tout coup. Sachez qu'un comité d'examen est constitué de deux membres. En vertu de la Loi, l'opinion la plus favorable à l'ancien combattant devient la décision du tribunal, si bien que la nomination d'autres membres aiderait en soi à contrecarrer les membres dont les décisions sont négatives.

Je vous ai entendu poser cette question plus tôt et M. Parent y a fait allusion. Vu les congés, les maladies, et cetera, il y a probablement cinq membres qui ne sont pas disponibles à un moment donné. Si on a seulement 23 membres, on chute donc à un chiffre encore plus bas.

Le sénateur Dallaire : J'ai une dernière question. Pourquoi le président du Tribunal ne prend-il pas d'assaut le bureau du ministre? Pourquoi ne réclame-t-il pas à cor et à cri le personnel voulu pour que toutes les belles paroles aient un écho dans la pratique et pour que chaque ancien combattant soit pris en charge? Pourquoi le président n'a pas voulu ou obtenu ces résultats, ce qui donne pour corollaire un nombre de membres réduit?

M. Parent : Monsieur le président, j'estime que cette question devrait sans doute s'adresser au président. J'aime mieux ne pas m'aventurer sur ce terrain. Peut-être que M. Leduc s'y risquera.

M. Leduc : Oui je vais me risquer.

Comme je l'ai dit plus tôt, l'habitude était de s'abstenir de combler quatre postes pour financer les coûts de fonctionnement.

Le sénateur Dallaire : C'est donc délibéré.

M. Leduc : Je crois que oui. Le président nommé ne faisait pas partie du tribunal et n'avait sans aucune expérience de la fonction publique.

Le sénateur Dallaire : En supprimant ces postes, ils éliminent ces frais de F et E, ils économisent de l'argent et ils appliquent les suppressions budgétaires.

M. Leduc : Précisément.

La sénatrice Stewart Olsen : Contente de vous revoir, monsieur Parent. Monsieur Leduc, heureuse de vous rencontrer.

Ce qui me préoccupe, ce n'est pas tant le nombre de membres du tribunal, que la taille de l'arriéré, le nombre de dossiers qui doivent être révisés, avec peut-être une réflexion sur une nouvelle approche qui permettrait d'obtenir de meilleurs résultats.

Je ne suis pas sûr qu'augmenter le nombre de membres d'un tribunal qui n'arrive pas à traiter tous les dossiers qu'on lui soumet — je ne sais pas pourquoi il en est ainsi, mais tout ça doit être examiné — soit la solution. Je préconiserais plutôt une approche différente.

Votre approche me plaît. Vous avez redoublé d'efforts et vous avez réduit l'arriéré parce qu'il y avait un besoin pressant, à savoir que des anciens combattants sont dans le besoin et méritent des réponses. J'aimerais que vous nous donniez votre avis sur comment on pourrait procéder différemment.

M. Parent : Merci de votre question.

Comme vous, j'estime que ce n'est pas nécessairement la quantité, mais la qualité qui compte, la qualité des processus et des membres du tribunal.

Il est vrai que, comme l'a dit M. Leduc, quand les avocats s'en sont mêlés, les causes ont progressé plus lentement. Mais la lenteur de la procédure n'était pas seulement attribuable aux avocats. Les questions importantes qui sont tranchées au moment de la décision, de la révision ou de l'appel portent sur le lien de causalité qui existe entre la blessure et le service; c'est un fait. Ceux qui sont en mesure de bien comprendre cela sont les militaires et ceux qui ont une formation médicale. Si c'était le cas de la majorité des membres du tribunal, ils seraient moins susceptibles de demander « comment ça marche? ». J'ai assisté à des audiences, et les membres posaient beaucoup de questions pour bien comprendre les circonstances. C'est ce que je peux vous dire à ce sujet.

M. Leduc : Je pourrais peut-être ajouter une chose, d'un point de vue un peu différent.

La norme que doivent appliquer les cours fédérales et les tribunaux est celle du caractère équitable et raisonnable. Nul besoin d'être un ancien militaire pour savoir ce qui est juste et raisonnable, nul besoin non plus d'être un avocat ou un ancien juriste.

