Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 7 - Témoignages du 26 février 2014
OTTAWA, le mercredi 26 février 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 13, pour poursuivre son étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada (sujet : La nature des conséquences involontaires de l'emploi de produits pharmaceutiques sur ordonnance).
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je m'appelle Kevin Ogilvie. Je représente la Nouvelle-Écosse au Sénat. Je suis également président de ce comité. Avant de procéder, j'aimerais demander à mes collègues de se présenter, en commençant par la gauche.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.
La sénatrice Chaput : Maria Chaput, du Manitoba.
La sénatrice Cordy : Jane Cordy, sénatrice de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
La sénatrice Seth : Asha Seth, de Toronto, Ontario.
La sénatrice Eaton : Nicole Eaton, de l'Ontario.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.
Le président : Je souhaite la bienvenue aux distingués témoins de la séance d'aujourd'hui. Je suis ravi que vous ayez accepté notre invitation à témoigner dans le cadre de l'étude en quatre parties que nous effectuons au sujet des produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada. Nous en sommes à la dernière phase, soit celle qui porte sur la nature des conséquences involontaires de l'emploi de produits pharmaceutiques sur ordonnance. Le sujet particulier d'aujourd'hui est la pénurie de médicaments, un problème que chacun d'entre vous connaît bien.
D'après ce que me dit la greffière, il y a eu un concours de tir au poignet pour déterminer qui allait passer en premier ou en dernier, alors je vais vous appeler en suivant l'ordre dans lequel vous apparaissez sur ma feuille. J'invite donc Mme Diane McArthur, sous-ministre adjointe de la Division des programmes publics de médicaments au ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario, à commencer son exposé.
Diane McArthur, sous-ministre adjointe, Division des programmes publics de médicaments, ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario : Merci de m'avoir invitée à témoigner. Contrairement à tous ceux qui viennent ici pour vous parler, je n'ai pas préparé de texte précis. J'ai fait distribuer une copie papier d'une série de diapositives afin de mettre en évidence les éléments les plus importants, mais je crois que mes collègues vous parleront plus en détail de chacun d'eux.
D'emblée, il convient de dire que la plupart des pénuries de produits pharmaceutiques ne sont pas des phénomènes nouveaux dans le système de santé. Il s'agit en fait d'une réalité qui a toujours existé. Je crois cependant que l'ampleur et la fréquence de ces pénuries ont changé au fil des ans.
Jusqu'ici, le problème des pénuries a eu des répercussions sur le système de santé et, au premier chef, dans les hôpitaux. Là où nous prenons soin de personnes qui sont dans un état critique et qui sont vulnérables, les pénuries se sont traduites par des interventions chirurgicales en retard ou annulées et par des conséquences graves pour la santé des patients.
Les pénuries se répercutent aussi dans les pharmacies communautaires, car elles forcent les pharmaciens à travailler avec les patients pour trouver des produits de rechange là où ils le peuvent, ce qui n'est pas toujours possible dans toutes les régions. Il s'agit d'un problème d'effectif, de temps et de soins aux patients.
Pourquoi voyons-nous de plus en plus de pénuries de médicaments dans le système de santé? Il y a d'abord la mondialisation. Nous ne sommes qu'un intervenant sur un marché qui s'étend à l'échelle de la planète, et ce marché compte de plus en plus sur un nombre limité de fabricants d'ingrédients actifs. Or, nombre de ces fabricants sont situés à l'étranger, et le contrôle de la qualité leur donne parfois du fil à retordre. Nous tentons à ce chapitre de nous doter d'un meilleur cadre de réglementation de sorte que les contrôles de la qualité soient exécutés conjointement par la Food and Drug Administration et certains pays européens. Toutefois, les pays d'Asie du Sud qui tentent de satisfaire aux exigences en matière de qualité sont parfois forcés d'interrompre leur production d'ingrédients actifs, et il devient dès lors difficile pour les fabricants de vendre leurs produits sur nos marchés.
En matière de médicaments, le Canada est un intervenant plutôt modeste. Lorsqu'il y a pénurie mondiale, les forces du marché imposent leur loi, et nous en sommes témoins sur le marché de l'Ontario. Les gens du milieu des affaires diront : « Concentrez vos réserves sur vos plus gros clients ». Sur le marché mondial, ces clients seront certains pays d'Europe et les États-Unis. Dans le contexte de l'Ontario, ce sont les grands détaillants de l'industrie pharmaceutique qui prendront la part du lion, ce qui laissera les pharmacies communautaires dans des situations parfois précaires.
Nous constatons aussi que la nature du produit est en train de changer, ce qui fait qu'il y a plus de médicaments génériques qui n'ont qu'un seul producteur et qu'il n'y a aucune solution de rechange lorsque ce producteur interrompt sa production. Quand cela se produit, nous cherchons une solution sur le marché international, et nous faisons équipe avec nos partenaires de Santé Canada afin d'accélérer le processus.
J'estime que le gouvernement fédéral doit se doter de nouveaux outils pour faire face à des pénuries généralisées de ce genre. Le gouvernement fédéral a des programmes qui visent à faciliter l'approvisionnement en médicaments. Par contre, il n'a pas vraiment de procédés efficaces pour permettre à une nouvelle personne de se soumettre à un processus d'approbation réglementaire afin d'établir si un médicament est assez sûr pour que nous puissions le vendre en période de pénurie. Je sais que le gouvernement travaille là-dessus, mais nous avons besoin de procédures beaucoup plus rigoureuses.
À cela s'ajoute un autre aspect : lorsque nous demandons à Santé Canada de nous donner accès à un nouvel approvisionnement de médicaments, nous devons d'emblée savoir si nous allons vraiment les utiliser. En tant que payeurs publics, nous sommes un peu à l'écart du processus. Nous paierons la note, mais il ne s'agit pas d'un achat ou d'une appropriation.
J'arrive à la fin de mes sept minutes et j'ai touché à chacun des grands enjeux. Je ne voudrais pas dépasser ma limite afin de laisser le plus de temps possible aux questions que vous pourriez avoir. Dans les autres diapositives, vous trouverez des détails sur ces mêmes grands principes, lesquels sont des vecteurs clés du point de vue du système de santé.
Le président : Merci beaucoup. Je vais maintenant céder la parole à Mme Kathleen Boyle, vice-présidente des services pharmaceutiques chez HealthPRO Procurement Services Inc.
Kathleen Boyle, vice-présidente, Services pharmaceutiques, HealthPRO Procurement Services Inc. : Bonjour. Merci au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie de m'avoir invitée à faire un exposé sur les conséquences involontaires de l'emploi de produits pharmaceutiques sur ordonnance.
Chez HealthPRO, nous savons que le bien-être de bon nombre de Canadiens dépend de la capacité d'avoir rapidement accès à des produits pharmaceutiques sur ordonnance de haute qualité.
Cette accessibilité a été gravement menacée en février 2012 lorsqu'on a assisté à une diminution alarmante des réserves de centaines de produits injectables nécessaires à des fins médicales. Une pénurie de médicaments de cette ampleur est peut-être l'une des conséquences non voulues les plus importantes et les moins prévisibles de l'utilisation de produits pharmaceutiques.
Bien qu'il n'y en ait pas à l'heure actuelle, les pénuries demeurent un problème épineux qui se présente chaque jour et qui ne disparaît pas.
Voici trois victimes des pénuries de médicaments. La première est le patient qui doit se contenter d'un traitement moindre lorsque les médicaments optimaux ne sont pas disponibles ou qui doit, le cas échéant, se résigner à accepter qu'il n'y a aucune autre option possible, ce qui est encore pire.
La deuxième victime est le travailleur des soins de santé de première ligne qui doit recourir à des stratégies de conservation des médicaments afin de faire plus avec ce qu'ils ont; trouver des sources d'approvisionnement de rechange au Canada ou même à l'étranger; trouver des sources capables d'offrir des traitements de rechange, pour peu que ces médicaments soient encore disponibles; gérer les risques relatifs à l'innocuité des nouveaux produits; et, par-dessus tout, faire face au dilemme éthique qu'est celui de décider qui obtiendra la dernière dose et, surtout, qui devra s'en passer.
La troisième victime est l'ensemble de notre système de santé. Il n'existe aucune donnée concrète au Canada pour chiffrer l'effet d'une pénurie de médicaments, mais selon les estimations aux États-Unis, cette somme peut atteindre 216 millions de dollars par an.
Depuis 2012, nous avons fait certains progrès. HealthPRO a mis en place un système de fractionnement des contrats pour les médicaments nécessaires. Il s'agit d'accorder des contrats à plusieurs fournisseurs pour atténuer l'effet d'une éventuelle pénurie. C'est une stratégie efficace qui nous permet désormais d'offrir 23 molécules à nos membres par la voie de contrats fractionnés.
Nous avons également adapté nos contrats pour que les fournisseurs qui offrent une autre version d'un produit médicalement nécessaire au Canada aient immédiatement accès à des débouchés commerciaux. Aujourd'hui, nous ne nous fions plus à une seule source d'approvisionnement dans le cas de six nouveaux produits essentiels.
HealthPRO représente également ses membres dans certains forums nationaux. Nous avons pris une part active aux travaux du Comité directeur multilatéral sur les pénuries de médicaments, coprésidé par Santé Canada et le ministère de la Santé et du Bien-être de l'Alberta — qui représente le groupe provincial-territorial —, et nous avons contribué à la production de deux documents sur l'amélioration des communications et des plans d'action relatifs aux pénuries, soit la Boîte à outils multilatérale et un protocole d'intervention intégrée.
J'ai dirigé un groupe d'intervenants nationaux lors de la préparation d'un rapport qui cerne les pratiques exemplaires en matière de passation de contrats et d'approvisionnement. Le rapport décrit les pratiques contractuelles susceptibles d'améliorer les relations entre les différents partenaires commerciaux afin d'atténuer les conséquences des pénuries de médicaments.
HealthPRO participe activement aux téléconférences régulières du groupe de travail provincial-territorial chargé de se pencher sur les pénuries de médicaments. Le groupe tient ces conférences téléphoniques deux fois par mois afin de tenter de remédier aux problèmes les plus pressants qui se produisent à divers endroits au pays et fait parfois appel à Santé Canada pour l'aider dans cette tâche.
La collaboration nous a permis d'avancer, mais il reste encore beaucoup à faire au Canada même et dans le monde. Au Canada, nous devons améliorer la fonctionnalité de notre système de déclaration des pénuries de médicaments à l'échelle nationale — drugshortages.ca —, et les fournisseurs doivent faire l'effort de verser dans ce site des renseignements à jour et complets bien avant qu'une pénurie, prévue ou imprévue, se manifeste.
Au Canada, tous les intervenants doivent accroître leur réserve de sécurité de produits essentiels et mieux faire connaître la composition de leurs stocks. Nous devons faire plus pour diversifier nos fournisseurs liés par contrat, surtout pour les médicaments provenant d'une seule source.
À l'échelle mondiale, les fournisseurs dans toute la chaîne d'approvisionnement doivent être encouragés à augmenter leur capacité de production et de stockage, ce qui nous permettra de mieux composer avec les ruptures d'approvisionnement imprévues.
Selon des conditions fixées d'avance, nous pouvons obliger les fournisseurs mondiaux à avertir les entrepreneurs lorsque des problèmes surviennent à des étapes névralgiques de leur processus de production, ce qui, dans certains cas, pourrait nous aider à prévenir une pénurie et à en trouver les causes profondes. Nous devons également encourager les fournisseurs mondiaux à mieux diversifier leurs propres chaînes d'approvisionnement afin d'atténuer les risques.
Lorsqu'il y a pénurie de médicaments au Canada, les fournisseurs de soins de santé doivent être plus souples et trouver des médicaments fiables sur le marché mondial de manière à pouvoir continuer à traiter les patients. Par ailleurs, lorsqu'il y a pénurie, nous devons disposer d'un cadre éthique national pour assurer la répartition des médicaments, car cette responsabilité ne devrait pas être le fardeau des travailleurs du système de santé.
Assurer un accès fiable aux produits pharmaceutiques dans une chaîne d'approvisionnement mondiale très complexe est loin d'être simple, et il faudra du temps pour y arriver. Si l'on souhaite vraiment atténuer les conséquences des pénuries de médicaments, il faudra que tous les liens, tous les intervenants de la chaîne d'approvisionnement, tant au Canada qu'à l'étranger, jouent le rôle que l'on attend d'eux. Nous sommes sur une bonne lancée, mais nous devons éviter la complaisance. Nous pouvons et nous devons faire mieux pour nos concitoyens. Mais tout n'est pas sombre dans ce tableau. Parmi les conséquences involontaires, il y en une qui est positive : les travailleurs de la santé se rappellent ainsi l'importance que les produits pharmaceutiques revêtent pour le système de soins de santé. En effet, ils doivent désormais prendre le temps de bien réfléchir au moment d'envisager l'administration d'un traitement, ce qui, à mon avis, se traduira par de meilleurs soins pour les patients.
