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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 9 - Témoignages du 26 mars 2014


OTTAWA, le mercredi 26 mars 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour poursuivre son étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada.

SUJET : La nature des conséquences involontaires de l'emploi de produits pharmaceutiques sur ordonnance.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie, je suis un sénateur de la Nouvelle-Écosse ainsi que le président du comité, et je vais commencer par demander à mes collègues de se présenter, à commencer par la personne à ma gauche.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, sénateur de l'Ontario.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, sénateur de l'Alberta.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le président : Merci, chers collègues. Je nous rappelle à tous que nous sommes ici pour étudier les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada et que nous en sommes à la quatrième phase sur quatre de notre étude. Nous nous pencherons cette fois-ci sur la nature des conséquences involontaires. Nous avons le plaisir d'accueillir des représentants de quelques associations professionnelles nationales. Je souhaite la bienvenue à nos témoins.

Je vais vous présenter au fur et à mesure que je vous invite à prendre la parole. Nous avons déjà établi l'ordre des présentations, et lorsque vous aurez terminé, nous allons accueillir les questions des membres du comité. Encore une fois, je vous remercie d'être ici.

Sans plus tarder, je vais commencer par vous présenter Janet Cooper, directrice principale des Affaires professionnelles et des relations avec les membres, ainsi que Phil Emberley, directeur des Innovations pharmaceutiques à l'Association des pharmaciens du Canada. Madame Cooper, la parole est à vous.

Janet Cooper, directrice principale, Affaires professionnelles et relations avec les membres, Association des pharmaciens du Canada : Merci, monsieur le président. Je vais vous présenter notre exposé en collaboration avec Phil.

D'abord, nous sommes très heureux d'être ici pour aborder ce sujet avec vous au nom de l'Association des pharmaciens du Canada. Nous sommes l'organisation nationale représentant les pharmaciens au Canada. Nous sommes également le principal éditeur canadien d'information fondée sur des données probantes et produite à l'intention des professionnels de la santé sur les médicaments et les thérapies.

Nous nous réjouissons que votre comité entreprenne cette étude et que le gouvernement fédéral souhaite ainsi améliorer l'innocuité et l'efficacité des médicaments. L'annonce dans le budget de 2014 d'un investissement de 45 millions de dollars sur cinq ans pour prévenir les abus de médicaments d'ordonnance ainsi que le dépôt, en décembre 2013, du projet de loi C-17 (qu'on appelle souvent la loi Vanessa) sont des pas dans la bonne direction, et l'APhC est en faveur de ces initiatives.

Phil Emberley, directeur, Innovations pharmaceutiques, Association des pharmaciens du Canada : Pour les pharmaciens, la sécurité du patient est une priorité, et les pharmaciens font tout en leur pouvoir pour que les patients prennent leurs médicaments efficacement et en toute sécurité. Cependant le fait est qu'il peut toujours y avoir des conséquences involontaires et qu'il y en a. La population canadienne est vieillissante, et comme le quart des personnes âgées prennent 10 médicaments ou plus chaque jour, le risque est élevé.

Selon l'Institut pour l'utilisation sécuritaire des médicaments au Canada, une consultation à l'urgence sur neuf est attribuable aux effets indésirables d'un médicament, et 70 p. 100 de ces incidents seraient évitables. Non seulement ces conséquences involontaires causent-elles du tort aux patients, mais elles représentent des coûts évitables pour le système de santé en général. Par exemple, lorsque ces patients se présentent à l'urgence, ils sont plus souvent admis à l'hôpital et y restent plus longtemps que les autres.

Il est clair qu'il faut faire quelque chose pour remédier à la situation. Diverses mesures pourraient être mises en place pour prévenir les conséquences involontaires. Nous avons trois recommandations à vous présenter, qui pourraient améliorer la situation des patients à notre avis.

Premièrement, à l'échelle du Canada, la portée de la pratique pharmaceutique a clairement tendance à s'élargir depuis quelques années. Parmi les services que les pharmaciens peuvent dorénavant offrir, je souligne la vérification complète de la médication, la vaccination contre la grippe, le traitement de petits malaises, les consultations pour arrêter de fumer et la gestion de maladies chroniques comme le diabète et les maladies cardiaques.

Les recherches montrent que plus le patient reçoit de services de son pharmacien, plus il sera porté à respecter la posologie, plus son traitement aura des résultats positifs et moins il risquera d'être hospitalisé. Cependant, bien que les provinces s'affairent de plus en plus à se doter de règlements et de cadres de rémunération afin que les pharmaciens puissent offrir un plus grand nombre de services, le gouvernement fédéral traîne de la patte dans ses propres programmes.

Par exemple, le gouvernement fédéral n'a pas emboîté le pas aux provinces pour élargir la couverture des services de gestion des médicaments consentie aux Autochtones inscrits au Programme des services de santé non assurés. Ce groupe de patients est donc désavantagé, ce qui l'empêche de recevoir des services de pharmacie d'aussi grande qualité que les autres dans leur province.

Par conséquent, notre association recommande que le gouvernement fédéral bonifie sa couverture afin que les populations auxquelles il offre des services de santé puissent bénéficier de services accrus.

Mme Cooper : Deuxièmement, l'APhC estime que l'une des façons de prévenir les conséquences involontaires est d'accroître l'échange d'information et la collaboration entre les professionnels de la santé. Des systèmes provinciaux d'information sur les médicaments (SIM) intégrés et interopérables qui contiendraient les ordonnances électroniques permettraient aux médecins, aux pharmaciens et aux autres professionnels d'échanger de l'information précieuse sur l'historique de médication et l'utilisation de médicaments de chaque patient. L'accès à un dossier complet sur la médication et les ordonnances électroniques contribuerait à réduire l'incidence des effets indésirables évitables des médicaments, de leur usage impropre ainsi que des détournements de médicaments.

En 2013, l'Association médicale canadienne et l'Association des pharmaciens du Canada ont publié une déclaration conjointe présentant une vision relative à l'établissement électronique des ordonnances d'ici 2015, date à laquelle toutes les ordonnances seraient créées, signées et transmises par voie électronique. Ce n'est toujours pas le cas, et le moyen de communication électronique le plus courant entre les pharmaciens et les médecins qui rédigent les ordonnances demeure le télécopieur.

L'APhC recommande donc que le gouvernement fédéral, au moyen de l'Inforoute Santé du Canada, joigne ses efforts à ceux des provinces pour accélérer l'adoption de l'ordonnance électronique.

Troisièmement, notre association reconnaît à quel point il serait utile que les professionnels aient accès à de l'information électronique propre au patient pour améliorer les soins et prévenir les conséquences involontaires, ainsi qu'à de l'information à jour, fondée sur des données cliniques probantes sur les médicaments et leur usage thérapeutique. Les cliniciens devraient avoir accès à ces renseignements depuis le point de service, dans des dossiers médicaux électroniques.

Actuellement, les professionnels utilisent diverses sources d'information clinique et pharmaceutique. Cependant, beaucoup de plateformes techniques utilisées de nos jours en vue d'accroître l'automatisation depuis plusieurs années intègrent des sources d'information non canadiennes; elles ne présentent pas les monographies approuvées par Santé Canada, et l'information qu'on y trouve sur l'innocuité des nouveaux médicaments ne comprend pas les meilleures données disponibles pour appuyer la prise de décisions cliniques.

Il y a quelques années, l'APhC, en partenariat avec Santé Canada, a participé à la création d'e-Thérapeutique, un outil novateur et conçu au Canada, pour appuyer les décisions cliniques, qui présente de l'information pharmacothérapeutique aux professionnels de la santé. De nos jours, les professionnels ont besoin d'un accès immédiat et intégré à leur système de dossiers électroniques sur les patients à l'information canadienne fondée sur des données probantes sur les nouveaux médicaments et leur usage thérapeutique.

Par conséquent, notre association recommande que tous les gouvernements appuient et facilitent l'intégration au point de service de contenu canadien fiable et détaillé dans le système, comme l'information sur les médecins, les dossiers médicaux électroniques, les systèmes des hôpitaux, les logiciels pharmaceutiques et les futurs systèmes d'ordonnance électronique. Nous aimerions d'ailleurs travailler avec Santé Canada pour rendre tout cela possible.

Monsieur le président, nous reconnaissons que le problème des conséquences involontaires de l'utilisation de médicaments est complexe et qu'il n'y a pas de solutions faciles, qu'il faut combattre le problème sur plusieurs fronts. Les recommandations que nous venons de vous présenter seraient trois façons dont nous pourrions travailler ensemble pour remédier à la situation. Tous les Canadiens auraient avantage à ce que les populations sous régime fédéral bénéficient d'une couverture accrue des nouveaux services offerts par les pharmaciens, à ce qu'on mette en place des systèmes interopérables d'information sur les médicaments et d'ordonnance électronique et à ce qu'on intègre les ressources canadiennes sur la pharmacothérapie aux systèmes de dossiers électroniques des patients.

Monsieur le président, je vous remercie de nous permettre de témoigner devant vous. Nous serons heureux de répondre à vos questions et nous réjouissons à l'idée que l'Association des pharmaciens du Canada puisse travailler avec vous afin de jouer un rôle clé dans la mise en place de solutions.

Le président : Merci beaucoup.

Je vais maintenant céder la parole à la représentante de la Fédération des ordres des médecins du Canada, la FOMC, et inviter Fleur-Ange Lefebvre, directrice générale et chef de la direction, à témoigner.

Fleur-Ange Lefebvre, directrice générale et chef de la direction, Fédération des ordres des médecins du Canada : Merci infiniment, monsieur le président. C'est également avec joie que nous saisissons cette occasion de témoigner sur un sujet que nous estimons très important.

La Fédération des ordres des médecins du Canada est la structure nationale sur laquelle se fondent nos membres, les 13 ordres professionnels provinciaux et territoriaux qui octroient des permis aux médecins. Nos membres travaillent dans l'intérêt du public, afin que seuls les médecins qualifiés ne reçoivent de permis d'exercer la médecine au Canada.

Le comité a porté un certain nombre des questions à notre attention, et nous allons nous concentrer sur deux d'entre elles : les effets indésirables graves, puis l'abus, l'usage impropre et la dépendance.

Pour ce qui est des effets indésirables graves, l'ordonnance est un aspect important de la pratique médicale. Pour la rédiger, le médecin doit avoir les connaissances, les compétences et le jugement professionnel requis. Le médicament prescrit doit être adapté au diagnostic du patient.

Les médecins doivent également tenir compte du rapport risques-avantages pour le patient. Les médecins peuvent contribuer à prévenir les erreurs dans la prise de médicaments susceptibles de causer du tort, voire la mort, en évitant le plus possible de rendre des ordonnances verbales pouvant causer des erreurs. Ils doivent utiliser toute l'information disponible dans les bases de données et ailleurs sur l'historique de médication du patient et les interactions entre les médicaments et veiller à ce que tous les renseignements pertinents sur l'ordonnance soient transmis afin de prévenir toute substitution accidentelle du médicament par un médicament semblable. Ils doivent être bien renseignés sur les médicaments présentant un niveau de risque élevé et les précautions spéciales à prendre lorsqu'ils les prescrivent, et participer à la création d'un mécanisme de vérification spécial lorsque l'ordonnance vise une personne vulnérable (un enfant, une personne âgée ou un cas médicalement complexe) ou qu'elle est rédigée dans un contexte qui mérite une attention particulière, comme dans le cadre de mesures d'urgence. Ils doivent inclure les patients dans la prise de décision et la gestion de leurs médicaments d'ordonnance, ce qui implique d'écouter leurs préoccupations. Enfin, ils doivent signaler absolument tout effet indésirable observé aux organisations responsables et inciter leurs patients à faire de même.

Parlons maintenant un peu de l'abus, de l'usage impropre et de la dépendance. J'aimerais commencer par dire que nous avons présenté à peu près la même information au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes au début décembre, dans le cadre de sa propre étude sur le sujet.

L'abus de médicaments au Canada nous inquiète beaucoup, particulièrement l'abus d'opioïdes. Nous avons déjà pris beaucoup de mesures pour le prévenir, mais le phénomène ne fait qu'empirer. On peut presque parler d'épidémie. Nous figurons au deuxième rang mondial pour la consommation d'opioïdes sur ordonnance. Ce que nous avons tenté à ce jour n'a non seulement pas donné les résultats escomptés, mais la situation a empiré.

Il faut dire qu'il y a beaucoup d'acteurs en jeu : les prescripteurs, principalement des médecins; les fournisseurs, principalement des pharmaciens; les patients et le public, le tout dans un contexte d'exigences inappropriées et de détournement de médicaments. Nous nous inquiétons surtout du rôle des prescripteurs et bien sûr, du rôle des ordres des médecins eux-mêmes, les organisations que nous représentons.

Il y a plusieurs années, nous avons entrepris de mener une étude détaillée sur l'utilisation d'opioïdes sur ordonnance au Canada. Il en est ressorti un guide fantastique pour la FOMC et ses membres, qui est intitulé Canadian Guideline for Safe and Effective Use of Opioids for Chronic Non cancer Pain. Le principal objectif était d'élaborer un guide fondé sur la meilleure expérience possible et un consensus d'experts. C'est important, puisqu'il reconnaît l'utilisation légitime et adéquate de ces médicaments pour le traitement de la douleur dans la majorité des cas. Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain.

Un autre objectif était d'élaborer et de mettre en œuvre une stratégie de transfert des connaissances pour que ce guide national devienne dans la pratique un outil de décision utile pour les médecins traitant des patients souffrant de douleur chronique non attribuable au cancer.