Il est important de trouver au sein du tribunal des militaires, d'anciens militaires, d'anciens membres de la GRC, des représentants de divers groupes de la société. Au bout du compte, nous souhaitons que les membres du tribunal puissent rendre des décisions justes et raisonnables. Selon les rapports de l'ombudsman et du gouvernement fédéral, c'est le défaut du tribunal : ces membres ne sont pas justes et raisonnables.

Le sénateur Segal : Si je vous ai bien compris, le retard dans le traitement des dossiers est attribuable surtout à l'incompétence des membres du tribunal ou à l'ingérence du personnel et des juristes du tribunal. Ce sont là des déclarations sérieuses qui figureront au compte rendu, et je veux m'assurer que c'est bien ce que vous dites.

M. Leduc : Il ne faut pas généraliser, mais, d'après mon expérience, c'est en effet le cas. Je ne sais pas s'il s'agit d'incompétence ou d'une mauvaise interprétation de la loi, mais il y a certainement ingérence de la part du personnel.

Le sénateur Segal : D'après vos observations sur la judiciarisation indue du processus qui constitue une grande part du problème, puis-je conclure que les avocats encouragent les membres du tribunal à adopter une approche axée sur le contre-interrogatoire, peut-être pour que les coûts soient moindres pour le trésor fédéral, plutôt qu'une approche consensuelle axée sur la compréhension de la situation de l'ancien combattant et l'aide qu'on pourrait lui apporter selon le motif de son appel? Est-ce une bonne description de la situation?

M. Leduc : C'est ce que j'ai empêché un des membres de notre service juridique de faire. On m'envoyait des analyses disant que, si on accordait telle ou telle allocation à un ancien combattant des Forces canadiennes, il aurait plus qu'un vétéran de la Seconde Guerre mondiale ou de la guerre de Corée. Or, cela n'est pas un critère déterminant. Tous sont égaux devant la loi, mais les conseils qui nous étaient prodigués ne se fondaient pas sur ce principe.

Un dossier nous a été retiré par les services juridiques qui l'ont gardé pendant un an et demi. Moi-même et un autre membre du tribunal n'avons rien pu faire.

Le sénateur Segal : Monsieur Parent, je sais que le tribunal ne relève pas de votre mandat, mais, à votre avis, est-il légitime pour les vétérans de voir le tribunal comme un organisme d'interprétation quasi judiciaire qui rend des décisions en appel quand des appels lui sont soumis? Ou voit-on plutôt comme un prolongement du ministère devant traiter des mêmes problèmes budgétaires que le ministère connaît peut-être ce trimestre? Les compressions budgétaires sont imposées au ministère et le tribunal sert à mettre en œuvre ces compressions, quelle que soit l'incidence sur le vétéran qui comparaît devant lui.

M. Parent : Certains anciens combattants ayant comparu devant le tribunal nous ont dit qu'ils estimaient avoir été traités comme des criminels, sans aucun respect ni dignité, pas comme s'ils défendaient simplement leurs droits. Heureusement, la recherche que nous avons faite jusqu'à présent pour notre rapport de suivi indique que cela a changé quelque peu; nous espérons donc que le tribunal est maintenant sur la bonne voie. C'est un aspect important. Il n'est pas nécessaire d'en faire une cour de justice ou un organisme quasi judiciaire. C'est un organe décisionnel plutôt qu'un organe judiciaire.

Le sénateur Enverga : Monsieur Parent, vous avez dit que ce changement n'aurait pas d'effet néfaste tant que l'on permette à des membres vacataires de siéger au tribunal. Sont-ils bénévoles ou sont-ils rémunérés?

M. Leduc : Ils sont rémunérés.

Le sénateur Enverga : Ils sont payés.

Le sénateur Segal : Ils reçoivent un salaire ou une indemnité journalière?

M. Leduc : Un salaire.

M. Parent : Ils sont nommés par ACC.

Le sénateur Enverga : Ils appuient les membres réguliers du tribunal mais seulement de façon temporaire?

M. Parent : C'est exact, pour une période de deux ans, je crois.

M. Leduc : Oui, deux ans, et ils n'ont pas de droit de vote.

Le sénateur Enverga : Ont-ils les mêmes compétences et la même expérience que les autres membres? Sont-ils suffisamment compétents pour entendre ces affaires?