Au nom de ses 800 hôpitaux membres, HealthPRO s'engage à continuer de s'employer à atténuer les effets des pénuries. Nous continuerons à appuyer le droit des Canadiens de disposer d'un accès fiable et rapide aux médicaments essentiels dont ils ont besoin.
Merci de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui. Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.
Le président : Merci. Avant de passer au prochain témoin, j'aimerais que vous clarifiiez le sens de l'expression « autre version d'un produit médicalement nécessaire ». Je sais ce qu'est un médicament de rechange, mais je ne suis pas certain de bien saisir ce qu'est une autre version d'un produit médicalement nécessaire.
Mme Boyle : Un produit médicalement nécessaire est utilisé pour traiter une maladie qui est...
Le président : Je comprends le concept du produit médicalement nécessaire. C'est l'« autre version » qui me pose problème.
Mme Boyle : Une autre version peut désigner la même molécule fabriquée par une autre entreprise ou dans un autre format. Le format peut être semblable à celui du produit original, mais il peut aussi être différent. Ainsi, l'autre version d'un médicament pourrait contenir du latex ou des agents de conservation. Elle peut aussi être une poudre ou un produit prêt à consommer.
Le président : Vous faites allusion à diverses déclinaisons du même composé chimique — le médicament —, toutes approuvées par Santé Canada, c'est exact?
Mme Boyle : Elles ont toutes été approuvées, oui.
Le président : Accueillons maintenant le Dr Peter Doig et le Dr Gary MacDonald, respectivement président et président désigné de l'Association dentaire canadienne. Je crois que c'est le Dr Doig qui se chargera de l'exposé.
Dr Peter Doig, président, Association dentaire canadienne : Merci, monsieur le président. Bonjour aux membres du comité. En tant que représentants de la profession dentaire au Canada, nous sommes très heureux de participer à cet important processus.
Il y a plus de 18 000 dentistes-praticiens au Canada. En qualité de praticiens de premier rang dans le diagnostic et le traitement des maladies buccodentaires, les dentistes ont des pratiques de prescription qui englobent le traitement des infections, le contrôle de la douleur, la sédation légère et la maîtrise de l'anxiété et, pour un sous-groupe de dentistes, la sédation profonde et l'anesthésie générale. Il n'y a pratiquement pas d'utilisation hors étiquette des médicaments de la part des dentistes, sauf pour le traitement de la douleur chronique et des troubles du sommeil, une sous-spécialité de la dentisterie.
La ministre de la Santé du Canada a souligné le problème des conséquences involontaires de l'emploi des produits pharmaceutiques sur ordonnance, qui concerne plus particulièrement l'abus des médicaments narcotiques sur ordonnance utilisés pour contrôler la douleur. Ce problème n'est pas le résultat des pratiques de prescription des dentistes seulement, mais bien un problème interprofessionnel.
L'enjeu souligné par l'ancienne ministre de la Santé, l'honorable Leona Agluukaq, était celui de l'abus des narcotiques d'ordonnance par les membres des Premières Nations et les Inuits au Canada.
Je suis persuadé que votre comité sait que la Direction des services de santé non assurés, la DSSNA, de la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits, la DGSPNI, assume le coût des produits pharmaceutiques de cette cohorte de la société canadienne. Il est malheureux que la DSSNA ait limité la capacité de prescrire des produits pouvant remplacer les narcotiques. Ces restrictions, plus particulièrement celles qui touchent le Toradol, un anti-inflammatoire non stéroïdien, ou AINS, accroissent en fait la quantité de médicaments narcotiques prescrits à cette population et facilitent le recours abusif à ces derniers.
Il y a là un vrai problème quand les payeurs peuvent restreindre les pratiques de prescription pour des raisons de coûts, sans être responsables des conséquences.
Pour lutter contre l'abus des narcotiques d'ordonnance, on pourrait mettre en place un système fonctionnel de dossiers de santé électroniques, auquel les médecins et les dentistes auraient accès et qui inclurait l'historique des ordonnances des patients, de manière à aider les praticiens à déceler les cas où il y a risque d'abus. Les stratégies pour lutter contre l'abus doivent aussi mettre à contribution les secteurs pédagogique et réglementaire de toutes les professions intéressées.
Bien que les dentistes utilisent relativement très peu de médicaments dans leur pratique de tous les jours, il est important pour notre profession d'avoir accès en temps opportun à des médicaments d'ordonnance à la fois sûrs et efficaces. L'accès en temps opportun est un enjeu particulièrement important pour notre profession, en raison des pénuries de médicaments. La plupart des dentistes travaillent en pratique privée au sein de leur collectivité, et on ne peut raisonnablement leur demander de garder des stocks importants de médicaments sur place. Quand des pénuries se produisent, on privilégie les établissements de soins primaires comme les hôpitaux dans l'attribution des médicaments. En conséquence, certains produits pharmaceutiques, comme les anesthésiques locaux et généraux, les sédatifs, les antibiotiques et d'autres médicaments d'urgence ne sont pas disponibles pour les points de service en dehors des hôpitaux, comme les établissements de soins buccodentaires. Malheureusement, cette situation peut avoir un effet négatif sur l'ampleur et le niveau des soins que les dentistes peuvent offrir à leurs patients.
Les gouvernements fédéral et provinciaux, de même que l'industrie et les professionnels des soins de santé jouent un rôle vital dans la lutte contre les pénuries de médicaments. Pour contrer les pénuries, Santé Canada a pour sa part autorisé la mise en marché de médicaments de remplacement de différents médicaments essentiels. Toutefois, les politiques de recours à une tierce partie et l'obligation pour les fabricants de produits pharmaceutiques de générer des profits ont conduit un grand nombre de fournisseurs à cesser de produire ces médicaments nécessaires, ce qui laisse une source d'approvisionnement unique.
Pour prévenir les pénuries, il faut mettre en place des systèmes efficaces, qui fonctionnent en liaison avec l'industrie pharmaceutique pour produire des mises en garde concernant les pénuries de médicaments attendues.
À titre de représentante nationale de notre profession, l'ADC appuie l'harmonisation des exigences canadiennes avec les normes internationales en matière d'examen des nouveaux médicaments, des nouveaux lieux de fabrication et des nouveaux fournisseurs. Il pourrait s'agir d'un processus semblable à celui qui préside à l'élaboration des normes internationales par l'entremise de l'Organisation internationale de normalisation, l'ISO. L'ADC contribue déjà à l'élaboration de normes en dentisterie en hébergeant le secrétariat du comité technique 106 de l'ISO.
Nous vous remercions de nous avoir invités à témoigner, et nous répondrons avec plaisir à vos questions.
Le président : Merci. Je cède maintenant la parole à David Johnston, président et chef de direction de l'Association canadienne de la gestion de l'approvisionnement pharmaceutique.
David Johnston, président et chef de la direction, Association canadienne de la gestion de l'approvisionnement pharmaceutique : Merci beaucoup. Je m'appelle David Johnston, et je suis président et chef de direction de l'Association canadienne de la gestion de l'approvisionnement pharmaceutique, ou ACGAP, comme nous sommes connus.
Au nom de l'ACGAP, j'aimerais remercier les membres du Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie pour l'occasion qui m'est donnée de vous offrir un aperçu du rôle des grossistes pharmaceutiques quant aux pénuries de médicaments. C'est un enjeu qui préoccupe grandement notre industrie et sur lequel nous travaillons en étroite collaboration avec d'autres organisations canadiennes du domaine des soins de santé.
Tout d'abord, je vous offrirai un aperçu de l'ACGAP afin de vous permettre de mieux comprendre où nous nous situons dans les soins de santé en général et, plus particulièrement, en ce qui touche la pénurie de médicaments.
Créée en 1964, l'ACGAP est la porte-parole de la chaîne d'approvisionnement pharmaceutique au Canada. Ses membres sont les grossistes pharmaceutiques, les chaînes de pharmacie autonomes, les fabricants de médicaments d'ordonnance et de médicaments en vente libre — tant les produits de marque que les génériques —, de même que les fournisseurs de biens et de services au secteur de la chaîne d'approvisionnement pharmaceutique.
Plus de 95 p. 100 des produits pharmaceutiques au Canada sont distribués aux pharmacies communautaires et en milieu hospitalier, ainsi qu'aux centres de soins de longue durée et de soins spécialisés par des grossistes pharmaceutiques et des chaînes autonomes, et ce, avec une exactitude au plan des commandes de plus 99 p. 100.
La distribution de produits pharmaceutiques par les grossistes pharmaceutiques est sûre, fiable et efficace, et constitue le système de choix des pharmacies et des fabricants. En offrant des livraisons le même jour et le jour suivant, à raison de cinq jours par semaine dans toutes les régions du Canada, grâce aux milliers d'employés qui travaillent dans des centres de distribution dans presque toutes les provinces, les grossistes pharmaceutiques aident à assurer l'accès des patients, en temps opportun, aux médicaments d'ordonnance et en vente libre qui leur sont si nécessaires.
Nous faisons partie intégrante du système canadien de soins de santé. Les grossistes pharmaceutiques de l'ACGAP — qui collaborent avec les responsables de la réglementation de Santé Canada — sont fiers de faire partie d'une chaîne d'approvisionnement qui est considérée, tant au pays que sur la scène internationale, comme étant l'un des systèmes les plus sûrs et efficaces au monde.
Il est très important de comprendre que les grossistes pharmaceutiques n'influent pas sur l'établissement des prix, les commandes ou la disponibilité des produits pour les patients et le public. Nous ne sommes pas responsables des pénuries de médicaments. Le rôle des grossistes consiste à obtenir les produits disponibles des fabricants pharmaceutiques et à les distribuer aux pharmacies — selon des régimes de prix des plus réglementés — et ce, de façon sûre, fiable, opportune et économique.
A priori, cela peut sembler être un processus assez simple. Dans les coulisses cependant, les grossistes doivent miser sur des compétences et des technologies complexes pour prendre livraison des produits provenant de centaines de fabricants et les acheminer à des milliers de pharmacies. Leur contribution est cruciale au maintien de la sécurité et de la viabilité du système canadien de distribution de produits pharmaceutiques — et donc de la sécurité et de la viabilité du système de soins de santé lui-même. De nos jours, dans un monde où les attentes ne cessent d'augmenter quant au niveau de service et où les marges de profit ne cessent de rétrécir, l'entreposage et la livraison juste-à-temps sont d'une importance cruciale pour les pharmacies, les grossistes et les fabricants.
Le grossiste n'a pas avantage à garder un produit dans le centre de distribution. S'il ne distribue pas le produit, il ne fait pas de vente et ne touche donc pas de revenu. En fait, s'il ne livre pas le produit le plus tôt possible à une pharmacie, un hôpital ou un autre point d'arrivée, il peut perdre un client; si le grossiste n'arrive pas à satisfaire la commande d'une pharmacie, elle aura recours à un autre grossiste et pourrait décider d'en faire son fournisseur principal.
En temps de pénurie, les grossistes pharmaceutiques répartiront les produits selon les directives du fabricant et parfois des organismes gouvernementaux. Les fabricants constituent le premier filtre qui assure la disponibilité des produits en temps de pénurie puisqu'ils dirigent leurs produits vers certaines régions et certains clients, par l'entremise des grossistes pharmaceutiques. Selon les stocks qui leur sont disponibles, les grossistes pharmaceutiques imposeront ensuite des limites de commande, afin d'assurer un accès au produit en pénurie pour le plus grand nombre possible de clients et de voir à ce qu'aucune région ou organisation ne reçoive une quantité disproportionnée du produit.
Les pharmacies commandent leurs produits auprès d'un grossiste principal; elles font aussi affaire avec d'autres, mais de façon secondaire. En temps de pénurie de produits, le grossiste pharmaceutique expédiera de préférence ses produits à ses principaux clients, selon ses relations d'affaires et ses contrats. Il importe de souligner que chaque pharmacie est la cliente principale d'au moins un grossiste. Ainsi, chaque pharmacie peut passer une commande à son grossiste principal et recevoir une livraison prioritaire.