Ce guide, dont la rédaction s'est terminée en 2010, contient 24 recommandations réparties en cinq catégories : un, la décision d'entreprendre une thérapie aux opioïdes; deux, l'essai des opioïdes; trois, le suivi de la thérapie aux opioïdes à long terme; quatre, le traitement de populations particulières au moyen de la thérapie aux opioïdes à long terme; cinq, la gestion de l'usage impropre des opioïdes et de la dépendance chez les patients souffrant de douleur chronique non attribuable au cancer.

Nos membres ont informé leurs médecins qu'ils s'attendaient à ce qu'ils suivent les paramètres prescrits dans ce guide. Je mentionne en outre qu'il a été très bien reçu, tant au Canada que sur la scène internationale. Tout récemment, un article publié dans les Annals of Internal Medicine sous le titre « Opioid Prescribing : A Systematic Review and Critical Appraisal of Guidelines for Chronic Pain » a présenté une revue de 13 guides. Le guide canadien est l'un des deux guides ayant reçu la meilleure note quant à son applicabilité à un vaste éventail de patients, à l'utilisation d'analyses détaillées et systématiques et à des méthodes rigoureuses pour la formulation de recommandations et à l'établissement fréquent de liens entre les recommandations et les données probantes disponibles.

Une demande de subvention a aussi été soumise pour le mettre à jour au besoin.

Nous avons quatre recommandations à vous faire. Les ordres des médecins et les autres acteurs du milieu médical doivent travailler avec les pharmaciens ainsi que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux pour lutter contre ce problème. Il y a tout simplement trop de personnes touchées.

Il faut accroître la sensibilisation, cibler les patients, le public, les prescripteurs, les établissements de santé, et cetera. C'est notre deuxième recommandation. En fait, nous avons récemment recommandé à Santé Canada de faire mention de ce guide et d'autres lignes directrices dans sa révision de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, parce que Santé Canada peut jouer un rôle dans la diffusion active de ces renseignements à grande échelle.

Pour notre troisième recommandation, nous croyons qu'il faut resserrer la réglementation sur les médicaments, les prescripteurs, les pharmaciens et l'application de la loi.

Notre quatrième recommandation serait d'établir un système d'information sur les médicaments pour enregistrer et suivre toutes les ordonnances en temps réel. Ces données devraient être rendues accessibles en temps réel aux organismes de réglementation et même aux organismes d'application de la loi.

Je sais qu'il y a de la répétition dans les différents témoignages que vous entendez.

Pour terminer, au nom de ma fédération et de nos membres, je tiens à vous exprimer notre reconnaissance pour l'intérêt que le comité sénatorial et le gouvernement du Canada portent à cet enjeu crucial. Tous les intervenants doivent unir leurs forces si nous voulons réussir à appliquer des solutions raisonnables et efficaces.

Le président : Merci infiniment, nous sommes ravis que vous vous répétiez dans vos témoignages.

Nous allons maintenant entendre Owen Adams, vice-président de la Politique de santé et de la Recherche à l'Association médicale canadienne. Nous recevons également de nouveau Millicent Toombs, directrice du Département de la santé publique.

Je crois que c'est vous qui allez prononcer l'exposé, monsieur Adams.

Owen Adams, vice-président, Politique de santé et Recherche, Association médicale canadienne : Merci, monsieur le président.

Bon après-midi, mesdames et messieurs les sénateurs. Je vous remercie au nom de l'AMC de nous donner l'occasion de revenir comparaître sur ce sujet, qui préoccupe beaucoup les médecins et les patients qu'ils soignent.

Aucun médecin ne niera l'importance des médicaments d'ordonnance dans le soin des patients. Les médecins veulent que tous les Canadiens aient accès à une pharmacothérapie médicalement accessible qui soit sécuritaire, efficace, abordable et bien prescrite. Une politique sensible sur les médicaments d'ordonnance doit faire partie intégrante des soins de santé axés sur les patients qui sont l'ultime priorité de l'AMC.

Malheureusement, les produits pharmaceutiques sur ordonnance ont des conséquences involontaires graves, et c'est l'objet de notre témoignage d'aujourd'hui. Dans notre mémoire, nous citons cinq types de conséquences involontaires qui nous empêchent, selon nous, d'offrir aux patients et aux Canadiens les soins qu'ils méritent.

Comme Fleur-Ange l'a dit, nous nous inquiétons particulièrement de l'usage de plus en plus répandu des analgésiques opioïdes. Elle a mentionné que le Canada figurait au deuxième rang mondial pour la consommation par habitant d'opioïdes sur ordonnance, tout juste derrière les États-Unis.

Les opioïdes ont un usage thérapeutique légitime pour atténuer la douleur attribuable au cancer ou à d'autres causes. Cependant, ils présentent également des risques importants pour la santé et la sécurité. L'euphorie qu'ils procurent en fait des produits recherchés à des fins récréatives. En outre, ils créent une forte dépendance. Par conséquent, beaucoup de consommateurs se mettent à adopter des comportements illégaux comme la recherche d'un médecin complaisant, la falsification de la signature des prescripteurs ou l'achat auprès de vendeurs de la rue.

L'AMC s'inquiète particulièrement des abus et de l'usage impropre des médicaments d'ordonnance par les populations vulnérables, notamment les personnes âgées, les jeunes et les Autochtones. Nous croyons que le gouvernement fédéral devrait s'entendre avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et d'autres intervenants pour élaborer et appliquer une stratégie nationale de lutte contre le mauvais usage et l'abus des médicaments d'ordonnance au Canada. Nous mentionnons quatre éléments que cette stratégie devrait inclure dans notre mémoire.

Il y a un autre problème que nous n'avions pas prévu, soit la pénurie de médicaments. En effet, nous connaissons des pénuries graves et persistantes. Elles préoccupent profondément les médecins du Canada. Dans un sondage réalisé par l'AMC auprès des médecins en septembre 2012, les deux tiers des répondants ont déclaré que les pénuries de médicaments avaient une incidence importante sur les soins offerts aux patients et les résultats du traitement.

Nous avons rassemblé récemment les représentants de nos associations de médecins spécialistes. Ils nous ont dit que le problème ne s'atténuait pas. L'AMC demande aux gouvernements et aux fabricants de prendre les mesures nécessaires pour limiter le plus possible les conséquences des pénuries de médicaments sur les patients.

Il y a également la conséquence involontaire grave des réactions indésirables aux médicaments. Leurs effets peuvent être dévastateurs, et ces réactions sont bien trop courantes, tout simplement. Santé Canada a toujours approuvé les médicaments d'usage général à la suite d'essais cliniques qui tendent à être de courte durée et à compter relativement peu de participants. Il s'ensuit que même lorsqu'un médicament d'ordonnance arrive sur le marché, il y a encore peu d'information sur son innocuité ou son efficacité et qu'il faut continuer de réunir de l'information auprès des personnes qui l'utilisent dans le monde réel.

À l'heure actuelle, les avis et l'information sur les effets indésirables potentiels des médicaments ne sont pas portés rapidement à l'attention des professionnels de la santé ou des patients. Les effets indésirables sont trop répandus au Canada. Selon l'Institut canadien d'information sur la santé, un patient de plus de 65 ans sur 200 est hospitalisé à cause des effets indésirables de ses médicaments.

C'est pourquoi l'AMC recommande une fois de plus que Santé Canada cherche à renforcer la capacité de son système de surveillance post-commercialisation, et nous lui proposons plusieurs pistes de solution en ce sens dans notre mémoire.

L'AMC met également l'accent sur l'intensification de nos efforts pour l'établissement optimal d'ordonnances. Dans un monde parfait, tous les patients se verraient prescrire les médicaments ayant l'effet le plus bénéfique sur leur santé tout en leur causant le moins possible de préjudices.

La consommation de nombreux médicaments différents chez les personnes âgées constitue un problème grave. Selon un rapport de 2001 de l'ICIS, 62 p. 100 des personnes âgées bénéficiaires des programmes publics d'assurance- médicaments utilisent cinq catégories de médicaments ou plus et presque 30 p. 100 des 85 ans et plus présentent des demandes de remboursement de 10 médicaments d'ordonnance ou plus. La consommation importante de médicaments peut donc causer des conséquences involontaires.

Dans notre mémoire, nous présentons quatre arguments à l'appui de l'établissement optimal d'ordonnances.

Enfin, le rôle élargi des médicaments dans les soins de santé a une autre conséquence : étant donné que les médicaments ne sont pas généralement couverts par la Loi canadienne sur la santé en dehors des hôpitaux, beaucoup de Canadiens non couverts n'ont pas les moyens de se les payer, de sorte qu'ils ne peuvent pas toujours suivre un plan de traitement. Selon une recherche menée pour l'AMC, un Canadien sur dix ne ferait pas remplir ses ordonnances à cause qu'il ne peut pas se les payer. Nos recherches confirment les résultats de l'édition 2007 de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes menées par Statistique Canada.

L'AMC recommande que les gouvernements, en consultation avec l'industrie de l'assurance-vie et l'assurance-santé et le grand public, mettent en place un programme de couverture complète des médicaments d'ordonnance, administré dans le cadre du remboursement des régimes d'assurance-médicaments provinciaux, territoriaux et privés, afin de permettre à tous les Canadiens d'avoir accès aux pharmacothérapies médicalement nécessaires.

Honorables sénateurs, je vais vous laisser réfléchir à toutes ces informations. J'ai hâte d'en discuter avec vous.

Le président : Merci beaucoup. Je vais maintenant permettre à mes collègues de vous poser des questions.

Le sénateur Eggleton : Je vous remercie infiniment de vos exposés et des idées très pertinentes que vous nous avez données. Il y en a que nous avions déjà entendues, que nous avons déjà examinées, mais je suis content de vous entendre réitérer votre appui aux ordonnances électroniques, entre autres, et rappeler des problèmes comme l'abus et la surconsommation de médicaments. L'AMC nous a également parlé des pénuries de médicaments.

Il y a quelques autres conséquences involontaires dont on nous a parlé. Je pense entre autres à la question de la résistance aux antibiotiques, à laquelle je vais arriver, mais peut-être pas pendant ma première série de questions, et aux préoccupations environnementales. J'aimerais savoir comment les représentants de l'Association des pharmaciens du Canada pensent pouvoir nous aider à cet égard, mais permettez-moi d'aborder d'abord une question sur laquelle nous nous sommes penchés tout récemment, celle des médicaments étrangers non conformes qui affluent au pays et de la contrefaçon de médicaments.

Pour ce qui est de la non-conformité aux normes, nous avons appris que la vaste majorité de nos médicaments et de nos ingrédients médicinaux sont actuellement importés de pays comme l'Inde, la Chine et le Brésil et que la qualité n'était pas toujours au rendez-vous.

Nous avons particulièrement entendu parler d'une compagnie de l'Inde, Ranbaxy, qui s'est attiré des ennuis de la part de la Food and Drug Administration des États-Unis. Nous le savons grâce aux lois sur la protection des dénonciateurs. En fin de compte, Ranbaxy a été poursuivie et elle a plaidé coupable à sept chefs d'accusation pour avoir vendu des médicaments falsifiés dans l'intention de frauder, ce qui constitue un crime fédéral. Elle a fini par consentir à verser 500 millions de dollars en amendes, en confiscations et en sanctions, mais elle poursuit ses activités aux États-Unis comme avant. C'est l'un des premiers fabricants étrangers de médicaments génériques, qui approvisionne les États-Unis.

Eh bien, elle est active ici aussi! En fait, l'un de nos témoins a dit que quelque 160 médicaments vendus sur ordonnance au Canada proviennent de cette société et que certains ne sont plus autorisés aux États-Unis, tandis qu'ici ils le sont.

Je n'ai reçu de Santé Canada aucun écho sur cette compagnie ni sur ses actions.

Cela doit nécessairement vous préoccuper. C'est un risque pour la santé et la sécurité des patients. Qu'en disent vos associations? Que faut-il faire, d'après vous, à ce sujet? Comment pouvons-nous mieux protéger les Canadiens?

Le président : Nous commençons par cette question sur la qualité des produits pharmaceutiques et les types de sociétés pharmaceutiques étrangères auxquelles le sénateur Eggleton vient tout juste de faire allusion.

Mme Cooper : Je vais me lancer la première. Vu le vaste ensemble de différents types de conséquences involontaires, aucun de nous n'a pu aborder toutes les possibilités. Nous attendons donc avec impatience les prochaines questions.

Les médicaments falsifiés sont très inquiétants. Au Canada, le problème n'est pas aussi grave que dans de nombreux autres pays, à cause de nos moyens de surveillance, mais je continue de croire que beaucoup d'inspections des fabricants, particulièrement à l'étranger, ne sont pas aussi rigoureuses qu'elles doivent l'être ici avant la mise en marché.

L'autre gros problème des médicaments falsifiés est en fait posé par les médicaments non autorisés au Canada. Les gens se les procurent par Internet, ce qui nous inquiète d'autant plus. La plupart des produits vendus par les grossistes réguliers canadiens font l'objet d'une assurance poussée de la qualité. Je ne ferai pas d'observations sur tel ou tel fabricant. Je ne prétends pas que la situation est parfaite, mais, sur Internet, beaucoup de sites qui semblent des sites canadiens réguliers et dignes de confiance ne le sont pas. Ils sont indiens, chinois, que sais-je? Ils présentent un autre risque énorme pour les Canadiens.

En ce qui concerne précisément les médicaments approuvés au Canada, les processus réglementaires et les processus de surveillance fédéraux ont besoin d'être en place pour assurer le respect, par les usines et les importateurs, des critères rigoureux effectivement en vigueur au Canada.

Le sénateur Eggleton : Je réservais pour une autre question les médicaments falsifiés, mais, maintenant que vous en parlez, je voudrais vous entendre tous sur ces deux sujets.