M. Parent : Je ne connais pas bien le processus de sélection, mais je crois savoir que c'est le même que pour les autres membres du tribunal.

La loi précise que le tribunal compte un nombre donné de membres à temps plein et que, si la charge de travail est trop lourde, le ministre peut choisir et nommer des membres vacataires.

Le sénateur Enverga : Mais cela n'a aucune incidence sur la qualité des procédures.

M. Parent : Dans certains cas, on fait appel à d'anciens membres, mais, je le répète, je n'en sais pas assez pour vous donner plus de détails. Il serait préférable que vous adressiez vos questions aux membres ou au président du tribunal.

M. Leduc : Je peux vous dire, monsieur, que cela prend deux ans. La formation dure trois mois, mais il faut deux ans à un nouveau membre du tribunal pour avoir toute la formation et pour bien comprendre en quoi consiste le travail. Or, les membres vacataires ne sont nommés que pour deux ans. En outre, pendant cette période, ils n'ont pas de droit de vote et ne font pas partie de la structure du tribunal comme tel. Ce sont des employés supplémentaires, en quelque sorte. L'apprentissage prend deux ans et une fois ce mandat terminé, le membre vacataire n'est pas nécessairement reconduit. Les membres permanents, eux, ont un premier mandat de trois ans.

Le sénateur Enverga : Est-ce que les membres vacataires deviennent souvent permanents? Comment cela marche-t-il?

M. Leduc : Je crois avoir était le dernier membre vacataire à devenir permanent. Je suis devenu membre en novembre 2005 et j'ai été nommé membre permanent par un autre gouvernement par la suite.

Le sénateur Enverga : La présence de membres vacataires n'influe pas sur les procédures. Cela ne change rien, n'est- ce pas? Pourrait-on nommer davantage de membres vacataires au tribunal pour supprimer tout cet arriéré de travail?

M. Parent : Comme je l'ai dit à M. Larlee, le président du tribunal, le tribunal fonctionne actuellement avec 22 membres, plus ou moins, mais comme je l'ai dit plus tôt, il faut maintenir le niveau de fonctionnement. On ne peut demander au tribunal de fonctionner avec 22 membres pendant que certains sont en formation ou en attente d'être nommés. Le tribunal doit compter 25 membres et comptera 25 membres. C'est cela qui est important.

Le sénateur Enverga : Merci.

M. Leduc : La qualité du service a souffert. À mon avis au tribunal, nous disions aux vétérans qu'ils auraient une décision dans quatre semaines. Puis, en 2007, 2008, les choses ont changé et nous leur disions qu'il faudrait attendre de quatre à six semaines. Maintenant, les vétérans se font dire qu'ils attendront huit semaines. Manifestement, la qualité du travail a souffert.

Le vice-président : J'aimerais vous poser une question qui a été soulevée par la Légion, une question portant sur les vidéos ou téléconférences. La Légion nous a dit que leur usage est à la hausse. Les représentants de la Légion ne croient pas que ce soit dans l'intérêt des vétérans qui, pour la plupart, préfèrent une rencontre en personne avec les membres du tribunal.

Qu'en pensez-vous? Le recours aux vidéoconférences augmentent-ils? On nous a dit qu'elles étaient facultatives. Les anciens combattants ne sont pas tenus d'accepter la vidéoconférence, mais exerce-t-on des pressions sur eux pour qu'ils le fassent? Est-ce qu'on leur dit, par exemple, qu'ils auront une décision plus rapidement s'ils optent pour la téléconférence ou la vidéoconférence? Qu'en pensez-vous?

M. Parent : J'en ai discuté récemment avec des membres du Bureau de services juridiques et des pensions qui, comme vous savez, représente les clients pendant le processus d'examen. On m'a répondu que les vidéoconférences ont leur utilité, mais qu'elles ne conviennent pas à tous. C'est particulièrement utile pour ceux qui souffrent de problèmes moins visibles, comme les TSPT, qui ne sont à l'aise dans une foule. Cela peut être une très bonne solution pour eux. C'est l'évaluation qui est faite avant la vidéoconférence qui est cruciale. Cette technologie convient à certains, mais pas à tous.