Puisque les pénuries peuvent maintenant survenir à tout moment, et ce, pour plusieurs produits, les grossistes trouvent de meilleurs moyens de collaborer avec leurs partenaires commerciaux pour connaître l'état des stocks. Il reste encore beaucoup à faire par tous les intervenants, et nous sommes résolus à poursuivre les progrès réalisés, afin de créer un système pour aider les Canadiens à mieux gérer leurs besoins de médicaments lors de situations de pénurie.
Soulignons toutefois que les pénuries touchent directement les grossistes, non seulement en raison de la perte de revenus causée par le manque de produits, mais également en raison de la complexité accrue des coûts associés aux processus de répartition décrits plus tôt pour chaque produit visé. Les marges de profit des grossistes sont très minces; c'est pourquoi nos systèmes et processus doivent être fluides et efficaces. L'uniformité et la prévisibilité aident au bon fonctionnement de ces systèmes. En cas de pénurie de médicaments, tout bascule sur le plan des gains d'efficience, et la situation se complique davantage lorsque le produit manquant est de nouveau disponible et doit être traité de façon prioritaire.
En résumé, en temps de pénurie de médicaments, les grossistes pharmaceutiques continueront de jouer leur rôle essentiel de distribution de tous les produits disponibles, grâce aux systèmes sûrs, fiables et efficaces qu'ils ont développés. Les grossistes pharmaceutiques n'exercent pas d'influence sur les causes des pénuries de médicaments, mais ils gèrent les flux de produits disponibles sur le marché lors de ces pénuries. Merci beaucoup.
Le président : Merci infiniment à tous. J'inviterais maintenant mes collègues à poser des questions. Monsieur Eggleton, vous pouvez commencer.
Le sénateur Eggleton : Nous vous remercions de votre participation. En plus de vos témoignages, nous avons obtenu d'autres documents qui décrivent les causes possibles des pénuries que nous connaissons, qu'il s'agisse de problèmes avec les matières brutes — qui semblent surtout toucher l'industrie des médicaments génériques —, la fabrication nationale insuffisante, les marchés à fournisseur unique ou les questions de profits. Certains médicaments n'entraînent pas suffisamment de profits, alors on cesse de les fabriquer.
Les fabricants sont tenus de signaler tout abandon intentionnel de production à Santé Canada, mais rien ne les oblige à déclarer une rupture d'approvisionnement, ce qui semble également être un problème important.
Vous avez fait quelques suggestions quant aux mesures qui pourraient être prises à cet égard, mais j'aimerais vous faire part de quatre solutions proposées — des mesures que pourrait prendre le Canada — qui ont été publiées dans un blogue en octobre 2013 par la Dre Jackie Duffin, de l'Université Queen's.
Elle dit d'abord que le signalement doit être obligatoire et que le système volontaire n'est pas assez efficace. D'ailleurs, je crois que le signalement est obligatoire aux États-Unis.
Elle parle ensuite du suivi des préjudices. Les certificats de décès ne nous permettent pas d'indiquer si le manque de médicaments a exacerbé la maladie. Ils énoncent seulement la cause du décès.
En troisième lieu, la Dre Duffin parle de leadership international et de collaboration avec d'autres pays, par l'entremise de l'OCDE ou de l'OMS, par exemple, en vue de déterminer la cause des pénuries et de régler le problème à l'échelle mondiale.
Enfin, elle propose d'encourager notre propre industrie. Étant donné notre capital intellectuel et financier, pourquoi ne pas fabriquer nous-mêmes ces médicaments manquants?
Voilà quatre suggestions d'une personne qui a longuement étudié la question. Que pensez-vous de ces pistes de solution?
Mme Boyle : J'aborderai avec plaisir au moins deux de ces suggestions. En ce qui a trait au signalement obligatoire, je crois qu'il faut surtout que les fournisseurs nous avertissent des pénuries beaucoup plus tôt qu'ils ne le font actuellement.
Nous disposons déjà d'un système de signalement. Il fonctionne plutôt bien, mais les renseignements ne sont pas fournis en temps opportun. Il n'est pas complet et, bien que les pénuries soient censées être prévues, elles sont habituellement signalées à quelques jours d'avis seulement.
Il faut trois ou quatre mois pour fabriquer et produire les médicaments dans la chaîne d'approvisionnement mondiale; je ne crois pas qu'il soit déraisonnable de nous attendre à ce que les fournisseurs nous avertissent à l'avance. Je comprends que certains renseignements sont exclusifs, mais je crois qu'il faudrait trouver un moyen d'être mis au courant le plus tôt possible des problèmes de production d'un fournisseur, que ce soit par l'entremise du processus d'attribution de contrats ou d'un autre processus, de sorte que les autres intervenants de la chaîne d'approvisionnement puissent mettre en œuvre leurs plans d'urgence. Nous pourrions ainsi réduire considérablement les conséquences pour les patients.
Je crois que le préavis est un enjeu plus important que le signalement obligatoire.
Pour ce qui est de régler les problèmes à l'échelle internationale, je suis on ne peut plus d'accord : nous devons aller à la racine du problème des pénuries de médicaments. Les plus importantes causes des pénuries recensées dans la documentation sont les problèmes liés à la qualité de la production et à la capacité de la chaîne de production. Malheureusement, ces problèmes vont au-delà de notre capacité d'agir ici au Canada.
J'ai participé à un congrès international de l'industrie pharmaceutique au Canada en juin dernier, et j'ai constaté que les autres pays sont confrontés à la même situation que nous. Douze autres pays y étaient représentés, et les différences entre eux étaient mineures. Nous collaborons pour tenter de surmonter ces difficultés, et le rapport du comité a été présenté à l'Organisation mondiale de la santé.
Mme McArthur : Je partage l'avis de Mme Boyle : en effet, le préavis est un enjeu plus important que le signalement obligatoire, mais le caractère obligatoire entre en ligne de compte. N'empêche que plus on annonce les pénuries à l'avance, plus les systèmes et les fournisseurs de santé auront le temps de s'adapter.
Le suivi des préjudices permet de faire une rétrospective. Je ne crois pas qu'il puisse nous aider à mieux nous préparer. Il nous permet de connaître les conséquences d'une pénurie, ce qui est important; nous devons comprendre comment les décisions touchent les patients et les systèmes de santé.
La promotion de notre propre industrie correspond à un idéal. Je ne sais pas s'il est réaliste de penser que nous pouvons fabriquer tous les produits à l'échelon national.
Nous devons améliorer les partenariats et établir des exigences plus strictes quant au maintien d'un approvisionnement adéquat au pays, en cas de problème à d'autres étapes du processus de fabrication des produits. De nombreux contrats d'acquisition prévoient ce genre de mesures, ce qui se prête bien à un segment de la société. En revanche, de telles mesures ne fonctionnent pas pour les besoins immédiats, puisque nous payons les médicaments par l'entremise des régimes publics d'assurance-médicaments ou des assurances privées; il s'agit donc d'un domaine qui ne repose pas uniquement sur les fluctuations du marché. Je crois qu'il faudrait collaborer avec l'organisme de réglementation afin de déterminer la réserve nécessaire au pays.
Dr Doig : Je crois que la suggestion visant à tenir une discussion à l'échelle internationale est très importante. En 2013, lors de la conférence internationale des dentistes de la FDI à Hong Kong, l'Association dentaire canadienne a soulevé la question des pénuries des médicaments dans le cadre d'une discussion ouverte, et la FDI s'est engagée à présenter la question directement à l'OMS de même qu'à lui expliquer l'incidence des pénuries de médicaments sur les membres du secteur de la médecine dentaire et sur les patients. Je crois qu'il est très important de soulever la question à l'échelle internationale pour favoriser la discussion à ce sujet.
Le sénateur Eggleton : Si vous avez terminé, j'aimerais revenir à la question du signalement obligatoire.
Le signalement est obligatoire aux États-Unis, n'est-ce pas? Pourquoi ne le serait-il pas ici? Même ceux d'entre vous qui ont dit qu'un préavis était plus important que le signalement obligatoire admettent que le système volontaire ne fonctionne pas. C'est ce que j'entends. Pourquoi ne pas rendre le signalement obligatoire, comme c'est le cas aux États-Unis et ailleurs, je crois?
M. Johnston : Il faut aussi tenir compte du type de signalement. N'oubliez pas que de nombreuses raisons peuvent expliquer une pénurie de médicaments à l'étape de l'approvisionnement, de la fabrication et de la livraison des produits.
Mme Boyle a dit que le cycle de production d'un produit était de deux à trois mois. Ainsi, si le fabricant sait qu'il aura des problèmes de production, il peut nous aviser deux ou trois mois à l'avance. Mais il peut uniquement le faire dans les cas où la pénurie est attribuable à la non-disponibilité d'un ingrédient actif ou si l'usine n'est pas en mesure de fabriquer le produit. Or, qu'arrive-t-il dans le cas d'un produit de la chaîne du froid, par exemple, s'il y a un bris à un certain point, et que les médicaments ne sont plus disponibles?
Entre le moment où l'on commence à fabriquer un produit et celui où on le livre à une pharmacie, de nombreux facteurs peuvent expliquer pourquoi il en manque. Il faut être prudent quand on cherche une solution miracle à la déclaration des pénuries. Au Canada, je pense que les organismes commencent à les déclarer. Santé Canada et l'industrie sont d'ailleurs en train de mettre sur pied un site web. C'est une chose que l'on doit surveiller.
Vous ne devez également pas oublier que les pénuries de médicaments sont parfois attribuables à l'augmentation de la demande, et que ce n'est pas toujours l'offre qui est en cause. Les deux sont possibles, et il faut notamment en tenir compte quand il est question, par exemple, de vaccins contre la grippe pendant l'automne ou de produits similaires.
En tant qu'acheteurs, les gouvernements et le Canada dans son ensemble ne font qu'une estimation approximative de la quantité d'un produit qui sera distribué aux diverses provinces. Cela dit, si la grippe se propage rapidement ou que la couverture médiatique est considérable et que tout le monde se fait vacciner en même temps, la demande finira également par provoquer une pénurie.
De plus, lorsque le processus de la chaîne du froid est utilisé, la façon dont les produits sont distribués a également un rôle à jouer. Dès qu'ils sont retirés du réseau de distribution — par exemple, dans une pharmacie —, ils ne peuvent plus être déplacés vers un autre endroit. Par conséquent, si un produit est distribué dans une région où la demande pour une substance comme un vaccin n'est pas la même qu'ailleurs et qu'une autre province ou région n'en a pas, il est trop tard pour revenir en arrière, car cela compromettrait l'intégrité du vaccin.
Par exemple, à partir du moment où un grossiste du secteur pharmaceutique fait l'acquisition de ce genre de produit, des relevés de température sont établis dans chaque entrepôt, chaque camion et chaque boîte où il se retrouve, et on obtient donc une transcription précise de chaque fourchette de température pendant sa distribution. Une fois arrivé à destination, avec les meilleures intentions, on met fin au suivi, ce qui signifie que la qualité d'un produit pour lequel il faut respecter la chaîne du froid peut être compromise très rapidement.
De nombreuses raisons peuvent expliquer une pénurie, et ce n'est pas toujours l'offre qui est en cause.
La sénatrice Eaton : Merci à vous tous. C'est fascinant.
Vous faites allusion aux ingrédients actifs. Y a-t-il un pays qui s'occupe de la plupart de ces ingrédients, ou sont-ils fabriqués un peu partout?
Mme McArthur : Je pense que c'est moi qui ai parlé des ingrédients actifs. Nous avons observé certains changements quant à l'endroit où ils sont fabriqués. À l'époque, c'était dans les pays qui fabriquaient les médicaments. Nous fabriquons très peu d'ingrédients actifs au Canada. La fabrication tend à se faire plus souvent dans certains pays en développement — surtout en Asie du Sud-Est et dans certains pays d'Europe de l'Est.
La sénatrice Eaton : S'agit-il d'ingrédients rares?
Mme McArthur : Ce sont traditionnellement des produits chimiques, mais la nature des médicaments change beaucoup elle aussi. Nous avons tendance à associer les pénuries aux médicaments génériques. Il y a beaucoup de concurrents qui offrent des produits à très bas prix. Ils se rendent tous à l'endroit où la fabrication d'un médicament coûte le moins cher.
Il n'y a pas si longtemps, nous avons connu de graves pénuries d'un médicament employé pour soigner une maladie rare, car on avait opté pour un médicament biologique qui n'était plus fabriqué à partir d'un produit chimique, mais plutôt à base de plantes. L'ingrédient de base — j'aime comparer cela à la préparation de levure —, qui représente le point de départ, avait été contaminé, et toute la gamme de médicaments n'était plus offerte sur le marché. Il aura fallu attendre de nombreuses années avant que la société reprenne ses activités normales. Heureusement, nous avions une solution de rechange.
