Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 7 - Témoignages du 27 février 2014
OTTAWA, le jeudi 27 février 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 29, pour faire une étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada (sujet : La nature des conséquences involontaires de l'emploi de produits pharmaceutiques sur ordonnance).
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je m'appelle Kelvin Ogilvie, je suis sénateur de la Nouvelle-Écosse et président du comité. J'invite mes collègues à se présenter, en commençant par la sénatrice Seidman, à ma droite.
La sénatrice Seidman : Je m'appelle Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de St. John's, à Terre-Neuve.
La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, de Toronto.
[Français]
Le sénateur Rivard : Bonjour, je m'appelle Michel Rivard, sénateur du Québec.
Le sénateur Maltais : Bonjour. Ghislain Maltais, sénateur du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Dyck : Lillian Dyck, de la Saskatchewan.
La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Chaput : Maria Chaput, du Manitoba.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto, et vice-président du comité.
Le président : Je souhaite la bienvenue à nos invités ce matin.
Je rappelle que nous en sommes à la quatrième étape de notre étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance, et que dans cette partie de notre étude, nous nous penchons sur la nature des conséquences involontaires de l'emploi de ces produits. Aujourd'hui, nous allons aborder les préoccupations sur le plan de l'environnement.
Nous accueillons Karen Dodds, sous-ministre adjointe de la Direction générale des sciences et de la technologie, à Environnement Canada, accompagnée de Joanne Parrott, chef des Essais biologiques et évaluations de la toxicité.
Madame Dodds, la parole est à vous.
[Français]
Karen Dodds, sous-ministre adjointe, Direction générale des sciences et de la technologie, Environnement Canada : Je vous remercie de votre invitation d'aujourd'hui pour venir discuter des aspects de votre étude actuelle sur les conséquences non intentionnelles des médicaments sur ordonnance au Canada.
[Traduction]
Comme le président l'a dit, je suis la sous-ministre adjointe de la Direction générale des sciences et de la technologie et, ce matin, je parle au nom de l'ensemble du ministère. Comme vous le savez, Environnement Canada est un ministère à vocation scientifique, et plus de la moitié de notre budget annuel est affecté aux activités scientifiques. Le personnel scientifique représente plus de la moitié de nos effectifs, notamment des chercheurs scientifiques — dont Mme Parrott fait partie —, des spécialistes des sciences physiques, des ingénieurs, des biologistes, des chimistes, des météorologues, des technologues et des gestionnaires scientifiques.
Les sciences d'Environnement Canada fournissent les connaissances, les données et les outils nécessaires pour élaborer et évaluer les politiques, les programmes et les services d'EC de manière à ce que les Canadiens bénéficient d'un environnement propre, sécuritaire et durable.
Le personnel de la Direction générale des sciences et de la technologie effectue une grande partie de la recherche et de la surveillance environnementales qui permettent au ministère de remplir son mandat. J'ai été invitée comme témoin dans le cadre de votre étude pour vous parler de nos travaux de recherche et de surveillance dans le domaine des produits pharmaceutiques ainsi que du Réseau de surveillance des produits pharmaceutiques et de soins personnels.
Nos recherches et notre surveillance comprennent le suivi des incidences sur l'environnement de la vaste gamme de substances et de produits chimiques préoccupants. Dans certains cas, les produits pharmaceutiques et les produits de soins personnels sont mis dans cette catégorie à cause des effets toxiques possibles de l'exposition à ces produits sur l'environnement et la santé humaine.
Je vais d'abord vous fournir des renseignements généraux au sujet des secteurs de responsabilité d'Environnement Canada sur le plan des sciences ainsi que de l'évaluation et de la gestion des risques, puis je vous décrirai les raisons pour lesquelles nous exerçons une surveillance et menons des recherches au sujet de ces produits.
Dans le milieu scientifique, ces produits sont souvent regroupés. Tout au long de mes remarques, je vais essayer de mettre l'accent sur les produits pharmaceutiques, mais je ferai également allusion aux produits de soins personnels, là où cela s'applique.
Une partie du mandat d'Environnement Canada consiste à réduire les menaces que constituent les substances toxiques et les déchets pour les Canadiens de même que leurs répercussions sur l'environnement. Une grande partie des travaux scientifiques qui permettent de remplir ce mandat sont menés dans le cadre du Plan de gestion des produits chimiques, qu'Environnement Canada gère en collaboration avec Santé Canada depuis que le programme a été lancé en 2006. La principale autorisation législative pour le Plan de gestion des produits chimiques est la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999), ou simplement la LCPE de 1999.
[Français]
La recherche et la surveillance menées par Environnement Canada jouent un rôle important dans l'exécution du plan de gestion des produits chimiques et, plus généralement, dans l'avancement des connaissances sur la présence et les effets des substances dans l'environnement qui présentent certains risques pour l'environnement ou pour la santé humaine. Les produits pharmaceutiques et de soins personnels (PPSP) font partie de ces travaux.
Le but de cette séance est de soutenir la prise de décision reposant sur des faits, sur les plan, les règlements et les politiques de façon à ce que les mesures appropriées puissent être prises pour mieux protéger l'environnement et le public contre les menaces environnementales.
[Traduction]
Pourquoi ces produits nous préoccupent-ils à Environnement Canada? Pour saisir l'arrière-plan de la discussion d'aujourd'hui, il faut comprendre ce que sont les produits pharmaceutiques et de soins personnels (les PPSP) et les risques qui sont associés à la présence de ces substances dans l'environnement.
Comme vous le savez, les PPSP sont composés de milliers de substances chimiques. Les produits pharmaceutiques sur ordonnance font partie de cette catégorie de produits chimiques, tout comme les médicaments thérapeutiques en vente libre, les médicaments vétérinaires, les vitamines, les cosmétiques et d'autres choses comme les produits de protection solaire.
Normalement, quand il est question de polluants, nous pensons aux produits chimiques, mais les effets des PPSP peuvent être très différents de ceux des polluants conventionnels. Les produits pharmaceutiques sont des composés chimiques biologiquement actifs qui ont précisément été conçus pour interagir avec des récepteurs cellulaires à faibles concentrations et pour causer certains effets biologiques. Sinon, les humains ne les prendraient pas.
Cela nous amène à nous demander si certains PPSP peuvent être des perturbateurs endocriniens, soit des substances qui perturbent les activités des hormones naturelles de tous les organismes, notamment ceux des humains. En vertu de l'article 44 de la LCPE, Environnement Canada est chargé de mener des recherches sur les substances hormonoperturbantes.
En général, les produits pharmaceutiques sont délibérément conçus pour être difficiles à décomposer et à métaboliser dans le corps humain. Par conséquent, ils peuvent se trouver dans des déchets humains et animaux, être transportés par les eaux usées et les boues d'épuration traitées et aboutir dans les milieux aquatiques et le sol. Par ailleurs, les PPSP peuvent s'infiltrer dans l'environnement à cause des résidus de fabrication de produits pharmaceutiques et du fait que les médicaments ne sont pas éliminés de la bonne manière.
Nos travaux et ceux d'autres personnes ont démontré que les produits pharmaceutiques et de soins personnels sont présents dans notre eau. De plus, les recherches semblent indiquer que certains médicaments peuvent causer des dommages écologiques. La présence de produits pharmaceutiques dans l'environnement soulève des questions sur l'existence, le sort, les effets et les risques de ces composés biologiquement actifs.
Plusieurs choses nous inquiètent, notamment le fait que les PPSP risquent de s'infiltrer dans l'environnement et les réseaux d'égouts, qui ne sont pas conçus pour l'enlèvement des PPSP. En outre, de nombreux PPSP ont des conséquences inconnues une fois qu'ils sont dans l'environnement. Ils pourraient également contribuer aux effets environnementaux cumulatifs, qui résultent de la combinaison, de l'interaction et des répercussions sur l'environnement de nombreuses activités humaines. Ces deux facteurs accroissent la complexité des mesures à prendre pour relever le défi environnemental.
Par ailleurs, le nombre de PPSP augmente de plus en plus en raison de la croissance démographique et la croissance des marchés. Il y a plus de produits sur le marché, et nous sommes mieux en mesure de déceler les PPSP dans l'environnement. En plus de certains antibiotiques et stéroïdes, plus de 165 PPSP ont été décelés dans les échantillons d'eau en 2014.
Environnement Canada mène des recherches et une surveillance afin de mieux comprendre les risques associés à la présence des PPSP dans l'environnement. Nous exerçons une surveillance pour déceler la présence de certains produits partout au Canada, dans l'eau, les sédiments et les poissons. Nous menons des recherches sur les effets des PPSP — par exemple, sur les poissons, les mollusques et les crustacés — ainsi que la recherche et le développement d'outils visant à améliorer la détection de produits chimiques dans l'environnement et à mieux en examiner les effets. Le financement de ces travaux est assuré en grande partie dans le cadre du Plan de gestion des produits chimiques.