M. Leduc : D'après mon expérience, les membres du tribunal n'ont pas été consultés quand on a adopté cette méthode. L'idée de la vidéoconférence est venue du personnel et des gestionnaires. Un membre du tribunal a fait partie du comité qui a travaillé à ce dossier. Nous n'avons pas été consultés.

Personnellement, j'aime bien l'approche personnelle parce que, pour un vétéran, ce genre de procédure ressemble à une cour martiale. S'ils sont mal à l'aise, nous avons beaucoup de mal à les mettre à l'aise. Parfois, il faut tout simplement une approche humaine.

Un jour, une personne souffrant de graves troubles de stress post-traumatique se sentait incapable de venir dans la salle d'audience. J'ai donc suggéré à mon collègue : « Enlevons nos vestons et cravates, retroussons nos manches et allons le voir pour une petite conversation à bâtons rompus. » La tactique a marché.

J'ai aussi eu à faire avec des vétérans âgés mal voyants ou malentendants. Plutôt que de rester à ma place habituelle, j'ai placé mon fauteuil juste en face d'eux pour leur poser mes questions.

On a besoin de ce contact personnel. On en perd une grande partie par la vidéoconférence. La nature de l'audience est alors changée. Ce n'est qu'une autre façon d'économiser de l'argent.

Oui, on demande aux anciens combattants s'ils acceptent, mais est-ce que l'on leur présente toutes les options?

Le vice-président : Fait-on pression sur eux?

M. Leduc : Je ne sais pas si on fait pression. Je pense qu'on ne leur donne pas beaucoup de choix. Si dans certaines villes on utilise la vidéoconférence, vous ne pourrez plus avoir d'audience en personne. Les anciens combattants ne savent probablement pas qu'ils peuvent en demander une. Or, selon la loi, ils ont droit à cette audience.

Le vice-président : Je crois que l'arriéré n'est pas causé par ces premières audiences. L'arriéré se produit au niveau du réexamen de la décision. Certaines personnes attendent plus d'un an pour que leur décision soit réexaminée. Est-ce exact?

M. Leduc : Pas mal exact. Comme je l'ai déjà dit, c'est un problème d'horaire.

Le vice-président : Est-ce pour le réexamen qu'il y a des retards et un arriéré?

M. Leduc : Avant de venir ici aujourd'hui, j'ai demandé à des anciens combattants s'ils étaient satisfaits du temps que cela prend, ce qui m'a permis de m'en faire une bonne idée. Généralement, ils sont satisfaits du déroulement des choses.

La situation a beaucoup changé en 1995. Avant 1995, les demandes étaient préparées par le Bureau de services juridiques et des pensions, et étaient présentées à la Commission canadienne des pensions; mais en 1995, on a voulu accélérer le processus pour les anciens combattants plus âgés, et on a confié le premier niveau de demande aux bureaucrates. À cause du processus administratif, parfois, lorsque les demandes se retrouvent entre les mains des avocats, ils voient des demandes incomplètes du fait que ce ne soit pas eux qui s'en sont occupés dès le départ. Il peut donc aussi y avoir des retards en amont.

M. Parent : De plus, je pense que le processus de réexamen vient à la suite d'une décision censée clore un dossier, et les anciens combattants demandent de le réouvrir. Alors ils se retrouvent au bas de la liste des gens qui attendent une révision ou un appel, évidemment, afin d'être juste envers ceux qui attendent leur révision ou leur appel, et l'autre liste s'allonge également. Voilà où se trouve le gros arriéré pour les réexamens.

M. Leduc : Le réexamen n'est pas la solution à tout non plus, parce que parfois les membres — certains d'entre eux — diront, « Comment osez-vous remettre en question ma décision? » Les gens pensent à cela également.

Le sénateur Dallaire : Messieurs, deux choses : premièrement, je n'en revenais pas de la réponse du représentant de la Légion qui s'occupe de 15 p. 100 de tous les dossiers provenant des mauvaises décisions de cet arbitre final, ce qui donne le ton pour tout le processus — au bout du compte, si les gens ont le sentiment d'avoir été traités de façon juste, alors ils jugent que tout le processus est juste ±, mais si, à la dernière étape, les gens trouvent que l'organisme est injuste, cela veut dire qu'ils peuvent penser que tout le système est injuste. C'est une question de perception de la réalité.