Personne ne semble dire qu'on applique la loi, au Canada, pour les médicaments falsifiés vendus par Internet. On n'a intenté aucune poursuite au Canada. Pourtant, vous vous dites préoccupés. Qu'avons-nous besoin de faire?

Mme Cooper : Nous en entendons beaucoup parler par nos collègues internationaux. Il est vraiment difficile de déterminer si beaucoup de médicaments envoyés ici par les fournisseurs d'Internet sont falsifiés. Ce domaine est difficile à réglementer. Les organismes de réglementation des produits pharmaceutiques et médicaux essaient de plier les pharmacies internet canadiennes aux lois, mais la plupart ne sont pas canadiennes, et les produits sont expédiés aux patients par la poste. Cela relève souvent de la sensibilisation du public, pour l'informer des risques qu'il prend.

Le sénateur Eggleton : Voyons ce qu'en pensent les autres.

M. Adams : Je ne peux vraiment qu'être d'accord avec Janet, parce que nos membres ne nous ont pas informés qu'ils étaient aux prises avec ce problème. Ils l'ont peut-être été, mais ils ne nous l'ont pas mentionné encore. De toute évidence, nous appuyons les mesures qui peuvent faire cesser cette pratique, dans la mesure où nous pouvons la connaître.

Le président : Pour faire suite à votre question sur les fournisseurs étrangers, je m'adresse ici à l'Association des pharmaciens, pouvez-vous décrire votre politique d'achat? Après tout, beaucoup de produits que vous vendez proviennent de l'étranger, d'une manière ou d'une autre. Pouvez-vous nous donner une petite idée des mécanismes d'achat utilisés par vos membres pour les produits que vous distribuez?

M. Emberley : Je m'empresse de répondre que, dans le régime réglementaire actuel, notre approvisionnement est très sûr et très efficace.

La règlementation de la pharmacie est du ressort des provinces et des territoires, par l'entremise d'organismes de réglementation, par exemple l'Ordre des pharmaciens de l'Ontario. Leurs règlements sont très précis en ce qui concerne l'acquisition des médicaments, qui doivent être obtenus de fabricants représentés au Canada, de fabricants ou de grossistes internationaux inscrits et connus. Le produit même doit circuler par ces canaux; on ne peut pas se le procurer par d'autres moyens. Une pharmacie, par exemple, ne peut pas acheter de médicaments en ligne ni auprès d'autres sources. Elle doit le faire par ce mécanisme rigoureusement réglementé.

Il faut alors en déduire que c'est tout simplement impossible de falsifier des médicaments par le réseau existant et par les pharmacies.

Le président : Laissons de côté la falsification. En ce qui concerne la qualité des médicaments, les produits de Ranbaxy étaient importés au Canada. On trouve actuellement sur le marché de l'insuline d'une autre société indienne qui soulève de graves questions. Comment vos membres s'assurent-ils de la qualité des produits qui viennent de ces endroits? Ils ne sont pas nécessairement bons parce qu'ils viennent de l'étranger.

Mme Cooper : Je suppose que tous les produits qu'un pharmacien peut acheter et distribuer doivent porter un avis de conformité et d'approbation de mise en marché de Santé Canada, qu'il serait impossible de les vendre s'ils ne portaient pas de numéro DIN d'identification du médicament. Tous les produits de Ranbaxy portent un numéro DIN, par l'entremise de Santé Canada, et ils devraient être soumis aux mesures appropriées de contrôle et d'évaluation que le gouvernement fédéral a mises en place.

Le président : Merci beaucoup. Voilà ce que je voulais entendre, pour que vous nous expliquiez que vous vous procurez vos médicaments par des sources approuvées et qu'ils portent un numéro DIN de Santé Canada. Nous allons nous occuper d'autres problèmes, mais je tenais à ce que ce renseignement fasse partie de la réponse à la question du sénateur.

Le sénateur Eggleton : Me permettez-vous d'en poser une autre?

Le président : Oui.

Le sénateur Eggleton : Permettez-moi d'aborder le problème de la résistance aux antibiotiques, qui découle de leur utilisation excessive, mauvaise et non médicale. On nous a notamment dit que l'immense majorité de la consommation aux États-Unis, 80 p. 100, servait à l'engraissement des animaux de boucherie. L'Organisation mondiale de la santé considère que la crise a atteint des proportions mondiales, tandis que d'autres organismes, ailleurs dans le monde, ont qualifié le problème de très grave.

Les sociétés pharmaceutiques semblent très peu désireuses de mettre au point de nouveaux antibiotiques. Il est extrêmement coûteux, nous le savons, de mettre sur le marché un médicament. Il est beaucoup plus rentable de vendre des médicaments utilisés quotidiennement par opposition à un médicament utilisé occasionnellement. Le problème est donc de taille.

Vous représentez, c'est sûr, les intervenants de première ligne qui doivent être préoccupés par cette résistance aux antibiotiques, cette crise mondiale. Quelle solution proposez-vous? Comment, d'après vous, devrions-nous combattre ce problème?

Millicent Toombs, directrice, Département de la santé publique, Association médicale canadienne : En fait, nos membres ont sans cesse attiré notre attention sur ce problème, particulièrement, pour répondre à la question du sénateur, en ce qui concerne l'emploi agricole des antibiotiques. À nos assemblées annuelles des quelques dernières années, nous avons adopté des résolutions réclamant une maîtrise et une surveillance beaucoup plus rigoureuse des emplois agricoles, particulièrement de ceux qui ne sont pas thérapeutiques. J'ai notamment appris qu'on en administre beaucoup aux bovins, comme traitement préventif dans les élevages surpeuplés ou comme stimulateurs de la croissance et non pour traiter une maladie existante. Nous avons aussi appris que beaucoup de mesures de contrôle que l'industrie s'impose à elle-même sont des codes de pratiques volontaires.

Nous avons donc adopté, comme j'ai dit, plusieurs résolutions réclamant une surveillance plus rigoureuse de l'emploi agricole des antibiotiques, particulièrement des importations pour le secteur agricole et pour utilisation personnelle ou utilisation non indiquée sur l'étiquette du produit.

Le sénateur Eggleton : Y a-t-il d'autres commentaires?

Mme Cooper : Nous n'avons pas de position officielle comme celle-là, mais je dirais que les pharmaciens éprouvent les mêmes inquiétudes que les médecins et qu'ils appuient la nécessité d'une réglementation et d'une surveillance plus rigoureuses de l'agriculture, parce que, à mon avis, la négligence y est répandue.

Par contre, la surconsommation d'antibiotiques sévit aussi dans les populations humaines. On en prescrit trop, et les patients s'attendent, après une consultation, de partir avec un antibiotique. C'est un très vieux problème, et différentes campagnes de sensibilisation ont visé non seulement la prescription de trop d'antibiotiques mais aussi la prescription de trop de nouveaux antibiotiques, qu'on devrait réserver aux infections graves, contre lesquelles les vieux antibiotiques ne sont pas efficaces, pour dire les choses simplement.

Phil exerce régulièrement dans une pharmacie communautaire d'Ottawa, et les pharmaciens sont très souvent témoins d'une prescription excessive et inutile d'antibiotiques ou, souvent, d'une prescription des mauvais antibiotiques.

Mme Lefebvre : Je pense que c'est ici qu'intervient la sensibilisation. Nous sommes tous au courant de la surprescription et de la surutilisation de médicaments pour la production alimentaire, mais le message ne se rend pas au public. Même moi, quand je consulte le médecin après un rhume de deux semaines, je sais que c'est une maladie virale insensible aux antibiotiques, mais je me sentirais beaucoup mieux si le médecin m'en prescrivait un. Pourtant, je suis informée, mais beaucoup ne le sont pas. C'est un élément important. Les utilisateurs sont en partie la cause de ce phénomène. À un moment donné, je pense que je pourrais probablement convaincre mon médecin, qui est une femme plus courte que moi. C'est un problème réel.

Les médecins sont censés suivre les lignes directrices et ils essaient de le faire. Je pense que la plupart y parviennent très bien. Nous ne parlons pas de la majorité qui rédige des prescriptions inappropriées ou qui, au moins, essaie de ne pas tomber dans ce travers.

La sénatrice Seidman : Je suis vraiment heureuse de vous avoir entendus vous répéter les uns les autres et avoir mentionné les avantages du numérique et de l'électronique pour beaucoup d'aspects de cette question. Je n'insisterai pas davantage, parce que vous vous êtes très bien exprimés.

Les témoins que nous entendons depuis la fin de janvier ont tous soulevé des questions très intéressantes. Si vous permettez, je vais lire des extraits de leurs témoignages et vous poser une question à leur sujet.

Je pense que vous avez déjà effleuré ce sujet. Brian O'Rourke, de l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, nous a dit que le problème de la polypharmacie était très préoccupant, particulièrement, dans les foyers de soins de longue durée. Nous savons que beaucoup de chutes sont liées à l'interaction des médicaments ou à la polypharmacie. Comment les prescripteurs ou les préparateurs peuvent-ils contribuer à une culture de la déprescription?

M. Emberley : Si vous me permettez de répondre au nom de l'Association des pharmaciens du Canada, je pense que les pharmaciens s'impliquent de plus en plus dans ce domaine. L'accès amélioré aux profils pharmaceutiques des patients permet un examen détaillé des véritables besoins, de ce qui peut être élagué en raison de ces effets secondaires possibles et, dans certains cas, de ce qu'il faut ajouter, parce qu'il se présente aussi des cas de sous-médication.

Nous avons besoin d'un meilleur accès à l'information, comme nous l'avons dit, mais aussi d'information sur le patient. Cette dernière information, par exemple le ou les diagnostics dont il est l'objet, est d'une importance vitale, parce qu'elle nous permet de savoir exactement quels médicaments il devrait prendre et lesquels il devrait peut-être éviter.

Mme Cooper : Je pourrais aussi ajouter ceci : nous avons discuté de l'ajout de la notion de déprescription à nos notes, en raison de sa complexité. En Ontario, une importante initiative a été lancée, que le gouvernement de la province finance. Nos collègues de l'hôpital Bruyère ainsi que d'autres pharmaciens influents travaillent à une initiative de lignes directrices sur la déprescription, sur la manière de cesser de prescrire les benzodiazépines et un certain nombre d'autres médicaments qui provoquent des chutes chez les patients. Des personnes âgées perdent vraiment leur indépendance et aboutissent dans un foyer de soins de longue durée ou à l'hôpital parce qu'ils prennent trop de médicaments. C'est un lent processus. Il faut beaucoup de temps aux médecins et aux pharmaciens pour collaborer ensemble.

Les pharmaciens ont commencé un examen de la médication assorti de soins sur rendez-vous dans leurs pharmacies. Ils veulent savoir si tous ces médicaments sont nécessaires en Ontario. Nous n'avons pas un tableau complet de tous les médicaments que prennent les patients. C'est l'inconnu. Dans l'Ouest, vous avez un dossier complet de ce que les patients prennent, grâce aux réseaux provinciaux, dont nous avons besoin.

Dans une prochaine conférence, nous en apprendrons beaucoup plus sur la notion de déprescription et sur le fait de faire cesser à un patient la prise d'un médicament prescrit par un spécialiste, mais que le patient ignore qu'il prend.

La transition de l'hôpital à la maison est une autre période pendant laquelle on poursuit la prise des médicaments. Elle a besoin d'être réévaluée.

Mme Lefebvre : Une anecdote personnelle : ma mère était une patiente très complexe dans les dernières années de sa vie. Je ne pense pas qu'on lui ait prescrit des médicaments dont elle n'avait pas besoin. Quand elle est sortie une fois de l'hôpital — et elle avait une fille très dévouée qui surveillait absolument tout ce qu'elle prenait —, c'est le pharmacien qui a eu deux fois la puce à l'oreille. Le médicament n'était pas en cause, mais le mode d'administration. Il a fallu deux jours pour corriger le problème. Pourquoi le médecin ne savait-il pas cela sur le bout des doigts? Le pharmacien, lui, savait. Nous avons du travail à faire. Nous possédons l'information. J'ai été assez futée pour toujours obtenir les médicaments de ma mère à la même pharmacie. C'est un conseil de base, ne croyez-vous pas? Évitez de fréquenter beaucoup de pharmacies.

La sénatrice Seidman : Cela me conduit à ma prochaine question, inspirée par la Dre Susan Ulan de la coalition sur la consommation abusive de médicaments d'ordonnance. Elle a dit que le rôle du collège, en sa qualité d'organisme de réglementation médicale, était de déterminer et de gérer la prescription qui présente des risques élevés. Quels mécanismes avez-vous prévus pour reconnaître les médecins qui présentent des risques élevés?

Mme Lefebvre : C'est un sujet sur lequel les différences entre les méthodes de saisie de l'information, d'un bout à l'autre du pays, sont vraiment importantes. Par exemple, le réseau PharmaNet, en Colombie-Britannique, est excellent. L'organisme de réglementation peut partir en expédition de collecte de renseignements sur tel médicament, pour cerner les cas aberrants. C'est facile, parce qu'il possède l'information depuis un certain temps maintenant. Après avoir reconnu les cas aberrants, il les contacte. Souvent le comportement de tel médecin est approprié, vu la nature de ses patients, mais parfois aussi, il ne l'est pas. Nous avons constaté, d'un bout à l'autre du pays, que, parfois, l'appel de l'organisme de réglementation a pour effet de ramener rapidement la conduite de prescription du médecin dans la normalité. Il faut souvent se rappeler que cette conduite peut s'expliquer par la population particulière de patients, mais il faut poser la question.