[Français]
Environnement Canada assure un leadership et une expertise scientifique dans le cadre du plan de gestion des produits chimiques afin d'évaluer l'étendue et les effets des PPSP dans l'environnement canadien. Les scientifiques d'Environnement Canada travaillent avec les ministères fédéraux et provinciaux ainsi qu'avec des universités afin d'élaborer et de valider des méthodes permettant de mesurer les produits pharmaceutiques dans l'environnement et de fournir les renseignements scientifiques nécessaires pour évaluer leurs risques. Par exemple, les scientifiques d'Environnement Canada entretiennent une collaboration continue avec Santé Canada afin de mener des recherches sur les PPSP relevés par Santé Canada en tant que substances prioritaires en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
[Traduction]
Le Réseau de surveillance des produits pharmaceutiques et de soins personnels a été établi en 2008 au sein de la Direction de la science et de la technologie de l'eau d'Environnement Canada afin de coordonner les efforts internes en matière de recherche sur les PPSP et de surveillance de leur présence dans l'environnement.
Au cours des années précédant la formation du réseau, Environnement Canada a collaboré à une série d'ateliers sur les PPSP dans l'environnement avec plusieurs partenaires, notamment Santé Canada, le gouvernement de l'Ontario et le Réseau canadien de l'eau. Pour donner suite à ces travaux, Environnement Canada, a déterminé qu'il lui fallait mieux organiser ses efforts internes pour s'attaquer au nouveau défi environnemental complexe que posent les PPSP. Le Réseau de surveillance des PPSP comprend nos experts ainsi que nos sites de surveillance. Le réseau exerce ses activités sous l'égide de divers programmes et initiatives à Environnement Canada, notamment le Plan de gestion des produits chimiques et la nouvelle approche axée sur les risques visant à renforcer notre programme de surveillance de la qualité de l'eau.
Environnement Canada, avec l'appui de Santé Canada, surveille une liste d'environ 120 PPSP dans les eaux de surface de certains bassins hydrographiques de l'ensemble du Canada, en s'appuyant sur l'expertise et les travaux du Réseau de surveillance des PPSP.
Bien qu'il s'agisse d'un réseau interne d'Environnement Canada, nous ne travaillons pas en vase clos. Le partenariat et la collaboration constituent des éléments essentiels de tous les travaux scientifiques entrepris à Environnement Canada. Dans le cadre du Plan de gestion des produits chimiques, par exemple, il existe des comités officiels et des structures permettant de faciliter l'échange de renseignements et d'établir des liens. Cela permet aux responsables des programmes et des politiques de prendre connaissance des travaux scientifiques afin de les aider à gérer les programmes et à prendre des décisions. Le Réseau de surveillance des PPSP d'Environnement Canada contribue à ces efforts en fournissant une expertise interne, en établissant des liens avec les travaux d'initiatives précédentes et en tirant parti de ces travaux pour poursuivre nos efforts de même qu'en offrant une tribune pour renforcer les liens entre les experts dans les domaines de la recherche scientifique, des risques et de la réglementation — ce qui contribue au succès du Plan de gestion des produits chimiques.
[Français]
Environnement Canada a réalisé des recherches de calibre mondial sur les effets des composés individuels et a élaboré des techniques raffinées pour mesurer les PPSP dans les échantillons difficiles à manipuler tels que les boues d'épuration et les eaux usées. Les évaluations de ces composés individuels et la capacité de détecter les petites quantités infinitésimales, les nanogrammes et picogrammes de PPSP sont importantes. Toutefois, elles sont plus pertinentes lorsqu'elles sont jumelées à l'évaluation des eaux usées municipales véritables qui contiennent un mélange de PPSP.
[Traduction]
Puisque beaucoup des nouveaux contaminants préoccupants sont découverts dans des produits qui aboutissent normalement dans les eaux usées, une surveillance et des recherches ont été entreprises dans le cadre du Plan de gestion des produits chimiques. Celles-ci ont pour objectif de mesurer et d'identifier les produits chimiques que l'on retrouve dans les eaux usées, de déterminer où ces produits chimiques s'infiltrent dans les eaux usées et dans quelle quantité, de même que d'en évaluer les répercussions.
L'une des contributions scientifiques exceptionnelles d'Environnement Canada a été d'évaluer les véritables effets des effluents urbains au Canada dans des environnements réels. Ces études constituent l'une des forces d'Environnement Canada et sont importantes du fait qu'elles prennent en considération le mélange de PPSP et d'autres contaminants conventionnels dans les eaux usées ainsi que les facteurs qui compliquent les choses, telles que la dilution et les variables environnementales, notamment la température, la lumière et la sensibilité des espèces.
En évaluant si les poissons sauvages et les invertébrés en aval des effluents des eaux usées survivent, grandissent et se reproduisent normalement, nous pouvons en dire beaucoup sur les effets des mélanges de PPSP dans un environnement réel. Ces travaux sont importants parce que, dans l'environnement, les organismes sont exposés à des mélanges de substances, jamais à des composés isolés.
Les travaux de surveillance et de recherche de ce genre ont permis de confirmer que les effluents municipaux possèdent, entre autres, des propriétés susceptibles de perturber le système nerveux et les glandes endocrines, notamment l'immunotoxicité et la génotoxicité pouvant féminiser les moules et les poissons dans les écosystèmes canadiens. Des études menées par Environnement Canada, en collaboration avec les Universités de Waterloo et du Nouveau-Brunswick ainsi qu'avec la Canadian Rivers Institute, sont les premières au Canada à avoir permis d'attester la condition d'intersexualité chez les poissons sauvages recueillis dans les rivières en aval des rejets d'eaux usées municipales. Des constatations semblables ont été faites dans le cadre d'autres études, notamment d'autres que nous avons effectuées.
Une recherche approfondie de la littérature didactique sur les produits pharmaceutiques dans l'environnement produira de nombreux exemples de recherches effectuées par les scientifiques d'Environnement Canada. Par exemple, entre 2003 et 2010, ceux-ci ont publié 78 articles scientifiques essentiellement axés sur la perturbation endocrinienne, un sujet communément associé à la recherche sur les effets des PPSP.
Pour situer les choses dans leur contexte, Environnement Canada était le plus grand producteur canadien d'articles portant sur la perturbation endocrinienne, avec environ 25 p. 100 de la production canadienne, suivi par le ministère des Pêches et des Océans et l'Université de Guelph.
J'espère que j'ai adéquatement expliqué le rôle que joue Environnement Canada relativement à la compréhension des incidences environnementales potentielles des produits pharmaceutiques. Notre approche à l'égard de cette recherche est d'aborder les questions prioritaires et les risques environnementaux relevés dans le Plan de gestion des produits chimiques, qui est appuyé par un processus d'évaluation rigoureux des risques.
L'objectif de la surveillance et des recherches menées par Environnement Canada est de mieux éclairer la prise de décision sur la protection réglementaire et environnementale. À mesure que nous progressons, il sera important de continuer à améliorer la sophistication de nos tests et de nos techniques de recherche afin de mieux nous préparer à comprendre les effets cumulatifs généraux des produits pharmaceutiques et de soins personnels dans l'environnement. Merci beaucoup.
Le président : Merci, madame Dodds.
Le sénateur Eggleton : En parlant du Réseau de surveillance des produits pharmaceutiques et de soins personnels, vous avez dit que bien qu'il s'agisse d'un réseau interne à Environnement Canada, vous ne travaillez pas en vase clos. Le partenariat et la collaboration sont des parties essentielles de tous les travaux scientifiques entrepris à Environnement Canada.
Collaborez-vous avec des organismes communautaires, des ONG, qui sont préoccupés par les questions liées aux produits pharmaceutiques et de soins personnels et à leurs répercussions sur notre eau?
Mme Dodds : Oui, et de différentes manières. À quelques reprises, j'ai parlé du Plan de gestion des produits chimiques, soit le cadre dans lequel nous gérons les produits chimiques et dont les produits pharmaceutiques et de soins personnels constituent une catégorie. Ainsi, dans le cadre du Plan de gestion des produits chimiques — et il se peut que je ne dise pas les noms exacts —, j'ai une collègue, Nicole Davidson, dont les activités sont liées de plus près au Plan de gestion des produits chimiques, nous avons un conseil consultatif, un conseil ou un comité, qui inclut des organisations non gouvernementales. Je sais qu'Environmental Defence en a déjà fait partie. Il y a également un comité scientifique composé exclusivement de scientifiques qui nous donnent des conseils. Je sais que nous participons à des réunions de spécialistes qui rassemblent les gens pour discuter de la question des produits pharmaceutiques et de soins personnels.
Le sénateur Eggleton : En ce qui concerne ce que vous appelez les efforts internes du Réseau de surveillance des produits pharmaceutiques et de soins personnels, pourquoi l'information n'est-elle pas davantage communiquée au public, à différents organismes, aux milieux universitaires et à notre collectivité, qui pourraient les analyser de plus près et écrire sur le sujet?
Mme Dodds : Nous incitons tous nos scientifiques à publier l'information. J'ai mentionné qu'ils avaient publié 78 articles scientifiques en 7 ans. Au bout du compte, tous les renseignements que nous recueillons sont généralement rendus publics dans les documents scientifiques.
Environnement Canada a été l'un des premiers ministères à suivre l'initiative du gouvernement, « gouvernement ouvert », avec ce que nous appelons la « science ouverte », et à faire en sorte que les données brutes soient rendues accessibles le plus tôt possible. Il nous faut adopter une démarche structurée parce que nous n'avons tout simplement pas les ressources qu'il faut pour rendre toutes les données accessibles en même temps par voie électronique, mais nous nous efforçons de communiquer de plus en plus de données, non seulement dans les publications scientifiques, mais en les diffusant à grande échelle.