M. Parent : D'après vous, quelle est l'opinion des anciens combattants en général? Vous dites qu'on ne vous a pas présenté beaucoup de dossiers. Bien sûr, ce n'est pas de votre ressort, est-ce que les anciens combattants ont une opinion sur le TACRA?

M. Parent : Je pense que ce sentiment a déjà eu cours, et dans certains cas, est toujours présent. Si on vous traite avec respect et dignité pendant tout le processus, si on répond à vos questions rapidement, si les lettres de décision sont claires, alors vous acceptez la décision et le processus. Mais s'il y a des lacunes à certains endroits, alors vous êtes frustré par rapport à ce qui se passe, et encore plus si vous souffrez de blessures invisibles, parce que votre patience n'est pas aussi grande que celle des autres.

Évidemment, ce sont des choses importantes. Il ne s'agit pas nécessairement de la décision elle-même, mais de la façon par laquelle on y est arrivé. C'est pourquoi dans plusieurs de nos rapports, nous disons qu'il est important de faire attention à la façon dont on communique le message. Certaines personnes accepteront un « non » qui est bien expliqué aussi facilement qu'un « oui », tant qu'elles ont l'impression d'avoir été traitées avec dignité et que le processus dans son ensemble a été juste.

Le sénateur Dallaire : J'aimerais votre opinion sur un système qui présente des chiffres et des statistiques impressionnants. Ils ont des tableaux et toutes sortes de choses qui démontrent des taux de 82 p. 100 pour les décisions de révision et de 86 p. 100 pour les appels. J'ai présenté le nombre de décisions plus tôt, il s'agit d'environ 750 personnes qui n'en ont pas reçu.

S'il y a une situation semblable pour ces anciens combattants blessés, croyez-vous que cela justifie le fait de réduire le nombre d'employés, même s'ils sont plus compétents? Le ministre Blaney a choisi quatre anciens militaires pour changer le fonctionnement du système. Croyez-vous qu'il est justifié d'essayer de réduire la capacité pour accroître la production?

M. Leduc : Est-ce que ces statistiques concernent les décisions favorables lors de la révision d'un appel?

Le sénateur Dallaire : Pas favorable — simplement les décisions rendues.

M. Leduc : La loi indique clairement que les audiences doivent avoir lieu rapidement et les décisions prises sans tarder. D'après moi, tout retard pour un ancien combattant est inacceptable.

M. Parent : Je suis d'accord pour dire qu'il ne s'agit pas nécessairement de savoir si la décision est favorable ou pas, mais de savoir combien de dossiers sont traités; voilà de quoi il en revient. Tout indique que l'on peut y arriver tant que l'on conserve 25 membres, mais il est important qu'il n'y ait pas des changements à chaque six mois parce que deux membres ont fini leur mandat au tribunal. C'est un aspect important.

Le sénateur Dallaire : Il s'agit de nominations par le gouverneur en conseil. Ce sont des décisions directes du gouvernement qui veut combler ces postes, quand ils ne sont pas comblés, c'est parce que quelqu'un a décidé de ne pas les faire — et de plus, le gouvernement veut en éliminer quatre. Trouvez-vous cela logique pour gérer les défis auxquels feront face les anciens combattants et puisqu'il y aura probablement un nombre accru d'anciens combattants blessés qui comparaîtront devant eux?

M. Parent : Encore une fois, cela dépend si on peut conserver en tout temps 25 membres. Ce qui se passe maintenant, c'est qu'ils attendent qu'un membre ait fini son mandat avant de commencer à en chercher un autre, et il y a une période de formation de quatre mois. Les postes restent donc vacants pendant six ou sept mois.

M. Leduc : J'aimerais poursuivre à ce sujet en disant que je m'occupe de dossiers d'anciens combattants depuis 1992, depuis que j'ai quitté les forces, et je constate une érosion générale des prestations et des services offerts aux anciens combattants.

Le vice-président : Nous sommes arrivés à la fin de notre séance. Je remercie M. Parent et M. Leduc d'être venus nous fournir leurs renseignements.

Nous reprenons demain au sujet de la Section 5, qui traite de changements au Code du travail.

(La séance est levée.)


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