D'autres provinces peuvent posséder les données, mais l'organisme de réglementation peut seulement examiner la conduite du médecin s'il a des motifs pour le faire. Déjà, c'est une différence : mêmes données, accès différents. Les lois de notre pays sur la protection de la vie privée ont vraiment des qualités, mais elles présentent aussi l'inconvénient d'empêcher la communication de renseignements, tandis que d'autres provinces ne disposent tout simplement pas des données. Nous sommes un mélange d'un peu de tout. C'est la raison pour laquelle nous recommandons notamment de confier ces renseignements aux personnes qui peuvent effectivement intervenir de manière efficace avant que le mal ne soit fait.

La sénatrice Seidman : On nous dit aussi que l'étiquetage est très important, surtout en ce qui concerne les opioïdes. Vous, les pharmaciens, jouez un rôle essentiel dans la sensibilisation des patients. Vous êtes en quelque sorte la ressource principale dans ce domaine, et je sais que ces jours-ci, un grand nombre de patients s'adressent beaucoup plus souvent à leur pharmacien pour se renseigner au sujet de leurs médicaments qu'à leur médecin.

Quel est votre avis sur l'étiquetage en tant qu'outil pour sensibiliser davantage les patients?

M. Emberley : Je dois dire que l'étiquetage est très important. Malheureusement, ce qui arrive souvent dans le cas des médicaments, c'est que les gens utilisent une partie de leur ordonnance et mettent le reste de côté en vue d'une utilisation ultérieure, et à ce moment-là, ils ne se souviennent plus de l'usage approprié de ce médicament. L'exhaustivité de l'information fournie est importante pour éviter les problèmes potentiels. Les pharmacies sont réglementées de façon à ce que les étiquettes d'ordonnance contiennent certains renseignements précis. On pourrait réexaminer la question en veillant à éviter les conséquences imprévues potentielles. Je crois que c'est un point valable.

Mme Cooper : J'aimerais ajouter que l'étiquetage n'est pas suffisant. Il faut établir un dialogue avec le pharmacien, non seulement dans le cas d'une nouvelle ordonnance, mais aussi lors de son renouvellement. Le pharmacien doit vous demander si vous prenez votre médicament de la bonne façon et si vous avez eu des problèmes. Il faut aussi se poser des questions si l'ordonnance n'est jamais renouvelée. Si nous avions de meilleurs systèmes électroniques, nous serions mieux en mesure d'exercer cette surveillance. Par exemple, si une personne commence à prendre un médicament antihypertenseur et qu'elle ne renouvelle pas l'ordonnance, cela peut entraîner des conséquences imprévues provoquées par une pression sanguine élevée et incontrôlable.

Mme Toombs : J'aimerais que l'étiquetage fasse partie d'une initiative de sensibilisation complète à laquelle participerait non seulement le pharmacien, mais aussi le médecin qui prescrit le médicament au patient. Existe-t-il un protocole de sensibilisation que vous pouvez appliquer au patient et qui serait cohérent avec ce que le pharmacien pourrait lui dire?

Le sénateur Enverga : J'aimerais remercier les témoins de leurs exposés. Parfois, ils nous font vraiment prendre conscience d'une situation.

Au cours de mes recherches, j'ai consulté le site web de l'Association médicale canadienne, et le 17 février dernier, après un symposium sur les problèmes liés aux médicaments d'ordonnance, on a mentionné une statistique renversante. Un examen du programme d'avantages sociaux de l'Ontario a révélé que 898 ordonnances d'opioïdes avaient été délivrées pour 1 000 membres de Premières Nations en 2007. Est-ce vrai? Si oui, connaissez-vous la moyenne nationale? Comment est-il possible que cette situation se produise dans une province?

Mme Toombs : Je crains de ne pas connaître la moyenne nationale. Je crois que c'est l'un des problèmes auxquels nous faisons face. En effet, les données sur l'utilisation et l'abus des opioïdes à l'échelle nationale sont incohérentes et incomplètes. Je crois que cette Première Nation en particulier pourrait avoir été touchée, mais nous ne savons même pas si cette situation se reproduit dans toutes les Premières Nations de l'Ontario ou du Canada. C'est pourquoi le programme de surveillance des médicaments d'ordonnance est si important pour nous, car nous pouvons l'utiliser pour recueillir des données qui nous permettent de savoir qui reçoit une ordonnance d'opioïdes.

Le sénateur Enverga : Mais les données, dans ce cas-ci, concernent seulement les Premières Nations. Qu'en est-il du reste de l'Ontario? Comment compareriez-vous cette situation à celle du reste de l'Ontario?

M. Adams : Il ne fait aucun doute que la statistique à laquelle vous avez fait référence est renversante. L'ancien ministre de la Santé nous avait signalé ce problème. Il ne fait aucun doute que cette statistique est beaucoup plus élevée. Mais nous ne pouvons pas quantifier cela, ou du moins, je ne le peux pas.

Le sénateur Enverga : Madame Lefebvre pourra peut-être répondre à ma question. Les médecins reçoivent-ils une formation particulière pour traiter les patients membres des Premières Nations? Pouvons-nous faire quelque chose à cet égard?

Mme Lefebvre : Nous recommandons que les médecins s'assurent de bien connaître la population de patients qu'ils traitent. Toutefois, je dois revenir sur un point. Les données que vous avez citées sont renversantes, mais n'oublions pas qu'un grand nombre d'ordonnances d'opioïdes sont appropriées. Il est toutefois très préoccupant de savoir si, au bout du compte, les opioïdes se rendent aux destinataires ciblés, et il pourrait être très important d'établir un partenariat avec les organismes de l'application de la loi à cet égard.

Le sénateur Enverga : C'était en 2007. Qu'en est-il pour 2014? Y a-t-il eu des changements? Avons-nous progressé?

Mme Lefebvre : Non, les choses empirent; nous le savons. Nous sommes maintenant au deuxième rang, après les États-Unis. Nous n'en sommes pas fiers.

Le sénateur Enverga : Que prescrivez-vous dans ce cas? Avez-vous une ordonnance ou une recommandation concernant seulement l'Ontario ou les Premières Nations? Y a-t-il une chose qui devrait nous préoccuper davantage ou que vous pourriez nous recommander?

Mme Lefebvre : Nos recommandations à cet égard — et je les ai lues plus tôt — visent particulièrement la mauvaise utilisation, l'abus et, évidemment, la dépendance. Nous pensons vraiment qu'il s'agit d'un effort de collaboration. Nous devons conjuguer nos efforts.

Il y a tellement de niveaux de réglementation. Le gouvernement fédéral réglemente les médicaments, nous réglementons les médecins praticiens qui prescrivent ces médicaments, et il y a également les organismes de l'application de la loi qui entrent en jeu. Un grand nombre d'enjeux liés à ce problème ont trait à l'application de la loi. Nous devons sensibiliser la population. Nous faisons de notre mieux pour sensibiliser les médecins prescripteurs. Nous leur demandons de suivre les lignes directrices. Nous devons également veiller à diffuser les renseignements.

L'Ontario est une grande province, et elle n'a pas tous les renseignements dont nous avons parlé plus tôt. D'autres provinces sont en possession de ces renseignements. Nous devons veiller à ce que les lois sur la protection des renseignements personnels n'empêchent pas leur diffusion, et qu'elles servent leurs objectifs sans nous empêcher, par inadvertance, de mieux faire notre travail.

Notre recommandation principale sur tous les fronts en ce qui concerne les ordonnances, c'est qu'il faut normaliser la cueillette d'information et l'acheminement de ces renseignements aux régulateurs de partout au pays.

M. Adams : J'aimerais ajouter quelques commentaires à cet égard. Manifestement, la sensibilisation est un élément clé, mais nous avons également soulevé, dans notre mémoire, la question de l'accès aux services de traitement. Il y a de nombreuses préoccupations au sujet de l'accès aux services de gestion de la douleur, et cetera. Je crois que si on améliorait les choses dans ce domaine, cela pourrait aider.

M. Emberley : Je suis d'accord en ce qui a trait à la sensibilisation et j'irais plus loin en disant que la sensibilisation des patients est extrêmement importante et qu'il faut commencer lorsqu'ils sont très jeunes. Je crois que les gens doivent savoir pourquoi on utilise les médicaments, quels sont leurs limites et leurs bienfaits, et quel est leur rôle dans les soins de santé offerts à chaque personne. Nous devons commencer à un jeune âge, mais nous devons aussi faire en sorte que les patients prennent le contrôle de leur vie et qu'ils ne laissent pas les médicaments les contrôler.

Le sénateur Enverga : En fait, monsieur Emberley, vous avez créé un document dans lequel vous affirmez qu'il faut étendre le pouvoir des pharmaciens de renouveler les ordonnances de narcotiques et de médicaments contrôlés, car cela contribuera à limiter l'abus de ces médicaments.

J'ai de la difficulté à comprendre votre logique à cet égard. Je ne vois pas comment le fait de permettre à certaines personnes de fournir ces médicaments fera diminuer leur utilisation et le potentiel d'abus. Pouvez-vous approfondir à ce sujet?

M. Emberley : Bien sûr. Je serai heureux de vous en parler.

Je crois que ce que je tentais de faire valoir lorsque j'ai fait cette déclaration, c'est que très souvent, ce sont les pharmaciens qui se rendent compte que l'utilisation d'un médicament devient problématique. Ils sont souvent les premiers à s'apercevoir qu'une personne a peut-être un problème avec un médicament, par exemple un opioïde. Cette personne en fait peut-être une mauvaise utilisation ou augmente sa dose. Je crois que le pharmacien peut intervenir dans ces situations et exercer un certain contrôle sur la décision de permettre à ce patient de continuer à prendre le médicament. Le pharmacien peut jouer un tel rôle et il pourrait attirer l'attention sur les situations qui nécessitent d'autres consultations pour déterminer la façon de s'attaquer à l'utilisation problématique.

Dans d'autres cas, lorsque l'utilisation est appropriée, je crois que le pharmacien peut continuer de fournir le médicament et d'aider le patient à gérer sa consommation. Je ne crois pas que ces deux choses sont contradictoires. Je pense que nous parlons de la capacité de poursuivre un traitement médicamenteux lorsqu'il est justifié et d'être capable d'en cesser l'utilisation lorsqu'un problème se pose ou de collaborer avec les médecins et les médecins prescripteurs, afin de poursuivre le dialogue.

Mme Cooper : Je ne crois pas que nous laissons entendre que les 26 000 pharmaciens communautaires devraient avoir le pouvoir de renouveler des ordonnances et de prescrire des narcotiques. Cela concernerait surtout les pharmaciens qui détiennent une spécialisation dans le domaine et qui travaillent dans un programme de traitement de la toxicomanie et de la gestion de la douleur par les narcotiques. Il ne s'agit pas d'une solution universelle qui peut être prescrite par tout le monde, car cela ne ferait qu'aggraver la situation — et je crois que vous en avez parlé —, mais il faut faire en sorte que les pharmaciens puissent détecter les problèmes. Il s'agit peut-être de modifier la dose — cela fait également partie de l'ordonnance — ou de la diminuer ou d'aider une personne à cesser de prendre des narcotiques, car on ne peut pas tout simplement leur dire d'arrêter. Les gens commencent à prendre des narcotiques et il arrive qu'ils ne puissent plus arrêter, et c'est à ce moment-là que les pharmaciens peuvent leur venir en aide. Il faut également beaucoup de temps pour aider quelqu'un à cesser de prendre des narcotiques.

Le sénateur Enverga : Pouvons-nous avoir les commentaires des médecins? Permettriez-vous cela?

Mme Lefebvre : Les médecins n'ont pas le droit de permettre aux pharmaciens de faire ce qu'ils font. Il s'agit certainement d'un partenariat. Je crois que Janet a raison lorsqu'elle dit que souvent, c'est le pharmacien qui voit le patient lorsqu'il achète son médicament le premier jour et qu'il revient le troisième jour pour un renouvellement alors qu'il s'agit d'une ordonnance de 30 jours; le pharmacien se rend compte que quelque chose ne tourne pas rond. Je crois donc que les pharmaciens ont un rôle à jouer à cet égard.

Encore une fois, si nous recueillions des renseignements et que nous les communiquions aux personnes concernées pour qu'elles en fassent une utilisation appropriée, je crois que cela nous aiderait beaucoup à cerner le problème et à trouver la meilleure façon de le régler.

M. Adams : Je crois que le point que nous aimerions faire valoir, c'est que ces choses devraient généralement être accomplies dans un esprit de collaboration, ou comme Janet l'a dit, de « partenariat ».

Si vous examinez la situation actuelle au pays, vous pourrez observer, dans de nombreux nouveaux modèles de soins primaires, une intégration évidente des services offerts par les médecins et les pharmaciens et par d'autres fournisseurs de services. Je crois qu'il s'agit d'une approche plus axée sur le travail d'équipe. C'est probablement la façon dont nous ferons les choses à l'avenir.

M. Emberley : Pour faire suite à un commentaire de Janet, l'une des autres conséquences imprévues que je vois dans ma pratique, ce sont les patients qui tentent d'arrêter de prendre leurs médicaments par eux-mêmes, sans obtenir l'aide d'un médecin.

Par exemple, j'ai un patient qui, il y a quelques semaines, souhaitait cesser de prendre un somnifère. Il s'est dit qu'au lieu de prendre un comprimé par jour, il allait seulement prendre un demi-comprimé, en pensant que c'était la solution parfaite. Mais cela signifie qu'il diminuera sa dose de 50 p. 100 au cours d'une seule journée, et de 50 p. 100 au cours d'une semaine. Cela provoquera un sevrage, ce qui ouvrira la porte à d'autres problèmes. C'est pourquoi, très souvent, à mon avis, il est important d'obtenir la collaboration des pharmaciens dans ces cas-là, afin d'empêcher les gens d'agir ainsi et d'entraîner des conséquences imprévues.