La sénatrice Eaton : Pour revenir à une chose que vous avez mentionnée, il y a effectivement eu une pénurie de médicaments. Nous avons tous traversé — du moins à Toronto — la crise du SRAS ainsi que d'autres crises comme celle du H1N1. Qu'arriverait-il si une situation semblable avait lieu, s'il y avait une pandémie l'hiver prochain à, disons, Toronto ou au centre-ville de Vancouver? Aurions-nous un plan pour y faire face? Les hôpitaux seraient-ils les premiers à recevoir les vaccins? Avons-nous un plan d'urgence?
Mme McArthur : Je peux vous répondre pour ce qui est de l'Ontario. Depuis le SRAS, nous avons élaboré et maintenu en place un plan de lutte en cas de pandémie, et il s'améliore chaque année.
La sénatrice Eaton : Est-ce qu'il tient compte des médicaments?
Mme McArthur : Il est difficile de prévoir quelle sera la situation à cet égard. Pendant la pénurie attribuable à Sandoz, alors que nous avions perdu d'un bout à l'autre du pays une vaste gamme de médicaments essentiellement utilisés dans les hôpitaux, nous avons mis au point un cadre éthique pour aider le système hospitalier à distribuer du mieux possible la quantité limitée de produits que nous avions à notre disposition.
Donc, quelle était la priorité? En tête de liste, il y avait les patients dont la vie, les membres ou les organes étaient menacés — il fallait s'assurer d'avoir les médicaments nécessaires pour réaliser les opérations à cœur ouvert qui ne pouvaient pas attendre avant les opérations non urgentes. Une procédure complète a été mise en place.
Comment peut-on alors redistribuer les médicaments au sein d'un hôpital, aux autres hôpitaux de la région ou à d'autres régions? De quelle manière peut-on coopérer pour s'assurer de faire le meilleur usage possible des ressources limitées dont on dispose?
Les pharmacies ont été extraordinaires quand est venu le temps de collaborer pour déterminer quels médicaments pouvaient en remplacer d'autres. Il y a presque toujours une solution de rechange. Les médicaments de substitution ne sont peut-être pas aussi efficaces et doivent parfois être administrés différemment, ce qui peut coûter plus cher, mais ils permettent néanmoins de traiter les maladies d'une autre façon.
Dans le cadre des efforts déployés partout au pays, c'est un des aspects que nous avons cherché à renforcer pour être le plus cohérent possible dans l'intérêt des patients. C'est un outil qui aide les travailleurs du système de santé à gérer ce genre de pénuries. Ce qui compte pour chacun de nous, c'est d'optimiser les ressources disponibles pour soigner les patients.
La sénatrice Eaton : J'aimerais obtenir une réponse de chacun de vous. Sur une échelle de 1 à 10, à quel point la pénurie de médicaments est-elle grave? Le point critique est-il à 5, à 8,5? Y en aura-t-il une dans un proche avenir?
Mme Boyle : Je pense que la meilleure façon pour moi de vous répondre serait de me servir de notre portefeuille de contrats. Je ne parle donc pas de tous les médicaments administrés au pays, mais seulement de ceux de notre portefeuille. En 2013, 47 p. 100 de nos articles ont fait d'une manière ou d'une autre l'objet d'une pénurie, ce qui représente près de 2 000 articles. C'est beaucoup. Certaines pénuries étaient plutôt graves, tandis que d'autres ont été facilement gérées à l'échelle locale. On ne peut jamais prévoir ce qu'il en sera.
La sénatrice Eaton : Quarante-sept pour cent?
Mme Boyle : Quarante-sept pour cent de nos articles sous contrat ont fait l'objet d'une pénurie.
Le président : Écoutons la réponse.
Mme McArthur : J'aurais du mal à mettre un chiffre là-dessus, car, selon le médicament concerné, la pénurie ne met pas nécessairement de vies en danger. Je dirais 10.
Nous sommes confrontés à des pénuries de médicaments dans tout le système. C'est probablement d'autant plus vrai de nos jours. Si vous disiez que nous étions à 1 il y a 10 ans, je dirais que nous sommes maintenant probablement à environ 3 ou 4, car nous offrons une multitude de produits; il y a des solutions de rechange. Nous traversons tous les jours des pénuries, et chacune d'entre elles pourrait correspondre à 10 du jour au lendemain.
M. Johnston : Une partie de la réponse, c'est que la notion de pénurie n'est pas très bien définie. Parle-t-on de pénurie lorsqu'on se fait dire à la pharmacie : « On est mardi, et nous n'aurons pas ce médicament avant vendredi »?
La sénatrice Eaton : Eh bien, c'en est une lorsqu'on est malade.
M. Johnston : Exactement, si vous avez une maladie grave.
La sénatrice Eaton : Ou une infection, ou une pneumonie.
M. Johnston : Tout à fait. Par contre, si vous souffrez de quelque chose d'autre — et je ne veux pas en minimiser l'importance —, peut-on parler de pénurie?
C'est comme tout le reste. Il est impossible que le Canada ne manque jamais d'aucun médicament. Il faut faire des compromis quand vient le temps de trancher la question. Par conséquent, en quoi consiste la pénurie?
Lorsqu'on ne peut pas se procurer un médicament — et, comme l'a dit Mme Boyle, c'est arrivé avec 47 p. 100 de nos produits —, il faut également se poser la question suivante : y a-t-il une solution de rechange? Peut-on en prescrire un autre à la place? C'est ce qu'il faut gérer par la suite, et c'est le rôle de nos professionnels de la santé.
Le patient a-t-il souffert de la pénurie? Il a appris un mardi que son médicament n'était pas prêt, mais le pharmacien lui en a recommandé un autre, et après avoir consulté son médecin, ils ont conclu que c'était une bonne solution de rechange.
Donc, comme je l'ai dit, il faut déterminer si nous pouvons prescrire un autre médicament.
Je pense que les pénuries sont un problème de plus en plus fréquent qui demande sans aucun doute énormément de temps au distributeur qui doit essayer de se faire une idée des médicaments disponibles. Le grossiste fait exactement la même chose que le pharmacien : il essaie de déterminer si les 100 doses du produit X non disponible que son client a commandé peuvent être remplacées par 100 doses du produit Y. Il doit lui aussi examiner le guide des médicaments pour déterminer s'il y a une solution de rechange acceptable, et ensuite en faire part à son client.
C'est ce que fait chaque acteur de la chaîne de distribution en cas de pénurie. C'est un monde très complexe. Est-ce que ce l'est davantage qu'avant? Oui.
La sénatrice : Diriez-vous que cela correspond à un 3 ou à un 4?
M. Johnston : C'est différent. Je vais être plutôt ambivalent. Il y a plus de pénuries qu'avant, mais nous les gérons beaucoup mieux. Cela dit, serait-il préférable et plus économique qu'il y en ait moins? Tout à fait. Le système commence à devenir très bon pour les gérer, mais, de temps à autre, il fait face à un obstacle qu'il n'arrive pas à surmonter.
Le président : Docteur Doig, du point de vue de l'Association dentaire canadienne, à quel genre de pénurie sommes-nous confrontés? Elle s'aggrave, et pouvez-vous nous dire à quel chiffre elle correspond sur une échelle de 1 à 10?
Dr Doig : Lorsqu'on examine la pratique en clinique, on constate que les pénuries de médicaments affectent de diverses façons deux groupes parmi nos membres. Le premier est formé des praticiens généralistes qui prodiguent la majeure partie des soins dentaires généraux au Canada. À mon avis, les pénuries des dernières années ont eu pour eux une incidence relativement mineure. Je dirais donc que leur niveau de préoccupation correspond à un 2.
Ce groupe comprend des sous-ensembles qui ont souvent recours à la sédation par intraveineuse et à des médicaments contre l'anxiété. Ils ont donc été touchés davantage.
Il y a ensuite l'autre catégorie de dentistes, les spécialistes en chirurgie buccale et maxillo-faciale. La pénurie de médicaments a parfois eu des conséquences considérables pour eux.
Vous savez sûrement que la plupart des chirurgies buccales et maxillo-faciales se font à l'extérieur des hôpitaux, où les pénuries sont plus graves. Certaines interventions ont lieu dans les hôpitaux, et il y a bien entendu des répercussions importantes.
Je dirais que le niveau de préoccupation des praticiens généralistes est probablement de 2, tandis que celui des spécialistes en chirurgie buccale et maxillo-faciale tourne autour de 6 ou 7.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice Seidman : J'aimerais vous poser une question au sujet du site drugshortages.ca, auquel, il me semble, vous avez tous fait allusion. Le ministre de la Santé en a fait l'annonce en septembre 2013. L'objectif du site est de permettre aux fabricants de signaler toutes les pénuries de médicaments, qu'elles soient réelles ou appréhendées.
Je crois que HealthPRO et l'Association canadienne de la gestion de l'approvisionnement pharmaceutique étaient initialement représentés dans le comité directeur multilatéral qui a élaboré ou aidé à élaborer le site web. Le comité directeur en a-t-il profité pour déterminer comment en évaluer le succès? Avez-vous des données qui indiquent que des pénuries ont été évitées grâce au système de signalement?
Mme Boyle : Même si je n'ai pas participé à la création du site drugshortages.ca en tant que membre du Comité directeur multilatéral sur les pénuries de médicaments, j'avais tout de même lancé l'idée. Depuis 2002 environ, HealthPRO avait déjà son propre site web interne de signalement des pénuries.
Il y a place à l'amélioration. Le site pourrait être un peu plus efficace et la fonction de recherche un peu plus facile à utiliser. Je sais qu'au départ, le suivi de ceux qui diffusaient de l'information devait être un élément clé du site. Je ne peux pas vous dire avec certitude si on travaille là-dessus, mais j'en suis presque certaine, car on m'a dit qu'un contrôle sera exercé et qu'on s'assurera que les gens s'acquittent de l'obligation de signaler les pénuries.
Pour ce qui est de savoir si le site a permis d'éviter des pénuries, il faut comprendre qu'en signaler une ne revient pas à la prévenir. Le signalement permet toutefois d'atténuer les risques et aide les fournisseurs de soins de santé à déterminer ce qu'ils doivent faire pour gérer la situation. Ce qui est malheureux à propos des pénuries de médicaments — et, oui, nos fournisseurs de soins de santé les gèrent —, c'est qu'il faut passer des journées entières à s'en occuper alors qu'on pourrait plutôt soigner des patients. C'est un des problèmes.
M. Johnston : L'ACGAP a joué un rôle important dans l'élaboration du site web pour répondre au besoin de mieux communiquer l'information sur les pénuries.
J'ajouterais que dans les hôpitaux, lorsque les pharmaciens tentent de déterminer si les réserves de médicaments seront suffisantes, ils appellent d'abord les grossistes. Ce sont probablement eux qui ont les données les plus récentes, car ils peuvent vérifier ce qu'ils ont en stock et ce qu'ils peuvent expédier. En général, les pharmaciens s'adressent d'abord aux distributeurs et aux grossistes, mais le site web est important parce qu'il permet de voir ce que l'avenir nous réserve.
J'ajouterais également que les distributeurs consultent eux aussi le site web pour obtenir cette information, car ils ne sont pas prévenus plus tôt que les autres. Ils ne sont mis au courant d'une pénurie qu'au moment où ils ne reçoivent pas une commande. Nous sommes tous dans le même bateau. Ils sont seulement informés un peu plus tôt.
Quant au fonctionnement du site, je suis d'accord avec Mme Boyle pour dire qu'il n'empêchera pas une pénurie de médicaments. Il ne sert qu'à indiquer si les produits sont disponibles, quels produits sont disponibles et s'il y aura une pénurie. Pour ce qui est de savoir si les entreprises en font rapport, il y a une base de données. Toutefois, il faudrait se renseigner auprès de chacune des entreprises pour savoir si elles versent des données sur le site web.
La sénatrice Seidman : Si j'ai bien compris, le site web a été conçu pour que le fabricant signale le plus tôt possible toute pénurie prévue ou réelle d'un médicament, pour diffuser des renseignements sur les solutions de rechange possibles et pour donner des renseignements sur la durée prévue de la pénurie.
Savez-vous si les professionnels de la santé en sont satisfaits? Le Dr Doig a peut-être la réponse à cette question. Les professionnels de la santé sont-ils satisfaits des renseignements sur les médicaments de rechange, par exemple?