Le sénateur Eggleton : À l'heure actuelle, l'information du réseau est vraiment diffusée à l'interne, et il est difficile pour les gens de la consulter afin de faire d'autres études.
Joanne Parrott, chef, Essais biologiques et évaluation de la toxicité, Environnement Canada : En fait, en 2014, on a publié un document qui portait sur des travaux du réseau, la présence de composés antibiotiques, analgésiques, anti-inflammatoires et antifongiques dans cinq procédés de traitement des eaux usées; les données sont donc accessibles. Ce sont des documents scientifiques, mais ils sont accessibles. Il est également important de mentionner que lorsque Environnement Canada mène ce type d'étude et qu'il examine les différences saisonnières dans les procédés de traitement et ce qui entre dans une usine de traitement et ce qui en sort, c'est bien d'avoir toute l'information et on préfère normalement ne pas avoir de données fragmentaires dans le cadre du processus de surveillance. C'est un document récent, mais c'est un exemple de ce que le réseau produit.
Le sénateur Eggleton : J'ai essayé de trouver des documents sur tout cela et, effectivement, il y en a. Il s'agit de sources américaines. Comme vous l'aurez remarqué, et je vous remercie de votre présence aujourd'hui, aucun autre organisme ne fait d'analyse sur les efforts déployés au Canada. Je suis ravi de ce que vous faites, mais je me demande ce qui explique une si grande absence. Nous avons invité deux organismes, mais pour une raison que j'ignore, ils ne sont pas venus.
Ma dernière question portera sur une publication américaine, car je crois qu'il est pertinent qu'on en parle dans le cadre de notre discussion. Elle a été écrite par un organisme américain et l'auteure s'appelle Mae Wu. Elle propose cinq mesures qui sont particulièrement pertinentes pour les produits pharmaceutiques.
Premièrement, elle soutient qu'il faut améliorer la conception des médicaments. Les médicaments devraient être conçus de manière à ce que les composés d'origine ou leurs métabolites s'ils sont biologiquement actifs, ne restent pas présents dans l'environnement. Il faudrait donc améliorer la conception en tenant compte des questions environnementales.
Deuxièmement, elle propose de resserrer le processus d'approbation de la FDA — ce qui pourrait aussi s'appliquer à nous — en ce sens qu'elle doit tenir compte des répercussions sur l'environnement en exigeant que des évaluations environnementales rigoureuses soient faites avant de donner son approbation. Je présume que l'auteure parle des nouveaux médicaments.
Troisièmement, il faut améliorer les méthodes de production des produits pharmaceutiques. Elles doivent être modifiées afin qu'elles produisent moins de déchets. L'adoption de principes de chimie verte favoriserait la diminution des déchets biologiquement actifs qui sont produits.
Quatrièmement, il faut réduire l'utilisation inutile de produits pharmaceutiques. Nous avons eu des discussions sur le sujet. La prescription et l'utilisation excessives de produits pharmaceutiques, tant pour les humains que pour les animaux, sont de principaux facteurs de contamination.
Cinquièmement, il faut éliminer les produits pharmaceutiques de façon plus sécuritaire. L'auteure affirme que des groupes ont commencé à créer des programmes de retour de produits aux États-Unis. J'imagine qu'il s'agit de rapporter aux pharmacies les médicaments qui n'ont pas servi plutôt que de les jeter dans les égouts. Elle suggère également que les pharmaciens renseignent les patients sur les méthodes d'élimination lorsqu'ils viennent chercher leurs médicaments prescrits.
L'auteur fait cinq suggestions. En tentant compte du contexte canadien, qu'en pensez-vous?
Mme Dodds : Dans un contexte canadien, je crois que toute personne responsable de la réglementation relative à la protection de l'environnement appuierait fermement ces mesures visant à empêcher le rejet de produits chimiques inquiétants dans l'environnement. Bien que cela ne soit pas de notre ressort, tous les aspects dont vous avez parlé valent vraiment la peine d'être pris en considération.
Je souligne que, et je n'en ai pas parlé parce que, encore une fois, ce n'est pas de notre ressort, lorsque Santé Canada approuve des médicaments, il fait une évaluation environnementale comparable à ce que nous faisons dans le cadre de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Lors de l'élaboration de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, on a entre autres reconnu que certains produits chimiques sont régis par d'autres lois, mais qu'on doit toujours examiner ce qui est rejeté dans l'environnement, comme l'exige la LCPE, et Santé Canada le fait.
La sénatrice Seidman : Je veux revenir sur votre exposé et vous poser quelques questions précises.
À de nombreuses reprises, vous avez parlé de recherche et de surveillance. À ce sujet, vous avez dit plus précisément que l'une des questions importantes pour établir le contexte de notre discussion aujourd'hui est de connaître non seulement les produits, mais également les risques qui sont associés à la présence de ces substances dans notre environnement. En vous appuyant sur vos activités de recherche et de surveillance, pourriez-vous nous indiquer certains des risques importants qu'il nous faudrait peut-être connaître?
Mme Dodds : Pour la catégorie des produits pharmaceutiques et de soins personnels dans son ensemble, et je vais demander à ma collègue de me corriger si je me trompe, mais je crois que la perturbation endocrinienne est l'enjeu qui suscite le plus de préoccupations. Nous savons que cela suscite des préoccupations, et l'une de nos responsabilités consiste à essayer de comprendre les risques. Des études très récentes portent sur le sujet et j'ai un autre document scientifique ici dans lequel on examine en quelque sorte certaines questions importantes. Entre autres, on inscrit cela dans le contexte de certains autres produits chimiques qui contaminent notre environnement. L'industrie produit un grand nombre de produits chimiques différents, et Environnement Canada utilise diverses méthodes de surveillance en fonction des différents produits chimiques qui se retrouvent dans l'eau, l'air, les sédiments et la faune. À l'heure actuelle, les produits pharmaceutiques et de soins personnels ne feraient pas partie des 5 principaux éléments, ni même des 10 premiers. En ce qui concerne les problèmes de charge excessive en éléments nutritifs dans les eaux, par exemple, nous sommes encore préoccupés par la présence de phosphate dans l'environnement provenant de diverses sources. De toute évidence, les produits pharmaceutiques et de soins personnels sont un enjeu. À mesure que la population vieillit et que l'industrie offre de plus en plus de produits, nous voulons nous assurer que nous connaissons leurs effets sur l'environnement et que nous savons où ils peuvent se retrouver dans l'environnement.
En ce qui concerne les propositions des scientifiques américains, comme celle d'améliorer la conception, ce serait merveilleux si elles se concrétisaient. Le produit est utilisé, il a un effet bénéfique et personne n'a à s'inquiéter de ce qui se passera par la suite. Nous avons encore du chemin à faire.
La sénatrice Seidman : Évidemment, pour des questions de santé, ces médicaments sont très importants, et si je comprends bien, il est donc important de connaître les effets environnementaux cumulatifs et, comme vous l'avez si bien souligné dans votre exposé, la combinaison de tous les produits chimiques qui se retrouvent dans l'environnement. Évidemment, les activités de surveillance jouent un rôle essentiel à cet égard, et comme le sénateur Eggleton, je dois moi aussi vous poser des questions sur ce volet. J'aimerais savoir dans quelle mesure on est actif à cet égard. Il est très difficile de le savoir en visitant le site web du Réseau de surveillance, car son contenu est archivé depuis février 2014. Je ne sais pas ce qu'il faut en conclure, compte tenu de ces enjeux. Ce serait bien si vous nous aidiez à comprendre cela.
Mme Dodds : J'ai parlé brièvement d'une approche axée sur les risques que nous suivons pour la surveillance de la qualité de l'eau en général. Environnement Canada surveille la qualité de l'eau dans des centaines de lieux au Canada. On évalue les risques, on établit les raisons pour lesquelles il faut examiner la qualité de l'eau, comme la densité de la population, les usines de traitement des eaux usées, la place importante de l'industrie, mais nous voulons également nous pencher, par exemple, sur les rivières du Nord qui sont probablement plus propres; restent-elles relativement propres?
Dans notre approche axée sur les risques, nous examinons un certain nombre de facteurs et nous continuons. Par exemple — et nous pouvons fournir un exemplaire aux sénateurs s'ils le souhaitent —, voici un graphique illustrant les concentrations de différents produits pharmaceutiques et de soins personnels trouvés. On parle de parties par billion. Les concentrations sont encore très faibles.
Si les résultats de notre recherche suscitent vraiment des préoccupations, notre système de surveillance commence le travail automatiquement. Les recherches ne nous permettent pas encore de dire qu'il faut le faire tout le temps, partout. Ce ne serait pas une bonne façon d'utiliser nos ressources et dans certains cas, ce serait comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Toutefois, évidemment, dans un endroit où la population est dense, dans un centre urbain, on risque davantage de trouver ce type de produits. Dans ce cas-ci, les recherches ont été effectuées dans les environs de Hamilton, une région très densément peuplée.
Le président : Nous aimerions que vous remettiez le document à la greffière, s'il vous plaît.
Mme Dodds : Je ne sais pas si vous voulez que je le fasse circuler.