La sénatrice Eaton : Madame Lefebvre, j'aimerais revenir sur une chose mentionnée par la sénatrice Seidman, et c'est l'idée de faire affaire avec une seule pharmacie. Je sais personnellement, et nous le savons tous, que nous consultons différents spécialistes pour différents problèmes. Chacun d'entre eux peut nous prescrire un médicament qui règlera le problème lié à sa spécialisation.

Les membres du comité ont également entendu dire que les médecins n'ont pas encore adopté la numérisation des dossiers des patients. Cela s'en vient, mais c'est très lent. Donc, la seule personne qui sait exactement ce que vous consommez, c'est votre pharmacien, si vous faites affaire avec une seule pharmacie, n'est-ce pas? Et c'est ce pharmacien qui peut se rendre compte qu'un médicament est contre-indiqué dans le cas du spécialiste A et du spécialiste B, et qu'ils ont des effets contradictoires, n'est-ce pas?

Mme Cooper : En Ontario, si vous faites affaire avec une seule pharmacie, le pharmacien aura votre dossier complet. Toutefois, la succursale de Pharmaprix au coin de la rue ne communique pas ces renseignements à la succursale voisine.

La sénatrice Eaton : La pharmacie a toutes mes ordonnances et les pharmaciens me téléphonent.

Mme Cooper : Phil peut nous en parler, car il a pratiqué en Colombie-Britannique. Là-bas, les pharmaciens et les médecins ont accès à toutes les ordonnances qui ont été délivrées à un patient dans la province, ainsi qu'à son dossier complet. C'est ce que nous entendons lorsque nous parlons des « systèmes d'information sur les médicaments ».

La sénatrice Eaton : Oui. On veut d'abord inscrire les renseignements médicaux au dossier, et ensuite ajouter les ordonnances. Mais en ce moment, savez-vous si les pharmaciens, en Ontario, peuvent voir les contre-indications? Pourraient-ils dire à un patient ou à un client, par exemple : « Écoutez, madame la sénatrice Seth, vous ne devriez peut- être pas prendre ce médicament, mais vous devriez prendre celui-là. Je vais téléphoner à votre médecin. » Prenez-vous habituellement ce genre d'initiative?

M. Emberley : Oui. Lorsque nous constatons qu'il y a des contre-indications, nous agirons de façon proactive. Si nous voyons qu'une situation potentiellement grave pourrait se produire, nous tenterons certainement de l'éviter. Toutefois, nous n'avons pas accès aux médicaments que les gens obtiennent dans d'autres pharmacies.

La sénatrice Eaton : Si nous sensibilisions les gens à faire affaire avec une seule pharmacie, seriez-vous proactifs?

M. Emberley : Absolument, et plus nous avons de renseignements au sujet d'un patient, mieux nous pouvons l'aider. C'est un peu comme un cycle. Plus nous avons de renseignements au sujet d'autres choses, par exemple les diagnostics et même le résultat de tests menés en laboratoire à leur sujet, plus nous serons en mesure d'intervenir et de suggérer une solution de rechange sensée au patient, afin de lui éviter des problèmes.

La sénatrice Eaton : C'est bien d'entendre cela.

Mme Cooper : Les logiciels pharmaceutiques que nous utilisons depuis plus de trois décennies — les pharmaciens ont probablement été les premiers à adopter les dossiers de santé électroniques parmi les fournisseurs de soins de santé — ont des systèmes d'alerte pour repérer les interactions entre les médicaments ou entre les médicaments et certains aliments, les allergies, et cetera, et ces alertes sont manifestement prises très au sérieux.

La sénatrice Eaton : Maintenant, en ce qui concerne la coopération avec les médecins, supposons que j'ai une maladie chronique et que je prends un opiacé ou que je ressens beaucoup de douleur. Si vous changez régulièrement l'opiacé qui m'est prescrit, diminuerez-vous le risque que je développe une dépendance à cet opiacé, ou si vous changez mon analgésique ou la façon dont je le prends?

M. Adams : Je suis désolé, madame la sénatrice, mais je ne suis pas médecin et je ne peux donc pas répondre à la question.

La sénatrice Eaton : Vous ne pouvez pas répondre non plus?

Mme Lefebvre : Non. Je ne suis pas médecin.

La sénatrice Seth : Personne ne peut répondre à la question.

M. Emberley : Si vous me le permettez, je peux répondre à la question. Un opiacé s'attache à un récepteur précis dans le cerveau, et tous les opiacés s'attachent essentiellement au même récepteur.

La sénatrice Eaton : Donc, en changeant mon médicament ou mon régime posologique, vous ne m'empêcherez pas de développer une dépendance à ce médicament?

M. Emberley : Non. Aussi longtemps qu'il s'agit d'un opioïde, vous développerez une dépendance et vous continuerez d'en avoir besoin et de l'utiliser. Il y a d'autres catégories de médicaments qui sont utilisés contre la douleur et qui s'attachent à un récepteur différent, et on peut donc proposer cette solution à un patient qui ne veut plus prendre ce type de médicament.

La sénatrice Eaton : Faites-vous cela à l'occasion?

M. Emberley : Certainement. Le traitement auxiliaire contre la douleur est une stratégie qui est souvent utilisée lorsqu'un patient n'obtient pas les résultats escomptés avec un opiacé, ou lorsqu'il dit qu'il ne veut plus prendre d'opiacé. Cela arrive, et nous proposerons des solutions de rechange.

La sénatrice Eaton : Suggéreriez-vous de délivrer une ordonnance valide pour deux semaines et de tenter de trouver une autre solution à la fin de cette période?

M. Emberley : Oui. C'est une stratégie couramment utilisée. Il faut manifestement respecter le choix du patient en matière de santé, et ses décisions, et il faut également collaborer avec son médecin. C'est vraiment une approche à trois piliers. C'est la façon dont nous voyons les choses.

La sénatrice Eaton : Serait-il important de renforcer ce triangle, du point de vue des médecins?

M. Emberley : Absolument.

Mme Lefebvre : J'aimerais revenir à la question du recours à une seule pharmacie pour tous les médicaments sur ordonnance. Supposons que vous sortez du cabinet de votre médecin, qui est situé à 10 km de votre pharmacie habituelle, que vous ne vous sentez pas bien et qu'une autre pharmacie se trouve juste à côté. Si nous voulons agir pour la sécurité des patients, il serait donc essentiel de mettre en place le système d'information sur les médicaments. C'est la solution.

Le président : On nous a clairement dit que le système PharmaNet, instauré en Colombie-Britannique, permettrait de remédier à ce problème. Dans le monde d'aujourd'hui, il n'est pas pratique de toujours faire affaire avec la même pharmacie pour obtenir ses médicaments. Selon ce qu'on nous a dit, le système PharmaNet serait l'outil à privilégier.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup. Vos témoignages sont excellents. Certains éléments se répètent, mais comme le président l'a dit, ce n'est pas une mauvaise chose, car cela signifie que c'est extrêmement important, et nous en prenons bonne note.

Madame Lefebvre, vous avez parlé de la consommation d'opioïdes et des lignes directrices connexes, et vous avez dit que ces recommandations étaient respectées partout dans le monde et au Canada. Pourtant, nous sommes toujours le deuxième plus grand consommateur d'opioïdes par habitant, ce qui n'a rien de réjouissant. Applique-t-on ces lignes directrices et ces recommandations de façon universelle à l'échelle du Canada?

Mme Lefebvre : Je ne sais pas si on les applique universellement, mais je peux vous dire que nos membres, les 13 organisations qui délivrent les permis aux médecins, ont demandé clairement aux médecins autorisés de suivre leurs recommandations lorsqu'il s'agit de prescrire des opioïdes dans leur pratique.

Les organismes de réglementation, à moins qu'ils ne disposent d'un quelconque outil de surveillance, comme l'utilisation ou la facturation des médicaments — qui est une autre forme de base de données qui peut être consultée dans certaines provinces, mais pas dans d'autres —, dépendent uniquement d'un système fondé sur les plaintes. Nous savons que quelque chose ne va pas lorsque nous recevons une plainte.

On ne cesse de répéter qu'il faut parler davantage de ces lignes directrices. Nous croyons rejoindre un grand nombre de médecins, mais visiblement, ce n'est pas suffisant.

Certains de ces problèmes découlent d'un usage tout à fait inapproprié, c'est-à-dire que la personne qui prend le médicament n'est pas celle à qui on l'a prescrit. Ces situations sont très fréquentes.

M. Adams : Si vous me permettez, j'aimerais ajouter quelque chose. Un de nos employés a participé à l'élaboration de la ligne directrice 2010 dont Mme Lefebvre a parlé, et nous venons tout juste de lancer un module de l'AMC sur notre site web à ce sujet. Nous allons voir comment cela se manifeste.

Mme Cooper : L'une de nos recommandations visait à ce que nos médecins puissent avoir accès à des outils d'aide à la prise de décision ou à des renseignements de nature thérapeutique sur place, au moment de rédiger une ordonnance, ou dans le système de dossiers médicaux électroniques dans lequel ils ont inscrit un diagnostic.

Le domaine de la santé regorge d'excellentes lignes directrices fondées sur des données probantes. Certaines d'entre elles s'étalent sur des centaines de pages, et personne ne prend le temps de les lire au moment de rédiger une ordonnance.

J'ai parlé de l'initiative e-Thérapeutique, sur laquelle nous avons travaillé en collaboration avec Santé Canada, par l'entremise du Fonds pour l'adaptation des soins de santé primaires, en vue de remédier à cette situation. Il s'agit d'une compilation des meilleures lignes directrices et données probantes.

N'empêche, les médecins sont des gens tellement occupés. Ils n'ont pas le temps de lire énormément. Ils doivent pouvoir consulter les éléments d'information essentiels au moment de prendre une décision. Lorsqu'ils diagnostiquent une infection à l'oreille ou une pneumonie acquise dans la communauté ou qu'ils se demandent comment traiter une douleur chronique, ils peuvent ainsi lire rapidement les renseignements dont ils ont besoin sur les traitements disponibles ainsi que les lignes directrices : quels médicaments puis-je utiliser et dans quels cas puis-je le faire?

Pour ces populations de patients, il y a de nouveaux renseignements concernant l'innocuité. Ces lignes directrices ne suffisent pas. Nous en avons tellement accumulé au fil des années. Les lignes directrices sont en place, mais encore faut- il qu'on les applique dans la pratique. Nous devons trouver des façons de faciliter ce processus, grâce aux systèmes de dossiers médicaux électroniques, et de transmettre cette information. Par exemple, les médecins n'auraient qu'à faire défiler le texte et non pas à cliquer 15 fois et à attendre que les sites Web se chargent. L'information doit se trouver sur l'application qu'ils utilisent tous les jours, que ce soit un ordinateur, un iPad ou autre chose du genre. Il est important qu'ils puissent avoir accès à cette information concise au moment de prescrire des médicaments ou de surveiller leur utilisation, ou encore pour donner les renseignements aux patients, parce qu'il existe beaucoup de différentes sources de renseignements pour les patients qui ne sont pas nécessairement des données de Santé Canada, qui sont pertinentes, mais dont personne n'a accès.

La sénatrice Cordy : On nous a également parlé de la difficulté à s'y retrouver sur le site web de Santé Canada. Si je ne me trompe pas, vous avez dit que la nécessité d'avoir de l'information concise s'appliquait également aux patients. Vous ne lirez pas 25 pages avant de prendre vos médicaments, mais vous lirez des énumérations ou quelques éléments d'information essentiels.

Monsieur Adams, vous avez parlé des pénuries de médicaments, et on a déjà soulevé cette question devant le comité, de même que des mesures qui s'imposent. Vous avez parlé du travail sur le site web et indiqué qu'il ne faudrait plus se fier à une seule source d'approvisionnement dans le cas des médicaments, si je ne m'abuse.

Vous avez également dit que nous devrions nous pencher sur les causes profondes des pénuries. Premièrement, est-ce que nous les connaissons? Deuxièmement, on nous a dit que les pharmaciens et les médecins n'étaient pas informés lorsqu'il y avait un risque de pénurie d'un médicament en particulier et que, par conséquent, il était difficile pour eux de trouver des médicaments de remplacement à la dernière minute. Pourriez-vous nous en parler un peu, vous et peut-être Mme Cooper?

M. Adams : Ce serait assurément une bonne chose d'être avisés plus tôt. Comme vous l'avez dit, nous avons tenu une réunion avec nos sociétés de spécialité, et nous avons appris soudainement, sans préavis, qu'il y avait une pénurie. Il a donc fallu, tant que bien que mal, trouver d'autres traitements disponibles. Ce serait donc une bonne idée.

Pour ce qui est des causes profondes, je ne crois pas qu'on ait d'idées claires là-dessus. La chaîne d'approvisionnement est assez complexe. Le recours à un fournisseur unique a été mentionné, mais il y a probablement d'autres facteurs en jeu qui méritent d'être examinés. Encore une fois, c'est un problème qui perdure.

Mme Cooper : J'ai participé au forum des spécialistes. Nous avons discuté des pénuries de médicaments, et les médecins ont soulevé ces problèmes dont nous, les pharmaciens, entendons toujours parler. C'est un enjeu important. Les pénuries de médicaments ont de graves répercussions sur la santé des patients. Imaginez les conséquences d'une pénurie dans le cas d'une personne épileptique qui fait une crise. Pensez à toutes les conséquences, non seulement sur sa santé, mais aussi sur tous les autres aspects de sa vie, par exemple, sa capacité de conduire. C'est un gros problème qui fait perdre énormément de temps aux médecins, aux pharmaciens et à d'autres, alors qu'il ne s'agit que d'obtenir des médicaments. C'est très complexe. Ce n'est pas un phénomène qui se limite au Canada; c'est un enjeu mondial.