Dr Doig : D'après les commentaires que j'ai reçus de l'ensemble de la cohorte, les spécialistes en chirurgie buccale et maxillo-faciale, leur taux de satisfaction par rapport à la question des pénuries est en hausse. Donc, il y a eu une légère amélioration dernièrement. Ils sont toujours extrêmement préoccupés par la possibilité de pénuries à l'avenir.
La sénatrice Seidman : Les pénuries touchent-elles davantage les médicaments génériques ou les médicaments d'origine?
Dr Doig : Je crois que oui.
La sénatrice Seidman : Il y en a?
Dr Doig : Oui.
La sénatrice Seidman : Permettez-moi de poursuivre brièvement dans la même veine, parce que je pense que l'idée d'un système de signalement précoce, que vous tous mentionné, est liée au suivi, à la surveillance et au concept du signalement des pénuries possibles. Je souligne que les professionnels de la santé ont mentionné qu'il n'y a aucun mécanisme officiel qui leur permet d'être informés d'une pénurie de médicaments réelle ou prévue.
À votre avis, quel serait le meilleur mécanisme pour aviser les professionnels de la santé le plus rapidement possible?
Mme McArthur : Je pense que l'un des problèmes, c'est que le site web est un site passif. Donc, les professionnels de la santé doivent consulter le site au lieu de recevoir un avis personnalisé. Je pense que tous espéraient que l'on irait dans cette direction. Pour toute pénurie anticipée, il y aurait un avis préalable obligatoire, en cas de bris dans une usine, par exemple. Cela doit se faire à grande échelle. On ne parle pas d'un problème lié à un seul chargement dans la chaîne de froid. On parle de l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement. L'avis serait diffusé à grande échelle, ce qui nécessite un mécanisme centralisé. Si l'on veut maintenir activement à jour ces données, les exiger et les diffuser, je pense que la direction du gouvernement fédéral est nécessaire.
Souvent, ce sont les pharmacies qui nous signalent les pénuries. Nous n'en sommes pas informés d'avance par les fabricants ou les distributeurs. Donc, ce sont les détaillants qui nous informent des pénuries. C'est alors que nous enquêtons pour connaître l'ampleur de la pénurie et établir les liens entre les divers intervenants.
L'une des difficultés associées à cette approche de signalement, c'est que les gens de notre réseau de la santé sont passés maîtres de la collaboration lorsqu'il y a une pénurie quelque part. En fait, ils déplacent les produits, de façon très sécuritaire, ou ils commencent à les redistribuer eux-mêmes. Le milieu hospitalier est particulièrement axé sur la collaboration. Dans le réseau de commerce au détail, les pharmacies d'une collectivité se transfèrent des produits, ce qui leur permet de gérer les pénuries à l'échelle locale pendant un certain temps.
Lorsque l'on compare le Canada aux États-Unis, il est intéressant de voir que le système de gestion que nous avons dans le milieu est beaucoup plus solide. Les professionnels de la santé s'occupent du système parce que le système n'est pas conçu pour le faire lui-même.
Mme Boyle : Je dirais que nous commençons à peine à déterminer comment nous pourrions mettre en place un mécanisme de signalement adéquat. Aux États-Unis, les fournisseurs sont tenus d'aviser la FDA de toute interruption d'approvisionnement connue. À ce moment-là, la FDA procède à une estimation de l'inventaire et affiche les résultats sur son site web. En fait, aux États-Unis, il y a deux sites web.
Au Canada, nous cherchons actuellement à inclure dans notre modèle de passation de contrats une mesure incitative pour que les fournisseurs nous avisent. Toutefois, un tel modèle de passation de contrats ne sera pas en place avant deux ou trois ans. C'est ce que nous avons indiqué dans notre mémoire au sujet des pratiques exemplaires en matière de passation de contrats. Cela prendra du temps.
Il y a la question des renseignements exclusifs. Les fournisseurs sont donc réticents à divulguer trop de renseignements au public. L'autre problème, c'est que si vous divulguez les renseignements au public, à moins d'avoir mis en place un système de distribution très bon et très bien structuré, vous créerez des pénuries de médicaments ou des rumeurs, et les médicaments se retrouveront tout de même au mauvais endroit.
Nous n'en sommes qu'au début. Je pense certainement que le gouvernement a un rôle à jouer à cet égard. Il existe déjà une bonne relation entre Santé Canada et les fournisseurs sur les questions de communication et d'avis. Il reste beaucoup de travail à faire, mais c'est un élément essentiel si nous voulons vraiment éliminer les pénuries de médicaments en amont de la chaîne d'approvisionnement pour empêcher qu'elles ne se produisent en aval, comme ce que l'on voit aujourd'hui.
La sénatrice Seidman : Pas plus tard que ce matin, il y a eu un communiqué de presse intitulé « Ritalin shortage prompts call for Health Canada changes ». L'Ordre des pharmaciens du Québec dénonce le fait qu'on ne l'a pas informé d'une pénurie de médicaments. L'Ordre soutient que cela aurait pu être atténué si Santé Canada avait adopté une approche plus sévère à l'égard des sociétés pharmaceutiques. Je ne sais pas si vous savez comment cela s'intègre... Vous en avez parlé : vous dites que les organismes de réglementation fédéraux, les lois et Santé Canada, notamment, ont un rôle à jouer à cet égard.
Mme Boyle : Voilà où cela pose problème. Si c'est votre enfant qui a besoin de Ritalin, alors cette crise vous touche, et il est très difficile de jouer ce rôle. Je n'ai pas lu le communiqué de presse. Je ne connais donc pas la situation en détail.
Manifestement, nous voyons qu'il y a toujours des pénuries de médicaments antiépileptiques. Même si nous sommes en milieu hospitalier et que nous ne voyons pas nécessairement beaucoup de cas de ce genre, nous considérons certainement les médicaments pour le traitement de l'épilepsie comme des médicaments essentiels.
Encore une fois, nous cherchons à cerner les problèmes et à échanger des renseignements. Lorsque je parle de collaboration et de transparence, nous devons informer les fournisseurs de nos capacités : ce que nous voulons vraiment faire, ce dont nous pouvons nous occuper et les aspects pour lesquels nous avons vraiment besoin d'aide. Nous en sommes encore au début.
Je suis plus ou moins favorable à l'adoption d'une réglementation pour traiter de cet enjeu, car dès que des règles sont adoptées, certains les contournent. Il serait préférable de miser sur la collaboration. Nous n'en serions que mieux s'il n'y avait pas de pénuries.
Les fournisseurs et les grossistes veulent vendre leurs produits, les hôpitaux et les pharmacies de détail veulent avoir les produits. Si nous pouvons prendre des mesures de façon volontaire, nous y parviendrons plus rapidement que si nous obligeons les gens à faire quelque chose qu'ils pourraient peut-être contourner facilement.
La sénatrice Cordy : J'ai une question complémentaire. Plus tôt, vous avez indiqué que 47 p. 100 des médicaments inscrits étaient touchés par une pénurie. Madame Boyle, vous avez également parlé d'un cadre éthique national pour la distribution de médicaments — et Mme McArthur a abordé la question —, car vous ne voulez pas déterminer qui obtient le médicament et qui ne l'obtient pas.
Madame McArthur, vous n'avez pas utilisé le mot « national », mais je pense que vous avez parlé d'un cadre éthique. Comment procéderiez-vous pour créer un tel cadre? S'appliquerait-il à toutes les pénuries? Étant donné que 47 p. 100 des médicaments sont touchés par une pénurie, comment pourra-t-il être assez souple pour être mis en œuvre à l'échelle nationale et permettre en même temps de gérer toute pénurie qui pourrait survenir? Aussi, qui participerait à l'élaboration de cette stratégie éthique?
Mme Boyle : Je vais commencer, mais je pense que Mme McArthur serait mieux placée pour conclure sur ce point. Je sais que la Colombie-Britannique a aussi créé un cadre éthique lors de la crise liée à Sandoz. Deux provinces ont un cadre éthique. Si vous vous trouvez dans l'une d'elles, vous êtes en bonne posture.
Voici le problème auquel sont confrontés les gens à qui j'ai parlé : si vous avez un cadre éthique, que vous avez pris toutes les mesures adéquates pour la conservation du médicament et que vous prenez toutes les bonnes décisions, mais que la province adjacente est en pénurie et n'a pas fait grand-chose ou n'a pas de cadre éthique, cela signifie alors qu'on y a fait un très bon travail. Il y a des échanges et des déplacements de médicaments. Parfois, les médicaments sont déplacés parce que l'on n'a pas une chaîne du froid; ce ne sont pas des distributeurs. Or, le patient a besoin du médicament, alors les gens interviennent et font le nécessaire.
Il nous faut un cadre éthique national pour permettre les transferts entre provinces dans ce pays, pour que nous puissions transférer des produits d'une côte à l'autre ou du nord au sud s'il le faut. Nous devons pouvoir le faire en étant certains que tout se fait conformément aux mêmes règles.
Mme McArthur : Je dirais que nous sommes près d'un cadre éthique national. En raison de la situation liée à Sandoz, la Colombie-Britannique et l'Ontario ont réagi rapidement, et les deux provinces ont maintenant un centre d'éthique appliquée à la santé. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec notre centre et nous avons eu l'aide d'un éthicien pour l'élaboration de piliers pour la prise de décisions dans le réseau de la santé. Il s'agit d'un guide pour le réseau de la santé. Il ressemble beaucoup à celui de la Colombie-Britannique et nous en avons discuté avec nos homologues de la province, étant donné que nous sommes intervenus ensemble pour gérer les répercussions liées à Sandoz, parce que nous avons été touchés au même moment.
Au Canada, malgré les divers systèmes de soins de santé, il existe des choses qui permettent à une province qui n'a pas de pénurie d'aider une province avoisinante qui est dans cette situation, ce qui se produit à l'occasion. Nous avons un réseau de distribution robuste et bien intégré et nous avons aussi des chaînes de détail nationales. Dans le secteur du détail, ces deux éléments vont de pair.
Lorsqu'il y a des transferts entre hôpitaux, même à cela... Lorsque l'on regarde les collectivités frontalières, elles sont assez rapprochées. Les hôpitaux du nord-ouest de l'Ontario ont des liens très étroits avec ceux du Manitoba. Beaucoup de gens du nord-ouest de l'Ontario vont au Manitoba pour obtenir des soins, parce que c'est plus proche.
Il y a une culture de partage. Pourrait-elle être renforcée par un système de santé pancanadien ou une stratégie nationale sur les produits pharmaceutiques? Absolument. Cela augmenterait notre pouvoir, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle internationale. Cependant, nous surmontons les difficultés qui découlent de cette multiplicité des systèmes de santé et nous en tirons aussi des avantages.
La sénatrice Cordy : Donc, vous dites que nous allons dans cette direction. Le comité a parlé d'une stratégie nationale en matière de médicaments dans le passé. Nous vous en remercions.
Docteur Doig, vous avez indiqué, à juste titre, que le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et Santé Canada ont un rôle à jouer par rapport aux pénuries. Toutefois, vous avez également dit que les politiques de tiers et l'obligation qu'ont les sociétés pharmaceutiques de faire des profits ont incité de nombreux fournisseurs de produits pharmaceutiques à cesser de produire ces médicaments nécessaires, nous laissant avec un unique fournisseur. On pourrait supposer que ce serait plus coûteux, puisque vous nous avez indiqué que très souvent, ce sont les médicaments génériques qui sont en pénurie. Je me demande si vous pourriez nous en dire plus à ce sujet.
Dr Doig : Lorsque nous parlons de tiers, nous incluons le gouvernement dans ce groupe. Certaines politiques sur la désignation d'un fournisseur unique pour certains produits pharmaceutiques rendent la production non rentable pour les chaînes et les fabricants de produits pharmaceutiques autres que le principal fournisseur. Ils auront donc tendance à se retirer de ce marché, laissant ainsi un fournisseur unique. Si un problème chez ce fournisseur unique entraîne une pénurie, nous n'avons pas de source d'approvisionnement secondaire.
Un tiers — c'est-à-dire le gouvernement — peut se retrouver dans une situation dangereuse s'il autorise des marchés à fournisseur unique pour les médicaments, créant ainsi des pénuries potentielles dans certains secteurs.
La sénatrice Cordy : C'est arrivé dans le passé dans des marchés à fournisseur unique.
Dr Doig : En effet. Aux États-Unis, très récemment, il a été question d'un passage massif à un marché à fournisseur unique pour les produits pharmaceutiques, ce qui ne ferait qu'exacerber le problème.