La sénatrice Seidman : J'essaie encore de bien comprendre. Le réseau de surveillance mène-t-il des activités? Le site web n'est pas actif, mais le réseau l'est-il?
Mme Dodds : Nous avons les scientifiques. Nous avons les liens. Avons-nous un réseau de surveillance officiel?
Mme Parrott : Dans le cadre du Plan de gestion des produits chimiques, des gens examinent différentes usines de traitement des eaux usées du pays, les produits pharmaceutiques qui y entrent et qui en sortent, et l'efficacité des usines. À l'heure actuelle, le réseau travaille principalement à l'aide de fonds provenant du Plan de gestion des produits chimiques et il évalue environ 120 différents produits pharmaceutiques et de soins personnels qui sont présents dans les effluents, dans le but d'analyser la variabilité saisonnière, de savoir si certains types de traitement fonctionnent mieux que d'autres et de confirmer les résultats.
Lorsque nous faisons une évaluation des risques d'un produit pharmaceutique commercialisé et utilisé au Canada, il vient toujours un moment où l'on fait des prédictions sur la concentration du produit dans l'environnement. On prédit le nombre de personnes qui l'utilisent, la concentration qui se retrouve dans les eaux usées et l'on dit quelle proportion se retrouve dans la rivière. Toutefois, il ne s'agit que d'une prédiction. Le réseau de surveillance se demande par la suite si la prédiction était vraie. Pour l'évaluation des risques, il est vraiment important de dire « voici de quelle façon nous avons procédé, mais nous voulons maintenant vérifier si nos méthodes utilisées pour évaluer les risques sont bonnes ». À l'heure actuelle, le réseau travaille principalement dans le cadre du PGPC.
La sénatrice Seidman : Je vais encore essayer d'obtenir des précisions, si vous me le permettez. Vous parlez de la surveillance de vos recherches. Si le réseau de surveillance ne mène pas vraiment d'activités, et il avait été conçu pour cela en 2008, et ce n'est de toute évidence pas le cas, vous accumulez tout de même beaucoup de renseignements. Comment les rendez-vous accessibles? Comment sont-ils utilisés? Sont-ils utilisés pour élaborer des politiques ou des règlements au pays?
Mme Dodds : Joanne a donné quelques explications à cet égard et j'y ai fait référence également. Quand nos scientifiques font leurs travaux, ils diffusent les données scientifiques qu'ils recueillent d'au moins deux façons. Il y a tout d'abord la production habituelle d'articles scientifiques, ce qui constitue la priorité des scientifiques et la norme dans la communauté scientifique. Ils participent à des conférences, communiquent leurs données dans des articles et des communications affichées et produisent des publications scientifiques. Comme je l'ai dit dans mon exposé, les scientifiques d'Environnement Canada ont publié 78 articles, et c'est donc un peu surprenant que le sénateur Eggleton ne soit pas arrivé à trouver des publications canadiennes, étant donné que nous en avons produit 78 sur ce type de question.
On appuie également les décisions sur les politiques et la réglementation. Le Plan de gestion des produits chimiques, qui finance cela, tient des réunions annuelles de scientifiques pour discuter de leurs découvertes, et chaque année, on établit les priorités sur les travaux qu'il reste encore à effectuer. Comme Joanne l'a dit, nous finançons encore les travaux portant sur la détection de produits pharmaceutiques et de soins personnels dans les effluents des eaux usées.
Mme Parrott : Et dans les affluents.
Mme Dodds : Ce qui entre de l'usine de traitement des eaux usées et ce qui en sort.
La sénatrice Seidman : Je pense que je n'irai pas plus loin, mais à mon avis, si l'on mène toutes ces activités de surveillance et de recherche, il faut que ce soit pour une raison, et il faut que cela aboutisse à l'élaboration de politiques pour le bien des Canadiens.
Mme Dodds : Absolument.
La sénatrice Seidman : C'est ce que je souhaiterais voir émaner de ce type de programme.
Mme Dodds : Vous avez tout à fait raison. Par exemple, Environnement Canada a des règlements sur les effluents des fabriques de pâtes et papiers. La situation est à peu près la même; on craint que ce type d'industrie rejette des produits chimiques préoccupants dans l'environnement, et nous devrions réglementer. On commence par mener des travaux scientifiques : y a-t-il des produits chimiques préoccupants? Oui. Leur concentration est-elle inquiétante? Oui. Et nous réglementons ensuite. Ce que nous essayons de dire maintenant en ce qui concerne les produits pharmaceutiques et de soins personnels, c'est que leur présence ne nécessite pas de réglementation. Lorsqu'on instaure des règlements, on veut également qu'il y ait des effets concrets.
Joanne essayait également d'expliquer que les usines de traitement des eaux usées ne fonctionnent pas toutes de la même façon. Les méthodes de traitement diffèrent d'une usine à l'autre. Ainsi, les travaux consistent en partie à déterminer quelles méthodes pourraient être efficaces, en sachant que les usines de traitement des eaux usées n'étaient auparavant pas utilisées pour prendre des mesures à l'égard de produits chimiques; elles étaient conçues avant tout pour réduire les risques de maladies infectieuses, par exemple. Leurs méthodes sont de plus en plus sophistiquées. Toutefois, nous n'instaurerons pas de règlements avant de savoir s'il existe des façons de réglementer.
La sénatrice Stewart Olsen : J'ai deux questions à vous poser sur des sujets distincts. Elles portent davantage sur le côté pratique que sur les recherches et les publications, parce que j'aimerais savoir ce que nous pouvons faire maintenant, et non d'ici 20 ans; recueillir des données, et cetera.
Le comité a déjà discuté des jours de collecte, lorsque les collectivités incitent les gens à rapporter leurs produits pharmaceutiques. Dans quelle mesure est-ce un moyen efficace?
Mme Dodds : Comme je l'ai dit au sénateur Eggleton concernant ce que proposait l'auteure américaine, je crois que ce sont des suggestions formidables. Je n'ai pas les données qui me permettraient de me prononcer sur leur efficacité. Si je me fie à mon expérience, je sais toutefois qu'habituellement, les gens qui ont des problèmes de santé chroniques gèrent très bien les médicaments qu'ils prennent, car cela fait partie de leur mode de vie. Dans le graphique que j'ai fait circuler, vous verrez qu'on y inclut la caféine. Je crois que c'est le deuxième ou le troisième élément en importance. Nous buvons tous du café, et nous n'y pensons jamais lorsque nous vidons notre tasse.
La sénatrice Stewart Olsen : Exactement. C'est quelque chose de concret que nous pourrions favoriser, et Environnement Canada pourrait vouloir envisager d'établir un programme en quelque sorte pour surveiller un secteur où nous faisons ce type de choses.
J'aimerais savoir de quelle façon Environnement Canada collabore avec les provinces. Lors de réunions d'autres comités portant sur des domaines différents, j'ai constaté que les mesures qui sont prises par le fédéral sont souvent reprises par les provinces, ou ne vont parfois pas plus loin. Comment les choses se passent-elles? Supposons que vous découvrez quelque chose dans le cadre de vos recherches. Communiquez-vous l'information aux provinces, qui peuvent ensuite mettre en place les mesures?
Mme Dodds : Je vous remercie de la question. Dans le cadre de nos deux plus importants volets de surveillance — qualité de l'eau et qualité de l'air — nous travaillons en partenariat avec les provinces et les territoires. Nos modèles sont légèrement différents. Dans certains cas, nous faisons la surveillance et les provinces nous aident et ne s'en chargent pas; dans d'autres cas, elles connaissent nos méthodes et nos normes, les utilisent et nous recueillons toutes les données. Si vous consultez notre site web et que vous cherchez de l'information générale sur la surveillance de la qualité de l'eau ou de l'air, vous pouvez voir des graphiques qui montrent les tendances observées au fil du temps. On regroupe des données fédérales et provinciales auxquelles tous nos collègues des provinces et des territoires peuvent avoir accès. C'est un très bon modèle à suivre.
La sénatrice Stewart Olsen : Les données sont donc diffusées.
Une autre question qui me préoccupe, et je veux m'assurer que cela existe, c'est que bien qu'il y ait au Canada des secteurs où la population est très dense, que vous semblez surveiller, la majeure partie de notre population, ou un grand nombre de collectivités, vivent en milieu rural. Les gens ont des puits et leur propre fosse septique. Je veux seulement avoir la certitude que vous examinez la situation dans les milieux ruraux également et non seulement dans les villes, qui offrent des services d'eau publics, où l'eau est déjà traitée et nous est fournie à partir d'un réservoir, ainsi que des réseaux d'évacuation des eaux usées, qui sont traitées également. Le Canada rural ne dispose pas de cela. Je me demande ce que vous faites à cet égard.
Mme Dodds : Encore une fois, nous sommes un ministère fédéral, et nous respectons les compétences des provinces et des municipalités. C'est en fait les municipalités qui sont responsables de l'approvisionnement en eau potable des gens de leurs collectivités. Je pense que c'est la province qui est responsable des eaux usées. Comme je l'ai déjà dit, Environnement Canada s'occupe de questions plus générales à l'échelle canadienne et informe les collectivités lorsqu'il s'aperçoit que quelque chose attire l'attention à cet égard. À ma connaissance, nous ne surveillons pas les fosses septiques, car comme je l'ai dit, ce n'est pas de notre ressort.