Nous effectuons beaucoup de travaux à ce chapitre. Nous dirigeons une coalition depuis maintenant quelques années en étroite collaboration avec l'AMC. Nous avons mené des sondages conjoints auprès de nos membres. Nous sommes maintenant très engagés auprès de Santé Canada et de la province de l'Alberta, qui dirigent conjointement les travaux du point de vue du gouvernement. Ce n'est pas un problème facile à régler.

Il existe un site web national sur les pénuries de médicaments. Toutefois, la situation est loin d'être optimale. Nous avons besoin de davantage de rapports, et ces rapports doivent être plus faciles à consulter. Nous devons y apporter certaines améliorations, surtout en ce qui concerne les autres traitements disponibles.

La sénatrice Cordy : Et à ma connaissance, cette information n'est pas toujours à jour.

Mme Cooper : En effet. Cependant, c'est un début, et c'est mieux que rien. C'est certain qu'il y a place à l'amélioration. Nous le répétons sans cesse; ce site web de surveillance doit être amélioré et contenir tous les rapports des fabricants afin que les médecins soient informés des mesures à prendre en cas de pénurie.

La sénatrice Cordy : Monsieur Adams, vous avez également indiqué qu'un Canadien sur dix n'avait pas les moyens d'acheter ses médicaments sur ordonnance. Je sais que ces chiffres sont plus élevés dans les provinces maritimes qu'ailleurs au Canada. Je suis originaire de la Nouvelle-Écosse, et c'est une grande préoccupation. Je suppose que les gens n'achètent pas les médicaments dont ils ont besoin ou qu'ils se tournent vers Internet pour obtenir des médicaments à moindre coût, qui sont non seulement plus ou moins efficaces, mais qui peuvent aussi leur causer du tort.

Devrions-nous mettre en place une stratégie pharmaceutique à l'échelle nationale?

M. Adams : La position que nous présentons dans notre mémoire va dans le même sens que la recommandation du sénateur Kirby de 2002, selon laquelle le gouvernement fédéral devrait financer 90 p. 100 des dépenses en médicaments d'ordonnance au-delà d'un certain seuil, tant pour les régimes public que privé. À l'heure actuelle, 42 p. 100 de la facture de médicaments d'ordonnance est couverte par le secteur public. En gros, 9 milliards de dollars sont payés par les assurances privées chaque année et 5 milliards de dollars sont assumés par les consommateurs. Le régime public n'est pas une solution viable. Premièrement, je ne crois pas qu'il y ait un pays industrialisé dans le monde qui offre une couverture intégrale. Par exemple, en Angleterre, le National Health Service, NHS, perçoit 7,62 livres pour les médicaments d'ordonnance. Nous sommes d'avis que les régimes privés doivent continuer d'exister. Par conséquent, la proposition du sénateur Kirby serait une bonne option.

La sénatrice Cordy : Je siégeais aux côtés du sénateur Kirby; j'allais le mentionner.

M. Adams : Je crois que vous avez fait du bon travail.

La sénatrice Cordy : Je suis très heureuse que vous en ayez parlé, parce que j'estime que c'est également une très bonne solution que les provinces devraient mettre de l'avant.

M. Adams : Très rapidement, je dirais que c'est le type de régime que le Nouveau-Brunswick essaie de mettre en place en ce moment, le modèle du Québec. C'est ce qui mènerait à la recommandation de votre comité.

Mme Cooper : Nous appuyons également cette recommandation; chose certaine, nous avons besoin d'un meilleur système où les gens ont accès à des médicaments abordables. Aucun Canadien ne devrait être privé des médicaments dont il a besoin pour des raisons financières. Et on ne parle pas ici de médicaments dispendieux pour traiter des maladies rares. Il s'agit souvent de médicaments relativement peu dispendieux, mais pour des gens qui souffrent de maladies chroniques, c'est problématique. N'empêche qu'il faut également prescrire les bons médicaments. Souvent, les patients se font prescrire des médicaments de marque dispendieux alors qu'il existe un médicament générique, dans la même catégorie, qui est tout aussi efficace et qui est 15 à 20 p. 100 moins cher que le médicament de marque. Ce sont des médicaments qui ont un bon rapport coût-efficacité.

Les pharmaciens passent beaucoup de temps à communiquer avec les médecins lorsque les patients n'ont pas les moyens d'acheter leurs médicaments et à leur proposer d'autres médicaments tout aussi efficaces.

La sénatrice Nancy Ruth : J'aimerais revenir sur cette idée de communication entre les pharmaciens et les médecins, parce que vous avez parlé de « pratiques d'équipe », de « collaboration » et de « mesures proactives ».

Supposons que je vous présente une ordonnance et que vous jugez, pour quelque raison que ce soit, que ce médicament ne me convient pas du tout, que faites-vous? Est-ce que vous communiquez avec le médecin pour lui dire que je prends déjà tel ou tel médicament et que, par conséquent, il ne devrait pas me prescrire ce médicament?

M. Emberley : En tant que pharmaciens, nous communiquons souvent avec les médecins prescripteurs afin de clarifier des ordonnances et de faire des suggestions dans le cas où les patients n'ont pas les moyens d'acheter leurs médicaments. Nous maintenons une communication ouverte. Au bout du compte, ce que nous voulons, c'est le bien du patient. Nous voulons que le patient sorte de la pharmacie avec les médicaments qui répondent le mieux à ses besoins.

Mme Cooper : J'ai parlé de l'importance du système d'ordonnances électroniques, qui comprend également les communications entre les médecins et les pharmaciens. À l'heure actuelle, nous écrivons une note à la main que nous envoyons ensuite par télécopieur au cabinet du médecin. Le médecin en prend connaissance, puis nous retourne la note avec le changement à la prescription. Je considère que c'est loin d'être la meilleure méthode.

Le président : Je suis certain que vous verrez de nombreuses recommandations dans nos récents rapports au sujet de la communication électronique. Nous sommes convaincus de la nécessité de cette façon de faire, et ce que vous faites renforce cette idée.

La sénatrice Nancy Ruth : Si je puis me permettre, si cette information est transmise par voie électronique, est-ce qu'elle sera ajoutée à mon dossier, de sorte que quiconque peut le consulter y aura accès?

Mme Cooper : Cette information serait inscrite au dossier médical électronique de votre médecin et au système logiciel de votre pharmacie, mais cela ne signifie pas que tout le monde y aura accès. Il y a des niveaux de renseignements auxquels on a accès par le biais des dossiers médicaux électroniques, et les notes qu'un médecin ou un pharmacien inscrit ne peuvent pas être vues par tout le monde.

La sénatrice Nancy Ruth : Est-ce que la dernière recommandation se retrouverait sur les deux serveurs?

Mme Cooper : Oui, le changement apporté à la prescription et la raison de ce changement y seraient consignés.

La sénatrice Nancy Ruth : Par conséquent, si je consulte un autre médecin la prochaine fois, il pourrait voir cette note?

Mme Cooper : Dans certaines provinces, oui.

La sénatrice Nancy Ruth : Si on avait un système comme en Colombie-Britannique.

Mme Cooper : Effectivement.

Le président : Mettons les choses au clair : il y a un dossier médical électronique, c'est ce dont il est question ici. Un dossier de santé électronique est totalement différent. Cela n'existe pas encore au Canada. Il y a certains endroits où on en est à un stade plus avancé que d'autres. Nous avons abordé cette question de façon détaillée dans nos derniers rapports. C'est une question cruciale, madame la sénatrice. Nous avons formulé des recommandations importantes à cet égard et, à notre avis, il est inconcevable que nous soyons encore aussi loin derrière à ce jour.

Étant donné que nous traitons aujourd'hui des conséquences inattendues, je propose que nous revenions à nos moutons; n'empêche, il s'agit d'une question très importante, madame la sénatrice.

La sénatrice Seth : Peu importe notre sujet de discussion, nous revenons toujours au système électronique de données, que nous avons assurément besoin de mettre en place si nous voulons travailler en collaboration.

J'aimerais maintenant parler de la possibilité de contrôler l'utilisation excessive et le mauvais usage des antibiotiques dans l'élevage. En 2011, l'Association médicale canadienne a proposé qu'on exige que les vétérinaires prescrivent l'utilisation des antibiotiques à des fins d'élevage. Est-ce une étude que l'AMC continue d'appuyer?

Mme Toombs : Absolument.

La sénatrice Seth : Y a-t-il des gens qui s'y opposent? Pourriez-vous nous en parler davantage?

Mme Toombs : Je crois que cela s'explique par le fait qu'aujourd'hui, les agriculteurs peuvent se procurer de grandes quantités d'antibiotiques sans prescription. C'est une situation à laquelle nous devons à tout prix remédier.

La sénatrice Seth : J'aimerais connaître la méthode de prescription en ce qui concerne la majorité des animaux. Comment procède-t-on?

Mme Toombs : Je crains de ne pas pouvoir répondre à votre question. Je suis désolée.

La sénatrice Seth : D'après le site web de la FOMC, l'organisation adopte et favorise une approche nationale en ce qui a trait à la réglementation médicale. Quels types de règlements pourrait-on élaborer afin d'empêcher la surconsommation et l'usage abusif de médicaments?

Mme Lefebvre : Les médecins sont assujettis à plusieurs réglementations. Premièrement, ils doivent établir des prescriptions en se fondant sur leur connaissance des meilleures preuves disponibles relativement aux indications et aux contre-indications d'un médicament précis pour une population de patients en particulier, selon le patient qui se trouve devant eux. En moyenne, les médecins font cela assez bien, mais beaucoup de renseignements entrent dans le système, et ce, à un rythme très accéléré. Les directives que nous élaborons sont loin d'être seulement quelques éléments d'information essentiels dont Janet a parlé. Il s'agit d'un gros document, qui satisfait toutefois les exigences en matière de preuves et d'expertise sur le plan de l'élaboration de directives.

La population exerce des pressions. Certains médecins ne suivent pas les directives, mais ils constituent une minorité. Nous avons tendance à déterminer quels groupes de médecins ont besoin d'un peu plus de surveillance que d'autres. Nous savons que c'est le cas des médecins de plus d'un certain âge. Nous avons besoin de jeter un coup d'œil sur leurs pratiques parce qu'ils ont tendance à soigner les patients de la manière qu'ils l'ont toujours fait. Quoi qu'il en soit, selon nos données, la plupart des médecins soignent leurs patients plutôt bien.

Toutefois, beaucoup de choses ne tournent pas rond sur le plan des ordonnances, ce qui est un gros problème. Nous ne cesserons de vous dire que ce n'est pas seulement la faute des organismes de contrôle. Nous devons travailler en équipe, avec le pharmacien, les autres membres de l'équipe, les fournisseurs et les gouvernements.

Santé Canada réglemente les médicaments au pays. Nous réglementons qui a le droit de les prescrire, mais Santé Canada réglemente ce qu'ils peuvent prescrire. N'abordez surtout pas la question de la marijuana à des fins médicales, d'accord?

M. Emberley : À mon avis, il est important de comprendre que la prescription initiale est souvent tout à fait salutaire. Par exemple, une personne peut avoir eu un accident de voiture et on lui a prescrit un opiacé pour une raison très légitime et très acceptable. Or, au cours du traitement, il peut arriver que le traitement devienne problématique. Selon moi, nous n'avons probablement pas bien fait ce qu'il fallait concernant les utilisations problématiques de médicaments dans le passé, mais maintenant, nous cherchons les meilleures façons de traiter les dépendances et d'aider les gens à arrêter de prendre des médicaments de ce genre. Il s'agit presque d'une science émergente, mais je demeure optimiste que nous commençons à aller dans la bonne direction et à travailler ensemble dans l'objectif d'aider ces patients à être en mesure d'arrêter de prendre de tels médicaments.

Mme Lefebvre : Ou de faire en sorte qu'ils n'en deviennent pas dépendants pour commencer.

Le président : Avant d'aller plus loin, j'aimerais obtenir quelques éclaircissements. Madame Cooper et monsieur Emberley, j'aimerais revenir à deux ou trois choses que vous avez soulevées. Je commence par la question qui vous a poussé à faire un commentaire que nous considérons extrêmement important, et je tiens à ce que vos propos relatifs aux fournisseurs des pharmaciens soient clairement inscrits au compte rendu. Vous avez dit que seules les sociétés ayant obtenu un certificat reconnu de Santé Canada peuvent compter parmi vos fournisseurs. Pourriez-vous formuler cela correctement, s'il vous plaît?

Mme Cooper : D'accord. Les seuls produits pharmaceutiques que les pharmacies — tant les pharmacies des hôpitaux que les pharmacies commerciales — peuvent acheter et vendre sont ceux dont la vente a été approuvée au Canada. On doit leur avoir attribué un numéro d'identification du médicament ou un numéro de produits de santé naturels — des produits ayant obtenu une approbation de ce genre. Tout doit passer par les organismes de réglementation des pharmacies; c'est tout ce qu'on a le droit de vendre.

Le gouvernement fédéral a prévu une procédure à suivre pour pouvoir faire venir un médicament dont l'utilisation n'a pas été approuvée au Canada. Or, la procédure est réservée à des cas d'urgence et à des programmes très spéciaux.

Les pharmacies achètent les médicaments soit directement des fabricants, soit, comme c'est le cas la plupart du temps, d'un grossiste réglementé qui distribue ceux qu'il achète des fabricants. Encore une fois, il s'agit seulement de médicaments dont l'utilisation a été approuvée au Canada, qui ont obtenu leur avis de conformité auprès de Santé Canada et leur autorisation de mise sur le marché.