Mme McArthur : Le gouvernement de l'Ontario n'a fait qu'effleurer la question des appels d'offres. Par le passé — et je pense que c'est ce dont le Dr Doig a parlé —, l'approche à cet égard a certainement été axée sur le meilleur prix. Aux États-Unis, des fabricants se sont retirés, c'est certain, puisque les grands hôpitaux et les OSSI cherchaient à obtenir le meilleur prix. Voilà la tendance que l'on observe dans divers secteurs à l'échelle mondiale; cela ne touche pas seulement le secteur de la santé. Il y a le rapport qualité-prix, la stabilité de l'offre, la garantie d'approvisionnement. Ce sont des éléments essentiels à de bons appels d'offres à l'avenir. Voilà le cadre en matière d'appels d'offres dont HealthPRO et Mme Boyle ont parlé. Tandis que nous envisageons la possibilité d'accroître le recours aux appels d'offres, il y a certainement là un équilibre à atteindre.
En garantissant l'approvisionnement, on garantit une stabilité pour les deux ou trois entreprises choisies. On garantit ainsi qu'elles resteront dans ce marché plus longtemps.
Il y a une attrition naturelle dans le secteur des produits pharmaceutiques. Lorsque le nombre de personnes qui utilisent un médicament est en baisse, il vient un temps où le fabricant détermine qu'il n'y a aucun endroit où la structure économique permettrait une production rentable du médicament. Voilà les situations pour lesquelles nous devons être préparés : lorsqu'un fabricant décide sciemment d'arrêter la production. Vous seriez surpris du nombre très rare de fois où l'on nous informe d'avance qu'un fabricant a pris une telle décision. Voilà un autre élément que nous devons intégrer dans le milieu pharmaceutique.
La sénatrice Cordy : Madame McArthur, vous avez également dit que le gouvernement fédéral a besoin de plus d'outils pour enrayer les pénuries — j'ignore si nous y arriverons un jour — ou pour les atténuer, du moins.
Mme McArthur : Ce qu'il faut, ce sont de plus grands partenariats à l'échelle internationale. Nous devons réfléchir davantage à l'utilisation des réserves nationales, aux exigences d'approbation réglementaire des médicaments qui arrivent sur le marché, et à la capacité d'approvisionnement des fabricants. Ceux qui demandent à vendre leurs produits au Canada devraient pouvoir démontrer qu'ils maintiendront un inventaire suffisant pour répondre aux besoins du marché. Il faut des outils pour accélérer les évaluations en situation de pénurie et pour évaluer rapidement les médicaments qu'on veut introduire et vendre au pays, s'ils font déjà l'objet d'un avis de conformité. On vend actuellement des médicaments en Europe et au Canada dont la formule et l'emballage diffèrent quelque peu. La forme ou la couleur du produit vendu en Europe n'est pas la même qu'ici. Même si le produit est pratiquement identique, nous aurions du mal à l'importer en cas d'épuisement des stocks au Canada. Le médicament a peut-être été évalué par un organisme reconnu pour avoir des normes équivalentes aux nôtres, mais pourtant, les règles et les règlements nous empêchent de l'importer rapidement.
Ces règles empêchent aussi nos fabricants de produits génériques, qui s'occupent des petits volumes et qui souhaitent mondialiser leur production, de s'approvisionner sans problème à cette source de production.
[Français]
La sénatrice Chaput : Mes premières questions vont s'adresser à Mme Boyle. Si je comprends bien, HealthPRO est un organisme de regroupement d'achats qui négocie des achats de masse pour des clients au Canada.
Vous avez mentionné que vos 800 membres étaient des hôpitaux. Est-ce que vous vendez à d'autres organismes à part des hôpitaux? Et est-ce que vous achetez seulement des médicaments que vous vendez aux hôpitaux ou est-ce que vous offrez aussi des services?
[Traduction]
Mme Boyle : Merci beaucoup. En effet, nous ne faisons que vendre à nos 800 hôpitaux membres, pour l'instant. Nous sommes dans la plupart des provinces, mais seulement sur le marché hospitalier. C'est notre mandat. Nous ne vendons pas au détail comme le veut la coutume; s'il y a un problème ou une pénurie au détail ou dans le milieu communautaire, les détaillants et les hôpitaux tireront les choses au clair entre eux. Puisqu'il est bien plus simple de transférer au besoin un médicament dans le milieu que de faire venir un patient à l'hôpital pour le traiter, il y a une grande collaboration à l'échelle locale en contexte de pénurie.
La sénatrice Chaput : Offrez-vous des services?
Mme Boyle : Non, pas en principe. Nous nous considérons comme un organisme de groupement d'achat offrant un service complet puisque nous ne nous limitons pas aux achats. Nous avons créé un site web pour nos membres en cas de pénurie de médicaments. Nous pouvons dire que nous offrons un service lorsqu'un fournisseur doit payer la différence en cas de pénurie, conformément aux pénalités prévues au contrat. Ainsi, si un hôpital doit se procurer le médicament ailleurs, le fournisseur encourt une pénalité. Nous offrons à nos hôpitaux de récupérer l'argent et de gérer cette transaction à leur place.
Nous n'offrons pas le service de composé pharmaceutique. Au fond, nous vérifions à quel endroit de la chaîne d'approvisionnement pharmaceutique nos membres ont besoin de soutien, et nous les aidons si nous le pouvons. Les hôpitaux n'ont toutefois rien à défrayer puisque nous le faisons pour tous nos membres.
[Français]
La sénatrice Chaput : Combien de médicaments achetez-vous et comment faites-vous le choix de ces médicaments? Est-ce que ce sont les hôpitaux qui vous disent ce dont ils ont besoin? Et comment se fait ensuite la vente des médicaments aux hôpitaux?
[Traduction]
Mme Boyle : Notre base de données compte 5 700 articles. Nous n'avons pas réussi à passer des contrats pour un certain nombre d'entre eux, et d'autres sont des fournitures, comme des fioles, des sacs, des seringues orales ou des articles que les hôpitaux peuvent acheter. Il ne s'agit pas exclusivement de produits pharmaceutiques, mais nous en avons quelque 3 700 sous contrat — auxquels s'appliquent les 47 p. 100 dont j'ai parlé. Comment choisissons-nous? Nous suivons les règles d'affaires qui s'appliquent aux appels d'offres. Nous suivons aussi les directives d'approvisionnement des provinces, comme les pratiques d'approvisionnement plus ouvertes du secteur public ontarien, l'Accord sur le commerce intérieur à l'échelle nationale, et toutes les directives en matière d'approvisionnement des provinces de l'Ouest.
Lorsque nous faisons appel aux marchés, toutes ces procédures nous obligent à préciser au fournisseur les éléments qui sont importants à nos yeux et les critères que nous appliquerons pour juger leurs propositions. Nous lançons donc une demande de propositions sur le marché. Lors du dernier cycle d'attribution de marchés de HealthPRO, le prix ne comptait que pour 33 p. 100 de la décision. La qualité du produit, qui concerne directement la sécurité du patient, comptait pour 37 p. 100. Nous avions accordé 15 p. 100 à la gestion de la qualité et au rendement du fournisseur. En septembre 2011, nous avons créé une nouvelle division sur la sécurité des approvisionnements. Nous avons jugé le rendement des fournisseurs directement en fonction de leur capacité à gérer les pénuries de médicaments. Du total de 100 points qu'un fournisseur pouvait obtenir dans le processus d'approvisionnement, 12 étaient directement liés à leurs véritables pratiques et à leur rendement en situation de pénurie.
Lorsque nous accordons un contrat, nous évaluons l'emballage et l'étiquetage en fonction de nos normes. Nous évaluons la proposition financière du fournisseur, sa garantie d'approvisionnement et dans quelle mesure il a respecté son taux de remplissage, puis nous accordons une note à la proposition de chacun en fonction de nos critères préétablis. C'est le fournisseur qui obtient le meilleur résultat qui décroche le contrat.
Nous disons toujours que s'il y a un problème en matière de santé et de sécurité du patient ou du professionnel, c'est une exception à la règle; les règles élargies du secteur public nous permettent d'aller de l'avant, mais c'est effectivement très rare.
La sénatrice Chaput : Votre organisme est-il à but non lucratif?
Mme Boyle : Oui, nous sommes un organisme à but non lucratif fondé sur le modèle coopératif.
La sénatrice Chaput : Ah, je vois.
Mme Boyle : Tous les revenus de l'organisation sont redistribués à nos membres sous forme de dividendes. Puisqu'il s'agit d'une ristourne aux membres, l'argent leur revient au prorata de leur participation.
La sénatrice Chaput : Vos membres sont des hôpitaux, n'est-ce pas?
Mme Boyle : C'est exact.
La sénatrice Chaput : Il peut s'agir de tout centre hospitalier. Les sélectionnez-vous?
Mme Boyle : Nous serions ravis que tous les hôpitaux du Canada soient membres de notre organisation. Permettez-moi de préciser que nous avons comme membres deux ou trois centres pour enfants de l'Ontario; ce ne sont pas des hôpitaux à proprement parler, mais ils font partie du secteur public.
La sénatrice Chaput : Aucun centre ou foyer pour personnes âgées ne compte parmi vos membres?
Mme Boyle : L'organisation des centres pour personnes âgées est bien différente selon la province. La plupart sont privés et s'approvisionnent auprès d'organismes provinciaux. Mais dans certaines provinces, leur structure organisationnelle est quelque peu différente, et la ligne est un peu floue entre les centres pour personnes âgées du milieu et les hôpitaux.
La sénatrice Chaput : C'est fascinant. Puis-je vous demander votre budget total annuel?
Mme Boyle : La valeur totale de nos contrats?
La sénatrice Chaput : À peu près, oui.
Mme Boyle : Je crois que les contrats que nous gérons représentent environ 800 millions de dollars.
La sénatrice Chaput : Combien d'employés avez-vous approximativement?
Mme Boyle : Nous sommes 11 aux services pharmaceutiques, ce qui comprend du personnel en Colombie-Britannique. J'ai un employé en Alberta qui sert nos membres de la province. Les employés viennent aussi en aide à l'administration centrale.
Le sénateur Enverga : Je vous remercie de vos exposés. Puisqu'il semble que les pénuries soient inévitables pour certains produits pharmaceutiques, ma question porte sur la gestion de celles-ci. Où nous situons-nous par rapport à d'autres pays? Je sais que nous faisons mieux que les États-Unis, mais qu'en est-il des pays européens, ou de l'Australie peut-être? Où se situent nos procédures de gestion des pénuries par rapport aux leurs?
M. Johnston : Je pourrais répondre. Sur le plan de la distribution des produits, le système canadien est reconnu mondialement comme un des meilleurs en cas de pénurie, ou même avant, grâce à sa sûreté, sa sécurité et son efficacité, ce dont nous sommes très fiers. Il se compare avantageusement à celui des États-Unis, de l'Europe et d'ailleurs. En fait, nous sommes un étalon-or sur le plan de la distribution des médicaments. Comme je l'ai dit, plus de 95 p. 100 des produits pharmaceutiques passent par un distributeur au Canada. La distribution est fiable à plus de 99 p. 100. Et de toute l'histoire des produits pharmaceutiques qui sont passés par un distributeur, nous ne pouvons trouver aucun exemple de produit altéré dans le système.
Lorsqu'on lit ou qu'on apprend qu'une personne a reçu un produit de mauvaise qualité, un placebo ou ce genre de choses, c'est habituellement parce qu'elle est sortie du système et a acheté le médicament sur le web, sur une plage des Caraïbes ou ce genre de choses. Mais pour les patients qui restent au Canada, le système est sûr, sécuritaire et efficace.
Dans ce contexte, les distributeurs eux-mêmes travaillent beaucoup en partenariat avec les fabricants et les gouvernements pour déterminer comment distribuer les produits en situation de pénurie. Ils ont aussi leur propre système de filtre qui empêche une organisation ou un emplacement de trop commander par rapport à son habitude et d'accumuler un médicament, en quelque sorte.
Le sénateur Enverga : Eh bien, il semble que nous ayons ce qu'il y a de mieux. D'après les témoignages, il n'existerait rien de mieux, mais je ne crois pas que le système soit encore parfait.
Rencontrez-vous des obstacles que nous pourrions vous aider à écarter?
M. Johnston : Le principal obstacle est la non-disponibilité du produit. C'est au coeur même de la pénurie. Nous sommes très forts pour gérer le produit tant qu'il n'y a pas de pénurie; je pense que nous avons tous parlé de la façon dont les travailleurs de la santé et le secteur privé joignent leurs efforts pour y arriver. Le problème survient lorsqu'il manque de produits.