La sénatrice Dyck : Je vous remercie de vos exposés.
Je vais revenir sur une question que la sénatrice Seidman a posée au sujet de l'utilisation de vos données dans l'établissement de règlements et l'élaboration de politiques. Je remonte un peu plus loin. Vous avez dit qu'il y a toutes sortes de produits chimiques et pharmaceutiques. Comment choisissez-vous ceux sur lesquels vous vous concentrez? Vous nous avez fourni un graphique représentant les quantités des produits couramment utilisés, comme les antihistaminiques. Quels produits devraient nous préoccuper? Comment les gens déterminent-ils les secteurs prioritaires? Comment déterminez-vous quels sont les groupes de composés prioritaires?
Mme Dodds : C'est une autre très bonne question, et il n'est pas facile d'y répondre. Mme Nicole Davidson, qui est assise derrière moi, joue un rôle essentiel dans le Plan de gestion des produits chimiques, qui a été lancé en 2006. L'un des grands enjeux internationaux, c'est de trouver une façon de gérer les produits chimiques de façon générale, et on est parfaitement conscient qu'il faut réfléchir à la façon d'établir un ordre de priorités. Il y a un site web sur un programme de gestion des produits chimiques, parce que nous collaborons avec Santé Canada, qui l'explique.
Encore une fois, pour un scientifique, presque n'importe quel composé peut être dangereux. C'est la dose qui cause du tort. L'eau peut être mortelle. Si une personne en boit trop d'un coup, cela perturbe l'équilibre hydroélectrolytique et elle peut mourir. De plus, dans le cas de certains produits chimiques qui sont présents dans l'environnement, les scientifiques disent depuis toujours qu'ils sont préoccupants. Les premiers sont notamment les métaux lourds. Les gens savent que le plomb et le mercure posent problème. Dans son laboratoire, Mme Parrott l'a fait pour différentes choses. Nous savons que les produits chimiques de catégorie A sont toxiques. Quelle concentration rend le produit toxique? Encore une fois, dans un groupe différent, nous dirons que telle concentration rend le produit toxique, alors comment intégrons-nous différentes données scientifiques pour établir une directive ou un règlement pour indiquer que « si la concentration dépasse ce seuil, il faut prendre des mesures, sinon la loi n'est pas respectée »? Les scientifiques déterminent si la substance est présente, quelle est la concentration et si elle est toxique, et on crée une directive qui peut aussi devenir un règlement.
La sénatrice Dyck : Vous avez indiqué que vous collaborez avec Santé Canada. Avez-vous un processus par lequel Santé Canada dit qu'une personne a indiqué, ou qu'un membre du personnel d'Environnement Canada a constaté, que le nombre de cas de cancer a augmenté dans une ville en particulier? Et vous demande-t-il ensuite de vous pencher sur cette hausse du taux de cancer? Y a-t-il une façon pour les deux ministères de collaborer pour déterminer ce qui est à l'origine, dans l'eau, l'air ou les aliments, de ces effets sur la santé humaine? De quelle façon les différents partenaires déterminent-ils comment régler un problème auquel les gens font face?
Mme Dodds : Cela se fait de différentes manières, sénatrice Dyck. On procède de façon structurée. Par exemple, dans le cadre du Plan de gestion des produits chimiques, les gens communiquent littéralement jour après jour leurs évaluations et résultats scientifiques. Je fais partie du comité de SMA qui se réunit un certain nombre de fois par année pour discuter de certains sujets. Comme je l'ai déjà dit, nous avons des chercheurs. En analysant nos articles scientifiques, vous constaterez que beaucoup de travaux se font en partenariat. Par exemple, on pourrait parler de la situation de la qualité de l'air à Toronto et se demander si nous pouvons établir des liens entre ce que nous savons sur différents produits chimiques présents dans l'air et certains aspects liés à la santé. Les épidémiologistes de Santé Canada ou de l'Agence de la santé publique ou d'universités collaboreront avec nos scientifiques pour déterminer les liens entre nos connaissances sur la qualité de l'environnement et les connaissances des gens du secteur de la santé sur les problèmes de santé.
La sénatrice Dyck : J'ai une dernière question à vous poser. J'ignore de quel groupe il s'agirait. Par exemple, disons que certaines espèces d'oiseau sont menacées. Collaborez-vous avec les organismes qui déterminent, par exemple, que les abeilles ou les oiseaux sont en train de disparaître parce que quelque chose s'est produit dans l'environnement? Communiquez-vous avec eux également?
Mme Dodds : Encore une fois, dans ma direction et à Environnement Canada, nous avons le Service canadien de la faune, et nous discutons donc régulièrement de la façon d'établir des liens entre différents aspects de l'environnement et la santé faunique. D'ailleurs, ma direction compte un groupe sur la toxicologie de la faune.
La sénatrice Cordy : Ma question porte sur les sujets soulevés par les sénatrices Dyck et Seidman. Si nécessaire, les connaissances acquises mènent à l'élaboration de politiques. Vous avez dit que dans votre travail de collaboration, il y a les documents, la recherche, le suivi, et les décisions sur des politiques. S'agit-il d'un processus homogène?
Parlons de Santé Canada, car notre étude porte sur les produits pharmaceutiques. S'agit-il d'un processus homogène de collaboration constante avec Santé Canada pour les questions liées à la présence de produits chimiques dans l'eau, par exemple, provenant de produits pharmaceutiques, ou menez-vous les recherches pour ensuite appeler Santé Canada afin de l'informer que vous avez découvert la présence d'un produit X dans les eaux à un endroit précis?
Mme Dodds : Je dirais que c'est un processus assez homogène. Comme je l'ai déjà dit, la structure organisationnelle de Santé Canada comprend un groupe qui s'occupe de ce genre de choses, et les membres de notre personnel respectif ont des liens étroits. Encore une fois, cela peut se faire de différentes façons. En tant que chercheuse, Mme Parrott traiterait avec le personnel de recherche de Santé Canada. Je ne sais pas comment les choses fonctionneraient pour Joanne; son travail est axé sur la toxicité en milieu aquatique et elle examine donc les poissons, par exemple. Un autre de nos chercheurs collaborera directement avec Santé Canada. Toutefois, là encore, dans le volet de l'établissement des normes et des règlements, c'est Nicole Davidson, qui m'accompagne —, le processus est homogène, les données sont fournies de part et d'autre et des discussions ont lieu régulièrement.
La sénatrice Cordy : Comment déterminez-vous s'il est temps de prendre des mesures après les travaux de recherche et de développement qui ont été effectués? Vous dites que pour l'instant, les concentrations sont très faibles, et donc, comment déterminez-vous cela? S'il y a une fluctuation non significative dans un secteur, faut-il qu'un certain taux soit atteint pour que vous envisagiez de créer une politique et d'adopter des règlements? Dans certains cas, j'imagine que les choses peuvent évoluer assez rapidement, alors que dans d'autres, la situation reste la même plus longtemps. Comment déterminez-vous quels sont les signaux d'alarme indiquant qu'il est temps de communiquer avec Santé Canada et d'envisager d'élaborer des règlements à la lumière des recherches que vous avez effectuées?
Mme Dodds : C'est une excellente question. Je peux reculer dans le temps et dire « voilà un exemple où nous l'avons fait », mais encore une fois, une des questions intéressantes, c'est la suivante : comment avancer dans le temps pour déterminer la façon de procéder? Il existe des politiques du gouvernement du Canada sur l'élaboration et l'établissement de règlements. Il ne s'agit pas d'une politique d'Environnement Canada; elle s'applique à tous les ministères qui pourraient élaborer des règlements. La première étape consiste à déterminer s'il y a un problème et à le consigner par écrit. Selon le Guide du processus d'élaboration des règlements fédéraux, il faut consulter toutes les personnes sur lesquelles il y aurait des répercussions. Lorsqu'on pense qu'il faut peut-être aller de l'avant avec un règlement, il faut alors parler à des organisations non gouvernementales, aux Canadiens, aux représentants de l'industrie, aux provinces. Il faut être légalement autorisé pour réglementer dans le secteur. Il faut qu'il y ait un outil permettant de faire appliquer les règlements.
Encore une fois, c'est un outil qui peut être utilisé de façon très efficace. Je suis à Environnement Canada depuis peu de temps, mais si l'on pense à la qualité de l'air et à la présence de dioxyde de soufre dans l'air, et au début des années 1970, les gens étaient vraiment préoccupés par les pluies acides, et Environnement Canada a établi des règlements et a mis des mécanismes de surveillance en place. À l'échelle nationale, la concentration de dioxyde de soufre dans l'air a énormément chuté depuis les années 1970. La présence importante de produits ignifuges dans l'environnement était aussi une source de préoccupation. Bon nombre de discussions ont eu lieu avec l'industrie pour déterminer s'ils devaient être retirés. On peut constater qu'après que des mesures sont prises, la concentration dans l'environnement chute considérablement.
Nous avons les outils, mais rien n'indique clairement s'il faut imposer une réglementation. Ce travail s'inscrit dans l'élaboration de la politique. En cas de problème, nous devons établir comment le régler et discuter avec les parties prenantes.
La sénatrice Cordy : Collaborez-vous avec d'autres pays pour savoir quelles seraient les tendances internationales?