Le président : Nous comprenons que le médicament — la nature de celui-ci — doit être approuvé. C'est la dénomination chimique qui est approuvée. Une formule est approuvée. Toutefois, revenons à ce fournisseur. Un fournisseur dit qu'il fournit au groupe pharmaceutique un médicament approuvé. Comment le fournisseur peut-il prouver que Santé Canada a approuvé l'importation de ses produits? Qu'est-ce qui prouve que les produits qu'il fournit se plient aux exigences et aux normes du médicament qui a été approuvé?

Mme Cooper : Tout cela fait partie du processus d'homologation de Santé Canada, qui passe par la Direction des produits thérapeutiques et la réglementation que Santé Canada met en place pour les produits du fabricant qui sont sur le marché. Si un pharmacien reçoit un produit sur lequel ne figure aucun numéro d'identification du médicament, celui- ci est certainement suspect. À mon avis, cela n'arrive pas très souvent, mais l'approbation requise pour mettre un produit sur le marché est accordée par le gouvernement.

Le président : Ce serait donc à Santé Canada et non pas aux associations pharmaceutiques à tester les produits qui entrent au pays pour voir s'ils respectent les normes du ministère?

Mme Cooper : Non, elles ne peuvent pas en faire. La FDA effectue beaucoup plus de tests que Santé Canada, et c'est en prenant connaissance des directives des États-Unis que nous découvrons que certains produits canadiens sont problématiques.

Le président : Nous allons poursuivre cette question, mais je tenais à ce que vous confirmiez comment cela se fait, pour éviter toute divergence à ce sujet.

J'aimerais également obtenir une clarification relativement à la question que deux ou trois sénateurs ont posée à l'égard des antibiotiques pour les animaux. Il existe deux catégories, n'est-ce pas? Il y a les achats en masse par des distributeurs de matériel qui est distribué aux exploitations agricoles en grandes quantités sans devoir présenter des ordonnances à des pharmaciens. Qu'en est-il des ordonnances pour Milou, l'animal de compagnie de la famille? Ces ordonnances sont délivrées par un vétérinaire, mais qui les exécute?

M. Emberley : Elles peuvent être exécutées de deux façons. Elles peuvent être exécutées à la clinique du vétérinaire, ce qui se fait très souvent. Beaucoup de pharmacies vont aussi exécuter ces ordonnances. J'exécute des ordonnances pour animaux de compagnie. Je ne pourrais dire quel pourcentage de personnes procèdent d'une façon ou l'autre, mais les deux options sont possibles.

Le président : Ce que je veux dire, c'est que lorsqu'on traite un animal pour une maladie ou une blessure bien précise, il faut passer par la délivrance et l'exécution d'une ordonnance, n'est-ce pas?

M. Emberley : Oui.

Le président : Merci beaucoup. Je le répète, par souci de clarté, il est très important d'obtenir ces réponses.

Un problème a été soulevé par des témoins précédents qui parlaient d'une autre conséquence involontaire de l'emploi des médicaments, soit la manière d'éliminer les produits qui n'ont pas été utilisés. On nous a indiqué que les pharmacies participent souvent à la mise en place d'un programme de récupération dans les collectivités. En tant que pharmacien, pourriez-vous nous parler un peu plus des solutions qui existent et nous dire ce que vous nous recommanderiez de faire pour encourager les gens à retourner et les pharmacies à récupérer les bouteilles d'ordonnances dont le contenu n'a pas été complètement consommé par le patient auquel il était destiné?

M. Emberley : J'aimerais dire que j'ai travaillé dans beaucoup de pharmacies au cours de ma carrière, et presque toutes avaient mis en place un système volontaire. Elles participaient à un système en vertu duquel tous les médicaments retournés étaient acceptés, même s'ils n'avaient pas été achetés dans la pharmacie où ils étaient retournés. Nous encouragions nos patients à retourner tout ce qui n'avait pas été utilisé. En général, nous avions signé un contrat avec un organisme d'élimination. Le produit était incinéré par des professionnels et éliminé de façon à ce qu'il soit impossible de l'utiliser à d'autres fins. Cette façon de faire est extrêmement courante au Canada, et les patients sont encouragés à retourner tout excédent. Tout ce qui reste sur la tablette d'une armoire à pharmacie à la maison est susceptible d'être utilisé par d'autres membres de la famille; le produit peut être périmé et nocif. Les médicaments non utilisés peuvent provoquer de graves conséquences.

Le président : Absolument. Vous avez indiqué qu'il s'agit d'une approche volontaire, qui peut varier d'une pharmacie à l'autre. D'après votre expérience avec celle-ci, qu'est-ce que vous recommanderiez comme approche nationale délibérée — à défaut d'un meilleur terme — pour régler le problème? Il faudrait qu'elle comprenne un volet de sensibilisation, mais il faudrait élaborer un plan délibéré visant à encourager le retour des produits pharmaceutiques non utilisés. Avez-vous une idée de la forme que pourrait prendre une telle approche?

M. Emberley : À ma connaissance, aucune organisation du Canada n'a jamais été mandatée de faire cela. Comme moi, bon nombre de pharmaciens considèrent que c'est ce qu'il convient de faire. Certains pharmaciens croient que les fabricants devraient jouer un rôle à ce chapitre. Puisque ce sont eux qui vendent les médicaments, ils devraient aussi participer à la récupération des médicaments non utilisés, surtout compte tenu de l'incidence environnementale de l'utilisation de médicaments.

Mme Cooper : La population a été fortement sensibilisée à ce problème. Les chefs de police du Canada — ou quel que soit le nom de leur organisation — ont communiqué avec nous. Au mois de mai, ils aimeraient organiser un programme visant le retour des médicaments et travailler en collaboration avec les pharmacies pour sensibiliser les gens davantage à celui-ci.

Des maisons sont cambriolées. Quand une personne atteinte du cancer décède et qu'elle prenait une forte dose de stupéfiants, les gens savent que ces médicaments sont encore dans sa maison. Il y a bien d'autres défis à relever en plus de trouver une façon appropriée d'éliminer ces produits. Il faut procéder à un nettoyage du printemps pour que les gens se rendent compte qu'il ne faut pas garder de médicaments périmés dans leur armoire de pharmacie parce que ceux-ci risquent d'entraîner l'empoisonnement d'enfants ou d'animaux domestiques et des conséquences involontaires. Tout doit être axé sur la sensibilisation.

Les pharmacies risquent de devoir engager d'importantes dépenses pour éliminer les médicaments, surtout quand les gens arrivent avec des sacs pleins. Les coûts d'élimination des médicaments devraient être financés par les gouvernements provinciaux ou le gouvernement fédéral.

Le président : Est-ce que vos fournisseurs sont tenus par la loi de reprendre les médicaments non utilisés?

Mme Cooper : Ils le sont dans les cas où les médicaments font encore partie de l'inventaire d'une pharmacie après leur date de péremption, sans avoir jamais quitté cet établissement; il existe une procédure à suivre, mais je ne la connais pas assez bien pour en parler. Quant aux produits qui ont été vendus, non, ils ne le seraient aucunement. Si quelqu'un retourne des médicaments à une pharmacie, les pharmaciens ne peuvent plus les vendre de nouveau. Ce sont seulement les produits qui sont restés sur place.

Le président : Je voulais dire les reprendre après qu'ils aient été retournés à la pharmacie.

M. Emberley : Non. Certains médicaments sont particulièrement problématiques. L'un d'entre eux est un timbre analgésique appelé Duragesic, ou fentanyl : même après que le timbre a été utilisé, il contient encore des substances actives. Voilà le genre de médicament qui peut facilement être utilisé à d'autres fins.

Dans la pharmacie où je travaille, nous reprenons ces timbres. Nous disons aux clients que, pour en vendre d'autres, nous devons d'abord avoir récupéré ceux qui ont été utilisés afin d'éviter qu'ils ne soient utilisés à d'autres fins.

Le président : Merci.

Le sénateur Eggleton : Voilà un des deux domaines dont je voulais parler. Votre réponse était très intéressante. Vous êtes une association pharmaceutique nationale. Jouez un rôle de chef de file. Créez un programme pour accroître la sensibilisation de la population.

Ma pharmacie ne m'a jamais invité à rapporter mes médicaments. Je suis certain que si j'en rapportais — ce que j'ai l'intention de faire —, les pharmaciens les reprendraient. Je ne crois pas que les gens connaissent ces programmes. Ils ont tendance à éliminer les médicaments en les jetant dans les toilettes ou à la poubelle, après quoi ceux-ci finissent par s'infiltrer dans les sites d'enfouissement de déchets.

J'espère que vous et les membres de votre association serez en mesure de lancer une campagne de ce genre. D'après ce que nous avons entendu, les médicaments sur ordonnance créent des problèmes dans notre réseau d'approvisionnement en eau. Nous allons nous pencher davantage sur ce problème en examinant des études qui ont été faites sur le sujet.

Permettez-moi de revenir à la question des pénuries de médicaments. La sénatrice Cordy voulait parler des thérapies de rechange. Vous avez dit que l'association des pharmaciens n'a pas établi de protocole à ce sujet. Votre objectif consiste à publier les renseignements concernant les produits qui ne sont pas disponibles ou qui risquent de ne pas être disponibles à l'avenir. Pour ce qui est de déterminer des thérapies de rechange, quand des représentants de l'industrie pharmaceutique ont comparu ici, ils nous ont dit qu'ils considèrent que c'est au médecin et au patient à les déterminer.

Quels conseils pourraient nous donner les deux autres organisations relativement aux médicaments de substitution dans un contexte de pénurie? Vous avez dit que c'était un problème grave. Nous sommes d'accord, mais il doit y avoir des solutions de rechange.

M. Adams : En toute franchise, je crois que cela relève davantage des sociétés de spécialité. Lors de la rencontre tenue récemment, ces gens-là ont parlé des différentes choses qu'ils avaient à faire. Ce serait un défi intéressant à leur lancer. Lors de sondages réalisés auprès de nos membres, une grande variété d'éléments ont été soulevés relativement aux pénuries. Je pense qu'il nous serait plutôt difficile d'imprimer une orientation en la matière. Les sociétés de spécialité seraient assurément mieux à même de le faire.

Mme Cooper : Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, notre organisation pourrait proposer des traitements de rechange. Nous pouvons compter sur quelque 200 médecins spécialistes qui contribuent à notre base de données factuelles. Nous pouvons donc miser sur leur apport et sur celui des sociétés de spécialité au sein desquelles ils jouent un rôle actif, mais le site web de surveillance des pénuries de médicaments est géré par le secteur des produits de marque et des produits génériques. Ce n'est pas notre site. Personne ne semble disposer à fournir le financement nécessaire pour que de l'information sur les traitements puisse être affichée sur ce site. Nous parlions cette semaine d'un médicament pour l'épilepsie en situation de pénurie; les renseignements thérapeutiques à ce sujet devraient être accessibles sur le site. Comment pouvons-nous sinon informer les professionnels des solutions de rechange qui s'offrent à eux lorsqu'un nouveau médicament doit être prescrit à un patient.

Le sénateur Eggleton : Vous estimez donc être capables de trouver ces solutions de rechange, mais il faudrait qu'on vous donne les moyens de les faire connaître.

Mme Cooper : Il faut que l'information soit communiquée, et cela pourrait se faire au moyen des dossiers électroniques, mais je ne vais pas revenir sur le sujet. Comme nous sommes un organisme sans but lucratif de taille relativement restreinte, nous n'avons ni la capacité ni les ressources nécessaires.

Le sénateur Eggleton : Vous avez donc besoin d'argent.

Mme Cooper : Oui. Nous répétons sans cesse aux gens de l'industrie pharmaceutique, tant du côté des produits de marque que des produits génériques, que ce ne sont pas les pharmaciens ou les médecins qui ont créé le problème et que nos membres ne devraient pas avoir à en faire les frais. Nous les exhortons donc à mettre l'information à la disposition des professionnels de la santé de telle sorte qu'ils puissent prendre des décisions éclairées.

Le sénateur Eggleton : Vous avez les connaissances voulues; il vous manque seulement les ressources.

Mme Cooper : Il faut que nous ayons accès aux gens qui sont au fait de la situation. En mobilisant les nombreux médecins spécialistes, nous pourrions rassembler l'information nécessaire et nous le faisons parfois, mais cela manque d'uniformité et les renseignements ne sont pas facilement accessibles.

Quand on voit tous ces médecins offrant des soins de santé primaires et ces pharmaciens, aussi bien dans la collectivité que dans les hôpitaux, qui passent un temps fou à chercher des médicaments et des traitements de substitution, on se dit qu'on gaspille vraiment des ressources de santé qu'il vaudrait mieux consacrer aux soins dispensés aux patients.

Mme Lefebvre : Non seulement gaspille-t-on des ressources en santé, mais le patient est également à risque. Certains attendent à la dernière minute pour renouveler leurs médicaments. Il ne leur en reste que pour deux jours à la maison, et ils apprennent que ce médicament qu'ils prennent depuis toutes ces années n'est plus disponible. Dans certains cas, ils doivent revoir leur médecin. Il faut agir rapidement, car c'est le patient qui pourrait en souffrir.

C'est un problème véritable que le médecin va s'efforcer de régler en gardant à l'esprit la santé du patient. Pour revenir au cas de ma mère, il lui est arrivé de devoir se passer d'antibiotiques pendant 10 jours.

Le président : Estimez-vous approprié que ce soit les sociétés pharmaceutiques qui gèrent le site web sur les pénuries de médicaments, ou croyez-vous que Santé Canada devrait s'en occuper comme la FDA le fait aux États-Unis?