Le sénateur Enverga : Si un produit n'est pas disponible, y a-t-il une autre façon de faire? Existe-t-il une meilleure solution?
M. Johnston : Je pense que les professionnels de la santé se basent sur des arbres décisionnels qui les amènent à demander, en cas de manque de médicaments, s'il existe un autre traitement médical pouvant remplacer le produit. Il faut donc se tourner vers ce genre d'arbres décisionnels.
Si le produit peut être expédié d'un endroit à un autre et qu'une région du pays est touchée par la pénurie, mais pas une autre, c'est à ce moment que les distributeurs entrent en jeu, comme Mme McArthur l'a dit.
N'oubliez pas que sur le plan de la distribution des produits pharmaceutiques, 50 à 60 p. 100 de tous les établissements au Canada, comme les hôpitaux, les établissements de soins de longue durée ou les pharmacies, qui passent une commande en matinée recevront le produit en après-midi, s'il est disponible. Dans tous les cas, pour une commande placée en matinée, le produit arrivera au plus tard le lendemain matin. Nous avons donc accès à ce genre de distribution rapide et précise.
Voilà pourquoi les pharmacies ou les hôpitaux n'ont aucune raison de conserver un énorme volume d'un produit qui se trouve dans le système. En situation de pénurie dans une région du pays, les distributeurs peuvent déplacer le produit d'un endroit à un autre puisqu'ils l'ont en stock et que les établissements devraient en commander selon leurs besoins.
Le président : N'en dites pas plus, à moins d'avoir un autre argument à présenter, car vous avez tous parlé de votre rapport avec la distribution. Je vous accorderai la parole si vous avez autre chose à dire, sans quoi je vais devoir poursuivre.
Mme McArthur : J'allais expliquer ce qu'il se passe en situation de pénurie et la façon de gérer celle-ci plus efficacement. Ce qu'il faut, c'est une voix forte et centralisée. En cas de pénurie à l'échelle nationale, il faut un point névralgique.
Le gouvernement fédéral est naturellement bien placé pour intervenir et pour jouer ce rôle de premier plan. C'est vraiment essentiel. Sinon, nous travaillerons dans tous les sens.
Le sénateur Enverga : Il s'agit ici de la distribution des services ou des pénuries. Puisque nous parlons du Canada, qu'en est-il des Premières Nations? Avez-vous un plan particulier pour ces collectivités? Je parle notamment des collectivités inuites.
Mme Boyle : Je peux répondre. Je sais que les Premières Nations sont représentées lors de nos conférences téléphoniques bimensuelles avec les provinces et les territoires; elles sont donc consultées.
La sénatrice Seth : Merci de vos exposés.
Je pense que je vais encore poser la même question, mais d'une manière différente. En ce qui concerne les pénuries de médicaments, pourquoi le problème touche-t-il davantage les Canadiens que les Américains, les Européens et les autres? Pourtant, la consommation et la demande de médicaments sont moins importantes ici qu'à ces endroits.
Est-ce parce que l'administration des aliments et des drogues est très stricte ici? Mme Boyle a dit que la lenteur du processus est attribuable à la difficulté d'importer les médicaments, aux règles et aux règlements. M. Johnston a parlé de la chaîne du froid. Est-ce un facteur déterminant qui entraîne des délais? Je comprends qu'un médicament qui s'altère pendant l'entreposage ne peut pas être utilisé. Pourquoi les pénuries frappent-elles davantage le Canada? Comment allons-nous améliorer les choses? Nous sommes une petite nation comparativement à d'autres, comme les États-Unis, l'Europe et le reste, nous rencontrons pourtant ce problème. Pourquoi en est-il ainsi?
Mme Boyle : Je pense que ce qui a touché le plus durement le Canada comparativement à d'autres, c'est ce qui s'est passé chez Sandoz; l'usine a dû prendre des mesures d'assainissement et limiter sa production à 60 p. 100. Or, Sandoz avait de nombreux clients au Canada. Même si l'usine Sandoz alimente d'autres pays, la plupart de ses produits étaient expédiés ici. Voilà pourquoi la crise a surtout touché le Canada, et que d'autres ne l'ont pas nécessairement ressentie.
La plupart des autres pénuries sont mondiales et touchent tout le monde.
Bon nombre des usines de fabrication stériles qui sont actuellement en difficulté et ne fonctionnent pas à plein régime se trouvent aux États-Unis et exportent une bonne partie de leur production au Canada. Nous sommes touchés directement par notre propre industrie, et indirectement par la situation aux États-Unis. La menace nous guette donc sur ces deux tableaux.
Mme McArthur : J'aimerais commenter la situation chez Sandoz puisque le fabricant avait planifié sa décision. En fait, on nous a dit que cette décision n'a pas été prise ici, mais plutôt à l'étranger puisque l'entreprise n'est pas de propriété canadienne. Elle appartient à une société pharmaceutique européenne, qui n'a pas nécessairement tenu compte du marché canadien en ne nous donnant pas un préavis qui nous aurait permis de créer une réserve, puis de gérer la diminution des stocks pendant que l'usine modernisait ses installations pour des raisons de qualité.
Il existe un autre élément qui joue un rôle dans cette pénurie. On porte de plus en plus attention, et avec raison, au contrôle de la qualité. Aux États-Unis, la FDA se montre de plus en plus sévère à ce chapitre, et c'est généralement une bonne chose. Mais nous devons nous demander à quel point ce contrôle devient trop strict. Où se trouve le juste équilibre entre les risques relatifs au coût et à la qualité que présente une pénurie afin d'assurer une pureté supérieure à long terme, et comment assure-t-on cet équilibre? C'est là qu'entrent en jeu la planification avancée et les avis que toutes les sociétés doivent communiquer aux Canadiens quand elles prennent ce genre de décisions.
La sénatrice Seth : Je voulais vous poser une question sur la chaîne du froid.
M. Johnston : La chaîne du froid sera la même pour tous les pays.
La sénatrice Seth : Est-ce que cela se produit plus fréquemment ici?
M. Johnston : Si une pénurie survient dans la chaîne du froid, ce serait pour les mêmes raisons que celles qui touchent d'autres régions du globe. Un produit limité en raison de ses besoins dans la chaîne du froid ici le serait tout autant aux États-Unis, en Europe ou ailleurs. Je ne pense pas que ce soit un problème propre au Canada.
Le président : Docteur Doig, dans votre exposé, vous avez fait une observation très intéressante et très importante parmi toutes celles que vous avez formulées.
En ce qui concerne les anti-inflammatoires non stéroïdiens, qui ne figurent pas sur la liste des médicaments assurés de la Direction des services de santé non assurés en ce qui concerne vraisemblablement l'atténuation de la douleur ou de l'inconfort, vous avez laissé entendre que dans bien des cas, il existerait un bon produit de remplacement aux médicaments qui sont sur cette liste. Pourquoi ces produits n'y figurent-ils pas?
Dr Doig : L'anti-inflammatoire non stéroïdien Toradol est un cas particulier. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens constituent une catégorie de médicaments qui ont deux fonctions. Ils ont tous les deux des propriétés anti-inflammatoires et antidouleur. Il en existe beaucoup sur le marché, et ils ont divers degrés d'efficacité et différents effets sur la douleur et l'inflammation.
Ils fonctionnent tous essentiellement de la même manière, en bloquant une fonction enzymatique des prostaglandines dans la cascade; ils agissent donc de manière périphérique et non centrale. Ils bloquent la perception de douleur, alors qu'un narcotique agit de façon centrale en bloquant essentiellement la réception de la sensation.
Il y a une vingtaine d'années, Santé Canada a émis une recommandation où il demandait aux dentistes d'éviter de prescrire des médicaments contenant de la codéine aux gens des Premières Nations et de le remplacer par un autre médicament si possible. C'est environ vers cette période que le Toradol est arrivé sur le marché.
Le Toradol est très efficace. Si on l'utilise bien, il constitue probablement un bien meilleur antidouleur que la codéine, laquelle est, bien entendu, le médicament dont on abuse le plus dans les communautés des Premières Nations.
Peu après son lancement sur le marché, ce médicament a été retiré de la liste des médicaments assurés; on nous a indiqué que c'était en raison de son coût. À l'époque, un comprimé de Toradol coûtait environ huit fois plus qu'un comprimé de codéine. Comme il n'a pas été remis sur la liste, les dentistes qui pratiquent des chirurgies ne peuvent malheureusement pas utiliser de non-narcotiques pour atténuer l'inconfort parce que la Direction des services de santé non assurés n'en couvrira pas le coût. Ils sont donc obligés de prescrire un narcotique.
Le président : C'est intéressant. En ce qui concerne l'utilisation de ce médicament en particulier, il n'existe peut-être pas de marché pour son utilisation continue à long terme, mais le coût total réel par patient pourrait peut-être finir par diminuer.
Dr Doig : Certainement.
Le président : C'est cependant un exemple très important du problème, et vos propos ne m'étonnent pas.
À cet égard, madame Boyle, j'aimerais faire suite à ce que vous avez dit sur le fait que 47 p. 100 des médicaments de votre catalogue ont fait l'objet d'une pénurie quelconque, si je vous comprends bien. Mais quel pourcentage de ce 47 p. 100 de médicaments, de ce groupe particulier de produits, sont des médicaments génériques?
Mme Boyle : La plupart sont des médicaments génériques. Si je me souviens bien, 88 p. 100 des produits touchés par une pénurie sont des médicaments génériques.
Le président : Si nous restons avec ce groupe, ces 47 p. 100 de médicaments de votre catalogue, pourriez-vous évaluer le nombre de cas où un médicament de remplacement pourrait exister? Il ne figure peut-être pas sur la liste des médicaments assurés de la province concernée, mais pour quel pourcentage du total existerait-il un médicament de remplacement quelque part sur le marché, selon vous?
Mme Boyle : Je vais faire une supposition, mais je pense que ce serait un pourcentage élevé, de 75 à 80 p. 100, si ce n'est davantage. Si 88 p. 100 des médicaments sont génériques, les autres viennent évidemment d'un fournisseur unique, auquel cas il faudra se rabattre sur un autre traitement; mais dans la plupart des cas, il y a une solution de rechange aux médicaments génériques.
Le président : Est-il arrivé souvent que le médicament de rechange figure également sur la liste des médicaments assurés ou soit interdit? Ce que j'essaie de dire, c'est que je sais comment fonctionnent ces listes et que les médicaments n'y figurent pas toujours.
Mme Boyle : En cas de pénurie, je ne pense pas que les hôpitaux s'en tiennent nécessairement aux listes. Ils cherchent à soigner le patient. C'est probablement sur le plan de la gestion de la douleur que le problème est le plus criant, car une pénurie de médicaments antidouleur peut survenir alors que des patients en soins palliatifs ont besoin de grandes quantités de médicaments. En cas de pénurie, la situation est très difficile à gérer, parce que même dans le meilleur des cas, c'est tout un défi de tenter de distribuer ce médicament à l'échelle du pays alors qu'un patient peut avoir besoin d'une énorme quantité de médicaments pendant 10 jours.
Le président : Je pense que vous pouvez tous voir où je veux en venir avec ma question sur la pénurie de médicaments. C'est la différence entre une situation où il n'existe peut-être qu'une solution de remplacement pour un médicament radioactif ou biologique ou un autre médicament qui ne peut être remplacé par aucun autre, et une autre situation où il y existe en fait un éventail de médicaments approuvés par Santé Canada ou la FDA, habituellement par les deux, pour une indication particulière. Le fait qu'un médicament qui se trouve sur la liste soit touché par une pénurie ne créera pas nécessairement de problème sur le plan de la santé.
Je pense que M. Johnston nous a donné un bel éventail d'exemples, qu'il pourrait certainement étoffer encore, pour démontrer que la pénurie est, dans une certaine mesure, une affaire de perception. J'entends par là que le problème a de nombreuses facettes et qu'on peut l'interpréter et y réagir de bien des façons. Voilà pourquoi il importe que nous ayons une certaine compréhension du problème afin de formuler des recommandations judicieuses au lieu de traiter de problèmes qui sont compliqués en raison de la division des soins de santé des provinces et des listes de médicaments assurés. Nous voudrions que vous nous aidiez à comprendre ces problèmes pour que nous fassions des recommandations qui pourraient réellement avoir un effet bénéfique.
Je suis désolé de m'acharner encore sur vous, madame Boyle. J'espère que ce n'est pas ainsi que vous le prenez. Vous nous avez donné des chiffres précis, qui sont toujours utiles à avoir.