Mme Dodds : Oui, autant pour les questions scientifiques que réglementaires et politiques. Joanne participe à des réunions internationales et discute constamment avec des chercheurs issus de divers milieux. Concernant le Plan de gestion des produits chimiques, nous sommes en contact constant avec l'Environmental Protection Agency. Nous allons souvent aux États-Unis pour discuter des produits chimiques que nous trouvons dans l'environnement et que nous examinons, des progrès réalisés et pour comparer les évaluations et les méthodes de gestion du risque. Nous en faisons autant avec l'Organisation de coopération et de développement économiques, qui doit comporter maintenant plus d'une vingtaine de pays membres.
La sénatrice Cordy : Menez-vous des recherches sur les nouvelles technologies de traitement des eaux usées? Vous avez dit que les produits chimiques dans les médicaments étaient un phénomène plutôt récent. Ce genre de recherches est-il effectué par votre ministère ou par un autre?
Mme Dodds : Environnement Canada n'a pas le mandat d'élaborer les technologies. Comme Joanne a dit, nous menons parfois des recherches pour évaluer l'effet d'une technologie. Bien souvent, nos recherches nous permettent d'indiquer au secteur qu'une technologie est plus efficace qu'une autre.
La sénatrice Cordy : Vous signalez ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, mais vous ne participez pas à l'élaboration des technologies?
Mme Dodds : Non. J'ai parlé du Réseau canadien de l'eau. Je pense qu'il y a un réseau canadien des rivières. Environnement Canada fait partie des nombreux intervenants qui forment le consortium de traitement des eaux usées mis sur pied par les gouvernements fédéral et provincial, dans le sud-ouest de l'Ontario.
Le président : Madame Parrott, la publication dont vous avez parlé compare les effluents de divers systèmes de traitement des eaux usées, n'est-ce pas?
Mme Parrott : Oui.
Le président : Voilà qui répond à la question. Merci beaucoup.
[Français]
Le sénateur Rivard : La sénatrice Cordy vient justement de poser la question sur les nouvelles technologies pour les stations d'épuration et cela va me permettre quand même de faire un préambule.
Sur mon flacon de pilules il est écrit en très petits caractères : « Si non utilisé, retourner au pharmacien ». Je crois que c'est la solution que tout le monde devrait adopter. J'aimerais faire une comparaison avec les fumeurs. Sur les paquets de cigarettes, on voit des monstruosités, et cela n'empêche pas certaines personnes de fumer.
Je vis en milieu urbain et, dans la région de Québec, il y a un incinérateur de produits chimiques très performant. Les cendres sont recueillies et stockées dans un site d'enfouissement désigné, qui respecte les normes environnementales et qui est équipé d'une membrane géothermique, ce qui fait que c'est un immense sac vert. On recueille même le méthane produit de ces cendres, pour usage.
Si je choisis la pire des options, qui serait d'envoyer les pilules dans les égouts, là, elles vont dans une station d'épuration et après un deuxième traitement biologique, on recueille les matières en suspension qui, elles, s'en vont à l'incinérateur. Ensuite, avant que l'eau soit rejetée dans le fleuve, elle reçoit un traitement aux ultraviolets. Et malgré tout cela, on ne peut pas se baigner parce qu'il reste trop de matières fécales dans l'eau.
On voit alors que la seule option logique est de retourner cela aux pharmaciens. Il n'y a pas autre chose qu'on puisse faire avec des médicaments périmés, à cause des produits chimiques, toxiques ou autres qu'ils contiennent.
[Traduction]
Mme Dodds : L'avantage de retourner les produits pharmaceutiques à la pharmacie, c'est le contrôle du processus de traitement des déchets. Mais il faut se demander ce que le pharmacien va en faire.
Je suis une scientifique qui a mené des recherches. Depuis que je travaille à Environnement Canada, nous examinons de plus en plus les divers produits chimiques préoccupants. Il faut savoir où ils aboutissent et ce qu'il advient d'eux. Je ne connais pas de...
Le président : Permettez-moi de vous interrompre. Nous allons entendre des témoins de l'industrie pharmaceutique. D'après ce que je comprends, les produits sont renvoyés à l'industrie, qui s'occupe leur élimination. C'est une excellente question, mais si vous permettez, sénateur, nous allons attendre de connaître la réponse des experts.
Mme Dodds : Sur le plan environnemental, nous discutons de la gestion de tout le cycle de vie des produits préoccupants.
[Français]
Le sénateur Rivard : Vous êtes là pour nous conseiller, mais le travail de sensibilisation relève des compétences municipales et provinciales.
[Traduction]
Le président : Cette recommandation fait partie d'un ou deux des rapports que nous avons produits dans cette étude sur le cycle de vie des produits pharmaceutiques.
La sénatrice Nancy Ruth : Mes questions portent sur divers aspects, mais au bout du compte, elles concernent la participation citoyenne. Vous avez parlé des pluies acides. Le gouvernement a laissé tomber l'amiante. Il y avait beaucoup d'information sur ce produit, et aucune décision n'était prise. Je sais que la politique joue un rôle, mais pourquoi tous les articles scientifiques sur l'amiante et les maladies connexes ne se sont pas traduits plus rapidement par une politique publique?
Il en va de même pour l'industrie des pâtes et papiers. Je me souviens d'être venue à Ottawa lorsque j'étais enfant et que mon père était député. C'était dans les années 1940, et on pouvait voir l'effluent des usines Eddy qui se trouvaient de l'autre côté de la rivière. Je n'ai jamais vu les conséquences de toutes ces substances déversées dans une rivière de cette taille, mais les usines ont été fermées et déplacées. Comment la décision est-elle prise, et pourquoi est-ce parfois si long?
Le président : Je veux revenir aux produits pharmaceutiques tôt ou tard. Étant donné que différents problèmes sont liés à cette question, pourriez-vous donner votre point de vue avec concision?
Mme Dodds : Concernant le Plan de gestion des produits chimiques, un des grands défis partout dans le monde consiste à trouver une façon de gérer les produits déversés par le passé. La plupart des pays modernes comme le Canada évaluent maintenant les risques pour la santé humaine et l'environnement ou l'écologie des produits chimiques, avant la mise en marché.
Nous employons un très grand nombre de produits chimiques depuis des siècles. Il y avait des preuves dès le début pour certains produits, comme l'amiante, et des mesures ont été adoptées. Nous ne pouvons pas les utiliser au Canada. Pour d'autres produits, c'est une question de priorités. Notre site Internet donne de l'information sur le processus qui s'applique.
La sénatrice Nancy Ruth : Le sénateur Eggleton a parlé de la participation citoyenne. Il faut selon moi établir des normes fondamentales de santé publique dans les communautés concernant l'eau, l'air, les déchets, et cetera. Comment pouvons-nous responsabiliser la population à l'égard des produits chimiques présentés dans votre graphique et mettre à profit les commissions scolaires? Comment amener les jeunes à transmettre leurs connaissances à leurs parents et à leurs grands-parents? Les gouvernements doivent collaborer au bout du compte, mais dans quelle mesure la population est-elle mobilisée? Vous dites que les chercheurs se réunissent et signalent le travail qu'il reste à accomplir. Je veux savoir qui va s'en occuper, comment sensibiliser les gens dans les écoles et quelle responsabilité incombe à votre direction générale.
Mme Dodds : Ma direction générale mène des recherches ou fait de la surveillance et fournit ses données à ceux qui élaborent les politiques et aux décideurs, qui prennent des mesures sur les produits chimiques. Mais Environnement Canada n'a pas la responsabilité de travailler avec les commissions scolaires. Nos sites Internet font état de questions liées aux produits chimiques, ainsi qu'à la qualité de l'air et de l'eau.
[Français]
Nous voulons une sensibilisation et une vulgarisation des données scientifiques.
[Traduction]
Mais nous devons travailler avec des collègues d'autres ministères et ordres de gouvernement pour régler les excellentes questions que vous soulevez.
La sénatrice Nancy Ruth : Je vais en rester là, car je ne pense pas que je vais obtenir une réponse.
Le président : Je pense que l'élaboration de la politique et la question sont complexes, madame la sénatrice. Notre étude porte au départ sur les résidus de produits pharmaceutiques dans l'environnement, mais je vous remercie beaucoup de ces questions.
[Français]
Le sénateur Maltais : On a beaucoup parlé de l'intoxication de l'être humain par les produits pharmaceutiques. Est-ce la seule cause? Est-ce que l'être humain qui n'absorbe aucun médicament risque d'avoir des produits pharmaceutiques dans le corps à cause de sa nourriture, quand on sait ce qui se passe avec les animaux et autres produits que nous consommons dans notre alimentation?
Le président ne prend aucun médicament. Il est en parfaite santé. Risque-t-il d'avoir dans son sang des produits toxiques parce qu'il mange un morceau de poulet de temps en temps, une salade ou autre chose? Peut-il s'intoxiquer autant que moi, qui est au premier rang avec ma metformine pour le diabète?