Mme Cooper : Notre association estime que ce site web devrait demeurer pour l'instant à contribution volontaire. Si on réglemente le tout, la bureaucratie fera en sorte qu'il faudra sans doute de nombreuses années avant qu'il ne soit fonctionnel. Toutefois, si la formule actuelle ne fonctionne pas, nous devrions peut-être envisager un site réglementé.

C'est l'industrie qui devrait assumer cette responsabilité et afficher les pénuries de médicaments. Il est difficile de savoir exactement quand il y a pénurie. Il ne suffit pas qu'une pharmacie n'en ait plus; il y a peut-être un problème dans la chaîne d'approvisionnement, plutôt qu'une pénurie à l'échelle de la province ou du pays.

Je pense que les gens de l'industrie doivent signaler les pénuries sur ce site. Nous devons en outre collaborer avec eux, tant du côté de Santé Canada que de nos organisations de médecins et de pharmaciens, notamment, pour veiller à ce que les praticiens aient accès à toute l'information nécessaire et qu'on ne leur dise pas simplement qu'il y a pénurie. Il faut aussi qu'on leur présente les options possibles.

Le président : Lorsqu'il y a pénurie, divers médicaments peuvent être prescrits dans bien des cas courants, toujours selon la situation particulière du patient. Le problème ne vient-il pas notamment du fait que les options sont limitées par les listes de médicaments en vigueur dans les différentes provinces? Ces listes ne sont pas harmonisées et peuvent varier beaucoup d'une province à l'autre.

Ces listes qui restreignent les options disponibles ne contribuent-elles pas à compliquer les choses en situation de pénurie?

M. Emberley : Je pense que c'est effectivement chose possible. J'ai moi-même travaillé pour le régime provincial d'assurance-médicaments de la Colombie-Britannique et je peux vous dire que des modifications étaient apportées à la liste dans ces cas où les options étaient limitées et qu'un des médicaments possibles était en pénurie alors que l'autre ne figurait pas dans le formulaire. On pouvait ainsi inscrire de façon temporaire un médicament sur la liste pour composer avec la pénurie, car c'était la solution de rechange qui convenait le mieux. Il y a donc une certaine marge de manœuvre dans l'utilisation de ces listes de médicaments.

Le président : Combien de temps faut-il pour ce faire?

M. Emberley : Je dirais qu'on peut agir assez rapidement. Le changement peut être apporté en l'espace d'une semaine, voire de quelques jours. Il s'agit simplement d'inscrire le nouveau médicament ou d'enregistrer la modification dans le système, et il devient accessible sur-le-champ.

Le président : Mais nous sommes tous conscients que si un médicament est vraiment nécessaire pour une question essentielle de qualité de vie, comme dans les exemples que vous nous avez fournis, une semaine ça peut être un peu long.

M. Emberley : Effectivement.

Le président : J'aimerais tirer une chose au clair. Il y a de nombreux traitements pour lesquels plusieurs médicaments ont été approuvés par Santé Canada, mais il arrive souvent que les options soient limitées par les listes des provinces. Est-ce bien cela?

M. Emberley : Oui, tout à fait.

La sénatrice Seidman : J'allais vous parler moi aussi de pénuries de médicaments, mais j'aimerais tout de même vous dire que nous avons posé de nombreuses questions aux représentants de l'industrie concernant le site drugshortages.ca. Voici d'ailleurs ce que l'un d'entre eux nous a dit au début mars : « ...on peut recevoir à son adresse de courriel les alertes de pénuries aussitôt qu'elles sont publiées. J'ignore comment nous pourrions améliorer davantage la fonctionnalité du site web. » On soutient essentiellement que le site web offre une fonction d'alerte aux professionnels de la santé ou à toute autre personne intéressée, dès que l'information est disponible. J'essaie simplement de comprendre en quoi la fonctionnalité de ce site pose vraiment problème.

Mme Cooper : Il y a différentes difficultés associées au site web. Certaines sont uniquement d'ordre technique. Les fonctions de recherche ne sont pas aussi pratiques qu'elles pourraient être, il n'y a pas de menus déroulants et des choses semblables. Je reçois les courriels en question.

Sur une vingtaine d'alertes semblables qu'un médecin déjà très occupé peut recevoir en une semaine ou en un mois, il y en a peut-être une qui est pertinente à sa pratique, et peut-être pas du tout. Il faut que le message soit pertinent et accompagné des renseignements requis, sans quoi c'est juste un dérangement de plus. On vous informe qu'une nouvelle pénurie de médicaments a été affichée, mais ça ne vous dit pas grand-chose. Est-ce que mon patient sera incapable de faire exécuter son ordonnance? Il n'y a pas assez d'information. C'est mieux que rien, mais c'est encore insuffisant.

La sénatrice Seidman : D'une certaine manière, on vous inonde d'information, mais on ne vous fournit pas tous les renseignements dont vous avez besoin. Vous nous dites que toutes ces alertes peuvent être superflues, car il y en a peut- être une seule qui est pertinente pour vous?

Mme Cooper : Oui. Je pense que très peu de médecins, et encore moins de pharmaciens, connaissent même l'existence de ce service d'alerte auquel ils peuvent s'inscrire. Il n'y a certes pas 90 000 praticiens qui reçoivent régulièrement ces courriels. Les gens ne savent même pas que ces sources d'information existent.

La sénatrice Seidman : L'autre aspect de la problématique des pénuries de médicaments — et nous en avons parlé — est lié aux options possibles, aux médicaments de remplacement. Vous avez souligné que tous les professionnels de la santé doivent y consacrer beaucoup trop de temps. Vous avez dit que les spécialistes avaient un rôle à jouer.

Mais que proposez-vous exactement? Quelles mesures pourrions-nous prendre pour réduire ce fardeau pour tous les professionnels de la santé qui consacrent un temps excessif à la recherche de solutions de substitution?

Mme Cooper : Dans un monde idéal, on voudrait qu'il y ait moins de pénuries de médicaments, mais il y en aura toujours quoi qu'il arrive. Nous préconisons un système semblable à celui des États-Unis avec le site de la FDA sur les pénuries de médicaments. Le travail de l'American Society of Health System Pharmacists est également à souligner. Cette organisation nationale a un site où les pénuries de médicaments sont signalées et où l'on fournit des renseignements cliniques très pertinents quant aux options possibles. Nous aimerions pouvoir compter sur une information de cette qualité.

On aurait besoin de pharmaciens spécialisés qui pourraient trouver l'information nécessaire, l'afficher et répondre aux questions des spécialistes de la santé, qu'ils soient médecins ou pharmaciens, en leur indiquant les meilleures solutions de rechange. Y a-t-il vraiment pénurie? Tout cela est si complexe, sans compter qu'il faut bien sûr considérer l'état particulier de chaque patient. Il serait formidable d'avoir accès à un système semblable, mais cela ne va pas sans des investissements de quelques centaines de milliers de dollars par année, ce qui est à mon avis très peu d'argent considérant les coûts associés aux pénuries de médicaments. Chaque grand hôpital du Canada doit sans doute affecter l'équivalent d'un pharmacien travaillant à temps plein pour gérer les pénuries de médicaments et d'anesthésiques, notamment.

La sénatrice Seidman : Mais vous nous dites que c'est chose possible?

Mme Cooper : C'est tout à fait faisable.

La sénatrice Seidman : Au niveau des pharmaciens?

Mme Cooper : Pas seulement les pharmaciens, mais les médecins également. Il faut que les pharmaciens puissent communiquer les renseignements qu'ils accumulent au sujet des médicaments. Ils le font déjà au sein de leur propre milieu de travail.

M. Emberley : Ces ressources sont très importantes, mais il ne faut pas oublier que chaque patient est unique. Si un patient cardiaque n'a plus accès à ses médicaments, vous ne pouvez pas simplement lui dire que vous avez lu quelque part que l'on pouvait utiliser tel autre produit à la place. Il faut revoir le dossier pour prendre en compte les besoins uniques du patient, son diagnostic et sa médication. Il faut procéder de façon systématique.

Les pénuries entraîneront toujours un surcroît de travail, mais il faut trouver les ressources nécessaires pour simplifier les choses.

Le sénateur Enverga : J'ai une question qui a déjà été posée aux témoins qui vous ont précédé. C'est concernant l'usage inapproprié des médicaments. Nous avons appris récemment que l'OxyContin, un analgésique narcotique, a été retiré du marché et remplacé par l'OxyNEO qui contient le même ingrédient actif narcotique, mais se prête moins aux usages impropres.

Pouvez-vous nous expliquer comment cela fonctionne? Devrions-nous en faire une norme pour tous les médicaments pouvant causer une dépendance? J'aimerais juste mieux savoir à quoi m'en tenir.

M. Emberley : L'OxyNEO a été conçu dès le départ dans l'optique de réduire les risques d'usage inapproprié. Tout le monde était conscient des risques associés à l'OxyContin du fait qu'il pouvait être broyé avant d'être reniflé ou injecté. Comme le problème était bien connu, cette nouvelle formulation a été pensée de manière à éviter ce genre de manipulations que permettait le médicament précédent.

D'après ce qu'on peut entendre, surtout en provenance des États-Unis, la stratégie fonctionne. L'OxyContin n'est plus un problème, et l'OxyNEO n'est pas une cible pour ces gens qui entraient par effraction dans les pharmacies afin de dérober ces médicaments ou qui rédigeaient de fausses prescriptions pour s'en procurer. La situation semble beaucoup moins problématique.

Le changement a malheureusement eu comme conséquence imprévue d'amener les gens à se tourner vers d'autres types de narcotiques pour leur consommation. L'OxyContin est moins ciblé qu'auparavant, ce qui semble indiquer que la stratégie adoptée avec l'OxyNEO était valable. Cela a en effet contribué à atténuer certains des problèmes importants que causait l'OxyContin.

Mme Toombs : Selon certains professionnels de la santé auxquels j'ai pu parler, Santé Canada devrait envisager dorénavant l'approbation de versions inviolables de tous les opioïdes.

Ce n'est peut-être pas la solution à tous les maux, car certains vont se tourner vers l'héroïne ou autre chose, mais comme cette façon de faire s'est révélée efficace, nous y serions favorables.

Mme Cooper : La semaine dernière, nous avons répondu à une consultation de Santé Canada concernant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Nous avons alors soulevé le problème qui s'est posé lorsque l'OxyNEO est arrivé sur le marché et que l'on a ensuite autorisé la commercialisation de la version générique de l'OxyContin au Canada. On s'est donc retrouvé avec un produit comme l'OxyNEO spécialement conçu pour régler un problème bien précis, et Santé Canada qui n'avait aucun moyen d'empêcher la commercialisation de la version générique d'un produit qui n'a pas été soumis aux mêmes mesures de contrôle. Nous estimons que Santé Canada devrait pouvoir agir.

En fait, Santé Canada peut considérer les aspects sociétaux de la commercialisation d'un médicament, au-delà de son autorisation à titre de produit générique. Il y a certains mécanismes de contrôle en place. Qu'est-ce qui est le mieux pour les Canadiens et le Canada? La ministre a indiqué qu'elle ne pouvait rien n'y faire. Elle en a approuvé l'utilisation au Canada et nous ne pensons pas que ce soit une bonne chose.

Le président : Est-ce que Santé Canada tient compte des risques et des bienfaits possibles d'un médicament avant d'en approuver l'utilisation?

Mme Cooper : Dans le cas de ce produit, le processus d'approbation avait déjà été mené à terme pour le médicament d'origine.

Le président : Mais la suite des choses a démontré que les risques pouvaient dépasser les bienfaits possibles, n'est-ce pas?

Mme Cooper : Je ne pense pas que ce critère des risques et bienfaits ait été pris en compte dans ce cas particulier. Je n'ai pas tous les détails.

Le président : Je me rends compte que j'aborde un sujet dont nous n'avons pas traité, mais disons que c'était une simple observation.

Le sénateur Enverga : C'est assez troublant. Est-ce que les médecins ont signalé la situation à Santé Canada comme ils l'ont fait dans le cas de l'OxyContin?

Mme Toombs : Tout comme l'Association des pharmaciens du Canada, l'AMC a répondu il y a quelques semaines à la consultation au sujet de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Nous souhaiterions d'une manière générale que cette loi resserre un peu les exigences touchant l'approbation de certaines substances réglementées. La conception de versions inviolables n'est qu'un exemple; on pourrait aussi exiger davantage d'inspections de suivi ou d'études préalables à l'approbation dans le cas des médicaments réglementés ou de ceux pouvant avoir un usage narcotique. Les mécanismes contrôlant l'accès au marché pourraient être resserrés sous bien des aspects.

M. Emberley : Si je puis me permettre d'ajouter quelque chose, je crois qu'il y a eu des précédents sur le marché canadien. À une certaine époque, on trouvait sur le marché un produit appelé Talwin Compound, un narcotique qui se prêtait facilement aux usages inappropriés en raison de sa formulation particulière. On retrouvait au centre une minuscule pastille d'opiacé. Les gens rognaient tout ce qui avait autour pour faire fondre ensuite cette petite pastille et se faire une injection. C'est pour cette raison que le médicament a été retiré du marché canadien et n'est plus disponible. Comme nous avons déjà pris des mesures semblables, rien ne nous empêche de le faire encore.

Le président : Voilà un excellent exemple. Merci beaucoup.

Le sénateur Enverga : Nous devons faire quelque chose.

Le président : Je pense qu'il y a des pistes de solution possibles si nous nous assurons de maintenir le cap. C'est certes un aspect sur lequel nous pourrions nous pencher et formuler des recommandations.

Un grand merci d'avoir répondu aussi clairement et ouvertement à nos questions sur ces sujets très importants. Je remercie également mes collègues pour leurs questions.

Sur ces bonnes paroles, je vais mettre fin à la séance.

(La séance est levée.)


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