J'ai été frappé par la pondération utilisée quand vous évaluez des sources. Si je vous ai bien comprise, en calculant le résultat, vous accordez 37 p. 100 à la qualité. Je suis certain que vous avez une explication différente de la question que je m'apprête à vous poser, car on pourrait croire qu'on exigerait absolument une certaine fiabilité au chapitre de la qualité plutôt qu'un chiffre pour faire un achat. Je veux comprendre comment la pondération de 37 p. 100 accordée à la qualité s'applique dans votre évaluation.
Mme Boyle : D'accord. Oui, quand Santé Canada approuve un médicament, il est d'une qualité suffisante pour être vendu et utilisé sur les patients qui en ont besoin au Canada.
Cependant, quand on inclut le produit dans la chaîne d'approvisionnement d'un hôpital et qu'il est injectable, il faut porter attention à l'étiquetage du produit, à sa couleur et aux autres substances également présentes dans la fiole. Contient-il un agent de conservation? On ne peut en administrer aux nouveau-nés. Y a-t-il du latex? Il faut faire très attention de savoir si la fiole en contient. Quand le produit est utilisé dans une unité de soins à deux heures du matin et que la police de caractères est de 0,6, la sécurité des médicaments pourrait être menacée. Ce sont là les principaux éléments que nous évaluons pour déterminer quel produit convient le mieux à la chaîne d'approvisionnement de l'hôpital.
Le président : Voilà qui est très utile et qui démontre en fait qu'il s'agit vraiment d'examiner un produit pour s'assurer qu'il comble le besoin pour lequel on l'achète.
Cela nous amène au fait que tous les médicaments génériques ne sont pas identiques, même pour une indication donnée, parce que la fabrication diffère souvent d'un produit à l'autre. Même s'ils doivent satisfaire aux exigences de Santé Canada, on sait bien que la nature ou la composition de la pilule entière a une influence sur la dissémination des ingrédients actifs dans le corps.
Tous ces facteurs compliquent la question des médicaments de remplacement dans ce domaine. Vous m'avez donné un éclaircissement très important, et je vous en remercie.
Le sénateur Eggleton : J'ai deux brèves questions, dont une porte en fait sur un sujet dont vous avez parlé il y a un instant. Elle a également un lien avec quelque chose que M. Johnston a dit plus tôt quand il a indiqué qu'on pouvait peut-être remplacer 100 doses d'un produit X par le même nombre de doses d'un médicament Y.
Comment ces substitutions fonctionnent-elles avec les listes de médicaments assurés et, par conséquent, les régimes d'assurance-médicaments des différentes régions du pays?
Cette question concerne peut-être davantage les pharmacies de détail que les hôpitaux, mais est-ce que les gens peuvent aisément faire payer leurs médicaments s'il s'agit d'un produit de remplacement? Est-ce parfois impossible, selon vous? Comment cela fonctionne-t-il?
Mme McArthur : En Ontario, si on ne peut avoir un médicament générique, la pharmacie entame un processus afin d'exempter la marque. Si cette marque est toujours disponible et qu'on nous facture, nous payons le prix de la marque, pas le coût de distribution. Le patient ne verrait donc pas de différence.
Par exemple, si Teva fabrique une version d'un produit et que cette version n'est pas disponible, on se tournerait en premier vers la version d'Apotex. C'est ainsi qu'on procéderait. Pour la vaste majorité des gens, il n'existe pas de différence entre les produits génériques. Il y a lieu de s'inquiéter pour les épileptiques, dont un faible sous-groupe est très sensible à cet égard. Nous avons rencontré bien des difficultés sur ce plan.
Le sénateur Eggleton : Mais il existe une assez bonne souplesse.
Mme McArthur : Oui.
Le sénateur Eggleton : Ma prochaine question s'adresse à vous, qui avez évoqué le Système de la réserve nationale d'urgence. Est-ce l'Agence de la santé publique qui le gère?
Mme McArthur : Oui.
Le sénateur Eggleton : À votre avis, comment ce système pourrait-il contribuer à atténuer le problème de pénurie?
Mme McArthur : Je pense qu'il y a certains types de produits. Peut-être devrions-nous faire une réflexion sur les types de produits dont nous avons absolument besoin pour continuer de considérer les vaccins ou les modes de réaction aux pandémies de la même façon. Y a-t-il des médicaments que nous devrions envisager à cet égard? Nous pouvons renforcer cette capacité afin de maintenir en tout temps une réserve au pays pour que nous disposions d'un tampon si une pénurie se produit parce qu'un tsunami a frappé l'endroit où l'ingrédient actif est fabriqué ou une manufacture à l'étranger. Nous disposerions alors de la capacité et d'un plan dans le système pour avoir le produit.
Le sénateur Eggleton : Je crois qu'il existe un comité de travail. Qui pourrait indiquer à ce groupe ou à l'Agence de la santé publique les produits qu'on devrait avoir en réserve?
Mme McArthur : Il pourrait s'agir de responsables du réseau hospitalier, probablement des gens du domaine des soins de longue durée et des spécialistes clés du secteur communautaire. Ils travailleraient fort probablement dans des domaines spécialisés. Je suis consciente que nous devons considérer une série d'autres services qui dépendent accessoirement des médicaments auxquels nous ne pensons habituellement pas, comme les dentistes. Il est peu probable que leurs produits figurent parmi les médicaments les plus essentiels qu'il faut absolument avoir en stock, mais il faut les garder à l'esprit.
Le sénateur Eggleton : Il serait plutôt difficile d'essayer de prédire l'endroit où on conserverait ces médicaments, n'est-ce pas? Vous avez parlé d'un tsunami; or, on ne sait jamais quand un tel phénomène se produira.
Mme McArthur : Pour certains produits, il existe beaucoup moins de solutions de rechange.
Le sénateur Eggleton : Je vois. C'est le critère.
Mme McArthur : Ces produits seraient essentiels, car ils permettent de sauver des vies. Ils sont indispensables. Nous pouvons toutefois nous passer de la codéine.
M. Johnston : Je voudrais simplement ajouter quelque chose au sujet des réserves de médicaments essentiels et formuler un conseil à cet égard, pas seulement au sujet des produits qu'il faudrait avoir en réserve, mais aussi sur la manière dont on les conservera. Ces produits expirent et doivent faire l'objet d'une rotation et d'une panoplie de précautions.
Le gouvernement fédéral pourrait investir massivement pour acheter une grande quantité de produits, qui devraient être jetés après un an ou quelques mois parce qu'ils sont expirés. Une fois les produits entreposés dans un immense magasin au Manitoba, comment les acheminera-t-on en Nouvelle-Écosse? Comment les distribuera-t-on?
Je pense qu'une occasion se présente à cet égard. Vous nous avez demandé qui il faudrait consulter au sujet des produits à garder en réserve. Or, les distributeurs n'auraient pas leur mot à dire sur la question. À mesure que vous progressez dans cette voie, vous pourriez demander aux distributeurs de vous aider à comprendre comment entreposer les produits dans le cadre d'un système efficace, comme il en existe actuellement.
Le sénateur Enverga : Ma question s'apparente à celles de la sénatrice Seth. Vous avez indiqué, dans une des conclusions qui figurent dans votre document, qu'« il faut plus de transparence, surtout pour ce qui est de la boîte noire du processus d'examen fédéral. » Pourriez-vous nous en dire davantage au sujet de cette boîte noire? Qu'a-t-elle de si secret?
Mme McArthur : Nous n'avons aucune idée de ce qui se passe lors de l'examen réglementaire que Santé Canada effectue au sujet d'un nouveau médicament qui arrive au pays ou d'un produit qui doit remplacer un médicament pendant une pénurie. Nous ignorons qui est convoqué. Ainsi, si le ministère demande un avis de conformité, nous ne savons pas si le fabricant en a présenté un. Les champs de compétences nous posent un problème de taille. Même quand nous planifions dans une période où il n'y a pas de pénurie, mais que nous tentons de savoir quels médicaments seront mis sur le marché, cela influence la manière dont nous choisissons les médicaments que nous ajouterons aux listes de médicaments assurés; mais nous n'avons aucune idée de ce qui se passe.
Nous ignorons complètement la nature des discussions et des preuves qui sont présentées à Santé Canada. Nous n'avons pas d'information sur la manière dont l'étiquetage, avec les indications sur l'utilisation et les restrictions, est négocié avec le fabricant, car la décision ne dépend pas que de Santé Canada; elle est le fruit d'une négociation avec le fabricant du médicament. Nous ignorons quels compromis sont accordés au cours des négociations. Tout ce que nous savons, c'est qu'un médicament est approuvé au bout du processus.
En cas de pénurie, nous ne savons donc pas si un fabricant étranger tente de faire approuver son produit par Santé Canada pour pallier la pénurie avant que nous ne soyons à court de médicaments. Nous ignorons ce qui se passe, voilà le problème.
Le sénateur Enverga : Pensez-vous qu'une meilleure communication améliorerait la situation?
Le président : Nous nous sommes penchés sur la question des approbations lors de notre premier examen; nous ne nous étendrons donc pas plus longtemps sur le sujet. Vous évoquez toutefois...
Mme McArthur : Quelque chose que vous avez déjà entendu.
Le président : Oui, et nous avons fait rapport de la question et formulé des recommandations au sujet de la transparence.
Vous nous avez aidés. Je vous ai laissée parler sur ce point pour donner quelques indications au sénateur, car il ne faisait pas partie du comité à ce moment-là. Nous n'examinerons pas davantage la question aujourd'hui, cependant.
La sénatrice Eaton : Je poserais très brièvement une dernière question. Vous avez indiqué que 70 p. 100 des produits que vous distribuez aux hôpitaux sont des médicaments génériques. Qu'en est-il des produits non génériques? Font-ils tout autant l'objet de pénuries? J'ai besoin de vos lumières à cet égard.
Mme Boyle : Non, il n'y a pas autant de pénuries de médicaments non génériques. Les fabricants sont généralement des innovateurs qui détiennent un brevet pour un produit qu'ils sont les seuls à fabriquer. Ils possèdent toute l'information.
La sénatrice Eaton : La question comprend donc une facette économique également.
Mme Boyle : Il y a des pénuries ici aussi, et elles sont plus graves parce qu'il faut trouver une source quelque part dans le monde ou recourir à un produit complètement différent, ce qui n'est pas nécessairement dans l'intérêt du patient.
Le président : Merci. Les questions dont vous avez traité ont aidé le comité à comprendre ce domaine fort complexe. L'important, c'est de pouvoir détecter la possibilité d'une pénurie quelque part. Vous avez été clairs à ce sujet; nous savons que dans d'autres domaines, une telle situation peut se présenter pour un certain nombre de raisons, et vous avez étoffé nos connaissances.
Une fois que vous serez partis d'ici et que vous réfléchirez à ces questions — qui vous préoccupent tous, vous qui représentez un grand nombre de gens dans vos domaines respectifs —, si vous pensez pouvoir nous conseiller une manière de recueillir, en cette ère moderne de l'électronique, de l'information qui permettrait de prévoir les pénuries de médicaments, nous serions heureux de recueillir vos observations. S'il vous vient des idées, veuillez nous les communiquer par l'entremise de la greffière.
Je n'entrerai pas dans les détails maintenant, mais nous avons appris, dans le cadre des divers examens que nous avons effectués, comme celui réalisé au nom du Parlement sur la pandémie de H1N1, que les pharmaciens sont souvent parmi les premiers informés des éclosions de maladies, si on peut dire, et pourraient peut-être prévoir de quels médicaments on pourrait avoir besoin. Ce n'est qu'une facette de l'affaire, mais elle a un lien avec l'idée d'une base de données permettant de détecter une hausse soudaine des chiffres à cet égard.
Du point de vue des distributeurs, des rapports avec les manufacturiers et des connaissances sur ce qui se passe à l'échelle mondiale, nous connaissons la réponse à une des questions posées plus tôt au sujet de la fabrication de médicaments. Dans le cadre d'une étude précédente, un témoin nous a indiqué que les ingrédients ou les composantes actifs utilisés dans le processus de fabrication — des produits clés — viennent de plusieurs pays. Il n'est donc pas simple de recueillir des données.
Vous possédez tous une expérience considérable, et notre rôle consiste à prodiguer au gouvernement et aux organismes des recommandations qui peuvent réellement avoir des effets bénéfiques. Nous vous serions donc très reconnaissants de continuer de réfléchir à ces questions et de contribuer à nos travaux après votre départ.
Sur ce, je tiens à vous remercier au nom du comité d'avoir témoigné et de vous être efforcés d'apporter des éclaircissements au sujet des questions que nous vous avons posées. Je remercie aussi mes collègues encore une fois.
(La séance est levée.)