[Traduction]
Mme Dodds : C'est une bonne question. Depuis 2007, Santé Canada et l'Agence de la santé publique travaillent principalement avec Statistique Canada pour mener l'Enquête canadienne sur les mesures de santé, qui s'appuie sur une méthode statistique rigoureuse, qui comprend diverses cohortes partout au Canada et qui est réalisée tous les trois ou quatre ans. Le nombre de Canadiens qui voulaient y participer excédait la capacité de l'enquête. Santé Canada et Environnement Canada analysent des échantillons physiques, comme l'urine, le sang ou les cheveux, pour établir s'ils contiennent divers produits chimiques préoccupants.
C'est une excellente façon de savoir à quoi les Canadiens sont exposés et quels produits sont préoccupants, peu importe le lieu de vie et les comportements des gens. L'élaboration et la mise au point de l'enquête ont sans doute pris 10 ans. Je pense que nous sommes au moins au troisième cycle. Environnement Canada examine les données tirées des mesures physiques et fait rapport à Statistique Canada.
Le président : Madame Dodds, nous étudions les conséquences involontaires de l'emploi de produits pharmaceutiques sur ordonnance. Leur volume ou leurs produits de dégradation dans l'environnement font bien sûr partie de la question, et vous en avez parlé.
En ce qui a trait aux conséquences involontaires, nous sommes tous préoccupés par la surutilisation ou l'emploi mal avisé des produits pharmaceutiques sur ordonnance, surtout les antibiotiques, qui favorise la résistance des microorganismes. Des experts nous en ont parlé. Ce problème concerne un large éventail de produits pharmaceutiques importants.
Je veux poser une question sur la surveillance effectuée par Environnement Canada. Examinez-vous la résistance de telle bactérie présente dans l'environnement à des antibiotiques sur ordonnance précis, dont des résidus ont été trouvés dans l'eau?
Mme Dodds : Je pourrais avoir besoin d'un peu de patience pour cette réponse. Notre principale préoccupation n'est pas la santé humaine, dont s'occupent nos collègues de Santé Canada. C'est ce ministère ou l'Agence de la santé publique qui se charge d'examiner la résistance aux antibiotiques utiles à la santé humaine. Nos travaux ne portent pas sur les animaux domestiqués, mais sur la faune. Nous n'administrons pas d'antibiotiques aux animaux sauvages. Pour sa part, l'Agence canadienne d'inspection des aliments s'occupe de la santé des animaux en agriculture.
Étant donné que j'ai travaillé en sciences, je sais que Santé Canada, l'Agence de la santé publique et l'Agence canadienne d'inspection des aliments, l'ACIA, travaillent à ce genre de questions.
À Environnement Canada, nous ne nous intéressons pas forcément à la résistance aux antibiotiques, mais nous employons des outils qui indiquent quelles seraient les conséquences involontaires de divers composés chimiques, comme les produits pharmaceutiques et les produits de soins personnels. La génomique nous sert de plus en plus à établir si diverses espèces subissent des effets involontaires et inexpliqués. Nous n'examinons pas les antibiotiques en tant que tels, mais il se peut que nous constations leur présence.
Le président : Merci de votre réponse, qui clarifie les responsabilités concernant les conséquences. Je pense que vos exemples et votre mémoire suffisent pour répondre à la question. Je note que le produit contre le diabète est le plus important et reste assez stable lorsqu'il passe dans le système.
Concernant l'usage domestique, je m'attendais à ce que le volume de composés chimiques dans l'environnement issus des produits de soins personnels soit considérablement plus élevé que celui des produits pharmaceutiques sur ordonnance. Vos données semblent le confirmer.
Vous avez parlé de la charge globale de produits chimiques qui proviennent de différentes sources. Votre graphique montre les parties par billion et me donne une bonne idée des concentrations, au moins dans l'environnement.
Je ne pense pas poser d'autres questions là-dessus. Vous nous avez présenté des données. Avez-vous d'autres commentaires?
Mme Dodds : Les autorités de santé humaine vous ont sûrement dit que la plupart des chercheurs sont préoccupés par les perturbateurs hormonaux ou endocriniens, parce qu'il s'agit d'un autre type de conséquences que la toxicité elle-même. Les hormones sont actives à de très faibles niveaux. Oui, nous constatons une très faible présence, mais nous allons aussi continuer d'examiner si elles entraînent des effets.
Le président : Madame Parrott, nous n'avons pas trouvé l'intéressante publication dont vous avez parlé, sur le site Internet. Comptez-vous y afficher les publications récentes?
Mme Parrott : Oui. Nous affichons les publications si on nous encourage à le faire. Nos sites Internet présentent ce que nous appelons les nouveautés en sciences liées à certains programmes, nos profils qui précisent qui possède l'expertise dans tel domaine et les dernières publications.
Vous pourriez sans doute trouver maintenant la publication en tapant « eaux usées » et « anti-inflammatoire » dans le champ de recherche de Scopus ou de ce genre de base de données. C'est une bonne façon de présenter les données, parce qu'elles sont examinées par des pairs. D'autres scientifiques se penchent sur ces publications.
Le président : C'est une excellente publication, qui est très instructive. Je ne mets pas en doute sa qualité.
Je pensais que nous pouvions accéder facilement à cette publication sur votre site Internet, au lieu d'avoir à la chercher dans la littérature scientifique comme en temps normal. Un accès facile sur votre site serait préférable au besoin d'effectuer une vaste recherche comme à l'habitude.
Mme Dodds : À Environnement Canada, nous sommes de grands défenseurs de ce qu'on appelle les données scientifiques ouvertes. Je pense que c'est une publication d'Elsevier, qui possède les droits d'auteur.
Le président : D'accord, mais bon nombre de gens, de responsables municipaux, et cetera, qui ne sont pas des chercheurs et qui ne sauraient pas comment trouver la publication consulteraient votre site Internet s'il contenait un lien et un résumé. À première vue, c'est une publication scientifique très utile. Je vous indique simplement que bien des Canadiens pourraient s'intéresser à ce que fait Environnement Canada.
Mme Dodds : Sénateur Ogilvie, vos propos me réjouissent, car j'encourage nos chercheurs à documenter toutes leurs publications pour que nous puissions y donner accès.
Le président : Vous pourriez peut-être insister, madame Dodds, pour que le site affiche au moins les liens qui mènent aux publications.
En consultant la liste des produits chimiques dans votre Plan de gestion des produits chimiques, je n'y vois aucun produit pharmaceutique sur ordonnance, peut-être en raison des quantités.
Mme Dodds : Ils sont réglementés par Santé Canada en vertu de la Loi sur les aliments et drogues.
Le président : Donc, même les données que vous recueillez seraient publiées ailleurs?
Mme Dodds : Vous permettez que je demande à ma collègue Nicole Davidson d'intervenir?
Le président : Certainement. La question est la suivante : où sont publiées les données que vous recueillez sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance, puisqu'ils ne figurent pas sur la liste de votre Plan de gestion des produits chimiques?
Nicole Davidson, directrice, Division des nouvelles priorités, Environnement Canada : Les données servent souvent à soutenir nos programmes de réglementation. Donc, lorsqu'une substance fait l'objet d'une évaluation de risque, les résultats sont publiés sur notre site web. Les décisions sont publiées dans la Gazette du Canada. Il arrive qu'une substance considérée comme un produit pharmaceutique et parfois un produit de soin personnel figurent sur notre liste de substances prioritaires en vertu du Plan de gestion des produits chimiques, et certaines substances sont utilisées à la fois dans des produits pharmaceutiques et des produits de soins personnels. Certaines substances utilisées à des fins pharmaceutiques, notamment, ont passé par ce processus. Ces évaluations du risque et les données utilisées dans le processus décisionnaire sont publiées sur notre site web.
Ce ne sont pas tous les produits chimiques qui sont identifiés comme étant prioritaires, mais une liste a été établie. Certaines substances évaluées dans le cadre du Programme des nouvelles substances — il s'agit de substances ayant fait l'objet d'un examen avant leur importation ou la fabrication, ce qui signifie qu'elles sont assujetties à la Loi sur les aliments et drogues, comme les produits pharmaceutiques et les produits de soins personnels —, donc certaines substances évaluées dans le cadre de ce programme font l'objet d'un examen environnemental. Les résultats de ces examens ne sont pas publiés sur nos sites web, car ils contiennent des renseignements commerciaux confidentiels. Toutefois, les résumés sont couramment publiés sur le site web dans le cadre du Plan de gestion des produits chimiques afin de donner un aperçu des données utilisées.
Les décisions réglementaires sont ensuite publiées, mais pas les données brutes, uniquement les données utilisées dans le processus décisionnel.
Le président : Je n'irai pas plus loin, car j'ai obtenu les renseignements que je cherchais. Je comprends maintenant pourquoi les produits chimiques ne figurent pas sur cette liste.
Vous avez eu à composer avec la politique sur les décisions stratégiques, et je comprends à quel point cela peut être complexe. Étant donné le nombre de compétences dans ce secteur en particulier, je crois que les Canadiens ne savent pas tout le pouvoir dont disposent les municipalités et à quel point elles protègent jalousement ce pouvoir face à leur gouvernement provincial et au gouvernement fédéral. L'élaboration de politiques n'est pas une tâche facile.
J'aimerais poser une question sur les pratiques exemplaires. Prenons l'analyse des eaux qui entrent et qui sortent des usines de traitement des eaux usées, dont certaines sont vieilles, alors que d'autres sont plus modernes. Bien entendu, les résultats montrent qu'il y a des différences considérables d'une usine à l'autre, comme le démontre le document. Vous avez clairement indiqué que vous analysez ce qui se retrouve dans l'environnement pour voir, notamment, s'il y a des différences entre des produits chimiques et des situations en particulier. Vous seriez peut-être en mesure d'attribuer ces différences à des gestes délibérés ou accidentels ayant mené à une amélioration sur le plan des quantités de matériaux que l'on retrouve dans l'environnement.
Après avoir analysé attentivement les données, existe-t-il un mécanisme qui vous permettrait de faire des recommandations aux autorités concernées un peu partout au pays en matière de pratiques exemplaires sur la façon dont certaines usines traitent les produits chimiques qui pénètrent dans l'environnement?
Mme Dodds : Je sais qu'Environnement Canada a élaboré et mis en œuvre des règlements en matière de traitement des eaux usées en étroite collaboration avec les provinces, les territoires et d'autres intervenants. Encore une fois, notre rôle était de fournir des renseignements. Nous avons eu des discussions récemment sur les perturbateurs endocriniens et les différents traitements qui existent. Nous avons donc informé nos collègues sur ce qui semble efficace. Bien entendu, puisque nous n'avons pas une présence permanente dans chaque usine de traitement des eaux usées, nous faisons preuve de prudence avec les renseignements que nous communiquons et la façon dont nous les partageons.
Le président : Si vous découvrez quelque chose de frappant, avez-vous les moyens nécessaires pour diffuser l'information?
Mme Dodds : Oui.
Le sénateur Eggleton : Vous dites que le tableau que vous avez fait circuler présente des données sur le niveau des différentes substances qu'on a retrouvées dans les échantillons recueillis dans le lac Ontario, près de Hamilton.
L'Université du Wisconsin, à Milwaukee, a mené une étude dans le lac Michigan, intitulée A Growing Concern : Prescription Drugs in the Great Lakes. Selon cette étude, les médicaments sur ordonnance ne sont pas seulement présents dans le lac, mais leur concentration demeure assez élevée, comme bon nombre le croyaient. Ils ne se diluent pas.
L'étude dit ceci :
Dans une étendue d'eau comme les Grands Lacs, on pourrait s'attendre à ce que les produits se diluent et à ce que les niveaux de concentration diminuent, mais ce n'est pas le cas.
On peut lire également :
[...] Les produits chimiques restent dans les lacs plus longtemps qu'ils ne le devraient probablement. Une exposition prolongée à de faibles taux de produits chimiques pourrait être problématique, puisqu'aucune étude sur les effets à long terme des produits chimiques et pharmaceutiques sur la santé ou l'environnement n'a été effectuée. Par conséquent, les scientifiques ne sont pas en mesure de déterminer si cela aura un effet sur l'homme et la faune.
Finalement, l'étude dit ceci au sujet des usines de traitement des eaux usées :
Malheureusement, nos usines de traitement des eaux usées ne sont tout simplement pas conçues pour éliminer ce genre de produits chimiques.
Que pensez-vous de cette étude?
Mme Dodds : La pollution en général dans les Grands Lacs est un secteur stratégique sur lequel Environnement Canada fait beaucoup de recherche et de surveillance. Nous avons conclu des ententes avec l'Ontario et les États-Unis et avons du personnel sur le terrain pour analyser ce qu'on appelle l'hydrologie du lac. On peut donc voir comment circule l'eau. On pourrait s'attendre à voir différents effets de dilution selon l'endroit, car le mouvement de l'eau change. Même sur des images satellites, on peut voir la prolifération d'algues dangereuses. Je ne peux pas me prononcer sur les détails de cette étude, mais, non, les produits qui pénètrent dans les lacs ne disparaissent pas instantanément. Ça dépend beaucoup du produit, de l'endroit et du mouvement de l'eau.
Nous nous inquiétons toujours de voir un produit s'accumuler dans l'environnement ou un organisme et de l'effet cumulatif, comme je l'ai souligné. Les produits pharmaceutiques que l'on retrouve dans l'environnement ne sont pas l'unique facteur ayant une incidence sur la faune. Il y a aussi les produits chimiques, les différentes températures et les éléments nutritifs. Les points que vous soulevez sont tous très légitimes, et c'est ce genre de chose que nous analysons lorsqu'il est question de produits chimiques.
Le sénateur Eggleton : Devrait-on effectuer des études sur les effets à long terme sur l'environnement?
Mme Dodds : Oui.
Le sénateur Eggleton : Quel est votre rôle à ce chapitre?
Mme Parrot : Il s'agit probablement d'une des forces du ministère de l'Environnement du Canada. Nous menons des études de suivi des effets sur l'eau des rivières pour voir si les poissons sont en santé et si des invertébrés vivent dans les sédiments. Les poissons ont-ils suffisamment de nourriture? C'est une des façons pour nous de savoir si ces mélanges de produits pharmaceutiques ont des effets sur l'environnement. Il est donc possible d'analyser les eaux usées mixtes qui pénètrent dans les rivières, de mesurer et de documenter toutes ces données, mais bien souvent, on ignore ce que ça signifie.
Mais si on prend des poissons de cette rivière, qu'on analyse leur croissance, qu'on les dissèque, qu'on analyse leurs testicules ou leurs ovaires et leur foie et qu'on les compare à d'autres poissons de la même espèce pêchés en amont là où l'effluent ne rejoint pas la rivière, il est alors possible de déterminer si ce mélange a un effet sur l'environnement.
Dans certains cas, comme la rivière Grand, des changements ont été remarqués dans les poissons pêchés en aval des effluents d'eaux usées, alors que dans d'autres cas, chez les poissons pêchés là où les eaux usées se jettent dans une rivière, aucun changement n'a été remarqué. Donc, les mélanges n'ont peut-être pas d'incidence.
Il faut, dans un certain sens, soupeser la chimie, trouver ces produits et se poser la question biologique suivante : ces produits ont-ils un impact sur ces organismes?
Le sénateur Eggleton : On parle des Grands Lacs, là. Avez-vous consulté cette étude de l'Université du Wisconsin?
Mme Parrot : Je connais cette étude.
Le sénateur Eggleton : Selon cette étude, certaines concentrations sont élevées. Il y a donc encore du travail à faire.
Mme Parrot : La question qu'il faut se poser, c'est, que signifie « concentration élevée ». J'aimerais qu'une autre étude soit effectuée, un essai contrôlé qui reproduit ces concentrations, afin d'évaluer les effets. C'est le genre de travail que nous faisons.
C'est le genre d'essais que nous menons, car il est très difficile de cerner chaque produit pharmaceutique, car il y en a 3 000 sur le marché et nous pouvons en mesurer peut-être 150. La solution serait peut-être d'analyser les effets sur l'ensemble de l'environnement.
Le président : Puisqu'il est question de produits pharmaceutiques sur ordonnance, nous savons très bien que c'est la dose qui importe. Les chiffres sont importants. Quelqu'un peut parler de concentration « élevée », mais, ce dont nous avons vraiment besoin, ce sont des chiffres. Comme vous l'avez dit, et c'est là où le sénateur Eggleton voulait en venir, quel est ce chiffre que l'on considère « élevé »? Dans ce cas-ci, on l'ignore.
J'aimerais revenir sur un point. Je comprends la question du droit d'auteur; les gens ne peuvent pas avoir accès à une publication en particulier sans y être abonnés ou sans passer par leur bibliothèque, si celle-ci a un abonnement, par exemple. Toutefois, les renseignements contenus dans cette publication sont très intéressants. Je vous encourage à trouver des façons de publier, à tout le moins, vos travaux dans ce domaine sur votre site web pour que les Canadiens y aient accès, car ils sont non seulement intéressants, mais ils constituent un bon exemple des travaux qu'effectue Environnement Canada dans ce domaine. Ils permettent de répondre à bon nombre des questions que se posent les sénateurs sur ce qui se fait. Nous ne pouvions pas trouver ces informations, car nous les cherchions sur votre site web.
Je ne peux pas vous encourager, au nom du comité, à considérer cette option, mais je peux le faire à titre personnel.
Mme Dodds : Je vais m'informer pour savoir si ces informations sont facilement accessibles. Si vous faites une recherche à l'aide de notre outil « Experts en sciences de l'environnement », j'espère que vous pourrez trouver quelque chose — j'ignore même si Joanne a quelque chose au sujet de sa spécialité — et choisir ensuite l'option « publications » qui accompagne le résumé. Encore une fois, c'est quelque chose que nous encouragerons.
Le président : Donc, les Canadiens pourront se rendre sur le site web d'Environnement Canada.
Mme Dodds : Et y faire une recherche.
Le président : À l'aide de l'outil « Experts en sciences de l'environnement ». Les Canadiens ne suivront pas nécessairement la voie scientifique habituelle pour avoir accès à ce genre d'information. Plus nous leur facilitons la tâche, mieux ce sera. C'est ce que je voulais dire. Je ne m'étendrai pas davantage sur le sujet.
Cela dit, je tiens à remercier les membres du comité ainsi que Mmes Parrott et Dodds pour la contribution à ce dossier complexe, soit l'impact environnemental des produits chimiques, surtout celui des produits pharmaceutiques sur ordonnance.
(La séance est levée.)